LÉSIONS DU MÉTATARSE ET DES PHALANGES

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LÉSIONS DU MÉTATARSE ET DES PHALANGES
LÉSIONS DU MÉTATARSE ET DES PHALANGES
LUXATIONS DU MÉTATARSE
Les luxations du métatarse sont fréquentes. Le classique mémoire de Quénu et de Kûss (1909)
montre à quel point le problème théorique est complexe.
Un seul, plusieurs ou tous les métatarsiens peuvent être lésés. Le déplacement peut se faire en
dehors, en dedans, à la face plantaire ou à la face dorsale. Souvent il est mixte, et les combinaisons
possibles sont innombrables.
En fait, quelques variétés sont fréquentes, les autres exceptionnelles. D'ailleurs, le seul point
intéressant est de les reconnaître et de savoir les réduire.
Mécanisme. — Les luxations du métatarse succèdent habituellement à une chute en sol inégal. Le
mécanisme est complexe ; ainsi, dans une chute de cheval, au choc se combine la torsion par l'étrier.
La direction du traumatisme et son point d'application déterminent la variété anatomique. Parfois tous
les métatarsiens luxés se déplacent dans le même sens et parfois ils divergent.
VARIÉTÉS AN ATOMO-CLI NIQUES
Luxation dans le même sens de la totalité des métatarsiens.
Lésions. — Presque toujours les métatarsiens se luxent en haut et en dehors. C'est la variété dorsale
externe qui représente 50 % des luxations métatarsiennes. Elle semble produite par un choc appliqué
en dedans de la colonne interne (fig. 343).
Symptômes. — Le pied apparaît impotent, douloureux, gonflé, ecchymo-tique. Il est élargi et
raccourci. On y reconnaît la saillie dorsale des bases métatarsiennes, la forte saillie externe de
l'apophyse du cinquième métatarsien. Au bord interne, on note une dépression située en avant du
premier cunéiforme. La plante est convexe.
Luxation divergente (fig. 344). — Elle représente 40 % des cas. Le choc qui la produit est axé dans le
premier espace interdigital.
Lésions. — Le premier métatarsien est luxé en dedans, les quatre autres en dehors. Il y a donc
diastasis entre la base du premier et du deuxième métatarsien. Quénu et Kuss remarquent que ce
diastasis existe très souvent dans les autres variétés et doit être systématiquement recherché sur la
radiographie.
Fig. 343. — dorsale externe.
Fig. 344. — Luxation divergente Luxation
Fig. 345. — Luxation columno-spatulaire.
Parfois, dans la luxation divergente, le premier métatarsien entraîne avec lui le premier cunéiforme et
le tubercule interne du scaphoïde (luxation columno-spatulaire de Quénu et Kùss) (fig. 345).
Symptômes. — Le premier métatarsien fait saillie en dedans, le cinquième en dehors. L'avant-pied
est considérablement élargi et, en même temps, raccourci. Le premier espace est largement ouvert,
anormalement dépressible, par rapport au pied sain.
Fig. 346. — Luxation en dehors des quatre métatarsiens externes le premier restant en place.
Fig. 347. — Luxation isolée du premier métatarsien.
Fig. 348. — Luxation isolée plantaire externe du cinquième métatarsien,
Autres luxations. — 1° Luxation en dehors des quatre métatarsiens externes, le premier restant en
place (fig. 346). — Le choc frappe la face interne du deuxième métatarsien. Les symptômes sont
analogues à ceux de la luxation dorsale externe totale, mais le bord interne est normal.
2° Luxation isolée du premier métatarsien. — Elle se fait en dedans, ou à la fois en dedans et en bas
(fig. 347).
3° Luxation isolée du cinquième métatarsien. — Elle est plantaire (fig. 348). En fait, dans ces deux
dernières variétés, la radiographie mettrait toujours en évidence une luxation divergente vraie (Quénu
et Kùss).
LÉSIONS ASSOCIÉES. ÉVOLUTION
Les lésions associées sont fréquentes. Si la peau est rarement ouverte, les ligaments sont tiraillés,
décollés, déchirés partiellement ou totalement. Ils peuvent s'interposer entre les surfaces et faire
obstacle à la réduction. Les muscles pédieux et interosseux sont fréquemment contus ou déchirés.
Le tendon du jambier antérieur peut être désinséré, coupé ou refoulé derrière le premier métatarsien.
Celui du jambier postérieur est parfois rompu et la gaine du long péronier latéral ouverte. Quant aux
extenseurs, la saillie des luxations dorsales les tend comme le ferait un chevalet.
Une déchirure de l'artère pédieuse peut provoquer un gros hématome dorsal.
Les fractures associées doivent être systématiquement recherchées : arrachement parcellaire ou
fracture totale de la base du premier métatarsien, fracture du premier cunéiforme, du tuberculi
scaphoïdien, de la base des derniers métatarsiens.
Presque toujours, les orteils voisins de l'interligne de Lisfranc subissent entorses ou subluxations.
On demandera donc systématiquement un cliché de face et de profil, et une vue dorso-plantaire
prétibiale, centrée sur l'interligne de Lisfranc.
Le pronostic fonctionnel est bon dans les luxations non compliquées précocement et exactement
réduites. Les luxations insuffisamment réduites sont capables, classiquement, d'une certaine
adaptation fonctionnelle. Néanmoins, l'incapacité partielle permanente peut aller jusqu'à 20 %.
TRAITEMENT
Réduction orthopédique. — Elle est pratiquée d'urgence, sous anesthé-sie générale.
La luxation d'un seul métatarsien (1er ou 5e) est aisée à réduire par traction sur l'orteil correspondant
et pression sur la base du métatarsien luxé.
Dans les luxations totales, la complexité de l'interligne de Lisfranc rend la manœuvre difficile. Le plus
simple est de diviser la réduction en plusieurs temps, comme le conseille le Professeur Merle
d'Aubigné.
Une sangle fait contre-extension au niveau du cou-de-pied. On réduit le premier rayon par traction sur
l'orteil et pression sur la base du métatarsien. Saisissant ensuite la palette externe, on la réduit à son
tour. L'immobilisation plâtrée sera de trois semaines pour une luxation simple, de six semaines quand
existent des fractures métatarsiennes associées.
Des lésions ligamentaires importantes rendent la réduction instable. Certains auteurs la fixent par des
broches percutanées, incluses dans le plâtre. Ils les enlèvent au bout de trois semaines et font un
nouveau plâtre pour trois nouvelles semaines. Si la réduction est imparfaite, il ne faut pas hésiter à la
reprendre par voie sanglante.
Réduction sanglante. — Elle s'adresse aux formes irréductibles ou instables (Merle d'Aubigné, Judet,
Le Cœur, Decoulx). Par voie dorsale, généralement antéro-postérieure, on lève les interpositions
éventuelles, on excise les débris capsulaires, on réduit la luxation. Il faut ménager au maximum la
vascularisation de la peau. Notre conduite est la suivante :
a) Lorsque les surfaces articulaires ne sont pas lésées, on les réintègre simplement. On fixe la
réduction par une broche, que l'on enlève au bout de quelques jours, ou par un simple catgut chromé.
Le plâtre est conservé un mois.
b) Lorsque existent des lésions articulaires notables, on complète l'intervention en avivant les
surfaces. La marche est possible dans le plâtre au bout de quelques jours. L'appareil est enlevé à la
fin de la sixième semaine.
Luxations anciennes. — Une réduction imparfaite est cause de déformations et de douleurs. Nous
pratiquons une arthrodèse de l'articulation de Lisfranc par la voie transversale dorsale ed
métatarsectomie. S'il existe un pied creux notable, on le corrige dans le même temps. Mais dans les
séquelles de luxations, l'os est de mauvaise qualité. La consolidation ne demande pas moins de 2
mois d'immobilisation plâtrée.
FRACTURES DES MÉTATARSIENS
Elles sont fréquentes et peuvent laisser d'importantes séquelles en l'absence d'un traitement correct.
SYMPTOMES ET ÉVOLUTION
La douleur spontanée, l'impotence fonctionnelle sont immédiatement des plus variables. L'œdème
précoce dessine parfois le trajet du métatarsien. L'ecchymose apparaît rapidement à la face dorsale
du pied, mais n'atteint la plante que beaucoup plus tard (A. Mouchet). Plus typique est l'ecchymose
interdigitale en languette.
La douleur est recherchée par un triple geste : exploration de la face dorsale du métatarsien,
exploration bi digitale (un doigt à la face dorsale, un doigt à la face plantaire de l'os), pression d'avant
en arrière à l'extrémité de l'orteil.
Fig. 349. Fig. 350.
Fractures du premier métatarsien. Fractures du cinquième métatarsien.
Le déplacement est difficile à préciser, en raison du gonflement. La radiographie affirme la fracture et
précise la variété (fig. 349, 350, 351). Il faut regarder le cliché avec la plus grande attention, car une
fracture sans déplacement risque de passer inaperçue.
Il faut bien connaître les séquelles possibles :
1° Les simples fissures non immobilisées donnent un cal hypertrophique, en massue. Il comprime les
espaces intermétatarsiens, provoque de l'œdème, rend la marche pénible et ne régresse qu'en six à
Fig. 351. — Fractures douze mois. Si, par contre, on immobilise des métatarsiens moyens.
strictement, l'évolution est différente : un
a. Transversales. large espace interfracturaire se constitue en En'v^ tro*s ou 1uatre semaines, puis
se comble progressivement. Le cal sera peu volumineux.
d. Par torsion.
Lorsqu'un important déplacement est bien réduit, l'espace interfractu-raire est, au bout d'un mois,
beaucoup plus étroit que dans les fractures sans déplacement. Peut-être est-ce le fait de la
contraction musculaire qui presse l'un contre l'autre les deux fragments (Bœhler).
2° La traction des extenseurs tend à former une angulation plantaire que le cal fixera. L'appui devient
extrêmement douloureux.
3° La fracture du premier métatarsien peut classiquement déterminer un pied plat traumatique. Cette
complication est bien théorique. Par contré, une pseudarthrose donne un syndrome d'insuffisance du
premier métatarsien.
4° Nous avons observé d'assez nombreuses fractures anatomiquement réduites et qui laissaient
d'importantes séquelles. L'immobilisation prolongée enraidit en effet les articulations métatarsophalangiennes, charnières sans lesquelles le déroulement du pas ne peut être normal. La marche est
gênée et souvent douloureuse.
Le traitement est donc dominé par deux notions : 1° nécessité de rétablir un axe normal ; 2° nécessité
de préserver la mobilité des articulations métatarso-phalangiennes.
Nous étudierons séparément les diverses variétés. Elles posent, en effet, des indications différentes.
VARIÉTÉS ANATOMO-CLINIQUES
La fracture de marche. — Encore appelée « pied forcé » et improprement maladie de Deutchlander,
elle fut décrite par Bretthault en 1855. Les médecins militaires allemands et français de la fin du xixe
siècle l'étudièrent minutieusement.
Fig. 352. — Fracture « pied forcé ». Evolution du cal.
a. Pied forcé.
b. Le cal est d'abord hyper-trophique.
c. Il se résorbe en plusieurs mois.
Le trait, extrêmement fin, divise l'un des métatarsiens moyens (en général le second). Il siège sur le
col ou sur la partie antérieure de la diaphyse (fig. 352). La fracture survient au cours d'une marche,
sans cause appréciable. Il s'agit typiquement de soldats peu entraînés. Mais on l'observe aussi chez
de jeunes femmes porteuses de hauts talons.
L'impotence immédiate est très variable. L'absence de traumatisme évident, la présence d'un
gonflement notable pourraient induire en erreur et faire penser à une lésion inflammatoire. Il faut
rechercher la douleur exquise en palpant entre deux doigts le métatarsien. Sur le cliché, le trait peut
être difficilement visible. Bœhler conseille de s'aider d'une loupe.
En l'absence d'immobilisation, apparaît un cal hypertrophique, comprimant les pédicules, déterminant
œdème et douleur pendant six à douze mois.
Mécanisme. — Il s'agit d'une lésion de surcharge.
Destot pensait qu'elle survenait essentiellement chez les digitigrades à pied creux.
Arandes et Viladot la rattachent au syndrome d'insuffisance du premier métatarsien. Lorsque cet os
est trop court (congénitalement, géométriquement ou du fait d'une résection), le maximum de la
charge se reporte sur la deuxième ou sur la troisième tête. Lors d'un faux pas, l'une d'elles se trouve
en position instable sur une aspérité du sol. Au moment où le talon s'élève, elle est seule à supporter
le poids du coprs. La courbure du métatarsien se redresse. L'os se brise en son point faible : col ou
tiers antérieur de la diaphyse. Nous avons observé cette fracture chez plusieurs jeunes femmes
opérées d'hallux valgus par résection de la première tête.
Murk Jansen fait intervenir le spasme des muscles interosseux, fréquent dans les troubles statiques
de l'avant-pied. Il provoquerait un blocage vascu-laire, d'où une certaine atrophie du métatarsien.
Le pied forcé n'a aucun lien avec le syndrome de Milkman, encore appelé fissuration spontanée du
squelette (Mondor et Léger).
Traitement. — A la botte plâtrée nous avons, depuis plusieurs années, substitué un bandage
élastique adhésif, commençant à la racine des orteils, et finissant au-dessous de la cheville. Un appui
rétro-capital mousse y est inclus. Le soulagement est immédiat. La marche est possible en
chaussures normales, le cal est de bonne qualité.
Le bandage est enlevé au bout de quatre semaines. S'il persiste une légère douleur, on prescrit un
traitement physiothérapique.
Fractures par arrachement. — Le tendon du long péronier latéral peut arracher son tubercule
d'insertion à la base du premier métatarsien. Il faut le réinsérer.
Beaucoup plus souvent la contraction violente du court péronier fracture la base du cinquième
métatarsien. Il faut distinguer cette lésion de l'os vésalien et du noyau apophysaire qui se soudent
normalement vers 16 ans. Mais celui-ci peut lui-même être disjoint par un mécanisme d'arrachement.
Le déplacement est souvent minime. Le diastasis interfragmentaire s'accentue pendant dix à douze
semaines, puis les travées osseuses le comblent progressivement (Bœhler).
Traitement. — Il est simple : botte plâtrée ou bandage élastique, pour trois à quatre semaines. La
marche et la mobilisation active préviennent l'apparition des troubles trophiques. Dans la fracture du
cinquième métatarsien, notre ami De Wulf visse systématiquement le fragment, sous anesthésie
locale, par courte incision directe. Muni d'un simple pansement, l'opéré marche immédiatement et
reprend son travail au bout de quelques jours.
Fractures de la base des métatarsiens. — Elles résultent le plus souvent d'un choc direct :
compression ou écrasement. Le déplacement est fonction de la direction du choc et de l'état des
ligaments. Il peut manquer.
La fracture de la base du cinquième métatarsien est généralement le fait d'une torsion. Le fragment
postérieur est plus volumineux que dans la fracture par arrachement.
Traitement. — Ces fractures se réduisent et se maintiennent généralement bien orthopédiquement.
Quand la réduction est instable ou que la lésion s'y prête, il est indiqué de fixer les fragments par un
fil ou, comme De Wulf, par une vis.
De toute façon, la consolidation intervient rapidement, car à ce niveau l'os est spongieux et de bonne
qualité. C'est d'ailleurs cette constatation qui nous incita à corriger le pied creux antérieur par
métatarsectomie plutôt que par tarsectomie.
La botte plâtrée est conservée quatre semaines, quand il s'agit d'un ou deux métatarsiens seulement.
Dans une fracture complexe, on la laisse en place six semaines. Mais la marche avec appui est
permise dès le huitième jour. Les articulations métatarso-phalangiennes doivent être mobilisées dès
le second.
Fractures diaphysaires. — Elles résultent souvent d'un choc, d'une compression ou d'un écrasement.
Les métatarsiens moyens, grêles et saillants à leur face dorsale, sont facilement brisés par
redressement de leur courbure. Le deuxième se trouve de par sa longueur, le plus exposé. Le
premier et le cinquième doivent à leur situation extrême d'être parfois isolément lésés.
Les fractures de cause indirecte résultent d'une chute ou d'un choc violent sur la pointe du pied.
Solidement fixés au niveau de Lisfranc, les métatarsiens possèdent une extrémité antérieure mobile.
Ils se brisent par torsion, redressement de la courbure ou flexion latérale. Le trait peut être
transversal, oblique ou sagittal. Il est en V dans les fractures par torsion que l'on observe surtout au
niveau du cinquième métatarsien. Fait curieux, même déplacées, les fractures diaphysaires de cet os
ne donnent jamais de gros cals périostiques.
La traction des extenseurs tend à provoquer une angulation à sommet plantaire qui forme un cal
vicieux très douloureux à l'appui.
Traitement. — Il faut avoir présente à l'esprit la nécessité de conserver aux articulations métatarsophalangiennes une mobilité strictement normale.
Les fractures sans déplacement d'un seul métatarsien peuvent être traitées par simple bandage
élastoplaste.
Les fractures sans déplacement de plusieurs métatarsiens sont immobilisées pour quatre à six
semaines dans une botte plâtrée modelée et les orteils immédiatement mobilisés.
C'est dans les fractures avec déplacement que les métatarso-phalangiennes risquent surtout d'être
enraidies :
1° Orthopédiquement, pour avoir prise sur le fragment antérieur, il faut traverser la pulpe d'un fil
métallique et tirer à soi. La réduction obtenue, on repousse l'orteil en arrière pour engrener les
fragments. S'ils sont instables,
le fil est solidarisé à un cadre noyé dans le plâtre ou un appareil à traction réglable, dont nous avons
construit un modèle (fig. 353). La traction est enlevée au bout de trois semaines et remplacée par une
botte de marche. On rééduque alors les métatarso-phalangiennes.
2° La réduction chirurgicale est plus précise. Par une courte incision dorsale directe, on engage une
broche dans l'extrémité distale du métatarsien. Elle sort à la face antérieure de la tête. Par voie
rétrograde, on l'enfonce dans l'extrémité proximale de l'os. On sectionne la broche, de façon qu'elle
soit juste recouverte par la peau. Au bout de trois semaines, on l'enlève facilement et on refait une
botte plâtrée pour deux nouvelles semaines. Les orteils doivent être activement rééduqués dans les
premiers jours. Au lieu d'utiliser une broche, on peut encheviller les deux fragments par un petit
greffon intramédullaire. Le montage doit être suffisamment solide pour permettre de mobiliser
immédiatement les orteils. Le plâtre est conservé quatre à six semaines.
Fig. 353. — Extension continue (appareil à traction réglable de l'auteur).
Fractures du col des métatarsiens.
Elles reconnaissent les mêmes causes que les fractures diaphysaires. Le point faible étant le col, ces
fractures connaissent une particulière fréquence.
Le trait peut être transversal, oblique ou spiroïde, ce qui signe la torsion.
Traitement. — La consolidation est lente, la marche reste longtemps douloureuse. La tête du
métatarsien tend à consolider en position vicieuse, s'inclinant en bas et latéralement. La gêne est
importante.
On peut y parer par une traction transpulpaire et un plâtre bien modelé.
Il est mieux d'utiliser une broche, qu'on enlèvera au bout de trois semaines. Il faut immédiatement
rééduquer l'orteil, car une réduction anatomique donne un mauvais résultat fonctionnel si les
métatarso-phalangiennes sont raides.
Lorsque les lésions s'y prêtent, nous enlevons les têtes fracturées. Mais il ne faut pas « briser » la
ligne des métatarso-phalangiennes, qui doit former une courbe doucement inclinée de dedans en
dehors et d'avant en arrière. On s'inspirera des principes de Yalignement articulaire (voir : Vue
d'ensemble des métatarsalgies).
Le blessé se lève au deuxième ou troisième jour. La guérison est obtenue en trois semaines environ.
Lorsqu'on revoit ces opérés au bout de plusieurs mois, on constate que les néarthroses sont stables,
indolores, activement mobiles. Sur les clichés, l'extrémité des métatarsiens s'est modelée en forme
de tête.
Pseudarthroses et cals vicieux.
Les pseudarthroses indiquent un enchevillement intramédullaire par greffon. Le premier métatarsien
doit retrouver à tout prix son appui normal (fig. 354).
Un cal vicieux diaphysaire est repris par ostéotomie, que l'on fixe suivant les cas, par fil, broche ou
greffon.
Un cal vicieux antérieur, un blocage des métatarso-phalangiennes indiquent l'alignement articulaire
métatarso-phalangien.
Les douleurs résiduelles, après consolidation, sont soulagées par physiothérapie.
Fig. 354. — Pseudarthrose du premier métatarsien, consolidée par mise en place d'un greffon.
FRACTURE DES ORTEILS
Elles sont fréquentes et peuvent donner lieu à des séquelles plus importantes qu'on ne le pense
généralement.
Mécanisme. — Il s'agit soit de choc direct, soit d'écrasement. La lésion va de la simple fissure au
broiement osseux accompagné d'effraction du tégument.
Les fractures de cause indirecte sont loin d'être exceptionnelles, en particulier chez les sportifs, les
judokas. Il s'agit de torsion ou de redressement de la courbure.
Anatomie pathologique (fig. 355). — Les fractures partielles détachent un coin proximal ou distal
(fracture uni- ou bicondylienne).
Les fractures complètes ont un trait transversal, oblique, sagittal ou en T.
On peut observer le décollement épiphysaire de la première phalange du gros orteil. La fracture
comminutive de sa deuxième phalange est relativement fréquente. La matrice unguéale est souvent
lésée, ce qui provoque une onychogryphose.
Symptômes, évolution. — Le gonflement, la douleur exquise au niveau du trait, la douleur provoquée
en refoulant en arrière l'extrémité de l'orteil, les ecchymoses surtout latérales et plantaires constituent
la symptomatologie. Les clichés précisent la variété anatomique. Plusieurs remarques s'imposent :
1° Les fractures des phalanges moyennes ou terminales sont bénignes. Celles des phalanges
basales ont par contre une grande importance, surtout quand il s'agit du gros orteil, chef de file
interne.
2° Le cal est long à se former. Dans les fractures comminutives, l'espace interfracturaire peut mettre
un an à se combler (Bœhler).
3° Même exactement réduites et bien consolidées, les fractures des orteils peuvent rester
douloureuses pendant des mois.
4° La traction de l'extenseur tend à former une angulation à sommet plantaire. Consolidée en cette
position, la fracture déterminera douleur et boiterie. Pour esquiver l'appui, le blessé dévie le pied en
talus ou en varus, d'où arthroses de posture.
5° L'immobilisation prolongée provoque des raideurs articulaires douloureuses.
Fig. 355. — Fractures des orteils.
a. Fractures condyliennes.
b. Fracture sagittale.
c. Fracture en Y.
d. Fractures transversales et obliques.
e. Angulation à sommet plantaire par traction de l'extenseur.
Elles gênent considérablement le déroulement du pas quand il s'agit des métatarso-phalangiennes ou
de l'interphalangienne du gros orteil. Nous avons vu des interruptions de travail de six à dix mois !
Une arthroplastie a guéri ces malades en un mois. Il eût été souhaitable de la pratiquer d'emblée.
Traitement. — Les fractures des orteils seront traitées le plus simplement possible, en évitant le
plâtre, les broches et les vis.
1° Le déplacement est réduit par traction dans l'axe. On peut s'aider d'une bande adhésive. La
réduction obtenue, on presse les fragments pour les engrener.
2° On immobilise par quelques tours d'élastoplaste modérément serrés. Il est souvent utile de
solidariser l'orteil fracturé à son voisin, qui lui sert d'attelle. Quand il s'agit d'une phalange basale, on
poursuit le bandage jusqu'en avant de la tibio-tarsienne. Pour la première phalange du gros orteil, on
peut inclure à la face plantaire une petite attelle d'aluminium, capitonnée d'une compresse. La marche
est reprise presque immédiatement. On peut éviter l'appui des orteils en plaçant une barre
transversale sous la semelle de la chaussure, juste en arrière des têtes métatarsiennes. Le bandage
est enlevé au bout de trois à quatre semaines.
3° Chaque fois que la fracture s'y prête, c'est-à-dire quand le fragment est petit, le mieux est de
pratiquer une arthroplastie. On enlève le fragment, on régularise si besoin l'extrémité de la diaphyse.
La marche est reprise immédiatement ou presque. La rééducation obtient une néarthrose indolore et
activement mobile. La rupture d'activité est notablement réduite.
4° Indications particulières. — En principe, on évitera d'opérer les fractures de la deuxième phalange
du gros orteil. Il peut persister une certaine douleur que les accidentés du travail ont tendance à
exagérer notablement.
Les fractures sagittales, les obliques à long biseau de la première phalange du gros orteil peuvent
indiquer une synthèse au fil d'acier. Ces mêmes fractures au niveau des petits orteils seront traitées
par simple bandage.
Les cals vicieux sont repris par arthroplastie. Sur la phalange basale du gros orteil, il suffit parfois
d'abraser la saillie plantaire.
Les petites douleurs résiduelles cèdent généralement bien aux infiltrations ultra-soniques.
FRACTURE DES SÉSAMOÏDES DU GROS ORTEIL
Étiologie, mécanisme. — C'est une fracture rare. Un choc direct peut la produire. Elle s'associe
souvent alors à une fracture de la phalange ou du métatarsien.
Il peut s'agir d'un choc indirect, appliqué sur le bord interne (fracture par contrecoup J, ou de torsion
du pied (fracture par arrachement).
Les sésamoïdes sont constitutionnellement très solides. C'est à partir d'eux, pensaient les Anciens,
que nous ressusciterons au dernier jour. Suivant certains auteurs, il faut une ostéoporose pour que la
fracture se produise.
Le sésamoïde interne est le plus souvent lésé. Le trait qui le divise peut être sagittal, frontal ou
complexe. Les fragments peuvent s'écarter les uns des autres.
Symptômes. — La douleur est vive à l'appui. On la localise exactement sous un sésamoïde.
Il faut faire un cliché de face, un cliché de profil et une incidence spécialisée du type Walter-MullerGuntz. Il existe une cause d'erreur : la division congénitale des sésamoïdes. Mais elle est souvent
bilatérale. Le contour des fragments apparaît régulièrement arrondi dans l'anomalie congénitale. Il est
dentelé dans la fracture.
Assez souvent, on ne voit le blessé qu'au bout de plusieurs mois, pour persistance de la douleur. Elle
s'exagère, en effet, selon un rythme continu ou coupé d'accalmies. Une arthrose survient, un filet
nerveux peut être comprimé.
Traitement. — Il est classique de poser une botte de Unna ou un bandage d'élastoplaste, où se
trouve incluse une lame mousse évidée sous le sésamoïde. Nous avons toujours vu la douleur
persister, car la fracture du sésamoïde ne consolide pas. Il est préférable d'aborder la fracture par
incision longitudinale au bord interne du pied. Si l'on enlevait les deux sésamoïdes, on risquerait de
provoquer un avant-pied plat par insuffisance du premier métatarsien (Viladot). L'ablation d'un seul
suffit à produire un déséquilibre. Nous nous bornons à enlever le ou les petits fragments mobiles. Si
le sésamoïde fracturé présente une zone intacte de dimensions suffisantes, nous la conservons.
LUXATIONS TRAUMATIQUES DES ORTEILS
Elles sont rares, à la différence des luxations statiques. La moins exceptionnelle intéresse
l'articulation terminale du gros orteil. Mais tous les orteils, à tous les niveaux, peuvent rompre le
contact normal.
Mécanisme : anatomie pathologique. — Le mécanisme est direct. Un choc, une chute sur l'orteil
repoussent celui-ci en arrière et en haut. La phalange luxée (basale, moyenne ou terminale) vient se
placer sur le dos de l'os, situé immédiatement en arrière (fig. 356). Les luxations basales sont souvent
ouvertes.
La luxation métatarso-phalangienne du gros orteil reproduit les lésions décrites par Farabeuf à propos
de la luxation du pouce. Solidaires de la phalange, les sésamoïdes la suivent en son déplacement. Le
fibro-cartilage de la
Luxation dorsale de la première phalange du gros orteil (a).
Luxation dorsale de la deuxième phalange du gros orteil, vue de face (b) et de profil (c).
Luxation dorsale du deuxième orteil (d).
Fig. 356. — Luxations des orteils.
glène tend à s'interposer entre les surfaces articulaires. Il en est de même des ligaments capsulaires,
que la tête métatarsienne déchire et traverse. Ainsi sont constitués les obstacles à la réduction (fig.
357).
Symptômes. — L'aspect est évident. L'orteil est raccourci. L'on sent la saillie dorsale du segment
luxé, la saillie plantaire de l'autre segment.
La phalange luxée peut être oblique par rapport à l'os sous-jacent. En général, elle se trouve rabattue
sur lui, et les deux axes sont parallèles.
La radiographie montre le déplacement. Elle révèle parfois une fracture associée.
Traitement. — 1° Pour les petits orteils, la réduction est obtenue par traction dans l'axe, pression
d'arrière en avant sur la saillie dorsale, pression inverse sur la saillie plantaire. On place pour trois
semaines un bandage élastique adhésif.
2° La luxation basale du gros orteil est souvent difficile à réduire.
Fig. 357. — Luxation de la phalange basale du gros orteil.
Pour repousser les sésamoïdes, il faut refouler la première phalange d'arrière en avant en raclant le
dos du métatarsien.
L'irréductibilité indique une reposition sanglante par incision longitudinale interne. On dégage le
tendon long fléchisseur, on sectionne le ligament glénoï-dien. On peut alors réduire la luxation. La
brèche capsulaire est fermée au catgut.
Un bandage élastique est placé pour trois semaines. 3° Dans les luxations anciennes :
— en cas de luxation métatarso-phalangienne du 1er orteil, il faut pratiquer une arthroplastie de la
base de la première phalange, comme dans un hallux valgus ;
— en cas de luxation inter-phalangienne, une arthroplastie comme dans les orteils en griffe ;
— par contre, dans les luxations métatarso-phalangiennes d'un ou plusieurs orteils externes, c'est
l'alignement articulaire qu'il faut généralement pratiquer.