Brazzaville - Pointe-Noire – Kouilou : Ambassadrices de la nature

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Brazzaville - Pointe-Noire – Kouilou : Ambassadrices de la nature
CRP – Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari – [email protected]
Syfia international – Emmanuel de Solère Stintzy – [email protected]
Article réalisé avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de cet article relève de la
seule responsabilité du CRP et de Syfia international et ne peut en aucun cas être considéré comme
reflétant la position de l'Union européenne.
Chers lecteurs,
Veuillez lire ci-dessous et en pièces-jointes, les 4 articles de la 26e publication
de CRP/Syfia des départements couverts par le projet financé par l'Union
européenne : « Journalistes, associations et autorités locales contribuent à un
meilleur respect des droits des femmes rurales pour lutter contre la pauvreté ».
Au plaisir de lire vos réactions et à bientôt,
Syfia/CRP
Vous pouvez également commenter ces articles sur le blog du projet :
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Brazzaville - Pointe-Noire – Kouilou : Ambassadrices de la nature
(CRP/Syfia) Au Congo Brazzaville, plusieurs responsables d’associations luttent
contre la déforestation. Elles encouragent d’autres Congolaises à reboiser pour
préserver leur environnement et leurs cultures. (3366 signes)
Jean Thibaut Ngoyi
Janvier 2016
Brazzaville : Le moringa, un engrais bio pour les maraîchères
(CRP/Syfia) L'agriculture sur brûlis appauvrit le sol et condamne les terres à une
longue période de jachère... Pour remédier à ce problème, certaines maraîchères du
département de Brazzaville utilisent le moringa comme engrais naturel fertilisant.
(3014 signes)
Annette Kouamba Matondo
Janvier 2016
Brazzaville : Un foyer amélioré économique et écologique
(CRP/Syfia) A Brazzaville, une association de femmes vend le lituka ya peto, un foyer
amélioré, avantageux à plusieurs niveaux. (4106 signes)
Flore Michèle Makoumbou
Janvier 2016
Brazzaville: Le charbon de bois, un double désastre pour
l’environnement
(CRP/Syfia) Aux environs de Brazzaville, depuis des décennies, des milliers
d’hectares de forêts sont décimés par des fabricants de charbon de bois. Cette
pratique détruit les arbres, et dégrade aussi les sols. Impuissantes, les agricultrices
constatent la baisse de rendements de leurs cultures. (4534 signes)
Jean Thibaut Ngoyi
Janvier 2016
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Brazzaville - Pointe-Noire – Kouilou : Ambassadrices de la nature
(CRP/Syfia) Au Congo Brazzaville, plusieurs responsables d’associations luttent
contre la déforestation. Elles encouragent d’autres Congolaises à reboiser pour
préserver leur environnement et leurs cultures.
Un drame écologique se joue actuellement au Congo Brazzaville. Selon la FAO, environ
17 000 ha de forêts y sont détruits chaque année (agriculture sur brûlis, charbon de bois,
incendies, etc.) La déforestation est particulièrement alarmante dans les galeries forestières
(zones marécageuses du nord du pays) et les massifs forestiers péri-urbains et ruraux, du
fait d’une pression humaine grandissante.
Dans ce drame écologique, il existe heureusement des actrices de la société civile qui se
mobilisent pour défendre la nature. « Nous plantons des acacias et des eucalyptus qui
stockent le carbone. Ce reboisement vise à protéger nos forêts naturelles. Nous projetons de
planter 6 ha d’acacias et d’eucalyptus à Yé (Pool). Actuellement, nous avons déjà planté 4
ha », se félicite Irma Séraphine Pella, secrétaire générale de l’association Femme énergie.
Acacias, eucalyptus, moringa
Marguerite Homb, présidente de l’OSC Santé et nature, depuis plus de dix ans maintenant,
plante pour sa part du moringa à Brazzaville, Mvouti, Dimonika, Malemba et Mpounga (dans
le Kouilou). « Au bout de 11 mois, cette plante à croissance rapide et à usages multiples
commence à produire des fruits. Elle stocke le carbone et produit de l’azote dont les cultures
vivrières ont besoin. Ses racines régénèrent le sol. »
De son côté, Yvette Saya, responsable de l’Association congolaise pour la santé publique et
communautaire (ACSPC), une OSC évoluant à Pointe-Noire et dans le Kouilou, est active
dans le cadre du projet « Renforcement des capacités des ONG/Associations dans le suivi
de la mise en œuvre
de l’Accord de partenariat volontaire sur l’application des
réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (APV/FLEGT)»,
réalisé par Azur développement en partenariat avec Well Grounded (association anglaise),
et financé par l’Union européenne.
Dans ce cadre, l’ACSPC a formé à la gouvernance forestière des femmes de Makola et de
Hinda (deux localités du Kouilou) qui coupaient autrefois abusivement le bois. « Aujourd’hui,
j’ai compris que tout défrichement devait s’accompagner d’un reboisement et que toute
coupe illicite des arbres pouvait entraîner la disparition de certaines essences
thérapeutiques », reconnait Philomène Nombo, une habitante de Makola.
Les femmes, groupe cible stratégique
Les femmes, un groupe cible stratégique à mobiliser, confirme Irma Séraphine Pella : « La
femme est la principale personne à agir dans les champs et à détruire l’environnement. Nous
sommes là pour l’informer et lui apporter des technologies propres, comme les foyers
améliorés (récipients déjà commercialisés à Brazzaville par l’OSC Femme énergie,
généralement en métal pour assurer une combustion maximale et limiter les coupes de bois,
Ndlr). On voudrait que la femme soit partie prenante. »
Marguerite Homb mise aussi à l’avenir sur les agricultrices : « Le moringa aide les mamans à
stabiliser leurs cultures sur un même terrain pendant plusieurs années, car il rend les sols
plus fertiles et leur évite de déforester pour chercher d’autres espaces à cultiver. »
Jean Thibaut Ngoyi
Brazzaville : Le moringa, un engrais bio pour les maraîchères
(CRP/Syfia) L'agriculture sur brûlis appauvrit le sol et condamne les terres à une
longue période de jachère... Pour remédier à ce problème, certaines maraîchères du
département de Brazzaville utilisent le moringa comme engrais naturel fertilisant.
Dans le département de Brazzaville, brûler la végétation d'un terrain avant de le mettre en
culture est une pratique courante. Les dégâts pour les forêts et les sols sont importants.
"L'appauvrissement et la mise en jachère des terres le temps que celles-ci se régénèrent,
oblige les femmes à régulièrement s’éloigner de leurs terrains. Elles utilisent aussi parfois
trop de produits chimiques au péril de leur santé", constate Marguerite Homb.
Pour la présidente de l’association Santé et Nature, toutes ces contrariétés peuvent être
évitées en utilisant le moringa comme engrais. Une plante aux nombreuses vertus, selon
elle : "Depuis 2005, nous l'utilisons comme fertilisant pour nos cultures et nous n'avons
jamais changé d’espace. Tous les ans, nous cultivons sur la même terre. Nous faisons par
ailleurs du compost avec des graines de moringa mélangées à d'autres substances." Pour
madame Homb, c’est donc en quelque sorte un "adieu aux pesticides, aux herbicides
inappropriés, aux engrais chimiques polluants et à l’agriculture sur brûlis."
Dans le 8e arrondissement Madimbou de Brazzaville, le Centre de formation St Joseph de
Mbouono a aussi adopté le moringa. Les maraîchères sont informées par cette structure de
ses mérites présumés : "Nous enfouissons les feuilles mortes pour fertiliser les sols", précise
François Xavier Mifoundou, coordonnateur dudit centre.
"Traiter les cultures et les bêtes"
Des instructions que certaines agricultrices tardent à mettre en pratique. "Quand vous leur
demandez d’utiliser les engrais naturels, elles trouvent que c’est une perte de temps. Elles
cherchent à vite récolter. Ce qui leur importe, c’est le gain rapide", regrette François Xavier
Mifoundou.
Le responsable du Centre de formation St Joseph de Mbouono ne tarit pourtant pas d'éloges
sur le moringa : "Pour protéger les plantes contre les insectes, nous plongeons les feuilles de
moringa dans de l’eau quelques jours. Le liquide recueilli nous permet de traiter les cultures.
Nous l'utilisons également comme vermifuge pour traiter nos bêtes. Il est aussi un excellent
aliment pour les poules."
Tout aussi enthousiaste, madame Homb multiplie les entrevues afin d’inciter les femmes à
utiliser le moringa : "Nous avons fait avec l’Union européenne des expériences au PK 45
(village du district d’Igné, 45 km au nord de Brazzaville, Ndlr) et à Toula (20 km au sud de
Brazza, Ndlr). Les résultats encourageants obtenus, nous poussent à aller vers les
agricultrices."
Une démarche que loue Idriss M’Bouka, doctorant en géophysique à l’Université Marien
Ngouabi. Lui aussi incite les femmes à abandonner l’agriculture sur brûlis qui, répète-t-il,
"dégrade les sols et l’écosystème".
Annette Kouamba Matondo
Brazzaville : Un foyer amélioré économique et écologique
(CRP/Syfia) A Brazzaville, une association de femmes vend le lituka ya peto, un foyer
amélioré, avantageux à plusieurs niveaux.
"La problématique du changement climatique est devenue mondiale. Il s’agit donc, pour
chaque pays, de réfléchir à comment l'atténuer. A notre niveau, nous avons introduit le foyer
amélioré au Congo", se félicite Joséphine Irma Pella, secrétaire générale de l’association
Femme Energie, ingénieur électricienne à la Société nationale d'électricité (SNE).
De forme cylindrique, ce foyer amélioré ("lituka ya peto", en lingala) se compose d’une partie
métallique recouvrant celle à base d'argile. Cette dernière conserve la chaleur quand les
charbons de bois s'épuisent. Selon Joséphine Irma, "on peut ainsi préparer quatre à cinq
plats avec uniquement 300 Fcfa (0,45 €) de charbon. Avec le foyer traditionnel, il en fallait
500 à 800 Fcfa (0,75 à 1,20 €). Ce lituka ya peto peut garder la chaleur 2h après
l’épuisement du charbon. Il ne disperse pas la cendre et ne dégage pas de fumée, donc pas
d'émissions de gaz à effet de serre."
Autre avantage, selon Aimé Jeanine Bassoumba, vice-présidente de Femme Energie, sa
solidité : "J'utilise ce foyer depuis deux ans, et il est intact. Par contre, le foyer traditionnel
(fabriqué à partir de morceaux de fûts et de tôles de voitures, Ndlr) s'use au bout de trois
mois." Aimé Jeanine décrit lituka ya peto comme un outil très simple d'utilisation : "Pas
besoin d'attiser le feu. Il s'allume sans interruption. Lorsque le charbon s'épuise, la partie
céramique, très chauffée, porte l'eau à ébullition. S'il y a trop de chaleur, vous bloquez le
petit portillon sous le foyer. Un espace est prévu pour recueillir la cendre. Il ne salit pas les
marmites, la femme est à l'aise."
Rapidement rentable
Le foyer amélioré peut sembler cher à l'achat : 15 000 Fcfa (près de 23 €), quatre à sept fois
plus cher que le foyer traditionnel, vendu 2 000 à 4 000 Fcfa (3 à 6 €) mais de plus en plus
de femmes l'adoptent, conscientes de rentabiliser en quelques semaines seulement leur
investissement. "Avec un sac de charbon de 6 500 Fcfa (près de 10 €), j'en ai eu pendant
deux mois. Avec l’ancien foyer, le sac ne faisait qu'un mois. Les femmes devraient épargner
pour acheter lituka ya peto", témoigne Blanche Octavie Mibouabané, stagiaire électricienne à
la SNE et utilisatrice convaincue. Marianne Tchibouka, revendeuse agréée à la SNE
observe : "La demande est forte en ce moment. J'ai une commande de 20 foyers. Mon stock
est épuisé !"
Fabriqué sous l’impulsion du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud),
qui finance le projet de Femme Energie à hauteur de 250 000 à 300 000 $ chaque année, ce
foyer amélioré ambitionne plus largement de lutter contre les changements climatiques.
"Nous devons fabriquer 5 000 foyers par an, utilisés par 5 000 femmes pour lutter contre les
gaz à effet de serre", estimait, en 2012, une étude du Pnud. Difficile, pour l'heure, de donner
le nombre de foyers améliorés vendus depuis 2009, après les échecs de conception des
débuts, avant la mise sur le marché sous sa forme actuelle.
Mais, pour Lumière Jean Felix Issangue, une solution adaptée est en marche : "Les femmes
se donnent trop de peine à chercher du bois, souvent source de pollution, avec beaucoup de
dégagement de fumée, à l'origine de pathologies pulmonaires. Le conseiller principal au
programme, responsable de l'unité pauvreté et environnement au Pnud, ajoute, coté
économique, le charbon coûte cher ; côté environnemental, avec le foyer amélioré, la
pression sur la forêt baisse progressivement."
A terme, les membres de Femme Energie devraient en principe continuer la production
seules, sur fonds propres. Pour réduire le prix d'achat et permettre à plus de
consommatrices d’acquérir ce foyer, vendu par les membres de l'association à Brazzaville
(marchés Moukondo, Mikalou, Massengo et dans l'enceinte de la SNE où travaillent des
membres de Femme Energie), la secrétaire générale de cette OSC demande au
gouvernement d'apporter des subventions.
Flore Michèle Makoumbou
Brazzaville: Le charbon de bois, un double désastre pour
l’environnement
(CRP/Syfia) Aux environs de Brazzaville, depuis des décennies, des milliers
d’hectares de forêts sont décimés par des fabricants de charbon de bois. Cette
pratique détruit les arbres, et dégrade aussi les sols. Impuissantes, les agricultrices
constatent la baisse de rendements de leurs cultures.
François Xavier Mayouya, président de l’association Œuvre notre dame des veuves &
orphelins du Congo, tire la sonnette d'alarme. Dans les villages autour de Brazzaville, la
fabrique du charbon à bois, l’une des activités principales, a, selon lui, des conséquences
désastreuses à moyen terme : "Plusieurs cultivatrices se plaignent de la baisse de leur
production, sans savoir que c'est parce qu'elles utilisent des fours à charbon qui dégagent
une chaleur dans le sol sur un périmètre de plus de 20 mètres ! Le feu détruit la terre. Sur ce
périmètre vous ne pouvez plus planter de manioc."
Idriss Mbouka, chercheur et spécialiste en géomorphologie (étude des reliefs), est du même
avis : "La pratique des fours à charbon occasionne le déboisement de la forêt et la
dégradation des sols. La chaleur de ces fours détruit des éléments minéraux. Il y a de
l’argile, le limon, etc. Tout ce qui participe à la cohésion, la richesse du sol."
Le 6 novembre dernier, le ministre de l’Economie forestière et du développement durable,
Henri Djombo, citait lors de la 29eme journée nationale de l’arbre, à Brazzaville, la FAO :
"Environ 17 000 ha de forêts sont détruites chaque année au Congo, du fait des
défrichements occasionnés par l’agriculture sur brûlis, la récolte du bois de chauffe, la
production du charbon de bois (...)"
Vingt ans et aucun changement...
Une préoccupation qui ne date pourtant pas d'hier... En 1994, déjà, Jean-Pierre Banzouzi,
anthropologue, Dr en sciences sociales de l’Université Libre de Bruxelles, indiquait dans son
livre "Imaginaire et quotidien à travers le discours du kiosque à Brazzaville" : "Le
département du Pool déverse sur Brazzaville en moyenne 125 000 tonnes de bois et
21 000 tonnes de charbon tous les deux ans, correspondant à une déforestation d’environ
3 000 hectares (…) Le seul commerce de bois de chauffe et de charbon rapporte près de
5 milliards de Fcfa (7,6 millions d'€) à la région. A cette allure, si l’on y prend garde, le Pool
pourrait être décimé dans les cinquante ans à venir et devenir un désert."
Vingt ans sont déjà passés et rien ou presque n'a changé sur le terrain. Yolande Malonga,
cultivatrice à Linzolo, un village de 2 000 habitants à 30 km au sud-ouest de Brazzaville, en
est bien consciente : "Certes l’usage des fours à charbon détruit la forêt, mais faute de travail
à Linzolo, les jeunes survivent grâce à cette activité. Si nous leur disons de l’abandonner,
nous aurons des problèmes avec eux. Nous subissons actuellement des conséquences au
niveau de la production agricole mais nous n'y pouvons rien..." Marthe Konda, une autre
paysanne de Linzolo, mère de quatre enfants, observe la même chose dans son champ :
"Quand nous allons planter les boutures de manioc, elles ne poussent plus à cause des
dégâts causés par la chaleur des fours à charbon. Nous avons de mauvais
rendements aujourd’hui."
"Coopératives, agriculture, élevage"
Certains sont cependant conscients des dégâts que cause leur action sur l’environnement.
Par exemple, Michel Bienvenu Dianzenza, 33 ans, charbonnier (fabriquant de charbon de
bois), depuis 12 ans. Comme ses collègues, son travail consiste à acheter des espaces de
forêts auprès de propriétaires fonciers, y abattre des arbres, les couper, les placer dans une
fosse qu’il recouvre de terre (four) puis d'y mettre le feu. Après une semaine, il revient pour
sortir le charbon du four, prêt à la vente. Père de famille, Michel espère changer de métier
dès que possible. "Je fais ainsi vivre ma famille. Mais, si je trouve aujourd’hui un travail qui
me rapporte 50 000 Fcfa (75 €) par mois, je vais abandonner le charbon. Cette activité
nécessite non seulement de l’argent, mais est aussi très dure…"
Selon Emmanuel Vital Makoumbou, chef du village de Linzolo, avant la guerre de 1997,
cette pratique n'était pas encore aussi courante dans son département. Il demande à présent
à l’Etat de "relancer des coopératives, former des jeunes aux techniques agricoles et
d’élevage, les financer, comme piste de sortie pour ces derniers." Faute de quoi, les jeunes
continueront à penser que fabriquer le charbon de bois est la seule façon de gagner leur
vie...
Jean Thibaut Ngoyi
Janvier 2016