De la clinique au microscope> Histologie du comblement
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Cas clinique De la clinique au microscope Histologie du comblement… Histology of fillers… N. Ortonne1, A. Guyot2 (1 Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, AP-HP, Créteil ; 2 service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, Paris) Produits de comblement • Granulomes à corps étrangers • Rides Filler • Foreign body granuloma • Wrinkles U ne patiente âgée de 50 ans consulte aux urgences pour un placard inflammatoire de la glabelle (figure 1). Elle est traitée au long cours par métronidazole topique et doxycycline pour une rosacée papulo-pustuleuse sévère. La lésion glabellaire est toutefois très différente de ses lésions habituelles ; elle est dure et assez bien limitée, constitue un placard inflammatoire et est apparue brutalement. La patiente présente une modification de l’ensellure nasale (figure 2). Elle est apyrétique et ne relate aucun traumatisme ou plaie en regard. Observation Un traitement antibiotique par pristinamycine est prescrit dans l’hypothèse d’une étiologie infectieuse. Aucune régression n’est observée sous antibiothérapie. Au contraire, cette inflammation évolue par poussées, avec des phases d’œdème prenant l’hémiface supérieure. Un scanner de la face élimine toute anomalie osseuse sousjacente et ne montre pas de signe de sinusite. À la reprise de l’interrogatoire, la malade se souvient d’avoir eu une dizaine d’années auparavant des injections de produit de comblement à cet endroit. Elle ignore la nature du produit injecté ; le médecin qui avait réalisé cette injection n’en a pas conservé de trace écrite. Une corticothérapie générale à la dose de 0,5 mg/kg/j est alors instaurée, en plus de la poursuite de la doxycycline. Sous ce traitement, une rémission complète est obtenue en quelques semaines. L’évolution ultérieure est toutefois marquée par des effets indésirables importants de la corticothérapie (diabète induit et accès d’hypomanie), ainsi que par une corticodépendance aux alentours de 5 mg/j de prednisone, qui persiste après plus de 18 mois de traitement. Biopsie cutanée La biopsie cutanée d’un autre patient, avec une histoire et des lésions similaires, montre des lésions histologiques caractéristiques intéressant essentiellement le tissu graisseux hypodermique, et infiltrant le muscle strié et peaucier sous-jacent. Il s’agit d’un granulome polymorphe, en partie macrophagique, sans cellules géantes. Il contient de multiples vacuoles optiquement vides (figure 3), sans réfringence à l’examen en lumière polarisée. Outre les histiocytes des granulomes, il existe un infiltrat inflammatoire constitué de lymphocytes et de polynucléaires neutrophiles et éosinophiles (figure 4). Discussion Les traitements interventionnels des rides liées au vieillissement font appel à différentes techniques, au premier rang desquelles figurent, à l’heure actuelle, l’injection de toxine botulique, la dermabrasion au laser ou chimique (peelings acides) et les injections de produits de comblement, résorbables ou non. Les produits injectables sont ainsi utilisés en dermatologie cosmétique, mais également pour le traitement des lipodystrophies associées aux thérapies antirétrovirales utilisées chez les malades atteints par le VIH. Idéalement, ces produits ont un effet prolongé, sans migrer dans les tissus voisins et n’entraînent pas de réactions immunologiques. 44 Images en Dermatologie • Vol. III • n° 2 • avril-mai-juin 2010 Légendes Figure 1. Placard inflammatoire de la glabelle d’apparition brutale. Figure 2. Modification de l’ensellure nasale. Figure 3. Infiltrat hypodermique riche en cellules inflammatoires, renfermant des vacuoles optiquement vides, parfois difficiles à distinguer des adipocytes, entourées d’histiocytes (HES, x 100). Figure 4. Au pourtour des vacuoles, on note une réaction inflammatoire dense, riche en lymphocytes et polynucléaires neutrophiles et éosinophiles (HES, x 200). Figure 5. Il existe une intense réaction granulomateuse avec de très nombreuses cellules géantes multinucléées. Figure 5bis. Le corps étranger, identifié comme du diméthylsiloxane, apparaît sous la forme d’amas anguleux, réfringents à l’examen en lumière polarisée (HES, x 200). Cas clinique De la clinique au microscope 1 2 3 5 4 5bis Images en Dermatologie • Vol. III • n° 2 • avril-mai-juin 2010 45 Cas clinique De la clinique au microscope Il arrive malheureusement que certains produits mènent à la formation de granulomes macrophagiques à corps étranger, voire à des réactions inflammatoires d’hypersensibilité retardée. Des publications récentes montrent de façon intéressante que le développement des granulomes peut être induit par des thérapeutiques ciblant l’immunité, en particulier l’interféron α, prescrit dans le cadre du traitement de l’hépatite C. Dans ce cas, des granulomes peuvent se constituer plusieurs années après l’injection, du fait de l’immunomodulation, rappelant le processus supposé de formation des granulomes silicotiques des malades ayant une sarcoïdose. 1 Dans la majorité des cas, l’histologie permet de reconnaître au sein des granulomes à corps étranger les différents produits de comblement. L’identification des particules repose sur l’analyse de leur morphologie, sur leurs propriétés de réfringence en lumière polarisée ainsi que sur leur affinité tinctoriale pour certaines colorations spéciales, listées dans le tableau. Un exemple de granulomes développés à la suite à d’injections de diméthylsiloxane, un polymère liquide de silicone, autorisé pour l’injection des rides, est représenté sur les figures 5 et 5bis, p. 45. Le corps étranger apparaît là sous la forme d’amas anguleux incolores, sans affinité tinctoriale particulière ni réfringence en lumière polarisée. On voit que la réaction est surtout granulomateuse, avec de très nombreuses cellules géantes multinucléées et peu d’éléments inflammatoires. L’analyse histologique peut en effet témoigner de la présence ou non d’une réaction inflammatoire qui signe l’immunogénicité du produit injectable et réalise un aspect qui diffère selon le produit injecté. Le plus souvent, l’acide hyaluronique et la silicone donnent des granulomes inflammatoires de type immunogénique avec des lymphocytes et des histiocytes et peu de cellules géantes. Les autres matériaux donnent plutôt des réactions granulomateuses gigantocellulaires à corps étranger, moins inflammatoires.II Tableau. Identification des produits injectables et de la réaction inflammatoire (1). Aspect du corps étranger Bleu alcian Acide hyaluronique Acide polylactique Hydrogel acrylique Polyméthylmétacrylate Diméthylsiloxane Silicone Flaques Acéré Acéré Rond Acéré Vacuoles optiquement vides ++ - ± - - - Bleu de toluidine Métachromasie - Métachromasie - - - Giemsa Métachromasie - Métachromasie - - - PAS + - - - - - Mucicarmin + - - - - - Polarisation - ++ ++ - - - Référence bibliographique 1.Tennstedt D, Lachapelle JM. Histopathologie des granulomes tardifs consécutifs aux injections de produits de comblement pour rides (colorations spéciales). Matériaux de comblement techniques et effets indésirables. Traité EMC Cosmétologie et dermatologie esthétique. Paris : Elsevier-Masson, 2009. Pour en savoir plus • Bui P, Pons-Guiraud A, Kuffer R, Plantier F, Nicolau P. Les produits injectables lentement et non résorbables. Ann Chir Plast Esthet 2004;49:486-502. • Descamps V, Landry J, Francès C, Marinho E, Ratziu V, Chosidow O. Facial cosmetic filler injections as possible target for systemic sarcoidosis in patients treated with interferon for chronic hepatitis C: two cases. Dermatology 2008;217:81-4. • Requena C, Izquierdo MJ, Navarro M et al. Adverse reactions to injectable aesthetic microimplants. Am J Dermatopathol 2001;23:197-202. 46 STE sTe pha est de p dém l’effi sou MIS obs doiv ava de t surv dév des inte arrê la p AUT enc alla l’arr IND rhin dép l’us été PRE CO 392 MA des *Po Images en Dermatologie • Vol. III • n° 2 • avril-mai-juin 2010 US 047_