Homélie du 15 août 2011 - Paroisse Saint-Symphorien-en

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Homélie du 15 août 2011 - Paroisse Saint-Symphorien-en
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“choisir le mal” ? & Salve Regina (Homélie du 15 août (...)
Pouvons-nous “choisir le mal” ? & Salve Regina
(Homélie du 15 août 2011)
Homélie du XXe dimanche ordinaire (14 août 2011)
dimanche 14 août 2011, par Père Alain Dumont
• Livre d’Isaïe 56,1.6-7
« Tous ceux qui observent le shabbat sans le profaner
je les conduirai à ma montagne sainte.
Je les rendrai heureux dans ma maison de prière,
je ferai bon accueil à leurs sacrifices »
• Psaume 67(66),2b-3.5abd.7b-8
« Tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations. »
• Lettre de saint Paul Apôtre
aux Romains 11,13-15.29-32
« Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous les
hommes. »
• Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 15,21-28
« Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ! »
lire l’intégralité des textes de ce jour
lire l’homélie du 15 août 2011, Salve Regina !
Nous allons opérer un peu différemment de d’habitude aujourd’hui pour commenter les textes de la
liturgie. Nous n’allons pas les prendre dans l’ordre où ils nous sont donnés, mais nous commençons par
saint Paul, car le passage de ce dimanche est assez difficile à comprendre.
**
Dieu a enfermé tous les hommes
dans la désobéissance pour faire miséricorde
à tous les hommes
Curieuse phrase que nous avons tellement de mal à entendre aujourd’hui, tout simplement parce que nous
ne prenons jamais assez le temps d’interroger les mots que nous employons.
Interrogeons-nous aujourd’hui sur ce qu’est la "volonté" : la nôtre et celle de DIEU.
Test : pouvons-nous “choisir le mal” ?
À 200%, vous avez tous répondu “oui” !
À 200%, vous avez tort... vous en êtes ab-so-lu-ment incapables !
Poursuivons le test pour prouver cette affirmation par l’expérience :
Pourriez-vous vous dire : “Je vais mettre le feu à ma maison, tout perdre, y compris ceux que j’aime le plus
au monde (y compris mon chien et mon incontournable poisson rouge !) ; je ne vais y gagner aucun plaisir
parce que je ne suis ni pyromane, ni meurtrier ; je veux simplement choisir le mal pour le mal, sans aucun
bien pour moi ou pour quiconque” Eh bien, essayez ! Vous ne pourrez pas. Pourquoi ? Parce que vous ne
pouvez pas “choisir le mal” ; l’homme ne peut jamais “choisir le mal”. Il choisit toujours un BIEN. Même le
plus pervers ne commet le mal que sous l’angle du bien qu’il recherche au moins pour lui-même.
En revanche, l’homme peut choisir un Bien qui entraîne le mal, mais il ne peut jamais choisir le mal
comme mal. Le “péché” est justement le détournement du Bien par la raison qui présente un bien à la
volonté pour la mettre en branle, alors que ce bien est objectivement associé à un mal. Mais la raison ne
veut pas voir ce mal ; elle n’éclaire que le bien [1]. Gn 3 l’exprime très justement : le fruit interdit, Eve le
vit “beau à voir” : elle passe par un “bien” pour pouvoir manger le fruit... Tel est le “péché” de l’homme
qu’il pervertit le bien pour pouvoir faire ce pour quoi il n’est pas fait : faire le mal !. Et c’est
pourquoi le péché est une grave violence faite à l’homme, dans son anthropologie même !
La “volonté de DIEU” n’est pas différente de la “volonté de l’homme”. DIEU ne peut pas “choisir le mal”,
n’en déplaise à Guillaume d’Occam [2]. Et la différence entre DIEU et nous, c’est que “DIEU n’a pas idée
du mal”, comme l’affirme Saint Thomas d’Aquin. DIEU ne peut même pas imaginer le mal. Raison pour
laquelle Il est tellement surpris de nous voir pécher. Mais Il ne peut pas nous en vouloir. Il ne peut pas,
parce que ce que DIEU recherche uniquement, c’est le Bien pour nous.
Alors que veut dire saint Paul ? Que DIEU nous donne ce que nous désirons qu’Il nous donne.
L’enfermement n’est pas de son chef, mais du nôtre ! Regardez avec quelle difficulté nous renonçons au
péché qui est en nous, c’est-à-dire au plaisir qu’il nous procure... Et DIEU nous prend au sérieux : si c’est
cela que tu veux, c’est cela que je te donne. Car ce n’est que lorsque tu auras été jusqu’au bout de
l’impasse du péché en toi que tu demanderas peut-être à ce que je te libère.
Reste que cette miséricorde est venue par les Juifs, et ultimement par Jésus ; que les Juifs sont les témoins
de la miséricorde de DIEU au milieu des Nations, mais qu’ils ne sont pas “meilleurs” qu’elles : eux aussi,
devant le mystère de la volonté divine qui est de sauver tous les hommes, ils ont préféré voir le Bien dans
la Torah plutôt qu’en Jésus. De deux biens, ils ont choisi le moindre, et cela aussi relève du péché [3] Ils
ont posé une distinction entre la Torah et Jésus, alors qu’il a bien dit : “Je ne suis pas venu abolir la Loi
mais l’accomplir”... Eh bien : à eux aussi, DIEU dit : allez jusqu’au bout de votre impasse, et alors, sans
doute, pourrez-vous demander la véritable miséricorde...
Or la vraie justice, selon DIEU, est de choisir le meilleur Bien de sorte que la volonté s’y porte
joyeusement. Reconnaître ce meilleur Bien relève d’un exercice rituel qui s’inscrit dans le temps et qui n’a
pas peur de se répéter, de réentendre les mêmes paroles et de refaire inlassablement les mêmes gestes,
toujours habités d’une manière nouvelle cependant puisque c’est d’amour qu’il est question, de relation
qu’il s’agit, de vie éternelle.
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Tous ceux qui observent le shabbat sans le profaner
je les conduirai à ma montagne sainte
Nous avons besoin de TEMPS ! C’est ce qui différencie le saint de ceux pour qui
DIEU est superflu. Le saint intériorise les choses pour ne pas se tromper de Bien ; là où le monde actuel
aime surfer à la surface, aller le plus vite possible, toujours “plus vite”, pour du toujours “nouveau”, du
toujours “plus” en terme d’accumulation... Ce monde se gausse de nous ! Il nous piège : un saint en face
de Marc-Olivier Faugiel passera toujours pour un imbécile, parce qu’il demande de répondre du tac au
tac. Jésus aurait passé pour un crétin de premier ordre, le “divin crétin” en face d’un journalisme au faîte
de sa toute-puissance narcissique : quelle aubaine !
Ce temps s’inscrit dans le rythme des shabbats, de nos dimanches, de nos prières. C’est lui qui nous fait
habiter le monde et le transformer de l’intérieur, durablement, non pas seulement pour nous-mêmes, mais
pour nos enfants et les enfants de nos enfants. C’est le temps qui nous fait choisir le véritable Bien et nous
y porter avec d’autant plus de joie que c’est là aussi que nous rencontrons DIEU en personne, et sa
miséricorde.
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Femme, ta foi est grande,
que tout se fasse pour toi comme tu le veux !
Alors le psalmiste peut entonner son chant, et la Syro-Phénicienne repartir en
dansant : elle a reconnu le souverain Bien en Jésus, elle s’y est portée et elle lui a arraché la guérison de
sa fille ! Quelle foi ! Quelle rencontre avec DIEU à qui elle a offert sa vie ! Sa prière était viscérale, entière
et sans détour ; et non pas conditionnelle : “si tu m’accordes cela, je ferai tout ce que tu voudras”. Une
telle prière est misérable, parce que c’est la prière de l’esclave. La Syro-Phénicienne est libre, et elle est
noble dans sa demande : DIEU n’y peut résister, parce qu’Il y voit le discernement du Bien et qu’Il n’a
qu’une volonté : que l’homme se porte vers ce Bien pour connaître une éternité de miséricorde.
Avec toute mon amitié fraternelle,
+ Père Alain
Notes
[1] C’est ce que Socrate voulait dire lorsqu’il affirme, par la bouche de Platon, qu’il “suffit que l’homme
connaisse le Bien pour le faire” : oui, à condition néanmoins de ne pas se tromper de bien...
[2] Guillaume d’Occam est un franciscain anglais qui vécut au XIVe siècle et qui a décidé un jour de ne
plus faire fonctionner son cerveau que sur un seul neurone ! Il disait : “DIEU peut tout et son contraire
! Si DIEU avait voulu que nous le haïssions, le bien aurait été de le haïr, et non de l’aimer !” Le
problème est que c’était un bon orateur, et que ses théories ont eu un retentissement extraordinaire
jusqu’à aujourd’hui
[3] La pleine liberté consiste toujours, entre deux biens, de choisir le meilleur. Ici, choisir le moindre
bien est un aveuglement qui relève toujours du même mouvement pécheur, quoique d’une manière
spécifique au peuple Juif.

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