Pièce pour deux, à cinq pour quatre - edansla
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Pièce pour deux, à cinq pour quatre - edansla
1 Petit note vouée à disparaı̂tre, qui permet simplement de s’échauffer les mains avant d’attaquer le boulot sérieux. Ceci apparaı̂t dans la colonne de Alors que ceci va dans la colonne de gauche. C’est magique. droite. C’est merveilleux. Si on veut faire du texte sur les deux colonnes, ça reste possible. On peut ainsi mettre en facteur des dialogues. Pauvres de nous, ça n’est pas commode à écrire à deux voix. Je ne sais pas dans quelle galère je nous ai embarqués ! Sur le titre : en musique, cinq pour quatre, c’est faire tenir cinq notes là où on en place normalement quatre. Cinq c’est nous, mébar. Quatre, c’est eux. M’enfin, ça n’est qu’un titre provisoire qui peut bien changer, ma foi. La psychologie à deux francs des personnages de la nouvelle. Filles plutôt franches et spontanées, en tout cas plus malines. Les garçons sont plus torturés, parfois franchement faux-cul (Jean), ou simplement flemme. Chacun y mettra bien ce qu’il voudra, mais pourquoi les joyeux virils que nous sommes ne revendiqueraient-ils pas haut et forts des défauts bien virils ? A faire : remplacer l’initiale du locuteur au-dessus du tiret de dialogue par le symbole de son sexe (masculin/féminin) si quelqu’un arrive à retrouver la fonte. Ca permettra de rendre cette description profonde et clairvoyante du masculin/féminin encore bien plus subtile :) Encore une fois, cette introduction va s’auto-détruire avant la publication. 1. PIÈCE POUR DEUX, À CINQ POUR QUATRE Jean, Paul, Mélanie, Barbara m ¡¡ — Allô Jean ? Me voilà redevenue célibataire. j — Mélanie, je suis ravi de l’entendre. Pour être franc, je ne pouvais rien te souhaiter de mieux. m — Alors là, merci. Quel réconfort. C’est si agréable de pouvoir compter sur les amis dans les moments difficiles. j — Franchement, ce Paul n’était pas une trouvaille. Enfin, pour tout dire, je suis moi-même dans une situation, disons. . . de transition. m — Je vois. En clair, tu t’es fait larguer. j b ¡¡ — Salut Paul. Je reprends les choses en main. Je suis libre. Exit Jean. p — Barbara, c’est trop bête. Non, je ne peux pas y croire. b — Allons, pas de manière entre nous. Si ça ne te déçoit pas tant que ça, tu peux être franc. p — Non, ça n’est pas ça que je veux dire. C’est trop bête, parce que moi aussi, au même moment, la même chose, c’est bizarre. b — Quoi ? Toi aussi, tu l’as laissé(e) tomber ? p — Disons que ça ne pouvait plus du— Oui. Enfin non, c’est plutôt l’inrer. Il a bien fallu qu’un des deux prenne verse. les choses en mains. mb — Enfin, de toutes manières, que ce soit l’un ou l’autre, ça ne change pas grand chose in fine. j — Malgré tout, le bon côté de l’affaire, c’est que ça nous permettra de nous revoir plus souvent. Là, par exemple, ça ne te dirait pas de tchatcher un coup ? m — Sans arrière-pensée ? Tu sais, moi, je digère doucement. Tu ne te sens pas trop seul, au moins. j — Seul, non bien sûr. J’arrive tout de même à m’assumer. m — Ah bon ? Parce que moi, depuis hier, c’est plutôt la grande dépression. 4 ou 5 mbar à tout casser. j — Tatata. Tu as seulement besoin de me parler. On se voit demain midi et demie au Cyrano ? mb p — D’un autre côté, si ça permet enfin de prendre le temps de voir nos copains. Nous deux, par exemple, on s’est un peu éloignés ces derniers temps. b — Oui. J’y pensais aussi. Après un petit moment, quand je me serai recollé les morceaux. p — Tu veux te laisser morfondre un petit coup ? b — Laisse-moi quatre ou cinq jours. p — Patacouffin. On se retrouve au Cyrano demain à l’heure du déjeuner ? — Après tout, pourquoi pas. 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre j — En tout cas, merci beaucoup pour le coup de fil. Ca m’a fait vraiment très très plaisir de t’entendre. J’allais d’ailleurs justement t’appeler. 3 p — Alors à demain. Le lendemain, à l’heure dite, Jean et Mélanie se retrouvent devant l’entrée du Cyrano. Paul et Barbara y sont déjà, ils ont commencé à manger. Galamment, Jean précède son amie dans le restaurant, et c’est alors qu’il voit Barbara attablée avec un homme, dont il ne voit pas le visage. . . j ¡¡ — (Se retournant prestement, il bloque le passage à Mélanie) Excusemoi, je crois que c’était une mauvaise idée : Barbara déjeune avec un type. Je préfèrerais aller ailleurs. m — Ah. . .Habituellement, je te forcerais à affronter le problème, mais là, je te comprends. . .(Rire). Allons au Troquet du Coin. Au moins, je sais que Paul déteste ce bistrot ! p ¡¡ — Tu manges à peine. . .Tu vois que j’ai bien fait de te sortir un peu, tu ne voudrais pas te laisser dépérir, quand même ? b — Excuse-moi, tu sais bien que c’est Jean qui m’a emmenée ici pour la première fois, lorsque j’ai débarqué de Paris. Il m’a fait le grand numéro : restau sympa, blagues, galanterie. . .Et puis il m’a eue, et il est resté très chouette. . .pendant un moment ! Ils mangent, avec plus ou moins d’appétit selon leur humeur. Ils bavardent. Les filles sont plus enclines à la confidence, les garçons plus enclins à garder une dignité virile, chacun dans son genre. jp — En tout cas, ton état d’esprit a l’air à peu près opposé à celui que tu affichais hier au téléphone ! m — Toi qui passais ton temps à te foutre des répliques terre-à-terre de Paul, je ne te trouve pas très fin, sur ce coup-là ! C’est un mec très bien, mais je crois que j’ai besoin de plus que de sa tendresse, et je crois que j’aurais fini par lui en vouloir de ne pas avoir plus d’ambition. Là je suis en pleine phase où je suis sure d’avoir bien fait. Ce soir, je sais qu’il me manquera. . . mb b — (Rire) J’adore ta franchise, çà change des plans à double tranchant. . .Tu sais, je sais bien que c’était la bonne chose à faire. Je l’admirais trop, avec ses manières, son charisme. Et puis le masque est tombé. Au fond, c’est un faible qui croit qu’il faut jouer pour gagner. Et il finit toujours par se faire jeter ! je peux pas m’empêcher de penser que j’aurais peut-être pu le changer, ni d’avoir envie d’essayer à nouveau. Mais là je me souviens des derniers mois, et je sais que ce serait peine perdue. — (Essuyant une larme naissante, et souriant à nouveau) Enfin, bref, j’arrête pas de parler de moi, alors que toi aussi tu dois en avoir gros sur le cœur, enfin, bref, à toi de monologuer ! 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre j — (Sombre. . .) Que veux-tu, je n’ai pas grand-chose à dire. Je l’ai perdue comme les autres : elle a eu peur de mon caractère un peu changeant. Je ne suis manifestement pas prêt de rencontrer la fille qui supportera l’importance qu’a pour moi mon boulot. . .Parfois je suis un peu négligent je pense. Je m’améliore pourtant, mais, vraiment, elle. . . 4 p — Bah, je sais depuis le début que je ne suis pas un mec pour elle. Elle a besoin d’une vie sociale riche et tout çà. Je suis pas un intello, ni un beau parleur, ni un gars de la haute. Les expos, les cocktails, c’est pas mon truc, je préfère me balader, aller à la campagne. Je l’accompagnais dans ses sorties, mais elle voyait bien que je faisais çà pour lui faire plaisir. Au fond, elle. . . jp — . . .me demandait d’être quelqu’un d’autre. Çà devait arriver. mb — Ce n’est pas le mien qui pourrait dire çà, j’ai toujours respecté ses goûts, mais j’ai fini par avoir l’impression que c’est moi qui allait finir etouffée ! Après ce repas lourd d’enseignements (pour nous), nos héros retournent à leurs fonctions sociales respectives, avant d’affronter une épreuve à la hauteur de leurs conflits internes : ce soir-là, les filles allaient chercher leurs dernières affaires pour les emmener, qui chez son frère, qui chez sa meilleure amie. mb ¡¡ — Salut ! jp — Salut. Ne reste pas là, entre. . . j — . . .Barbara. Tu as trouvé sans problèmes ? A moins que tu te souviennes encore du chemin. b — Bon, Jean, je te préviens, ne commence pas ton numéro d’humour à deux balle. Je n’ai pas envie. j p — . . .Mélanie. Ça me fait vraiment plaisir de te revoir. Je ne peux pas m’en empêcher, c’est dur. m — Pour moi aussi c’est pas facile. Mais c’est comme ça, nous deux ça ne menait à rien. Voila, tu vois, je me mets à pleurer. p — Oh la. Pas la peine de monter sur — Mélanie, je n’ai jamais pu supportes grands chevaux. Très bien. . . ter de te voir pleurer, arrête. . . . . .tes affaires sont là. Jean et Paul se détournent, ils ont apparemment un besoin urgent d’aller regarder par la fenêtre, et laissent Mélanie et Barbara s’absorber dans le rapatriement de leurs affaires. Au bout de quelques minutes, b — Et la télé ? On l’avait achetée à deux. j — Ah ça non, justement, ma vieille. Tu me l’avais offerte. Vraiment c’est mesquin. m — Non (reniflement), garde la télé. (mouchoir ) Je ne la regarde jamais finalement. p — Moi non plus depuis que tu es partie, et quand je la vois, elle me fait penser à toi, et c’est pas bon pour moi. mb — Bon je dois y aller. Écoute on réglera cette question plus tard. Je la laisse là provisoirement. j — C’est ça, et à bientôt. Pas la peine de te souhaiter une bonne soirée, j’imagine que tu ne vas pas t’ennuyer. b — Qu’est-ce que ça veut dire ? p — Bon, bin. . .je ne sais pas trop quoi te dire. Bonne chance dans ta vie. Tu mérites d’être heureuse. m — Tu es quelqu’un de bien, tu sais. Nous deux j’y ai vraiment cru. Non mais . . .tu fais quoi, là ? 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre j — Tu déjeunait en bonne compagnie tout à l’heure au Cyrano. Je pensais que notre histoire comptait un peu plus que ça pour toi. b — T’es vraiment trop con. Je t’emmerde. 5 p — Excuse-moi, j’en avais trop envie. Te revoir comme ça, ici. (Pause) Tu es toujours aussi belle. m — Tu sais qu’il ne faut pas qu’on craque. jp — (Ils ferment la porte derrière Mélanie et Barbara qui descendent précipitamment les escaliers) Putain. Quel con ! Ça fait chier. Merde . . .Quelle conne, aussi. Plus tard dans la soirée, c’est une conversation téléphonique (entre Jean et Mélanie ; Barbara et Paul) qui tient lieu d’épilogue à cette journée bien remplie. jp — Alors comment ça s’est passé ? Pas trop dur ? mb — Pire que tout. Horrible, affreux. Je suis rentrée chez moi en pleurs. Demain je vais encore avoir les yeux bouffis au bureau, bravo. J’ai le moral à zéro. De toutes façons, je ne veux plus le revoir. jp — Alors là t’as bien raison. Je vois tout à fait le tableau, pas la peine de me faire un dessin. Quel naze ! Plus ça va plus je me dis qu’il ne te méritait pas ce type. Le dimanche suivant, en fin de matinée. Jean et Paul traı̂nent chez eux, chacun chez lui. Mélanie et Barbara profitent des soldes. j — Mais c’est pas vrai ! Elle n’a quand même pas embarqué la télécommande. . . p — Tiens, puisqu’elle m’a laissé la télé, je vais me regarder téléfoot. . . rêveur . . . Elle trouvait toujours ça débile. . . j m — Salut Barbara, qu’est-ce que tu fais là ? b — Ben, la même chose que toi, je fais les soldes. Paul m’a dit que vous vous êtes séparés. m — amère. . . Oui, et Jean m’a dit que vous êtes séparés aussi. b — C’est sûr qu’elle a fait ça pour me — Oui. . . faire chier. Enfin, . . . . . . j’imagine que l’on trouve toujours de bonnes raisons. 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre 6 m Jean fouille les différentes pièces à la recherche de cette télécommande perdue. Paul s’installe confortablement dans le canapé, muni de sa couette, pour se tenir chaud. Ils pensent tous les deux à leur récente rupture. En cette froide matinée, leurs souvenirs s’attardent dans les zones érogènes. Jean se rappelle une scène savonneuse sous la douche tandis que Paul se souvient d’un réveil buccal un dimanche matin, sous les draps. Leurs désirs s’éveillent. Et dans ces cas là. . . jp — Tiens, mon désir s’éveille. Et dans ces cas là. . . — Et de mauvaises aussi. . . Tout le temps où nous avons été ensemble, Paul a toujours été un mauvais amant. Finalement, je crois que c’est pour ça que je l’ai quitté. b —Ah bon. . . c’est marrant parce que, avec Jean, ça n’a jamais été formidable non plus. Il était trop fougueux, il me demandait toujours des trucs complètement fous. m —Ah. . . pensive. . . Moi, ce serait plutôt que Paul était assez maladroit de ses mains et de sa langue. . . si tu vois ce que je veux dire. b — souriante. . . Oui, très bien ! Mais pour ça, . . . . . . je crois que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. m Un moment plus tard. . . — Hum. . . C’est vrai. Mais ça demande une certaine souplesse pour la langue. j — C’est incroyable ! Elle m’a vraiment b — Un blanc. . . Tu peux toujours piqué ma télécommande, la salope ! p demander à une copine de te dépanner. — Bon. . . avec tout ça, j’ai raté le début m — Sensuale ma non troppo. . . Tu pourde téléfoot. Un temps. . . Tiens, c’est birais me dépanner, toi, par exemple ? zarre, j’ai deux télécommandes mainteStop. Tout doux, les filles. . . On va où, nant. là ? On n’est pas en train de tourner un Et oui, cher lecteur, tout se complique mauvais film porno, je vous le rappelle. maintenant. Avouez-le, vous croyiez qu’il s’agissait d’un banal Harlequin ? Je suis en train de faire une description profonde et clairvoyante du masculin/féminin. Ne nous égarons pas trop les Jean/Paul et Mélanie/Barbara, s’il-vous-plaı̂t. Je vous avais prévu des dialogues brillants et ambigus, des scènes poignantes, des éclats de rire, des larmes, l’étincelle du génie traı̂nant un peu partout et tout le tralala, et voilà que vous foutez tout en l’air en parlant cul ! Voilà, l’idée géniale, c’est de décrire deux fois la même chose. Dans la vie, on finit toujours par choisir ; le chat doit bien être mort ou vivant lorsque l’on ouvre la boı̂te. Ici, vous avez la possibilité d’exploiter jusqu’au bout deux possibilités, justement. . . mais, à la fin, le public aurait compris que l’on vit toujours la même histoire de toute façon et il me (nous) aurait applaudit sans réserve. j b p m — Ça y est, je — Comment ça, — Qui es-tu, toi ? suis Jeanne d’Arc. Tu veux vraiment on vit toujours la me foutre au fond Ma mère m’avait même histoire ? J’espère bien que aujourd’hui, hein ? prévenu, je suis folle. Une rupture, non ! Tous les C’est pas humain ce n’est jamais une de faire ça un mecs ne sont pas dimanche. Attends partie de plaisir. des Jean. . . enfin, j’espère en tout au moins jusqu’à Toujours la même demain. histoire, c’est ça. cas. Pour qui il se prend celui-là ? Je vais vous expliquer. Vous croyez que vos actions sont d’une quelconque importance ? Que votre histoire dépend de ce que vous choisissez de faire ou de ne pas faire ? Vous vous trompez complètement. Par exemple, vous avez décidé de vous séparer de votre compagne/compagnon, vous croyez que vous avez pris votre vie en main. Mais — Qu’est-ce qu’il raconte celui-là ? C’est quoi ce vilain délire de deux possibilités, on dirait un mauvais film de science-fiction. Et toi, tu es combien d’ailleurs ? 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre 7 comment allez vous vivre la décision que vous venez de prendre ? Comment supporterez vous la nouvelle vie que vous vous êtes choisie ? Si vous êtes d’un tempérament pessimiste, vous vous plaindrez de ce qui vous arrive jusqu’à ce qu’une autre sale histoire vous tombe dessus. Si vous êtes plutôt joyeux, vous irez voir ailleurs en oubliant bien vite cette mauvaise passe. Si vous êtes flegmatique, vous vous direz que c’est la vie et que cela n’a pas beaucoup d’importance. Si vous êtes rebelle, vous rejetterez la faute sur l’autre. Bref, ce qui compte, ce n’est pas la décision que vous avez prise mais bien votre caractère, votre tempérament, car c’est lui qui détermine la manière dont vous vous adapterez à votre nouvelle vie. Or vous n’êtes pas maı̂tre de votre caractère. C’est votre créateur qui en est responsable. Donc, c’est moi, l’auteur de cette nouvelle, ou plutôt nous cinq, grâce à ce collectif d’auteurs. Nous avons tracé dès le départ les grandes lignes de vos vies. En créant vos personnages, nous avons déterminé vos destinées. Peu importe quelles actions vous déciderez de faire, vous virez toujours la même histoire. Vous pouvez toujours décider de vous remettre en couple ou de rester célibataire, le résultat sera le même. C’est comme Adam et Eve qui ont cru qu’ils prenaient leur destin en main en mangeant une pomme. En fin de compte, ils possédaient toujours les mêmes défauts. Adam était prétentieux et obnubilé par le sexe, Eve était irrascible et manipulatrice. Le paradis ne pouvait pas durer entre eux. La pomme n’était qu’une bonne excuse. Sans pomme, leur histoire aurait été identique. Pour conclure, vous pouvez toujours faire ce qu’il vous plaı̂t. Le lecteur, qui n’est pas dupe, saura se rendre compte que vos histoires sont bien les mêmes quoi que vous fassiez. j — Tu te prends pour qui, espèce d’écrivain de carnaval ? T’es pas en train de faire un best-seller. Alors, nous prend pas trop de haut. J’aimerais bien que tu viennes faire un tour dans ta nouvelle, j’aurais deux trois petites choses à t’expliquer. Gros blair. p m — C’est in— On n’a jamais croyable. On entendu ça. Dem’avait dit de me puis que le syndiméfier des colleccat des acteurs de tifs d’auteurs. Ils nouvelles a signé écrivent connerie un accord avec la sur connerie. Sous ligue des auteurs, pretexte qu’ils notre travail était sont en groupe. respecté tant bien Ils croient qu’ils que mal. Mais là, Oh ! Là ! peuvent nous faire ça dépasse un peu Tout doux les enfants. faire n’importe les bornes. Un peu de calme ! quoi. Bon, c’est fini, ce bordel ? b — Quel enfoiré. Il touche à notre vie privée, maintenant ? C’est plus de la censure, c’est de la manipulation. Et moi qui ai hésité entre les sitcoms et les nouvelles. Pourquoi, j’ai décidé d’être actrice de nouvelles ? Quelle galère. Si vous parlez tous en même temps, j’arrive pas à suivre. Alors vous parlez l’un à la fois, ou bien vous parlez en chœur. jpmb — Nous voulons pouvoir agir à notre guise, sans avoir des commentaires navrants à chaque page. De plus, nous voulons les 35 heures ainsi qu’une prime de Noël, et des indemnités pendant les congés. Cher lecteur, je suis désolé de vous faire assister à cette scène dégradante. Je vous prie de patienter un instant, afin que je puisse négocier avec mes figurants jpmb — Acteurs, s’il vous plait ! Chers figurants, devant tant de mauvaise foi, je me vois dans l’obligation d’accepter les conditions que vous m’imposez. J’essaierai donc de limiter mes commentaires, pourvus de leur discernement inégalable, qui vous froisse ostensiblement. De plus, je restreindrai le récit de vos aventures à 35 heures de votre temps hebdomadaire. Le reste 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre 8 ne pourra être dévoilé aux lecteurs qui, j’en suis sûr, se sentiront lésés. Par contre, je me réserve le droit de choisir les passages que je leur conterai. En ce qui concerne les primes et dédommagements, je peux m’arranger avec vos employeurs pour que vous ayez une promotion avant la fin du mois. b — Des mots, des mots, toujours des mots ! Vous n’êtes jamais foutus de produire que çà, vous les auteurs ! Si on n’était pas là pour agir à votre place, vous seriez bien embêtés. . . Bon. Vous commencez à faire franchement chier, bande de crétins qui n’existent même pas. En plus avec ce collectif de branleurs, ca fait un mois que j’attends la relève. Alors, mes petits, vous allez vous débrouiller tous seuls, parceque moi, j’ai eu ma dose d’emmerdements, je me tire ! Et j’éteins la lumière, au passage ! Bon vent ! b — Ouais ! On a gagné ! jmp — ... b — Ben quoi ? j — Et qu’est ce qu’on fait maintenant ? b — Ben, je sais pas moi . . .on vit ! j — Et dans quelle histoire ? C’est bien joli d’être acteur de nouvelles, mais encore faut-il qu’il y en ait une. C’est vraiment malin de l’avoir fait sortir de ses gonds. Tu aurais pu réfléchir à ce détail. b — Qu’est ce qui te prend de me parler comme ça, mon vieux, tu t’es trop mis dans la peau de Jean on dirait. Enfin, tu sais à qui tu parles quand même ? j — Peut-être que je me confonds un peu avec mon dernier rôle, c’est vrai. Mais c’est aussi valable pour toi, ma pauvre. Tu parles comme cette cruche de Barbara. p — Mais calmez-vous ! Il avait peut-être raison, le narrateur. . . j — Comment ça ? p — Comment vous appelez-vous ? jmb — ... p — Moi non plus je ne sais pas. Je sais juste que vous êtes Jean, Mélanie, et Barbara dans la nouvelle de Mébar. Et que je suis Paul. Je ne sais rien de nous à part ça. . . j — C’est exactement le problème : sans histoire nous ne sommes rien. On est mal. b — Et bien on n’a qu’à en créer une. L’un de nous peut devenir narrateur. j — Mmmm. . .Avec tout ce que j’ai lu en tant que Jean, je peux faire un essai. Si ça vous dit, bien sûr. m — Ok. Vas-y. . . Il était une fois, dans une loint. . .euh, pardon. . .Il était une fois, dans une lointaine contrée, une Bergère qui gardait son unique Mouton. b — Je suis la bergère. m — Et moi le mouton. Le soleil brille de mille feux. b — Bonne idée. Ah. . .ou est passé Paul ? p — Je me sens bizarre, qu’est ce qui m’arrive. . .je suis. . . . . .devant un aussi charmant spectacle, la Prairie entière se mit à chanter. 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre 9 p — La La li lo lo LOOO ! ! ! Mais c’est complètement idiot, cette histoire, arrête tout de suite ! m — Mêêê. . .(énervé). j — Je suis désolé les gars (je peux vous appeler comme ça puisque vous n’avez pas de sexe permanent). Apparemment je ne suis pas doué. p — Regarde ce que tu as fait de moi. . .une prairie qui parle ! b — Au moins on a la lumière maintenant. m — Mêêê. . .(énervé). j — Euh. . .Disons que le Mouton parle aussi. m — Merci c’est déjà ça. . . j — Bon à qui le tour d’essayer, moi j’abandonne. Un silence pensif s’installe. Visiblement personne n’ose prendre la relève. Mais au bout d’un moment Paul a une idée. b — Mais qui parle ? m — T’as une idée Paul ? p — J’ai une idée : pourquoi ne pas faire un collectif d’auteurs-acteurs. Si Jean n’arrive pas à lui seul à nous faire une histoire potable, en nous unissant on y arrivera peut-être à s’en sortir. b — Oui quelle bonne idée, Paul. L’union fait la force (et patin coufin). m — C’est bien joli ce scenario Hollywood où les héros s’en sortent en se serrant les coudes mais vous savez, comme moi, que c’est pas facile de travailler à plusieurs. Ça demande de l’autodiscipline, et de la régularité. Combien de collectifs de ce genre se sont perdus en route . . . j — Bon Disons qu’on se retrouve tous les lundi (mais sérieux hein ? chaque lundi !) avec chacun une idée de ce que l’on propose. Et on votera pour la meilleure, par exemple. Essayons d’être un tout petit plus inventifs que ces auteurs à deux balles qu’on se paye à chaque fois. Vraiment on voit qu’ils n’ont pas à se coltiner les histoires bateaux qu’ils nous imposent. Sinon ils ne se rendent pas compte à quel point c’est pénible toujours les mêmes histoires de couples, de ruptures . . .. b — Bien dit. Montrons-leur ce que c’est qu’une nouvelle bien charpentée, avec ce qu’il faut où il faut. Un truc qu’on n’aura pas honte d’interpréter, pour une fois. m — Oui. Et pour leur en mettre plein la vue, on n’a qu’a garder le thème principal, l’Amour, si j’ai bien compris. Le lundi suivant, les voila réunis comme prévu, chacun avec son idée. j — Alors voila cette première séance sur l’Amour ! J’ai hâte de voir ce que ça va donner. jpmb — Moi je pensais. . . 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre j — . . .qu’on pourrait raconter l’histoire d’une histoire d’amour qui finit bien. C’est la grande chose qu’il manque dans l’histoire de la littérature. ¡¡ Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.¿¿ C’est là que les histoires s’arrètent, mais c’est là que notre nouvelle commence. C’est un vrai défi littéraire, raconter un grand bonheur sans nuage. Moi je pense. . . b — . . .à un truc du genre une histoire magnifique à quatre personnages en harmonie sexuelle totale et les problèmes que la société et sa morale étriquée leur fait parce qu’elle ne peut accepter leur différence quaternaire. Moi je pense. . . p — . . .qu’on pourrait écrire un manifeste qui démontre que l’amour est un mythe. C’est l’opium de la société de consommation, et ça fonctionne avec une machine formidable de propagande. Embrigadement avec les histoires de Blanche-Neige dès qu’on est en age d’écouter des histoires. L’idée c’est qu’on nous trompe : il n’y a rien d’autre que des yaourts, des grilles-pains et des poulets surgelés dans le monde. Moi je pense. . . 10 m — . . .qu’il faudrait explorer la banalité navrante de tous les romans d’amours. Toujours le même nombre de personnages (un de chaque sexe la plupart du temps), le même début, toujours la même fin (ou presque) et un peu de sexe (au mieux) entre les deux. Ce que je vous propose, c’est de faire le roman d’amour le plus banalissime, avec les clichés poussés aux maximum, une œuvre d’art, le sur-roman d’amour quoi. Moi je pense. . . jpmb — . . .que ça renouvèlerait le sujet. Qu’est-ce que vous en pensez les gars ? Moi, je pense que ce sont de très bonnes idées, les enfants. Mais les idées ça ne suffit plus aujourd’hui ; il faut du style, il faut impressionner le lecteur et le critique endormis. Il faut du sexe, de la violence, de la provoc’. Vous ne croyez quand même pas que l’on va publier ce ramassis d’idées décousues s’il n’y a aucun scandale à la clé. Et Thierry Ardisson, vous y avez pensé ?. . .et Marc-Olivier Faugiel ? Moi, je pense que l’on pourrait faire un parallèle avec un épiphénomène du moment : LoftStory. Vous êtes quatre, deux garçons, deux filles. Le lecteur peut épier vos réactions banales et insipides à l’envie et satisfaire ainsi ses instincts voyeurs les plus bas. Il ne reste plus qu’à meubler le décor façon Ikea, et à vous donner des lunettes de soleil rouges, vertes et bleues griffées pour ajouter la note de fadeur nécessaire à l’identification consumériste de la ménagère de quarante ans et sa fille bimbo de quinze. D’ailleurs, il faudrait songer à changer le titre de cette œuvre brillante parce que “Pièce pour deux, à cinq pour quatre”, il n’y pas grand monde pour comprendre ce que ça veut dire. Ce n’est pas très sexy, pas vraiment accrocheur. Qu’est-ce que vous en pensez, les enfants ? 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre j — Bon, les auteurs là-haut, derrière vos claviers, il faudrait vous mettre d’accord. Alors, un coup, il y en a un qui part dans son trip intello à deux balles. Puis le vilain délire halluciné avec ses Prairie, Mouton, Bergère et Cie. Ensuite, l’autre qui voudrait nous refaire l’histoire de la littérature sentimentale et érotique en trois pages. . .et maintenant, celui-là qui pense à ses lecteurs. Ça manque un peu d’unité tout ça, les gars. Il faudrait essayer de ne pas toujours vouloir tirer la couverture à soi. Pêché d’orgueil. . . b — C’est vrai ça. . .On n’y avait pas pensé. Il faudrait se trouver un bon titre si l’on veut que le public s’intéresse à nous. Dans l’immensité de la Toile où le moindre écrivaillon se sent obliger d’y aller de son petit écrit : et vas-y que je mets en ligne mes rédactions de sixième, mes premières lettres d’amour à quinze ans et les poèmes que j’écrivais pour la fête des mères. Qu’est-ce qui peut encore choquer les gens aujourd’hui ? Quel est le dernier tabou ?. . .Moi je ne vois que l’inceste, les gars. p — LoftStory, il ne manquait plus que ça. Je ne pensais vraiment pas qu’ils puissent tomber aussi bas, ces auteurs de pacotilles. Mais dites-moi que je rêve. . .Dans la série, je veux frapper encore toujours plus bas, pourquoi ne pas parler des prêtres transsexuels exhibitionnistes, des top-models nymphomanes boulimiques ou des drogués séropositifs myopathes. Le tout sponsorisé par une marque de cosmétiques. . .parce qu’on le vaut bien, après tout. 11 m — Cher Monsieur Mébar, il faudrait peut-être changer de discours si vous voulez un jour passer à la postérité. Est-ce que vous croyez vraiment que Stendhal pensait Marketing quand il écrivait “Le Rouge et le Noir” ? Comme dirait le Général De Gaulle, un bon écrivain est un écrivain mort. Enfin, on se comprend. . .on ne fait pas de la bonne littérature en pensant au public. Le public est ignare et suiveur. Il comprend toujours trop tard. Toujours trop tard, Monsieur Mébar. jpmb — . . .De toute façon, on approche de la fin maintenant. Il n’est plus temps de trouver de nouvelles idées mais plutôt de conclure. C’est vrai ça ! Pour une fois, chers acteurs, vous dites quelque chose de sensé. Je vais donc céder ma place au dernier auteur, lui laissant une lourde tâche : écrire une fin, digne de ce nom, à cette nouvelle expérimentale. Personnellement, je verrais bien quelque chose de frais et enlevé dans un style lyrique et passionné, une revisite pleine de recul, irrespectueuse et géniale des thèmes récurrents de cette nouvelle : l’Amour, la rupture et la réconciliation, bien sûr, mais aussi l’écriture et l’amitié joyeuse et virile. Bref, bon courage mon petit gars. Merci de me donner la plume dans une position aussi inconfortable, cher coauteur. Tous les lecteurs sont maintenant accrochés au fil de cette nouvelle, attentifs aux idées qui vont jaillir de mon imagination. Et je suis sur qu’ils ne pardonneront aucune faiblesse, tant nous les avons faits saliver par une foule de rebondissements. J’ai peur de la critique, mais je me lance, pour essayer de rassembler les morceaux de cette nouvelle hétéroclite qui nous a quelque peu échappé tant la puissance créatrice était forte. 1. Pièce pour deux, à cinq pour quatre Paul s’était enfoncé encore plus profond dans ses rêveries. Il aimait la poésie. Il essayait d’écrire vaguement. Il pouvait alors oublier sa vie quotidienne et sa condition médiocre. Son temps libre, il le comblait par de grandes ballades champêtres. Pour Mélanie, la vie continuait. Elle avait du mal à se remettre de sa séparation. Ses connaissances dans cette grande ville de Lyon se comptaient sur les doigts de la main. Hormis les cocktails passés avec ses collègues ingénieurs, elle passait ses soirées seule, à attendre que sa vie prı̂t un meilleur tournant. Le prince charmant viendrait-il un jour ? Paul et Mélanie se recroisèrent un soir sur les quais de la Saône. Le soleil rouge vif éclairait un joueur de saxo qui dialoguait avec l’écho de sa musique sur l’autre rive. Ils échangèrent un long baiser, se murmurèrent des mots doux et passèrent une courte nuit. Leur nouvel appartement fut baptisé par deux jumeaux. Ils avaient retrouvé une vie sereine. Jean était médecin. Pour oublier sa séparation récente, il s’engageait sur de multiples projets humanitaires. Mais il s’habituait aux barbelés des camps de réfugiés sans pouvoir oublier ses nuits torrides avec Barbara. Quelques infirmières, attirées par sa renommée, se prétèrent à ses jeux sexuels sans réussir à le dérider. 12 Après sa rupture, Barbara s’était précipitée en boite de nuit. Elle consommait sa liberté jusqu’à écœurement. Elle draguait tous les soirs. Son porte-manteaux accueillait chaque nuit un blouson différent. Son canapé grinçait alors jusqu’à l’épuisement des partenaires. Jean retrouva Barbara sur une piste de Zouk. Elle ne le reconnut pas, tant l’alcool obscurcissait sa vision. Il profita de son état pour la ramener chez lui. Elle se donna à lui, croyant s’affairer sur un inconnu. Ils repoussèrent les limites de l’ennui en inventant de nouveaux jeux sexuels. Leur couple se reformait autour de leurs désirs excités. Ils avaient tous deux besoin d’une vie sexuelle agitée. Ils fréquentèrent les camps naturistes et les soirées libertines. Malgré leurs différences, les quatres anciens célibataires se retrouvaient régulièrement autour d’un repas improvisé. Au milieu des discussions animées, leurs regards se croisaient avec compréhension. Leur amitié ressortait renforcée de cette parenthèse de leur vie, où ils avaient essayé de lutter contre leurs destins.