Littérature

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Prix Rossel pour Caroline De Mulder
Caroline De Mulder, chargée de cours au Département de langues et littératures françaises et romanes
de Namur, et ancienne étudiante de l’Université, a
reçu le Prix Rossel pour son premier roman, « Ego
Tango », paru aux éditions Champ Vallon. Rencontre
avec cette enseignante qui aime interroger la langue
et ses formes d’écriture.
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Le prix Rossel est-il pour
vous plutôt une belle surprise,
un encouragement… ?
Les deux, mais cela a avant tout
été une surprise ! Je suis tombée
des nues quand on m’a contactée,
d’autant que j’étais en lice avec
un panel d’écrivains confirmés. Il
semble que ce soit la recherche sur
l’écriture qui ait décidé le jury.
Comment avez-vous envie de
présenter votre roman ?
Je trouve qu’idéalement, un
roman doit se défendre lui-même.
C’est pourquoi je n’ai aucun problème à le lire par exemple, mais
le défendre est un exercice que je
continue à avoir du mal à faire… Je
dirais simplement qu’il s’agit d’un
récit sur l’addiction, plus exactement sur comment une personne
accro au tango peut raconter son
histoire, sans trahir l’esprit de
ce tango qui l’obsède. J’ai donc
essayé d’y répondre avec un style
d’écriture particulier, mais aussi
par certains éléments du récit : les
bas-fonds et le crime sont présents
car ils appartiennent à l’univers du
tango. Le tango c’est une danse,
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Le quotidien Le Soir décerne le prix Victor Rossel depuis 1938 pour récompenser un roman
(ou un recueil de nouvelles) belge. Parmi les
écrivains qui ont déjà reçu le Rossel : Henry
Bauchau et Jacqueline Harpman.
mais c’est aussi une musique, et
une poésie populaire qui raconte,
dans la langue des voyous (le lunfardo), des histoires de crimes et de
passions.
semble que c’est plutôt le regard
des autres sur moi qui a changé…
Il n’y a donc, pour vous,
aucune difficulté à mener des
recherches sur la littérature
tout en en écrivant ?
Écrire un texte littéraire ou un
article critique sur la littérature
sont deux démarches distinctes,
qui se traduisent par des types
d’écriture très différents. J’ai un
ami qui dit qu’il est bien de savoir
écrire des deux mains, et bien moi
c’est un peu comme si de la main
droite j’écrivais des articles scientifiques et de la gauche de la littérature ! Ces deux pratiques sont tout
à fait compatibles. Il est important
de rappeler que si cette combinaison est plutôt rare chez nous,
quand je suis entrée dans l’auditoire, certains ont témoigné qu’ils
avaient aimé le livre, etc. Je pense
que cela peut-être intéressant pour
eux d’avoir une professeure qui
leur parle de la littérature « depuis
l’intérieur ».
Vivre à Paris est-il encore
l’étape obligée pour la
reconnaissance d’un écrivain
belge dans l’espace littéraire
francophone ?
Non, je ne pense pas, même s’il est
vrai que Paris reste un centre culturel et littéraire important, et est
donc très enrichissant. C’est avant
tout pour des raisons familiales que
je vis beaucoup à Paris, même si,
pendant l’année académique, je
suis également souvent à Namur.
J’habite en fait dans les
deux villes.
Le fait que vous soyez
bilingue peut-il se voir comme
une source de votre travail
sur l’écriture, et donc sur la
langue elle-même ?
J’ai en effet l’habitude
de dire que j’ai deux
langues maternelles,
car j’ai appris à parler
Vous avez fait vos
en flamand (je suis née
candidatures (actuel
Ma formation à Namur a eu
à Gand) et appris à lire
baccalauréat) à
un
impact
important,
sur
mon
en français. Chaque
l’Université de
langue a sa littérature,
Namur. Êtesparcours de chercheuse, comme
ses images, ses expresvous attachée à
sur
mon
style
d’écriture
sions figées, etc. et donc,
l’institution ?
effectivement, le fait
Tout à fait. Si j’ai appris
d’être bilingue pousse
à parler en Flandres, à
davantage à confronter
écrire à Mouscron où j’ai
les diverses formes d’expassé mon enfance, c’est
pression et à réfléchir à la langue et
elle est très courante ailleurs, aux
à Namur que j’ai appris à lire avec
à sa construction.
États-Unis, par exemple, où beaudiscernement. J’étais, avant mes
coup de professeurs de lettres sont
candidatures, une lectrice compulécrivains.
sive, de tout et n’importe quoi…
Votre activité d’écrivain « au
C’est ici que j’ai appris à réfléchir
grand jour » change-t-elle
au style, à la qualité de l’écriture, à
votre regard sur la littérature ?
Ce coup de projecteur sur
lire des textes plus exigeants et à
votre roman a-t-il eu un
Non, car j’ai toujours écrit, à la fois
me rendre compte qu’il y a un plaiimpact sur vos relations avec
sur la littérature, et de la littérature,
sir plus grand encore à lire un texte
les étudiants ?
même si elle n’était pas publiée.
difficile, en faisant un petit effort de
Publier des romans s’inscrit dans la
Le lendemain de la remise du prix,
plus.
continuité de mes activités. Il me
les étudiants m’ont applaudie
Mon passage à Namur a été très
important pour moi, il m’a ouvert à
d’autres horizons, j’en ai un très bon
souvenir, en particulier des cours
d’analyse de textes avec Michèle
Monballin. La force des FUNDP est
de proposer un très bon encadrement
pédagogique, et pour la formation en
romanes, de mettre l’accent sur tout
ce qui est analyse et pratiques du
texte. Mon passage à Namur a eu un
impact important sur mon parcours,
à tout point de vue, même sur mon
écriture puisque c’est aussi en faisant attention à l’écriture des autres
qu’on apprend à écrire.
INSTITUTION
LITTÉRATURE
Quelle pertinence voyez-vous
aux études en langues et
littératures romanes pour un
jeune aujourd’hui ?
Elles forment les étudiants à une
certaine façon de penser. L’apprentissage va bien au-delà de la
connaissance et de l’analyse des
textes littéraires. Les étudiants
acquièrent une façon d’aborder
tous les textes (littéraires, scientifiques, journalistiques, etc.), et
tous les messages écrits ou oraux,
et même visuels, qui nous parviennent tous les jours (discours
politique, spots publicitaires, créations artistiques…). Ces études
favorisent de plus l’esprit de synthèse et d’analyse. Ce sont des
compétences transversales utiles
chaque jour. Et bien sûr, les études
littéraires contiennent en outre une
dimension culturelle importante.
Propos recueillis par E.D.
http://www.
carolinedemulder.com/
http://www.fundp.ac.be/
lettres/romanes/romance
TRIMESTRIEL N°78 JANVIER 2011
Photo : Bruno Fahy
Caroline De Mulder est la coordinatrice
de l’Association des anciens romanistes de Namur (ROMANCE)
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