Rubrique MDH 3.1.6 L`ISOLATION PHONIQUE ECOLOGIQUE

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Rubrique MDH 3.1.6 L`ISOLATION PHONIQUE ECOLOGIQUE
Mardi 11/10/2011
Cycle « Construire durable »
soutenu par le programme européen Life+
L’ISOLATION PHONIQUE ECOLOGIQUE :
POURQUOI, COMMENT ?
Jean-Louis Beaumier
Auteur de « L’isolation phonique écologique. Matériaux et
équipements. Mise en œuvre et études de cas »
(éd. Terre Vivante, 2011)
Un constat alarmant
Selon plusieurs enquêtes récentes, 66% des Français observent des nuisances
sonores à leur domicile, 3000 zones d'habitation sont exposées au bruit des
transports terrestres, 11% des habitants des villes souffrent gravement du bruit.
C'est une situation préoccupante en termes de santé publique.
Un habitat silencieux ?
Si l'on interroge un grand nombre de personnes sur leur définition de l'habitat
silencieux, on obtiendra une aussi grande diversité de réponses. Pour certaines, il
s'agira d'un lieu où l'on n'entend pas les voisins, pour d'autres un logement où
aucun bruit extérieur n'est perceptible, pour d'autres encore un lieu où chacun vit
sans gêner les autres. L'idée de silence n'est donc pas une valeur absolue, c'est
une valeur relative où chacun établit sa propre exigence, en fonction de sa
personnalité et de ses habitudes.
Cependant, des normes et des réglementations existent, qui s'appliquent à l'habitat
et concernent l'environnement sonore autant que la construction elle-même. C'est
un domaine qui est en constante évolution, tentant de concilier d'une part les
demandes du public, d'autre part les implications techniques et financières des
ouvrages acoustiques. Dans l'état actuel des normes, il est clair qu'elles ne
répondent pas à la demande croissante de silence.
Les matériaux « bio-sourcés »
Les matériaux de construction écologiques, aussi appelés "bio-sourcés", gagnent
en visibilité et en présence dans la construction.
Ils répondent à plusieurs objectifs :
• la santé des occupants, par l'absence de composés néfastes (COV1
notamment)
• la santé du bâtiment, par leur qualité hygroscopique (perspiration)
• l'adéquation aux concepts du développement durable.
Cependant, leur utilisation en acoustique est encore limitée par plusieurs
inconnues:
• documents techniques rares ou incomplets
• mesures d'efficacité disparates ou non superposables
• incertitudes sur le comportement dans le temps.
La demande croissante pour ces matériaux devrait rapidement combler ces
manques et permettre un développement de leur usage.
Un matériau « écologique », qu’est-ce que c’est ?
Selon les "écoles" ou la philosophie de chacun, un matériau écologique sera :
• issu d'une ressource renouvelable
• entièrement recyclable ou réutilisable
• d'une parfaite innocuité pour les habitants
• de provenance locale ou régionale
• crédité d'un bon bilan global (analyse du cycle de vie)
• produit ou récolté sans dommage pour l'environnement et à faible poids
énergétique…
On le voit, le matériau idéal est difficilement concevable, le choix sera donc
toujours un compromis, qui fera intervenir aussi les paramètres de la facilité de
mise en œuvre et de coût.
Les matériaux écologiques d'isolation phonique
1. Les matériaux semi-rigides, en panneaux
D'origine végétale ou animale, ils sont employés verticalement
en remplissage de cloison, en doublage de mur, ou en comble,
en séparation d'étage.
Exemples : panneaux de chanvre, lin, laine de mouton, cellulose,
liège, fibre de bois…
2. Les matériaux souples, en rouleaux
Utilisés de préférence horizontalement, en raison du risque
d'affaissement en position verticale. Isolation de combles, de
toiture, séparation entre étages
Exemples : rouleaux de laine de chanvre, lin, bois, mouton,
coton…
Cloison sèche sur ossature
métal © Hervé Nallet
3. Les matériaux en vrac
D'origine végétale, minérale ou animale, ils s'emploient en déversement sur
planchers, voûtes, combles ou pour la fabrication de bétons isolants, avec chaux
ou ciment.
Exemples : chènevotte de chanvre, billes d'argile, paille, liège, cellulose, perlite…
4. Les produits minces
En épaisseur de 4 à 10 mm, ils servent de sous-couche acoustique en plancher
flottant, de bande résiliente, de support d'appareils.
Exemples : liège, coco, bois, feutre, coton…
L'isolation phonique : la démarche
1. Identifier les risques
Etude de l'environnement, du voisinage, de
la mitoyenneté existante ou à venir.
Installations
industrielles,
voirie,
modifications ultérieures du PLU2…
2. Détecter les points faibles
Etude du bâtiment existant ou étude sur plan
: orientation des pièces, qualité des
ouvertures, nature de l'isolant phonique…
3. Prévoir le plus tôt possible
Doublage de mur © Hervé Nallet
Mieux vaut prévenir que guérir, dit l'adage.
En acoustique, corriger un défaut coûtera
toujours plus cher et nécessitera des
travaux plus importants que l'action
préventive.
4. Agir à la source
Il est toujours préférable de réduire la nuisance à la source, plutôt que de s'en
protéger. Bien sûr, ce n'est pas toujours possible mais cette solution doit être
recherchée en priorité.
Isolation thermique, isolation phonique
Une bonne isolation thermique est-elle performante en acoustique ?
Malheureusement, non, pas toujours. Plusieurs raisons à cela :
• en acoustique, la meilleure performance est obtenue par l'effet de masse –
la densité du matériau - en thermique c'est l'épaisseur d'isolant qui apporte
le résultat
• les isolants thermiques rigides favorisent la propagation des bruits
• les surfaces vitrées utiles pour les apports solaires créent des points faibles
acoustiques
• la compacité des bâtiments, source d'économies d'énergie, aggrave les
transmissions latérales du bruit.
Dans l'optique du développement des constructions BBC3 ou BEPOS4, il
est indispensable que les thermiciens et les acousticiens travaillent
ensemble.
FICHE TRAVAUX 1
Construction d'une cloison séparative
Chantier : montage d'une cloison acoustique entre deux pièces, montage sur
ossature métal, garnissage intérieur par isolant.
Note : un montage sur ossature bois donnerait un résultat un peu inférieur en termes
d'efficacité.
© Jean-Louis Beaumier
Mise en œuvre :
1. Montage de l'ossature métallique de largeur 48mm. Une bande résiliente en laine de
mouton d'épaisseur 4mm est placée au sol sous la traverse basse ainsi que sur la périphérie
de l'ossature. La même bande résiliente est collée sur les 2 champs opposés de l'ossature,
côté mur et côté cloison. L'ossature est reliée à la terre électrique de la maison, pour éviter
les perturbations électromagnétiques.
2. Une plaque de Fermacell de 12,5mm d'épaisseur est fixée sur une face, au moyen de vis
spéciales.
3. Des panneaux de fibre de bois d'épaisseur 40mm et de densité 50kg/m3 sont posés. Ils
sont découpés un peu "large" pour être maintenus par l'ossature. L'isolant laisse donc une
lame d'air de 8mm.
4. Pose de la seconde plaque de Fermacell.
Option : le doublage d'une plaque sur une face apportera un gain sensible. Dans ce cas, la
seconde plaque sera posée en décalant les joints, elle sera collée-vissée sur la première.
Précautions particulières :
- Si on pose les plaques en laissant un espace de quelques mm au sol, ce qui est fréquent, il
faudra impérativement garnir cet espace d'un mastic souple, sinon l'efficacité sera largement
réduite.
- Il faut poser très soigneusement l'isolant intérieur, sans laisser de "trou" dans la continuité
de la nappe ; de même, aucun passage d'air ne doit être laissé entre les 2 parements.
- Eviter de placer sur cette cloison une prise ou un interrupteur encastrés, cela créerait un
défaut d'isolement acoustique.
Performance: une cloison de ce type procure un affaiblissement de l'ordre de 44 dB. Le
doublage d'une plaque renforce l'efficacité d'environ 6 dB, le montage sur ossature bois la
réduit d'environ 5 dB.
FICHE TRAVAUX 2
Plafond acoustique
Chantier : montage d'un plafond acoustique sous dalle béton pour
réduire les bruits aériens provenant de l'étage supérieur.
Note : pour les bruits d'impact, qui se transmettent par voie solidienne, il
sera préférable d'intervenir sur le plancher de l'étage du dessus plutôt que
sur le plafond de l'étage inférieur.
© Jean-Louis Beaumier
Le choix se porte sur une double plaque de plâtre de 12,5 mm, montée sur ossature métal
et suspentes acoustiques, surmontée de laine de chanvre en rouleau souple de 60 mm
d'épaisseur et de densité 37 kg/m3. Une lame d'air de 30 mm est laissée au-dessus de
l'isolant.
Il faut calculer la charge sur chaque suspente, afin de choisir le bon modèle. Les fabricants
d'ossatures fournissent des préconisations en ce sens. On obtient le nombre de suspentes
nécessaires pour couvrir la surface. On calcule ensuite la masse totale des deux épaisseurs
de plaques de plâtre, on ajoute le poids de l'ossature métallique. Une simple division
donnerait la charge sur chaque point, on saurait alors quel type de suspente choisir.
Cependant, on n'oubliera pas les prescriptions normatives de sécurité. Selon ces normes, on
ajoute une surcharge de 10 à 12 kg/m², qui tient compte du poids de la nappe d'isolant et
de l'accrochage éventuel de luminaires.
Mise en œuvre :
1. Traçage des emplacements d'accroche, perçage des trous et pose des
chevilles
2. Pose des suspentes acoustiques et des rails supports des plaques
3. Mise en place de l'isolant. Les longueurs sont posées en tassant bien bord
contre bord, pour éviter tout point faible. Le maillage du plafond par les rails
support permet de les maintenir en place et de bourrer de petits morceaux © Jean-Louis Beaumier
d'isolant dans tous les interstices
4. Vissage de la première plaque sur les rails, puis la seconde plaque est collée-vissée.
Précautions particulières :
- Le réglage de la hauteur du rail est réalisé minutieusement pour que l'espace
de 90 mm soit constant (60 mm d'isolant + 30 mm d'air).
- Si l'isolant tient difficilement en place, on peut tendre quelques fils
métalliques entre les rails pour le soutenir, mais le maillage des rails,
typiquement 50 ou 60 cm d'écartement, est généralement suffisant.
- Attention à la pose de l'isolant, le moindre manque de matière crée un point
© Jean-Louis Beaumier
faible qui peut altérer le résultat.
- La seconde plaque est posée en alternant les joints.
- Il est important d'éviter les transmissions latérales, des parois au faux-plafond. Pour cela,
tous les points de contact périphériques, c'est-à-dire le pourtour de la pièce, sont découplés
de la paroi, soit par une bande résiliente, soit par un cordon épais de mastic souple, la
plaque de plâtre n'étant bien entendu pas en contact direct avec la paroi.
Performance: difficile à caractériser, les transmissions latérales (par les parois) peuvent
réduire notablement la performance théorique, qui pourrait être de l'ordre de 30 dB.
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