aide à la visite - Musée des Beaux

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aide à la visite - Musée des Beaux
Document d’aide à la visite
Le propos
Le musée des Beaux-arts de Nantes présente une nouvelle exposition à la chapelle de l’Oratoire,
consacrée à Henry-Pierre Picou et au cercle des Néo-Grecs, en partenariat avec le musée Ingres
de Montauban (exposition du 21 février au 18 mai 2014).
Composée de plusieurs sections thématiques, la scénographie contextualise le mouvement, de sa
création officielle en 1847 à sa dissolution dans les années 1860. Les personnalités les plus
représentatives du groupe sont mises à l’honneur, dont celle du nantais Henry-Pierre Picou, qui
clôt l’ensemble du parcours. Le musée possède en effet un fonds important d’œuvres de cet
artiste. Nombre d’entre-elles ont été restaurées pour l’occasion.
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Formation du mouvement
Jean-Léon Gérôme
Les Néo-Grecs
La villa pompéienne
Henry-Pierre Picou
Apollonie
J’aime ton nom d’Apollonie,
Echo grec du sacré vallon,
Qui, dans sa robuste harmonie,
Te baptise sœur d’Apollon.
Sur la lyre au plectre d’ivoire,
Ce nom splendide et souverain,
Beau comme l’amour et la gloire,
Prend des résonances d’airain […]
Théophile Gautier, Emaux et camées, 1852
Les Néo-Grecs, entre anti-académisme et idéalisme
"Leur classicisme, à l'opposé de celui, sérieux et sobre de Gleyre, se veut léger et spirituel à la
fois dans les thèmes et les traitements. […] Le nouveau genre s'affirme d'un piquant et d'une
érudition inhabituels, souvent érotique, toujours délicieux, coloré et sensuel. "
Gerald M. Ackerman, La vie et l'œuvre de Jean-Léon Gérôme, Paris, 1986, p. 34-35
A une époque où l’art officiel a pour mission principale de moraliser et d’instruire le public en
respectant des codes stricts, un groupe de jeunes hommes frondeurs, passionnés par la Grèce
ancienne, bouscule la conception classique et néoclassique du sujet antique.
Ils s’émancipent des références de leurs prédécesseurs et de l’enseignement académique
transmis par l’Ecole des Beaux-arts de Paris et l’Académie de France à Rome.
Réunis dans un « phalanstère » (communauté) artistique au 27 rue de Fleurus à Paris, ils
exposent régulièrement au Salon. Leur ambition est de renouveler la peinture d’histoire, en
intégrant des éléments pittoresques et légers, plus accessibles au grand public. Le succès est
rapide. Ils sont soutenus par la critique. Théophile Gautier est l’un de leur plus fervent défenseur.
L’école néo-grecque compte en son sein de prestigieux artistes, la plupart issus des ateliers de
Paul Delaroche et de Charles Gleyre, parmi-eux : Jean-Léon Gérôme, le chef de file ; le nantais
Henry-Pierre Picou, Jean-Louis Hamon, Auguste Toulmouche, Gustave-Rodolphe Boulanger,
Léopold Burthe et bien d’autres. Ce groupe n’est pas uniquement constitué de peintres mais aussi
de musiciens, comédiens, écrivains, poètes, architectes, céramistes…Le style néo-grec touche
ainsi tous les domaines de l’art avec pour maîtres-mots : idéalisme, poésie, grâce et beauté.
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Les sources d’inspiration :
la Grèce antique et J-A-D Ingres
Le mot [néo-grec] implique un retour vers les caractéristiques de l’art grec où dominent
l’harmonie des formes, la pureté et l’équilibre des proportions. La période est en effet propice au
développement de ce goût pour l’Antique, où les découvertes archéologiques doublées de
nombreuses publications scientifiques contribuent à alimenter l’imaginaire collectif. A la fois dans
la lignée et distincts du néo-classicisme, les Néo-Grecs systématisent les recherches de JeanAuguste-Dominique Ingres (1780-1867). Ces jeunes artistes, qui pour la plupart ne sont jamais
allés en Grèce, combinent ainsi leur intérêt pour la culture helléniste en proposant une esthétique
nouvelle qui bouscule les conventions.
Le Salon de 1847 :
entre découverte et reconnaissance
La présentation au salon de 1847 du tableau Le Combat de coqs de Jean-Léon Gérôme, à peine
âgé de 23 ans, marque les débuts officiels des Néo-Grecs sur la scène parisienne. Dépourvu des
leçons moralisatrices qui caractérisent la plupart des œuvres néo-classiques, le tableau rencontre
un vif succès auprès du public. Théophile Gautier, touché par la fraîcheur et la douce harmonie
qui se dégagent de l’ensemble, en fait l’éloge dans le livret du Salon. Entre scène de genre et
peinture d’histoire, l’œuvre de Gérôme redéfinit la hiérarchie des genres en associant une scène
anecdotique à l’esthétique antique et classicisante ingresque. Ce nouveau « genre », teinté de
fantaisie et parfois même d’ironie, propose une vision nouvelle de la Grèce antique, plus
décomplexée et légère. Gérôme ouvre ainsi la voie aux autres membres du mouvement, qui
exposeront régulièrement au Salon, de 1848 à 1857.
La communauté néo-grecque
L’atelier de la rue de Fleurus est un haut lieu de création où les artistes se retrouvent
régulièrement. Le peintre Gérôme fait une brève description de leur vie quotidienne dans ses
écrits :
« C’était le rendez-vous de tous les camarades et il y avait aussi des musiciens […] on s’amusait
bien et proprement et la concorde régnait parmi nous. »
Les concerts, pièces de théâtre et débats artistiques rythment les soirées auxquelles participent
tous les peintres du groupe mais aussi les écrivains, dont Théophile Gautier, Gustave Planche,
Leconte de Lisle et des membres de la Comédie Française. Lorsque l’atelier est déplacé dans un
nouvel espace en 1856, « La boîte à thé », rue Notre-Dame de Nazareth, la liste des invités
prestigieux ne cesse de croître : George Sand, Hector Berlioz et la Princesse Mathilde (cousine de
Napoléon III) fréquentent assidûment le cercle. Cette dernière leur permet d’ailleurs d’obtenir des
commandes de la part du Prince Napoléon (cousin de Napoléon III) et de l’impératrice Eugénie.
Le style néo-grec est à son apogée, avant de décliner progressivement dans les années 1860,
face à la montée des courants réalistes.
Biographies
Gustave-Rodolphe Boulanger (Paris, 1824 - Paris, 1888) : formé à l’Ecole des Beaux-arts de
Paris puis dans l’atelier de Paul Delaroche, il remporte le Premier Grand Prix de Rome en 1849. Il
séjourne à la Villa Médicis à Rome et étudie sur le motif les antiquités gréco-romaines. Il aborde
dans ses peintures des sujets de la vie quotidienne représentés au sein de décors antiques aux
rendus archéologiques précis. Les coloris sont souvent froids à dominante bleutée. Proche de
Charles Garnier, il réalise des décors pour l’Opéra de Paris à la fin des années 1860, et se tourne
vers l’Orientalisme.
Léopold Burthe (La Nouvelle Orléans, 1823 – Paris, 1860) : issu d’une famille de planteurs, il
arrive à Paris à l’âge de 17 ans et intègre l’atelier du peintre Amaury-Duval (1808-1885), ancien
élève d’Ingres. Il participe régulièrement au Salon jusqu’en 1859 et manifeste un goût particulier
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pour les figures héroïques isolées. Intimité, lignes épurées, soucis du détail, coloris froids et
contours nets caractérisent sa peinture. Son univers plastique et conceptuel s’accorde au
Romantisme.
Paul-Hippolyte Delaroche (Paris, 1797 – Paris, 1856) : élève de Antoine-Jean Gros (17711835), il est réputé pour ses peintures d’histoire anecdotiques à vocation documentaire, un genre
où il pourra exprimer toute sa sensibilité dramatique et qui fera de lui l’un des peintres les plus
célèbres et admirés de son temps. Admis à l’Institut en 1832, il devient professeur à l’Ecole des
Beaux-arts de Paris jusqu’en 1843. Ses nombreux élèves seront extrêmement sensibles à son
attrait pour le détail et la narration.
Jean-Léon Gérôme (Vesoul, 1824 – Paris, 1904) : proche de Paul Delaroche, avec qui il voyage
en Italie, il est ensuite élève de Charles Gleyre. Après plusieurs échecs au Grand Prix de Rome, il
s’installe avec Hamon et Picou dans l’atelier de la rue de Fleurus à Paris. Auteur du fameux
tableau présenté au Salon de 1847, il incarne le renouveau. Son style, teinté de vérisme
archéologique, allie des couleurs chaudes et onctueuses à des formes idéalisées. Sa peinture
oscille, dès les années 1850, entre différents genres. Peintre d’histoire avant tout, ses nombreux
voyages en Orient ouvrent le spectre de ses inspirations, il se rapprochera de l’Orientalisme.
Charles Gleyre (1806 Chevilly – Paris, 1874) : peintre d’origine suisse, il étudie à Paris chez
Louis Hersent (1777-1860). Après de nombreux voyages en Italie, Grèce, Egypte et ProcheOrient, il prend la succession de Paul Delaroche à l’Ecole des Beaux-arts de Paris. En 30 ans
d’exercice, près de 500 élèves se succèderont dans son atelier : la plupart des Néo-Grecs et les
futurs impressionnistes. Gleyre s’inscrit dans la tradition académique mais son enseignement est
libéral. Ses formes pures et ses figures mélancoliques en font le précurseur de bien des courants
artistiques de la seconde moitié du XIXe siècle.
Jean-Louis Hamon (Plouha, 1821 – Saint-Raphaël, 1874) : destiné à devenir prêtre en
Bretagne, Hamon décide finalement d’embrasser la carrière de peintre et se rend à Paris où il
fréquente les ateliers de Charles Gleyre et Paul Delaroche. Encouragé par ces derniers, il expose
au Salon dès 1847 et obtient de nombreuses récompenses. Ses sujets parfois étranges et son
style unique en font un membre un peu à part dans le groupe des Néo-Grecs. Ne rencontrant pas
un succès à la hauteur de ses ambitions de la part du public, il travaille en parallèle avec HenryPierre Picou pour la Manufacture de Sèvres. Il réalise de nombreux décors dans l’esprit néo-grec
pour des céramiques, mais n’abandonne pas pour autant la peinture et sera même l’un des
derniers représentants de l’école, jusqu’à sa mort.
Achille Joyau (Nantes, 1831 – Nantes, 1873) : architecte nantais, il obtient le Premier Grand
Prix de Rome dans sa discipline en 1860. Il séjourne à la Villa Médicis à Rome aux côtés de Victor
Baltard (1805-1874), futur concepteur des célèbres Halles de Paris. Grand connaisseur de l’Italie,
il est également l’un des rares à visiter la Grèce dont il rapportera de nombreuses vues
topographiques, dessinées et rehaussées à l’aquarelle.
Victor Mottez (Lille, 1809 – Bièvres, 1897) : formé dans l’atelier de JAD Ingres, il est remarqué
au Salon à Paris dès 1833. Grand voyageur, il est surtout connu pour ses portraits de
personnalités françaises et étrangères, notamment anglaises, et ses œuvres religieuses.
Dominique Papety (Marseille, 1815 – Marseille, 1849) : peintre au talent précoce, il obtient le
Premier Grand Prix de Rome en 1836. Il voyage en Italie et est le seul à se rendre en Grèce en
1847. Spécialiste des petites scènes de genres, il développe une esthétique archaïque aux
tonalités souvent froides.
Henry-Pierre Picou (Nantes, 1824 – Nantes, 1895) : issu d’une famille d’artistes nantais, Picou
entre dans l’atelier de Paul Delaroche à Paris en 1836, puis dans celui de Charles Gleyre en 1843.
Il y rencontre Gérôme dont il sera toujours proche et les futurs Néo-Grecs. Il réalise dans ces
années-là de nombreux portraits des membres de sa famille à Nantes, où il se rend
régulièrement, avant de rencontrer le succès au Salon de 1848 avec Cléopâtre et Antoine sur le
Cydnus. Il ne voyage ni en Italie ni en Grèce et puise donc son inspiration dans les gravures et
photographies qui circulent à l’époque. Coloriste délicat, attentif aux détails, Picou est un artiste
méticuleux. Ses qualités seront d’ailleurs appréciées par la Manufacture de Sèvres pour laquelle il
réalisera quelques décors. Après une carrière chaotique où échecs et récompenses se succèdent,
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il s’installe définitivement à Nantes en 1887. Le don de nombreuses œuvres de ses descendants
au musée des Beaux-arts de Nantes en 1986 attestent bien des liens privilégiés que Picou
entretenait avec sa ville natale et les collectionneurs nantais.
Auguste Toulmouche (Nantes, 1829 – Paris, 1890) : peintre nantais, il arrive à Paris en 1847
et intègre l’atelier de Charles Gleyre. Sa carrière révèle un artiste talentueux, soucieux du détail
et enclin à représenter des portraits et des scènes de genre intimes et familières, destinés à la
bourgeoisie parisienne et nantaise. Il expose sa première œuvre néo-grecque tardivement, La
leçon de lecture, à l’Exposition Universelle de Paris en 1855. Davantage marqué par le néoclassicisme et l’éclectisme, l’esthétique néo-grecque, à proprement parler, ne représente
finalement qu’une partie minime de sa production.
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