Corrigé Commentaire ES/S

Transcription

Corrigé Commentaire ES/S
Bac. de Français juin 2015 – ES/S
Proposition de corrigé du commentaire.
Le héros épique, dans la littérature, a un destin exceptionnel jusqu’au moment de sa mort qui devient
une apothéose. Laurent Gaudé dans Le Tigre bleu de l’Euphrate, à l’acte X, propose en 2002 une mort
d’Alexandre le Grand qui prend en partie ses distances avec la mort traditionnelle du héros épique.
Alexandre, seul, au moment de mourir, se lance dans un monologue adressé à la mort : entre bilan et
testament, orgueil et humilité, le discours du héros touche le spectateur. Comment comprendre ce
monologue qui donne la parole à un héros légendaire au moment même de la fin de son histoire
terrestre ? Voyons d’abord ce qui fait de cet extrait un monologue tragique puis interrogeons le rôle
du héros face à sa mort.
I. Un monologue tragique
A. Une énonciation originale (Alexandre ->la mort)
Je/te
Je te demande (5)
Pleure X2 (22/28)
Je te demande d’avoir pitié de
moi
1ère et 2ème pers. du sing.
Pronoms de la présence
Ton de la supplique
+ impératif
Lexique du pathétique
Le héros légendaire s’adresse à
la mort (allégorie)
Une sorte de prière
Une supplique
compassionnelle.
B. La fatalité tragique (promesse de mort)
Je vais mourir
Je serai bientôt
A l’instant de mourir, je pleure
Futur proche
Futur de certitude
CCT + présent
Je ne vais plus (23, 24)
Anaphore + négation + futur
je
1ère personne du sing.
omniprésente
13 fois en début de vers
Certitude et imminence de la
mort
Simultanéité : le moment est
venu
Fatalité tragique : prise de
conscience de la mort
Orgueil tragique du héros
(hybris)
C. La solitude face au destin
Je vais mourir seul
1er vers/futur proche/phrase
courte (5 syll.)
Sans… (3, 4)
Anaphore/privatif + 3/3/3/3
+énumération des attributs du
héros épique
Comparaison
Nu comme au sortir de ma
mère…
II. Le héros face à sa mort
Sorte de cri du cœur : face à
l’inévitable + paradoxe de la
vie (Alexandre lui-même finit
seul)
Insiste sur le dénuement :
solitude face à la mort
C. Le bilan d’une vie
Celui qui n’a jamais pu se
rassasier
Car je suis celui qui n’a jamais
pu se rassasier,
Je suis l’homme qui ne
possède rien
Qu’un souvenir de conquête
6/7/8
Je suis l’homme qui a arpenté
la terre entière(9)
Je suis 6, 7, 9, 11, 29
Périphrase synthétique
paradoxe
Sorte d’épitaphe
Alexandre le Grand !
Une quête immatérielle
Hyperbole
Rappel synthétique de la geste
du héros
Verbe d’état + 1ère personne du Un besoin de se définir
singulier
B. Les regrets du héros
Il ne reste plus rien
Je suis celui qui n’a pas osé
suivre jusqu’au bout le Tigre
bleu de l’Euphrate.
J’ai failli.
Je pleure sur toutes ces terres
que je n’ai pas eu le temps de
voir.
Je pleure sur le Gange lointain
de mon désir.
Ensemble du texte
Phrase brève, lapidaire, sans
appel
Vers très long/périphrase
Un constat-bilan pathétique
Contraste avec le vers
précédent par sa brièveté
+ passé composé : définitif
Anaphore
Jugement sans appel : un
constat d’échec pathétique
Grande irrégularité métrique
Fébrilité du héros face à la
mort
Semble annuler les vers 6-10 :
la faute originelle
Insiste sur les regrets
d’Alexandre
C. Un homme différent jusque dans la mort
Je serai bientôt l’une de ces
millions d’ombres qui se
mêlent et s’entrecroisent
dans tes souterrains sans
lumière.
Mais mon âme, longtemps
encore, sera secouée du
souffle du cheval.
Je suis l’homme qui meurt / Et
disparaît avec sa soif
Une/ces : singulier/pluriel
Métaphore de l’enfer +
connotation de la renommée
(lumière)
Conj. de coordination qui
marque une rupture
+ futur de certitude
+ métaphore
Formulation lyrique à la 3ème
personne du singulier
Indifférenciation face à la
mort : difficile pour un héros
La mort met fin à plus que la
vie pour Alexandre
Sursaut ultime : refus de croire
en une mort ordinaire
Ultime bravade qui réduit
Alexandre au souffle épique
qu’il a perdu.
Ce texte moderne présente donc un monologue tragique revisité : le héros s’adresse à la mort en une
supplique qui mêle pathétique et hybris et dresse un bilan sombre d’une vie sacrifiée sur l’autel du
renoncement. Il semble en effet qu’Alexandre ne puisse composer avec l’échec, fut-il un contre
« toutes ces victoires ». L’auteur néanmoins rappelle que le personnage est exceptionnel quoique
réduit à ce souffle essentiel, ce souffle épique qui, lorsqu’il s’éteint, rend si triste la fin du héros
vieillissant. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le héros épique ne doit pas vieillir mais mourir au
combat vaincu par sa propre détermination tel Hippolyte face au monstre marin dans Phèdre de racine
ou Roland mort d’avoir soufflé avec trop de force dans l’olifant pour prévenir le roi dans la Chanson de
Roland.