Le cancre - ICONITO École Numérique

Transcription

Le cancre - ICONITO École Numérique
Le cancre
Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le cœur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur.
Jacques Prévert (1900 -1977, France)
Le Buffet
C'est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;
Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries,
De linges odorants et jaunes, de chiffons
De femmes ou d'enfants, de dentelles flétries,
De fichus de grand'mère où sont peints des griffons ;
- C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches
De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.
- O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,
Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.
Arthur Rimbaud (1854-1891, France)
Il s'en passe des choses dans ma cité
II s'en passe des choses dans ma cité. Il n'y a qu'à regarder. Moi, un jour,
j'ai dit : « J'arrête, je regarde. » J'ai posé par terre mes deux sacs. Je me
suis assis. J'ai regardé.
Les gens venaient
Les gens marchaient
Les gens passaient
Les gens tournaient
Les gens filaient
Les gens glissaient
Les gens dansaient
Les gens parlaient
Gesticulaient
Les gens criaient
Les gens riaient
Les gens pleuraient
Disparaissaient.
Il s'en passe des choses dans ma cité. II n'y a qu'à regarder. On voit de
tout, on peut tout voir. Mais ce qu'on ne voit jamais dans ma cité, c'est un
regard. Un regard qui vous regarde et qui s'attarde.
Les gens naissaient
Les gens vivaient
Les gens mouraient.
Et moi, je restais sur mon banc de pierre, encadré par mes deux sacs. Je
regardais. C'est merveilleux : partout où il y a des femmes partout où il y
a des hommes, partout il y a la vie.
J'aurais dû me lever. Leur tendre la main. Leur dire : « Salut. Bonjour !
J'existe. Et vous ? Vous existez ? »
Je suis resté assis.
Le plus souvent, c'est ainsi que les choses se passent.
Guy Foissy (Français né en 1932 à Dakar (Sénégal))
LE DESSIN
Sur la page de mon cahier,
J'ai dessiné... devinez quoi !
Sur la page de mon cahier,
J'ai dessiné une fleur pour toi.
Le maître a souri
Et puis il a dit :
"Une fleur comme ça,
ça n'existe pas !"
Je n'ai pas répondu.
Il n'a pas bien vu ;
Elle existe, je le sais,
Puisqu'elle est dans mon cahier !
Gilbert DELEHEDE
Le rêve de la lune
Si la lune brille
Quand tu dors
C'est pour planter
Des milliers de soleils pour demain
Si tu deviens silence
quand tu dors
C'est pour préparer
le chant des milliers d'oiseaux.
Et dorer les ailes des libellules
Si la lune tombe dans tes bras
Quand tu dors
C'est pour rêver avec toi
Des milliers d'étoiles.
Marie Botturi
L'écolière
Bon Dieu ! que de choses à faire !
Enlève tes souliers crottés,
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,
Revois tes règles de grammaire,
Ton problème, est-il résolu ?
Et la carte de l'Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?
Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! que de choses à faire !
Maurice CARÊME (1899-1978, Belgique)
Litanie des écoliers
Saint-Anatole,
Que légers soient les jours d'école !
Saint Amalfait,
Ah ! Que nos devoirs soient bien faits !
Sainte Cordule,
N'oubliez ni point ni virgule.
Saint Nicodème,
Donnez-nous la clef des problèmes
Sainte Tirelire,
Que Grammaire nous fasse rire !
Saint-Siméon,
Allongez les récréations !
Saint Espongien,
Effacez tous les mauvais points.
Sainte Clémence,
Que viennent vite les vacances !
Sainte Marie,
Faites qu'elles soient infinies !
Maurice CARÊME (1899-1978, Belgique)
Planète
le soleil sur Vénus se lève
Sur la planète un petit bruit
Est-ce une barque qui traverse
Sans rameur un lac endormi
Est-ce un souvenir de la Terre
Venu gauchement jusqu'ici
Une fleur tournant sur sa tige
Son visage vers la lumière
Parmi ces roseaux sans oiseau
Piquant l'inhumaine atmosphère
Jules Supervielle (1884-1960, France)
La goutte de pluie
Je cherche une goutte de pluie
Qui vient de tomber dans la mer.
Dans sa rapide verticale
Elle luisait plus que les autres
Car seule entre les autres gouttes
Elle eut la force de comprendre
Que, très douce dans l’eau salée,
Elle allait se perdre à jamais.
Alors je cherche dans la mer
Et sur les vagues, alertées,
Je cherche pour faire plaisir
À ce fragile souvenir
Dont je suis seul dépositaire.
Mais j’ai beau faire, il est des choses
Où Dieu même ne peut plus rien
Malgré sa bonne volonté
Et l’assistance sans paroles
Du ciel, des vagues et de l’air.
Jules Supervielle (1884-1960, France)
Le pays
C'est un petit pays qui se cache parmi
Ses bois et ses collines;
Il est paisible, il va sa vie
Sans se presser sous ses noyers.
Il a de beaux vergers et de beaux champs de blé,
Des champs de trèfle et de luzerne.
Rose et jaune dans le pré.
Par grands carrés mal arrangé;
Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947, Suisse)
L'arbre qui pense
L'arbre qui pense
les pieds dans sa grille
à quoi pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
Le chien qui pense
la patte en l'air
que pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
Le pavé qui pense
le ventre poli de pas
que pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
Ciel toits et nuages
voyez-moi
là tout en bas
qui marche
et qui pense à l'arbre qui pense
au chien au pavé
oh ça oh mais à quoi pensent-il donc à quoi pensent-il donc
Raymond Queneau (1903-1976, France)
La plus belle
Je suis la plus belle des roses,
Chantait une rose à ses soeurs.
- Sache garder tes lèvres closes,
Conseillait-on avec douceur,
On ne te cherche point querelle,
Mais sois plus modeste, font-elles.
Et voilà qu’au matin nouveau,
La belle crie encore plus haut.
Denise, qui par là se trouve,
Entend l’orgueilleuse clameur
“C’est vrai !” dit-elle et le lui prouve
D’un joli coup de sécateur.
Norge (Georges Mogin, 1898-1990, Belgique)
Arc-en-ciel
Un coquelicot et un souci
Se sont pris par la main
Avec un pissenlit,
Puis une pomme verte
Et un bleuet
Et encore une prune
Et un iris violet.
Et sur la prairie,
Ils ont joué à l'arc-en-ciel.
Anne-Marie Chapouton
Mon hiver
Poésie de Véronik Leroy
Mon hiver est parfumé
De cendres, de feux de cheminées
D'encens et de lavande
pour tous mes enrhumés
Mon hiver est beau
De blanc et de glace
De givre sur les arbres
De palais transparents
Mon hiver je l'entends
Grincer dans les branches,
Craquer sous mes pas
Souffler dans les ruelles...
Je colle mon nez à la vitre
Mon hiver est buée
A nouveau il m'invite
à me recroqueviller.
Paris
Quelle galère !
Se plaint - il:
Métro à gogo
Presto au boulot
Et m ' éteint et me piège.
Quelle merveille !
Chante-t-il :
Avenues Harmonies
Inventions et génies
Que d'âme
De sortilèges
Paris m'enflamme et m'allège.
De Jacques Charpentreau

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