Les inconnus du Zurich-Express Quand l`accordéon
Transcription
Les inconnus du Zurich-Express Quand l`accordéon
CINEMA Les inconnus du Zurich-Express Un « thriller » nous dit que l'amour n'est pas plus fort que la mort — moins encore, que l'argent L'ORDRE ET LA SECURITE DU MONDE de Claude D'Anna U.G.C.-Biarritz (723-69-23), U.G.C.-Danton (32942-62), U.G.C.-Opéra (261-50-32), Rex (236-83-93), Mistral (539-52-43), Bienvenüe (544-25-02), MagicConvention (828-20-64), U.G.C.-Gobelins (33106-19), U.G.C.-Gare-de-Lyon (343-01-59). II L'ordre et la sécurité du monde, le grand capital s'en ,rnoee. Pt. lès :Jmultinationales plus encore, Dites-en ,donc à I.T.T., à Nestié ou à votre Standard OR favorite et, vous entendrez leurs ricanements diaboliques. C'ég ce rire- terrible •et Sarcastique qui nous rend, nous, pauvres humains, bien dérisoires, que parle le film de Claude D'Anna, avec le langage familier du thriller hitchcockien mais réaliste. Pendant que deux compagnies multinationales, l'une américaine et l'autre allemande, s'arrachent, au-dessus des Etats, des partis et des hommes, le marché nucléaire français, deux étrangers dans un train se rencontrent : les inconnus du Zurich-Express. Par hasard, comme chez Hitchcock. Toutefois, ce n'est pas un crime qu'ils vont échanger mais d'abord quelques mots aigres-doux (la comédie à l'américaine pointe ses faux cils), puis, par inadvertance, leurs passeports et le drame se noue : elle, jeune et innocente, dirait le cher Alfred, n'est en Suisse que pour rompre une liaison et doit absolument regagner Paris le soir même sous peine de voir s'écrouler l'ordre et la sécurité de sa vie de bourgeoise riche et mariée ; lui, journaliste sur le déclin du scepticisme et de la lassitude„ est chargé par, la multinationale américaine de récupérer un dossier plutôt compromettant pour elle. Du genre « massacres » et financement de coups d'Etat : le Chili n'est pas une légende. Il y a des films policiers à suspense qui n'ont à démontrer que la vacuité de leur mécanique, d'autres qui se rallient au mot d'ordre esthétique d'un Fritz Lang : divertir en informant. C'est à cette catégorie qu'appartient « l'Ordre et la Sécurité du monde ». Dans ce suspense où le hasard, on l'a dit, fait la nécessité de l'intrigue, l'innocence et le cynisme, brusquement mis en présence, fuient ensemble un danger plus grand que nature. La menace qui plane sur eux a la silhouette d'un aigle aux dimensions planétaires dont l'aile noire recouvre un monde nocturne et terminal : le nôtre. Monde d'isolement entre trusts et ordinateurs à l'individu paumé s'oppose la toute-puissance de la machine ; comment les êtres de chair perdus et vulnérables ne seraient-ils pas sacrifiés aux exigences des super-puissances ? Que peut-on devant un pouvoir de plus en plus abstrait ? Pas grand-chose, on s'en doute. A l'acide Claude D'Anna l'affirme en virtuose de l'abstraction pessimiste et spectaculaire Que son héroïne (fascinante Laure Dechasnel, Carole Lombard tragique, découverte dans « » et coauteur du scénario de ces deux films sous le nom de M.-F. Bonin) arpente les abords de l'Opéra de Zurich dont s'échappent, dans la nuit mouillée, des bouffées de « Cosi Fan Tutte » ou qu'elle attende dans un hall d'hôtel, ou encore que le journaliste (Bruno Cremer enfin retrouvé) aille à un rendez-vous dans le sombre décor, de banques monumentales, D'Anna les isole toujours avec une maestria de géomètre et rejette du cadre (impeccable, rigoureux) ce qui n'est pas essentiel à son film D'où angoisse, tension, synthèse et non plus dispersion de l'attention du spectateur. S'ajoute à cela l'emploi de l'écran large, admirable format. Ecran large ouvert sur la nuit omniprésente et donnant au moindre geste, au moindre objet une dimension symbolique évidente : ainsi le talon brisé d'un escarpin introduit-il l'érotisme parmi les avenues glacées des cités sans visage — et sans sexe. Symboles et archétypes : e l'Ordre et la Sécurité du monde » ne fonctionne que par eux. La nuit, le train, la méprise — étrangère à ce qui se passe, cette femme qui en savait trop Laure Deschanel et Bruno Cremer dans « l'Ordre et la Sécurité du monde L'innocence et le cynisme menacés par un danger plus grand que nature en réalité ne sait rien, ce qui ne l'empêche pas de devenir l'enjeu d'une partie qui se joue sans elle —, le- tueur mystérieux (Dennis Hopper, nerveux et enrhumé, en faux <Ami américain », semble installé à jamais dans le train du film dé Win Wenders, auquel on pense, ne serait-ce que par la précision hallucinante de la photographie du film de D'Anna), les lieux — choisis — rues, gare de triage ou gare centrale --, les rapports du couple enfin, dialogués à l'acide comme chez Hawks, Cukor ou Capra. Mais pour la « délicate balance » des pressions entre les pouvoirs d'argent, il n'y a pas deux poids et deux mesures l'amour naissant ne sera pas plus fort que la mort. Voilà pourquoi, si on y rit parfois, « l'Ordre et la Sécurité du monde » n'est pas un film gai. Lisez vos journaux habituels et vous comprendrez qu'il n'avait vraiment aucune raison de l'être... MICHEL GRISOLIA RADIO Quand l'accordéon pleure... Rien ne peut mieux nous dire la vérité d'une époque que le clinquant du music-hall LES CINGLES DU MUSIC-HALL par Jean-Christophe Averty et Jacques Crépineau France-Inter, du lundi au vendredi, de 16 h à 17 h. Ill Cinglés du music-hall, Jean-Christophe Averty et Jacques Crépineau le sont assurément. Je leur verrai même la prunelle fixe et le débit saccadé des fous furieux tandis que, barricadés derrière leurs huit mille rouleaux, cylindres et 78 tours rarissimes, ils arrosent en longues rafales de dates et numéros de matrice les malheureux auditeurs, avec la même férocité joyeuse que s'ils maniaient des fusils mitrailleurs. Une sorte de Fort Chabrol du sillon populaire, en somme, qu'ils bâtissent farouchement entre le « Quai des brumes » et « l'Hôtel du Nord » — réussissant, du même coup, la meilleure émission radio réalisée depuis bien longtemps... Elles n'ont pourtant pas manqué, ces tempsci, les promenades dans la musique populaire (1) ! Mais, si nos deux aliénés dominent aisément le lot, ce n'est pas seulement pour leur ahurissante érudition et l'exceptionnel intérêt de leurs documents : c'est surtout parce qu'ils sont les seuls à oser faire fi de ce conformisme des temps présents qui ne veut considérer les productions du « populaire » comme culturellement présentables que si elles sont prises avec la distance d'une ironie, d'une histoire des moeurs ou d'une sociologie. C'est ainsi que, pour avoir choisi de le traiter avec le e regard des sciences humaines », (1)« Ex-fans des sixties » (France-Culture), e la Mémoire de Suzy Solidor » (France- Culture), « Mémoire d'un jour, Edith Piaf » (Europe 1), « Histoire de la musique populaire » (T.F. 1) et de multiples rétrospectives d'Elvis Presley et autres...