Le nouveau régime parental

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Le nouveau régime parental
LE COURRIER DU CONSEILLER
Le nouveau régime parental
pour les travailleurs autonomes
MICHEL LAVOIE
ANNIE BOIVIN
ntré en vigueur le 1er janvier
dernier, le nouveau Régime
québécois d’assurance parentale
(RQAP) profite aux salariés, ainsi
qu’aux travailleurs autonomes, qu’ils
soient incorporés ou non. Afin de profiter du nouveau régime, une
démarche et une analyse rigoureuses
devront être appliquées.
Sous le régime fédéral qui n’est
plus en vigueur au Québec depuis le
début de l’année, un travailleur autonome incorporé ne recevait aucune
prestation de maternité même s’il
était un salarié de sa corporation.
C’est que les travailleurs autonomes
ne sont pas couverts par l’assurance
emploi. Il en va de même pour les
actionnaires qui détiennent plus de
40 % des actions d’une société. Ils ne
sont pas non plus couverts par elle et
n’y cotisent pas.
Avec le nouveau RQAP, un travailleur autonome aura droit à des
prestations de maternité, de paternité, d’adoption ou à des prestations
parentales. Pour ce faire, un travailleur autonome incorporé devra
cotiser en double : en tant qu’employé
et en tant qu’employeur. Les cotisations lui coûteront même plus cher
que s’il n’était pas incorporé : 569 $
au lieu de 420 $. Aux yeux du RQAP,
un travailleur autonome incorporé est
un salarié! Ainsi, un travailleur autonome incorporé qui se verse un
salaire de 60 000 $ devra cotiser
comme suit :
PHOTO : BONO
E
Assurance emploi
Cotisation
RQAP portion de l’employé
237 $
RQAP portion de l’employeur
332 $
Pour le travailleur autonome
incorporé
Le travailleur autonome incorporé
pourra recevoir des prestations
selon le salaire qu’il se sera versé au
cours des 26 dernières semaines
avant la demande des prestations.
Dès que le bébé sera conçu, il aura
le loisir de se verser un salaire de
57 000 $ par le biais de sa corporation afin de maximiser ses prestations du RQAP.
Un travailleur autonome incorporé qui se serait seulement versé
une rémunération sous forme de
dividendes au cours des 26 dernières semaines avant la demande
des prestations, ne recevra RIEN
du régime, malgré ses revenus d’en-
treprise. Le RQAP est un régime de
remplacement du revenu de travail.
Et le travailleur autonome
non incorporé
S’il n’est pas incorporé, le travailleur
autonome devra planifier la venue de
bébé au moins un an à l’avance! La
rémunération utilisée pour le calcul
des prestations du RQAP est celle qui
figure sur la déclaration fiscale provinciale (ligne 101) le 31 décembre de
l’année précédant la demande des
prestations.
Prenons le cas d’un travailleur autonome qui apprendrait la venue d’un
bébé en mars 2006. Sa rémunération
nette projetée en 2006 est de 80 000 $
alors que celle au 31 décembre 2005
Incidence de la cotisation au RQAP pour les salariés,
les employeurs et les travailleurs autonomes en 2006
Niveau de salaire
Employés
20 000 $
40 000 $
57 000 $ et plus
Réduction du taux
général et rabais à
l'assurance emploi 1
0,420 %
84 $
164 $
164 $
Employeurs 2
20 000 $
40 000 $
57 000 $ et plus
118 $
229 $
229 $
0,583 %
117 $
233 $
332 $
-1 $
4$
103 $
0$
0$
0$
0,737 %
147 $
295 $
420 $
147 $
295 $
420 $
Travailleurs autonomes 3
20 000 $
40 000 $
57 000 $ et plus
Cotisation au Régime
québécois d'assurance
parentale
0,416 %
83 $
166 $
237 $
Écart avec
2005
-1 $
2$
73 $
1 La réduction du taux général de l’assurance emploi pour 2006 correspond à 0,08 % du revenu assurable par rapport au taux de 2005
(1,87 $ du 100 $ en 2006,par rapport à 1,95 $ du 100 $ en 2005) et touche tous les cotisants canadiens à l’assurance emploi.Un rabais à
l’assurance emploi,lié à l’avènement du RQAP,est accordé aux cotisants au régime québécois et correspond à 0,34 % du revenu assurable.
2.Pour l’assurance emploi,la cotisation des employeurs est établie à 1,4 fois la cotisation des employés.
3.Les travailleurs autonomes non incorporés cotisent au RQAP,mais pas à l’assurance emploi.
Source :site Internet du Conseil de gestion de l’assurance parentale
OBJECTIF CONSEILLER
26
était de 35 000 $. Eh bien, les prestations
seront calculées selon un revenu de
35 000 $, même si en 2006 il cotisera au
RQAP selon un revenu de 80 000 $. Heureusement, le contraire est aussi possible.
Prestation :
un choix irréversible
En ce qui concerne les prestations, un
choix irréversible devra être fait par les
parents au moment de la demande. Sur
le site du RQAP (www.rqap.gouv.qc.ca),
un calculateur aide les futurs parents à
faire le bon choix selon les revenus des
deux conjoints.
Type de Bénéficiaire(s) Régime
prestation
de base
Maternité
Paternité
Parentale
%
Régime %
particulier
Maman
18
70
15
75
seulement semaines
semaines
Papa
5
70
3
75
seulement semaines
semaines
Maman
32
7 semaines
25
75
et/ou papa semaines à 70 % et semaines
25 semaines
à 55 %
Malgré la complexité de ce nouveau
régime, il demeure néanmoins plus avantageux, plus souple et plus accessible que
le précédent… pour les gens qui voudront
OC
avoir des enfants.
MISE À JOUR
RRQ: pas de réforme
cette année!
Q
uelques jours après la date de tombée de notre chronique du numéro
de mi-février,nous avons appris que le
dépôt du projet de loi sur la réforme
de la Régie des rentes du Québec,
prévu ce printemps, sera reporté. En
raison de la bonne santé financière de
ses fonds depuis trois ans, la RRQ
attendra les résultats de l’évaluation
actuarielle du 31 décembre prochain
avant de poursuivre ce dossier majeur.
Nous le suivrons de près.
PIERRE SAINT-LAURENT
un nouveau
placement alternatif
Le cyberespace pourrait présenter
des occasions de placement
avez-vous ce qui rend valable un nom de domaine
(par exemple, www.actifconseil.com)? Comment
l’évaluer? Des occasions de placement pourraient
poindre à l’horizon.
Les noms de domaine, à l’instar des titres financiers, se
négocient dans des marchés primaire et secondaire. Ainsi,
lorsque vous concoctez un nom original, que vous vérifiez
s’il est disponible et que vous offrez quelques dollars à
votre fournisseur Internet pour l’acheter, vous agissez
dans le marché primaire.
C’est toutefois le marché secondaire qui est le plus
intéressant du point de vue du placement. D’innombrables noms de domaine sont détenus, mais non utilisés.
Plusieurs noms de domaine génériques (tels que gestiondeportefeuille.com, produitsfinanciers.com ou
conseillerfinancier.com) sont remplis de «liens commandités» par des sociétés qui veulent accéder à l’achalandage du site. Connaissez-vous le Pay Per Click (PPC)?
Chaque fois que vous cliquez sur un lien commandité
(tels que ceux qui remplissent Google ou Yahoo!), l’annonceur paie le commanditaire (généralement Google et
Yahoo!/Overture), qui lui, paie le propriétaire du site pour
la «référence Internet». C’est ce qu’on appelle la monétisation d’un nom de domaine.
Pour nous aider à mieux comprendre tout ceci, j’aurai l’aide d’Alex Tajirian, fondateur et président de
DomainMart, une société conseil Internet de San Francisco. M. Tajirian a en fait lancé le marché secondaire
des noms de domaine en 1996, alors que de nombreux
Nord-Américains ne connaissaient même pas l’existence
d’Internet. Depuis, il a fait et publié des recherches sur
l’économie d’Internet 1, ce qui lui a permis d’analyser
plusieurs grandes tendances du secteur.
En 2004, l’industrie de la publicité en ligne représentait
9,6 milliards $US, avec une nette progression depuis 2002.
Elle représentera 12,3 milliards $US en 2005 (selon Goldman Sachs), 17,6milliards $US en 2008 (selon eMarketer)
et 26 milliards $US en 2010 (selon Forrester Research).
De plus, le ratio publicité en ligne/ventes est bien trop
S
MARS 2006
27
PHOTO : SONIA JAM
Annie Boivin est fiscaliste et planificatrice
financière. Michel Lavoie est fiscaliste,
CA et planificateur financier.
GESTION D’AVOIR
Les noms
de domaine:
faible étant donné les ventes actuelles
en ligne et devrait croître nettement
dans cette décennie.
Selon M. Tajirian, le PPC constitue une activité importante en forte
croissance elle aussi. Les ventes sont
d’un milliard $US en ce moment;
elles étaient pratiquement nulles il y
a quatre ans. Le PPC est en voie de
supplanter les annonces Internet
comme source de revenus. Mais surtout, les propriétaires de noms de
domaine, recevant une proportion
élevée des revenus de PPC, peuvent
bien profiter de la publicité occasionnée par Internet.
Fait à noter, un bon site Internet
spécialisé (par exemple, Mesothelioma Attorney, Structured Settlements) peut contenir des liens qui
produisent jusqu’à 100 $US par clic.
C’est dire jusqu’à quel point ces références peuvent être valables, même
sur Internet. Or, ce sont les noms de
domaine qui héritent de cette valeur,
en tant que sources de revenus.
Mais M. Tajirian illustre certains
problèmes propres au modèle PPC.
D’abord, comme il reçoit des revenus
de publicité à chaque clic, le propriétaire du site pourrait créer des revenus pour son propre site en cliquant
lui-même sur les liens (un problème
de risque moral). Ensuite, puisque
l’annonceur doit payer tous les clics,
ses concurrents pourraient vouloir le
submerger en cliquant (un problème
d’autosélection).
C’est qu’il est difficile d’évaluer la
«qualité» des clics. On ne peut vraiment savoir qui clique et pourquoi.
On ne sait surtout pas si une vente en
résultera. C’est pourquoi M. Tajirian
croit que le secteur migrera vers un
modèle Pay Per Action, plus efficace,
par lequel les revenus publicitaires
sont versés seulement si une vente se
produit. De tels revenus sont possiblement fonction de la valeur des
ventes, avec des montants de PPC
fondés sur la qualité de l’achalandage.
1
2
Une source de placement
De tels développements caractérisent le marché secondaire des noms
de domaine comme une source en
devenir de placements alternatifs. De
récents événements en témoignent
d’ailleurs.
D’abord, les noms à une lettre (tels
que A.com) pourraient être mis sur le
marché. On s’attend à des ventes de
GESTION D’AVOIR
sant? Grâce à deux facteurs financiers
fondamentaux, selon M. Tajirian : les
ratios cours/bénéfices et les flux
monétaires. M. Tajirian a complété
une recherche 2 montrant que les
revenus issus des noms de domaine
sont bon marché et donc que ces
noms sont sous-évalués. C’est que
l’efficacité de ce marché et les
PAY PER CLICK (PPC) MOYEN (GOOGLE ET YAHOO-OVERTURE) PAR MOT CLÉ TYPE1
Société par actions californienne (California corporation)
Conseils en matière de crédit (credit counseiling)
Fraude en placements (Investment fraud)
Logiciels du secteur manufacturier (manufacturing software)
Avocats en recours contre le mésothéliome (mesothelioma lawyer
Règlements structurés (structured settlements)
Consolidation de prêts étudiants (student loan consolidation)
0
10 20 30 40 50 60 70 80 $US
1 en $US,octobre 2004
Source: A.Tajirian/DomainMart Inc.
plus d’un million $US. Les noms
Fish.com et Bills.com ont été récemment vendus à 1 020 000 $US et
964500$US respectivement.
Ensuite, les noms de domaine
peuvent servir à constituer des fiducies de revenu : la société Internet
REIT LP de Houston récolte
250 millions$US pour faire l’achat de
portefeuilles de noms de domaine
afin d’en faire une source de revenus
réguliers pour leurs investisseurs (on
peut en effet voir ceux-ci comme des
«actifs d’immobilier commercial sur
Internet»). De plus, les sociétés de
capital privé et les investisseurs fortunés constituent des tels portefeuilles pour profiter de ce marché.
En 2004, la société Marchex de
Seattle a versé 164 millions $US pour
acheter un portefeuille de plus de
100 000 noms de domaine. Enfin, les
sociétés telles que DomainMart
gèrent des fonds de placement privé
dans les noms de domaine.
En bref, les investisseurs avertis
s’accaparent les noms de domaine mal
gérés pour en maximiser la valeur.
En quoi cela s’avère t-il intéres-
On peut les consulter en ligne à www.DomainMart.com.
http://www.domainmart.com/news/PE_value.htm
MARS 2006
29
niveaux d’information que l’on y
retrouve sont bien faibles.
De plus, les flux monétaires produits par les annonces commanditées
sur des noms de domaine peuvent
être grandement améliorés. Ces flux
sont fonction de la qualité de la
monétisation, elle-même fonction
des taux de PPC, du nombre de
recherches et de la qualité de l’achalandage. En fin de compte, le placement de noms de domaine dans des
portefeuilles constitue actuellement
un placement alternatif.
M. Tajirian est l’un des rares analystes ayant développé des modèles
de prévision pour permettre la sélection et l’évaluation des portefeuilles
de noms de domaine. Il a également
été engagé comme témoin expert
dans des causes d’évaluation de noms
de domaine. Selon moi, nous assistons au départ d’une tendance de placement alternatif intéressante. OC
Pierre Saint-Laurent, M. Sc., CFA,
CAIA, est président d’ActifConseil à
Montréal. On peut lui écrire à
[email protected] et visiter son site
Internet au www.actifconseil.com.