cpncc caue - Convention collective des CAUE
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CPNCC CAUE Diagnostic pour un observatoire prospectif des métiers et des qualifications ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Rapport d’étude – octobre 2009 Damien BERTRAND Florence BRUNET Agnès GOUBIN 1 INTRODUCTION : LA COMMANDE ET LA METHODOLOGIE PROPOSEES ...................................... 3 I. PORTRAIT STATISTIQUE DES CAUE ET DE LEURS SALARIES..................................................... 6 I.1. UNE BRANCHE PROFESSIONNELLE DE 89 CAUE ET 1200 SALARIES ..................................................... 8 I.2. UNE BRANCHE QUI VIEILLIT ET SE FEMINISE ......................................................................................... 12 I.3. LA REPARTITION PAR FONCTIONS ET PAR METIERS .............................................................................. 13 I.4. STATUTS ET CONDITIONS DE TRAVAIL : PEU DE TEMPS PLEINS ET UNE PROPORTION RELATIVEMENT IMPORTANTE DE CDD ................................................................................................................................. 14 I.5. LA REMUNERATION DES SALARIES : DES SITUATIONS TRES CONTRASTEES .......................................... 18 I.6. DES SALARIES QUI ONT SOUVENT ET DE PLUS EN PLUS RECOURS A LA FORMATION CONTINUE............. 24 II. EVOLUTION DES MISSIONS DES CAUE, DIVERSITE DES MODES D’ORGANISATION........... 27 II.1. LA MONTEE EN PUISSANCE DU CONSEIL AUX COLLECTIVITES : OUTILLER LES TERRITOIRES ET LA MAITRISE D’OUVRAGE ................................................................................................................................ 27 II.2. LE CONSEIL AUX PARTICULIERS : UNE ACTIVITE DE PLUS EN PLUS MARGINALE, DONT L’EFFICACITE INTERROGE ................................................................................................................................................ 31 II.3. LA SENSIBILISATION ET LA FORMATION : VERS UN CAUE CENTRE DE RESSOURCES ?........................ 33 II.4. LES ENJEUX EN TERMES D’ACTIVITE : DEVELOPPEMENT DURABLE, URBANISME ET GRANDS TERRITOIRES….......................................................................................................................................... 34 II.5. DES MISSIONS SIMILAIRES MAIS DES MODES D’ORGANISATION DIFFERENTS D’UNE STRUCTURE A L’AUTRE ..................................................................................................................................................... 36 II.6. LES CAUE DANS LEUR ENVIRONNEMENT : PARTENARIATS EXTERNES ET POSITIONNEMENT DES URCAUE.................................................................................................................................................. 38 III. DES METIERS APPRECIES, MAIS DES PERSPECTIVES D’EVOLUTION JUGEES LIMITEES 40 III.1. AUTONOMIE ET MISSION D’UTILITE PUBLIC : DES METIERS JUGES ATTRAYANTS….............................. 40 III.2. DES PERSPECTIVES D’EVOLUTION CEPENDANT LIMITEES ET DES « RISQUES » INHERENTS A CES STRUCTURES ............................................................................................................................................. 43 IV. L’EVOLUTION DES MODES DE MANAGEMENT ET LA MISE EN PLACE DES OUTILS DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES............................................................................................ 47 IV.1 LE MODELE « TRADITIONNEL » OU « FAMILIAL » : UN MODE DE MANAGEMENT ANCRE DANS LA CULTURE DE L’INFORMEL .......................................................................................................................................... 47 IV.2. L’EMERGENCE D’UN MODELE « MANAGERIAL » ................................................................................. 50 IV.3. LA CONVENTION COLLECTIVE : UN CADRE COMMUN QUI S’ADAPTE DIFFICILEMENT A LA SINGULARITE REVENDIQUEE DE CHAQUE STRUCTURE ..................................................................................................... 53 V. NOUVEAUX ENJEUX, NOUVELLES COMPETENCES : LES DEFIS DE LA GESTION DES EQUIPES ET DU RECRUTEMENT ........................................................................................................... 58 V.1 LES ENJEUX ACTUELS D’ORGANISATION DES EQUIPES ET DES STRUCTURES ....................................... 58 V.2 PERSPECTIVES DE RECRUTEMENT : VELLEITES ET POSSIBILITES ......................................................... 63 VI. LA QUESTION DE LA FORMATION : BESOINS EXPRIMES ET ENJEUX POUR L’AVENIR .... 70 VI.1 LES BESOINS DE FORMATION EXPRIMES ET SES DETERMINANTS......................................................... 72 VI.2 LES PRATIQUES REPEREES EN MATIERE DE FORMATION CONTINUE .................................................... 79 VI.3. LES OBSTACLES A LA FORMATION ET A UNE MEILLEURE GESTION DES COMPETENCES ....................... 82 VI.4 LE TEMPS ET LA DISTANCE : DEUX FREINS AU SUIVI DE FORMATIONS .................................................. 85 CONCLUSION : QUELLE POLITIQUE DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION POUR LES CAUE ? ...................................................................................................................................................................... 88 ANNEXES .................................................................................................................................................... 92 2 Introduction : la commande et la méthodologie proposées La Commission paritaire nationale de la CCN CAUE a souhaité mettre en place un observatoire prospectif des métiers et qualifications pour le réseau des 1300 professionnels des CAUE. Dans cette optique, elle a souhaité se faire assister par un prestataire pour réaliser un portrait statistique et qualitatif de la branche, point de départ pour la mise en place d’une politique d’emploi formation. Nous avons proposé d’articuler à l’approche statistique de la branche une démarche qualitative, qui permette de lui donner « sens » et de saisir dans toute leur complexité les besoins de formation et de compétences des professionnels des CAUE. Dans un premier temps, nous avons réalisé une douzaine d’entretiens exploratoires avec des personnes agissant autour de la formation continue (DAPA, directeurs, partenaires sociaux…). Ces entretiens étaient destinés à poser les enjeux du débat actuel en matière d’emploi et de formation et par là même à préciser les grandes lignes de questionnements qui allaient structurer l’enquête qualitative auprès des professionnels de CAUE. Dans un deuxième temps, nous avons enquêté un échantillon représentatif des CAUE. Celui-ci a été préalablement construit sur la base de 3 critères : - La taille de la structure L’implantation géographique des CAUE Les spécificités des CAUE telles que leur caractère récent, la présence de profils « atypiques », etc. Les CAUE ont été sélectionnés de sorte qu’ils soient équitablement répartis sur le territoire, mais également en fonction de la diversité des régions. Nous partions en effet du principe que le positionnement des CAUE pouvait varier selon que le département était très urbain ou peu dense et donc moins outillé en termes d’ingénierie et de conseil. L’implantation géographique nous semblait en effet constituer un critère pertinent. Pour cela, nous avons retenu une classification de l’INSEE1 consultable en annexes. Nous avions convenu d’enquêter une soixantaine de salariés, soit 18 CAUE et 2 URCAUE. Malgré de multiples relances auprès des CAUE de Martinique et de CharenteMaritime, nous ne sommes pas parvenus à les rencontrer. Toutefois, nous avons rencontré 69 professionnels de 16 CAUE et 2 URCAUE, ce qui nous a permis d’appréhender 1 Cette typologie des départements de France métropolitaine a été réalisée à partir de 33 variables couvrant 6 thèmes : la population et l’espace, l’activité et les catégories sociales, l’économie et les entreprises, la « richesse », la santé et l’éducation. La plupart des données utilisées sont issues du recensement de la population de 1999. Cette typologie se trouve en annexe. 3 toute la diversité des problématiques et des attentes des acteurs (la liste des structures et des personnes rencontrées est consultable en annexe du présent document). Dans chaque CAUE, entre 2 et 5 entretiens semi-directifs ont été réalisés. Le directeur a systématiquement été enquêté, ainsi qu’1 ou 2 salariés : au moins un architecte en raison de la représentation de cette profession au sein des équipes (près de la moitié) et un autre salarié, dont des profils plus atypiques (juristes, ethnologues, dessinateurs, etc.). Lors de la prise de rendez-vous, il a été systématiquement demandé de rencontrer le Président du CAUE. Mais, en raison d’emplois du temps chargés, seul un Président a pu être rencontré. La grille d’entretien, consultable en annexe du document, était constituée autour de quatre grands thèmes : - Statut, identité et positionnement des CAUE - Profils professionnels, statuts et postes occupés : adéquation entre formation initiale et besoins opérationnels dans les CAUE - Nouvelles exigences et compétences nouvelles à mobiliser - La gestion de la structure et des équipes : enjeux et besoins - Formation : besoin, offre disponible et accès des salariés à la formation Parallèlement à l’enquête qualitative, nous avons mis en place une analyse statistique des DADS 2008. L’ensemble des CAUE et URCAUE ont été contactés par courriel et fait l’objet de relances téléphoniques. Au total, nous avons réceptionné les DADS de 71 structures : 67 CAUE, 3 URCAUE et la FNCAUE. L’exploitation des DADS a révélé des manques et des items mal renseignés qui ne nous ont pas toujours permis d’en faire une analyse fine. Elles révèlent toutefois des enseignements intéressants. Le répertoire des métiers des CAUE élaboré par la FNCAUE a également fait l’objet d’une exploitation statistique. Il vient compléter certains des manques relevés dans les DADS. Le présent rapport se structure selon 6 grandes parties complémentaires qui permettent d’analyser finement ce que sont les enjeux et les besoins en matière de formation chez les professionnels des CAUE : 1/ Portrait statistique des CAUE et de leurs salariés ; 2/ Evolution des missions des CAUE, diversité des modes d’organisation ; 3/ Des métiers appréciés, mais des perspectives d’évolution jugées limitées ; 4 4/ L’évolution des modes de management et la mise en place des outils de gestion des ressources humaines 5/ Nouveaux enjeux, nouvelles compétences : les défis de la gestion des équipes et du recrutement 6/ La question de la formation : besoins exprimés et enjeux pour l’avenir Ces six registres d’analyse nous permettront de dégager les principaux enjeux qui se posent aujourd’hui aux CAUE ainsi que les priorités d’intervention sur lesquelles pourrait se développer la politique d’emploi et de formation de la branche. 5 I. Portrait statistique des CAUE et de leurs salariés Précautions statistiques Les statistiques recueillies et analysées ci-après émanent de deux principales sources de données : - Le répertoire des CAUE élaboré par la FNCAUE, donnant des informations relativement récentes (2007-2008) et exhaustives sur le nombre de salariés (1202) et leurs fonctions ; - Les DADS de l’année 2008, traitées par nos soins. Suite à de multiples relances (jusqu’à six relances), les DADS de 71 structures ont pu être recueillies et exploitées, soit 67 CAUE, 3 URCAUE et la FNCAUE (la liste des répondants et des refus est consultable en annexe). Ces DADS totalisent 1039 salariés (dont 1009 pour les seuls CAUE), soit 86,4 % du nombre de salariés décomptés dans le répertoire de la FNCAUE. Les données que nous avions convenu de traiter étaient les suivantes : - Sexe Date de naissance Métier Code emploi Statut professionnel Statut catégoriel Type de contrat Caractéristiques de l'activité Si temps partiel, taux de travail (en %) Nombre d'heures payées Nombre d'heures travaillées Nombre d'heures complémentaires Nombre d'heures supplémentaires Durée du travail Salaire brut soumis à cotisation Classement conventionnel Départ en retraite Départ définitif Participation au financement des services à la personne Primes exceptionnelles Des données n’ont cependant pas été exploitées ou croisées, du fait qu’elles ont été très peu ou pas du tout renseignées par les services comptables en charge du remplissage des DADS. Il s’agit du nombre d’heures complémentaires et supplémentaires, des départs en 6 retraites et des départs définitifs, de la participation au financement des services à la personne, et du montant des primes exceptionnelles. Par ailleurs, la catégorie « code emploi » n’a apparemment pas été correctement renseignée. C’est également le cas des « métiers », peu ou mal renseignés par les services comptables, ce qui nous a obligés à effectuer un croissement entre les DADS et le répertoire des métiers de la FNCAUE, visiblement mieux renseigné en la matière. Les rubriques « classement conventionnel » et « coefficient » faisaient référence au classement des salariés suite à la convention collective. Ces informations ont été exploitées, mais il faut préciser d’emblée qu’elles ont été assez peu renseignées dans les DADS (environ un tiers des salariés seulement), voire mal renseignées (certains ayant renseigné le numéro de la CCN en lieu et place du classement du salarié). Précisons qu’une demande de traitement statistique a également été effectuée en direction de l’IRCANTEC (cf. ci dessous), mais ce traitement ne pouvait intervenir qu’au 2e semestre 2009, c’est-à-dire largement au-delà du calendrier prévu pour cette étude. Les données potentiellement mobilisables sur demande à l’IRCANTEC : - évolution de la valeur du point, - nombre moyen de points (homme/femme, annuelle/trimestrielle/mensuelle) - évolution du salaire de référence, - évolution des effectifs cotisant (dont élus), - évolution de l’âge des cotisants - évolution des effectifs allocataires (par sexe notamment) - évolution de la masse des cotisations par organisme adhèrent - répartition géographique par région des organismes adhérents et des cotisants - nouveaux allocataires - durée de la carrière (homme/femme, en fonction du nombre de points...) - nombre et âge des liquidants - nombre moyen de points selon l’âge 7 I.1. Une branche professionnelle de 89 CAUE et 1200 salariés On dénombre aujourd’hui 89 CAUE, sachant qu’au moment de l’enquête, il n’existe pas de CAUE dans les départements suivants : Alpes de Haute Provence (04), Ardennes (08), Aube (10), Finistère (29), Ille-et-Vilaine (35), Indre-et-Loire (37), Loire (42), Marne (51), Vienne (86), Yonne (89), Territoire de Belfort (90). Les liens entre CAUE sont très variables selon les régions et les territoires. La moitié des régions françaises comptent ainsi une Union Régionale de CAUE, soit 11 au total : l’Aquitaine, l’Auvergne, la Bourgogne, le Centre, l’Ile-de-France, le Languedoc-Roussillon, la Lorraine, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte-D’azur, les Pays de la Loire et Rhône-Alpes. Le répertoire des CAUE recense pour sa part 1202 salariés, sachant que 1039 d’entre eux ont pu être appréhendés au travers de l’exploitation des DADS 2008 (pour 71 structures). On remarque que près de la moitié des CAUE comprend entre 10 et 20 salariés, sachant que l’on compte tout de même 36 % de structures n’atteignant pas les 10 salariés et 17 % dépassant les 20 salariés. D’après nos observations néanmoins, les effectifs importants comprennent généralement une part importante de vacataires et/ou d’emplois à temps partiels. Les effectifs les plus faibles se trouvent en Lozère et en Guyane (3 salariés). Avec 59 salariés, le département de l’Isère compte l’effectif le plus important. La répartition des CAUE par taille Effectif Répartition Moins de 10 salariés 32 36% De 10 à 20 salariés 42 47% Plus de 20 salariés 15 17% Total 89 100% Source : FNCAUE : répertoire des CAUE Source : FNCAUE : répertoire des CAUE 8 La répartition des CAUE par taille Source : FNCAUE : répertoire des CAUE Effectif Répartition Moins de 5 salariés 7 8% De 6 à 9 salariés 25 28% De 10 à 14 salariés 30 34% De 15 à 19 salariés 12 13% De 20 à 29 salariés 11 12% De 30 à 39 salariés 1 1% De 40 à 49 salariés 2 2% Plus de 50 salariés 1 1% Total 89 100% Source : FNCAUE : répertoire des CAUE Le tableau ci-dessous permet de montrer qu’une grande partie des structures compte en réalité entre 10 et 14 salariés, la taille moyenne étant de 13 salariés par CAUE. Si l’on effectue les mêmes statistiques à l’échelle du panel plus restreint des CAUE dont on a recueilli les DADS, on remarque que ce panel est assez représentatif de la diversité des structures, puisque l’on y dénombre 48 % de CAUE se situant entre 10 et 20 salariés, en notant tout de même que les petites structures sont légèrement sous représentées (28 % contre 36 % dans le répertoire de la FNCAUE) et que les grosses structures ont à l’inverse mieux répondu (24 % contre 17 % dans le répertoire. Les régions de France métropolitaine comprenant la part la plus importante de salariés par CAUE sont le Rhône-Alpes, l'Aquitaine, la Bretagne, le Nord-Pas-de-Calais et la BasseNormandie. Il ne s’agit donc pas uniquement des régions les plus urbaines ou les plus 9 peuplées. En revanche, les régions les moins bien dotées sont aussi les plus « rurales » (Limousin, Centre, Auvergne…). Nombre de salariés moyen par CAUE dans chaque région Moyenne de Régions salariés par CAUE Rhône-Alpes 30 Aquitaine 17 Bretagne 17 Nord-Pas-de-Calais 17 Basse-Normandie 16 Pays de la Loire 15 Alsace 14 Haute-Normandie 14 Provence-Alpes-Côte-D’azur 14 Lorraine 13 Ile-de-France 12 Languedoc 12 Bourgogne 11 Franche-Comté 10 Midi-Pyrénées 10 Picardie 10 Poitou-Charentes 9 Auvergne 8 Centre 8 Champagne-Ardenne 8 Limousin 7 Corse 6 Source : FNCAUE : répertoire des CAUE Les ressources des CAUE sont également très variables d’un département à l’autre, comme le montrent les statistiques du MEEDAT sur les niveaux de TDCAUE par département pour l’année 2007 (cf. carte ci-après). Le niveau de la TDCAUE par rapport au budget de 2008 n’a pu être demandé aux structures lors de cette enquête. On peut néanmoins rappeler, comme l’avait pointé l’enquête de la FNCAUE réalisée en 2005 sur 66 structures (cf. en annexe), qu’il existe une corrélation assez forte entre le niveau de la taxe perçu (503.190 ! en moyenne en 2005) et le nombre de salariés. 10 11 I.2. Une branche qui vieillit et se féminise L’analyse des DADS reçues montre une légère surreprésentation des femmes parmi les salariés : 56 % contre en moyenne 47,5 % pour la moyenne des salariés en France. Répartition par sexes Pourcentage Effectif Femmes 56% 584 Hommes 44% 455 Total 100% 1039 Source : DADS 2008 Surtout, il s’agit d’une population relativement âgée, la moyenne oscillant autour de 43 ans et 29 % des répondants ayant plus de 50 ans. On remarque également que la profession se féminise, car les femmes sont surreprésentées parmi les jeunes salariés et jusqu’à 50 ans (cf. tableaux ci-après), les hommes se concentrant pour 41 % d’entre eux dans la tranche des plus de 50 ans (contre seulement 21 % des femmes). Ages des salariés Effectif Pourcentage Moins de 20 ans 2 0% 20-29 ans 80 13% 30-39 ans 180 30% 40-49 ans 160 27% 50-59 ans 134 22% Plus de 60 ans 44 7% Total 600 100% Source : DADS 2008 Répartition des âges par sexe Hommes Pourcentage Femmes Effectif Pourcentage Effectif Moins de 20 ans 0% 1 0% 1 20-29 ans 11% 30 15% 50 30-39 ans 27% 74 33% 106 40-49 ans 21% 58 31% 102 50-59 ans 28% 77 18% 57 Plus de 60 ans 13% 35 3% 9 Total 100% 275 100% 325 Source : DADS 2008/ Nombre de réponses : 600 12 I.3. La répartition par fonctions et par métiers L’approche par poste (directeur, conseiller, fonctions supports) et par métier est délicate car il n’existe pas toujours de correspondance entre le répertoire métiers de la FNCAUE et les informations saisies dans les DADS, où par ailleurs les métiers sont parfois mal ou non renseignés. Dans sa typologie des métiers, le répertoire de la FNCAUE mélange des métiers et des formations d’origine (architecte, paysagiste…) avec des postes occupés (directeur, chargé de mission), ce qui ne permet pas de faire une exploitation complètement satisfaisante des profils de poste. Néanmoins, on peut faire quelques constats intéressants. La qualité des Directeurs et délégués, qui représentent 7 % des salariés, n’est pas toujours précisée. On sait par ailleurs qu’ils sont en grande majorité architectes de formation, mais l’on sait aussi que cela est de moins en moins vrai à mesure que les postes de direction sont renouvelés (arrivés d’ingénieurs, d’urbanistes, de paysagistes…). Les conseillers et chargés de mission totalisent 62 % des salariés de CAUE. Ils sont en grande majorité architectes, soit 50 % des salariés si l’on compte également la part d’architectes-paysagistes, architectes-urbanistes et chargés de mission. Les stagiaires et apprentis représentent 2 % des salariés renseignés (soit 15 personnes). Les fonctions supports (secrétariat, concernent 27 % des salariés. documentation, communication, infographie) 13 Métiers tels que renseignés dans le répertoire des CAUE Direction Répartition Directeurs de CAUE et délégués 7% Architectes (dont architectes urbanistes, architectes paysagistes et chargés de mission) 49% Conseillers, chargés de Paysagistes 7% mission Urbanistes 2% Conseillers en énergie 2% Environnementalistes/écoconseillers/ingénieurs en Fonctions support environnement 2% Personnels administratif 17% Documentalistes 5% Graphistes / infographistes 3% Chargés de communication 2% Autre 2 4% Source : FNCAUE : répertoire des CAUE I.4. Statuts et conditions de travail : peu de temps pleins et une proportion relativement importante de CDD Les données relatives à la répartition des statuts catégoriels et extraites des DADS 2008 (graphiques ci-après) nous éclairent finalement assez peu sur la réalité des statuts. On dénombre 51 % de cadres parmi les salariés, mais il semblerait que pratiquement tous les salariés n’ayant pas ce statut soient classés dans la catégorie employé (49% des effectifs) 2 Autre : techniciens multimédia, géographes, géomaticiens, dessinateurs, juristes, ethnologues, scénographes/chargés des expositions, sociologues, historiens de l’art, cartographes. Chaque catégorie représente moins de 1% de l’effectif total. 14 Source : Données DADS 2008 pour 601 salariés Source : DADS 2008 / 684 réponses On dénombre deux fois plus de femmes que d’hommes dans cette catégorie « employés », alors qu’elles sont proportionnellement moins nombreuses dans les catégories des cadres et cadres supérieurs/dirigeants. 15 Lorsqu’elles sont renseignées, les DADS nous donnent une première appréciation des types de contrats dont bénéficient les salariés. Si près de 84 % des salariés sont en CDI, on observe une proportion non négligeable de personnes en CDD : 14 %, contre 8,6 % pour des entreprises de taille comparable en 2008 (DARES). Répartition des salariés selon les contrats de travail Source : DADS 2008 / 666 réponses L’une des particularités de la branche est également de comporter une très forte proportion d’emplois à temps partiel (43 %) ou occasionnel (2%), contre seulement 55 % de salariés à temps plein. Cette caractéristique s’explique par la spécificité des CAUE, qui ont généralement recours à des conseillers sur des temps très partiels, 1 à 2 jours par semaine. 16 Répartition des salariés selon les caractéristiques de l’activité Source : DADS 2008 / 686 réponses Les informations relatives aux temps partiels n’étant pas toujours fournies, il s’avère impossible de calculer un Equivalent Temps Plein pour l’ensemble de la branche professionnelle des CAUE. En revanche, si l’on fait la moyenne des temps de travail renseignés pour les salariés à temps partiel (250 sur 293, soit 85%), on obtient une moyenne de 52,34% de temps de travail, soit approximativement un mi-temps. Répartition des temps partiels Temps partiels Effectifs Pourcentages -10% 10 à 19% 20 à 29% 30 à 39% 40 à 49% 50 à 59% 60 à 69% 70 à 79% 80 à 89% 90 à 96% Total 10 22 39 10 19 38 18 16 62 16 250 4,00% 8,80% 15,60% 4,00% 7,60% 15,20% 7,20% 6,40% 24,80% 6,40% 100,00% Source : DADS 2008 portant sur 250 salariés 17 Répartition des temps partiels (en effectif) Source : DADS 2008 portant sur 250 salariés Si l’on détaille la répartition des temps partiels, on observe que 60% de l’effectif occupe plus qu’un poste à mi-temps. Près d’un tiers de l’effectif travaille au-dessus de 80%. Un autre tiers travaille moins de 30%, le dernier tiers se situant entre 30 et 80%. Les départs en retraite ont été mal renseignés dans les DADS 20083. Néanmoins, l’enquête sociale réalisée en 2006 par la FNCAUE nous fournit des informations intéressantes. En effet, les départs en retraite des prochaines années sont amenés à augmenter en raison du vieillissement de la branche professionnelle : Départs en retraite prévus (pour 31 CAUE) : Départs en retraite En % en 2007 en 2008 en 2009 en 2010 en 2011 en 2012 7 2 3 4 9 16 17% 5% 7% 10% 22% 39% Source : enquête sociale réalisée en 2006 par la FNCAUE I.5. La rémunération des salariés : des situations très contrastées Le salaire brut mensuel moyen d’un salarié en CAUE s’élève à un peu moins de 25 000 !, ce qui dans l’absolu est relativement élevé au regard du salaire moyen français (23 000 ! brut environ). Ce salaire moyen englobe toutefois des situations très contrastées, entre des 3 Seules 4 réponses ont été comptabilisées 18 temps très partiels (une centaine d’euros mensuel) et des salaires élevés (jusqu’à 345 000 !). Ainsi, parmi les 1030 salariés ayant renseigné leur salaire brut annuel, 35,5 % gagnent moins de 10 K! brut, 38,5 % gagnent entre 25 et 50 K! et 9,3 % gagnent plus de 50 K! brut (5 % plus de 60 K!). Le salaire brut soumis à cotisation par tranche de revenus en 2008 Effectif Pourcentage 0-5 K! 183 17,8% 5-10K! 99 9,6% 10-15 K! 84 8,2% 15-20 K! 81 7,9% 20-25 K! 90 8,7% 25-30 K! 125 12,1% 30-35 K! 106 10,3% 35-40 K! 86 8,3% 40-45 K! 44 4,3% 45-50 K! 36 3,5% 50-55 K! 27 2,6% 55-60 K! 17 1,7% 60-65 K! 17 1,7% 65-70 K! 10 1,0% Plus de 70 K! 25 2,4% 1030 100% total de salariés Source : DADS 2008 Eu égard à la grande hétérogénéité des temps de travail, il convient donc de privilégier une analyse du salaire horaire, qui permet en outre de comparer les postes et les métiers de la branche. Le salaire brut horaire est en moyenne de 21,88 ! par salarié (983 réponses). Il est sensiblement plus élevé pour les hommes que pour les femmes, qu’il s’agisse des cadres ou des non cadres : 27,1 ! pour les hommes cadres (25,77 ! pour les femmes) et 19 ! pour les hommes non cadres (contre seulement 16 ! pour les femmes, soit une différence moyenne de près de 20 %). 19 Source : DADS 2008 Effectif : 295 femmes et 240 hommes Le salaire horaire brut moyen est également plus élevé pour les CDI à temps plein (22,81 ! pour 536 réponses) que pour les CDD (18,55 ! pour 87 réponses). Les salaires horaires moyens évoluent globalement en fonction de l’age du salarié, de 16,3 ! pour les 20-29 ans à 32,6 ! pour les plus de 60 ans. En revanche, on constate que le salaire moyen des 40-49 ans est peu ou prou le même que celui des 30-39 ans (19,4 ! et 19,7 ! brut de l’heure) et surtout, il est encore inférieur au salaire moyen de la branche (21,88 !). Ce sont donc clairement les salariés les plus de 50 ans qui tirent les salaires vers le haut. Rémunération des salariés en fonction de leur âge Proportion Salaire horaire renseignée DADS brut moyen 20-29 ans* 13% 16,3 ! 30-39 ans 30% 19,4 ! 40-49 ans 27% 19,7 ! 50-59 ans 22% 24,8 ! Plus de 60 ans 7% 32,9 ! Total 100% 600 * hors stagiaires et apprentis / Source : DADS 2008/553 répondants Lorsque l’on essaie de croiser les salaires avec la catégorie « métier » des DADS, on se heurte à la difficulté déjà évoquée en introduction d’une catégorie mal renseignée. Il faut donc opérer un rapprochement complexe entre les profils professionnels tels qu’ils sont renseignés dans le répertoire des CAUE (mélangeant métiers et postes) et les informations incomplètes dont on dispose dans les DADS. Cette opération permet néanmoins d’obtenir des informations intéressantes quant à la disparité des salaires en fonction des métiers ou des postes. Les fonctions de Directeur (34,5 !/heure) et de formateur (67,4 !/heure) sont de loin les mieux rémunérées, sachant qu’il s’agit a priori pour les formateurs de temps très partiels ou de missions courtes. Les conseillers et les chargés de missions sont ensuite rémunérés dans une fourchette allant de 26 !/h à 19,5 !/h. Les « architectes-urbanistes » sont globalement les mieux rémunérés (valorisant ainsi une double formation/compétence ?), alors que les profils « d’urbaniste » et de « paysagiste » se situent plutôt dans le bas de la fourchette. Les catégories « chargés d’études » ou « chargés de mission » apparaissent également moins bien rémunérées et plutôt dans la moyenne des salariés (20,7 ! bruts de l’heure), mais cela peut également s’expliquer par le fait qu’il s’agit davantage de temps pleins, alors que les catégories « architectes » comprennent de nombreux conseillers sur des temps très partiels. 20 Enfin, on remarquera que les quelques géographes (16,8 !/h) et autres spécialistes des sciences humaines (19,6 !/h) sont ceux qui tirent le moins bien leur épingle du jeu. Les fonctions supports des CAUE s’échelonnent quant à elles dans une fourchette de salaires horaires allant de 20,7 ! brut de l’heure pour les chargés de communication à 10,7 !/h pour les agents d’accueil, sachant que le personnel administratif se situe plutôt dans une moyenne horaire de 16 ! de l’heure. 21 Salaire brut horaire par métiers et par âges moyens Métiers ou postes renseignés Salaire brut horaire (en !) Effectif ayant renseigné le salaire et les heures payées Age moyen des salariés pour l’ensemble de l’effectif (en années) Formateurs 67,38 36 37 Directeurs 34,46 64 52 Architectes-urbanistes 25,95 27 49 Conseillers en énergie 24,7 21 35 Architectes 24,26 267 47 Juristes 24,18 12 46 Paysagistes/urbanistes 22,11 6 41 Urbanistes 22,06 17 43 Paysagistes 20,98 62 37 Métiers de la communication 20,73 21 43 Chargé d'études/de mission 20,71 57 35 Architectes/paysagistes 19,82 6 42 19,64 11 42 19,62 9 38 Géomaticiens 17,65 9 28 Géographes 16,8 9 31 Documentalistes 16,53 42 36 Infographistes/graphistes 16,12 20 35 15,9 130 44 Guides 15,68 8 48 Assistants techniques 15,24 12 37 Dessinateurs 14,37 5 43 Assistants d'études 12,63 7 31 Agents d'accueil 10,78 16 41 Agents d'entretien 9,87 16 48 Stagiaires 7,86 13 25 Apprentis 4,98 6 23 Environnementalistes /écologues Sciences humaines (sociologues, anthropologues, historiens de l’art…) Personnel administratif (secrétariat) Source : DADS 2008 / Effectif total : 770 salariés 22 Au-delà de l’âge et des métiers exercés, le classement conventionnel des salariés peut nous éclairer sur la correspondance entre la rémunération d’une part, et les compétences, la nature des métiers ou des fonctions réellement exercées, d’autre part. Les « niveaux » et les « positions » des salariés (cf. CCN) ont en effet été suffisamment renseignés pour en tirer une analyse pertinente. En revanche, les « coefficients » ont été très peu renseignés dans les DADS et il est ainsi difficile d’en tirer une analyse pertinente. Niveaux et positions des salariés tels que renseignés dans les DADS 2008 Classement Effectifs conventionnel concernés I1 7 2,55% 9,58 II2 18 6,55% 12,34 III1 22 8,00% 12,86 III2 27 9,82% 14,78 Répartition Salaire horaire brut moyen (en !) III3 23 8,36% 17,68 IV1 36 13,09% 19,48 IV2 56 20,36% 19,88 IV3 50 18,18% 27,09 V1 36 13,09% 33,27 Total 275 100% Source : DADS 2008/ Effectif : 275 salariés On remarque d’abord que dans l’échantillon renseigné, les niveaux IV et V sont largement majoritaires (près de 65 %), c’est-à-dire des salariés ayant un niveau d’étude élevé (niveau supérieur ou égal à la licence). 38 salariés bénéficient du classement VI et parmi eux, 27 disposent du coefficient « 700 » et 20 occupent des postes de direction. Le niveau de salaire est ensuite proportionnel à la classification et tombe en deçà de la moyenne dès le niveau IV.2 (diplômes techniques, autonomie et compétences relativement élevées). Les classements de niveau III (niveau d’étude BTS/IUT, actions complexes mais encadrées), propose des salaires horaires bruts oscillant entre 17,6 !/h et 12,8 !/h. En « bas de l’échelle », on trouve les niveaux de simple exécution (niveau I), où les salaires sont en dessous de 10 ! de l’heure (pour information, le SMIC horaire brut était de 8,71! au 1e juillet 2008). 23 I.6. Des salariés qui ont souvent et de plus en plus recours à la formation continue En 2008, le collecteur Habitat Formation comptait parmi ses adhérents 87 structures ayant déclaré 872 salariés. Ces trois dernières années, le nombre de stagiaires de la formation a cru de moitié, passant de 265 stagiaires en 2006 à 398 stagiaires en 2008, soit quasiment 1 stage pour 2 salariés en 2008. Si l’on fait une analyse des thèmes de formation suivis ces trois dernières années, selon la typologie retenue par habitat formation, on obtient la répartition suivante : Nb de Thèmes de formations (2006-2008) stagiaires Aménagement / Urbanisme4 189 Environnement 176 5 Ressources humaines et formation interne (cf. CCN) 171 Secrétariat / Bureautique 90 Informatique 91 6 Maîtrise d'ouvrage 63 Organisation personnelle et communication 46 Techniques d'information / Communication 43 Nettoyage / Entretien / Maintenance 31 Comptabilité / Gestion 23 Politique du patrimoine 10 Autres formations BTP 6 Gestion locative et immobilière 6 Management et conduite de projet 6 Animation globale / Travail social 4 Sciences humaines 4 Droit 2 Techniques d'animation 2 Gros œuvre 1 Langues 1 Second œuvre et finitions 1 Vente / Marketing 1 TOTAL 967 4 A été ajoutée à cette catégorie la formation « Stratégie d!aménagement des nouveaux quartiers » extraite de la catégorie « Non renseigné » 5 A été ajoutée à cette catégorie la formation « conception de bâtiments à très haute performance énergétique » extraite de la catégorie « Non renseigné » et la catégorie « Autres formations urbaines ». 6 A A été ajoutée à cette catégorie les formations « Autocad formation » et « Formation Sketchup 6 » extraites de la catégorie « Non renseigné ». 24 Les stages sur les thèmes de l’environnement (18 % des stages), de l’aménagement (18 %) dominent, mais on recense également une forte proportion de formations ayant trait aux ressources humaines et à la « formation » (18 %), un chiffre en réalité « gonflé » par les formations à la classification menée en 2008 (153 stages sur les 171). Les formations à l’informatique (9 %) et au secrétariat-bureautique (9 %) suivent par ordre d’importance. Remarquons enfin que les formations à la « maîtrise d’ouvrage (AMO, permis de construire, marchés publics…) totalisent 7 % des stages suivis ces rois dernières années. Les principaux thèmes de formation entre 2006 et 2008 Source : Habitat formation Plus précisément, si l’on met de côté l’effet « convention collective » de 2008 (les 153 stagiaires), on remarque ci-après que les formations sur le développement durable et ses procédures liées (AEU…) totalisent le plus grand nombre de stagiaires. Les formations sur la gestion du temps, l’informatique, mais aussi sur l’AMO sont également bien représentées. 25 Les formations les plus suivies entre 2006 et 2008 (+ de 10 stagiaires) Effectif Relais d'information sur la classification de la nouvelle CCN des CAUE 93 Conduite d'entretien de classification en liaison avec la CCN des CAUE 60 Le développement durable 36 Agriculture et paysage 34 Gestion du temps 19 Excel initiation 19 Programmation et assistance à maîtrise d'ouvrage 18 Approche environnementale de l'urbanisme 17 Intégration du développement durable dans les pratiques professionnelles 16 Usage du réseau local et de la plateforme Intranet/Internet 16 Voyage au Voralberg 14 Comment questionner l'étalement urbain 12 Développement durable, architecture et santé 12 Open office impress 12 Sketchup 11 Formation Typo 3 11 Formation SIG de base 10 Formation sauveteur secouriste du travail 10 Evaluation du personnel 10 26 II. EVOLUTION DES MISSIONS DES CAUE, DIVERSITE DES MODES D’ORGANISATION Pour l’observateur extérieur, il est frappant de constater à quel point les CAUE, qui relèvent pourtant de la même loi et de la même mission de service public, adoptent des configurations extrêmement diverses d’un département à l’autre, confirmant par là l’idée selon laquelle il existerait finalement autant de CAUE différents que de départements. En effet, aussi bien en termes d’activités que de modes d’organisation, chaque structure semble avoir généré ses propres modes de faire, ses propres modalités de fonctionnement. S’il est vrai qu’à cet égard, l’impulsion des directeurs est souvent jugée déterminante, il convient également de relever l’extrême « adaptabilité » de ces structures aux contextes locaux, aux orientations stratégiques qui leur sont assignées, mais aussi l’importance des contraintes économiques et institutionnelles (décentralisation), qui contribuent à modeler leur fonctionnement. Ainsi, si d’aucuns considèrent qu’il existe « 89 CAUE et 89 projets », des tendances lourdes peuvent néanmoins être dégagées. II.1. La montée en puissance du conseil aux collectivités : outiller les territoires et la maîtrise d’ouvrage Si les CAUE partagent une même « feuille de route » et sont supposés remplir des missions similaires, les informations recueillies sur le terrain indiquent que ces missions ne sont pas investies de la même manière dans les différentes structures visitées. Concrètement, les trois volets de l’activité (conseil aux particuliers, conseil aux collectivités, sensibilisation / animation pédagogique) représentent des proportions très inégales de l’activité globale de chaque CAUE. Dans le CAUE du Loir-et-Cher, la mission de conseil (aux particuliers et surtout aux collectivités) représente ainsi 90% de l’activité globale du CAUE. Dans le Calvados, la montée en puissance du conseil aux collectivités se lit dans les recrutements récents (deux CDD pour faire face aux demandes croissantes), mais aussi dans la part du budget qui y est consacrée, soit 50 % contre seulement 29 % pour le conseil aux particuliers, qui reste dans ce département pourtant vivace et perçu comme essentiel par l’élu : « nous devons à la fois être proche des collectivités et des particuliers ». D’autres CAUE réalisent toutefois les trois volets de leurs missions dans les mêmes proportions. C’est le cas du CAUE de Haute – Savoie, qui maintient 1/3 de son activité sur le conseil aux particuliers, 1/3 sur le conseil aux collectivités et 1/3 sur les activités de sensibilisation. Le CAUE du Rhône est l’un des rares CAUE visités à consacrer 70% de son activité aux mission de sensibilisation et de formation (25% de conseil aux collectivités et 5% de conseil aux particuliers). 27 Au delà de ces proportions diverses, la tendance générale qui se dégage est celle d’une part croissante de l’activité consacrée au conseil aux collectivités, au détriment d’un conseil aux particuliers devenu de plus en plus marginal. Plusieurs professionnels de CAUE rencontrés s’affirment « débordés », « noyés » par une demande qu’ils ont de plus en plus de mal à traiter. Dans le CAUE des Côtes d’Armor, qui a reçu 176 demandes en 2008, les dossiers communaux attendent 8 mois avant d’être traités. Dans l’Hérault, les collectivités demandeuses sont informées d’un délai d’attente de deux mois. Dans certains CAUE, alors que les professionnels s’organisent pour « écluser » les dossiers communaux, l’activité de sensibilisation et de formation devient de plus en plus marginale, allant jusqu’à disparaître. Si le conseil aux collectivités a pris une importance croissante dans bon nombre de CAUE enquêtés, cela semble avant tout lié à la pression exercée par les maires des petites communes et des intercommunalités naissantes, dont les besoins en matière de conseil architectural sont particulièrement prégnants, notamment dans les départements ruraux. « Au début, c’était surtout le conseil aux particuliers, la sensibilisation en milieu scolaire. Mais l’équipe s’est étoffée parce qu’avec la décentralisation et les sollicitations croissantes des communes, les missions ont changé et aujourd’hui, c’est clairement orienté vers l’aide aux collectivités. La sollicitation des communes a augmenté de 67% entre 2006 et 2008. On a choisi de baisser l’intervention en milieu scolaire, on ne fait plus d’expo, on est débordés. » Directeur de CAUE « On est accaparés par les communes, on a moins de temps pour les autres missions » Directeur de CAUE Certains présidents confirment l’engouement des petites communes rurales pour l’activité de conseil proposée par les CAUE et l’expliquent, entre autres, par la décentralisation et le « vide » laissé par les DDE, qui ont connu ces dernières années une diminution drastique de leurs effectifs. Sur un certain nombre de sites, faute de services constitués ou d’aménageurs, les CAUE s’avèrent être la seule alternative aux cabinets privés, le seul interlocuteur public en mesure de proposer une écoute et un conseil « désintéressés ». Ce transfert de compétence et cette recomposition des jeux d’acteurs ne se fait néanmoins pas sans heurts à certains endroits : la DDE veut toujours être présente auprès des communes, mais sans avoir les moyens de ses ambitions », comme en témoigne ce directeur, qui estime qu’ils vont au-delà du contrôle de légalité. Dans le Bas-Rhin, une association des urbanistes de l’Etat, du département, de la Région et de l’agence d’urbanisme (« Urba club) facilite les partenariats et les complémentarités entre intervenants. La plupart des directeurs de CAUE soulignent également cette évolution de la demande, mais aussi l’enjeu actuel d’outiller les collectivités locales, pour les aider à mener à bien leurs politiques urbaines, environnementales et paysagères. Il s’agit bien de les aider à acquérir des méthodes et des pratiques (réflexion globale, en amont, projet intégré…) et de les inciter à se doter de moyens en terme d’ingénierie. Le CAUE occupe alors de plus en plus une position de médiateur et de tiers facilitateur. « Notre futur, c’est l’urbanisme durable à l’échelle de l’homme ». (directeur de CAUE) 28 « On va tout faire pour que le projet d’extension soit porté par les élus et pas abandonné aux promoteurs ou autres aménageurs à la petite semelle » (directeur de CAUE) « On peut être arbitre ou même redresseur de torts quand un bureau d’études fait une prestation médiocre » (directeur de CAUE) « En tant que maire, on avait besoin d’un interlocuteur qui puisse nous donner un avis, sachant que la DDE et la DDA n’avaient pas cette capacité à nous répondre. Le CAUE est plus disponible, il apporte une réponse claire. Je faisais appel aux CAUE, pour moi ça a toujours été un partenaire de bon conseil. A condition de le placer le plus en amont possible, car le CAUE a une vision, il est un peu le contrepoids des cabinets privés. » (Président de CAUE, auparavant maire d’une commune rurale) Cette « extériorité » et cette « indépendance » des CAUE fait d’ailleurs dire à certains qu’il peut trouver sa place, y compris sur un territoire doté de capacités d’ingénierie, maillé par les bureaux d’étude et les services de l’urbanisme, avec l’idée selon laquelle « on a toujours besoin d’un regard extérieur » (un Président de CAUE). Mais cette évolution ne va pas sans poser question à certains des salariés qui ont en charge l’accompagnement des collectivités, notamment sur le plan de la concurrence au privé, cela alors même que la question semble avoir été « tranchée » au plan national et juridique (cf. rapport Sevino). “Le CAUE fait la programmation et accompagne la collectivité dans le concours de sélection, fait partie du jury... Il faut une grande exigence morale pour qu’il n’y ait pas de connivence, car la tentation est grande. Par exemple, sur une commune de l’ouest du département, c’est l’un de nos conseillers qui a été retenu, alors que nous faisions partie du jury. En plus, en réunion d’équipe, on voit quels sont tous les projets en cours et sur lesquels postuler... C’est l’intérêt d’être architecte en CAUE! Il faudrait une clarification nationale”. (Urbaniste / coordinateur des architectes conseillers.) « On peut aller très loin, à la limite de la maîtrise d’œuvre. On déborde si nécessaire. Quand on travaille sur les grands enjeux, on est obligé de les traduire et (alors), on flirte avec l’esquisse de maîtrise d’oeuvre. Mais le dessin reste le principal outil pour faire comprendre le projet ». (Une architecte chargée de mission.) Par ailleurs, le passage de relais avec l’ingénierie locale (bureaux d’études, bailleurs, aménageurs) ne va pas toujours de soi, faute de compétences ou faute de projets suffisamment importants (micro-projets de logement ou d’espace public) : « il faut avoir une vision globale et transversale à moyen terme et sur notre territoire, c’est un désert de compétences » (CAUE de l’Hérault). Le rôle du Conseil général, l’orientation qu’il souhaite donner à « son » CAUE et la prégnance des jeux d’acteurs locaux ne sont pas non plus à négliger. Dans le département du Nord, le Conseil général a décidé, à la fin des années 1990, d’internaliser l’activité de conseil architectural aux communes en recrutant une équipe ad hoc. Voyant son CAUE brusquement « dépossédé » de cette activité, le directeur du CAUE du Nord a amorcé 29 une réorientation stratégique vers une mission générale d’animation et de sensibilisation, positionnant sa structure comme centre de ressources : « On est devenus référents d’une plateforme d’échanges, on a développé des projets européens d’animation entre villes du nord de l’Europe, on est devenu un CAUE qui force l’offre et qui ne fait pas que répondre à la demande. » Enfin, si le conseil aux collectivités représente une part croissante de l’activité des CAUE, cette orientation répond aussi sans doute à des impératifs financiers. En effet, les conventionnements établis avec les communes présentent l’intérêt d’apporter des financements additionnels à la taxe départementale, dont le montant, on l’a vu, diffère fortement d’un département à l’autre, et dont les variations d’une année sur l’autre, inégalement compensées par les conseils généraux, placent certains CAUE dans une incertitude financière, voire dans une situation de précarité économique difficile à gérer. « Le conseil aux communes, c’est l’assurance-vie du CAUE » témoigne cet animateur du réseau. « On frôle la maîtrise d’œuvre, on n’a pas le choix. On a besoin de ça pour vivre. » Directeur d’un CAUE « L’ancien Président du Conseil général me l’avait dit lors de mon arrivée ‘ton fonds de commerce, c’est les communes !’ » nous confie ce directeur de CAUE, qui a conseillé un quart des communes de son département l’an dernier. Plusieurs stratégies d’adaptation à cette instabilité des ressources sont d’ailleurs mises en œuvre localement : le conventionnement avec les collectivités et les autres partenaires des CAUE (ADME, bailleurs sociaux et SEM, etc), mais aussi la subvention négociée par année (Pas-de-Calais) ou par mission (Calvados), ou encore la distinction entre un budget courant et un budget exceptionnel. Dans le Calvados, le budget courant comprend notamment les salaires de l’équipe permanente et une subvention d’équilibre du Conseil général, et le budget exceptionnel la hausse des produits de la taxe, mais aussi les salariés en CDD. A certains endroits, devant la croissance forte des produits de la taxe, les CAUE ont souhaité faire « sauter le verrou de sécurité » qui leur garantissaient un niveau minimal de ressources, mais quid alors des lendemains difficiles, début 2010, alors que les structures devraient subir les répercussions de la crise immobilière ? Au final, la demande locale (des communes, du Conseil général) et les ressources disponibles apparaissent comme les déterminants essentiels de l’activité des CAUE, ces derniers s’inscrivant dans les « créneaux » laissés vacants et répondant à une demande locale de plus en plus pressante, accentuée encore, aux dires de certains, par le Grenelle de l’environnement. 30 II.2. Le conseil aux particuliers : une activité de plus en plus marginale, dont l’efficacité interroge Face a cette montée en puissance du conseil aux collectivités et aux maîtres d’ouvrage, le conseil aux particuliers apparaît de plus en plus comme une activité résiduelle et en perte de vitesse, certains allant même jusqu’à prédire sa disparition prochaine. A bien des égards, les CAUE se retrouvent aujourd’hui en décalage par rapport à leur mission initiale, égalitaire et régalienne, qui supposait un lien direct entre les services fournis et le particulier contribuable (via la TDCAUE). Ce type de conseil, habituellement exercé sous la forme de permanences (parfois délocalisées) d’architectes conseillers, s’avère extrêmement difficile à évaluer en termes de contenu réel ou d’impact. Si l’on connaît globalement le nombre de personnes accueillies lors des permanences, il est difficile de savoir si les conseils prodigués sont ensuite pris en compte par les particuliers, et finalement, si l’activité produit de réels effets en termes de qualité architecturale. « Le conseil aux particuliers, c’est 1/5e du temps, mais 80 % de la taxe ! » s’amuse ce directeur. « On fait peu de conseil aux particuliers car on n’a pas le temps de faire du bon boulot. J’ai demandé à mes conseillers de ne recevoir que les personnes en phase projet ». (Un directeur) « Je suis sollicité directement par le particulier et ce n’est pas reposant. On me demande des choses, sur la bioclimatique, sur des procédés précis… Parfois je suis perdu. Mais grâce à internet, je peux avoir des réponses. J’aurais pu me former à l’acoustique (des bâtiments), mais comment faire pour ne pas délaisser d’autres champs ? » (Un architecte conseiller). Les discours divergent fortement quant à l’importance que revêt cette mission et à son ampleur. Tel CAUE conseille 130 particuliers, tel autre entre 1800 et 2000, mais sans qu’il y ait de stratégie très claire ou d’objectifs précis concernant cette activité. Les chiffres avancés semblent rarement mis en relation avec la superficie, la population ou le nombre de pétitionnaires du département. Il est par ailleurs frappant de constater son caractère quasi « confidentiel », dans la mesure où les CAUE en font peu publicité, par peur peut-être de susciter une demande qu’ils ne seraient pas ensuite en mesure de traiter. Ainsi, si l’on conseille les particuliers, il ne faut pas le dire trop fort : « j’ai dit à notre président de ne pas trop communiquer » nous souffle ce directeur, alors que tel autre a été échaudé par une publicité dans la presse locale, qui a temporairement conduit le CAUE a être submergé de demandes. Ailleurs, on va même jusqu’à estimer que « le chiffre est tabou dans les CAUE, surtout concernant le conseil aux particuliers ». Chez certains, le conseil aux particuliers apparaît comme une variable d’ajustement, en fonction du temps disponible. Chez d’autres, il n’existe plus d’architectes conseil, ou alors ils ont internalisé ce type de prestation. Le CAUE de l’Hérault a par exemple supprimé son pôle 31 d’architecte conseil, faute de crédits de l’Etat et a confié cette mission a un architecte salarié, qui produit environ 300 conseils par an. Difficile à évaluer, le conseil aux particuliers transparaît, au travers des propos recueillis, comme une activité peu valorisée et peu valorisante. Quoi qu’il en soit, face à ce qu’ils estiment être un « combat perdu », certains directeurs de CAUE prônent une réflexion de fond et une véritable refonte des modalités de conseil aux particuliers, la formule actuelle des permanences d’accueil étant jugée vaine et peu efficace au regard des besoins. « Le conseil aux particuliers dans sa forme de 1977, je n’y crois plus… du moins à sa forme, pas à son utilité ! On l’a maintenu, car on était conventionné avec les communes, mais c’est une gageure. On ne peut pas agir sur les choix des gens, c’est un combat perdu. » (Directeur de CAUE) « On pense que notre rôle n’est pas d’intervenir sur les permis de construire, mais plutôt d’intervenir en amont des projets, auprès des collectivités locales ». (Directeur de CAUE) Ainsi, le CAUE de Haute-Savoie a d’ores et déjà modifié ses pratiques en matière de conseil aux particuliers. Une « nouvelle forme de consultance » s’exerce désormais via des contrats d’objectifs signés avec les maires des communes, ces derniers définissant des thématiques prioritaires : le CAUE concentre ainsi son action sur des « enjeux territoriaux choisis par les élus »7. Il propose également une consultance à l’échelle intercommunale : mutualisant les moyens des communes, elle est censée permettre une fréquence plus importance de venue de l’architecte conseiller. Grâce à son système de conventionnement spécifique avec les communes, le CAUE de Haute-Savoie est en mesure de traiter un volume important de dossiers (4500 en 2007), ce qui lui permet de consacrer un tiers de son activité au volet « conseil aux particuliers ». Néanmoins, ce système a ses limites : le CAUE remboursant aux communes 50% des honoraires des architectes libéraux missionnés dans le cadre de cette consultance, il est à craindre que « si ce service se développe, le CAUE ne (soit) plus en capacité de rembourser 50% des frais, mais 40%, etc. » (Directeur CAUE). En tout état de cause, la remise en question du conseil direct aux particuliers dans sa forme actuelle n’est pas seulement le fait de certains directeurs de CAUE. Elle est relayée par la Direction de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA), qui estime ainsi que « le conseil architectural imaginé en 1977 ne suffit plus », et qu’il « faudrait réinventer tout un travail de sensibilisation auprès des élus et du public. » 7 Cf. Rapport d’activité 2007 du CAUE 74. A l’instar du conseil aux collectivités, le conseil aux particuliers fait l’objet d’un conventionnement avec les communes : ces dernières prennent en charge les honoraires de l’architecte consultant, la moitié de ces honoraires étant remboursés par le CAUE. Ce dernier dénombre, dans son RA 2007, 4 500 dossiers de conseil pour 160 communes conventionnées. 32 II.3. La sensibilisation et la formation : vers un CAUE centre de ressources ? Si les CAUE n’en sont pas tous au même point de leur réflexion quant à la place à accorder au conseil aux particuliers, il en va de même pour ce qui est des actions de communication et de sensibilisation en direction du grand public. Tous en font peu ou prou, mais chacun y met ses objectifs et ses moyens humains et financiers. La taille du centre de documentation, lorsqu’il existe, est très variable d’un CAUE à l’autre. Il dépend aux dires des salariés, des ressources, mais aussi et surtout de la volonté du directeur. Certains centres de documentation sont d’ailleurs peu accessibles et peu connus du grand public. L’existence de locaux d’exposition est par ailleurs loin d’être la norme et lorsqu’ils existent, il sont parfois peu adaptés (Calvados). Des bases de données communes voient le jour, mais elles ne concernent pas forcément tous les CAUE (base de données « observatoire » avec serveur commun). Précisons néanmoins qu’une Base de données commune des ouvrages est en cours de réalisation, hébergée sur le site de la FNCAUE et financée par le ministère de la culture. La vocation de centre de ressources du CAUE est parfois affirmée par les directeurs, mais pas complètement réalisée dans les faits, ou en tous cas pas complètement affichée comme telle pour le grand public : « On a toujours un peu peur de ne pas arriver à gérer l’afflux de la demande » confie cette documentaliste. « On n’a pas d’action suivie auprès du grand public car c’est politiquement compliqué. C’est difficile de travailler avec la presse », confie le CAUE de l’Hérault, qui prépare actuellement deux expositions au niveau de l’URCAUE et qui souhaite développer un véritable centre de ressources (expositions, ateliers, documentation…). Au vu de l’enquête, ceux qui se sont clairement positionnés sur leur mission de centre de ressources sont les CAUE qui y ont été incités ou contraints par le jeu d’acteurs local et notamment les départements les plus urbains, où l’ingénierie de conseil est plus fortement développée. C’est le cas (quelque peu « extrême ») de Paris, ou le poids des services de la Ville-Département ne laissait guère d’autres choix à la structure, mais c’est aussi le cas du Rhône, qui consacre 70% de son activité à la sensibilisation et à la formation. C’est certes parce que son positionnement dans une grande agglomération fortement dotée en agences d’urbanisme et d’architecture rend son activité de conseil aux collectivités moins prégnante, mais c’est aussi parce que le choix a été réalisé d’en faire une structure avant tout orientée vers la dimension artistique de la qualité architecturale, la protection du patrimoine, comme en témoigne d’ailleurs son implantation géographique à proximité immédiate des locaux de la DRAC. Mais le passage de l’architecture sous l’égide du Ministère de la Culture semble avoir eu comme effet annexe de renforcer quelque peu la dimension culturelle des CAUE : 33 « On sent bien l’importance du culturel, qui revient fort. C’est un repositionnement, on est de plus en plus sollicités pour des projets d’exposition, de débats, la redécouverte de l’architecture du 20 ème siècle… avec une difficulté à structurer financièrement cette activité, car une exposition événement coûte cher. » ( un directeur de CAUE) « Ils ont une culture moins techno qu’avant, car l’architecture est revenue à la culture. Ils ont développé des outils de communication plus accessibles, plus visuels, la mission culturelle s’est accrue ces dernières années avec le passage au ministère de la culture » (DAPA) Nous verrons par la suite que la pluralité des missions des CAUE et le caractère relativement « flou » de leurs prérogatives laissent beaucoup de salariés dans l’expectative, mais produit également des modes d’organisation très différents d’un CAUE à l’autre. II.4. Les enjeux en termes d’activité : développement durable, urbanisme et grands territoires… Si les missions (conseil, sensibilisation, formation) des CAUE n’ont pas réellement changé depuis l’origine, leur contenu a évolué : de l’objet architectural et patrimonial, leur rayon d’intervention s’est élargi, depuis une dizaine d’années, aux questions relatives à la gestion des espaces urbains (étalement urbain, renouvellement urbain, etc.) : « Les CAUE sont de plus en plus sollicités pour intervenir en aménagement, sur des PLU des SCOTS, des cartes communales. Quand on a demandé aux communes de se doter de documents d’urbanisme, cela a généré une commande de travail pour les CAUE ». (DAPA) Depuis plus récemment, les CAUE doivent également s’intéresser aux aspects liés à l’environnement et au développement durable. Or, comme l’affirme un chargé de mission de la DAPA, les CAUE sont aujourd’hui invités à se positionner sur de nouveaux champs, mais tous n’ont pas encore amorcé cette (r-)évolution : « Tous s’occupent du A, peu du U et encore moins du E ». Ces évolutions sont ressenties par les directeurs eux-mêmes. Certains soulignent ainsi la dimension de plus en plus transversale des champs sur lesquels ils sont amenés à intervenir. Les évolutions sociétales font qu’il est désormais de moins en moins possible d’intervenir de manière ponctuelle, sur des projets architecturaux isolés, mais qu’il est en revanche nécessaire d’avoir une vision globale des différents aspects de l’aménagement des espaces : sociaux, environnementaux, techniques, mobilités, etc. « Si on regarde la situation aujourd’hui, il y a urgence sur les questions du logement et du transport, et nous on est sur les questions de l’urbanisme et de l’architecture… Le CG est de 34 plus en plus interpellé sur l’aide à la fabrication de logements, pour aider les élus à débloquer le foncier, etc. Le transport, c’est pareil. Comment parler de l’urbain sans s’intéresser aux questions de transport et de logement ? Mais on n’a pas la culture interne, on ne maîtrise pas tout cela… » (Directeur de CAUE) Pour autant, les CAUE, pourtant par essence positionnés sur le développement durable des territoires, semblent pour beaucoup toujours dans l’expectative quant au rôle qu’il doivent tenir dans ce mouvement général d’affirmation des enjeux et des politiques de développement durable des territoires. «L’arrivée du développement durable demanderait des repositionnements, mais ce n’est pas facile de changer de fonds de commerce (la conception d’équipements communaux notamment) » (chargé de mission). « On n’arrive pas à se dire si on rentre complètement dans le développement durable ou pas. L’idée de recentrer les CAUE sur les objectifs du Grenelle de l’environnement n’a pas été forcément entendue » (animateur régional). « Y aller ou ne pas y aller », sur ces questions nouvelles, il semblerait donc que les CAUE aient du mal à définir une stratégie claire et à se positionner franchement. Pourtant, les défis sont à relever rapidement, si les CAUE ne veulent pas passer à côté de leur mission : « Les questions liées au développement durable vont modifier la demande faite aux CAUE sur les trois sujets, l’urbanisme, l’architecture, et les paysages. Parce qu’on va demander aux élus de fixer des objectifs en termes de développement durable, ils devront être très percutants sur ces questions. » (DAPA) Enfin, pour les représentants de l’Etat interrogés, les défis ne sont pas seulement liés à des thématiques ou à des champs nouveaux à investir, ils sont aussi liés à un positionnement à faire valoir : celui de pédagogue et de contre-pouvoir face à des élus peu outillés sur les questions d’environnement et de qualité architecturale. Le défi de la sensibilisation des élus représente donc, pour les représentants du ministère, le principal défi à relever à l’avenir. « Les CAUE sont importants parce que par rapport à des politiques publiques éclatées, comme le Grenelle de l’environnement, la rénovation urbaine, ils jouent le rôle de mouche du coche, ils montent au créneau face aux élus, ils ont une capacité à agir sur les élus ». (DAPA) « Il y a un vrai sujet sur lequel on estime que les choses ne sont pas suffisantes, c’est la sensibilisation des élus. Il faut les former en permanence, il y a un vrai enjeu qu’ils n’ont pas complètement relevé. Il faudrait qu’ils trouvent les moyens de mieux toucher les élus, que les élus acquièrent un réflexe CAUE, que ces derniers soient plus lisibles. » (DAPA) 35 II.5. Des missions similaires mais des modes d’organisation différents d’une structure à l’autre L’exercice consistant à tracer une typologie des formes d’organisation des CAUE se trouve rapidement confronté à l’extrême diversité des configurations existantes. En effet, chaque CAUE semble avoir généré son propre mode d’organisation, lequel relève le plus souvent de choix directoriaux, eux-mêmes étroitement liés à l’histoire de la structure, aux activités qu’elle souhaite promouvoir ou aux missions qu’elle se trouve contrainte d’investir… S’il s’avère difficile d’intégrer l’ensemble des CAUE visités à quelques grandes catégories, il est en revanche possible de les situer le long d’un « continuum », selon le degré d’externalisation ou d’internalisation du contenu technique des activités de conseil. 1.) A une extrémité de cet axe se situent les CAUE qui réalisent en interne l’ensemble des activités de conseil : ils fonctionnent avec une petite équipe de salariés permanents qui, à temps plein (ou presque), effectuent les missions de conseil aux collectivités et aux particuliers. Ces salariés peuvent être architectes de formation, mais également paysagistes, urbanistes, etc. Dans le CAUE du Loir-et-Cher, un conseiller s’est spécialisé dans le conseil aux particuliers, et les autres interviennent auprès des communes en fonction d‘une spécialité qu’il se sont forgée au fil des années : certains se spécialisent ainsi sur la construction des bâtiments scolaires, d’autres sur les équipement sportifs, etc. Les dossiers communaux sont alors dispatchés par le directeur entre les différents conseillers, en fonction de leurs compétences et de leur spécialité. 2.) A l’autre extrémité du continuum, se positionnent les CAUE qui ont complètement externalisé le volet technique et architectural de la mission de conseil aux collectivités et aux particuliers, ne conservant en interne que le volet coordination. Ils font appel à des architectes consultants libéraux, qui ne font pas partie des effectifs salariés du CAUE mais qui sont mobilisés au coup par coup, en fonction des besoins et des missions. Ces architectes conseillers ne sont pas nécessairement des architectes locaux : ils peuvent provenir d’autres régions et sont mobilisés en fonction de leur expertise sur un thème précis (la construction de centres nautiques, d’hébergement touristique…). Si le CAUE ne réalise plus la dimension proprement « technique » des missions de conseil, il conserve cependant un rôle de coordination des architectes conseillers et surtout d’animation auprès des communes concernées (pilotage des projets, conduite des rencontres, animation des réunions, production de rapports écrits, etc.). Dans notre échantillon, l’exemple emblématique de ce type de fonctionnement est incarné par le CAUE de Haute-Savoie, qui mobilise un « pool » d’une soixantaine de professionnels libéraux (architectes mais aussi urbanistes, conseillers en développement local, ingénieurs agronomes, consultants énergies renouvelables, etc.), ces derniers intervenant de manière ponctuelle voire unique sur des missions de conseil lorsque leurs compétences sont nécessaires. 36 3.) Entre ces deux extrêmes se situent la majorité des CAUE, qui fonctionnent avec une équipe de chargés de mission permanents et des architectes consultants, salariés du CAUE mais intervenant sur des temps très partiels (1 ou 2 jours par semaine), le reste de leur temps étant consacré à une activité libérale. Ces architectes conseillers « mi salariés - mi libéraux » sont parfois affectés à un territoire donné, sur lequel il leur est interdit d’intervenir au titre de leur activité libérale, pour des raisons éthiques. C’est le cas par exemple du CAUE du Rhône, qui comprend une douzaine d’architectes-conseillers salariés, chacun travaillant 1,5 jour par semaine sur un territoire défini. Dans le Bas-Rhin, le département est divisé en 10 secteurs géographiques, dont 6 sont tenus par des architectes libéraux et 4 par des salariés permanents. Citons également le CAUE du Nord, qui comprend 6 architectes conseillers libéraux, salariés du CAUE une demi-journée par semaine. Internalisation du contenu technique du conseil Lozère Haute – Marne / Côtes d’Armor Loire-et-Cher Jura Mayenne Hérault Externalisation du contenu technique du conseil Haute-Savoie Vaucluse / Rhône Nièvre Puy de Dôme / Gironde Pas-de-Calais Calvados Bas-Rhin Sur notre schéma, on notera que la plupart des structures dont l’activité de conseil est fortement internalisée sont également celles ayant des moyens financiers relativement restreints (budgets annuels compris entre 150 000 et 450 000 euros, hormis l’Hérault, qui n’a plus du tout recours aux architectes libéraux pour le conseil)8. Dès lors, s’agit-il réellement d’un choix d’organisation ou d’une contrainte liée à la taille de la structure et à ses moyens financiers ? Le recours à des architectes consultants vacataires ou free lance est-il réservé aux CAUE les mieux dotés, lesquels peuvent consacrer une plus grande part de leur activité interne aux missions d’animation et de pédagogie ? En effet, ces « choix » d’organisation ne sont pas dénués de conséquences en termes d’activités. Les CAUE dont l’activité de conseil est réalisée en interne par l’équipe salariée permanente laissent de facto une moindre part aux activités de sensibilisation et d’animation, peut être parce qu’ils sont, davantage que les autres, absorbés par le traitement de la demande et par « le terrain ». Au final, ces choix d’organisation sont également liés à des appréciations différentes du rôle du CAUE et des limites de son intervention : en quoi consiste réellement la mission de 8 La Nièvre bénéficie également d’un statut particulier : elle dispose d’un budget de 300 000 euros, mais son activité de conseil est réalisée par un groupe de 5 architectes consultants mis à disposition par la DRAC, non salariés du CAUE mais hiérarchiquement rattachés au CAUE. 37 « conseil » du CAUE et à quel moment prend-elle fin ? Quel doit être le degré d’implication du CAUE dans les projets ? Quel est le degré de technicité requis ? Doit-on être architecte pour travailler en CAUE ? Les propos recueillis montrent que les avis diffèrent fortement, et que tous les CAUE rencontrés ne placent pas le curseur de leur intervention au même niveau. Si certains envisagent leur mission de conseil comme un rôle de coordination, consistant essentiellement à écouter, reformuler les demandes des élus et à animer les débats, d’autres envisagent leur mission comme une véritable A.M.O, allant jusqu’à la fourniture de plans « clé en main » et nécessitant l’intervention d’architectes. Nous le verrons par la suite, ces conceptions très différentes de la mission de conseil et de son contenu ont des conséquences importantes en termes de recrutements et de profils recherchés. En effet, les CAUE ayant externalisé le contenu technique de la prestation de conseil semblent également s’être affranchis de la nécessité ou du « dogme » du recrutement d’architectes, nous y reviendrons ultérieurement. « Notre métier n’est plus un métier de conseil en direct mais un métier d’aiguilleur, de faiseur de lien, de médiateur. On est là pour animer le débat, pour créer des situations d’échanges dans des champs un peu complexes. On n’est plus sur un métier d’architecte en direct mais sur de l’animation de réseau. Notre valeur ajoutée n’est pas de faire de l’architecture mais d’avoir une transversalité de points de vue ». » (un directeur) II.6. Les CAUE dans leur environnement : partenariats externes et positionnement des URCAUE Malgré une autonomie jalousement préservée, un certain nombre de CAUE se sont alliés au sein d’unions régionales (Aquitaine, Midi Pyrénées, Ile-de-France, Centre…), dont la fonction essentielle, à l’heure actuelle, semble être de mutualiser des possibilités de formation (et les échanges de compétences inter-CAUE), de créer des outils communs (bases de données) et de porter des actions à l’échelle régionale, en partenariat avec les conseils régionaux, les DIREN, les DRAC, etc. L’URCAUE d’Ile-de-France a ainsi créé divers outils à disposition de ses adhérents : un agenda régional compilant toutes les manifestations mises en place par les CAUE d’Ile-de-France, un « abécédaire du particulier » sur internet, etc. En Ile-de-France, une expérience de partenariat original est par ailleurs menée à l’échelle régionale entre l’URCAUE, l’ARENE, l’ADEME, la DIREN, la DREIF et la Région, via la création d’une structure nommée Ekopolis. Cette structure, qui comprend aujourd’hui 4 salariés, a vocation à jouer le rôle de « pôle de ressources pour la construction durable en Ile-de-France », à destination des professionnels de l’aménagement et du bâtiment, dans le but de les accompagner dans l’évolution de leurs pratiques. En dehors du rôle des URCAUE, la capacité de chaque CAUE à s’inscrire dans un réseau de partenariat local (avec l’ADEME, l’ADIL, etc.) est très variable d’une structure à l’autre. De 38 fait, même si la complémentarité est recherchée, c’est parfois la concurrence qui prévaut encore, notamment avec les acteurs privés (agences d’urbanisme, etc.). « On essaie d’être complémentaire avec les agences d’urbanisme du département, mais parfois on se retrouve à trois à une même réunion ». (un directeur) Si le partage des mêmes locaux (avec l’ADIL, par exemple) facilite parfois les relations, le rapprochement entre les CAUE et certains partenaires, plus ou moins avancé selon les départements, ne se fait pas sans heurts entre différentes cultures professionnelles : « Chacun doit faire un effort pour que les techniciens des Points Info-énergie se sensibilisent à l’architecture et les CAUE aux techniques économes en énergie, même si le photovoltaïque, c’est moins joli ». (un directeur). En dehors d’initiatives de la sorte, le rôle des directions et des volontés locales est encore très prégnant. Ainsi, le positionnement des CAUE et de leurs UR face aux pôles de compétences de la DAPA est très variable d’un département à l’autre. En effet, l’UR MidiPyrénées n’a pas donné suite aux sollicitations du Pôle local, alors que l’URCAUE est très impliquée dans les Pays de la Loire. « Les pôles régionaux ont leur vie autonome. Dans certains, les CAUE ont un vrai rôle, dans d’autres non. A Bordeaux, le CAUE est très investi,mais cela évolue très vite, cela dépend des personnalités. » (DAPA) 39 III. DES MÉTIERS APPRÉCIÉS, MAIS DES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION JUGÉES LIMITÉES « Chargés de missions », « architectes-conseillers », « documentalistes »… les métiers existants au sein des CAUE comportent diverses appellations qui, d’une structure à l’autre, ne recouvrent pas toujours les mêmes réalités professionnelles. Outre le poste de directeur, on peut cependant distinguer trois grandes familles de métiers, présentes dans des proportions diverses dans tous les CAUE : les conseillers ou chargés de missions, plus ou moins polyvalents, qui réalisent les missions de conseil aux collectivités ou aux particuliers, les documentalistes, infographistes et formateurs (chargés du volet documentation / animations pédagogiques, communication), et enfin les postes administratifs aux statuts variables (du secrétaire au responsable administratif, véritable « bras droit » du directeur). Pour les plus grosses structures, il convient d’ajouter la fonction de « responsable de pôle » ou de « coordonateur des architectes conseillers », qui fait fonction de grade intermédiaire et assure la coordination des chargés de mission ou conseillers. Lors de l’enquête de terrain, nous avons recueilli des appréciations souvent positives des métiers et des conditions de travail au sein des CAUE. Cependant, le CAUE représente un cadre professionnel « fort » et spécifique, ce qui suscite des risques : quid des conditions d’évolution à l’intérieur des structures ? Quid des perspectives de reconversion et de l’employabilité des salariés ayant passé plusieurs années en CAUE ? III.1. Autonomie et mission d’utilité public : des métiers jugés attrayants… A. « L’esprit CAUE » ou l’importance accordée à la mission de service public Parmi la soixantaine de salariés rencontrés, beaucoup ont fait référence à l’existence d’un « esprit CAUE », que l’on pourrait traduire comme une forme d’adhésion à un projet collectif et surtout un sentiment de contribuer à une mission d’utilité publique. L’histoire des CAUE et la présence de salariés entrés dès les origines au sein des structures n’est pas étrangère à l’existence de cet esprit spécifique. Au cours des entretiens, plusieurs salariés se sont ainsi référés à ce cadre particulier que constitue le CAUE : une association financée par une taxe départementale dédiée sur les permis de construire. Si ce système apparaît incongru pour certains,9 les notions de service public et de gratuité sont très prégnantes dans les discours : 9 Car cette taxe repose en partie sur le phénomène d’étalement urbain et parce que le CAUE est présenté comme la seule association financée par une taxe. 40 « On est une association de loi 1901. On est indirectement financés par le contribuable, par le biais de la TDCAUE. On a donc une mission de service public, on est là pour apporter de la qualité et conseiller les citoyens. On est véritablement un service » (un architecte). L’adhésion à cet esprit est forte. Dans la même logique, plusieurs acteurs rencontrés opposent le CAUE aux agences d’architecture ou d’urbanisme, et leur métier à celui exercé dans ces structures. Les approches professionnelles sont, selon eux, radicalement différentes. Ils rappellent que le CAUE ne se situe pas dans le champ concurrentiel et qu’il n’est pas soumis aux mêmes contraintes, comme le constate ce paysagiste ayant auparavant travaillé dans un bureau d’études : « Dans un bureau d’études, on manque de temps. Dans un CAUE, on dispose de ce temps, essentiel, pour prendre du recul. C’est un luxe. On est vraiment là pour apporter un conseil. On n’est pas là pour faire plaisir à l’élu mais pour lui montrer ce qui serait le plus judicieux. Et on peut aussi lui conseiller de ne rien faire, ce qui serait impossible dans un bureau d’études » (un paysagiste). « Le plus c’est l’autonomie, l’aspect pédagogique aussi, le fait d’être détaché de la relation de client ». (un historien de l’art) Cette mission de service public se retrouve aussi bien dans le conseil aux particuliers que dans le conseil aux collectivités locales. Les professionnels des CAUE se disent conscients de contribuer à l’amélioration du cadre de vie et insistent sur la notion de service rendu aux communes : ainsi, les conventions signées ne représentent pas une rémunération mais une indemnisation, hors champ concurrentiel, qui leur permet de mener à bien leur mission. Ces discours, relayés par les anciennes générations, se retrouvent chez l’ensemble des personnels de CAUE, des fonctions supports aux nouvelles générations. Ainsi, une secrétaire de CAUE ne va pas parler de « clients », et s’adresser aux différents interlocuteurs de la même façon que dans une agence privée. L’esprit CAUE représente en cela un véritable ciment, une valeur partagée qui fédère les équipes. Posséder l’esprit CAUE, c’est aussi, pour d’autres professionnels rencontrés, avoir la capacité à adopter une posture de conseil, et non de conception de projet ou de prescription administrative et légale. Pour certains professionnels rencontrés, c’est cette caractéristique originale qui distingue les CAUE, à la fois des bureaux d’études privés mais aussi des services administratifs publics. « Il y a des gens qui ont tout à fait l’esprit CAUE et d’autres non… On est dans le conseil, aux côtés des élus, et non dans le projet. On ne fait pas un métier de concepteur mais de conseiller. On n’est pas un bureau d’études privé, on fait de l’accompagnement dans la durée et on ne répond pas à une commande. On n’a pas non plus un fonctionnement administratif, on ne donne pas un avis qui tombe comme un couperet. C’est de la pédagogie, quand on arrive à convaincre un élu, on est content ». Un géographe 41 B. une mise en avant de l’autonomie, de l’intérêt et de la diversité des missions De fait, et la valorisation de l’esprit CAUE y contribue, les professionnels rencontrés se disent dans l’ensemble satisfaits de leur métier et de leurs conditions de travail. La notion d’autonomie fait partie des aspects positifs du métier les plus couramment cités. Elle traverse tous les métiers présents en CAUE mais se trouve surtout présente chez les architectes. Beaucoup d’entre eux exercent une activité libérale en parallèle et tiennent des permanences sur des territoires dédiés. En vertu de l’organisation des structures « en râteau », les professionnels de CAUE se voient confier des projets et de missions qu’ils mènent ensuite avec une autonomie certaine, sans cloisonnement des tâches. L’absence de contraintes hiérarchiques fortes laisse par ailleurs une marge de manœuvre appréciable. Cette autonomie s’inscrit dans le fonctionnement traditionnel – familial – des CAUE où « chacun sait ce qu’il a à faire » (un architecte). « Etre cadre autonome et chargé de mission, c’est aussi une liberté… On a une certaine latitude, et du moment qu’on a la confiance de ses supérieurs… » (un historien de l’art) La diversité des missions est également mise en avant par les professionnels. Pour les architectes, urbanistes et paysagistes, les missions sont considérées comme variées en termes de contenu, même lorsqu’elles se limitent au conseil aux particuliers et/ou aux collectivités : « Les demandes des collectivités sont extrêmement variées en termes de temps et de projet » (un architecte). « L’intérêt ici, c’est l’intérêt du travail, la diversité des missions, les sujets variés et intéressants. On est dans le quotidien des gens, on sert à quelque chose, et puis on a une grande indépendance par rapport aux élus ». (un urbaniste) Par ailleurs, l’approche globale des CAUE diffère de celle mise en œuvre dans le cadre d’un bureau d’étude privé : moins axée sur la technique et la réglementation, elle touche davantage aux questionnements fondamentaux, aux réflexions de fond, ce que certains jugent particulièrement stimulant . « En BE, je devais me tenir à jour sur les réglementations, les lois, ici c’est un aspect moins présent. Par contre, c’est plus une réflexion en amont, des principes, de la philosophie, des grands principes d’aménagement. En BE, on ne prend pas le temps de creuser des sujets d’urbanisme, ici, on doit se tenir informer, se faire sa propre opinion. » (urbaniste) D’autres professionnels valorisent, quant à eux, l’intérêt « humain » du travail en CAUE, notamment dans la fonction de conseil aux collectivités qui favorise les rencontres et les contacts. « L’intérêt, c’est le rapport avec le territoire, le contact humain avec les gens, les élus, on aime ou pas. On est au contact de la réalité, ce n’est pas toujours facile, mais quand on arrive à 42 faire quelque chose d’abouti, à faire évoluer les choses, les mentalités… » (un géographe, responsable du pôle conseil) Le caractère non répétitif des tâches est enfin évoqué par de nombreux professionnels. Les infographistes apprécient de travailler sur des supports et des sujets différents, les secrétaires d’être sollicités sur des missions variées (standard, documentation, comptabilité, accueil des particuliers, transcription informatique des projets, etc.). III.2. Des perspectives d’évolution cependant limitées et des « risques » inhérents à ces structures A. Des appréciations contrastées concernant les conditions de travail et de rémunération Les appréciations concernant les salaires et les conditions de travail varient d’une structure à l’autre, et semblent étroitement liées aux moyens financiers des CAUE concernés. Au sein des « petits » CAUE (moins de 5 salariés), situés la plupart du temps dans un département rural dont le rendement de la TDCAUE est faible, les professionnels rencontrés jugent leur salaires insuffisants. En effet, dans un CAUE de ce type, une secrétaire administrative et polyvalente rencontrée, présente dans la structure depuis 25 ans, perçoit un salaire mensuel de 1.300 ! net, qu’elle estime trop bas. « Je suis mieux payée que mes amis qui exercent en libéral » (une architecte du Calvados). « La TDCAUE suffit tout juste à payer nos salaires. Mais si on devait être payés à notre juste valeur, ça ne suffit pas » (un architecte). Toutefois, dans les CAUE les mieux dotés financièrement, les salaires et les conditions de travail constituent généralement un aspect jugé positivement, surtout lorsque les personnels de CAUE les comparent à ceux des acteurs du cadre de vie exerçant à titre libéral ou dans des petites agences (architectes, urbanistes, paysagistes, dessinateurs), ou encore à d’autres professions des sciences humaines, dans le cadre universitaire par exemple. « Le salaire aussi peut compenser les perspectives de carrière… Il est plus important en CAUE, c’est certain ! » (un historien de l’art, comparant avec les salaires proposés à l’université) B. Des perspectives de carrière limitées en interne Les CAUE représentent des lieux de mobilité interne et de promotion sociale pour certains profils : une femme de ménage devenue secrétaire, une secrétaire devenue infographiste, une autre devenue directrice, etc. Ils constituent des lieux de forte polyvalence, où les 43 salariés se sont souvent formés « sur le tas ». Toutefois, cette perméabilité entre les fonctions concerne davantage les fonctions « supports » que les fonctions de conseil ou d’animation, lesquelles connaissent peu d‘évolution au fil des ans, en termes de contenu ou de fiche de poste. « Ma fiche de poste, c’est la même depuis 25 ans » (un architecte). « Quand je suis rentré en 1982, j’étais déjà chargé de coordonner les architectes conseillers. Ma définition de poste est à peu près la même qu’au début. Le contenu de l’activité est resté le même, l’objet du métier ne change pas, ce qui change, ce sont les modalités d’exercice. » (un urbaniste) « J’ai commencé avec un statut de cadre et ai toujours été chargé de mission. Mon évolution professionnelle, c’est la taille croissante des projets que l’on me confie. » (un architecte) Si certains architectes jugent que leurs missions se sont enrichies au cours de ces dernières années (conseil aux collectivités de plus en plus poussé, sentiment d’avoir une utilité, valorisante, auprès des élus, nouveaux enjeux environnementaux à intégrer, etc.), ils regrettent une forme de stagnation dans leur carrière. Le salaire n’est pas incriminé – ces professionnels se disent satisfaits de leurs revenus : il s’agit davantage d’un défaut d’évolution en termes de responsabilités et de perspectives. Dans l’organisation des CAUE, la seule perspective d’évolution consisterait finalement à prendre des fonctions de direction. Mais, outre le fait que le nombre de postes est limité, certains professionnels avancent l’idée que ces postes sont implicitement « réservés » aux seuls architectes, reflétant ainsi le corporatisme, réel ou imaginaire, qui caractérise certains CAUE. « On n’a pas d’horizon interne, le seul horizon c’est à l’extérieur. Après, c’est lié à des conjectures. (…) Etre directeur, oui, mais cela supposerait un changement géographique. Et sachant que je suis urbaniste et non architecte, c’est utopique. Les CA identifient le CAUE à l’architecture et dans les organes de recrutement, les architectes vont privilégier des profils similaires. » (Urbaniste, entré en CAUE en 1982 et responsable d’un pôle Conseil) Pour d’autres professionnels, l’absence de perspectives de carrière est au contraire compensée par l’intérêt du métier, mais aussi par la réalisation d’autres activités à l’extérieur du CAUE. « C’est difficile, car il y a peu de perspectives, et devenir directeur sans être architecte me paraîtrait curieux. Mais ce n’est pas forcément important, car le contenu est suffisamment varié et enrichissant, et surtout parce que j’ai d’autres activités à côté, je donne des cours à l’université. Cela évite de s’endormir. » (un conseiller) Cependant, les CAUE, comme tout milieu professionnel, ne sont pas exempts d’un risque de démotivation de leurs salariés, même si de nombreux professionnels se disent investis et passionnés par leur travail. En effet, quelques conseillers rencontrés – n’exerçant pas une 44 activité libérale en parallèle – se disent « frustrés » dans l’exercice de leur profession, leurs compétences étant, à leurs yeux, sous-employées et peu valorisées : « Je suis sous-employé, mes capacités d’urbaniste ne sont pas reconnues dans ce CAUE. Je tourne en rond et je m’ennuie ici » (un architecte-urbaniste présent dans le CAUE depuis 10 ans). B. Risques de « pantouflage » ou inquiétudes sur l’avenir : des situations très différentes d’un CAUE à l’autre La manière dont les salariés de CAUE conçoivent leur carrière ne peut être envisagée séparément de la manière dont ils conçoivent l’avenir du CAUE. Or, celui-ci, pour de nombreux acteurs, est présenté comme incertain. En premier lieu, à court terme, la baisse annoncée de la TDCAUE – « socle » du financement des structures – suscite de fortes craintes, surtout dans les petits CAUE rencontrant déjà des difficultés de financements. En second lieu, le rapport Balladur sur la réforme des collectivités territoriales – pour l’instant ajourné, mais les personnels de CAUE craignent une application des préconisations du rapport dans un texte législatif – met en péril l’avenir des CAUE. Ces derniers pourraient être fusionnés en un seul CAUE régional, entraînant ainsi la suppression de nombreux postes, ou disparaître. La diminution de la TDCAUE et la régionalisation ou la disparition des CAUE mettent en péril les postes, mais inquiètent davantage les conseillers ou les chargés de mission. En ce qui concerne les architectes à temps partiel, la crise du secteur de la construction fragilise leur activité libérale et donc leurs revenus. Dans ces conditions, la perte de leur poste en CAUE représente la perte d’un salaire fixe qui leur garantit une certaine stabilité de revenus. Les architectes à temps plein, quant à eux, sont souvent présents depuis de nombreuses années dans le CAUE. Leur pratique professionnelle est modelée par l’esprit CAUE et la primauté du conseil. Les perspectives de reconversion leur semblent limitées : « Si le CAUE était amené à disparaître, je ne sais pas ce que je ferais. Je suis directeur de CAUE depuis trop longtemps, je ne pourrais pas reprendre une activité libérale comme au tout début de ma carrière, je risquerais d’être largué » (un directeur). Les fonctions supports – personnels administratifs, infographistes, documentalistes, etc. – se disent moins menacées que leurs collègues, la nature de leurs postes leur permettant une reconversion plus aisée. Toutefois, dans un contexte de crise, le retour sur le marché du travail est tout de même envisagé avec inquiétude. Cependant, ces inquiétudes semblent moins fortes dans les CAUE les mieux pourvus financièrement, qui apparaissent au contraire comme des « havres de stabilité » professionnelle, s’apparentant même pour certains à la fonction publique. 45 « Avant, j’étais dans un bureau d’études privé dont j’ai été licencié suite à une baisse d’activité. Dans le privé, on est plus lié au contexte économique alors qu’en CAUE, il y a une forme de pérennité. » (un urbaniste) Dès lors, certains directeurs affirment que le risque principal qui guette leur structure est celui de l’absence de mobilité et du « pantouflage » des professionnels, attachés à la sécurité de leur poste et peu enclins à se remettre en question et à prendre des risques. « Pour certains conseillers, c’est une étape dans un parcours professionnel, pour d’autres c’est une planque. C’est un peu le problème, il n’y a pas trop de mobilité. Pour certains, c’est une rente de situation. Certains considèrent que ceux qui travaillent à temps plein au CAUE ont de la chance, qu’ils sont des privilégiés. » (Un directeur de CAUE) C. Des pratiques professionnelles modelées par le « cadre CAUE » et qui rendent difficile tout reconversion professionnelle De fait, les perspectives de reconversion à l’extérieur du CAUE, notamment après une longue période d’emploi au sein de la structure, sont aléatoires. Marqués par la spécificité de leur métier de conseiller en CAUE, certains professionnels rencontreraient ainsi des difficultés à se reconvertir dans d’autres domaines ou à rejoindre le secteur privé, l’adaptation réciproque n’allant pas toujours de soi « Au bout de 5 ou 6 ans de CAUE on est difficilement employable ailleurs, parce que la culture d’entreprise est différente. Les gens sont qualifiés en CAUE, dans une niche, et ils en sont conscients. Un gars comme X. (le coordonnateur), je ne vois pas où il serait employable… » (Directeur de CAUE) « Le monde associatif est assez éloigné de celui des PME » (secrétaire comptable, qui estime ne plus correspondre aux attentes des PME). Ajoutons que les compétences acquises en CAUE sont par ailleurs peu « lisibles » et sans doute difficilement valorisables à l’extérieur comme le mentionne cet architecte : « On ne peut pas faire valoir nos compétences ailleurs qu’en CAUE. » Enfin, si la mobilité vers le secteur privé n’est pas évidente, la mobilité inter-CAUE se trouve elle aussi limitée par la diversité des organisations. L’absence d’harmonisation des différents postes au niveau national rend en effet compliqué le passage d’une structure à l’autre, d’autant que les salariés rencontrés semblent n’avoir qu’une connaissance réduite du fonctionnement des autres CAUE. « J’ai déjà eu envie de partir mais ça ne s’est pas concrétisé pour diverses raisons. A partir d’un moment, on se stabilise donc c’est un frein. Et en région parisienne le marché est plus large, alors qu’à Lyon… Et puis il n’y a pas d’équivalences de postes entre CAUE, chaque 46 structure est organisée différemment, selon des modalités variables, et on n’est pas sûr qu’il existe le même poste ailleurs. » (un urbaniste) IV. L’EVOLUTION DES MODES DE MANAGEMENT ET LA MISE EN PLACE DES OUTILS DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES IV.1 Le modèle « traditionnel » ou « familial » : un mode de management ancré dans la culture de l’informel A . Un modèle hérité de l’histoire, encore très présent Les CAUE sont imprégnés d’une histoire forte. De nombreux salariés sont présents depuis leur création. Ils ont ainsi contribué, avec certains directeurs « pionniers », à façonner les CAUE en termes de missions et d’organisation. Le sentiment d’appartenance à la structure est fort, beaucoup le comparent à une grande famille – les références à la convivialité sont nombreuses -, parfois à une « tribu » quand le directeur y impulse une dynamique forte à laquelle adhérent les salariés. « Les CAUE ont évolué d’un groupe de camarades très motivés et dynamiques à une structure pas structurée » (une architecte à temps plein présente dans le CAUE depuis 1999). La caractéristique principale de ce type de modèle « familial » repose sur une forte autonomie des personnes (« chacun sait ce qu’il a à faire »). Mais ce modèle se caractérise également par l’absence de hiérarchie entre les profils et l’absence d’outils de management, comme le décrit ce directeur : « Tout le monde connaît les salaires des autres, on n’a pas de secret. On n’a pas d’outils de management et on s’est toujours refusé à faire un organigramme par exemple, c’est trop pyramidal. Chacun est autonome » (un directeur administratif). Les discours recueillis sur ce modèle peuvent parfois être plus critiques. En effet, c’est un mode de fonctionnement qui apparaît aujourd’hui, aux yeux de certains directeurs, comme 47 une survivance du passé, le terme péjorativement employé parfois étant celui de « fonctionnement à la grand-papa », ou encore de « dinosaure ». « Au départ, il y avait un fonctionnement tribal. Le développement reposait sur les épaules du chef. C’est lié à l’histoire, il a fallu imposer les CAUE dans un contexte difficile, avec une petite équipe, rassemblée dans une structure à construire, militante, et il en reste encore quelque chose. C’est fondé sur l’informel, la connivence, le sentiment d’appartenance, toutes choses qui n’ont rien de professionnel » (un directeur) Mais il est surtout remis en cause par les salariés arrivés plus récemment. Certains évoquent ainsi un « système néo-soixante-huitard » où les pratiques de travail sont très routinisées et peu remises en cause. B. L’absence d’outils de rationalisation des méthodes de travail Dans ce modèle traditionnel de CAUE, la segmentation des tâches est très importante, ce qui frappe d’ailleurs les nouveaux directeurs à leur arrivée. Le travail en équipe et/ou en binôme reste ponctuel, la norme se situe dans l’autonomie des tâches : « On a un cloisonnement trop important au sein de notre équipe, une individualité néfaste. Il n’y a pas de transversalité. On a une réunion de coordination une fois par mois mais on parle de choses communes, on ne connaît pas les activités des autres. Entre collègues, c’est trop étanche. C’est la répartition des fonctions qui veut ça mais c’est dommage » (un architecte, CAUE de 12 salariés). Chacun a en effet un territoire ou un secteur de travail bien déterminé. Les organisations de type responsable/chargés et assistants d’études ou de type pyramidal sont peu pratiquées. Dans cette logique, des organigrammes sont rarement établis. Les réunions d’équipes sont la plupart du temps informelles, y compris dans les grandes structures : « Les discussions et les moments d’échanges ont la plupart du temps lieu autour de la machine à café » (un architecte, CAUE de 19 salariés). Des tentatives ont été faites pour formaliser les réunions d’équipes mais, faute de temps ou d’adhésion de la part des équipes elles-mêmes, elles sont souvent abandonnées : « On a essayé d’instaurer des réunions d’équipes tous les lundis. Mais comme on est tous très surbookés, ça n’a pas marché. On se parle mais ça reste la plupart du temps informel. En plus, on est une petite équipe. Il nous arrive quand même de faire des réunions mais c’est très ponctuel » (un directeur de CAUE de 6 salariés). « On a un comité d’orientation, avec les cadres uniquement, qui se réunit une fois tous les deux mois… Sinon j’ai essayé des choses y compris des réunions administratives, le travail 48 par projet, mais bon, ça n’existe plus… maintenant, quand il y a vraiment nécessité, on crée un groupe de travail. » (directeur d’un CAUE de 25 salariés) Beaucoup disent fonctionner « à la bonne franquette » (un directeur de CAUE), dans l’informel, et la gestion des équipes est souvent faite d’improvisations. Outre le poids de l’histoire, cette organisation s’explique en grande partie par le caractère diffus des missions effectuées et la difficulté à les évaluer. Le conseil aux particuliers et aux élus, ainsi que les actions de sensibilisation (le temps de préparation) sont difficilement quantifiables et très variables. Dans le Calvados, les salariés interrogés insistent ainsi sur l’objectif qualitatif qui est assigné aux conseillers, et les plans de charges n’existant pas : le temps nécessaire pour mener la mission est évalué au démarrage avec les maîtrises d’ouvrages (les élus). « Notre action est difficile à mesurer. On ne peut pas être rentable dans un CAUE, on ne peut pas dire à un paysagiste : si tu vas voir un élu, c’est 2 heures. C’est très dur de compter ses heures pour une mission » (un directeur). Certains directeurs, présents depuis les débuts de la structure disent eux-mêmes regretter de ne pas avoir des qualités de directeurs d’équipe (cf. le chapitre sur les besoins de formation). Les CAUE ont dans l’ensemble évolué : les équipes se sont agrandies, les missions ont changé, et l’absence d’outils et de formation en gestion d’équipe peuvent être ressentis comme un manque, par les directeurs comme par les salariés. Ainsi, le « pantouflage » et le manque de dynamisme évoqués plus haut ne sont pas seulement attribuables aux seuls salariés : ils traduisent peut être également des lacunes en termes de management d’équipe. « Les budgets et les équipes des CAUE ont grossi, mais pas toujours les compétences en termes de management. C’est un manque. Je ressens un ronronnement total : on se fonctionnarise » (un architecte-urbaniste). « Lorsque je suis arrivé dans le CAUE, j’ai proposé de redynamiser la structure car c’était un CAUE familial qui ronronnait, une bande de copains » (un nouveau directeur). Certains directeurs, conscients de leurs carences en matière de management, ont mis en place des systèmes de direction bicéphales. Ils assurent la partie communication de projets, les relations avec les élus, etc., pendant que des directeurs adjoints, directeurs administratifs ou secrétaires généraux assument ce qui relève de l’administration et de la gestion d’équipe : « Le directeur n’a jamais eu la carrure d’un gérant, il le dit lui-même. Il ne demandait qu’à déléguer. C’est un rêveur, un artiste, comme beaucoup d’architectes. Il n’a pas du tout les pieds sur terre. Mais c’est un très bon communiquant. On est un binôme qui se complète bien » (un directeur administratif). 49 Mais là encore, il s’agit d’un système spécifique, contingent, construit au fil des années et qui ne relève pas d’une choix d’organisation formalisé. Il est avant tout lié à la personnalité des salariés concernées (le dynamisme et la mobilisation d’une secrétaire, la bonne entente entre le directeur et son responsable administratif, etc.), résulte donc d’un équilibre fragile, susceptible d’être remis en question au départ des personnes concernées. IV.2. L’émergence d’un modèle « managérial » Depuis quelques années, un phénomène nouveau, amené sans doute à s’amplifier à l’avenir, se fait sentir dans les CAUE : le départ en retraite des directeurs pionniers qui ont bâti les CAUE et leur remplacement par de nouveaux directeurs. La principale caractéristique de ces derniers réside dans leurs parcours et leurs profils hétérogènes : certains sont issus de l’administration territoriale (Conseil général…), d’autres exerçaient dans un autre CAUE, d’autres sont issus d’une promotion interne, etc. Ils ne présentent pas systématiquement des profils d’architectes, ce qui les distingue de leurs prédécesseurs, et sont par ailleurs imprégnés, notamment lorsqu’ils proviennent de l’administration, d’une culture du cadre administratif et de ses procédures spécifiques (entretiens d’évaluation, notation, etc.) A. Impulsion d’une nouvelle dynamique et mise en place d’outils de management A leur arrivée, ces nouveaux directeurs procèdent en général à une forme d’ « audit » interne. Ils effectuent alors, avec tous les salariés de la structure, des entretiens au cours desquels ils tentent de mettre à plat les missions et les besoins en formation. Ils opèrent ensuite, sur la base de ces entretiens et de leurs observations sur le fonctionnement de la structure, une réorganisation du CAUE à laquelle adhèrent plus ou moins les salariés. Cette réorganisation se concrétise par la création de fiches de postes (souvent inexistantes auparavant) détaillant le métier et les missions, la réorganisation des tâches (afin qu’elles soient davantage partagées et moins segmentées) et la mise en place d’un organigramme. Ces outils formalisent la nouvelle organisation du CAUE et sont élaborés en fonction des missions que la nouvelle direction souhaite plus ou moins développer. Ces organigrammes se présentent souvent sous la forme de pôles : « technique », « administration générale », « conseil », « missions transversales », « formation », etc. Ainsi, dans le CAUE du Pas-de-Calais, le directeur arrivé en 2006 et issu des services du Conseil général, a mis en place des fiches de poste validées en conseil d’administration, ainsi que des plans de charges par tranches de deux heures ayant vocation à être analysés rétrospectivement. Cette nouvelle organisation vise, en général, à mieux cadrer l’activité et à insuffler davantage de transversalité au sein des équipes. Dans certains CAUE, la réorganisation va plus loin et 50 rompt véritablement avec le fonctionnement traditionnel, en instaurant un fonctionnement plus pyramidal, souvent mal accepté. Les réunions d’équipes sont également systématisées et leur fréquence est plus régulière. Certains directeurs ont même scindé les réunions en rassemblant d’un côté, les architectes territoriaux et de l’autre, le reste de l’équipe du CAUE. B. Une transition qui ne va pas toujours de soi. L’impulsion d’une nouvelle dynamique d’organisation au sein des CAUE marque ainsi le passage à un nouveau modèle. Ce passage est souvent souligné, non sans nostalgie, par les salariés présents depuis les débuts du CAUE et ayant connu un changement de direction récent. « Au départ, on était une bande de copains : des architectes qui avaient tous leur agence en parallèle et qui exerçaient à temps partiel, sauf le directeur. Au démarrage, on n’avait pas vraiment de règles, mais beaucoup d’enthousiasme. On était polyvalents et il y avait un vrai esprit d’équipe. Maintenant, chaque salarié est bien catalogué, l’esprit et l’enthousiasme ne sont plus les mêmes. L’esprit d’équipe s’est un peu envolé. En même temps, c’est bien que les choses soient un peu cadrées, ça pérennise les choses. » (un architecte). L’arrivée de ces nouveaux directeurs occasionne parfois de fortes résistances chez les plus anciens, et la transition ne se fait pas toujours sans heurts. « C’est difficile de changer du jour au lendemain. Il faut faire le deuil du CAUE d’avant et passer à autre chose. La réorganisation des tâches nous aide à passer le cap. Mes tâches ont été revues ce qui m’oblige à me former, à varier. On avait beaucoup d’affectif dans la relation avec l’ancien directeur : ça nous aide à couper le cordon » (une secrétaire, présente dans le CAUE depuis 26 ans) En effet, le passage d’un modèle à l’autre peut être vécu de manière relativement brutale. Ainsi, une architecte, salariée depuis près de 20 ans dans le même CAUE, se montre très critique vis-à-vis du nouveau directeur. Elle regrette l’ancien directeur, présent depuis la création du CAUE, et la forte autonomie dont elle disposait. Les outils mis en place par le nouveau directeur (organigramme, fiche de postes, réorganisation des missions de chacun) contrastent avec l’ancien modèle et suscitent de l’inquiétude sur les nouvelles priorités quant aux missions du CAUE. De fait, le décalage est manifeste entre les discours des directeurs « pionniers » rencontrés et ceux de certains nouveaux directeurs qui affirment une position très volontariste et ambitionnent de faire évoluer leurs structures : « La plupart des CAUE sont des systèmes néo-soixante-huitard. Les CAUE ont un défaut général : l’absence d’organisation et de management. C’est un gros mot, dans beaucoup de CAUE, de parler de management et de rentabilité. » (un directeur) 51 Or, ce type de discours est parfois vécu comme un déclaration de guerre. Les transitions peuvent donc représenter de véritables moments de crise, et prendre la forme d’affrontements. Sur l’un des sites visités, les salariés ont ainsi formulé la demande, au Conseil d’administration, de licencier le directeur au terme de sa période d’essai. L’attitude du nouveau directeur, sa capacité à communiquer et à instaurer des changements « en douceur » sont ici en cause. C. Mais un changement souvent apprécié et vécu de manière positive par les salariés Ces exemples de résistances ne doivent cependant pas masquer le fait que, pour de nombreux CAUE visités, la transition vers une organisation plus « professionnelle » a représenté une avancée réellement positive, l’informel et l’absence de cadres étant parfois générateur de démotivation et de frustration professionnelle, davantage que d’épanouissement et de reconnaissance. Dès lors, si les changements ont été douloureusement vécus par certains salariés, ils ont été accueillis par d’autres comme une véritable bénédiction, notamment par ceux qui ressentaient une forme de routinisation dans leurs pratiques. « Le nouveau directeur donne une sacrée impulsion au CAUE, une dynamique qu’on n’avait plus. On s’endormait un peu. On avait un certain confort et plus d’autonomie » (une architecte présente depuis la création du CAUE). « J’ai déjà eu envie de partir, oui, j’ai regardé dans l’urbanisme… Il se trouve qu’après, on a changé de direction et il a réorienté les choses, c’est allé beaucoup mieux.. Il y a eu une nouvelle dynamique. » (géographe, responsable de pôle) Cette infographiste d’une cinquantaine d’année, arrivée dans un CAUE en 1982 sur un poste de secrétaire, a ainsi constaté un changement profond à l’arrivée du nouveau directeur, en 2000. Ce dernier a réorganisé la structure en constituant des pôles, incité les salariés à faire valider les expériences acquises « sur le tas » en suivant des formations diplômantes adaptées, permettant ainsi aux salariés de faire reconnaître leurs compétences et de se situer plus facilement dans une échelle de progression. « Avant, j’étais polyvalente, je faisais un peu de tout, et comme l’ancien directeur était secrétaire particulier du président du CG (… ) Ce n’était pas très professionnel… Cela a changé avec le nouveau directeur. Comme je faisais tous les documents de communication, il m’a proposé une formation diplômante d’infographiste de 6 semaines, puis en webmaster. Cela me permettait d’asseoir ma formation d’infographiste et de devenir responsable de l’atelier graphique.(…) On est dans une évolution qui fait qu’on a toujours envie de progresser, car le travail est bien reconnu à l’extérieur et au sein de l’équipe. Le directeur a une réelle politique salariale, et il sait bien motiver les gens, il y a de réels moyens de progression dans l’entreprise, une reconnaissance ». (infographiste, responsable de pole) 52 IV.3. La convention collective : un cadre commun qui s’adapte difficilement à la singularité revendiquée de chaque structure La convention collective a eu pour ambition, comme elle le stipule dans son préambule, d’harmoniser le statut contractuel de l’ensemble du personnel des CAUE, notamment au sujet des conditions de travail, des évolutions de carrière et de promotion tout en tenant compte des spécificités des CAUE. Globalement, les retours concernant son application au sein des structures se sont avérés plutôt neutres, voire positifs. La question qui se pose aujourd’hui est celle de son appropriation par les CAUE et surtout de son utilisation comme outil de gestion des carrières et des compétences, notamment en ce qui concerne la grille de classification. A. La grille de classification : quelques critiques mais des éléments jugés positifs La convention collective inclut une grille des « classifications professionnelles et niveaux de qualification », destinée à reconnaître les compétences acquises, harmoniser les salaires minimaux et favoriser les déroulements de carrière. Globalement, l’application de cette grille a occasionné, dans les CAUE visités, trois types de réactions : neutres, dans les CAUE où les rémunérations étaient déjà élevées et où elle n’a représenté qu’une formalité symbolique10, positives lorsqu’elle a été l’occasion de revalorisations salariales, et enfin négatives lorsqu’elle a été perçue comme un instrument contribuant à « figer » ou à freiner les carrières. De manière générale, la compréhension de la grille de classification s’est avérée difficile en raison de son caractère foisonnant et de l’imprécision ou du caractère jugé « subjectif » de ses critères de classification : « La grille est compliquée, on peut lui faire dire n’importe quoi. C’est complexe, sa compréhension et son application ont demandé beaucoup de temps. Il y a des subtilités de langage qui, même en regardant dans le dictionnaire, sont contradictoires » (la directrice administrative d’un CAUE). « Il a fallu s’adapter, comprendre… Sur plein de choses, c’est redondant, on a eu du mal à se caler. Les critères restent assez subjectifs et la colonne qui porte sur les études n’est pas très claire. On a finit par s’y retrouver, même si ça reste assez subjectif ». (paysagiste) Certains regrettent également qu’elle ne fasse pas suffisamment la distinction entre grands et petits CAUE, la polyvalence dans ces derniers étant plus marquée en raison d’un effectif 10 Où lorsqu’un accord d’entreprise pré-existait et qu’il était globalement plus favorable aux salariés. C’était par exemple le cas dans l’Hérault. 53 réduit, ou encore qu’elle rende visible ou établisse une hiérarchie qui n’était pas supposée exister auparavant: « Dans le CAUE, il n’y a jamais eu de hiérarchie entre nous. Or, dans la grille, elle existe » (un architecte conseiller) Mais ces reproches sont finalement assez anecdotiques. Parmi les critiques qui lui sont le plus fréquemment adressées, on relève avant tout l’insuffisante prise en compte de l’ancienneté ou de l’expérience professionnelle parmi les critères de classification existants. Ainsi, un architecte ayant 30 ans d’ancienneté dans le même CAUE a ressenti un difficulté à se positionner sur la grille : il est cadre et bénéficie d’une grande expérience professionnelle, mais il n’encadre personne. Il affirme avoir eu du mal à se positionner et à faire valoir son expérience professionnelle et ses compétences. « L’expérience n’est pas mentionnée dans la grille, alors qu’on ne fait pas son métier de la même manière 10 ans après ». (Paysagiste) On lui reproche également le manque de niveaux intermédiaires, notamment sur les postes de cadres, ce qui reflète et accentue l’idée, évoquée plus haut, de faibles possibilités de progression en interne. « La classification, c’est pas simple car elle manque de niveaux, il y a des sauts, des problèmes de progressivité » Directeur de CAUE « Ce n’est pas normal qu’il y ait des demi-niveaux pour les postes administratifs et pas autant pour les postes de cadres. Il n’y a pas de niveaux intermédiaires entre les postes de cadre et ceux de directeurs. Même dans les missions, les intitulés ne sont pas très clairs. » (un conseiller) Aussi, la grille de classification, lorsqu’elle ne fait pas l’objet d’une appropriation par les salariés, n’est pas envisagée comme un outil permettant de gérer les évolutions de carrière mais au contraire comme un cadre venant figer toute perspective de progression. « Mon directeur m’a mis dans telle case et point final. On ne peut pas évoluer » (secrétaire). « La grille est une base, elle permet un bon salaire de départ, mais elle offre peu de perspectives d’évolution » (un directeur de CAUE). « Aujourd’hui, on est dans une case et on reste dans une case » (un architecte) Pour certains directeurs rencontrés, le problème n’est donc pas tant de classer les salariés que de trouver ensuite des moteurs d’évolution, une fois ces derniers positionnés dans la grille : « la CCN ne prévoit pas d’avancement à l’ancienneté, heureusement que mon règlement intérieur oui » constate ce directeur. 54 Enfin, il est également reproché à la grille de classification de ne pas faire de distinction entre les différents métiers présents en CAUE, mais de s’appliquer indistinctement aux différents types de métiers. Plusieurs acteurs regrettent donc que la grille soit trop « déconnectée des réalités du terrain » et de l’hétérogénéité des parcours au sein des CAUE. « La grille de classification est difficile à partager car on ne fait pas tous le même métier » (un architecte). « C’est plus un cadre générique, parce qu’elle parle très peu des métiers pratiqués ». (un directeur) « Il y a un souci d’articulation entre les différents métiers. Comment comparer les administratifs et les conseillers ? Un infographiste de niveau 3 égale un pédagogue de niveau 3 ? La convention collective a toujours oscillé entre ces deux tendances, une approche métiers et une approche emplois, avec un descriptif indifférent du métier… » (un directeur) « La grille de classification a été facile à mettre en place, mais elle est désincarnée, il n’est pas question du métier, uniquement des fonctions. Cela ne fait pas référence aux technicités nécessaires pour travailler en CAUE .» (urbaniste, responsable de pole) B. La grille de classification : une formalité ou un véritable outil de gestion des carrières et des compétences ? Simple formalité administrative, moment (douloureux ou salutaire) de remise à plat des postes et des métiers, ou véritable outil de gestion des compétences et des carrières ? La façon dont on emploie localement la grille de classification dépend fortement de la volonté de chaque directeur et des conditions de travail préexistantes. D’abord, l’outil que représente la grille n’est pas facilement maniable et son exploitation requiert donc des adaptations, un travail collectif de réflexion sur les postes que tous les directeurs ne sont pas enclins à mener avec leurs équipes. « On était très craintifs sur le processus de classification, car on est des petites structures, avec un grosse proportion de bac+6. Mais on est contents d’avoir eu vrai contact avec toute l’équipe, un par un, sur des objectifs, afin de relier la position de chacun dans la grille au projet global de la structure. (un directeur) Certains CAUE sont cependant parvenus à adapter la grille de classification à leur structure. C’est le cas du CAUE de Haute-Savoie, qui a réalisé un travail de déclinaison de la grille par métiers, créant ainsi 4 tableaux de classification différents : « on a tout retraduit, une classification pour les infographistes, une pour les conseillers, une pour les administratifs, etc. », explique son directeur. Les grilles sont maintenant utilisées pour évaluer la progression des salariés, mais aussi au moment des recrutements : « Quand les gens arrivent, on prend le tableau du métier correspondant et on se dit « qu’est-ce qu’on lui donne en responsabilité ? ». Au bout de son CDD, on fait le point et on réajuste. » 55 De même, d’autres directeurs et salariés expliquent que la grille donne une indication à l’embauche et permet de définir un salaire minimum, sur la base de la grille, que la direction ne pratiquait pas toujours : « La grille est intéressante quand on recrute. On sait où on est, on a tout de suite le classement. La grille nous a fait prendre conscience que quand on recrutait, on partait de trop bas » (un directeur). Pour certains salariés, la grille a par ailleurs pu représenter un outil de reconnaissance. Cela est surtout le cas pour les personnels administratifs qui se disent dans l’ensemble satisfaits de leur positionnement et de la revalorisation de salaire qui en a souvent découlé. Des directeurs disent même avoir pris conscience, avec cette grille, que les salaires étaient parfois en deçà des compétences réelles des salariés, surtout pour les catégories I, II et III (le personnel administratif notamment). Certains CAUE ont procédé à l’association de leur ancien système de classification et de la grille de classification. Dans un CAUE composé d’une vingtaine de salariés, existait déjà un accord de travail avec une grille de salaires. La direction procédait, sur cette base, à une augmentation systématique des salaires tous les deux ans. L’application de la convention collective n’a pas abrogé l’accord de travail. Il a été procédé au mixage des deux documents : le classement conventionnel est utilisé, tout comme le coefficient, mais l’indice antérieur correspondant est conservé. Les salaires continuent à être régulièrement augmentés, la marge de manœuvre étant plus grande qu’avec la seule grille de classification. Pour d’autres CAUE, en revanche, la mise en place de la grille n’a été qu’une simple formalité, comme en témoigne cette secrétaire qui affirme que « le classement a été formel » et qu’elle « ne sait pas où elle a été classée ». L’appropriation et l’impact de la grille de classification dépend en effet de l’adhésion des salariés au projet mais aussi des relations salariés / directeur et plus largement du dialogue social au sein de la structure, comme en témoignent les propos recueillis. Dans certains cas, elle a en effet révélé ou cristallisé les tensions existantes. « L’application de la convention collective a représenté un moment douloureux, de stress pour tout le monde, aussi pour le Président. Il y a eu de lourdes tensions sur la classification » (un directeur). « On ne nous a pas demandé de parler de nos métiers et compétences pour nous mettre dans la grille mais on nous a dit « vous allez faire ça, ça et ça ». Cela s’est plutôt bien passé pour les architectes mais les autres – documentaliste, infographiste et secrétaires – ont ressenti un gros malaise, un véritable mal être. Ils ont eu la sensation de ne pas être reconnus sur leur métier. Par exemple, la secrétaire avait beaucoup de responsabilités : elle s’est vue retirer de nombreuses compétences pour qu’on ne l’augmente pas. Lors de l’entretien, il n’y a pas eu de négociation, c’est la direction qui a placé les salariés sur la grille » (un architecte). 56 « L’application de la convention collective s’est très mal passée. Je n’ai pas eu le choix, je n’ai pu négocier avec personne, ça a été un long monologue de la direction. Je suis écoeurée. Ca a été très dur. Je me suis aussi entendue dire que mon poste n’avait aucune utilité » (une secrétaire). C. La portée générale de la convention collective : des avis contrastés Plusieurs salariés apprécient la démarche qu’a représenté la convention collective afin de fédérer les métiers des CAUE et de leur apporter un cadre partagé qui n’existait pas auparavant. Cependant, certain regrettent le caractère trop « commun » (voire « lambda » ou « banal ») de la convention, qui pourrait s’appliquer d’après eux à n’importe quelle autre branche professionnelle et qui ne prend pas suffisamment en compte la spécificité des CAUE. Certains regrettent que ne soit pas spécifié, dans la convention collective, le statut des CAUE et leur définition. Un directeur ne comprend pas, par exemple qu’il ne soit pas inscrit que ces structures sont d’utilité publique (« on est dans le flou »). En effet, le département dans lequel est implanté son CAUE correspond à une zone de revitalisation rurale et tous les organismes reconnus d’utilité publique peuvent bénéficier d’une exonération de charges de l’URSSAF. Or ce dernier, sans preuve, ne peut pas procéder à cette exonération. Ce directeur regrette que la convention collective ne soit pas davantage un outil, une aide (« quand je veux chercher des réponses, je n’en trouve pas », un directeur). De plus, plusieurs personnes rencontrées ont le sentiment que la convention collective leur a été imposée et qu’elles n’ont pas été consultées, en particulier au sein des « petits CAUE », qui se sentent souvent sous-représentés et peu consultés. Les avis sur la mutuelle obligatoire sont contrastés selon que les salariés bénéficiaient ou non d’une mutuelle et les avantages offerts par la nouvelle. De plus, beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils se sont vus attribuer l’une ou l’autre des deux mutuelles obligatoires. En revanche, la convention collective est globalement appréciée par le sentiment d’appartenance à un réseau qu’elle suscite, l’identité de métier qu’elle contribue à forger. Elle particulièrement appréciée lorsqu’elle vient par ailleurs poser un cadre écrit sur des pratiques marquées par l’informel, car elle est perçue comme une aide à la gestion des relations avec les salariés. « La CCN a donné une réelle existence au réseau des CAUE. J’entends davantage parler de la fédération… » (urbaniste) « la convention collective, j’ai trouvé ça plutôt positif, car on n’avait qu’un règlement intérieur non validé ». (architecte) « La convention collective pose un écrit, une base et quelques règles. Des choses peuvent être revues, mais elle a au moins le mérite d’exister… » (responsable administrative) 57 D’ailleurs, plusieurs salariés ont été en quelque sorte « mis en appétit » par l’épisode de la classification et en attendent aujourd’hui les suites, en termes de formation et d’accompagnement à la gestion des parcours professionnels. V. NOUVEAUX ENJEUX, NOUVELLES COMPÉTENCES : LES DÉFIS DE LA GESTION DES ÉQUIPES ET DU RECRUTEMENT La partie qui suit se propose d’appréhender quelles sont les difficultés actuelles et les réponses apportées par les directions, et quels seront les grands défis à venir en termes de gestion des équipes et des structures. V.1 Les enjeux actuels d’organisation des équipes et des structures A. L’intégration de nouveaux profils et le partage d’une culture professionnelle commune Les CAUE ont de plus en plus tendance à intégrer dans leur structure de nouveaux profils. Longtemps constitués d’une part dominante d’architectes, ils ont intégré des urbanistes, puis des paysagistes afin de répondre aux évolutions en matière d’aménagement et de cadre de vie. Avec l’apparition de nouveaux enjeux, notamment environnementaux, de nouveaux profils apparaissent dans les CAUE : ingénieurs environnementalistes, géomaticiens, etc. L’intégration de ces nouveaux profils, dans l’ensemble, se passe bien. Les profils de documentalistes et d’infographistes disent voir rencontré quelques difficultés, au départ, à s’adapter à la culture architecturale et à la compréhension des missions du CAUE, qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Mais ces difficultés ont vite été surmontées, le reste de l’équipe les associant régulièrement à leur travail : voyages d’études, accompagnement sur le terrain, explications, etc., afin de leur transmettre les éléments de base nécessaires à la pratique de leur métier et de partager une culture professionnelle commune. Les profils plus atypiques (géomaticiens, géographes, hydrologues, etc.) s’intègrent également facilement car ils sont amenés à travailler en équipe ou en binôme avec les profils plus classiques. En revanche, pour certains CAUE ayant intégré les conseillers info énergie (regroupés dans un espace Info Energie), il semblerait que ces derniers rencontrent des difficultés d’intégration : 58 « On a l’impression qu’on est deux services à part. On ressent des difficultés de relation entre le CAUE d’origine et la mission de conseil en énergie. On est dans deux conceptions très différentes, notamment sur les questions environnementales. Pour les conseillers en énergie, les architectes sont un peu à côté de la plaque » (architecte d’un CAUE de 10 salariés ayant intégré un espace Info Energie). Ce décalage s’explique par le fait que ces profils ne sont pas salariés des CAUE. Ces postes sont en général financés par l’ADEME et le conseil général et constituent un pôle à part. Il s’agit en outre de deux cultures professionnelles différentes amenées à cohabiter plus qu’à collaborer. Les deux structures – CAUE et Espace Info Energie – restent donc encore assez étanches. De plus en plus de CAUE envisagent d’intégrer ces espaces dans leur structure. Dès lors, il apparaît nécessaire de créer une culture professionnelle commune qui pourrait passer par une meilleure compréhension des métiers des uns et des autres et par des projets communs. B. Une coordination et une intégration difficiles des architectes conseillers à temps partiel Les CAUE comprennent une part importante d’architectes exerçant en parallèle à titre libéral, généralement salariés à temps très partiel. Cette formule est souvent présentée comme idéale par les architectes la pratiquant. Leur activité libérale leur apporte en effet la possibilité de réaliser des projets architecturaux, ce qui, pour certains, leur permet d’éviter toute frustration liée à l’absence de conception de projets. Pour les architectes libéraux, le CAUE apporte un salaire mensuel qui représente une garantie de sécurité dans un contexte où leur activité libérale peut être très fluctuante. Pour les jeunes architectes qui débutent leur activité libérale, le CAUE représente également, audelà de cet effet rassurant, un apprentissage dans la communication de projet et le conseil. Il permet de se constituer un carnet d’adresse et d’élargir son réseau (notamment auprès des élus). Tous les acteurs rencontrés se disent donc, dans l’ensemble, satisfaits de cet équilibre entre l’activité au CAUE et l’activité libérale. Toutefois, les directeurs se disent parfois démunis pour les intégrer à l’équipe du CAUE. En effet, les architectes territoriaux effectuent la plupart du temps des permanences sur des territoires donnés et en toute autonomie. Les directeurs n’ont aucun moyen de vérifier le travail effectué11 et surtout, la qualité du conseil donné aux particuliers et/ou aux élus : 11 Il existe cependant un système de contrôle et de validation des heures réalisées, dans certains CAUE tout au moins. 59 « Les façons de faire du conseil des 7 architectes à temps partiel sont très différentes, très hétérogènes. J’essaye d’homogénéiser un peu les pratiques avec des réunions de coordination, mais ce n’est pas suffisant » (un directeur). Plusieurs directeurs expriment en effet une difficulté à gérer ces profils, ces derniers étant sont souvent présentés comme très jaloux de leur territoire, éloignés du reste de l’équipe du CAUE et très autonomes. « Les architectes conseillers sont un peu seuls sur leur fief. C’est une forme de féodalité… » (le directeur d’un CAUE de 12 salariés, dont 7 architectes territoriaux) « Chacun est très jaloux de son territoire, ils travaillent en solo et ils sont loin. Je m’efforce de les réunir une fois par mois mais j’ai du mal à les intégrer à l’équipe du CAUE » (un directeur). Un directeur de CAUE a décidé, pour remédier à ce défaut d’intégration, de ne plus recruter ce type de profil en dessous d’un mi-temps : au-dessous de ce seuil, il estime que les architectes ne se sentent pas suffisamment investis et concernés par les missions du CAUE puisque la rémunération et le temps correspondant ne représentent qu’une infime partie de leur activité : « Un architecte conseiller qui fera plus d’un mi-temps au CAUE sera disponible et aura le sentiment d’appartenir au CAUE. Il ne va pas faire passer son activité libérale avant. Il aura le désir d’être au service de l’élu. Quand on a salarié les vacataires à 32 heures par mois, c’était un salaire accessoire pour eux. S’ils étaient par exemple de permanence le lundi et qu’un élu ne pouvait les rencontrer qu’un mercredi, il ne s’adaptait pas à leur demande et refusait » (un directeur). Signalons que cette difficulté est encore accentuée lorsqu’il s’agit d’architectes vacataires, par l’absence d’autorité hiérarchique des directeurs de CAUE, comme c’est le cas dans la Nièvre12. Afin de remédier à cette difficulté, un directeur a demandé que ces vacataires soient placés sous son autorité fonctionnelle, ce qui a facilité les relations. C. Des départs en retraite peu anticipés Pour ceux que l’on nomme les « pionniers » des CAUE, qu’ils soient directeurs ou salariés, les départs en retraite n’ont, la plupart du temps, pas été anticipés. Plusieurs structures ont connu des périodes de carence entre le départ d’un directeur et l’arrivée de son successeur, allant de quelques mois à, cela s’est vu, une année. Ainsi, la transmission est peu fréquente. Elle a rarement été anticipée et de ce fait, certains nouveaux directeurs se sentent souvent isolés durant les premiers mois suivant leur prise de fonction. 12 Il sont mis à disposition par la DRAC. 60 Ce passage est d’autant plus difficile que les directeurs d’origine représentent, dans certains CAUE, des figures charismatiques qui ont insufflé à la structure leur dynamique. L’arrivée d’un nouveau directeur, provenant de l’extérieur et inconnu, peut, dans ce contexte, susciter des craintes et des résistances. A l’inverse, à l’intérieur d’une même structure, le passage du statut de salarié à celui de directeur peut être très déstabilisant pour le reste de l’équipe : « on sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne » (un architecte). Il s’agit également de s’adapter à de nouvelles relations d’ordre hiérarchique. Dans tous les cas, le départ en retraite des directeurs reste peu anticipé. Ce phénomène est également à mettre en regard avec l’incertitude du contexte, comme l’illustrent les propos suivants, et avec les systèmes de directions si particuliers à certains CAUE : « Dans 3 ans, le directeur et moi allons partir en retraite. On réfléchit à la transmission mais dans le contexte actuel, c’est difficile d’anticiper, on ne sait pas vraiment ce que va devenir le CAUE. C’est pour nous un sujet de préoccupation, mais avec la baisse de la TDCAUE et la possible disparition des CAUE, on reste dans l’incertitude. Actuellement, nous avons une direction très bicéphale. Le directeur s’occupe des aspects techniques et moi, de tout ce qui est administration et gestion. On fonctionne en binôme depuis longtemps, comme un couple. Je pense que ce système va disparaître. Mon poste de directrice administrative ne sera sans doute pas renouvelé. Mais ce n’est pas la peine de réfléchir à cela, avec toutes ces incertitudes… » (Une directrice administrative). La question des départs en retraite se pose également pour les autres salariés, en particulier pour les fonctions supports. La plupart du temps, ces départs ne sont pas anticipés et il est rare que la direction procède au remplacement du poste. Dans le cas du personnel administratif, cela s’explique par l’expérience acquise au cours des années, très spécifique aux CAUE : conformité à « l’esprit » de la structure (connaissance et relation aux différents interlocuteurs), polyvalence des tâches, comptabilité, documentation, etc… Toutes choses qu’une nouvelle recrue acquérra difficilement. Les directeurs préfèrent souvent procéder à une nouvelle répartition des tâches, ce qui occasionne souvent une surcharge importante de travail et des compétences nouvelles parfois difficiles à assimiler. Des réajustements sont ensuite effectués : augmentation des temps de travail (passage d’un mi-temps à un temps complet par exemple), externalisation des compétences (souvent la partie comptable), etc. Mais ces changements occasionnent toutefois des difficultés, comme l’explique cette secrétaire qui, après le départ en retraite d’une secrétaire rompue au fonctionnement du CAUE (présente depuis sa création) a hérité de certaines de ses tâches : « Les départs en retraite, ici, n’ont pas du tout été anticipés. On fonctionne à la débrouille. Mais on n’est pas des pieuvres… » (une secrétaire, 7 ans d’ancienneté dans le CAUE). D . L’intégration d’une nouvelle génération de salariés La question du renouvellement des générations au sein des CAUE constitue un enjeu important. Tout comme les départs en retraite, l’arrivée de ces jeunes générations est souvent peu anticipée. Ces jeunes diplômés sont souvent intégrés dans une structure 61 composée de profils plus anciens, de personnes parfois présentes depuis l’origine du CAUE. Ces jeunes professionnels peuvent rencontrer, durant les premiers temps, des difficultés d’adaptation au fonctionnement familial et informel qui caractérise certains CAUE. « Dans ce CAUE, la moyenne d’âge est de 52 ans. C’est vraiment une famille. Il y a vraiment une manière de faire, des habitudes de travail. » (jeune paysagiste) Dégagés de toute notion de « militantisme pionnier », ils sont parfois en décalage avec les anciens : pour eux, le CAUE est un cadre professionnel comme un autre et ils s’attendent à y trouver les mêmes repères formels que dans d’autres types d’emplois (encadrement, entretiens d’évaluation, coordination, etc.). Pour certains directeurs souhaitant rompre avec le fonctionnement « tribal » du CAUE, l’arrivée de jeunes recrues représente un appui, et l’opportunité de repartir de zéro avec une nouvelle organisation. Pour d’autres directeurs, qui souhaitent au contraire préserver ce cadre familial, il appartient au nouvel arrivant de se couler dans le moule existant. « C’est drôle, parce que les jeunes n’ont pas du tout la même mentalité que les anciens. Ils perçoivent le CAUE comme une structure institutionnelle, qui a toujours existé, et pas comme une association de militants. L’arrivée des jeunes entraîne une nouvelle dynamique : ils viennent ici pour faire un métier, ils s’attendent à entrer dans un cadre professionnel. » (directeur de CAUE) « L’équipe a doublé ces dernières années, pas mal de jeunes sont arrivés, mais il y a aussi beaucoup de gens qui sont là depuis 25 ans. Et ça marche bien, j’ai pas mal bousculé les anciens en arrivant, ceux qui sont restés sont ceux qui ont su se remettre en question. » (Directeur de CAUE) « On a parfois eu des plantages dans les recrutements, avec certaines personnes qui ne jouaient pas le jeu, qui n’étaient pas dans l’esprit « famille » du CAUE. En général, ces personnes ne restent pas. » (un directeur de CAUE). Au-delà de l’adaptation, un travail de transmission s’avère nécessaire entre les plus anciens et les jeunes professionnels qui ne disposent pas toujours des qualités de conseil nécessaires au travail en CAUE. En effet, et cet aspect sera approfondi plus loin, les professionnels du cadre de vie (architectes, urbanistes et paysagistes) ne se forment pas à l’activité de conseil durant leurs études. Des binômes sont parfois mis en place, au cours des premiers mois suivant le recrutement d’un jeune professionnel, afin de lui transmettre les clés et les attitudes à adopter pour apporter aux particuliers et aux élus des réponses (écrites et orales) claires et pédagogiques. Le jeune salarié est ainsi encadré et accompagné par un référent bénéficiant d’une expérience du métier en CAUE. Le directeur d’un petit CAUE parle ainsi d’un jeune paysagiste recruté à sa sortie d’école. Cette personne dispose d’une très bonne formation technique mais rencontre des problèmes en termes d’adaptation et de polyvalence : 62 « Il a besoin d’être accompagné. Lors des premiers rendez-vous avec les élus, la direction l’accompagne toujours. On vérifie toujours ses esquisses car la présentation pose souvent problème : les élus n’y connaissent rien, il est important de vulgariser. Si le fond est toujours bon, c’est la façon de présenter le projet qui pose problème. Il manque les aspects conseil et pédagogie. Cette lacune, on la trouve également chez les architectes en général. » Face à ces enjeux de gestion des équipes, mais aussi à ceux relatifs au contenu des missions (cf. partie 1), les CAUE disposent de plusieurs options : • recruter, en interne, les compétences leur permettant de s’inscrire dans de nouveaux champs, tels celui du développement durable ou de l’environnement ; • externaliser les compétences en sous-traitant certains types d’intervention (ou encore tisser les partenariats nécessaires avec les structures locales existantes) ; • former leurs équipes et leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences. V.2 Perspectives de recrutement : velléités et possibilités A. Les profils recherchés : du « dogme » de l’architecte tout-puissant à la recherche de profils atypiques Les CAUE sont pour la plupart constitués d’un noyau dur de profils classiques : architectes, urbanistes et paysagistes. Le choix de recruter par la suite des profils classiques ou atypiques varie selon les CAUE en fonction de leur taille, de leur implantation mais aussi d’une orientation ou d’une « stratégie directoriale » que nous avons esquissée dans la première partie de ce rapport. Globalement,en matière de stratégies de recrutement, il est possible de distinguer deux types de CAUE. Ceux qui fondent leur recrutement sur la recherche, en matière de diplômes et de formation, du triptyque « classique » : architecte, urbaniste et paysagiste. Pour les directeurs de ces structures, les nouveaux enjeux liés au développement durable ne nécessitent pas de modifier la composition des équipes car la compétence clé, celle qui fait le cœur de métier des CAUE, est bien celle d’architecte. Elle se traduit notamment par la capacité à faire des projections dans l’espace, à élaborer sous forme visuelle des schémas ou des projets de développement. Or, selon les directeurs concernés, cela correspond à ce qu’attendent les élus en termes de conseil comme de sensibilisation : « quand la collectivité ou le particulier s’adresse à nous, c’est pour avoir un architecte ». L’accent est alors posé sur la dimension artistique davantage que sur l’aspect technique. 63 « L’environnement, cela reste relatif, car la majorité des compétences demandées sont des compétences en architecture. On a tenté de recruter un ingénieur environnementaliste mais cela n’a pas marché, car il était à mille lieux des préoccupations urbaines et architecturales, il était plus sur la biologie. Déjà, en urbanisme, on a du boulot ! Avoir un approche environnementale, pourquoi pas, mais de là à intégrer un environnementaliste… On y arrive mieux dans la sensibilisation que dans les missions de conseil, par exemple on peut faire des débats sur les éco-quartiers, mais dans le conseil il faudrait un spécialiste, et on n’est pas un bureau d’études environnemental. » (directeur de CAUE) « Moi, je reste persuadée que notre force c’est de pouvoir parler de l’espace en termes d’architecture… On a eu des problèmes avec un géographe qui n’était pas capable de s’exprimer par le dessin, dans l’espace. Notre cœur de métier, c’est notre capacité à faire parler l’espace. » (Directeur de CAUE) Dans ce contexte, les formations d’urbaniste et de paysagiste sont alors envisagées comme des profils annexes intéressants, ou comme des formations susceptibles de venir « doubler » efficacement un diplôme de base d’architecte, comme l’indique ce directeur : « il faudrait recruter un architecte avec un complément de DESS d’urbanisme ou de gestion des paysage ». Le recours à des urbanistes est également courant, car ces derniers apportent une connaissance fine et globale des territoires et des notions d’aménagement urbain. Les paysagistes sont également recherchés pour leurs compétences techniques (pratique du dessin, maîtrise des logiciels de conception), mais aussi leur bonne connaissance en matière d’urbanisme : « La spécificité des paysagistes, c’est d’avoir une bonne connaissance générale sur tout ce qui a trait au cadre de vie, mais très en surface. Pour beaucoup d’élus, les paysagistes sont considérés comme des jardiniers alors qu’en réalité, on est plus des urbanistes (…) Je ne suis pas urbaniste mais je fais de l’urbanisme » (un paysagiste). « Les urbanistes ont une bonne connaissance de toutes les procédures, ils ont vraiment cette dimension juridique que les architectes n’ont pas du tout, c’est une catastrophe. C’est bien d’avoir quelqu’un avec ce profil d’aménageur ». (un directeur ) « Je crois beaucoup à l’apport des paysagistes et à leur sensibilité au grand paysage (…) et les urbanistes sont encore sous-représentés dans la branche » (un directeur) « Dans mon équipe, je ne dispose pas forcément de compétences en matière de conduite de projet, c’est-à-dire de l’approche urbanistique promue par certaines écoles d’architecture. J’ai recruté une architecte-urbaniste et j’en cherche une autre » (un directeur) Cette prééminence des architectes se traduit aussi, selon certains salariés rencontrés, par une forme de hiérarchie statutaire au sein des CAUE, l’architecte étant visiblement perçu comme le métier le plus « noble », généraliste et transversal, tandis que paysagistes et urbanistes interviennent encore sur des projets très spécifiques. 64 « Un paysagiste ne fera pas un projet d’architecte, alors qu’un architecte fera un projet d’aménagement. Il y a des territoires... Il y a pourtant des archi qui font des projets d’aménagement et qui font des erreurs. C’est une histoire de marché, de statut traditionnel.. l’architecte est reconnu depuis de nombreuses années, avec un ordre, alors que paysagiste non, ce qui fait qu’on a du mal à s’imposer au milieu de tout ça ». (Paysagiste). Cette vision de l’architecte « valeur sûre » est parfois véhiculée aussi par le conseil d’administration du CAUE, qui, en intervenant dans le recrutement, refuse l’intégration de nouveaux profils : « Deux fois, j’ai voulu embaucher des scientifiques : un environnementaliste ou un écologue. Parce que nous, architectes, on passe notre temps à refaire le monde. On manque d’une expertise scientifique. On a auditionné des candidats mais en définitive, comme le CA était réticent, on a retenu un profil d’architecte » (le directeur d’un CAUE). On le perçoit, les profils privilégiés lors des recrutements font écho aux modes d’organisation choisis par les directeurs et surtout au sens accordé à la mission de conseil (cf. Partie 1). L’architecte, perçu comme nécessaire dès lors qu’il s’agit d’intervenir dans le contenu technique d’une mission de conseil, s’avère moins essentiel lorsque le conseil réalisé se limite à des fonctions de pilotage et de relationnel avec les élus, ou lorsque le CAUE est avant tout conçu comme un organe d’animation de réseau et un centre de ressources. Dès lors, certains CAUE, certes moins nombreux que les premiers, privilégient un recrutement plus ouvert voire se démarquent parfois très volontairement du dogme de l’architecte en CAUE. Bien au contraire, recruter des architectes apparaît contreproductif aux yeux de certains directeurs, dans la mesure où ils risquent alors d’être frustrés de la dimension de conception de projet. On le voit, on est donc là face à des conceptions radicalement opposées de la mission de conseil en CAUE « On a pris un gars en CDD, un architecte, mais il venait d’agence et il n’a pas compris ce qu’on faisait. Il a pris le CAUE comme une suite de son cursus d’agence, cela n’a pas fonctionné. Son problème, c’est qu’il voulait faire du projet. Quand il a géré quelques dossiers, il fallait qu’il dessine ! Face au maire, au lieu d’être animateur, il était dans la prise de commande… Mais ce n’est pas du tout ce que l’on fait ici ! » (Directeur de CAUE, lui-même architecte). « La formation est faite pour faire du projet ! Les architectes sont formatés pour cela. Les connaissances à avoir en CAUE sont celles du fonctionnement d’un équipement. Ce n’est pas les mêmes outils : on n’est pas sur autocad, on utilise illustrator ». (directeur CAUE) Aussi, les directeurs de ce type ne se restreignent pas, lors de leurs recrutements, à un type de profils spécifiques, mais sont amenés à recruter : des paysagistes ou urbanistes, bien sûr, mais aussi des animateurs du patrimoine, infographistes, ethnologues, géographes, etc. 65 B. Quid de l’internalisation des profils atypiques ? Si la question du recours aux architectes relève d’un débat de principe, celle du recrutement des profils atypiques relève plus souvent de contraintes financières et organisationnelles que d’orientations stratégiques. On retrouve en effet peu de profils atypiques permanents (écologues, géomaticiens, ethnologues, etc.) dans les petites structures très centrées sur les missions de conseil aux particuliers et aux collectivités. Lorsque les directeurs ont recours à ce type de profils, c’est dans le cadre de missions ponctuelles, sous la forme de contrats à durée déterminée ou de recours à un prestataire externe. Par exemple, dans un petit CAUE constitué de 4 salariés permanents très polyvalents et 3 chargés de missions (sous conventions de missions, ils tiennent principalement des permanences de conseil aux particuliers et aux collectivités), la direction a recours à un infographiste libéral pour la conception de documents de communication et de sensibilisation. L’internalisation de cette compétence n’aurait pas de sens car le recours à ce profil reste très ponctuel et le budget ne permet pas un recrutement permanent. Dans le CAUE du Loir-et-Cher, le directeur a recruté en CDD une environnementaliste, une géomaticienne devant travailler sur un projet spécifique financé par des fonds européens Leader, un chargé du patrimoine, etc. Ces personnes ont été recrutées pour des projets ponctuels, mais leurs postes n’ont pas été prolongés, à l’exception de la géomaticienne, faute de budget : « on n’a pas l’activité pour un environnementaliste à temps plein », souligne le directeur. Pour ces structures, la solution réside donc dans les contrats ponctuels, ou encore dans l’externalisation, le recours à des compétences extérieures : un journaliste pour rédiger les documents de communication, un graphiste pour les mettre en forme, etc. Dans les CAUE mieux dotés financièrement, la marge de manœuvre est plus importante, puisqu’ils disposent de ressources qui leur permettent de se positionner sur des missions de communication et de sensibilisation et d’ouvrir les compétences, avec le recrutement de profils atypiques, même si certains directeurs sont conscients que cela les rend plus vulnérables au plan économique : « On est nombreux, on a internalisé plein de choses, donc dans des périodes difficiles on va être plus exposés que d’autres qui ont plus de sous-traitance. Mais c’est aussi une force, cela apporte un ancrage historique, une force collective ». (directeur de CAUE) L’externalisation des compétences traduit également l’attentisme et l’inquiétude quant à l’avenir pour des CAUE « qui n’arrivent pas à grossir » (cf. partie 2). La baisse de la TDCAUE, les perspectives de régionalisation ou de disparition des CAUE, le caractère fluctuant du conseil aux collectivités, tout cela n’offre parfois pas la visibilité suffisante pour recruter durablement et plusieurs CAUE favorisent les CDD afin amortir un surcroît récent d’activité, alors que d’autres s’interrogent. Au moment de l’enquête, de nombreux CAUE 66 avaient le sentiment d’être en sous-effectif, comme le confie ce directeur : « on aurait besoin de 3 postes supplémentaires, mais le contexte ne s’y prête pas » La majorité des directeurs font état d’une sollicitation croissante, en 2008-2009, des collectivités locales qui ne permettent pas de répondre correctement à la demande en termes de temps et/ou de compétences. « On est toujours à flux tendu. On est toujours à la limite en termes de réponse à la demande » (le directeur d’un petit CAUE). Le recrutement, aussi bien en termes de capacités que de profils recherchés, représente donc une question actuelle et importante en terme de gestion des équipes. C. Des territoires où l’offre de compétences est faible Lorsque les conditions financières sont réunies et qu’un recrutement est possible, un autre obstacle survient : celui de l’offre disponible et des candidatures. Plusieurs directeurs expliquent que « chacun fait son marché localement », généralement dans les frontières départementales du CAUE. Or le marché de l’emploi est très variable selon l’implantation du CAUE : le recrutement de professionnels est souvent présenté comme très problématique dans les petites villes et départements ruraux, qui attirent moins de candidats que dans les grandes villes 13. Le problème se pose toutefois moins pour les personnels administratifs que pour les autres profils du CAUE: « On a des difficultés de recrutement dans ce CAUE. Les architectes, urbanistes ou paysagistes sont difficiles à trouver. Laval est une ville qui n’attire pas. C’est pareil pour les profils un peu plus spécifiques. On a voulu recruter un dessinateur. On a reçu très peu de réponses et les profils reçus ne correspondaient pas. Du coup, on a embauché un architecte de Rennes » (un responsable administratif ). « L’embauche dans un CAUE, c’est compliqué quand on est en province. Il n’y a pas d’universités, pas de facs de géographie ou d’écoles d’architecture, le réservoir d’embauche est faible. Il y a beaucoup de gens que je suis allé débaucher… Pour les postes administratifs il n’y a pas de souci, mais pour les chargés de mission, c’est pas facile ». (un directeur) Dans les zones très rurales, le recrutement dépasse donc parfois les frontières du département en raison d’une véritable pénurie des professionnels recherchés. Ainsi, un architecte du CAUE de Lozère a été embauché alors qu’il était installé dans les Bouches-duRhône. 13 La proximité entre la ville d’implantation du CAUE et une grande ville, ainsi que le cadre de vie, facilitent toutefois la venue de candidats. Ainsi, le CAUE du Vaucluse, situé à Avignon (30 minutes en train de Marseille), ne rencontre pas de difficultés en termes de recrutement. 67 La difficulté à trouver les profils recherchés est également très liée à la proximité ou à l’éloignement des écoles ou des formations dont sont issus ces profils, notamment les écoles d’architecture, surtout implantées dans les grandes villes. De plus, comme le note un directeur, les architectes sont davantage des acteurs de la ville que de la campagne, ils ont eu l’habitude, au cours de leurs études de concevoir des projets essentiellement urbains : les projets ruraux sont moins valorisés et moins valorisants. Il existe par ailleurs un lien entre la « richesse » du CAUE (montant du budget, taille de l’équipe, salaires) et son implantation. Le caractère rural d’un département – parfois dissuasif pour certains candidats - est souvent combiné avec un salaire lui-même peu attractif, comme l’illustre cette directrice : « On a voulu, à un moment, recruter un paysagiste. Un seul a envoyé sa candidature. Mais il n’est finalement pas venu… (…) On a vraiment des difficultés de recrutement, surtout pour les paysagistes et les architectes. C’est dû au fait que les personnes ont peur d’être perdues ici, mais également à la rémunération. On ne peut que proposer un SMIC au début, ce qui est dur quand on est bac + 4… » (la directrice d’un petit CAUE implanté dans un département rural). Les petits CAUE privilégient donc le recrutement d’architectes, non seulement par choix, mais aussi en raison des contraintes territoriales qui les obligent à abandonner les profils initialement recherchés (dessinateur, urbaniste, paysagiste, etc.) en raison de la difficulté à les trouver. Ils se tournent alors vers les architectes. L’autre difficulté a trait au recrutement des architectes vacataires ou à temps très partiel : la clause déontologique qui leur interdit d’exercer sur le même territoire suscite un véritable casse-tête pour les employeurs, comme le souligne cette directrice : « la règle de non concurrence sur un territoire pose de grosses difficultés, car on doit recruter des gens du coin, mais qui ne doivent pas exercer sur leur territoire. » D. La nécessité de favoriser la mobilité inter-CAUE et les liens avec les viviers de la formation initiale Si certains n’arrivent pas à recruter de nouveaux salariés, d’autres directeurs de CAUE regrettent un manque de turn over des salariés. Beaucoup déplorent aussi une faible mobilité inter-CAUE, comme nous l’a expliqué une directrice affirmant ne jamais obtenir de candidatures d’autres CAUE lors de ses recrutements. Le faible turn over concerne généralement les CAUE les mieux dotés et les plus solides financièrement. Certains salariés de ces CAUE n’ont aucune velléité de changement, ce qui occasionne parfois un manque de renouvellement des profils, une forme d’immuabilité. Ces situations se rencontrent davantage dans les CAUE implantés dans les villes attractives où la concurrence pour les emplois est importante. Ces salariés sont souvent jalousés par leurs collègues ne bénéficiant « que » de poste à temps partiel ou en 68 CDD dans le CAUE. Or cette stabilité entraîne parfois ce que le rapport Vigouroux (1995) appelle « un effet de serre » : « les agents se retrouvent entre eux, développent une compétence individuelle et collective certaine, mais nécessairement portés aux débats codés, aux querelles affinitaires et peu ouverts à d’autres attitudes et contraintes professionnelles » (cf. le « pantouflage » évoqué précédemment par certains directeurs). Par ailleurs, la mobilité inter-CAUE dont pourraient profiter les départements souffrant de pénurie de recrutement, semble encore peu pratiquée malgré la mise en place de la convention collective. Cette difficulté s’explique par la force attractive ou non des territoires (et des salaires) en terme de choix d’installation, la « stabilité » des salariés satisfaits de leurs conditions de travail (manque de turn over),mais également par l’autonomie de chaque CAUE, son caractère spécifique et l’empreinte que donne chaque directeur à sa structure. Ces différences de management, d’organisation et « d’esprit » sont telles que certains salariés rencontrés expliquent qu’ils n’envisagent tout simplement pas d’aller travailler dans d’autres CAUE « Il est souvent demandé, dans les annonces des CAUE : « expérience en CAUE souhaitée ». Or, les pratiques sont très différentes d’un CAUE à l’autre… » (un architecte). « Je connais les autres CAUE, je sais lesquels fonctionnent comme nous. Le directeur joue un rôle très important : je sais qu’il y a certains directeurs avec lesquels je ne pourrais pas travailler. » (responsable de pole, géographe) En définitive, les CAUE implantés dans les départements ruraux cumulent donc plusieurs handicaps en termes de recrutement : pénurie de candidats, éloignement des viviers de formation (les écoles d’architecture notamment), faiblesse des ressources offrant des salaires peu attractifs dans des départements eux-mêmes peu attrayants. Le recrutement d’architectes exerçant déjà une activité libérale dans le département constitue un handicap supplémentaire. 69 VI. LA QUESTION DE LA FORMATION : BESOINS EXPRIMES ET ENJEUX POUR L’AVENIR La branche professionnelle des CAUE, comparée à la branche des architectes par exemple, s’avère très sensibilisée à la question de la formation. Plusieurs CAUE sont eux-mêmes agréés organismes de formation. Ils dispensent ainsi, régulièrement, des formations aux professionnels du cadre de vie et aux élus des collectivités locales. Les CAUE mènent également, de manière ponctuelle ou régulière, des actions de sensibilisation auprès du grand public, et ils disposent parfois de centres de ressources et de documentation très fournis. Ils représentent donc logiquement un cadre professionnel où les salariés font preuve d’a priori favorables à l’égard de la formation continue, comme l’exprime cet architecte : « Les personnels de CAUE suivent plus de formations que les professionnels des agences d’architectes, ce qui est logique : les CAUE travaillent en amont et sur l’innovation. Ils proposent aussi des formations innovantes et très concrètes. C’est dû au fait qu’ils sont sur le terrain, à l’écoute des maîtres d’ouvrage, des élus, des professionnels… et de leurs besoins. Ils voient où sont les carences, ils sont bien placés » (un architecte de CAUE) Face aux nouveaux enjeux environnementaux, économiques, sociaux, et face à la complexification des projets et de leur mode de pilotage, de nombreux professionnels rencontrés jugent en effet que la formation continue est indispensable. Et pourtant, force est de constater que les CAUE ne semblent pas encore avoir relevé ce défi à sa juste mesure, comme le laissent entendre ce directeur : « Les CAUE ont l’air de suivre plus que d’anticiper. Les formations permettraient d’anticiper ». Dans les faits, si les personnels de CAUE se forment beaucoup, ils le font le plus souvent au coup par coup, et sans qu’existe une véritable politique de formation impulsée par la direction. En effet, rares sont les CAUE enquêtés à avoir mis en place de véritables plans de formations à l’intention de leurs salariés : les besoins de ces derniers sont le plus souvent évoqués individuellement lors des entretiens d’évaluation annuels, lorsque ceux-ci existent, mais ne font pas systématiquement l’objet d’une appréhension stratégique de la part des directions. Par ailleurs, la formation est encore appréhendée de manière très large et peu opérationnelle, ce qui conduit certains à plaider pour un resserrage : « la formation, ce n’est pas seulement une conférence ou un voyage d’études ». Nous analyserons, dans cette partie, quels sont les obstacles à la formation des salariés et quel est le ressenti de ces derniers l’égard des formations proposées. Mais avant cela, il s’agit de comprendre les besoins exprimés par les acteurs des CAUE – directeurs et salariés -, besoins qui ne rencontrent pas toujours les offres disponibles en matière de formation. Sans revenir sur les éléments de réflexions évoqués dans les parties précédentes, plusieurs facteurs sont aujourd’hui à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse aux besoins de formation des salariés des CAUE, car ces facteurs ont une importance non négligeable sur 70 le type et le contenu des formations nécessaires : - La pluridisciplinarité des CAUE est une réalité : longtemps essentiellement constitués d’architectes, les CAUE se sont ouverts à d’autres types de formations : urbanistes puis paysagistes avec, aujourd’hui, l’arrivée de nouveaux profils (ethnologues, sociologues, hydrologues, géomaticiens, juristes, etc.). A ces profils s’ajoutent les personnels administratifs, mais aussi les documentalistes, infographistes, etc. Ces profils très diversifiés ont des besoins très particuliers. - Le degré de polyvalence est variable selon les CAUE, il est souvent plus marqué dans les petites structures. Un salarié exerçant une mission spécialisée (conseil en matière d’hébergements touristiques par exemple) aura des besoins de formation plus ciblés qu’un salarié polyvalent. - Les CAUE n’ont pas la même approche du conseil : face à la pression croissante des collectivités, certains CAUE vont de plus en plus loin dans le conseil et l’accompagnement aux élus. D’autres CAUE prennent le parti d’axer leur intervention sur un rôle de coordination et d’animation des débats locaux. Selon l’option choisie, les besoins en formation seront donc différents. - Le temps de travail au sein des CAUE constitue un critère de différenciation. Un salarié à temps plein aura vraisemblablement des besoins plus importants en formation qu’un architecte conseiller à temps partiel par exemple. Ces derniers, exerçant souvent une activité libérale en parallèle et inscrits à l’Ordre des Architectes, sont déjà dans l’obligation de se former14 (le recours à la formation dans le cadre du CAUE sera alors moindre), comme l’explique ce directeur de CAUE : « La paysagiste est très demandeuse de formations, ce qui n’est pas le cas de tout le monde dans le CAUE. Les autres en font, mais dans le cadre de leur activité libérale, pas dans celui du CAUE ». - Les CAUE entrent dans une phase de renouvellement générationnel : les départs en retraite des personnels ayant fait toute leur carrière dans un CAUE (ou proches du départ en retraite) et l’arrivée de nouvelles générations. Les besoins en formation ne seront pas les mêmes pour un professionnel proche de la retraite que pour une jeune recrue. 14 Un accord de branche a établi le 20 janvier 2005 les moyens et priorités de formation continue dans la branche, en accord avec les besoins et caractéristiques particulières des entreprises d’architecture. Cet accord de branche a été renforcé par une décision collective le 27 mars 2007 de la profession réunie à Lyon et qui rend obligatoire pour tous les inscrits au tableau de l’ordre des architectes l’engagement dans une démarche de formation continue à partir du 1er janvier 2008. L’esprit et la lettre de cet engagement sont rappelés dans les Cahiers de la profession n°30 et 31 : « que cette nouvelle obligation soit vécue comme une opportunité et non une contrainte supplémentaire. » Parmi leurs missions, les CROA « peuvent intervenir dans l'organisation de la formation permanente et plus généralement de la promotion sociale des architectes ». 71 VI.1 Les besoins de formation exprimés et ses déterminants Les besoins en matière de formation sont donc très variables selon le degré de polyvalence des salariés, la technicité de leur mission, leur profil professionnel, l’âge et l’expérience acquise en CAUE, ou encore le temps de travail. Ces variables sont également très dépendantes de l’organisation du CAUE et de ses missions, elles-mêmes très diversifiées. Ces éléments contribuent au final à « éclater » les besoins de formations, ce qui incite le chargé de mission d’une UR à affirmer qu’il existe autant de besoins de formations différents que de salariés de CAUE : « les besoins en formation des 75 salariés de CAUE d’Ile-deFrance sont réels, mais ils ne portent pas sur les mêmes sujets. Monter une formation pour tous, c’est compliqué…» Pourtant, l’enquête de terrain fait apparaitre plusieurs axes forts en ce qui concerne les besoins en formation : apprendre à communiquer afin de répondre aux enjeux de pédagogie et d’animation locale, maitriser les techniques du conseil (animation, communication avec les élus, médiation, etc.), accompagner la professionnalisation croissante des fonctions de management, sont par exemple des éléments fondamentaux sur lesquels pourraient se bâtir l’offre de formation. A. Apprendre à communiquer Assez paradoxalement pour leurs salariés, il semblerait que les CAUE aient des difficultés à communiquer, alors même qu’il s’agit d’une de leurs principales missions. « Dans les CAUE, on a trop tendance à produire sans penser à la diffusion, tous les chargés de communication vous le diront ! Il faut professionnaliser les métiers de chargé de communication (…) Par ailleurs, on est trop souvent en train de refaire les mêmes choses, alors que le site de la FNCAUE est très fourni sur les aspects pédagogiques » « C’est dur de communiquer sur notre métier. Même les professionnels ont du mal à comprendre ce que l’on fait » (chargée de mission). Les personnes chargées de la communication au sein des CAUE se sont formées « sur le tas » : ce sont parfois d’ex-secrétaires qui ont été amenées à prendre en charge divers aspects de communication, tels que la charte graphique, la création du site internet, et qui, chemin faisant, ont acquis des qualifications en matière d’infographie. Si certains CAUE ont consolidé ces qualifications par une formation diplômante et la création d’un poste ad hoc de « responsable de l’atelier graphique » (cf. la Haute-Savoie évoquée plus haut), ce n’est pas le cas de tous les CAUE. Citons l’exemple de cette adjointe au directeur, chargée de communication. De formation architecte d’intérieur et recrutée dans le milieu des années 1980 en tant que conseillère, elle s’est rapidement recentrée sur l’organisation d’expositions et, par la suite, formée au graphisme et à l’informatique. Avec l’arrivée d’une véritable équipe de permanant, l’augmentation de la production réclamée une spécialisation encore plus affirmée sur la 72 communication externe. Pour autant, elle perçoit très nettement les limites de sa formation « sur le tas », d’autant plus qu’elle n’a pas reçu depuis de formation ad hoc : « Je n’ai pas eu de formation. Être chargée de communication, ça a provoqué des ajustements et des frictions avec mon directeur. On me demande de produire un CD-Rom de sensibilisation des communes, mais je ne suis pas suffisamment formée à l’informatique. Avec la presse, je ne sais pas trop comment m’y prendre... ». Les sites internet des CAUE sont de qualité inégale d’un département à l’autre. Certains sont en refonte, d’autres peinent à se développer ou à bien fonctionner. Dans certaines structures par exemple, le développement web a été confié à des personnes autodidactes. Face à ce constat, certains CAUE ont mutualisé des bases de données et d’autres se sont coordonnés sous l’égide d’une Union régionale. C’est le cas de l’UR Midi-Pyrénées, qui dispose d’un site fédérant les sites départementaux et qui coordonne les différents webmestres. Mais si l’information en ligne a pu être en partie mutualisée, le site garde une entrée départementale (et non thématique) et les moyens humains restent affectés dans les CAUE. B. Se former aux spécificités du métier de conseil : écouter, animer les débats, faire passer des idées… Selon tous les acteurs rencontrés, la formation initiale des architectes, des urbanistes et des paysagistes, ne prépare pas aux métiers du conseil. Elle prépare à la conception de projets et offre une bonne culture en matière de cadre de vie, mais ne pourvoit pas aux compétences nécessaires en termes d’animation, de pédagogie, de « relationnel » avec les élus, en d’autres mots, de capacité à convaincre. « Quand on est en CAUE on a une posture, une mission de service public. Cela s’acquiert : écouter ses interlocuteurs, problématiser et faire un diagnostic sans mettre en avant sa propre vision, s’abstraire de ses choix personnels. Par exemple sur une programmation architecturale de bâtiment, il faut décrire les besoins d’une commune en se détachant du projet futur. Un architecte aura du mal, il voudra tout de suite faire le projet. Après quelques années de pratique, on comprend qu’il faut faire un cahier des charges et pas la réalisation. » (Urbaniste, responsable de la coordination des architectes conseillers, depuis 27 ans en CAUE). Cette lacune était déjà prégnante dans la formation initiale des anciennes générations d’architectes. Elle se retrouve encore aujourd’hui dans la formation de tous les professionnels du cadre de vie : « Nous avons recruté une jeune paysagiste sortant tout juste d’une école de paysage. Elle a encore des problèmes d’adaptation. On l’accompagne systématiquement à son premier rendez-vous avec un élu et avant d’envoyer son projet, on vérifie toujours sa copie. Les élus n’y connaissent rien, il faut qu’on soigne la présentation et qu’on vulgarise pour bien faire 73 passer le message. Le fond du travail de la paysagiste est toujours correct, c’est la façon de présenter son projet qui pose problème. De manière générale, les paysagistes sont de bon techniciens mais il leur manque vraiment les aspects conseil et pédagogie » (le directeur d’un CAUE). Ces manques sont parfois comblés en interne, par l’accompagnement et la transmission de ceux qui ont acquis ces compétences en matière de conseil. Mais le problème n’est pas éludé, comme le souligne cet architecte : « Ces 10-15 dernières années, les CAUE ont connu une professionnalisation des métiers du conseil. La question se pose aujourd’hui : comment former les jeunes ? » (un architecte) « Ces jeunes ont des difficultés à comprendre qu’en CAUE, on devient des rassembleurs, on essaie de faire avancer les idées. Il faut qu’ils comprennent les logiques d’acteurs, mais il n’y a pas de formation identifiée pour cela. Si j’avais un plan de formation, je l’aurais axé là dessus. » (directeur de CAUE) La question se pose également pour les professionnels du cadre de vie plus âgés. Tous ressentent cette carence, qu’ils associent parfois plus à un manque de prédispositions personnelles qu’à un manque dans la formation initiale : « Le conseil, ça ne s’apprend pas : on est pédagogue ou on ne l’est pas » (un architecte). « Les architectes sont très égocentriques, ils n’arrivent pas à se mettre à la hauteur des personnes qui n’y connaissent rien » (un architecte). Cette lacune s’observe aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, avec une difficulté à transmettre un message clair et compréhensible de tous : particuliers, élus, grand public, publics scolaires, etc. En cela, les besoins de formations sur la communication et le conseil traversent toutes les missions du CAUE, aussi bien le conseil aux collectivités et aux particuliers que la sensibilisation et la formation. C. Pour les salariés les plus âgés connaissances : des besoins de réactualisation des D’après les directeurs de CAUE, les jeunes générations accueillies dans les CAUE – architectes, urbanises, paysagistes – bénéficient d’une bonne formation initiale en termes de maîtrise des connaissances environnementales et des logiciels de conception (Autocad, Illustrator, Indesign, Photoshop…). Or la maîtrise de ces outils et de ces connaissances ne vont pas toujours de soi pour les anciennes générations. L’adaptation de ces dernières à l’utilisation de l’outil informatique – qui s’est développé au cours des années 90 – a été ressentie comme difficile car apprise de manière autodidacte (quand les personnes ne se sont pas inscrites dans la formation continue). Beaucoup disent ressentir des difficultés pour maîtriser les logiciels Word et Excel dans leur travail quotidien. Plusieurs pratiquent encore 74 le dessin manuel alors que les interlocuteurs attendent de plus en plus des rendus informatisés, perçus comme « plus sérieux » et « plus crédible » (un architecte). Cela est vécu comme une faiblesse par certains, tandis que d’autres sont attachés à ce type de présentation, adaptée à la mission originelle des CAUE consistant à offrir un conseil restreint en termes de temps et de moyens. Les connaissances en matière de développement durable sont également bien intégrées par les jeunes générations, car ces problématiques ont été abordées au cours de la formation initiale. Elles expriment, en général, peu de besoins de formation sur ces questions. En revanche, les professionnels plus âgés éprouvent parfois des manques sur ces nouveaux enjeux : développement durable, écoconstruction, écoquartier, etc. « Les urbanistes et les paysagistes bénéficient d’une bonne formation initiale actuellement, ces personnes sont bien en phase avec les questions actuelles. Cela est plus dur pour les anciens, où une réactualisation est à faire » (le directeur d’un CAUE, 55 ans). Certains de ces professionnels se disent parfois désemparés pour répondre à des demandes pointues des élus et des particuliers, notamment sur les questions de développement durable. « Quand je fais des entretiens avec des particuliers, j’intègre systématiquement le volet économie d’énergie. Mais je sens que, sur toutes les questions de développement durable, je suis un peu juste. J’ai des lacunes sur les écoquartiers et les maisons à basse consommation d’énergie par exemple. Je sais des choses, mais ce n’est pas assez cohérent. » (Une architecte de 55 ans faisant majoritairement du conseil aux particuliers) D. Une complexification des métiers qui génère des besoins de formation techniques et réglementaires Un autre constat peut être établi : l’accompagnement aux collectivités locales suscite de nombreuses questions chez les acteurs rencontrés. Les limites sont floues, beaucoup s’interrogent (salariés et directeurs) sur la nature et le contenu de cette mission de conseil et d’accompagnement aux collectivités locales, comme l’illustrent ces interrogations, récurrentes dans les discours : « On est toujours en train de se repositionner par rapport aux missions du CAUE. On se pose toujours la question : quand doit-on passer le relais aux professionnels ? » (directeur d’un CAUE de 10 salariés). La pratique des conventions, critiquée par les uns et défendue par les autres, ne fait pas l’unanimité. Les acteurs ne sont pas au clair sur ces questions : 75 « J’ignore légalement quelles sont les limites du CAUE au niveau de la programmation. Parce que j’aurais besoin de formation sur ce sujet… » (un architecte). Dès lors, le manque de clarté sur les missions et les limites des CAUE suscite des hésitations sur la légitimité à suivre telle ou telle formation et à les identifier clairement. Parmi les personnes et les CAUE qui ont tranché ces questions, les demandes de formation vont différer. Premièrement, pour les acteurs souhaitant limiter le contenu du conseil aux collectivités locales, les formations doivent rester relativement « superficielle » et ne pas avoir un caractère trop technique : « Je n’ai pas besoin d’apprendre à manier les logiciels de dessin. Dans le cadre de mes missions, le conseil aux collectivités et aux particuliers doit se limiter au conseil et à l’esquisse à la main… » (un architecte) « Ce que j’attends d’une formation, c’est plus de la pratique que de la technique car après, auprès des particuliers, j’ai un message à faire passer : ce qui est important, c’est de connaître le résultat, pas la démonstration » (Une architecte de 55 ans faisant majoritairement du conseil aux particuliers) De leur côté, les acteurs engagés dans un accompagnement plus poussé aux collectivités (plusieurs parlent d’ « assistance à maîtrise d’ouvrage »15 tout en affirmant rester très en amont des projets) ont des besoins de formation plus poussés : « Au début, le CAUE (créé à la fin des années 78) faisait vraiment du conseil aux communes. Maintenant, les communes veulent être accompagnées car la réglementation est devenue très complexe, elles se sentent désarmées, d’autant plus que l’Etat se désengage. Les communes sont également préoccupées par les questions de développement durable. Du coup, elles ont vraiment besoin d’être assistées et on doit fournir un travail de plus en plus pointu et approfondi » (directeur d’un CAUE pratiquant des conventions). « La connaissance des institutions et de leur fonctionnement n’est pas quelque chose que l’on apprend en école d’architecture ». (architecte conseiller) « J’aurais besoin de formations sur la loi MOP. Les élus des petits communes, aujourd’hui, nous posent de plus en plus de questions sur les marchés publics » (un architecte-urbaniste). « J’ai des besoins de formations sur tout ce qui est loi MOP et AMO. J’ai des savoirs intuitifs mais ça ne suffit pas » (un architecte). Les difficultés formulées par les acteurs des CAUE pour comprendre et maîtriser les différentes réglementations sont récurrentes. La Haute Qualité Environnementale (HQE), 15 Le rapport Vigouroux notait déjà, en 1995 : « la reconnaissance et la généralisation d’une mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage apparaît comme un facteur d’espoir et de renouveau pour les CAUE ». 76 la réglementation thermique (RT 2005), incendie, l’accessibilité aux personnes en situation de handicap, ainsi que la réforme des permis de construire font partie des besoins les plus fréquemment cités. Sur ces aspects-là, cependant, se pose également la question des limites de la formation : quel doit être son contenu ? Jusqu’à quel point un architecte conseiller ou un chargé de mission de CAUE doit-il se former sur ces aspects techniques ? « L’environnement est notre nouvel objectif. J’ai fait une formation de trois jours à Angers sur les économies d’énergie, mais c’est court ! Le champ d’‘investigation est très large. » (architecte conseillère de 34 ans) « J’ai besoin de formation sur les aspects réglementaires, juridiques, car cela évolue tous les ans. Il me faudrait une formation sur les procédures de ZAC, la maîtrise foncière, les lotissements. Les concepts d’étalement urbain ou d’écoquartier, on peut les avoir en se documentant. » (urbaniste – conseillère de 28 ans) Dans ce type de CAUE, où l’accompagnement aux collectivités est poussé, la formation apparaît comme nécessaire, surtout en regard du champ concurrentiel : « Il commence à y avoir de la concurrence, de plus en plus de bureaux d’études font de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Il faut qu’on soit bon et donc, se former. Les communautés de communes se professionnalisent, il y a eu beaucoup de changements ces dernières années. Il faut qu’on s’adapte à ces nouveaux enjeux pour être dans le coup » (un architecteurbaniste). La question du développement durable suscite également des besoins de formation chez certains – en général les plus âgés. Les professionnels engagés dans un accompagnement plus poussé aux collectivités expriment des besoins relatifs au développement durable, mais davantage d’un point de vue réglementaire (la Haute Qualité Environnementale notamment). Pour résumer, il semblerait que des formations techniques et réglementaires puissent être mises en place au niveau national, et des échanges au niveau local/ régional sur des problématiques/ thématiques communes (montagne, agriculture, littoral, tourisme…). E. La gestion des structures et des équipes : les sujets de préoccupation des directeurs de CAUE Les questions de management ont déjà été abordées. Dans l’ensemble, les directeurs présents depuis plusieurs années – et souvent depuis la création du CAUE – reconnaissent un déficit dans leur façon de gérer les équipes et les structures. Il s’agit en effet souvent d’architectes de formation et cet aspect ne s’apprend pas au cours de leurs études. 77 « Je ne suis pas un manager. Ca fait 28 ans que je suis directeur de ce CAUE, je n’ai jamais suivi de formation. Je suis un directeur non directif. Ce qui compte pour moi, c’est que les gens viennent au travail avec le sourire » (le directeur d’un CAUE de 12 salariés). « On a appris en marchant » (un directeur). « On n’est pas des chefs d’entreprise : on est des créatifs » (un directeur). Les équipes et les compétences se sont en effet agrandies au fil des années, entraînant une complexification de la gestion humaine et de la structure. Or la majorité des CAUE sont dépourvus d’outils de management et reposent davantage sur une culture de l’informel. Cela entraîne parfois des difficultés et des demandes de formations. Les avis sont partagés sur la pertinence d’organiser des formations pour les seuls directeurs de CAUE (risques de « l’entre-soi ») ou pour des directeurs de petites entreprises en général (risques que ces formations ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités des CAUE et des cultures professionnelles y travaillant). Plusieurs aimeraient partager leurs expériences sur des difficultés rencontrées, et échanger sur des sujets de préoccupation tels que la gestion de conflits (et les procédures de licenciement en découlant parfois), les audits mis en place par les Conseils généraux (deux cas rencontrés : les directeurs se sont sentis désemparés et isolés, ils auraient aimé partager leurs expériences), les outils d’organisation de la structure, etc. F. Les besoins de formation des autres métiers du CAUE Les réorganisations de tâches consécutives à un départ en retraite nécessitent un apprentissage qui ne va pas toujours de soi (comptabilité, documentation, accueil des publics, etc.). Les besoins de formation émergent souvent dans ces circonstances. Cela a déjà été évoqué, les secrétaires présentes depuis plusieurs années dans les CAUE expriment des attentes de formation sur la maîtrise de l’outil informatique : Internet, Word, Excel, mais surtout les logiciels de paye. Ces derniers sont très hétérogènes dans les CAUE. Des secrétaires suggèrent ainsi que ces logiciels soient homogénéisés et que tous apprennent, par le biais de formations communes, à les utiliser. Les autres professions expriment peu de besoins de formation. En effet, les nouveaux professionnels intégrés dans ces structures sont déjà des profils spécialisés, parfois très techniques, comme les hydrologues et les géomaticiens. Leurs demandes de formation concernent davantage des points très techniques et, lorsqu’ils sont engagés dans l’accompagnement aux collectivités locales, les réglementations (loi MOP, accessibilité, incendie, etc.). En revanche, et cela traverse tous les métiers, plusieurs personnes rencontrées ont émis le souhait de davantage d’échanges entre les CAUE, pour « partager les expériences », « bénéficier de l’expérience des autres », « échanger des pratiques et des outils ». Cela se pratique déjà dans les groupes techniques de la FNCAUE (mais ils 78 regroupent davantage les directeurs) et dans un réseau de documentalistes, mais pourrait s’étendre aux autres professionnels, par le biais de rencontres (décentralisées car plusieurs CAUE expliquent que Paris est peu accessible), de groupes d’échanges sur Internet ou encore un centre de ressources mutualisé accessible par tous les personnels. VI.2 Les pratiques repérées en matière de formation continue L’offre de formation, de par la situation privilégiée des CAUE, interfaces entre les professionnels de l’architecture, les élus des collectivités et le grand public, sont foisonnantes. Nous verrons toutefois que cette offre, pléthorique, peut constituer un obstacle en termes de lecture et de lisibilité. Les CAUE ont donc intégré la nécessité de se former en interne et ils ont accès à ces offres de formation. Toutefois, cela sera développé dans les parties suivantes, la pratique de formation la plus répandue reste l’autoformation ou la formation en interne. La formation continue est pratiquée mais encore au coup par coup, sans véritable plan de formation impulsé par la direction. Les formations suivies sont en général de courte durée et très variées. A. La pratique classique : formation en interne et/ou autoformation Les entretiens réalisés auprès des professionnels de CAUE permettent de dégager deux grandes tendances : l’autoformation (lectures spécialisées, rencontres de professionnels, constitution d’un réseau) et la formation en interne (échanges de compétences). « La formation continue passe surtout par l’autoformation, à l’intérieur du CAUE. Il s’agit d’une formation brouillonne en interne » (un directeur de CAUE). Elle passe par un apprentissage ou une mise à jour des personnels de CAUE. Elle répond en général à des questions ponctuelles sur des sujets précis, des difficultés rencontrées (recherches Internet), mais également à un besoin de se tenir informé de l’évolution en matière d’architecture, d’urbanisme, de réglementations, de paysage, de développement durable, etc. Ainsi, un hydrologue rencontré dit consulter très régulièrement les nouveaux textes législatifs relatifs à son domaine. Il est en effet abonné à une newsletter du Sénat (sélection préalable des sujets d’intérêt). La lecture de revues spécialisées constitue une autre source d’information, tout comme la lecture d’ouvrages, d’autant plus quand le CAUE dispose d’un centre de documentation. La pratique du métier, et les nombreuses rencontres de professionnels qu’elle occasionne, permet également d’acquérir des connaissances nouvelles : 79 « Je me tiens au courant, plus par imprégnation que par des lectures assidues : voyages d’étude, émissions de télévision et échanges avec des professionnels. » (Une architecte de 55 ans faisant majoritairement du conseil aux particuliers) « La Chambre de Commerce et d’Industrie a demandé au CAUE d’aider les hôtels de cinquième catégorie à les mettre aux normes 2011. On fait des diagnostics mais on est encore un peu novices dans la manière d’appréhender le sujet car c’est très spécifique et technique, ce n’est pas notre boulot à la base. On apprend sur le tas, en allant sur le terrain, à la rencontre des gens » (un architecte). Plusieurs professionnels, lorsqu’ils cherchent une réponse à une question, ont également souvent recours à un réseau constitué de professionnels, mais également d’anciens camarades issus de leur formation initiale : « Si on rencontre un blocage, on passe un coup de fil à une personne de la DDE qui est très orientée développement durable » (un architecte). Les pratiques de formation en interne sont également courantes, surtout dans les équipes où les profils sont plus spécialisés : « Je me forme en interne. Je me suis reposé sur le géomaticien pendant très longtemps pour comprendre Map Info. Mais ce n’est pas son rôle de me former… » (un hydrologue, le géomaticien servant de référent au reste de l’équipe sur toutes les questions informatiques). Cette formation en interne passe également par des échanges informels, les discussions courantes entre les métiers, les uns se nourrissant des expériences des autres. Ainsi, une secrétaire comptable devenue directrice administrative déclare apprendre progressivement, en quelque sorte par acculturation : « Avec les salariés et le nombre d’acteurs que je rencontre, je suis en formation continue ». De même, les échanges sont également nombreux entre anciennes et nouvelles générations, comme l’indique cet urbaniste : « C’est l’organisation qui fait qu’on échange constamment » (un urbaniste, 50 ans). Les voyages d’études, pratiqués dans de nombreux CAUE, sont très appréciés par les acteurs, car ils permettent un apprentissage marqué par la notion de loisirs, et de rencontrer à cette occasion, d’autres acteurs. B. Des formations régulières, mais au coup par coup et sur des temps courts A côté de ces pratiques informelles, les personnels de CAUE suivent régulièrement des formations. Les formations se font en général de manière discontinue et ponctuelle en fonction des besoins identifiés et sur des périodes courtes (autour de 3 jours en général). Plusieurs directeurs disent regretter un manque de réflexion en interne pour définir les grands axes de formation des salariés et définir ensemble leurs besoins de formations. Certains invoquent également la formation, pour eux-mêmes comme pour leurs salariés, 80 comme un outil d’anticipation pour l’avenir, en cas de disparition du CAUE et en vue de se reclasser plus facilement par la suite. Mais le manque de temps est souvent invoqué pour justifier cette absence de réflexion en interne. Pourtant, certains identifient des besoins, parfois depuis longtemps, comme ce directeur présent depuis la création du CAUE : « Actuellement, j’identifie deux besoins dans l’équipe : la gestion comptable pour une secrétaire pour acquérir la compétence d’une ancienne secrétaire partie en retraite récemment. Le salaire de la secrétaire est le plus bas du CAUE, je veux la faire évoluer. Le second besoin : une remise à niveau en orthographe pour les architectes. Mais je n’ai pas pu mettre de plan de formation en place faute de temps » (un directeur). Les formations ont donc lieu le plus souvent à la demande des salariés mais cela ne va pas toujours de soi dans tous les CAUE : « Les formations se font à la demande quand on a le temps et l’argent, ce qui veut dire rarement » (une directrice administrative, CAUE de 19 salariés) Et si la majorité des directions se dit favorable à la formation des salariés, on rencontre toutefois des exceptions, avec des situations d’autocensure de la part de certains personnels : « On est une boîte où l’on n’a pas le droit de prendre le temps pour se former. On travaille déjà dans le stress. Notre direction est très réticente sur la formation, qu’elle déconsidère. On s’autocensure » (un architecte-urbaniste). C. Des politiques de formation davantage défendues par les nouvelles directions La volonté d’organiser des plans de formations sous l’impulsion de la direction s’observe davantage dans la nouvelle génération de directeurs. Cette initiative a souvent lieu durant les premiers mois suivant l’arrivée de ces directeurs, après une réorganisation de la structure. Elle procède d’une volonté de remettre à plat les missions des CAUE et les fonctions de chacun. Nous l’avons déjà évoqué, la nouvelle génération de directeurs souhaite atténuer la forte autonomie des salariés acquise dans le cadre du CAUE précédent. Ainsi, à l’arrivée d’un nouveau directeur dans un CAUE de 14 salariés, celui-ci a procédé a une nouvelle réorganisation : alors que la répartition du travail fonctionnait sur la base d’une forte autonomie de chacun, la direction a procédé à l’audition de chaque salarié afin de bien définir les missions de chaque poste et de connaître ses besoins ou repérer ses lacunes en termes de formation. L’équipe, dans cette optique, a également été réorganisée en 3 pôles. Une secrétaire s’est vue dotée de nouvelles compétences parmi lesquelles la formation interne des salariés. Sans que cela prenne le caractère organisé des plans de formation, on observe un a priori favorable aux demandes de formation chez les jeunes directeurs, parfois érigé comme une 81 priorité de leur politique de gestion des emplois et des compétences. En effet, plusieurs estiment que la formation interne représente une alternative au recrutement externe afin de faire face aux nouveaux enjeux. « A mon arrivée, j’ai décidé d’accepter toutes les formations qui me seraient demandées par les salariés. Je suis un partisan de la formation » (un nouveau directeur). Les nouvelles directions semblent en effet plus sensibles à la formation que leurs prédécesseurs qui se situaient davantage dans une démarche d’autoformation. Ainsi, une secrétaire recrutée en 1982 exerçait des fonctions polyvalentes avec le directeur précédent : en dehors des activités de secrétariat classiques, elle produisait par exemple, de manière autodidacte, tous les documents de communication du CAUE. Le nouveau directeur a procédé à la validation de ses compétences en lui offrant de suivre une formation diplômante de 6 semaines, puis de webmaster. Elle a ensuite complété ses formations par deux autres formations : assistante de communication puis responsable d’équipe. Agée de 50 ans, elle est aujourd’hui responsable de l’atelier graphique et « moins polyvalente qu’avant ». VI.3. Les obstacles à la formation et à une meilleure gestion des compétences A. Une offre de formation pléthorique Tous les CAUE disposent d’une offre pléthorique en termes de formations. Ces offres sont nationales, régionales, départementales, locales… Elles proviennent d’une multitude d’acteurs : les organismes de formation, les pôles de compétences régionaux, les URCAUE, les DDE, les CAUE eux-mêmes, les CNOA, le Moniteur, Ponts Formation Edition ont été fréquemment cités. Ces offres sont également relayées par les partenaires avec lesquels travaillent les professionnels de CAUE et les architectes libéraux employés dans les structures. Les supports sont multiples : catalogues, courriers, sites Internet, newsletters. Ces offres de formations sont directement reçues par les salariés ou, plus rarement, relayées par le personnel administratif. Ainsi, dans un CAUE, elles sont affichées par une secrétaire sur un grand tableau, dans la salle de la machine à café qui constitue également un lieu de convivialité et de rassemblement de l’équipe. Auparavant, les offres étaient aussi distribuées, régulièrement, à chaque membre de l’équipe. Ce système n’a toutefois pas perduré en raison d’une surcharge de travail du personnel administratif et du temps que demandait cette sorte de revue de presse. Ces offres sont souvent jugées trop foisonnantes, ce qui dessert souvent leur lecture : « On reçoit beaucoup d’offres qui finissent souvent à la poubelle. On se dit que c’est intéressant, mais on manque de temps… » (un directeur de CAUE). 82 « On est harcelés par les différents organismes de formation, on reçoit trop d’offres qu’on n’a pas le temps de lire » (une secrétaire de CAUE). « On a besoin d’un affinage des offres de formation car chaque CAUE est perdu dans ses recherches de formation » (un directeur de CAUE). Les professionnels rencontrés estiment que les documentalistes pourraient servir d’interface entre les offres de formation et l’équipe : ils procèderaient à une sélection des offres (que les professionnels n’ont souvent pas le temps de faire) selon les différents profils. Ils pourraient ainsi incarner des personnes-ressources pour les professionnels des CAUE, faire le lien avec les documentalistes des autres CAUE et, ensemble, mutualiser les offres de formation pour tous les professionnels (par le biais d’un site ou d’une newsletter). B. Une méconnaissance des dispositifs de formation Les acteurs des CAUE sont peu au fait des rouages et des procédures de formation. Les contrats de professionnalisation ne sont pas pratiqués, ni les VAE et les bilans de compétences. Les personnels de CAUE, directeurs et employés, connaissent en général mal les dispositifs de formations existants. Quand ils les connaissent, c’est souvent de manière superficielle : « Je sais que le DIF est un droit individuel à la formation et qu’on peut cumuler jusqu’à 120 heures de formation, mais mes connaissances s’arrêtent là, et je ne connais pas bien les autres dispositifs de formation » (le directeur d’un petit CAUE). Dans l’ensemble, les salariés ne ressentent pas la plus-value que peut apporter une formation diplômante, certifiante, etc., en termes de progression sur la grille et d’augmentation de salaire. Cette méconnaissance, ressentie par la nouvelle direction d’un CAUE (14 salariés et 14 vacataires) a entraîné, après un audit interne, une réorganisation des tâches : l’une des secrétaires s’occupe dorénavant du volet de la formation interne des salariés, présentée comme l’une des grandes priorités de la direction (les pratiques de formation était très rares avec l’ancienne direction). Elle a suivi une formation sur l’utilisation des fonds DIF à Habitat Formation. C. Des offres de formations non adaptées aux spécificités des métiers du CAUE L’un des problèmes évoqué par de nombreux directeurs est celui de l’inadaptation des formations standard proposées aux spécificités du travail en CAUE, notamment pour ce qui touche au conseil et à ses techniques. 83 « L’offre est inadéquate. On est un métier de l’entre-deux. Dans les formations, on trouve une partie utile, qui nous servira, mais aussi toute une partie inutile. Il nous faudrait une formation sur mesure » (un architecte-urbaniste). « On travaille avec les acteurs du territoire mais on ne sait pas comment discuter avec les acteurs du territoire. On fait les formations de formateur mais ce n’est pas tout à fait adapté. On n’a pas l’offre de formation en face et elle n’est pas adaptée au CAUE. » (directeur CAUE) De nombreux salariés ayant suivi des formations se disent souvent déçus par le contenu de celle-ci ou par la prestation du formateur. Beaucoup disent n’avoir rien appris et avoir parfois eu l’impression d’en savoir plus que le formateur. L’enthousiasme n’est pas fréquent. Il s’est rencontré chez les salariés d’un CAUE de Bretagne : l’équipe s’est dite enchantée par une formation sur l’économie d’énergie dispensée par le CREPA (Centre de Ressource des Professionnels de l’Architecture) de Bretagne : « Cette formation du CREPA était géniale. Elle a duré 3 jours, c’était d’une densité extraordinaire. C’était un très bon investissement » (un architecte). Ce centre de ressource offre des formations au plus près des besoins de toutes les professions de l’architecture. Une analyse des besoins en matière de formation continue a été faite en amont par le CREPA afin d’adapter l’offre de formation aux besoins des professionnels. L’enthousiasme suscité par la formation dispensée par le CREPA met en lumière les déceptions qu’évoquent les autres formations suivies par les salariées. « Les organismes de formation n’offrent pas de réponses satisfaisantes car le métier qu’on exerce, on est les seuls à le faire. On a une spécificité, une technicité propres au métier. Et c’est un métier de conseil et de communication » (un directeur). Il ressort en effet de tous les discours que les métiers des CAUE sont trop spécifiques, et l’offre de formation, pas suffisamment adaptée aux besoins des salariés de CAUE. Même les pôles régionaux de compétences, dans lesquels les CAUE sont investis, suscitent des avis en demi-teinte : leurs formations ne sont pas suffisamment adaptées aux métiers du conseil. Il semble qu’à côté d’organismes de formation tels que le CREPA, les formations les plus appréciées soient celles organisées par les CAUE pour d’autres CAUE. A cet égard, les formations mutuelles mises en place dans le cadre des URCAUE sont jugées de manière très positive, et certains salariés envisagent l’échelle régionale comme une échelle pertinente pour la mise en place de formations ponctuelles adaptées : « L’offre de formation proposée par les autres CAUE colle aux métiers des CAUE. Si on regarde celles de la DDE ou de Ponts et Chaussées par exemple, c’est déjà plus technique » (un architecte). « On a eu des échanges avec le CAUE 45, un peu moins maintenant, mais on fait partie de l’URCAUE Centre. J’ai eu l’occasion de suivre une formation du CAUE 78 sur les questions d’environnement, de très bonne qualité. Ils ont une personne ad hoc qui se charge de tout ce 84 qui est projet environnemental. Ils ont fait intervenir des gens de très grande qualité. » (architecte conseiller) « Je trouverais intéressant d’avoir une personne à l’UR qui dispatche son savoir à raison d’un jour par mois. En interne, on est la tête dans le guidon donc la diffusion des connaissances ne se fait pas entre nous. Si on organise une journée spécifique c’est plus simple. » (architecte conseiller) Les formules originales proposées, tel ce voyage de quelques jours en Autriche en compagnie d’élus, sont jugées d’un double intérêt, car ils permettent non seulement se former aux questions environnementales, mais aussi d’observer les réactions des élus et donc de mieux savoir comment appréhender ensuite ces questions avec eux, dans le cadre du conseil aux collectivités : « C’était très intéressant, car ce genre d’opération nous a permis de tester la réaction de nos élus ! On voit qu’ils sont déstabilisés par certaines choses, on les voit réagir à chaud. Tout était bien organisé, bien cadré. Ce genre de formation, reproduit de façon régulière, cela suffirait. Cela donne envie d’approfondir. Il faudrait avoir deux fois par an ce type de formation ». (architecte conseiller) En Ile-de-France, l’URCAUE a intégré le comité scientifique du pole régional de formation des architectes (CROAIF). Sur des sujets jugés importants, les CAUE envoient un « éclaireur » chargé de « creuser la question » pour ensuite monter une formation ad hoc. Les salariés de tous les CAUE d’Ile-de-France ont alors la possibilité d’assister gratuitement à l’ensemble des formations proposées par les autres CAUE régionaux. VI.4 Le temps et la distance : deux freins au suivi de formations A. Le manque de temps Le manque de temps est l’obstacle le plus souvent invoqué par les professionnels comme par les directeurs. La charge de travail, surtout dans les petites structures en souseffectif est une donnée qui relègue la question de la formation au second plan. Ce manque de temps se retrouve à plusieurs niveaux : - Pour définir les grands axes de la formation continue en interne (plans de formation), par les directions. - Pour lire et sélectionner les formations qui suscitent de l’intérêt, comme l’explique cet architecte : « Je reçois plein de mails du Moniteur et d’autres organismes de formation. J’ai 3 ans de lecture en retard. Je n’ai pas le temps de tout lire ». - Pour anticiper le temps de formation : les délais entre la réception des offres et la date des formations est parfois jugé trop insuffisant pour pouvoir s’organiser, comme l’affirme cet hydrologue :« Si, par exemple, je veux suivre une formation sur 3 semaines, le temps de 85 m’organiser, je dois le savoir 3 mois à l’avance. Les délais sont trop courts. Les formations sont souvent sur 3 jours et annoncées trop tardivement ». - Pour suivre les formations, surtout celles qui sont longues (plus d’une semaine) en raison d’une charge de travail importante. Cette charge a parfois obligé des personnes en formation à les abandonner en cours de route : « Il y a plein de formations importantes. Mais si on passe notre temps en formation, on n’a plus le temps de travailler. Une formation par an, c’est bien. Après, on n’arrive plus à gérer » (une architecte). « J’ai suivi une formation en informatique il y a quelques temps. J’ai été obligée de partir en cours de route parce que je me sentais trop oppressée par le travail qui m’attendait dans le CAUE » (un directeur). Dès lors, la grande majorité des personnels de CAUE préfère les formations courtes, moins chronophages et plus efficaces en termes d’assimilation : « Les formations courtes, ou longues mais dispersées sur plusieurs mois, permettent de mieux retenir l’information, on ne croule pas sous un flot d’informations » (un architecte). « Pour moi, l’organisme le plus compétitif est le GICFO (Groupement Interprofessionnel et Consulaire d'Enseignement et de Formation) de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux. La plupart des autres organismes proposent 2 à 3 jours de formation d’affilée et lui, un jour par semaine ce qui permet de ne pas s’absenter trop longtemps et de mieux assimiler » (une secrétaire). B. Le problème de la distance Les CAUE implantés dans les grandes villes (Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, etc.) ou à proximité – lorsque les lignes de trains sont directes et rapides – bénéficient d’un avantage : ils disposent d’une offre de formations variée et leur accès est rapide. En revanche, pour les CAUE situés dans des départements ruraux éloignés des grandes villes et difficilement accessibles (comme la Lozère ou la Haute-Marne par exemple), l’accès à la formation est très problématique. Il constitue un véritable obstacle : « On a peu d’offres de formation sur notre territoire. Tout se passe à Paris. Mais je ne me vois pas faire plus de 3 heures de train, dormir à l’hôtel en banlieue parce que je ne trouverais rien dans la capitale à des prix abordables… Prendre le RER le matin, suivre la formation dans la journée, déjeuner, reprendre le RER le soir… C’est loin et surtout, si on ajoute au coût de la formation les frais de transport et de séjour liés à avancer, c’est plutôt dissuasif… » (un architecte). Plusieurs acteurs de CAUE rencontrés suggèrent une territorialisation de la formation, « une décentralisation des offres de formation » (un directeur) afin de remédier à la pénurie d’offres que connaissent certains territoires, comme ce salarié de CAUE : 86 « Les formations ont lieu la plupart du temps à Paris. Il n’y a rien en Franche-Comté. Il faudrait une territorialisation mais en grands territoires, comme la Bourgogne + la Franche-Comté + la Lorraine par exemple. » De plus, cette territorialisation permettrait, selon ces acteurs, de prendre en compte, dans les formations, les spécificités des régions en matière d’architecture (les maisons à colombages en Alsace par exemple) ou de problématiques (les termites en Bretagne par exemple). C. D’autres freins, plus marginaux D’autres freins ont pu être identifiés tels que la difficulté à suivre des formations lorsque l’on est proche du départ en retraite et que la démarche de formation continue ne va de soi (ancrage des pratiques de formation en interne et/ou d’autoformation) : « Ce n’est pas à mon âge que je vais faire des formations » (un directeur à 3 ans de la retraite). Les phénomènes d’autocensures, chez les salariés, face à des directions qui ne sont pas favorables à la formation continue, constituent également des obstacles à la formation. Notons toutefois qu’ils sont relativement rares. Le coût ne constitue pas un obstacle très important, les remboursements effectués par Habitat Formation sont jugés satisfaisants. Cela est plus problématique dans les petits structures où le coût et les frais liés représentent une difficulté. En revanche, mis en relation avec le contenu des formations, beaucoup d’entre elles sont jugées trop chères : « Je vois une formation dans Ponts et Chaussée – Concevoir la ville durable. Ca m’intéresse mais c’est 1.200 ! pour deux jours et c’est à Paris. On est souvent déçus par le contenu des formations, c’est parfois très limite. Pour 1.200 !, il faut vraiment qu’il y ait quelque chose derrière » (un architecte). 87 CONCLUSION : quelle politique de l’emploi et de la formation pour les CAUE ? Nous l’avons montré tout au long de cet état des lieux, les CAUE apparaissent aujourd’hui plus que jamais inscrits dans un lent processus de mutation, sous l’effet de contraintes externes (des évolutions politiques et institutionnelles) et d’évolutions internes (vieillissement et renouvellement des équipes). ! Des repositionnements stratégiques à assumer au regard des missions initiales : vers un CAUE « animateur local », outillant les collectivités et les acteurs privés ? Nous sommes loin d’être les premiers à décrire la singularité des CAUE (une association assise sur une taxe dédiée et dépendant du marché de la construction) et à tenter d’analyser leur positionnement face au mouvement national de décentralisation. On peut même s’étonner qu’une si petite branche professionnelle ait été l’objet d’autant d’attention : rapport Vigouroux de 1994, rapport Frébault de 2001, rapport Haumont, etc… Cela est sans doute révélateur des difficultés éprouvées, de longue date, pour cerner la fonction véritable des CAUE et le contenu de leurs missions, comme en témoignent ces propos recueillis auprès d’un représentant de l’Etat : « le problème des CAUE, c’est qu’on ne sait pas exactement ce qu’ils font ». Sans refaire ici l’historique des débats sur le rôle et le positionnement des CAUE, il faut bien constater que plusieurs phénomènes récents donnent une acuité particulière à ce questionnement et inquiètent particulièrement les salariés quant à la pérennité de leur structure : l’actuel retournement du marché immobilier d’abord, en ce qu’il interroge les ressources des CAUE à l’horizon 2010 et, plus globalement, la révision en cours de la TDCAUE, mais aussi les réflexions gouvernementales sur la décentralisation et la réorganisation des collectivités territoriales (rapport Balladur), qui remettent une fois de plus en question la pertinence de certains échelons territoriaux et interrogent le rattachement des CAUE aux Départements. Du point de vue de ce que doivent être les missions des CAUE, les questions que posaient le rapport Vigouroux il y a de cela 15 ans semblent rester d’actualité et l’activité des CAUE apparaît davantage tributaire des contraintes financières et des demandes locales que liée à un projet et à un programme d’action clairement définis au sein de la structure. Nous avons bien analysé une tendance de fond qui voit les structures délaisser le conseil aux particuliers (du moins dans sa forme traditionnelle) pour se repositionner sur le conseil aux collectivités et la sensibilisation du grand public. Mais cette tendance n’est pas explicite dans toutes les structures enquêtées et même ceux qui affirment ou prédisent ces évolutions ne semblent pas en avoir tiré toutes les conséquences en terme d’activité et 88 de gestion : certains font « un peu de tout », d’autres « en font quand ils ont le temps », et d’autres encore aimeraient bien « faire davantage cela »… Concernant les thématiques prioritaires et les échelles d’intervention, on voit bien comment on est lentement, mais sûrement, passé d’une logique architecturale et patrimoniale aux grands territoires et à l’urbanisme durable. Mais là encore, les CAUE ne semblent pas avoir véritablement choisi leur positionnement et, à l’heure du Grenelle de l’environnement, ces structures qui avaient pourtant vocation à faire du développement durable « avant l’heure », semblent aujourd’hui hésiter à y entrer de plain pied. En tout état de cause, l’enquête auprès des structures et des salariés a montré qu’il existait aujourd’hui : - un décalage évident entre ce que sont les CAUE, en termes humains et financiers, et l’ambition définie dans le cadre de leurs statuts, qui en fait les garants de la qualité urbaine, architecturale et environnementale. - une absence d’harmonisation quant à la notion de « conseil » aux collectivités et au contenu exact de la prestation fournie par le CAUE (coordination, animation, ou aide à la maîtrise d’ouvrage ?). La question des limites de l’intervention est ici cruciale. - une grande hétérogénéité des équipes et des organisations, qui font que toutes n’ont pas les moyens de devenir, à court terme, des centres de ressource et de compétence pour les acteurs de leur territoire. Il ne nous appartient pas ici de dire si la clarification des statuts et des missions passe par une révision des statuts d’origine des CAUE, mais il est clair que les 89 structures et leurs salariés semblent avoir besoin aujourd’hui de retrouver une même « feuille de route » et des objectifs partagés, qui n’empêcheraient aucunement les directeurs et leurs équipes de conserver « l’indépendance» et « l’esprit CAUE » dont ils se réclament. A moyens humains constants et face à des territoires appelés à être de mieux en mieux armés en termes d’outils et de compétences, les CAUE ne peuvent clairement pas être sur tous les fronts. Leurs missions et leurs compétences les incitent d’ailleurs à se repositionner sur une expertise de haut niveau et sur une vocation de centre de ressource indépendant, pour les collectivité locales demandeuses et en direction du grand public. L’enjeu est sans doute aujourd’hui de passer d’une réponse « tous azimuts » aux demandes multiples et éparses de conseil à une mission d’outillage des collectivités et des particuliers : que les premières se réapproprient la position de maître d’ouvrage et que les seconds prennent conscience de l’importance des enjeux d’aménagement et d’urbanisme par exemple. ! Réussir le renouvellement et la diversification des équipes En interne, nous l’avons vu, le renouvellement des équipes (notamment des directions) et l’intégration de nouveaux profils professionnels (les ingénieurs…) ne vont pas toujours de soi et nécessitent de formaliser davantage des pratiques et relations de travail qui demeurent 89 souvent informelles et peu cadrées. Mais, là encore, toutes les structures n’en sont pas au même moment de leur réorganisation : si certains CAUE conservent un fonctionnement « familial » proche de celui des origines, une « nouvelle génération » de structures voit le jour, qui entend rompre avec un certain nombre de dogmes parmi lesquels la prééminence de le figure de l’architecte. Ces évolutions laissent imaginer que les équipes seront de plus en plus constituées d’un « pool » d’expertises variées, dont le caractère commun sera d’exercer les métiers du conseil, avec donc une forte dimension de « service ». Cette configuration nécessite que le directeur dispose d’outils et de compétences certaines en termes de management d’équipe, compétences qui lui font souvent défaut, comme beaucoup le reconnaissent (il n’existe pas pour l’heure de formation à la direction de CAUE). Le renouvellement des équipes passe également par une capacité à recruter et à pérenniser les compétences requises. Ce recrutement ne va pas de soi : - pour la plupart des structures qui n’ont qu’une visibilité très faible de l’évolution de leur activité, fondée sur des évolutions (la TDCAUE, la demande des élus et des collectivités) difficiles à anticiper. - et plus spécifiquement pour nombre de territoires ruraux et/ou éloignés des bassins d’emploi, peu attractifs pour les jeunes professionnels. Dans cette réorganisation progressive des CAUE vers un système que nous avons qualifié de « managerial », l’arrivée de la convention collective et de la classification des salariés a constitué en 2008 un moment important pour la vie des structures. Parfois « indolore » lorsque les conditions de travail et les rémunérations étaient avantageuses, la classification a pu ailleurs, soit exacerber les tensions et les conflits, soit permettre de clarifier et/ou de revaloriser certains postes. Globalement, nous l’avons vu, la démarche a été plutôt bien reçue et a même « aiguisé les appétits » pour mieux gérer les équipes et les parcours professionnels. En effet, le temps de ces structures n’est pas forcément celui de la négociation collective et, un an après l’épisode parfois marquant de la classification, certaines structures s’impatientent des suites que les acteurs du paritarisme seront en capacité de donner à la démarche : - faire remonter les besoins et mieux aider les CAUE à mettre en place leurs plans de formation ; - mais aussi pour les aider à transformer ce temps de la classification et de l’organisation de la profession en moteur d’évolution professionnelle pour des salariés qui s’imaginent souvent « figés » dans ce type de structure (se pose ainsi notamment la question de « l’appropriation » de la grille par chacune des équipes et des modes d’organisation). ! Une politique de formation continue déclinée au plan national et local 90 Dans le rapport, nous avons rappelé que les salariés des CAUE (eux-mêmes formateurs) avaient globalement un a priori favorable vis-à-vis de la formation continue et n’étaient pas avares de stages, même si : - il s’agit surtout de formations courtes, dans le cadre d’une acception très large de ce que recouvre la formation (voyages d’études…) ; - les directeurs comme les salariés connaissent finalement assez mal les procédures et les outils de la formation continue (DIF, VAE…). - Les formations mises en place dans chaque département et/ou pour chaque CAUE se ressemblent beaucoup et pourraient être davantage mutualisées, sans compter que les prestataires peuvent faire défaut en ce qui concerne les formations aux cadres et démarches du développement durable. Si l’on note bien une montée en puissance des formations ayant trait au développement durable et à l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, le « flou » des missions génère également pour les conseillers des interrogations fortes et une diversité de stratégies et de pratiques au plan local : doit-on se former sur tous les aspects techniques et réglementaires du développement durable ? Ou doit-on plutôt adopter les cadres et les méthodes permettant d’exercer une mission de conseil et être en capacité de passer le relais à la personne et au moment opportuns ? On rejoint ici un questionnement qui traverse plus globalement la profession des architectes et qui est de savoir si l’on se forme pour être un technicien/ spécialiste ou bien un généraliste/ polyvalent, en l’occurrence « un chef d’orchestre » du développement durable des territoires. Un autre enjeu de formation réside dans la capacité des CAUE à « communiquer », dans le cadre de leur mission de conseil, bien sûr, mais aussi dans le cadre de leur rôle d’animateur local, de « mouche du coche » pour reprendre les termes d’un représentant de l’Etat. En termes de communication, un effort de formation devra sans doute être produit pour valider et renforcer des compétences acquises, bien souvent, « sur le tas ». Au vu de ce diagnostic, il nous semblerait opportun de nous appuyer sur la forte structuration de la branche professionnelle (URCAUE, FNCAUE) pour développer : - - Au niveau national et de la branche, un « kit» de formations techniques et réglementaires dont devrait disposer n’importe quel salarié pour assurer ses missions de conseil et de sensibilisation : AEU, HQE, réforme du permis de construire, etc ; Au niveau local et régional (à l’échelle de l’URCAUE ou de la « grande région » pour les régions non dotées ou composées seulement de 2 départements), des formations thématiques portant sur des problématiques ou des territoires spécifiques (développement du littoral, zone de montagne, reconversion industrielle…). 91 ANNEXES CAUE Nombre de personnes rencontrées 22 3 53 2 33 4 58 4 48 4 63 5 39 3 52 2 84 4 41 5 74 3 69 3 62 3 67 4 14 4 34 3 URCAUE M.Pyrénées URCAUE Ile-de-France 2 1 Personnes enquêtées Directeur (architecte) Architecte conseiller Secrétaire Directeur - (architecte et urbaniste) Architecte – urbaniste et délégué du personnel Directeur Paysagiste Assistante de direction Architecte Directeur (architecte) Architecte conseiller « bâtiments agricoles » Architecte conseiller « Hébergements touristiques » Infographiste Secrétaire général (environnementaliste) Secrétaire administrative Architecte conseiller Dessinateur projeteur Directeur (architecte) Président Secrétaire comptable Architecte conseiller Architecte conseiller Directeur (paysagiste) Membre du CA, conseiller général Architecte, représentant du personnel Directrice administrative Dessinatrice Directrice adjointe Architecte urbaniste Ingénieur hydrologue Géomaticien géographe Directeur (architecte) Responsable administrative Architecte conseiller Urbaniste conseiller Paysagiste conseiller Directeur (architecte) Infographiste - responsable de l’atelier graphique Géographe - coordinateur du pôle conseil Directrice (architecte) Urbaniste / coordination des architectes historien de l’art – chargé de projet Directeur Adjointe/chargée de communication Paysagiste Directeur (architecte) Secrétaire Documentaliste Architecte conseiller Directeur (architecte) Assistante de direction Secrétaire – dactylo Architecte conseiller Directrice (architecte) Architecte – urbaniste Architecte conseiller délégué régional (ingénieur) Chargée de communication Chargé de mission (historien) 92 L’échantillonnage des structures enquêtées Sur la base de ces premières observations et afin de construire un échantillonnage pertinent, nous proposons donc de retenir 3 critères : - La taille de la structure L’implantation géographique des CAUE Les spécificités des CAUE telles que leur caractère récent, la présence de profils « atypiques », etc. Les CAUE ont été sélectionnés de sorte qu’ils soient équitablement répartis sur le territoire, mais également en fonction de la diversité des régions. En effet, le positionnement des CAUE peut varier selon que le département est très urbain ou peu dense et donc moins outillé en termes d’ingénierie et de conseil. L’implantation géographique nous semble en effet constituer un critère pertinent. Pour cela, nous avons retenu une classification de l’INSEE. Cette typologie des départements de France métropolitaine a été réalisée à partir de 33 variables couvrant 6 thèmes : la population et l’espace, l’activité et les catégories sociales, l’économie et les entreprises, la « richesse », la santé et l’éducation. La plupart des données utilisées sont issues du recensement de la population de 1999. Typologie des départements réalisée par l’INSEE 93 Cette typologie a permis de dégager trois grands groupes de départements : les « urbains », les « ruraux » et les « spécifiques ». Ces trois groupes se décomposent en sous-ensembles : Départements urbains : - Petite et grande couronne d’aire urbaine - Métropoles du Sud - Autres chefs lieux de région Départements ruraux : - Massif central - Ruraux du sud-ouest - Ruraux industriels de l’ouest - Ruraux industriels du nord Départements spécifiques : - Industriels du Nord - Proches de zones très urbanisées - Méditerranée - Montagne. Paris et les Hauts-de-Seine sont atypiques. Dans ces deux départements, la densité de population est particulièrement élevée. La très forte croissance du secteur tertiaire et la concentration de nombreux sièges sociaux expliquent la proportion très élevée de cadres parmi les actifs qui y résident. Ceci induit des revenus moyens Petite et grande couronne très élevés et une valeur ajoutée produite également forte. Les médecins y sont très nombreux. Du fait de l'exigüité de son territoire, l'urbanisation de Paris a débordé sur les six autres départements de l'Ile-de-France. Dans ces départements résident de nombreux actifs, dont beaucoup de cadres et de professions intermédiaires, attirés par le marché de l'emploi de l'agglomération. De ce fait, la population est jeune. La création d'emplois tertiaires a aussi profité à ces départements limitrophes. En conséquence, le PIB par habitant et les revenus imposables par foyer fiscal sont bien supérieurs à ceux de la province. Départements Ces départements sièges de métropoles du sud de la France abritent les plus urbains grosses agglomérations françaises après Paris (Marseille, Lyon, Nice, Toulouse et Bordeaux). La population de ces départements dépasse le million d’habitants. Le tertiaire s’est également développé dans ces grandes capitales régionales. De ce Métropoles du sud fait, la présence de cadres et de professions intermédiaires est forte. La richesse produite par habitant comme les revenus sont également élevés. Pourtant, le taux de chômage reste important, comme la proportion de personnes percevant le RMI. Cette situation s’explique par la forte attractivité que ces capitales régionales exercent sur les actifs, leur situation méridionale accentuant d’ailleurs cette attractivité . Ces cinq départements du sud se distinguent aussi par une plus forte proportion de jeunes de 15 à 24 ans scolarisés et une très forte densité médicale. Autres chefslieux de Ces départements sièges d'un chef-lieu ou d'une ville à vocation régionale ont souvent profité du développement de ces villes et de leurs agglomérations 94 région La densité de population est plus faible que dans les autres départements, ils comptent plus d'agriculteurs et le vieillissement de la population est marqué. Le tissu Massif Central et ruraux du Départements sud-ouest ruraux économique est plutôt composé d'entreprises de petites tailles et la proportion de commerçants, artisans ou chefs d'entreprises est élevée. Le PIB par habitant et les revenus imposables par foyer fiscal sont faibles. "Parmi ces départements, ceux du Massif Central présentent en commun certaines caractéristiques rurales encore plus marquées. C'est en particulier le cas des proportions d'agriculteurs exploitants et de personnes âgées, plus élevées qu'ailleurs. Les attraits de la montagne ont permis le développement du tourisme. Ruraux industriels de l'ouest et du nord Pour 25 départements ruraux situés plus au nord de la France, les emplois industriels occupent une place non négligeable. Dans cet ensemble, un groupe de 10 départements, plutôt situés à l'ouest, se distingue par quelques caractéristiques: taux d'activité des hommes plus élevé, taux de chômage plus faible, comme la proportion de bénéficiaires du RMI. L'espérance de vie des femmes y est élevée. Les 7 départements à tradition industrielle du nord sont très peuplés, en dehors des Ardennes. De tout temps, la natalité y a été plus élevée qu'ailleurs. Leur population y est jeune. Malgré les crises successives qui ont secoué leur industrie, notamment Départements Industriels du spécifiques Nord dans les grands établissements, celle-ci tient encore sa place et la présence d'ouvriers reste élevée. L'activité féminine a toujours été faible. Les difficultés de développement économique qui subsistent expliquent le taux de chômage élevé, comme la forte proportion de personnes percevant le RMI. La densité médicale est faible, de même que l'espérance de vie. Six départements, tous limitrophes de zones très urbanisées, tirent partie de cette proximité. Leurs habitants, plus jeunes et plus nombreux qu'ailleurs, vivent majoritairement dans l'espace urbain. L'activité masculine est forte. L'industrie y Proches de zones très urbanisées occupe une place importante et les ouvriers y sont plus nombreux. Les grands établissements offrent de nombreux emplois, mais une partie des actifs va également travailler dans les départements proches. La population bénéficie ainsi d'un niveau de revenus un peu plus élevé que la moyenne. La faiblesse de la densité médicale, sauf en Alsace, est compensée par la proximité de départements beaucoup mieux équipés. Pour la même raison, la proportion de jeunes de 15 à 24 ans scolarisés dans ces départements est plutôt faible. Huit départements de la ceinture méditerranéenne ont des profils socioéconomiques proches (tableau). Ils ont tous une partie montagneuse et bordent le littoral méditerranéen, Vaucluse excepté. Ces départements ont bénéficié d'un fort développement touristique. Le système productif est composé surtout d'établissements de petite taille qui connaissent un fort renouvellement. Les emplois Méditerranée tertiaires administrés sont nombreux. Aussi les employés sont-ils très présents, comme les commerçants, artisans ou chefs d'entreprise. Comme dans tout le pourtour méditerranéen, l'activité féminine est moins développée, mais c'est également le cas pour les hommes. Le taux de chômage est structurellement important. La proportion de bénéficiaires du RMI est très forte. La densité médicale est élevée en raison d'une proportion importante de personnes âgées et également du tourisme, sans parler de l'héliotropisme. 95 Cinq départements de montagne, essentiellement localisés dans le sud-est, ont en commun une très forte proportion de résidences secondaires, liée en particulier au Montagne développement des sports d'hiver. Le secteur tertiaire marchand y est important, de même que la part de commerçants, artisans ou chefs d'entreprise, le tissu économique étant plutôt constitué de petites entreprises. La densité médicale est forte, en liaison également avec le tourisme. 96 Les DADS - Participation et refus des CAUE Ain CAUE N° 01 DADS Reçues X Aisne 02 X Allier 03 CAUE Refus X Hautes-Alpes 05 Alpes-Maritimes 06 X Ardèche 07 X Ariège 09 X Aude 11 X Aveyron 12 X Bouches-du-Rhône 13 X Calvados 14 X Cantal 15 X X Charente 16 Charente-Maritime 17 Cher 18 Relances infructueuses X X X Corrèze 19 Corse-du-Sud 20a X Haute-Corse 20b Côte d’Or 21 Côtes d'Armor 22 X Creuse 23 X Dordogne 24 X Doubs 25 X Drôme 26 Eure 27 X Eure-et-Loir 28 X Gard 30 X Haute-Garonne 31 X X X X X Gers 32 X Gironde 33 X Hérault 34 X Indre 36 Isère 38 Jura 39 X X X Landes 40 X Loir-et-Cher 41 X Haute-Loire 43 X Loire-Atlantique 44 X Loiret 45 X Lot 46 X Lot-et-Garonne 47 X Lozère 48 X Maine-et-Loire 49 X Manche 50 X 97 Haute-Marne 52 X Mayenne 53 X Meurthe-et-Moselle 54 X Meuse 55 X Morbihan 56 Moselle 57 X Nièvre 58 X Nord 59 X Oise 60 Orne 61 X Pas-de-Calais 62 X Puy-de-Dôme PyrénéesAtlantiques Hautes-Pyrénées 63 X 65 X Pyrénées-Orientales 66 X X X 64 X Bas-Rhin 67 Haut-Rhin 68 X Rhône 69 X X Haute-Saône 70 X Saône-et-Loire 71 X Sarthe 72 X Savoie 73 X Haute-Savoie 74 X Paris 75 X Seine-Maritime 76 X Seine-et-Marne 77 X Yvelines 78 X Deux-Sèvres 79 X Somme 80 X Tarn 81 X Tarn-et-Garonne 82 X Var 83 Vaucluse 84 X Vendée 85 X Haute-Vienne 87 X Vosges 88 X Essonne 91 X X Hauts-de-Seine 92 X Seine-Saint-Denis 93 X Val-de-Marne 94 X Val d'Oise 95 X Guadeloupe 971 X Martinique 972 X Guyane 973 X Réunion 974 X TOTAL 67 15 7 CAUE non adhérent à la FNCAUE en 2007 98 Grille de questionnement problématisée pour l!enquête qualitative des métiers et des besoins de formation dans les CAUE - Directeurs et Présidents de CAUE 1. STATUT, IDENTITE ET POSITIONNEMENT DES CAUE Profil du CAUE : DATE DE CREATION NATURE DES FINANCEMENTS EFFECTIF TOTAL DU CAUE ANNEE DE PRISE DE FONCTION " Quelles sont les missions de votre CAUE (prescription/conseil/communication… ?) et le profil de vos clients (particuliers/collectivités locales…) ? " La taille de la structure : dans quelle mesure est-elle le produit de : - la nature du département (urbaine/rural) de sa « richesse » (taxe) des partenariats noués (financements additionnels) des spécificités d!une histoire locale du type de projets visés… ? " Dans quelle mesure les moyens financiers et la taille des équipes influencent-ils les missions exercées et les modalités de gestion des équipes et de la structure : aide au management, développement des fonctions « support », désignation d!un représentant du personnel (ou délégué du personnel pour les équipes de plus de 10 salariés)… " Les moyens alloués à votre CAUE permettent-ils de répondre à ces missions ? (des financements « alternatifs » ?) " Pensez-vous qu!il existe une « taille critique »/ « masse (financière) critique » des CAUE ? " Selon vous, quels doivent être le rôle et la spécificité d!un CAUE ? ! Caractère hybride des CAUE (une association de droit privée investie d!une mission d!intérêt général et financée par une taxe départementale dédiée) ? ! Hypothèse de 89 associations pour 89 projets ? . vers une logique de « conseil »/ « accompagnement », de « centre de ressources » (de proximité ou d!expertise de haut niveau ?) . vers une logique de « médiation » entre les différents acteurs de la ville… ? Questions du Rapport Vigouroux (1994) sur le rôle des CAUE : Faire ce que la loi nous fixe comme mission ?/ ce que les élus nous demandent ?/ ce que les autres ne font pas ?/ ce qui paye ?/ Ce qui sert l!architecture ?/ Ce qui prépare l!avenir ?/ Ce que l!on peut au regard du personnel disponible ? " Comment qualifier les rapports avec votre Président/Directeur ? Comment sont fixées les missions du CAUE ? Le Conseil d!administration fonctionne-t-il et selon quelles modalités d!association des partenaires (Etat, etc.) ? " Selon vous, quel est l!intérêt d!instances de collaboration/échanges au niveau régional ? " Quel est le positionnement / la relation de votre CAUE dans le jeu d!acteurs local ? 99 (Services de l!Etat, du Conseil Général, Maison de l!Architecture, Agences d!urbanisme, bureaux d!études privés, aménageurs, promoteurs…) 2. PROFILS PROFESSIONNELS, STATUTS ET POSTES OCCUPES : QUELLE ADEQUATION ENTRE FORMATION INITIALE (SAVOIRS THEORIQUES) ET BESOINS OPERATIONNELS DANS LES CAUE ? METIERS EFFECTIF POSTE STATUT FORMATION DIRECTEUR/ADJOINT ARCHITECTE PAYSAGISTE URBANISTE GEOGRAPHE/CARTOGRA PHE ARCHITECTE/PAYSAGIST E/URBANISTE CONSEIL DOCUMENTALISTE CHARGE DE COMMUNICATION FONCTIONS SUPPORT : COMPTABILITE, SECRETARIAT (ADMINISTRATIF AUTRE /TECHNI QUE) " Selon quels critères sont recrutés les professionnels de votre CAUE en fonction des postes à pourvoir ? " Quelle est l!adéquation entre les diplômes et les postes occupés ? (la réforme du diplôme d!état et la mise en place de l!habilitation à la maîtrise d!ouvrage en son nom propre, HMONP) 3. QUELS ENJEUX ET QUELLES COMPETENCES NOUVELLES A MOBILISER DANS UN CONTEXTE OU LES PRIORITES POLITIQUES ET LA GOUVERNANCE LOCALE EVOLUENT, OU LES EXIGENCES AUGMENTENT ET LES PROJETS SE COMPLEXIFIENT ? " Quelles sont les évolutions récentes des métiers de conseil en termes (cf. classification de la convention collective) : - De contenu de l!activité - D!autonomie et d!initiative - De technicité, de connaissance/savoirs/ « savoir être » relationnels, au-delà du « bagage initial » - De polyvalence « horizontale » et « verticale » ! Faire face aux nouveaux enjeux environnementaux (Grenelle de l!environnement, normes…), sociaux (handicap, habitat indigne, ANRU…), patrimoniaux et économiques ? ! Faire face à la complexification des projets et à leur mode de pilotage (projets de territoire, aménagement en renouvellement urbain, AMO, AEU…), dans une gouvernance locale de plus en plus affirmée (communes et intercommunalités, Conseil général) ! Prérogatives et compétences des autres partenaires/interlocuteurs des collectivités et des particuliers : services de l!Etat, agence d!urbanisme, bureaux d!études, aménageurs et professionnels de l!immobilier (promoteurs…), ADEME, ADIL… 100 ! Tendance des CAUE à se repositionner sur les grands territoires de la planification, en lutte contre l!étalement urbain. 4. LA GESTION DE LA STRUCTURE ET DES EQUIPES : ENJEUX ET BESOINS " Comment s!organise le travail entre les salariés ? : travail individuel, en binôme, en groupe ? polyvalence « horizontale » (perçue comme l!une caractéristique essentielle des salariés des CAUE : « le A, le U et le E »), « verticale » (autonomie, initiative) ? " " " Face à ces nouveaux enjeux, avez-vous procédé à une réorganisation de la structure en interne (organisation du travail, répartition des tâches, formation continue) ? - Stratégie d!internalisation des compétences et d!intégration de nouveaux profils (spécialistes de l!environnement, conseillers énergie, juristes, etc.) ? Quels apports ? Quelles contraintes ? Comment se fait l!intégration de nouveaux profils, atypiques, dans les équipes ? Un choc des cultures professionnelles ? Quelle gestion ? - Recours à d!autres types de partenariats/ à des prestations externes? Concernant la gestion des équipes : - Quels outils de rationalisation des méthodes de travail : plans de charge, réunions d!équipe, retro-planning, segmentation des tâches reflétant la charge de travail, etc ? - Quel lien/ niveau d!encadrement/rapport d!administration et la direction ? - Quelle gestion des statuts et du temps de travail : avantages et inconvénients d!un détachement temporaire ou d!une activité en libéral (connaissance du marché, de la construction, mise à jour des compétences…) ou à l!inverse d!une « carrière » entièrement menée en CAUE ? - Existence d!un règlement intérieur ? Rôle et utilité ? Plus avantageux que la Convention collective ? - Quel volume d!heures supplémentaires réellement effectué par les salariés ? - La question de la pyramide des âges et de la gestion des salariés seniors ? hiérarchique réel entre le conseil Comment s!est passée la mise en place de la grille de classification et quelle utilisation en faites-vous aujourd!hui ? - Utilisation du guide de la classification et des coefficients hiérarchiques ? - Pertinence/adaptation de la grille actuelle au contexte/ à la gestion des équipes/ aux pratiques de recrutement/management (entretiens annuels d!évaluation) des employeurs - Inversion de la logique de fixation du salaire et de l!échelon ? - Pistes de réforme du système ? " Plus largement, quelle anticipation des enjeux et quelle stratégie de pérennisation des CAUE et des emplois induits ? - Quelle anticipation des évolutions institutionnelles et locales ? Vers une départementalisation accrue ? une nationalisation (services de l!Etat) ? une fusion entre eux (régionaliser ?) ou avec d!autres (ADIL, Agences d!uranisme…) ? - Quelles perspectives/solutions envisagées ? - Quelle communication en interne auprès des salariés et en externe ? 101 5. QUELS BESOINS ET QUELLES DEMANDES DE FORMATION DES SALARIES ? QUELLE CONNAISSANCE DE L!OFFRE ET DES DISPOSITIFS EN LA MATIERE ? " Quels besoins de formation identifiés, pour les salariés et pour vous-même (directeur) ? " Quelle connaissance de la convention collective, de la structuration de la branche et du dispositif de formation par les employeurs, par les salariés ? Plan de formation et GPEC Validation des acquis de l!expérience (VAE) Congé individuel de formation (CIF) Droit individuel à la formation (DIF) " Quelle connaissance de l!offre : les employeurs et les salariés connaissent-ils bien l!offre de formation disponible et ont-ils accès à l!information existante en la matière : organismes de formation (GEPA…), plaquettes Habitat Formation, pôles de compétence régionaux, catalogues de formations (DAPA…) producteurs de supports de formation (type MIQCP, CNOA), sites internet du CNOA et de la FNCAUE ? réflexions, séminaires et groupes d!échange au niveau fédéral (national et régional) les CAUE eux-mêmes. " Besoin ou non d!une territorialisation plus marquée de l!élaboration de l!offre de formation ? (URCAUE, Pôles de compétence…) et besoin d!adaptation ou non de la politique de « priorités de formation » établie par la branche ? " Elaborez-vous des plans de formation ? " Des besoins exprimés aux réponses apportées : - " Qui fait les formations ? CAUE, URCAUE, organismes de formations ? Types de formation (certifiantes, qualifiantes, domaine) suivies et qualité de la réponse aux besoins ? Quels obstacles au suivi de formations ? - Coût ? Temps ? Connaissance et accès à la formation des différents employés : est-ce toujours les mêmes salariés qui se forment, ou la formation profite-t-elle à tous ? Position de principe peu favorable à la formation de la part de la direction ou de certains salariés ? " Quelle mobilisation du réseau des CAUE comme lieu d!échanges ? : offre de formation, organisation de formations, échanges, partage d!outils, d!informations ? Par quels biais ? " La question de la transmission au sein des équipes, à l!intérieur d!un même CAUE ? Mémoire vive, héritage, culture et identité professionnelle. 102 Projet de grille de questionnement pour l!enquête qualitative des métiers et des besoins de formation dans les CAUE - Salariés Profil du salarié METIER EXERCE EN CAUE TEMPS PLEIN / TEMPS PARTIEL STATUT CADRE/NON CADRE NOMBRE D!ANNEES D!EXPERIENCE ANCIENNETE EN CAUE FORMATION INITIALE ÂGE 1. Quelle adéquation entre formation initiale (savoirs théoriques) et besoins opérationnels dans le CAUE ? • La formation initiale est-elle en adéquation avec le poste et les fonctions occupées ? • Si métier d!architecte : retour sur la réforme du diplôme d!état et la mise en place de l!habilitation à la maîtrise d!ouvrage en son nom propre (HMONP) • Quels sont les manques dans la formation initiale ? • Les compétences à acquérir dans le métier ? 2. Perceptions du métier en CAUE • Polyvalence du métier et relation avec les autres professionnels des CAUE (notamment les nouveaux profils du type expert énergie) ? 103 • Spécificités du métier en CAUE par rapport au métier exercé dans les autres structures (cabinets d!études, agences d!architecture, d!urbanisme… ?) • Critère d!appréciation du métier (autonomie, cadre de vie, contenu , image du CAUE, perspective de carrière, salaire, statut social, conditions de travail, reconnaissance des efforts…) • Perception de votre carrière dans les années à venir et quels seraient les freins ? (freins tels que le manque de formation continue, l!absence de possibilité d!évolution, le salaire… ?) • Avez-vous déjà envisagé de faire un bilan professionnel et/ou une validation de vos compétences ? (reconnaissance compétences/certification) • Comment s!est passée la mise en place de la grille de classification? - Pertinence/adaptation de la grille actuelle au contexte/ à la gestion des équipes/ aux pratiques de recrutement/management des employeurs (entretiens annuels d!évaluation) - Inversion de la logique de fixation du salaire et de l!échelon ? - Pistes de réforme du système ? • Quel volume d!heures supplémentaires réellement effectué ? 3. Quels enjeux et quelles compétences nouvelles à mobiliser dans un contexte où les priorités politiques et la gouvernance locale évoluent, où les exigences augmentent et les projets se complexifient ? • Evolutions récentes en termes (cf. classification de la convention collective) : - - De contenu de l!activité D!autonomie et d!initiative De technicité, de connaissance/savoirs/ « savoir être » relationnels, au-delà du « bagage initial » De polyvalence « horizontale » et « verticale » ! Pour faire face aux nouveaux enjeux environnementaux, sociaux (handicap, habitat indigne, ANRU…), patrimoniaux et économiques ? ! Pour faire face à la complexification des projets et de leur mode de pilotage (projets renouvellement urbain, AMO, AEU…), dans une gouvernance locale de plus en plus affirmée (communes et intercommunalités, Conseil général) de territoire, aménagement en 104 ! En termes d!identité et de positionnement pour la structure et ses salariés ? ! En regard du positionnement des autres partenaires/interlocuteurs des collectivités et des particuliers : services de l!Etat, agence d!urbanisme, bureaux d!études, aménageurs et professionnels de l!immobilier (promoteurs…), ADEME, ADIL… 4. Quels besoins et quelles demandes de formation des salariés ? Quelle connaissance de l!offre et des dispositifs en la matière ? • Quelle connaissance de la convention collective, de la structuration de la branche et du dispositif de formation ? Plan de formation et GPEC Validation des acquis de l!expérience (VAE) Congé individuel de formation (CIF) Droit individuel à la formation (DIF) • Quelle connaissance de l!offre : les salariés connaissent-ils bien l!offre de formation disponible et ont-ils accès à l!information existante en la matière : organismes de formation (GEPA…), plaquettes Habitat Formation, pôles de compétence régionaux, catalogues de formations (DAPA…) producteurs de supports de formation (type MIQCP, CNOA), sites internet du CNOA et de la FNCAUE ? réflexions, séminaires et groupes d!échange au niveau fédéral (national et régional) • Besoin ou non d!une territorialisation plus marquée de l!élaboration de l!offre de formation ? • Besoin d!adaptation ou non de la politique de « priorités de formation » établie par la branche ? • Quels obstacles au suivi de formations ? Coût ? Temps ? Connaissance et accès à la formation des différents employés : est-ce toujours les mêmes salariés qui se forment, ou la formation profite-t-elle à tous ? Position de principe peu favorable à la formation de la part de la direction ou de certains salariés ? 105