Alliances et diversité - Revue Française de Gestion

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Alliances et diversité - Revue Française de Gestion
DOSSIER
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PAR MANUEL CARTIER
Alliances
et diversité
dans l’industrie photographique
Ce papier étudie les
alliances à travers un
dispositif méthodologique
reposant sur la simulation.
Les résultats du modèle,
comparés à l’évolution de
l’industrie photographique,
permettent d’en formaliser
la dynamique. La diversité
apparaît comme le moteur
essentiel de l’adaptation,
impliquant différentes
stratégies d’alliances en
terme de choix du
partenaire et de timing.
U
ne alliance stratégique est une association
entre des entreprises concurrentes qui choisissent de mener à bien un projet ou une activité
spécifique en coordonnant leurs ressources. Dans des
secteurs matures, les alliances sont le plus souvent utilisées pour réduire les coûts : élimination des coûts de
transaction, diminution des coûts de production ou de
dépenses opérationnelles. Mais l’intensification des
alliances sur les trente dernières années1 vise en grande
partie à répondre à la complexité grandissante de l’environnement. Les ruptures technologiques majeures
induisent ainsi des alliances de grande ampleur. Dans
l’industrie des écrans par exemple, où les technologies
PDP, LCD et OLED progressent continuellement, les
alliances de complémentarité (comme l’accord entre
Hitachi et Matsushita annoncé en février 2005) ont
succédé aux alliances préconcurrentielles (la collaboration entre RCA et Sharp ayant par exemple permis,
dans les années 1960, de développer la technologie
LCD). Hagedoorn (2002) considère ainsi que les
1. Hagedoorn (2002) dénombre plus de dix fois plus de partenariats en
R&D sur la période 1990-1999 que sur la période 1970-1979.
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Revue française de gestion – N° 165/2006
alliances sont sources de fertilisation croisée de champs, de capture des connaissances tacites du partenaire et de transferts
de technologies (processus d’innovation),
et sont de plus en plus pertinentes dans les
industries à forte intensité technologique.
Pour Powel et al. (1996, p. 116), « quand
la base de connaissances d’une industrie
est à la fois complexe et grandissante, et
que les sources d’expertise sont largement
dispersées, la capacité d’innovation réside
plus dans les réseaux d’apprentissage que
dans les entreprises individuelles »2. Si les
conditions de formation des alliances sont
déjà largement explorée dans la littérature
(Park et al., 2002), en termes de marché et
de profils d’entreprises, les conséquences
des alliances sur la dynamique d’une
industrie restent peu étudiées (Park et
Zhou, 2005).
L’objectif de cet article est donc d’étudier
l’impact des alliances sur le processus
d’adaptation d’une industrie suite à une
rupture technologique à travers quatre
questions. Les alliances sont-elles efficaces ? Le timing des alliances par rapport à
l’évolution de la technologie est-il important ? Quelle est l’influence de la nature des
entreprises alliées (entreprises en place ou
nouveaux entrants) ? Comment évolue la
diversité au sein d’une industrie sous l’effet
d’alliances ?
Pour répondre à ces questions, un modèle
de simulation est développé. Dans ce dernier, des agents, représentations stylisées
d’entreprises, évoluent par mutation et
recombinaison de leurs caractéristiques.
Cette métaphore « interactionniste » permet
d’observer et de comprendre des phénomènes complexes émergeants liés à des
comportements individuels simples.
Dans la première partie de cet article, une
monographie de l’évolution de l’industrie
photographique est dressée et les hypothèses de recherche formulées. La
deuxième partie expose le modèle de simulation représentatif de l’industrie photographique. Dans la troisième partie, le comportement du modèle est comparé aux
observations réalisées dans l’industrie.
Enfin, dans la quatrième partie, le modèle
de simulation est utilisé pour tester les
hypothèses et enrichir la compréhension
des alliances.
I. – L’INDUSTRIE
PHOTOGRAPHIQUE FACE
AU NUMÉRIQUE
Avec l’arrivée de la technologie numérique,
les changements ont été importants, en
termes d’innovation produit, d’évolution
des positions concurrentielles ou d’entrée
sur le marché de nouveaux acteurs. Les
alliances, visant à établir de nouveaux standards (pour l’appareil avec l’APS, les cartes
mémoires avec les normes compact flash ou
microdrive, les écrans avec les technologies
organiques ou électroluminescentes, etc.),
se sont multipliées. Cette courte monographie de l’industrie, associée à la littérature
académique sur les alliances stratégiques,
permet de poser quatre hypothèses liées à la
dynamique créée par les alliances.
2. “When the knowledge base of an industry is both complex and expanding and the sources of expertise are widely
dispersed, the locus of innovation will be found in networks of learning rather than in individual firms.”
Alliances et diversité dans l’industrie photographique
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1. Les changements technologiques
dans l’industrie
En 2005, la part de marché des appareils
numériques dépassait 95 % en France, alors
qu’elle était négligeable dix ans auparavant.
Les appareils argentiques sont relégués au
rang d’antiquité. La technologie CCD, base
de la technologie numérique appliquée à la
photographie, a progressé régulièrement.
L’alignement entre la technologie et les
besoins du consommateur s’est effectué en
1999. Les progrès réalisés dans la technologie CCD ont permis la réalisation de capteurs atteignant les 2 millions de pixels3, le
seuil susceptible de faire basculer un grand
nombre de consommateurs vers la photo
numérique se situait autour de 2 millions de
pixels. Le premier appareil numérique
grand public (à un prix inférieur à 1000 dollars) a été lancé par Apple en 1994. La
période étudiée dans l’industrie couvre
10 années, de 1994 à 2003.
2. La population d’entreprises
L’industrie considérée est celle des fabricants d’appareils photographiques (hors
appareils jetables). Les activités annexes à
la production d’appareils (pellicules, développement, etc.) sont exclues. Un recueil
de données exhaustif au niveau cette population est délicat. En effet, le recoupement
de plusieurs listes proposées par des associations professionnelles (Photo Marketing
Association, Future Image Report, etc.) a
permis d’identifier 341 fabricants d’appareils photographiques. Seules les entreprises les plus importantes, en termes d’innovation produit et de chiffre d’affaires,
183
ont été retenues (tableau 1). Sur cette population, seules 20 entreprises étaient présentes en 1994 (Kodak, Leica et Rollei
pour les plus anciennes). Suite à l’émergence de la technologie numérique,
13 entreprises sont entrées sur le marché de
la photographie après 1994 (Matsushita,
Sony, Sanyo, etc.).
3. L’adaptation des entreprises
à la technologie numérique
Dans l’industrie photographique, la position technologique de chaque entreprise
entre 1994 et 2003 a été mesurée. Cette
position technologique dépend des compétences détenues à un instant donné. Comme
les compétences ne sont pas directement
observables, ces dernières ont été mesurées
à travers leur conséquence la plus visible :
l’innovation (produit). Pour Danneels
(2002, p. 1096), « l’innovation-produit
conduit le renouvellement organisationnel
par l’exploitation et l’exploration des compétences de l’entreprise »4. Dans l’industrie
photographique, trois types d’innovations
produit peuvent être distingués :
– les innovations « argentiques » : 35 mm,
instantané et 110 mm ;
– les innovations utilisant le standard APS
(lancé en 1996 par un groupe de cinq entreprises), combinaisons des technologies
argentiques (pour la pellicule qui reste photosensible) et numériques (pour la bande
magnétique stockant des données numérisées associées à la prise de vue) ;
– les innovations « numériques ».
Pour chaque entreprise, les produits
lancés entre 1994 et 2003 ont été
3. “The 1998-1999 DIMA Data Digital Imaging Industry Trends Report, 1999.”
4. “Product innovation drives organizational renewal by exploiting and exploring firm competences.”
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L’ENTRÉE DES PRINCIPALES ENTREPRISES
DANS L’INDUSTRIE PHOTOGRAPHIQUE
Entreprises
Entrée
Création
Eastman Kodak
Leica Holding B. V. Group
Rollei
Minolta Corporation
Canon Incorporation
Olympus Optical Corporation
Argus Camera Incorporation
1888
1924
1928
1929
1935
1936
1936
1888
1849
1920
1928
1934
1919
1931
Vivitar Corporation
1938
1938
Nikon Corporation
1945
1910
Fujifilm Corporation
1948
1934
Minox Corporation
1948
1936
Polaroid Corporation
Pentax Corporation
Goko Camera Ltd.
1948
1952
1953
1929
1919
1953
Ricoh Compagny
1957
1936
Kyocera Corporation
Sigma Corporation
Konica Corporation
Concord Camera Corporation
Samsung Group
Casio Computer Corporation
Agfa-Gevaert Group
Epson Corporation
Aiptek Incorporation
Hewlett Packard Compagny
Matsushita Electric Corp.
Sony Corporation
Toshiba Corporation
Sanyo Group
1959
1966
1968
1982
1990
1996
1997
1997
1998
1998
1998
1998
1998
1999
1846
1961
1929
1982
1969
1936
1896
1961
1997
1939
1960
1946
1875
1947
Pan Acer Group
2001
1976
Hawking Technology Inc.
Foxlinks Peripherical Inc.
Umax UK Ltd.
2001
2001
2002
1990
2001
1996
Activité à l’origine
Photographie
Instruments optiques, microscopes
Ingénierie de précision et optique
Instruments optiques
Instruments optiques
Instruments optiques et microscopes
Radio
Distribution de produits
photographiques
Instruments optiques, par la fusion de
trois sociétés
Produits liés à l’image
Instruments optiques, rachetée par Leica
en 1996
Photographie instantanée
Instruments optique
Instruments optiques
Papier photo-sensible et instruments
optiques
Instruments optiques
Instruments optiques
Papier et pellicules
Assemblage d’appareils
Électronique
Instruments de calcul
Pellicules, se retire du marché en 2002
Image et impression
Périphériques informatiques
Oscillateurs audio
Électronique
Électronique
Équipement télégraphique puis électrique
Électrique, fondée en 1947
Électronique et informatique, holding
depuis 2003
Réseaux (câbles, connections, routers…)
Imagerie numérique
Scanners
Alliances et diversité dans l’industrie photographique
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Tableau 1
ÉVOLUTION DE L’ADAPTATION À LA TECHNOLOGIE NUMÉRIQUE
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Année
Adaptation
à la technologie
numérique
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
0%
6%
20 %
36 %
45 %
51 %
58 %
70 %
74 %
91 %
identifiés5. Le tableau 1 présente l’évolution de l’adaptation à la technologie numérique exprimée en pourcentage des innovations utilisant la technologie numérique.
Dans l’industrie photographique, les entreprises s’adaptent en innovant. Dans l’industrie des biotechnologies, Powel et al.
(1996) vérifient la relation positive entre les
liens interorganisationnels et un jeu de
variables liées à la qualité de la politique
d’innovation. Stuart (2000) généralise ces
résultats en testant l’impact positif des
alliances à la fois sur la performance économique (respectivement le taux de profit
et la croissance des ventes) et sur la tendance à l’innovation (nombre de brevets
déposés par les partenaires). C’est pourquoi
l’hypothèse suivante peut être formulée.
Hypothèse 1. Les alliances contribuent à
l’adaptation d’une industrie à une nouvelle
technologie.
4. Les alliances au sein de l’industrie
Pour recenser les alliances dans l’industrie
photographique, la méthode de « comptage
d’alliances à partir de la littérature »
(Hagedoorn, 2002, p. 491) a été employée.
Trois sources ont été utilisées : des documents émis par les entreprises concernées
(communiqués de presse, rapports annuels,
etc.), une base de 200 000 articles issus de
5 000 revues francophones, les publications
réalisées par la Photo Marketing Association et la Digital Photography Review.
Seules les alliances qui concernent directement la photographie numérique et qui sont
liées à la recherche fondamentale, le développement de nouveaux produits ou le
transfert de technologies, ont été retenues.
Le tableau 2 présente la répartition dans le
temps des 88 alliances ainsi isolées. Le
développement en 1999 par Sanyo et
Kodak d’une nouvelle génération d’écrans
Tableau 2
DÉNOMBREMENT DES ALLIANCES DANS L’INDUSTRIE PHOTOGRAPHIQUE
Année
Nombre d’accords
1994 1995
0
4
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
8
12
12
10
19
16
5
2
5. Pour les appareils numériques, la Digital Photography Review propose l’inventaire de tous les lancements d’appareils numériques grand public effectués par 23 marques, soit au total 429 lancements. La fiabilité de cette base a
été vérifiée, en la comparant les produits présentés par les entreprises sur leur site institutionnel. Pour les appareils
utilisant la technologie argentique et pour les appareils APS, la base construite par un particulier japonais, recense
les nouveaux produits (hors numériques) lancés par 26 marques depuis le début des années 1980.
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plats pour appareils numériques fondée sur
l’électroluminescence en est un exemple.
Le nombre d’alliances n’apparaît pas uniformément réparti dans le temps. Plus de
78 % des alliances ont eu lieu entre 1997 et
2001. Pour Niosi, « le timing des alliances
est important. Certaines arrivent trop tôt et
l’entreprise […] ne peut tirer partie de ses
innovations »6 (2003, p. 745). De plus,
Niosi (2003, p. 748) note que, « si l’alliance
arrive trop tard, l’entreprise peut déjà se
trouver dans une position difficile »7. Ceci
conduit à la formulation de l’hypothèse suivante.
Hypothèse 2. Les alliances sont d’autant
plus efficaces qu’elles sont réalisées à un
moment intermédiaire entre émergence et
avènement d’une technologie.
Suite au dénombrement des alliances, ces
dernières ont été codées en trois catégories :
alliances entre entreprises en place,
alliances entre nouveaux entrants et
alliances mixtes. La répartition entre ces
catégories apparaît dans le tableau 3.
On constate que les alliances mixtes (entre
un nouvel entrant et une entreprise en
place) sont relativement plus fréquentes
que les autres. On peut donc supposer que
ces dernières sont plus efficaces. Rothaermel (2001) démontre d’ailleurs que les
entreprises en place peuvent tirer partie de
l’entrée d’entreprises dans leur industrie à
travers la coopération, malgré la menace
que ces entrants représentent. Ceci conduit
à la formulation de l’hypothèse suivante.
Hypothèse 3. Les alliances mixtes (entre
entreprises en place et nouveaux entrants)
sont plus efficaces que les alliances non
mixtes.
5. La diversité des positions
technologiques des entreprises
Chaque entreprise a suivi des trajectoires
d’adaptation différentes. Par exemple, les
alliés de l’APS se sont adaptés incrémentalement tandis que les entreprises proposant
des produits haut de gamme ont maintenu la
technologie argentique jusqu’à ce que ses
performances soient excellentes, pour
ensuite opérer une transition rapide. On
observe une diversité dans l’adaptation des
entreprises à la technologie numérique.
Pour quantifier la dispersion entre les adaptations des 33 entreprises, l’écart type a été
Tableau 3
CATÉGORIE D’ALLIANCES DANS L’INDUSTRIE PHOTOGRAPHIQUE
Catégorie d’alliances
Effectif observé
Fréquences observées
Fréquences
théoriques8
Entre entreprises en place
Entre nouveaux entrants
Mixte
22
14
52
26,8 %
15,9 %
59,1 %
36,7 %
15,5 %
47,8 %
6. “The timing of alliances is important. Some alliances arrive too early and the […] firm could not profit from its
innovation.”
7. “If the alliance comes too late the firm may already find itself in a weak position.”
8. Avec indépendance des observations, pour une population composée de 20 entreprises en place et de 13 nouveaux
entrants, les fréquences théoriques correspondent par exemple à (20/33)2 pour les alliances entre entreprises en
place.
Alliances et diversité dans l’industrie photographique
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Tableau 4
ÉVOLUTION DE LA DIVERSITÉ DANS L’ADAPTATION
À LA TECHNOLOGIE NUMÉRIQUE
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Année
Diversité
des positions
technologiques
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
0
0,16
0,27
0,35
0,41
0,4
0,34
0,33
0,29
0,2
utilisé : un indicateur à 0 indique une parfaite homogénéité dans les adaptations, un
indicateur égal à 1, une hétérogénéité maximale. L’évolution de la diversité au sein de
l’industrie photographique apparaît dans le
tableau 4.
Cette forme d’évolution est cohérente avec
les modèles théoriques de cycle de vie technologique (Tushman et Anderson, p. 1986) :
le cycle commence par une homogénéité
des positions liée à l’hégémonie de la technologie argentique, il se poursuit par une
phase de révolution organisationnelle,
synonyme de forte croissance de la diversité et s’achève par l’émergence d’un nouveau modèle dominant.
Par rapport à l’évolution de cette diversité,
les alliances ont joué un rôle déterminant.
Jusqu’en 1998, les alliances en jeu permettent à des groupes d’acteurs (comme les
cinq instigateurs de l’APS en 1996 ou le
consortium qui a permis d’établir les cartes
mémoires compact flash en 1997) de
prendre de l’avance sur leurs concurrents
figés sur la technologie argentique, accroissant ainsi la diversité au sein de l’industrie.
À partir de 1999, les alliances (comme le
développement et la production jointe de
700 000 appareils par HP et Konica en 2000
ou le transfert de technologie dans le
domaine des censeurs d’Olympus vers
Kodak en 2001) permettent un rattrapage
par les entreprises en retard, accélérant ainsi
la convergence au sein de l’industrie autour
de la technologie numérique. Selon
Mowery et al. (1998, p. 511), « au cours du
temps, comme conséquence de l’apprentissage organisationnel, les entreprises absorbent certaines capacités de leur partenaire.
La participation à une alliance doit donc
accroître les similarités des profils technologiques des partenaires »9. Ceci permet
d’émettre l’hypothèse suivante.
Hypothèse 4. En phase d’émergence d’une
technologie, les alliances accroissent la
diversité au sein d’une industrie tandis
qu’en phase de maturité, les alliances diminuent cette dernière.
Un modèle informatique représentant l’industrie photographique et simulant son
adaptation à la technologie numérique va à
présent être construit.
II. – CONSTRUCTION DU MODÈLE
Dans le but d’étudier la dynamique des
alliances au sein d’une industrie, l’algorithme génétique va être utilisé. Ce modèle,
9. “Over time, as a consequence of organizational learning, firms absorb some of the capabilities of their alliance
partner. Participation in an alliance therefore should increase the similarities of partners’ technological profiles.”
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Revue française de gestion – N° 165/2006
développé par Holland en 1975, permet de
faire évoluer une population d’agents, en
utilisant la sélection naturelle et des opérateurs inspirés de la génétique. Il utilise des
vecteurs d’apprentissage individuels et
d’échange permettant à des agents de
s’adapter. En tant qu’outil de résolution de
problèmes, l’algorithme génétique est
recommandé lorsque la combinaison d’un
nombre important de solutions et de relations non linéaires rend impossible une
résolution analytique. Selon Bruderer et
Singh (1996, p. 1327), « l’algorithme génétique peut être utilisé pour représenter des
formes organisationnelles par des chaînes
de symboles abstraits dans lesquelles
chaque symbole incarne un choix particulier de routine »10.
1. Des agents sur un terrain
d’adaptation changeant
Chaque agent, entreprise idéalisée, est
constitué de 100 bits, représentant un portefeuille de choix technologique. Ces bits
peuvent prendre deux valeurs. Les agents
peuvent donc prendre une multitude de
formes possibles (2100) : une exploration
exhaustive de cet espace, à l’image d’un
processus d’innovation totalement planifié
dans l’organisation, est impossible11. Notre
modèle utilise un terrain d’adaptation : à
chaque bit correspond une performance.
Dans ce cadre, une métaphore de l’adaptation des organisations à leur environnement
est trouvée dans le déplacement d’agents
progressant le long des pentes du terrain.
Bruderer et Singh (1996, p. 1325) considèrent que « les terrains d’adaptation organisationnels sont des métaphores utiles pour
décrire la dynamique de l’évolution d’organisations »12. Levinthal (1997, p. 935) formalise les apports du concept de terrain
d’adaptation en sciences sociales, « point
de départ utile pour l’analyse des processus
d’adaptation et de sélection (…) carte unissant une caractérisation des formes organisationnelles à un état de performance ou de
propension à la survie »13. Dans le modèle,
chaque bit contribue à la performance avec
un poids identique. Les bits « 1 » sont valorisés tandis que les « 0 » ne le sont pas.
C’est un terrain lisse avec un optimum
unique. La performance d’un agent est donc
égale à 100 si ses caractéristiques sont
idéales (l’agent est placé sur le pic le plus
haut du terrain d’adaptation). La période
1994-2003 de l’industrie photographique
est découpée en 100 périodes. À la période
initiale, les agents sont uniquement constitués de « 0 », ils ne sont pas adaptés au terrain, tout comme les entreprises photographiques, qui ne maîtrisent pas, encore, la
technologie numérique.
2. La population d’agents
En période 0, le modèle représente
20 entreprises (taille de l’industrie en
1994), c’est-à-dire 20 agents inadaptés au
terrain. Des nouveaux agents vont ensuite
prendre part à la simulation, entre la
10.“The genetic algorithm can be used to represent organizational forms as abstract symbol strings in which each
symbol stands for a particular choice of routine.”
11. Même avec un temps réduit (une seconde par solution potentielle), il faudrait 35 000 ans pour explorer toutes
les formes potentielles d’un agent composé de seulement 40 bits.
12. “Organizational fitness landscapes are a useful metaphor for describing the dynamics of organizational evolution.”
13. “Useful starting point for an analysis of adaptation and selection processes (…) a specification of a mapping
from a characterization of an organizational form to a statement of fitness or likelihood of survival.”
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Alliances et diversité dans l’industrie photographique
période 25 (représentant le milieu de l’année 1996, date d’entrée de Casio Computer
Corporation) et la période 85 (année 2002,
date d’entrée de Umax UK Ltd.). Ces nouveaux entrants sont initialisés aléatoirement. Les agents représentant des entreprises qui quittent l’industrie sont tout
simplement retirés de la population
d’agents (Minox, racheté par Leica en 1996
et Agfa qui quitte l’industrie en 2002).
3. Les échanges entre agents
Une alliance est considérée comme un
vecteur d’échange de technologies et
modélisée par la recombinaison d’agents.
Dans le modèle, pour chaque alliance
observée dans l’industrie, 2 agents sont
sélectionnés aléatoirement, à la période
correspondant au moment où l’alliance est
recensée. Dans une alliance, chaque partenaire apporte à l’autre une partie de ses
caractéristiques. Dans le modèle, un croisement est effectué à partir des 2 agents
sélectionnés (figure 1).
Les deux agents « parents » croisent leurs
caractéristiques14 pour former deux agents
« enfants ». Chaque agent issu du croise-
189
ment est ensuite comparé à un de ses
« parents ». Si sa performance est supérieure, il le remplace. Sinon, le chromosome « parent » reste inchangé.
4. L’apprentissage individuel
Barney (1995, p. 54) constate que « de plus
en plus fréquemment, l’avantage concurrentiel d’une entreprise semble dépendre de
nombreuses petites décisions à travers lesquelles les ressources et compétences sont
développées »15. De plus, les organisations
cherchent des solutions dans le voisinage
de leur position actuelle (Cyert et March,
1963). Dans le modèle, la transformation
des agents est aléatoire. À chaque période,
chacune des caractéristiques change avec
une probabilité : le taux de mutation. Si la
performance après mutation est supérieure,
l’agent conserve ses nouvelles caractéristiques. Le taux de mutation choisi est de
1 %16.
Un modèle simple représentant l’industrie
photographique étant construit, l’adaptation
et la diversité simulées par ce dernier vont
être comparées aux données recueillies au
sein de cette même industrie.
Figure 1
LE CROISEMENT : EXEMPLE AVEC DES AGENTS COMPOSÉS DE NEUF BITS
14. Le terme de chromosome est au singulier car les caractéristiques de chaque agent sont codées dans un chromosome unique.
15. “More and more frequently, a firm’s competitive advantage seems to depend on numerous small decisions
through which a firm’s resources and capabilities are developed.”
16. Bäch (1993) recommande en effet un taux égal à 1/N (N étant le nombre de caractéristiques composant les
agents).
190
Revue française de gestion – N° 165/2006
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III. – ADÉQUATION ENTRE
DONNÉES RÉELLES ET SIMULÉES
Il est possible de juger du bon comportement d’un modèle uniquement si ce dernier
a été paramétré, ou « nourri » avec des données réelles (Axtell, 2000). La validité n’est
pas prédictive. Le modèle n’a pas pour
objectif d’inclure toutes les sources de
variance présentes dans une population
d’entreprises. Il n’est pas nécessaire que les
résultats des simulations soient la réplique
exacte des données réelles. Il convient, par
contre, de montrer que les évolutions en
tendance des variables réelles et simulées
sont comparables. La figure 2 permet d’observer l’évolution de l’adaptation des
agents et de la diversité au sein de la population, à partir d’une simulation.
Au cours de cette simulation, les agents
s’adaptent au nouveau terrain, à travers les
deux mécanismes permettant cette évolution favorable : apprentissage individuel et
échanges entre agents. À la période 0, les
agents sont exclusivement composés de
caractéristiques non valorisées par le terrain
d’adaptation. À la période 100, environ
85 % de leurs caractéristiques sont adaptées
au terrain. Par ailleurs, la diversité au sein
de la population d’agents progresse, d’une
situation initiale où tous les agents sont
identiques, jusqu’à un maximum situé à une
période intermédiaire, pour ensuite diminuer. La non linéarité de la progression est
issue du caractère stochastique des événements liés à l’adaptation (mutations des
caractéristiques des agents et recombinaisons).
L’objectif est de comparer les variables sortantes du modèle représentatif de l’industrie
photographique aux observations réalisées
dans cette même industrie : adaptation à la
technologie numérique et de la diversité des
positions technologiques des entreprises.
Les données simulées sont des moyennes
effectuées sur 100 simulations. La figure 3
représente l’évolution de ces variables.
La validité du modèle représentatif apparaît
satisfaisante. Le modèle construit va, dans
une seconde étape, être utilisé pour tester
les quatre hypothèses formulées précédem-
Figure 2
EXEMPLE DE SIMULATION DE L’ÉVOLUTION
DE L’INDUSTRIE PHOTOGRAPHIQUE
Alliances et diversité dans l’industrie photographique
191
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Figure 3
ÉVOLUTION DE L’ADAPTATION ET DE LA DIVERSITÉ,
RÉELLES ET SIMULÉES
ment et éclairer la dynamique de collaboration au sein d’une industrie.
IV. – UNE SIMULATION DE LA
DYNAMIQUE DES ALLIANCES
Pour tester les hypothèses concernant la
dynamique des alliances au sein d’une
industrie, un dispositif d’expérimentation
est mis en place à partir du modèle
construit. Deux modèles différenciés par la
variable indépendante de chaque hypothèse
sont utilisés. Les autres variables susceptibles d’intervenir sur l’adaptation ou la
diversité sont ainsi contrôlées.
Les alliances sont-elles un vecteur
favorable d’adaptation ?
La figure 4 permet d’observer la différence dans l’évolution de l’adaptation des
Figure 4
L’IMPACT DES ALLIANCES SUR L’ADAPTATION ET LA DIVERSITÉ
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Revue française de gestion – N° 165/2006
agents et de leur diversité, avec et sans
alliances.
L’hypothèse 1 est supportée par les simulations
Dans le modèle, les agents utilisent la
diversité induite par le processus d’apprentissage individuel et l’arrivée de nouveaux
agents pour échanger les bonnes caractéristiques découvertes par certains membres de
la population. La diversité au sein de la
population constitue ainsi la réserve
d’« énergie » permettant aux alliances
d’être efficaces. Sans alliances, la diversité,
en tant que ressource de la population, augmente sans être mise à profit.
Le timing de constitution des alliances au
sein d’une industrie est-il important ?
La figure 5 permet d’observer la différence
dans l’évolution de l’adaptation des agents
et de leur diversité, avec et sans alliances.
L’hypothèse 2 est supportée par les simulations
Les alliances en phase intermédiaire semblent plus efficaces que les alliances qui
suivent la rupture technologique ou qui sont
nouées tardivement. Les alliances utilisent
un levier essentiel : la diversité au sein
d’une industrie. Les alliances trop précoces
mettent en jeu des entreprises dont les ressources sont trop homogènes.
Les alliances entre nouveaux entrants et
entreprises en place sont-elles plus efficaces?
Pour répondre à cette question, dans le
modèle alternatif au modèle de base, la
sélection des agents pour participer à un
échange de caractéristiques n’est plus aléatoire (à partir de la période 25, à laquelle un
nouvel agent apparaît). Ne sont sélectionnés que des agents représentant des entreprises de nature différente (nouveaux
entrants et entreprises en place). La figure 6
permet d’observer la différence dans l’évolution de l’adaptation des agents et de leur
diversité, avec et sans alliances.
L’hypothèse 3 n’est pas supportée par les
simulations
Les nouveaux entrants apportent dans une
industrie des ressources différentes de
celles des entreprises en place. L’utilisation de cette diversité supplémentaire est
un levier pour l’industrie, mais une
alliance entre une entreprise en place et un
Figure 5
L’IMPACT DU TIMING DES ALLIANCES SUR L’ADAPTATION
ET LA DIVERSITÉ
Alliances et diversité dans l’industrie photographique
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Figure 6
L’IMPACT DE LA NATURE DES ALLIÉS SUR L’ADAPTATION
ET LA DIVERSITÉ
nouvel entrant n’est efficace que si la singularité des nouveaux entrants est préservée. Si seules des alliances mixtes sont
pratiquées, l’apport des nouveaux entrants
s’épuise et les découvertes des entreprises
en place ne sont pas partagées. Ainsi,
d’après les simulations réalisées, ce n’est
pas tant la nature des alliés qui importe
mais la recherche de complémentarités
potentielles, dans une dynamique d’évolution à long terme.
Si les alliances rapprochent les entreprises
qui y participent, quelles en sont les
conséquences sur la diversité au sein
de l’industrie ?
Comme le montre la figure 7, l’échange de
ressources au moment de la phase d’expéri-
Figure 7
ALLIANCES ET ÉVOLUTION DE LA DIVERSITÉ
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Revue française de gestion – N° 165/2006
mentation et de révolution industrielle
(Tushman et Anderson 1986 ; Bruderer et
Singh, 1996) peut permettre aux alliés de
partager des ressources encore peu diffusées dans l’industrie, accroissant ainsi la
diversité. Les alliances accélèrent ensuite
l’émergence d’un modèle dominant.
Hypothèse 4 est supportée par les simulations
Si les alliances peuvent consommer la
diversité au sein d’une industrie pour la
transformer en performance, les alliances
peuvent également permettre à un groupe
d’entreprises de se distinguer de ses concurrents.
CONCLUSION
Ce papier illustre que la coopération,
comme mécanisme d’intelligence distribuée au sein d’une industrie, peut permettre
le partage de ressources qu’une entreprise
n’aurait pu développer seule. Les simulations réalisées tendent également à montrer
que l’efficacité des alliances dépend dans
une large mesure de la différenciation du
profil des partenaires, ce qui rejoint les
résultats de Stuart (2000). L’industrie utilise sa diversité, issue des processus d’apprentissage des entreprises, pour améliorer
son processus d’adaptation. Si la diversité
est l’énergie des alliances dans l’adaptation
d’une industrie, elle peut également constituer un frein, ce qui reste dans ce papier une
perspective inexplorée. En effet, Lane et
Lubatkin (1998) montrent dans l’industrie
des biotechnologies que c’est la similarité
(en termes de structure) qui permet l’apprentissage. De même, Mowery et al.
(1998, p. 510) considèrent que « les entreprises poursuivant conjointement le développement d’une technologie par le biais
d’une alliance requièrent un certain niveau
de similitudes au plan technologique pour
faciliter l’échange de savoir-faire »17.
Ainsi, si la métaphore de l’algorithme génétique est éclairante, elle comprend également des limites. En effet, ce système isolé
et idéalisé offre une vue particulière de la
réalité qu’il cherche à représenter. Selon
Morgan (1997, p. 5), « la métaphore est
fondamentalement paradoxale, elle peut
produire des idées prépondérantes qui sont
également des distorsions »18.
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some level of technological ‘overlap’, to facilitate know-how exchange and development.”
18. “Metaphor is inherently paradoxical, it can create powerful insights that also become distorsions.”
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Alliances et diversité dans l’industrie photographique
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