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Tome 2
Hématologie clinique
La leucémie
myéloïde chronique
R. LACROIX, F. SABATIER, F. DIGNAT-GEORGE et J. SAMPOL
Laboratoire d’immunologie et d'hématologie, UFR de pharmacie,
Aix-Marseille Université.
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La leucémie myéloïde chronique
Éti
Phy
Cli
Exa
Hémogramme
Moelle osseuse
Caryotype et biologie moléculaire
Autres examens biologiques
Dia
Myélémies réactionnelles
Autres syndromes myéloprolifératifs
Évo
Phase myélocytaire chronique
Phase d’accélération
Phase de transformation aiguë
Pro
Tra
Traitement de la phase chronique
Traitement de la transformation aiguë
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Tome 2
Hématologie clinique
L
a leucémie myéloïde chronique (LMC) fait partie des syndromes
myéloprolifératifs. Elle se caractérise par une prolifération prédominante de la lignée
granuleuse et par la présence d’une anomalie cytogénétique spécifique, le
chromosome Philadelphie (Ph) ou son équivalent moléculaire, le réarrangement
moléculaire bcr/abl. Elle évolue naturellement en trois phases en l'absence de
traitement : une phase chronique, une phase accélérée et une transformation en
leucémie aiguë (transformation aiguë ou TA).
I.
Étiologie, épidémiologie
Aucune prédisposition génétique n’est identifiée. Les radiations ionisantes
et certains toxiques (benzène) ont été mis en cause. La fréquence est
d’environ dix cas par million d’individus par an. L'âge médian au diagnostic
est de 60 ans. Les hommes sont plus touchés que les femmes.
II.
Physiopathologie
La leucémie myéloïde chronique est due à une prolifération clonale maligne
d’un précurseur hématopoïétique pluripotent. Le chromosome Ph, est en effet
présent dans les mitoses des précurseurs des granuleux, des monocytes, des
érythroblastes, des mégacaryocytes et aussi des lymphocytes T et B. Les
cellules du stroma de la moelle ne comportent pas cette anomalie. L’anomalie
cytogénétique est acquise. Elle est le résultat d’un échange de matériel
génétique (ou translocation réciproque) entre les chromosomes 9 et 22
(t(9;22)(q34q11)) et correspond à un chromosome 22 raccourci (22q-). Les
cellules présentant cette anomalie supplantent progressivement les cellules
normales.
Lors de la translocation, le proto-oncogène abl –homologue du gène murin
d’Abelson (rétrovirus transformant de la leucémie murine) –, est transféré du
chromosome 9 sur le chromosome 22 au niveau d'un point de cassure situé
dans une région appelée bcr (break cluster region). Le gène chimérique ainsi
formé, bcr/abl, est transcrit en une protéine hybride p210 (210kDa), dotée
d’une forte activité tyrosine kinase jouant un rôle essentiel dans la
prolifération et à l’accumulation des cellules granuleuses. En phase de
transformation aiguë, d’autres anomalies cytogénétiques viennent se
surajoutées à la translocation pathognomonique.
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La leucémie myéloïde chronique
III.
Clinique
La maladie s’installe de façon insidieuse. Les signes menant à sa
découverte sont peu caractéristiques : asthénie, amaigrissement ou
pesanteur abdominale conduisant à la découverte d’une splénomégalie.
Parfois, la découverte est faite à l’occasion d’un examen systématique
clinique ou hématologique et rarement à l’occasion d’une complication :
thrombose veineuse, crise de goutte, infarctus splénique. La splénomégalie
modérée est le signe clinique majeur, mais parfois la rate n’est pas palpable
au moment du diagnostic.
IV.
Examens biologiques
A.Hémogramme
L’hémogramme est essentiel au diagnostic. Une forte leucocytose est
classique entre 50 et 300  109/L. La formule leucocytaire est
caractéristique. Elle montre 90 à 95 % d’éléments granuleux, une
polynucléose neutrophile (entre 40 et 45 %), une basophilie (3 à 10 %), une
éosinophilie (3 à 10 %) et surtout une myélémie importante entre 20 et 40 %
des éléments de la formule. La myélémie est constituée surtout de
métamyélocytes, de myélocytes, de quelques promyélocytes et plus
rarement de quelques myéloblastes. Ces cellules ont une morphologie
normale. Le chiffre des globules rouges est normal. Le chiffre des
plaquettes est modérément élevé 450 à 600  109/L.
B.Moelle osseuse
• Le myélogramme affirme le syndrome myéloprolifératif. Il est très riche,
en nappe et comporte plus de 80 % de lignée granuleuse. Tous les stades
de maturation sont représentés avec un léger excès de myéloblastes et
promyélocytes. Une éosinophilie et une basophilie sont constantes. Les
érythroblastes
sont
diminués
en
pourcentage (< 5 %).
Les
mégacaryocytes sont nombreux et dystrophiques (de petite taille).
• La biopsie médullaire n'est pas indispensable au diagnostic. Elle montre
une grande hyperplasie du tissu myéloïde avec disparition du tissu
adipeux. Les cellules granuleuses représentent l’essentiel de cette
hyperplasie. Les mégacaryocytes sont nombreux et de petite taille. Les
îlots d’érythroblastes sont très rares. Il n’existe pas de fibrose de la trame
de réticuline.
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Tome 2
Hématologie clinique
C.Caryotype et biologie moléculaire
L’analyse cytogénétique se fait sur le produit d’aspiration médullaire et/ou sur
les cellules du sang, à condition qu’il y ait une myélémie. Le caryotype montre
la présence du chromosome Ph chez 95 % des malades. La translocation est
de type standard t(9q+;22q–). Chez 5 % des patients, on ne retrouve pas le
Ph. Il s’agit alors d’un chromosome Ph masqué par une translocation
complexe ou d’autres anomalies diverses. Dans ces cas où le caryotype est
apparemment normal, on retrouve un réarrangement du gène bcr en
complétant l’étude cytogénétique par une étude en biologie moléculaire.
La mise en évidence du gène de fusion utilise l’hybridation in situ fluorescente
(FISH) et la RT-PCR (reverse transcriptase-polymerase chain reaction):
• L’hybridation in situ fluorescente (FISH) emploie des sondes spécifiques
de bcr et abl en double coloration, permettant de mettre en évidence la
fusion bcr/abl dans les cellules en métaphase et les noyaux en
interphase. La FISH permet l’observation d’un grand nombre de cellules.
• La RT-PCR permet de mettre en évidence l’ARN (acide ribonucléique) de
fusion bcr-abl avec une extrême sensibilité. Cette technique montre que
plus de 50 % des patients pour lesquels la cytogénétique était négative
sont en fait bcr/abl+. Des techniques de RT-PCR quantitative ont été
développées pour le suivi de la maladie résiduelle correspondant à la
recherche du transcrit bcr-abl. Elles permettent à partir d’un gène de
référence d’établir un ratio.
D.Autres examens biologiques
•
•
•
•
Hyperuricémie et hyperuraturie sont fréquentes.
La vitaminémie B12 est élevée, corrélée à l’hyperleucocytose.
Le lysozyme sérique et urinaire peut être élevé.
L’exploration fonctionnelle des plaquettes montre une thrombopathie
acquise.
• Les cultures des progéniteurs hématopoïétiques montrent une
augmentation des précurseurs pluripotents et granulomonocytaires. On
trouve également ces progéniteurs en nombre élevé dans le sang.
V.
Diagnostic différentiel
La distinction est généralement aisée entre LMC, hyperleucocytoses
réactionnelles avec myélémie et les autres syndromes myéloprolifératifs.
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La leucémie myéloïde chronique
A.Myélémies réactionnelles
Les myélémies réactionnelles accompagnent des circonstances cliniques
diverses : syndromes infectieux, grande hémolyse, métastases médullaires,
régénération d’agranulocytose. La leucocytose et la myélémie sont
modérées sans basophilie. Le caryotype est normal.
B.Autres syndromes myéloprolifératifs
1. Splénomégalie myéloïde
La splénomégalie est volumineuse. L’hyperleucocytose inférieure à
20  109/1. La myélémie discrète est associée à une érythroblastose et à une
dystrophie des globules rouges en forme de poire (dacryocytes). La biopsie
de moelle montre une réticulofibrose. Il n’existe pas de Ph. La recherche de
la mutation Jak2 est positive dans 50% des cas.
2. Polyglobulie primitive
Les critères de la polyglobulie à l’hémogramme sont dominants.
L’hyperleucocytose est modérée, la myélémie est absente ou très discrète.
Il n’existe pas de chromosome Ph. La recherche de la mutation Jak2 est
positive dans plus de 90% des cas.
3. Thrombocytémie essentielle
Le chiffre des plaquettes est supérieur à 600G/L et persistant.
L’hyperleucocytose est modérée, la myélémie peu fréquente ou inférieure à
5 %. Il n’existe pas de chromosomes Ph. La recherche de la mutation Jak2
est positive dans 50% des cas. La BOM montre une hyperplasie des
mégacaryocytes dystrophiques.
4. Leucémie myélomonocytaire chronique
Présence d’une splénomégalie dans 50% des cas. Le diagnostic repose sur
l’existence d’une monocytose sanguine et médullaire associée à des
aspects de myélodysplasie. La leucocytose sanguine est de 20 à
30  109/1, parfois on peut avoir une leucopénie. Le lysozyme sanguin et
urinaire est élevé. Le caryotype est normal.
5. Leucémies aiguës
Le diagnostic se pose dans les transformations aiguës d’emblée de LMC ou
de celles dont la phase chronique est passée inaperçue. Lorsque la
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Hématologie clinique
rémission est obtenue, on retrouvera les anomalies hématologiques de la
LMC et des cellules Ph+.
Les leucémies aiguës lymphoblastiques Ph positif montrent des anomalies
moléculaires différentes avec d’autres régions de points de cassure. La
protéine de fusion (p190) a une activité tyrosine kinase à très haut potentiel
de transformation.
VI.
Évolution
La leucémie myéloïde chronique évolue en trois phases : la phase
myélocytaire chronique, la phase d’accélération et la phase de
transformation en leucémie aiguë.
A.Phase myélocytaire chronique
La phase myélocytaire chronique est celle du moment du diagnostic. Elle
est d’abord favorable, sauf si la maladie a été d’emblée révélée par des
complications liées à une très grande hyperleucocytose (goutte, thromboses
veineuses). En dehors de ces cas, la maladie est contrôlable par la
thérapeutique. L’hémogramme se corrige totalement en un à trois mois. La
splénomégalie disparaît. Le chromosome Ph disparaît du sang mais il
persiste souvent dans la moelle. Le myélogramme montre une cellularité
normale et une disparition de l’hyperplasie granuleuse.
Une stabilisation de durée variable est obtenue. Selon, les résultats du suivi
hématologique (médullaire, caryotype et biologie moléculaire) on pourra
parler de rémission complète. En cas de rechute, on pourra modifier la
thérapeutique afin de tenter de retrouver une bonne réponse.
B.Phase d’accélération
Avec les thérapeutiques actuelles, seulement 2 à 5% des patients rechutent
ou évoluent vers cette phase d'accélération. Elle se caractérise par une
résistance progressive aux traitements et précède la survenue de la
transformation aiguë. L’état général est altéré, le volume de la rate est
augmenté, une anémie s’installe associée à une thrombopénie. La
leucocytose augmente avec également une augmentation des
polynucléaires basophiles. Le myélogramme montre une augmentation du
pourcentage des promyélocytes et myéloblastes de 10 à 19 %. Une fibrose
peut apparaître dans la moelle.
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La leucémie myéloïde chronique
C.Phase de transformation aiguë
La phase de transformation aiguë, quant à elle, est l'aboutissement de la
leucémie myéloïde chronique après plusieurs années d’évolution naturelle.
Cette transformation est précédée ou non de la phase d’accélération. Les
nouvelles thérapeutiques ont permis une diminution très significative de
l'évolution de la maladie vers cette phase.
Elle se traduit par des signes cliniques : altération de l’état général avec
fièvre, syndrome hémorragique, douleurs spléniques et osseuses. Parfois,
surviennent des manifestations tumorales traduisant la présence d’infiltrats
blastiques : nodules cutanés, pleuropulmonaires, méningite blastique.
Biologiquement, une anémie et/ou une thrombopénie sont constatées. Une
thrombocytose persistante est parfois observée. La leucocytose et le
pourcentage des blastes sont variables. La polynucléose persiste, ainsi que
la myélémie, et les basophiles augmentent. Une fibrose médullaire apparaît.
Des anomalies cytogéniques surajoutées au Ph apparaissent (trisomie 8,
19,…).
Le plus souvent, la transformation aiguë est généralisée, avec des blastes
dans le sang et la moelle en pourcentage supérieur à 20%. Elle se
caractérise par la présence de blastes myéloïdes dans 70 % des cas
identiques à ceux des leucémies aiguës granuleuses. Dans 30 % des cas,
elle est constituée de blastes lymphoblastiques et, très rarement, de blastes
indifférenciés.
Parfois, la leucémie myéloïde chronique est révélée par une tumeur
blastique extramédullaire (nodule cutané, ganglion, envahissement
méningé). Dans ce cas, le diagnostic de transformation aiguë, est fait par
ponction et/ou biopsie selon la localisation. Parfois, la découverte de la
maladie est faite devant une transformation aiguë en l’absence de LMC
antérieurement connue.
VII.
Pronostic
En absence de traitement, 65% des patients en phase chronique vont évoluer
vers une transformation aiguë dans les 3 ans avec une médiane de survie de
3 à 6 mois. Le score de Sokal, permet de calculer un pronostic en tenant
compte de l’âge, de la taille de la rate, du chiffre de plaquettes et du
pourcentage de blastes sanguins. Le pronostic péjoratif est lié à une
splénomégalie importante, une grande hyperleucocytose, une thrombocytose
supérieure à 700  109/1 et l’existence d’anomalies additionnelles au
caryotype.
Si les thérapeutiques conventionnelles permettaient la régression des
signes cliniques et biologiques de la phase chronique, seules des
thérapeutiques éradiquant le chromosome Ph à l’échelon cytogénétique et
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Hématologie clinique
moléculaire peuvent influer sur l’évolution : il s’agit des inhibiteurs de
tyrosine kinase et de la greffe de moelle osseuse allogénique.
VIII.
Traitement
L’objectif du traitement est de prévenir la transformation aiguë et sa finalité
est l’éradication du Ph. L’arrivée des inhibiteurs de tyrosine kinase a
complètement modifié le pronostic des patients.
A.Traitement de la phase chronique
Le traitement de première intention est constitué par l’imatinib mésylate
(Glivec®). Son introduction a révolutionné le traitement de cette maladie.
Les objectifs thérapeutiques sont par ordre chronologique et par
importance :
- une réponse hématologique complète
- une réponse cytogénétique complète
- une réponse moléculaire majeure puis complète.
Avant l’introduction des thérapeutiques ciblées, l’interféron était la
thérapeutique de choix. Actuellement, il pourrait avoir encore un intérêt en
association avec les inhibiteurs des tyrosine kinases, en raison d’un mode
d’action différent.
La monochimiothérapie utilisant l’hydroxyurée (Hydréa®) peut aussi être
employée avec des résultats moins efficaces que les inhibiteurs de tyrosine
kinase.
1. Imatinib Mésylate (Glivec®)
L’imatinib mésylate est un inhibiteur compétitif sélectif et puissant de l’ATP
pour son site de liaison sur abl, induisant une inhibition de l’activité tyrosine
kinase. C’est aujourd’hui le traitement de première intention. Il est utilisé
à la dose de 400 mg/j per os.
Il permet d’obtenir des réponses hématologiques classiquement en
un à trois mois. Le suivi hématologique doit se faire tous les 15 jours jusqu’à
disparition des anomalies de l’hémogramme (GB<10Giga/L, basophiles
<5%, absence de myélémie et plaquettes <450Giga/L). En absence de
réponse hématologique complète à 3 mois, on parlera d’échec de
traitement.
Le taux de rémission hématologique à 5 ans est de plus de 98%.
L’analyse cytogénétique est essentielle au suivi de l’efficacité de la
thérapeutique, elle se fait tous les 3 mois. L'objectif est d'obtenir une
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La leucémie myéloïde chronique
réponse cytogénétique complète stable (absence de Ph) à 12 mois. Le taux
de rémission complète cytogénétique à 5 ans est supérieur à 87%.
Sur le plan moléculaire, un suivi tous les 3 mois est également
obligatoire sur sang et/ou moelle afin d’observer une réduction significative
du transcrit bcr/abl par rapport au diagnostic. A 18 mois, les patients doivent
obtenir une réponse moléculaire majeure (ratio bcr-abl/abl 0.1%), puis ils
doivent obtenir une réponse moléculaire complète (absence de détection du
transcrit bcr-abl par PCR quantitative sur 2 échantillons consécutifs). Le
suivi à long terme se fera tous les 6 mois.
Au total, le taux de survie sans évènements est de 81%, à 8 ans.
Les effets secondaires sont fréquents mais d’intensité modérée: nausées,
diarrhée, crampes, œdèmes et éruptions cutanées. Ils sont exacerbés chez
les sujets âgés. Cependant, ils conduisent rarement à l’arrêt du traitement.
En raison du risque de neutropénie et de thrombopénie, une surveillance
régulière de l’hémogramme doit être pratiquée tous les quinze jours
pendant les 3 premiers mois.
Il existe des résistances dites primaires et d’autres secondaires (acquises).
Les résistances primaires sont définies comme une situation de non
réponse sur le plan hématologique, cytogénétique et moléculaires après
des durées de traitement précises. Celles-ci impliquent alors de proposer
d’autres alternatives de traitement ou d’augmenter les doses. Tandis que
les résistances secondaires sont définies par une perte de la réponse
initiale ou par transformation. Plusieurs mécanismes de résistance ont été
mis en évidence: modification de la biodisponibilité intracellulaire de
l’imatinib, sur-expression du gène MDR (multidrug resistance), amplification
de bcr-abl, mutations du domaine kinase d’abl (>50 mutations différentes),
mécanismes bcr-abl indépendants. Dans ces cas, une augmentation de la
posologie peut parfois être efficace (600 voire 800mg/j) ou un changement
vers un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) dit de deuxième génération. Par
contre dans le cas de certaines mutations, aucune autre thérapeutique n’est
efficace excepté l’allogreffe de moelle.
2. Dasatinib (Sprycel)
Il s’agit d’un ITK dit de 2ème génération, ayant montré son efficacité chez
des patients intolérants ou ayant des mécanismes de résistance par
mutations acquises au Glivec. Il est utilisé à la dose de 100mg/j. En plus
de bloquer l’activité kinase de bcr-abl, il inhibe d’autres voies de
transduction comme les kinases de la famille des SRC. Contrairement à
l’imatinib, le dasatinib se lie à la fois au domaine kinase de abl dans sa
conformation active et inactive, ce qui explique sa grande efficacité. La
plupart des mutations de sensibilité diminuée à l’imatinib sont sensibles au
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Tome 2
Hématologie clinique
dasatinib, à l’exception d'une mutation du site ATP d’abl, associée à une
résistance complète (Thréonine en Isoleucine au niveau du codon 315,
T315I). Plus récemment, cette molécule a obtenu une AMM pour une
utilisation en première ligne.
Parmi les effets indésirables, on note surtout des rétentions hydriques
(épanchements pleuraux, péricardiques), une toxicité hématologique,
diarrhée. Ainsi cette molécule est à éviter en cas d’antécédents
d’hypertension, de cardiopathie ou de maladie respiratoire.
3. Nilotinib (Tasigna)
Comme le dasatinib, il s’agit d’un ITK dit de 2ème génération, ayant montré
son efficacité chez des patients intolérants ou ayant des mécanismes de
résistance par mutations acquises au Glivec. Il s’agit d’un analogue de
l’imatinib plus puissant. Il peut cibler également d’autre protéine kinase
comme les récepteurs c-Kit. Comme l’imatinib, le nilotinib se lie à la
conformation inactive de la kinase. Il est préconisé à la dose de 400mg 2
fois par jour à 12h d’intervalle, et à distance des repas. Les aliments
entrainent une modification de sa biodisponibilité.
Le nilotinib est bien toléré, les principaux effets indésirables sont
l’augmentation de la lipase, de la bilirubine, de la glycémie, une
hypophosphatémie, une toxicité cutanée ainsi qu’une toxicité hématologique
moins importante que le dasatinib. On évitera d’utiliser le nilotinib chez les
patients ayant des antécédents de pancréatite ou de diabète mal équilibré.
4. Hydroxyurée
Antagoniste de la synthèse de l’ADN, l’hydroxyurée présente une faible
toxicité et une utilisation facile. La dose est adaptée en fonction de la
leucocytose. Administrée per os, elle agit rapidement avec une rémission
hématologique en huit à quinze jours. Elle doit être arrêtée au-dessous de
3  109/1 de globules blancs. L’hydroxyurée reste un traitement alternatif
chez les sujets âgés et en cas de contre-indication ou d’intolérance à
l’interféron (IFN) et à l’imatinib mésylate.
 Interféron 
L’interféron  permet la normalisation des signes cliniques et des signes
biologiques. Il peut réduire, voire supprimer, les cellules Ph positives. Il agit
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La leucémie myéloïde chronique
en induisant l'activation du cycle cellulaire des cellules souches dormantes
Ph+ sur lesquelles les ITK ne sont pas actives. Il permet également de
stimuler le système immunitaire autologue vis à vis des cellules tumorales
et d’agir probablement sur le microenvironnement. Il est peu utilisé en
première ligne à l’exception des femmes enceintes. Actuellement, il est
plutôt utilisé en seconde ligne et/ou en association avec les inhibiteurs de
tyrosine kinase.
Il est prescrit en injections sous-cutanées à la dose de 3 millions
d’unités/m2/j, puis augmenté à 5 millions. Des effets secondaires peuvent
être observés : syndrome pseudo grippal, toxicité hématologique, syndrome
dépressif grave.
6. Greffe de moelle
Seule la greffe allogénique de moelle permet l’éradication durable des
cellules Ph. Elle peut être réalisée en phase chronique dans la première
année suivant le diagnostic, de préférence chez les patients les plus jeunes
ou ceux présentant la mutation T315I (résistance aux ITK de seconde
génération), à partir de la moelle d’un donneur HLA (human leukocyte
antigen) identique et après conditionnement par irradiation corporelle ou
cyclophosphamide. Les principaux effets indésirables de la greffe sont la
maladie du greffon contre l’hôte et les complications infectieuses.
La survie à cinq ans est de 88 % quand la greffe est réalisée avec un
donneur HLA-identique. La surveillance des patients greffés est fondée sur
l’analyse cytogénétique. La recherche par biologie moléculaire des
cellules Ph+ aide à prévoir les rechutes cytogénétiques qui seront suivies de
rechutes hématologiques. Le risque de rechute est de 12 %.
Dans les cas où l’allogreffe est impossible, une autogreffe de cellules
souches sanguines peut être envisagée.
B.Traitement de la transformation aiguë
Le traitement par Glivec est recommandé à la dose initiale de 600 mg/j
voire 800mg/j dans les phases d’accélération et de transformation blastique.
Il permet d’obtenir une réponse hématologique dans 30 % des cas et 15 %
de réponses cytogénétiques majeures. Les réponses s’observent aussi bien
dans les transformations aiguës myéloïdes que lymphoïdes.
Le traitement par Sprycel est utilisable à la dose de 140mg/j dans les
phases d’accélération et de transformation blastique.
Le traitement par Tasigna est utilisable à la dose de 400mg x 2/jour chez
les patients atteints de LMC en phase accélérée. Il n’est pas utilisé en
phase blastique.
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Hématologie clinique
L'essentiel de la question
La leucémie myéloïde chronique est un syndrome myéloprolifératif chronique
caractérisé par une prolifération dominante de la lignée granuleuse et une
anomalie cytogénétique spécifique, le chromosome Philadelphie (correspondant
à la translocation du chromosome 9 sur le chromosome 22) ou son expression
moléculaire, le réarrangement bcr/abl.
L’hyperleucocytose et la myélémie caractérisent l’hémogramme ainsi que
l’augmentation du nombre des polynucléaires éosinophiles et basophiles.
La LMC peut évoluer en trois phases : une phase chronique, une phase
accélérée et une phase de transformation blastique.
Le traitement vise à éradiquer les cellules Ph+. Le traitement actuel basé sur les
inhibiteurs de tyrosine kinase a révolutionné la prise en charge et le pronostic de
cette maladie. Ils permettent une rémission cytogénétique et globalement une
prolongation significative de la survie chez plus de 80 % des malades.
Pour en savoir plus

M. Baccorani and M. Dreyling. Chronic myelogenous leukemia: ESMO
Clinical Recommendations for diagnosis, treatment and follow-up. Ann.
Oncol. 2009; suppl 4, 105-107.

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