La tombe d`Itchi
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La tombe d`Itchi
La protection magique de la tombe : jambage d’Itchi Jambage de porte (?) à l’entrée de la tombe d’Itchi Giza, VIe dynastie (Vienne, Kunsthistorisches Museum, ÄOS 8537) sS a nsw xft-Hr jTj Dd=f Le scribe des documents royaux, Itchi, déclare :1 jr s nb jT.t(y)=f(y) jnr m js pn n Xr.t-nTr « Quant à tout homme qui saisira une pierre de cette tombe de la nécropole,2 jw(=j) r wDa Hna=f Hr=s jn nTr je lui intenterai un procès par le dieu,3 jnk Ax(w) jqr rx(w) rA=f car je suis un esprit-Akh excellent qui connaît sa formule. »4 Le nom étant indissociable de la personne, Itchi (jTj : prendre, saisir, s’emparer) profite sans doute du sien pour s’associer corps et âme à sa tombe et renforcer ainsi son pouvoir magique contre celui qui s’emparerait (jT.ty=fy) d’une pierre.5 La condamnation à mort (comme le final du Naufragé) étant souvent rendue dans ce contexte par le rituel de tordre le cou à une volaille, ainsi Ankhmahor (Urk.I, 202,6) Quant à quiconque entrera dans cette mienne tombe, jw=j r jT.t mj Apd : je le saisirai comme un oiseau). Comme décrit par F. Servajean6, le fondement de l’analogie entre le défunt-Ax(w) et le dieu-nTr dote ce défunt de pouvoirs divins, assurant l’efficacité-jqr de la formule magique-rA dont il dispose en toute connaissance. En prononçant (Dd=f) les mots gravés sur sa tombe, le défunt confère à sa menace un caractère performatif. L’incantation magique ne consiste pas tant à frapper l’éventuel profanateur qu’à repousser le risque de profanation. On renforçait ainsi la protection de la tombe.7 1 Titre sS a nsw : scribe des documents royaux (M. Baud, Famille royale et pouvoir, 1999, 283), ou sS a nsw xft-Hr : scribe des documents royaux en présence (du roi) (AnLex 79.0403). 2 jT.t=f : forme du participe prospectif sDm.t(y)=f(y), antécédent tout homme = quiconque. 3 Futur déontique jw=f r sDm (P. Vernus, Future at issue, 1990, 9 et suiv.), futur dont l’issue est inéluctable ou prophétique. Ainsi le jugement de dieu devient une conséquence inévitable de l’agression. L’ensemble protase (quant à toute personne qui sDm.t(y)=fy) + apodose (proposition principale jw=f r sDm) est une construction classique de « l’appel aux vivants », éventuellement assorti de menaces contre les personnes sacrilèges. Sens lexical de jw(=j) r wDa Hna=f Hr=s jn nTr : litt. je suis destiné à être jugé avec lui sur cela par le dieu (même formule chez Nenki (Urk.I, 260,14) : je serai jugé avec lui par le grand dieu ; variante, dans ce tribunal vénérable du grand dieu chez Ankhmahor (Urk.I, 202,9) ; la traduction suit D. Meeks au sens de wDa (mdw) Hna=f : intenter un procès contre quelqu’un (AnLex 78.1177). 4 Prédicat nominal jnk N : je suis quelqu’un qui + participe, litt. je suis un esprit connaissant sa formule magique (rA=f). 5 On retrouve la même formulation en Urk.I, 250,5, tombe anonyme, sous le règne de Téti. 6 Proposition à prédicat nominal (jnk N), pensée analogique et performative : F. Servajean, Les formules des transformations du Livre des Morts, 2003, 57. 7 Y. Koenig, Magie et magiciens, 1994, 72. Rennes Egyptologie 2009 © H. Doranlo