rapport alternatif sur cde - Office de la Protection du Citoyen

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rapport alternatif sur cde - Office de la Protection du Citoyen
COALITION OFFICE DE LA PROTECTION DU CITOYEN (OPC) ET ORGANISATIONS DE DROITS
HUMAINS OEUVRANT POUR LE RESPECT DES DROITS DE L’ENFANT EN HAITI
Rapport alternatif sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant
Aux 1er et 2ème rapports périodiques de l’État haïtien
Coalition OPC et organisations de la société civile
4/27/2015
Ce rapport constitue le regard de la Coalition, constituée par l’Office de la protection du citoyen (OPC)
et des organisations de la société civile, sur la situation des droits de l’enfant en Haïti et leur évaluation
de la mise en œuvre de la Convention dans le pays. Il fait une analyse des avancées et des défis en
matière de promotion et de protection des droits de l’enfant, tout en ayant { l’esprit les données du
rapport pays. Tout en respectant le plan établi par les directives { l’endroit des ONG pour la rédaction,
le rapport ne prend pas en compte tous les points prévus. Des recommandations sont formulées vis-àvis de l’État sur tous les points traités. Les soumissionnaires espèrent que ce contribuera à une meilleure
appréciation de la mise en œuvre des recommandations du Comité des droits de l’enfant { l’endroit
d’Haïti, lors de l’examen du rapport initiale en 2003.
SOMMAIRE
SOMMAIRE ...................................................................................................................................................... 2
LISTE DES ACRONYMES ................................................................................................................................... 4
I.
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 5
II. MESURES D’APPLICATION GÉNÉRALE ......................................................................................................... 6
II.1. Mesures législatives prises ................................................................................................................... 6
II.2. Mécanismes structurels et administratifs ............................................................................................ 7
II.3. Vulgarisation de la Convention ............................................................................................................ 8
III. DÉFINITION DE L’ENFANT ........................................................................................................................... 8
IV.
PRINCIPES GÉNÉRAUX ......................................................................................................................... 9
La non-discrimination .................................................................................................................................. 9
V.
LIBERTÉS ET DROITS CIVILS.................................................................................................................... 10
V.1. Nom et nationalité ............................................................................................................................. 10
V.2. Enregistrement à l’état civil ............................................................................................................... 11
V.3. Liberté d’expression et droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations. ............ 13
V.4. Protection de la vie privée et protection de l’image ......................................................................... 14
V.5. Accès à une information appropriée.................................................................................................. 15
V.6. Droit de ne pas être soumis à la torture ou autres peines et traitements cruels, inhumains ou
dégradants, y compris les châtiments corporels....................................................................................... 15
VI. MILIEU FAMILIAL ET PROTECTION DE REMPLACEMENT.......................................................................... 16
VI.1. Responsabilité parentale .................................................................................................................. 16
VI.2. Recouvrement de la pension alimentaire de l’enfant....................................................................... 17
VI.3. Séparation d’avec les parents ........................................................................................................... 18
VII. SANTÉ ET BIEN-ETRE ............................................................................................................................... 18
Enfants handicapés ................................................................................................................................... 18
VIII. ÉDUCATION, LOISIRS ET ACTIVITES CULTURELLES ................................................................................. 19
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Accès à une éducation de qualité.............................................................................................................. 19
IX. MESURES SPÉCIALES DE PROTECTION DE L’ENFANCE ............................................................................. 20
IX.1. Enfants en situation d’urgence ......................................................................................................... 20
IX.2. Enfants victimes d’exploitation ......................................................................................................... 21
IX.3. Enfants en conflit avec la loi.............................................................................................................. 22
X. CONCLUSION ............................................................................................................................................. 24
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LISTE DES ACRONYMES
ADN
: Acide désoxyribonucléique
BPM
: Brigade de protection des mineurs
CIDE
: Convention internationale relative aux droits de l’enfant
CERMICOL
: Centre de réinsertion des mineurs en conflit avec la loi
EPU
: Examen périodique universel
IBESR
: Institut du bien-être social et de recherche
IHE
: Institut haïtien de l’enfance
IHSI
: Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique
MAST
: Ministère des affaires sociales et du travail
MJSP
: Ministère de la justice et de la sécurité publique
MPCE
: Ministère de la Planification et de la coopération externe
MSPP
: Ministère de la santé publique et de la population
OÉA
: Organisation des États américains
OIF
: Organisation internationale de la francophonie
ONI
: Office nationale d’identification
ONG
: Organisation non gouvernementale
OPC
: Office de la Protection du Citoyen
PADF
: Pan American Development Foundation
(Fondation Panaméricaine de développement)
PNUD
: Programme des Nations unies pour le développement
UNICEF
: Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
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I. INTRODUCTION
1.
Le 26 janvier 1990, la République d’Haïti signe, sans réserve aucune, la Convention internationale relative aux
droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 et la ratifie
le 8 juin 1995.
2.
Le rapport initial a été soumis par le Gouvernement Haïtien en 2001 et un rapport alternatif de la société civile
a suivi (date). Le premier rapport périodique était dû en 2002 et le deuxième en 2007. Cependant, depuis 2001
aucun rapport n’a été soumis par l’Etat haïtien. En 2009, l’État par le biais du Ministère des Affaires Sociales et
du Travail (MAST), initie le processus pour la soumission du premier rapport périodique. La société civile se
mobilise et lance des consultations, incluant des enfants, à travers le pays pour soumettre parallèlement son
rapport. Le séisme du 12 janvier 2010, qui a frappé le pays, a interrompu ce travail. En décembre 2013, l’État
haïtien a soumis un rapport combiné, couvrant la période de 2001 à 2013.
3.
Le présent rapport alternatif, soumis { l’appréciation du Comité, est le fruit de la collaboration de plus d’une
quinzaine d’organisations de la société civile, qui ont travaillé sous le leadership de l’Office de la Protection du
Citoyen (OPC). L’OPC, organe étatique, constitutionnel et indépendant, est l’institution nationale de droits
humains, chargée de la promotion et de la protection des droits de la personne en général, des droits de
1
l’enfant en particulier . Bien qu’il respecte le format proposé par le Comité des Droits de l’enfant, il convient de
noter que, faute de données fiables disponibles, le rapport ne prend pas en compte tous les aspects des droits
de l’enfant. De plus la version finale du rapport soumis par l’État haïtien n’a pas fait l’objet d’une grande
diffusion, ce qui a eu une incidence sur la rédaction du rapport alternatif qui doit impérativement se baser sur
celui de l’État haïtien.
4.
Le rapport se propose de faire une radiographie de la situation des droits de l’enfant sur la base du travail de
l’État, celui de l’OPC, celui de certaines organisations de la société civile et aussi sur la base d’autres données
disponibles.
5.
Le travail a été réalisé en collaboration avec seize (16) organisations de la société civile œuvrant dans le
domaine des droits de l’enfant.
a. Asosyasyon fanm solèy d Ayiti /Association des femmes soleil d’Haïti (AFASDA)
b. Centre d’éducation populaire (CEP)
c. Centre de recherche de formation économique et sociale pour le développement (CRESFED)
d. EnpaK
e. Fondation connaissance et liberté (FOKAL)
f. Fondation Maurice A. Sixto (FMAS)
g. Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugies (GARR)
1
L’Etat haïtien n’a pas crée, comme c’est le cas dans certains pays, un défenseur des enfants. Aussi, le législateur a-t-il étendu les
pouvoir de l’OPC en lui prescrivant en son article 6 d’accorder une attention spéciale aux dossiers des enfants. A cet effet, une
Unité de Protection de l’Enfant a été mise en place en 2010, avec l’appui de l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance).
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h.
i.
j.
k.
l.
m.
n.
o.
p.
6.
Groupe de recherche et d’appui en milieu rural (GRAMIR)
Commission épiscopale nationale justice et paix (JILAP)
Kay Fanm /Maison des femmes
Ligue Culturel Haïtien pour les Droits Humains (LCHDH)
Mouvement des Femmes Haïtiennes pour l’Éducation et la Développement (MOUFEDH
Réseau Associatif pour l’Intégration des Personnes Handicapées (RANIPH)
Solidarite Fanm Ayisyèn /Solidarité des femmes haïtiennes (SOFA)
Timoun K ap Teke Chans /Enfants en quête de mieux être (TIMKATEK
Unité de Recherche et d’Action Médico-légale (URAMEL)
Les membres de la Coalition ont été répartis en six (6) sous-groupes, en fonction de leur centre d’intérêt
autour des thématiques suivantes: la non discrimination; liberté et droits civils; milieu familial et protection de
remplacement; santé et bien-être; éducation, loisirs et activités culturelles; mesures spéciales de protection de
l’enfance. La Coalition a travaillé pendant une période de seize (16) mois. Les résultats des travaux des sousgroupes ont été compilés et analysés puis intégrés dans un document qui a été validé par la Coalition. La
notion d’enfant n’est pas toujours traitée selon la définition de la CIDE ─c'est-à-dire tout être humain âgé de
moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui lui est applicable─
dans la présentation des statistiques nationales.
II. MESURES D’APPLICATION GÉNÉRALE
II.1. Mesures législatives prises
7.
La Coalition reconnait que suite aux recommandations du Comité des droits de l’enfant, lors de l’examen du
2
rapport initial en 2003, des mesures législatives et administratives ont été prises. L’adoption de ces mesures
constitue des avancées appréciables. De plus, le 30 avril 2014, le Parlement haïtien a ratifié deux (2) des trois (3)
Protocoles facultatifs de la CIDE, celui relatif à la vente des enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie impliquant des enfants et celui relatif à la participation des enfants à des conflits armés. Cela
témoigne d’une certaine volonté de l’État de renforcer le cadre légal régissant les droits de l’enfant.
2
Loi du 7 mai 2003 relative à l'interdiction et à l'élimination de toutes formes d'abus, de violences, de mauvais traitements ou
traitements inhumains contre les enfants (Journal officiel Le Moniteur, No 41, du 5 juin 2003) ; Ratification, le 26 novembre 2003,
de la convention interaméricaine sur le trafic des mineurs (Le Moniteur, No 2, du 8 janvier 2004) ; Ratification, le 14 mai 2007, de
la Convention 138 de l’OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et de la Convention 182 sur les pires formes de
travail des enfants (Le Moniteur, du 24 mai 2007). Ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits des
personnes handicapées et adoption de la Loi du 13 mars 2012 sur l’Intégration des personnes handicapées (Le Moniteur, No 79,
du 21 mai 2012). Loi du 12 janvier 2012 sur la paternité, la maternité et la filiation (Le Moniteur, No 105, du 4 juin 2014).
Ratification, le 11 juin 2012, de la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption
internationale. Loi du 29 août 2013, réformant l’adoption en Haïti (Le Moniteur, No 168, du 15 novembre 2013), qui adapte le
cadre légal haïtien aux prescrits de la Convention relative aux droits de l’enfant.
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8.
Cependant, force est de constater qu’il reste beaucoup { faire pour l’effectivité des droits de l’enfant dans le
pays. Les lois sont méconnues d’une grande majorité d’acteurs et d’actrices, en particulier les fonctionnaires
chargés de l’application de la loi. Les mesures prises ne sont pas encore parvenues à éradiquer les phénomènes
d’enfants des rues, d’enfants en domesticité, d’enfants incarcérés et d’enfants non scolarisés, ni à favoriser une
prise en charge adéquate des enfants vulnérables.
9.
Suite aux recommandations du Comité des droits de l’enfant sur l’adoption d’un code général de l’enfant, des
actions ont été engagées en ce sens depuis 2001. Toutefois, l’absence de consensus, au niveau des plus hautes
3
instances de l’État sur l’opportunité de doter le pays d’un code de la famille et/ou d’un code de l’enfant , fait
défaut. Il manque également un plan d’harmonisation du cadre légal et des politiques de l’enfance avec les
prescrits de la CIDE. Un tel vide est préjudiciable à la mise en œuvre des mesures législatives et administratives
adoptées et devant rendre effectif le respect des droits de l’enfant dans le pays.
10. La Coalition recommande fortement que l’État prenne des mesures pour:
a. Vulgariser les textes législatifs et règlementaires adoptés en matière de la protection de l’enfant;
b. Mettre en place des mécanismes d’application des textes adoptés;
c. Statuer sur l’adoption d’un code de la famille et/ou d’un code de l’enfant.
II.2. Mécanismes structurels et administratifs
11. La Coalition note la mise en place de quelques structures tels:
a.
La Brigade de protection des mineurs (BPM) au sein de la Police nationale ;
b.
Le service de protection de l’enfant au sein de l’OPC;
c.
Le Comité interministériel des droits de la personne ;
d.
Le poste de ministre délégué aux droits de l’Homme et à la réduction de la pauvreté ; poste toutefois
non reconduit lors du changement de cabinet ministériel en janvier 2015 ;
e.
Les espaces de concertation : tables sectorielles et groupes de travail sur la protection de l’enfant
qui devraient favoriser la coordination des interventions.
12. Toutefois, la Coalition relève l’absence ou l’insuffisance de mécanismes susceptibles de garantir l’efficacité de
ces structures et/ou leur pérennité. En dépit des nombreuses rencontres, des problèmes de communication se
posent ainsi que des difficultés pour la prise de décision par l’État.
13. La Coalition déplore la prolifération des plans d’actions sectoriels et l’absence d’un Plan d’action national global
aux fins de la mise en œuvre de la CIDE. Elle déplore également le fait que le projet de Plan d’action national,
élaboré en 2007 par l’État haïtien, n’ait pas obtenu l’aval des organisations de la société civile en raison du fait
que ledit plan ne ciblait que les enfants en situation de vulnérabilité et ne prenait pas en compte tous les
enfants.
3
Rapport initial de l’État haïtien sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant soumis en 2001 et examiné
en 2003 ; Rapport de l’État haïtien soumis dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) en 2009.
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14. La Coalition recommande que l’État prenne en compte les propositions formulées par les organisations de la
société civile et l’OPC pour une approche holistique des droits de l’enfant.
II.3. Vulgarisation de la Convention
15. Comme l’État haïtien l’a précisé dans son rapport combiné de 2001-2013, la CIDE souffre d’un déficit
de vulgarisation aussi bien au niveau des acteurs et actrices étatiques, qu’au niveau des organisations
la société civile et de la société en général. Les efforts de vulgarisation enregistrés sont surtout le fait
d’entités non gouvernementales, réalisés dans le cadre de projets ponctuels sans aucune référence à
une politique publique. A titre d’exemples on peut citer :une distribution de la CIDE effectuée par
l’UNICEF { une centaine d’organisations partenaires suite du séisme ; des interventions de l’OPC
menées dans le cadre d’actions de sensibilisation, de formation et de célébration de journées de
l’enfant visant le système judiciaire, la presse, des établissements scolaires et des ONG, grâce au
support de partenaires internationaux4: Mais ces actions se sont avérées insuffisantes pour bien faire
connaitre et appréhender les engagements de l’État et les obligations qui en découlent.
16. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour :
a. Renforcer la capacité de l’OPC { remplir adéquatement sa mission de promotion des droits en
général, de l’enfant en particulier auprès d’une plus grande partie de la population;
b. Encourager le travail de vulgarisation et d’appropriation de la Convention internationale
relative aux droits de l’enfant dans tous les secteurs de la vie nationale.
17. Selon les estimations de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) en 2009, sur une population
totale de 9 923 243 habitants, 5 639 026 personnes étaient âgés de 18 ans et plus ; le nombre d’enfants s’élevait
donc à 4 284 21, soit 43% de la population. Les estimations de l’IHSI pour 2012 chiffraient la population totale à
10 413 211 ; 6 032 657 de personnes âgées de 18 ans et plus et 4 380 554 d’enfants, soit 42% de la population. Au
regard de leur statut (personne mineure) et de leur poids démographique, les enfants doivent être au cœur des
préoccupations de l’État afin de réduire les risques de vulnérabilité dans une société où s’étend la
5
paupérisation .
III. DÉFINITION DE L’ENFANT
18. La Coalition relève que, conformément aux dispositions de l’article 276-2 de la Constitution, les conventions
ratifiées « font partie de la législation du pays ». En conséquence, l’État haïtien adopte la définition de l’enfant
établie par l’article premier de la CIDE.
19. Cependant, la Coalition reste préoccupée par l’absence d’une loi d’application précisant le traitement à donner
aux personnes mineures, âgées de 16 à 18 ans, en conflit avec la loi.
4
UNICEF, Droits et Démocratie, Organisation internationale de la francophonie (OIF), PADF (Pan American Development
Foundation / Fondation Panaméricaine de développement).
5
Ministère de la Planification et de la coopération externe (MPCE), Inégalités et pauvreté en Haïti, PNUD, Port-au-Prince, Haïti,
2006, p 3.
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20. La question de la majorité sexuelle, qui n’est pas définie, reste et demeure posée pour le traitement des
agressions sexuelles. En dépit de la loi existante, qui considère qu’il ne peut y avoir de consentement de la part
d’une personne mineure pour des relations avec une personne âgée de 18 ans et plus, des problèmes se posent
notamment lorsqu’il s’agit de relation impliquant une personne adolescente et une personne de 18 ans.
21. Une autre source de préoccupation concerne les restavèk ou enfants en domesticité. Ces derniers ─mis en
service dans des familles résidant généralement en milieu urbain dans l’espoir d’une amélioration de leur
condition de vie─, subissent des mauvais traitements, sont victimes d’abus et de violences multiformes
(agressions physiques, sexuelles, psychologiques, verbales). Dans le cas des filles, des cas de grossesses forcées
suite à des viols sont enregistrés. Suite à leurs fugues pour échapper à leur condition de restavèk, ces enfants
viennent grossir le nombre déjà pléthorique d’enfants des rues.
22. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Produire systématiquement des statistiques désagrégées selon la catégorie d’âge et de sexe, afin de
disposer de données fines sur la situation des enfants des deux sexes;
b. Faire aboutir les démarches, entreprises par le Ministère des Affaires sociales et du travail (MAST)
visant à établir une liste de travaux dangereux et interdit aux enfants;
c. Promouvoir l’éducation sexuelle des enfants des deux sexes et favoriser l’accès { la contraception,
incluant la contraception d’urgence, afin d’éviter les grossesses précoces non désirées;
d. Garantir la prévention et la protection (accès aux services) contre les agressions notamment sexuelles;
e. Offrir une prise en charge adéquate aux filles en situation critique, en termes de grossesse précoces
et/ou non désirées.
IV. PRINCIPES GÉNÉRAUX
La non-discrimination
23.
La Constitution de 1987 en vigueur, qui se réfère explicitement à la Déclaration universelle des droits
humains, a instauré le principe de la non discrimination. Cette constitution stipule également que les
conventions ratifiées sont automatiquement incorporées au cadre légal national.
24.
Cependant, l’État n’a pas opéré l’harmonisation requise entre les textes de lois, la constitution et les
conventions ratifiées. Le 12 avril 2012, le parlement a adopté une loi sur la paternité, la maternité et la filiation
(Le moniteur No 105, du mercredi 4 juin 2014) qui supprime le distinguo entre les enfants selon leurs conditions
de naissance. Il n’en demeure pas moins qu’un ensemble de discriminations persistent. A titre d’exemples, il y a
lieu de citer :
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a.
b.
c.
La législation sur l’état civil et les droits de succession qui n’intègre pas l’égalité des droits des enfants.
Nombre de fonctionnaires ignorent les nouvelles dispositions et continuent à appliquer les lois
discriminatoires.
La législation sur les droits parentaux qui, bien que limités, ne sont établis que dans le cadre du
mariage, en occultant les unions consensuelles qui sont pourtant majoritaires dans la société
haïtienne.
L’incarcération des personnes mineures et le traitement qui leur est réservé.
Les filles sont emprisonnées avec des femmes adultes et ne bénéficient pas d’une protection spéciale
et peu de l’éducation. Les garçons sont accueillis dans un centre spécifique, le CERMICOL (Centre de
réinsertion des mineurs en conflit avec la loi).
Les garçons et les filles âgés entre 16 ans et 18 ans sont soustraient à la justice pénale des mineurs et
jugés par des tribunaux pour adultes. La pratique est de considérer l’âge auquel la personne est jugée
et non pas celle de la date de l’infraction.
Le non respect des procédures lorsqu’il s’agit d’enfants des rues.
25. La Coalition recommande { l’État de prendre les mesures pour:
ème
a. Ratifier le 3
Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une
procédure de plaintes en faveur des enfants;
b. Porter la majorité pénale { 18 ans comme c’est le cas pour { la majorité civile;
c. Adopter un Code de l’enfant.
V.
LIBERTÉS ET DROITS CIVILS
V.1. Nom et nationalité
26. Selon la législation haïtienne, un enfant né dans les liens du mariage est réputé être l’enfant du conjoint. Une
procédure en désaveu de paternité peut toutefois infirmer cette situation.
27. L’article 1 de la loi, du 12 avril 2012, sur la paternité, la maternité et la filiation établi «le principe de l’égalité des
filiations légitimes, naturelle, adoptive ou autre, impliquant nécessairement l’égalité de tous les enfants qu’ils
soient de couples mariés ou non. » (Le Moniteur, No 105, du mercredi 4 juin 2014).
28. Aucun texte de loi n’indique de manière spécifique quel doit être le patronyme d’un enfant. Cependant, selon la
coutume, lorsque le père reconnait la filiation, l’enfant porte son nom.
29. Tout en posant certains principes relatifs à la nationalité haïtienne, la Constitution de 1987 amendée, indique en
son article 10 que : « Les règles relatives a la nationalité haïtienne sont déterminées par la loi.»
30. La nationalité haïtienne, d’origine ou par acquisition, est réglementée, pour l’essentiel, par la constitution et le
décret 6 novembre 1984 (Le Moniteur, No 18, du 8 novembre 1984), dernier texte légal en date sur la question.
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31. Bien que les textes de loi ne l’indiquent pas de manière univoque, dans la pratique, c’est le droit du sang (jus
sanguinis) qui prévaut en Haïti. La constitution stipule que tout enfant né d’un parent haïtien n’ayant jamais
renoncé à sa nationalité est aussi haïtien (article 11 de la constitution de 1987 amendée le 9 mai 2011).
Cependant ce droit à la nationalité est lié { celui de l’identification qui est problématique.
32. La législation haïtienne est muette sur la situation des enfants nés de parents haïtiens dans un pays étranger
qui reconnaît le droit du sol. En droit et en fait, cet enfant est un binational.
33. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Clarifier et préciser la question de la nationalité, de manière non discriminatoire.
b. Mettre en place des mécanismes pour garantir les procédures en recherche de paternité ou de
maternité.
V.2. Enregistrement à l’état civil
34. Le déficit de l’État civil est un problème récurrent en Haïti. C’est aussi une question d’exclusion car, le statut
social et le milieu de résidence influent sur l’accès aux documents d’état civil, notamment l’acte de naissance.
La demande des populations pour l’enregistrement { l’état civil et l’identification nationale est cependant très
forte, spécifiquement depuis la chute de la dictature des Duvalier en 1986 où le problème a été posé au niveau
institutionnel.
35. Le disfonctionnement du système national de l’état civil (procédures non sécurisées, erreur, fraude,
centralisation excessive, etc.) a pour effet la violation des droits humains, en particulier ceux des enfants. En
l’absence d’enregistrement { sa naissance, un enfant n’a pas d’existence légale et de personnalité juridique est
donc privé de la jouissance de ses droits et n’a qu’un accès limité aux services sociaux disponibles. Cela a
également une incidence sur les statistiques nationales et sur l’élaboration des politiques publiques qui doivent
se fonder sur des données fiables.
36. Les naissances ne sont pas systématiquement enregistrées { l’état civil en raison de problèmes d’accessibilité
─accessibilité géographique, avec des services d’état civil non disponibles sur l’ensemble du territoire;
accessibilité économique, avec des coûts non tarifiés devant être payés par les parents pour compenser la non
fourniture de registres par l’État aux officines─, d’absence de documents d’identité des parents, de manque
d’informations des populations (procédures d’enregistrement et de déclaration tardive de naissance; 45% de
6
femmes contre 64% d’hommes ), de pratiques subséquentes { l’ancienne législation discriminatoire selon les
conditions de naissance (enfants nés hors mariage). Les centres hospitaliers n’ont pas l’obligation d’établir des
certificats de naissance. Et, la grande majorité des femmes accouchent à domicile (75% selon les données
7
d’EMMUS V ).
6
Ministère de la Santé publique et de la population (MSPP), Institut haïtien de l’enfance (IHE) et ICF international. Enquête
Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS V), Haïti, 2012. Calverton, Maryland, USA, p 129.
7
Ibid.
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37. La Coalition prend note des efforts de l’État pour garantir l’enregistrement des enfants { la naissance, des
initiatives de l’Institut du Bien-être social et de recherches (IBESR) pour l’enregistrement des enfants
abandonnés, de la réalisation de campagnes sporadiques sur l’importance de l’enregistrement { la naissance et
8
de la présence de bureaux d’état civil au niveau de certains centres hospitaliers publics . La Coalition reste
cependant préoccupée par le caractère limité de l’accès aux services, en particulier dans les zones rurales, ainsi
que par une tendance { la baisse du taux d’enregistrement pour les moins de 2 ans constaté par l’EMMUS V. Si
certaines données nationales sur l’enregistrement portent { croire que l’enregistrement des naissances se
9
généralise , une analyse des résultats en fonction du lieu de résidence, montre un écart notable entre les taux
d’enregistrements en milieu rural (77 %) et milieu urbain (85%). De même, le pourcentage d’enregistrement est
10
plus élevé dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, la capitale, (86,2 %)que dans les autres villes (83,5%) .
Il existe aussi une différence par rapport { l’âge, on remarque une baisse du nombre d’enfants enregistrés pour
les 2-4 ans (87,7%) contre (68,4%) pour les moins de deux ans. Il reste donc encore beaucoup à faire pour rendre
l’enregistrement { l’état civil effectif { l’échelle nationale.
38. De nombreux problèmes se posent au niveau du système d’enregistrement { l’état civil.
a. Le système implique différentes institutions : Ministère de la justice et de la sécurité publique (MJSP),
Archives Nationales, l’Office nationale d’identification (ONI), Parquet du tribunal de première
instance.
b. L’obtention d’un acte de naissance ne signifie pas nécessairement que le document est valide et
qu’une copie peut être retirée aux archives nationales, institution qui archive et gère les doubles des
registres. En effet, un problème récurent est celui de la disponibilité des registres d’état civil. En
l’absence de registres, d’une part, l’inscription se fait sur un support non prévu à cet effet et un même
numéro peut être attribué différents actes et, d’autre part, la transmission ne se fait pas aux archives
nationales. A cela s’ajoute la question des erreurs matérielles qui sont légion et qui sont difficiles à
corriger (procédures, coût). D’une manière générale, les délais de transmission des registres ne sont
pas respectés par les officiers et officières d’état civil. au Ministère de la Justice et de la Sécurité
Publique et aux Archives nationales dans les délais, la complication au niveau de la procédure de
légalisation des actes, l’implication de trop d’institutions dans le processus, l’impossibilité d’avoir un
extrait d’un acte de l’état civil avant un délai minimum d’une année et enfin le changement intempestif
du format de présentation des extraits des actes auxquelles s’ajoutent les erreurs matérielles
commises au niveau des actes de naissance (prénom, nom, date et lieu de naissance,…) par les
préposés.
8
Dans le cadre d’un projet pilote, un lien a été établi par l’État entre l’enregistrement des naissances et les programmes de santé
dans 2 communes de la capitale (Cité Soleil et Port-au-Prince) avec l’appui financier de l’OÉA (Organisation des États
américains). Les résultats obtenus ne sont pas encore publics.
9
Les données d’EMMUS V publiées en 2012, révèlent que 80% des enfants âgés de moins de 5 ans, résidant habituellement dans
les ménages, ont eu leur naissance déclarée { l’état civil et 73 % possèdent un acte de naissance.
10
EMMUS V op. cit. p. 129.
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39. Ces défaillances du système occasionnent des débours importants pour les familles qui sont obligées de
recourir { des jugements lorsqu’elles doivent faire établir correctement l’acte de naissance suite { des erreurs
matérielles constatées. Le cadre légal actuel qui régit l’État Civil fait appel à des procédures complexes et trop
onéreuses pour les familles.
40. La Coalition recommande que l’État prenne des dispositions pour :
a. Mettre { la charge de l’État les coûts encourus pour la rectification des erreurs commises dans les actes
de naissance par la faute des préposés;
b. Réorganiser le système d’état civil pour garantir sa proximité et son efficience;
c. Libérer les actes d’état civil, notamment les actes de naissance, de toutes mentions discriminatoires;
d. Organiser de façon permanente des campagnes sur l’importance de l’enregistrement des naissances,
de façon { résoudre le problème de la baisse du taux d’enregistrement constaté au niveau des moins
de 2 ans.
V.3. Liberté d’expression et droit de rechercher, de recevoir et de répandre des
informations.
41. La Constitution reconnait la liberté d’expression { tous les Haïtiens sans distinction aucune (article 28 de la
Constitution de 1987). L’État au cours des trois dernières années a fait des efforts appréciables pour entendre
les points de vue des enfants sur des sujets qui les concernent, notamment à travers des activités telles que :
a. L’exercice de la tenue, en novembre 2012, d’un conseil de gouvernement composé d’enfants de 12 à 17
ans, organisé par l’IBESR et ses partenaires;
b. L’action de plaidoyer, en novembre 2012, concernant l’adoption de mesures éducatives permettant
une réelle réinsertion des enfants en conflit avec la loi, conduit par une organisation de la société civile,
enpaK, avec le support de l’IBESR et de l’UNICEF.
c. L’action de plaidoyer, en novembre 2013, pour l’adoption d’un Code de l’enfant.
42. Cependant, ces efforts ne s’inscrivent pas dans la durée et ne touchent que peu d’enfants. Il n’y a aucun cadre
national garantissant la participation des enfants. L’Office de la Protection du Citoyen envisage de créer sur son
site un espace de dialogue, d’information et de formation { l’attention des enfants.
43. D’une manière générale, les enfants sont encore largement exclus des espaces de discussions. Leur opinion
n’est sollicitée que très rarement. Même si des efforts sont parfois entrepris par certains media pour leur
accorder un espace, la plupart des émissions pour enfants sont produites par des adultes, celles produites par
les enfants n’ayant généralement qu’un caractère récréatif. De plus, aucune exigence n’est faite par les
autorités compétentes aux gestionnaires de maisons d’enfants, de centres de réhabilitation, de centres
résidentiels, d’écoles ou de centres de santé, de mettre en place des mécanismes de plaintes { la portée des
enfants.
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44. A ce sujet, des enfants déclarent: «Les adultes ne comprennent pas que les enfants sont également des citoyens,
ils pensent que les enfants sont turbulents et qu’ils aiment interférer dans les affaires qui concernent les adultes.
Nous autres enfants, quand nous discutons avec les membres de nos clubs, nous parlons de nos problèmes et des
problèmes de notre pays, nous abordons également notre participation dans la reconstruction de notre pays. Il n’y a
11
aucun espace formel pour engager des discussions régulières entre les décideurs et les enfants »
45. La Coalition recommande que l’État prenne des dispositions pour:
a. Adopter un cadre national garantissant la participation des enfants dans toutes les décisions qui
affectent leur vie à tous les niveaux, notamment au niveau de la famille, des écoles, des procédures
judiciaires et administratives, des centres et maison d’enfants, etc.;
b. Garantir le fonctionnement des organisations qui travaillent dans le secteur de la participation des
enfants et des jeunes;
c. Renforcer la capacité de l’OPC en augmentant son budget de manière { lui permettre de poursuivre
ses interventions en faveur des enfants.
V.4. Protection de la vie privée et protection de l’image
46. La Coalition s’inquiète du fait qu’aucune action n’est entreprise par l’État pour garantir la protection des
enfants en la matière. Un cas emblématique a été enregistré au mois d’octobre 2013. «Une écolière de 13 ans
est victime d’un prédateur sexuel âgé de 48 ans. L’agression a lieu en pleine rue dans le véhicule du prédateur.
La police alertée n’applique pas le principe de protection dû aux personnes mineures et permet que la fille soit
jetée en pâture au voyeurisme à travers des média peu scrupuleux. Aucune sanction des policiers fautifs, aucun
rappel sur les droits humains des enfants et sur le fait que la législation, nationale et internationale, considère
qu’il ne peut y avoir de consentement de la part d’une mineure. Au traumatisme du viol s’est ajouté la
stigmatisation de l’adolescente issue d’un milieu pauvre, son exclusion de l’école et le refus d’autres
12
établissements scolaires de la recevoir. Encore une fois, c’est la victime qui est blâmée et non l’agresseur ».
47. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour :
a. Sensibiliser la population en matière de protection de la vie privée et de l’image des enfants;
b. Former les agents publics, chargés d’intervenir sur les lieux où une infraction a été commise, ainsi que
les journalistes sur le respect de l’intégrité physique et morale des enfants.
11
Analyse de situation par les enfants - Dix priorités formulées par les enfants aux représentants du Gouvernement – Conférence
Nationale Novembre 2011- Mouvement Global en faveur des enfants et enpaK.
12
Kay Fanm (Maison des femmes), communiqué du 25 novembre 2013, Protéger les femmes de demain.
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V.5. Accès à une information appropriée
48. L'État a la responsabilité de s'assurer que les medias diffusent des informations appropriés, pour les enfants. A
ce niveau, la coalition n’a pas constaté de progrès et le constat porte { croire que la situation s’est aggravée
avec la démocratisation des téléphones portables et l’accessibilité - sans mesures de contrôle - aux Nouvelles
Technologies de l’Information et de la Communication. Ce qui ne protège pas les enfants contre les
informations non adaptées à leur âge. En réalité, l’Etat n’assure aucun contrôle sur les informations accessibles
aux enfants dans les médias. De plus, dans les rues par le biais des marchands de CD installés sur les trottoirs,
les enfants sont exposés à la pornographie et ont la possibilité de se procurer le matériel pornographique sans
aucune restriction.
49. La Coalition recommande que des efforts soient consentis par l’Etat pour :
a. Adopter des mesures afin d’encourager la prise en compte des enfants dans les programmations des
médias, tenant compte de leur vulnérabilité, et de leur droit à une information appropriée;
b. Prendre une loi interdisant la vente de matériels pornographiques, quels qu’ils soient, aux enfants de
moins de 18 ans, sous peine de sanction à prendre contre les auteurs et les facilitateurs de la vente de
ces matériels.
V.6. Droit de ne pas être soumis à la torture ou autres peines et traitements cruels,
inhumains ou dégradants, y compris les châtiments corporels
50. La Coalition note les efforts de l’État en vue de mettre en œuvre les recommandations du Comité sur le droit de
l’enfant { ne pas être soumis { des peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les
châtiments corporels. Ces efforts vont du renforcement de la Brigade de Protection des Mineurs et la mise en
place des lignes d’appels téléphoniques par l’IBESR et la BPM { la signature de la Convention contre la torture
et les traitements cruels inhumains et dégradants en août 2013 suite aux recommandations de l’OPC.
51. Elle prend aussi note de l’adoption de textes prohibant les châtiments corporels et les traitements cruels,
13
inhumains et dégradants , de la participation de l’Etat { l’étude de 2006, des Nations unies, sur la violence faite
aux enfants, ainsi que des engagements y relatifs pris par l’Etat { l’époque et renouvelés en 2012 lors de la
rencontre sous régionale de suivi qui s’est tenue { la Jamaïque.
52. De plus la Coalition note avec satisfaction la collaboration qui existe entre l’OPC ─en tant qu’institution
nationale des droits humains au regard des principes de Paris, consacrés par la loi du 3 mai 2012─.et certaines
institutions étatiques. Elle note aussi l’implication de l’Office dans la sensibilisation des acteurs étatiques
chargés de l’application de la loi sur les mécanismes de prévention de la torture, la formation des cadres de la
Direction de l’Administration Pénitentiaire sur la prévention de la torture, la formation des agents de la Brigade
de Protection des Mineurs sur la violence faite aux enfants.
13
Loi du 10 septembre 2001 interdisant les châtiments corporels contre les enfants et la loi du 7 mai 2003 relative à l'interdiction
et à l'élimination de toutes formes d'abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants.
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53. Toutefois la coalition est préoccupée par le fait que la violence faite aux enfants n’a disparu ni dans les familles,
ni dans les écoles, ou encore les maisons d’enfants et autres institutions et que très peu d’actions concrètes ont
été mises en œuvre en vue de garantir la protection effective des enfants contre les actes de violence.
54. Plusieurs méthodes sont utilisées en Haïti par les parents, les enseignants et les personnes en charge de
l’éducation des enfants, pour punir ou corriger les actions jugées inappropriées. Les punitions sont le plus
14
souvent physiques et le fouet sous des formes différentes (rigwaz , matinèt, pantoufle, fil électrique, morceau
15
de bois,…) est utilisé pour administrer cette sanction .
55. Invités à se prononcer sur certaines pratiques, les enfants se sont exprimés ainsi : « Quand, on rentre dans une
16
école et que la première chose que l’on voit sur le bureau des professeurs, c’est un rigoise qui sert à battre les
élèves, cela veut dire que les recommandations de l’étude sur la violence ne sont pas appliquées».
56. La Coalition recommande que l’Etat prenne des mesures pour:
a. Renforcer la capacité de l’OPC { prendre une part active aux campagnes de sensibilisation et aux
formations pour les magistrats et autres acteurs étatiques intervenant au niveau de la justice des
mineurs, { l’échelle nationale;
b. Sensibiliser la population et les autres acteurs de la société civile sur la nécessité de ne pas recourir aux
mauvais traitements dans l’éducation des enfants, ce dans une perspective de respect des prescrits de
l’article 19 de la Convention relative aux droits de l’enfant;
c. Appliquer les recommandations de l’étude des Nations Unies sur la violence faite aux enfants;
d. Faire le suivi des cas de violence rapportés.
VI. MILIEU FAMILIAL ET PROTECTION DE REMPLACEMENT
VI.1. Responsabilité parentale
57. Les articles 259 à 262 de la Constitution de 1987, amendée en mai 2011, posent le principe de la
protection de la famille ainsi que celle des enfants, tout en posant le principe de la coresponsabilité
première des parents dans la protection des enfants. Cependant, la Coalition constate que l’État n’a
pas su assumer ses responsabilités par rapport aux familles vulnérables Les programmes d’assistance
sociale, non inscrits dans une politique publique globale de protection et de sécurité sociale, ne
suffisent pas à assurer le bien-être des familles et de leurs enfants.
14
Chicotte faite de nerfs de bœuf.
Selon EMMUS V, 89% des enfants de 2 à 14 ans ont rapporté avoir subi diverses formes de violences, parmi lesquelles 81% ont
rapporté avoir subi des châtiments corporels et seulement 8% ont rapporté avoir subi des sanctions non violentes.
16
Déclaration des enfants d’Haïti, Conférence sous régionale de la CARICOM pour le suivi de l’Etude des Nations Unies sur la
violence contre les enfants-Jamaïque, mai 2012.
15
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58. La paupérisation des familles s’accroit et s’est particulièrement aggravée avec le séisme du 12 janvier
2010, qui a mis sous les projecteurs des problèmes cruciaux. Cette situation a des conséquences
néfastes pour les enfants. Rien n’est prévu pour les enfants dont les parents sont en prison et le
phénomène la détention préventive illégalement prolongée à un impact négatif sur les familles, en
particulier les enfants.
59. L'article 189 du code civil haïtien exige des époux (père et mère) de "nourrir, entretenir et élever leurs
enfants"17. Cependant, l’irresponsabilité paternelle est un phénomène récurrent dans la société. La loi
ne se réfère uniquement aux personnes impliquées dans l’union mariage et ignore les unions
consensuelles qui sont majoritaires.
60. L’État doit prendre des mesures pour:
a. Rendre disponible une allocation familiale aux familles en difficulté, en fonction de critères
établis, intégrés à des politiques publiques encourageant la planification familiale en vue d’un
contrôle sérieux des naissances;
b. Renforcer les institutions chargées de veiller au bien-être de l'enfant afin qu'elles soient
véritablement opérationnelles;
c. Augmenter le budget de l’OPC en vue de lui permettre d’évaluer l’application des mesures
prises.
VI.2. Recouvrement de la pension alimentaire de l’enfant
61. Le décret du 8 octobre 1982 ─donnant à la femme mariée un statut conforme à la constitution et
éliminant les formes de discrimination à son égard (Moniteur No 75 du 28 octobre 1982)─ permet de
procéder { l’arrestation de tout débiteur de pension alimentaire qui ne remplit pas son obligation
pendant deux mois. Cette disposition ne suffit pas à rendre effectif le paiement de la pension
alimentaire dû pour l’enfant. Lorsque le débiteur, généralement le père, est de mauvaise foi, soit par
ignorance des prescrits de la loi, soit par crainte de représailles (agression, cessation des
contributions financières), la mère ne recourt pas au Commissaire du Gouvernement (procureur). Ici
également, les dispositions légales ne concernent que des personnes mariées. Toutefois dans la
pratique, certains tribunaux appliquent la loi aux personnes non mariées.
62. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Réviser la procédure judiciaire actuelle, en l’adaptant au contexte actuel afin de faciliter
l’obtention de la pension pour l’enfant;
b. Adopter le code de la famille prescrit par la Constitution afin d’assurer une protection efficace
{ la famille et { l’enfant.
17
Pierre Louis, M. code civil haïtien, Annoté & mis à jour. Tome I (Signalons cependant que cet article ne prend pas compte les
familles constituées en dehors du mariage).
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VI.3. Séparation d’avec les parents
63. A part l’adoption, la situation économique précaire des familles, l’emprisonnement d’un père ou d’une mère,
l’abandon, la mort, sont des situations qui favorisent la séparation des enfants d’avec leurs parents biologiques
et engendrent le phénomène de la domesticité, enfants de rues, voire enfants en conflit avec la loi,
phénomènes générateurs, le plus souvent de maltraitance pour certains enfants qui en sont victimes. Les
centres et les orphelinats devraient pouvoir servir de palliatif au milieu familial.
64. Selon le Décret-loi du 22 décembre 1971, les centres résidentiels et les orphelinats doivent obtenir leur
accréditation de l’Institut du bien-être social et de recherche (IBESR). Ils doivent par ailleurs respecter les
normes en matière d’infrastructure, d’hygiène, de nourriture, d’éducation et de présence de personnes
qualifiées. Cependant, la Coalition note que ni les prescrits légaux relatifs à ces structures, qui sont
principalement des institutions privées, ni leur nombre, ne suffisent à répondre aux besoins de tous les enfants
en situation difficile (enfants orphelins, enfants des rues, enfants en domesticité, enfants en conflit avec la loi,
ceux dont les parents sont en prison, etc.).
65. L’IBESR, en partenariat avec certaines organisations internationales, met en œuvre un programme pilote de
placement dans des familles d’accueil. A travers cette stratégie, il s’agit d’identifier des familles dans les
communautés qui, sans être rémunérées, sont prêtes à accueillir des enfants. Cependant certaines structures
questionnent cette nouvelle approche. En l’absence de mécanismes de surveillance adéquats de l’IBESR, ces
familles d’accueil pourraient reproduire les pratiques de maltraitance.
66. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour :
a. Faire aboutir les nombreuses initiatives de réunification familiale ou de placement dans des familles
d’accueil en cours depuis le séisme du 12 janvier 2010, sous le leadership de l’Institut du Bien Être
Social et des Recherches;
b. Développer et mettre en œuvre une politique familiale visant { supporter les familles de façon
effective afin que les enfants retournés dans leurs familles ne soient plus obligés d’en sortir pour des
raisons de vulnérabilité, surtout économique, de la famille;
c. Résorber le problème de chômage des jeunes, des hommes et femmes en âge de procréer qui favorise
la séparation des enfants d’avec leur famille biologique dans bien des cas.
VII. SANTÉ ET BIEN-ETRE
Enfants handicapés
67. La Coalition note avec satisfaction l’adoption de la loi du 5 mai 2010 portant sur l’intégration des personnes
handicapées (Le Moniteur du 21 mai 2012). Cette loi constitue une avancée certaine dans la lutte pour le
respect des droits des personnes handicapées, notamment les enfants. Cette loi protège les personnes
handicapées de toute forme de discrimination basée sur leur handicap, sous peine de sanctions administratives
et pénales { l’encontre des coupables, tant du secteur privé que du secteur public (article 3 et articles 75 à 81).
Cette loi prévoit aussi la transcription de tous les documents officiels en braille ou en toute autre forme de
communication alternative (article 84).
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VIII. ÉDUCATION, LOISIRS ET ACTIVITES CULTURELLES
Accès à une éducation de qualité
18
68. En Haïti, l’offre scolaire est assurée pour 80% par le secteur privé et 20 % par le secteur public . Avant le
tremblement de terre 500 000 enfants en âge d’aller { l’école n’étaient pas scolarisés et 25 % des zones rurales
ne possédaient pas d’établissements scolaires. Le système éducatif haïtien accueille environ 2 700 000 élèves
dans près de 17 000 écoles. Les coûts élevés de l’éducation empêchent les enfants les plus pauvres d’aller {
l’école. Les filles (49%) fréquentent moins l’école que les garçons (51%). 25 % des enfants des milieux ruraux
sont scolarisés, contre 66 % en milieux urbains. Le système éducatif haïtien, financé pour près de 65% par les
parents, est marqué par une importante proportion d’élèves sur-âgés { l’école fondamentale (65%) à cause de
leur entrée tardive { l’école pour des raisons économiques, et aussi { cause de l’incapacité de l’école { prendre
en compte les difficultés d’apprentissage dans le système.
69. Par ailleurs, le phénomène de la déperdition scolaire pour des raisons diverses, entre autres, la dégradation de
la situation économique des familles et les grossesses précoces, constitue à côté de la carence en matériel
scolaire et la rareté des équipements et des services dans les établissements scolaires, notamment en milieu
rural, un gros handicap pour le système éducatif. Environ 30 % des enfants qui fréquentent l’école primaire ne
rejoignent pas la troisième année. Sur 1 000 enfants d’une génération 40 % entrent en sixième, 10%
parviennent en seconde et 6 % obtiennent le Bac II. La question du maintien des filles dans le système scolaire
se pose particulièrement avec la pratique de leur exclusion du système scolaire pour cause de grossesse, de
maternité ou du fait qu’elles ont été victimes de viol.
70. La Coalition après avoir pris note de ce constat recommande { l’Etat de prendre des mesures pour:
a. Assurer le développement la Petite Enfance;
b. Garantir l’accès { une éducation de base de qualité qui puisse aussi prendre en compte les enfants en
difficulté d’apprentissage;
c. Augmenter l’offre scolaire et diminuer le taux de redoublement;
d. Adresser les problèmes de disparité liés au genre dans le système;
e. Renforcer les structures de gouvernance et de régulation du système éducatif.
18
Selon les données du dernier recensement du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation
Professionnelle réalisé en 2011.
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IX. MESURES SPÉCIALES DE PROTECTION DE L’ENFANCE
IX.1. Enfants en situation d’urgence
71. La Coalition prend note de l’adoption du Plan National de Lutte contre la drogue en 2003 qui porte sur la
réhabilitation, le traitement et la réinsertion sociale, particulièrement pour les enfants et adolescents et du
lancement de la campagne nationale contre la consommation de drogue en milieu scolaire en 2013.
72. Toutefois, la Coalition est alarmée par rapport { l’accessibilité de ces substances particulièrement aux enfants.
En effet, ces derniers ont accès aux substances hallucinogènes sans aucun contrôle, les substances alcoolisées
sont vendues aux abords des écoles au vu et au su de tous, sans oublier la vaste campagne de promotion des
produits alcoolisés ciblant les enfants et les jeunes qui est en cours mettant en vedette des artistes très
populaires aux seins de la jeunesse, ce qui incite les enfants à la consommation. Il faut noter aussi que l’alcool
se vend à un prix très abordable et coûte moins cher que les snacks les plus accessibles aux enfants. La coalition
recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Contrôler la vente des produits alcoolisés et autres produits hallucinogènes aux enfants;
b. Faire des campagnes de sensibilisation pour la population afin de prévenir l’abus d’alcool chez les
enfants;
c. Renforcer la capacité des centres hospitaliers, particulièrement ceux de l’Etat, afin d’assurer la prise en
charge des enfants ayant été victimes d’une overdose de produits hallucinogènes.
73. La Coalition note aussi que malgré les mesures prises par le Ministère de l’Education Nationale et de
la Formation Professionnelle pour retirer les enfants des rues au niveau de la Capitale, il existe encore
un bon nombre d’enfants qui quémandent leur pain aussi bien dans la Capitale que dans certaines
villes de province. Suivant les données de différentes recherches, le nombre peut atteindre environ
10 000. Port-au-Prince à elle seule compte entre 3 000 et 4 000. Ces enfants sont très vulnérables et
sont sujets { être victimes d’abus de toutes sortes tels que : violence physique, violence verbale,
violence sexuelle, arrestation, etc. sans aucun recours.
74. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Mettre en place des structures étatiques destinées à la prise en charge de ces enfants quand
ils font face à une situation qui le requiert, en attendant une amélioration de leur condition de
vie.
75. La Coalition est préoccupée par le fait que les agressions sexuelles (viol et tentatives de viol) frappent des
fillettes et adolescentes. La Coalition s’inquiète également du traitement inadéquat réservé par le système de
justice aux dossiers des agressions sexuelles sur des filles mineures. Les règles relatives à la protection des
enfants ne sont pas toujours respectées, de même que la loi en la matière. Il est aussi relevé dans de nombreux
de cas que la justice accepte que des tractations aient lieu pour dédouaner l’agresseur ou encore qu’elle incite {
une union entre l’agresseur et sa victime.
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76. La Coalition recommande { l’État de prendre les dispositions nécessaires en vue de :
a. Faire respecter la législation concernant les agressions sexuelles sur des personnes mineures.
b. D’offrir aux enfants victimes d’agressions sexuelles et de grossesse forcée
l’accompagnement médical et psychosocial que nécessite leur cas.
c. Collecter systématiquement les données sur le phénomène des agressions sexuelles sur
mineures.
IX.2. Enfants victimes d’exploitation
77.
La Coalition félicite l’État pour la ratification des Conventions 138 et 182 de l’Organisation International du
Travail (OIT), respectivement sur l’âge minimum d’admission { l’emploi et sur les pires formes de travail ainsi
que la mise en place d’une commission tripartite constituée de l’État, du Secteur Privé et du Secteur Syndical
sur le travail décent. La Coalition reconnait toutefois que ces actions ne suffisent pas pour adresser la question
de l’exploitation des enfants dans le pays. Il existe des données différentes en provenance de sources diverses
sur l’ampleur de la domesticité en Haïti. Certaines données font mention de 150 000, 500 000 ou encore de 300
000 enfants en domesticité. Vu la sensibilité de la situation, Haïti n’a pas encore été en mesure de donner des
chiffres fiables et précis. Le phénomène de la domesticité infantile est très présent et les plus grandes
victimes sont les enfants des familles extrêmement pauvres.
78.
Il n’y a toujours aucun consensus au niveau national sur le concept de la domesticité infantile malgré
l’existence de la table sectorielle sur la domesticité et la ratification par l’Etat Haïtien des conventions de l’OIT.
L’emphase est portée sur les enfants en domesticité alors qu’il existe différentes formes de pires formes de
travail des enfants telles que: le travail dans le secteur de l’agriculture, le commerce informel, l’artisanat, la
prostitution infantile, les enfants en situation de rue etc. A ce sujet des enfants interrogés eux-mêmes ont dit
«Quand en 2012 les parents sont encore obligés de donner leurs enfants à des familles, dans l’espoir d’une vie
meilleure et que ces enfants se retrouvent à faire des travaux forcés au-dessus de leur force, cela veut dire que la
situation est grave. Que aujourd’hui (sic), dans la Première République Noire, qui a combattu pour l’abolition de
l’esclavage, plusieurs milliers d’enfants de la nation vivent presque dans l’esclavage et qu’ils sont maltraités, c’est
19
inacceptable. Nous n’aimons pas voir les enfants comme nous dans cette situation.»
79.
La domesticité, c’est l’exploitation de la main d’œuvre des enfants. Elle est favorisée par la situation précaire
des parents. L’enfant devient alors une main d’œuvre { bon marché et peut-être victime de violence sexuelle,
de proxénétisme, de pornographie et d’exploitation juvénile, d’abandon, de délaissement, de négligence et de
maltraitance, bref de tout ce qui est préjudiciable à son épanouissement.
19
Déclaration des enfants d’Haïti, Conférence sous régionale de la CARICOM, pour le suivi de l’Etude des Nations Unies contre la
violence- Jamaïque Mai 2012.
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80. Par ailleurs, après le séisme du 12 janvier 2010, la promiscuité qui a sévit dans les camps a augmenté les
risques d’exploitation sexuelle des enfants particulièrement des filles, les mesures de protection de l’enfant
ayant fait défaut.
81.
La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Promulguer la loi sur la Traite des personnes;
b. Vulgariser les Conventions de l’OIT sur l’âge minimum d’accès { l’emploi et les pires formes de travail
des enfants;
c. Identifier et procéder à la liste des pires formes de travail au niveau national;
d. Appliquer les sanctions prévues contre toute personne ne respectant pas les prescrits de la loi;
e. Renforcer la présence de la Brigade de Protection des Mineurs et de l’IBESR dans les villes frontalières,
ceci devant être supporté par le budget national et non par des Organisations Internationales en vue
de garantir la pérennité de leur présence.
IX.3. Enfants en conflit avec la loi
82. Les faiblesses du système d’enregistrement de naissance affectent également les enfants en conflit avec la loi,
qui ne sont pas toujours en mesure d’établir leur âge et bénéficier de la protection spéciale { laquelle ils ont
droit par rapport à leur statut.
83.
La coalition déplore le fait que de nombreuses juridictions ne disposent pas de juges spécialisés chargés des
dossiers des mineurs en conflit avec la loi et que des mineurs âgés de moins de 16 ans sont jugés par des
tribunaux pour adultes contrairement aux prescrits de la loi du 7 septembre 1961 qui encadre la justice des
mineurs. Les recommandations faites pour la nomination de juge chargé des mineurs au niveau des différents
Tribunaux Civil du Pays dans la table sectorielle pour la justice des mineurs n’ont pas encore été prises en
compte malgré les efforts dans le domaine de la formation des Juges notamment sur les droits de l’enfant. La
coalition souligne qu’il reste beaucoup encore à faire en vue de garantir le respect des droits de cette catégorie
d’enfants, notamment pour adresser la question de leur détention préventive prolongée, de leur rééducation
et de leur réinsertion dans la société.
84. A ce sujet, les enfants eux-mêmes déclarent «La justice des mineurs n’est pas là pour punir mais pour rééduquer,
pour permettre aux enfants de se reprendre et de devenir des citoyens responsables. Le juge en tant que bon père
de famille doit avoir le souci de protéger l’enfant et non de lui faire du mal pour le punir. La peine ne devrait pas
ravir à l’enfant des droits qu’il a, parce que nous avons appris que les enfants naissent avec leurs droits et que
personne même pas l’État, le juge, ou les parents, n’ont le droit d’enlever. Le droit à l’assistance psychologique, au
loisir, à l’éducation sont importants pour permettre à l’enfant de se remettre et de devenir ce citoyen que nous
voulons avoir. Les enfants ne devraient pas être oubliés au fond des cellules à attendre que les différents
responsables acceptent de faire le suivi de leurs dossiers. »
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85.
En effet, 82% de la population carcérale chez les mineurs est en détention préventive prolongée. Au 31
décembre 2013 pour 241 enfants détenus, il y avait 198 (179 garçons et 19 filles) en détention préventive
prolongée et 43 condamnés alors que la loi en vigueur ne prévoit même pas de détention préventive pour les
mineurs. Il est important de noter les principaux problèmes qui entravent le bon fonctionnement de la justice
des mineurs en Haïti:
a. Il n’y a qu’un seul jour d’audience par semaine. Certaines fois il n’y a aucun Juge disponible au jour de
l’audience ou encore aucun avocat pour fournir { l’enfant inculpé l’assistance légale à laquelle il a
droit.
b. Il n’existe qu’un seul Tribunal pour enfant du pays basé à Port-au-Prince, n’est qu’une section
spécialisée du Tribunal Civil de cette juridiction (il ne dispose pas de son Greffe, de son Parquet, et de
son Doyen).
c. Il faut le transfert des enfants des autres juridictions vers Port-au-Prince pour qu’ils soient jugés ou,
dans le cas contraire, ils seront jugés par des juges non spécialisés. Ce qui donne lieu à des décisions
20
abusives, inadaptées aux mineurs et ne respectant pas l’intérêt supérieur de l’enfant.
21
d. Il y a une difficulté énorme quand il s’agit d’organiser des assises pour mineurs . Ce qui contribue à
22
augmenter le nombre d’enfants en détention préventive prolongée .
e. Il y a une désorganisation au niveau du classement des dossiers des enfants dans le système. Ce qui
23
cause entre autres le manque de pièces dans les dossiers voire la perte de ceux-ci .
f. L’un des impacts de ce dysfonctionnement se situe au niveau du mouvement de la population
carcérale au CERMICOL. En effet, la baisse de cette population ne signifie pas toujours libération des
locataires du Centre mais leur transfert à la Prison Civile de Port-au-Prince, centre de détention des
hommes, en raison de leur âge (ils ont 18 ans, n’ont pas été jugés pour un acte qu’ils auraient commis
alors qu’ils étaient mineurs et deviennent trop âgés pour rester avec les adultes). A ce moment, ils
24
courent le risque d’être jugés comme s’ils avaient été adultes lors de leur arrestation .
86. La Coalition recommande que l’État prenne des mesures pour:
a. Rendre effective la loi de 1961 prévoyant 1 tribunal pour enfant dans chaque juridiction d’appel;
b. Faire du Tribunal pour enfant un Tribunal à part entière avec son propre personnel et non une section
spécialisée du Tribunal de Première Instance;
20
A titre d’exemple, un enfant de 15 ans a été condamné { 15 ans de prison pour complicité de parricide à Fort Liberté, Chef-lieu
du Département du Nord-est, même si un cas quasi similaire a été recensé à Port-au-Prince (une fillette de 15 ans condamnée à
perpétuité pour complicité d’enlèvement).
21
Il n’y en a pas eu depuis 2011.
22
En décembre 2013, il y avait 50 enfants (48 garçons et 2 filles) inculpés pour viol au CERMICOL (centre de détention pour
mineurs) en attente des assises criminelles sur 123 détenus.
23
A titre d’exemple, six enfants ont eu une ordonnance de non-lieu, ces ordonnances se sont égarées et les enfants sont encore
gardés au CERMICOL alors qu’ils auraient dû être libérés depuis 1 an.
24
er
Entre le 1 février 2012 et le 6 octobre 2013 un total de 94 mineurs a été transféré du CERMICOL à la Prison civile de Port-auPrince.
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c.
d.
Réviser la loi de 1961 pour élargir la compétence du Tribunal pour enfant qui actuellement ne
concerne que les enfants délinquants et ne touchent pas les enfants victimes alors que la démarcation
entre l’enfant victime et l’enfant délinquant n’est pas toujours évidente;
Harmoniser la législation relative à la justice des mineurs avec la Convention. Un enfant de 16 ans est
distrait des tribunaux pour enfants et va être jugé par un tribunal de droit commun, c’est-à-dire par
des juges qui ne sont pas nécessairement formés pour interagir avec les enfants.
X. CONCLUSION
87.
En rédigeant ce rapport alternatif, la Coalition a fait un tour de la situation générale des enfants en Haïti. Bien
sûr l’exercice n’a pas touché tous les aspects de la vie de l’enfant, l’explication a été donnée au début. Le
rapport fait état des avancées de l’État aussi bien des défis auxquels l’État fait face dans la mise en œuvre de la
Convention.
88. En termes d’avancées, il convient de retenir, entre autres, pour la période sous-examen, la prise de mesures
législatives et administratives telles : la ratification des Conventions 138 et 182 de l’OIT, la publication dans le
Moniteur, Journal officiel de la République de la loi sur la paternité, la maternité et la filiation, la création au
sein de la Police Nationale d’Haïti de la Brigade de Protection des Mineurs section destinée aux traitements
des dossiers des mineurs. Cependant, les défis semblent être nombreux dans certains domaines comme
l’élaboration de politiques publiques qui garantissent pour l’enfant le droit à une éducation de qualité, le droit
de vivre en famille, celui d’être jugé dans un délai raisonnable, droit { la santé qui implique aussi le droit { un
environnement sain, pour ne citer que ceux-là.
89. Forte de ce constat, la Coalition a fait des recommandations { l’État. Ces recommandations, si elles sont prises
en compte peuvent contribuer à enrayer certains phénomènes tels la domesticité, les enfants de rue, les
grossesses précoces chez les filles ainsi que toutes les implications que cela peut avoir sur le développement
harmonieux de l’enfant. l’Etat, tout en comptant sur la collaboration de ses partenaires et sur la coopération,
doit renforcer ses actions afin de garantir aux enfants, par une mise en œuvre effective de la Convention, une
Haïti digne d’eux.
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