Ouverture Rencontre régionale, colloque, participation… mais encore

Transcription

Ouverture Rencontre régionale, colloque, participation… mais encore
Ouverture
Rencontre régionale, colloque, participation… mais encore ?
Bruno DE GOER, PASS centre hospitalier de Chambéry
__________________________________________________________________________________
2004. La première rencontre régionale des PASS Rhône Alpes est organisée par le centre hospitalier
de Chambéry et la Société Régionale de Santé publique. L’année suivante est née l’association des
Professionnels des PASS Rhône Alpes. 6 autres journées ont alors été organisées par celle-ci, dans 6
hôpitaux différents de la région, autour de nombreuses thématiques. Le savoir d’action des
professionnels des PASS se structure.
2011. Une dynamique de colloques nationaux est lancée par le Collectif Pass.
2005-2013. La PASS de Chambéry et le réseau santé précarité (aujourd’hui RESPECTS 73), en lien avec
diverses associations, ont co-organisé 6 formations selon la méthodologie du croisement des savoirs
et des pratiques: au total, ce sont plus de 130 professionnels qui ont ainsi été formés (a). Ces
expériences, en lien avec les ateliers du croisement des savoirs et des pratiques d’ATD Quart-monde,
mais aussi toute la recherche sur les démarches participatives, ont permis au réseau local d’avancer
la réflexion sur les conditions pour travailler avec les publics concernés à partir de leurs expériences,
dans le but de trouver ensemble des solutions mieux adaptées à leurs logiques de vie, voire de
survie.
2014. Dix ans après, nous pouvons alors proposer une rencontre régionale et un colloque national,
conjuguant vos expériences et connaissances : personnes en grandes difficultés sociales et
professionnels.
« Soignons ensemble, soyons ensemble ». Ce sont les mots d’une personne fréquentant une PASS.
On pourrait ajouter, à partir de la photo de l’affiche travaillée avec des patients utilisant le dispositif:
« marchons ensemble, avançons ensemble ».
Oui. Mais encore ?
Ce n’est pas si simple.
Professionnels et personnes en grandes difficultés sociales, si nous sommes de la même humanité,
nous ne voyons pas le monde de la même façon. Nous n’avons pas les mêmes mots. Pas les mêmes
codes. Pas les mêmes logiques. En regard des réalités, nous vivons souvent une telle dissonance que
nous mettons en doute la version des uns et des autres. Des stratégies peuvent s’opposer sans en
comprendre les raisons. Travailler ensemble nécessite au préalable d’avoir forgé une connaissance
professionnelle, une connaissance universitaire (particulièrement faible en ce qui concerne les PASS),
une connaissance issue de l’expérience de vie. Pour que cette dernière soit effective, et reconnue au
même titre que les autres, pour faire de l’expérience de chacun une intelligence collective, il faut
mettre en place les conditions de son développement. Puis accepter d’y être confronté, pouvant
remettre en cause nos pratiques de professionnels.
Personnes en situation de précarité et professionnels ou bénévoles, vous avez accepté de travailler
en groupe. Ce sont vos travaux qui ont permis de construire le programme de ce jour. Certains
thèmes ont été complétés par des apports plus universitaires, à condition que les travaux aient été
effectués avec une participation des publics.
La réflexion collective est meilleure qu’une pensée individuelle. C’est vrai pour les professionnels,
c’est vrai pour les personnes en difficultés. Tous, on peut se tromper, mais l’important est de
confronter nos recherches et expériences dans le respect de chacun, pour chercher ensemble des
solutions. Mais attention : le biais majeur est que nous, professionnels ou chercheurs, nous
réinterprétons votre pensée, selon nos critères et propres modes d’analyse, au risque de la
dénaturer, voir d’en faire des contre sens. C’est tout le problème de la plupart des travaux
universitaires, où les plus pauvres sont alors objets de recherche et ne participent ni à l’élaboration
du travail, ni à son analyse, encore moins à son évaluation. Quels bénéfices pourraient alors en tirer
leur milieu ?
Ce travail ensemble aujourd’hui, universitaires, professionnels, personnes en difficultés sociales,
nécessite une confiance réciproque, une écoute et un respect absolu de la pensée de chacun des
milieux. Il convient d’habiter les relations sur un mode de l’alliance. Professionnels, nous ne sommes
pas là pour expliquer. Car expliquer, c’est le faire à partir de sa propre analyse. Nous ne sommes pas
là non plus seulement pour prendre de l’information. Car, disait Joseph Wresinski : « déranger les
plus pauvres dans leur pensée, en les utilisant comme informateurs, au lieu de les encourager à
développer leur réflexion propre en acte réellement autonome, c’est les asservir ». Nous sommes
donc ici chacun pour amener des éléments de réflexion, se rencontrer, et avancer ensemble.
Avançons ensemble.
Je sais la difficulté pour des personnes en souffrance sociale de s’exprimer face à des professionnels.
Vous êtes nombreux présents aujourd’hui, certains d’entre vous vont transmettre les résultats de vos
réflexions, en essayant d’y être le plus fidèle possible. Un grand merci à vous.
Oui. Mais encore…
A quoi cela peut-il nous servir, à nous professionnels, certains déjà en difficultés, tiraillés par les
contraintes institutionnelles, le manque de budget, souvent le peu de reconnaissance au sein de nos
hôpitaux, à risquer en plus d’interroger nos pratiques par vous ? Par vous, qui fréquentez les PASS,
ou qui justement n’y vont pas alors que le dispositif a été conçu pour vous, pour votre milieu… mais
sans vous?
Parmi d’autres, deux axes de réponse : M. René Dolignon, qui a participé à la formation de
professionnels de santé, et Marion Carrel, sociologue.
(a). Trois formations avec des personnes issu du monde de la très grande pauvreté (2005, 2011, 2013
avec le secours catholique et ATD Quart-monde), une avec des migrants (2006, accompagnés par
Migration santé Rhône Alpes et la SASSON), avec des gens du voyage (2009, avec l’Association
Régionale des Tsiganes et de leurs amis Gadgé, voir poster), et une plus spécifique diététique et
personnes de la rue (2006, avec le CHRS St François à Annecy et Le Pivoley à Villefontaine,
coordonnée par Lasaire Scop).