Protection de marque en matière de transit de marchandises
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Protection de marque en matière de transit de marchandises
Février 2007 à la une. Département Propriété intellectuelle / NTIC / Médias Thème du mois : PROTECTION DE MARQUE EN MATIERE DE TRANSIT DE MARCHANDISES Le 9 novembre 2006, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a complété sa jurisprudence relative à la saisie de marchandises en 1 transit sur le territoire d’un Etat membre . La question se posait de savoir si le titulaire de la marque DIESEL, protégée en Allemagne, pouvait interdire le transit sur le territoire allemand de pantalons revêtus du signe DIESEL sans son autorisation, fabriqués en Pologne (Etat tiers à la Communauté au moment des faits) et à destination de l’Irlande où ces pantalons pouvaient être librement commercialisés, la marque DIESEL n’y bénéficiant d’aucune protection. La réponse est négative en l’espèce. fondement du règlement (CE) n°3295/94 du 22 décembre 1994 « fixant des mesures en vue d’interdire la mise en libre pratique, l’exportation, la réexportation et le placement sous un régime suspensif des marchandises de contrefaçon et des marchandises pirates » originaires de pays tiers à la Communauté. Selon la CJCE, les mesures de retenue, prévues par ce règlement, sont applicables en cas de transit des marchandises dans un Etat membre où la marque est protégée (CJCE, 4 janvier 2004, C-60/02, « Rolex »). Toutefois en application de l’arrêt du 9 novembre 2006, le seul transit, sans que les produits ne soient vendus ni offerts alors qu’ils sont en transit, ne porte pas atteinte à l’objet spécifique du droit de la marque de sorte qu’il échappe également aux mesures de retenue sur le fondement du règlement. En vertu de l’article 5, paragraphe 1 et 3 de la directive (CE) n° 89/104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, le titulaire de la marque peut interdire à tout tiers « de faire usage, dans la vie des affaires », d’un signe identique au sien et notamment « d’importer ou d’exporter les produits sous le signe ». Selon la CJCE, ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que le titulaire d’une marque ne peut interdire le transit, dans un Etat membre dans lequel cette marque est protégée, de produits revêtus de la marque, placés sous le régime du transit externe et à destination d’un autre Etat membre dans lequel la marque n’est pas protégée. En effet, la Cour considère que le transit externe, en raison du fait qu’il n’implique aucune commercialisation des marchandises concernées, ne constitue pas un usage de la marque susceptible de porter atteinte à l’objet spécifique du droit des marques qui est d’assurer au titulaire de la marque sa mise dans le commerce dans la Communauté. Il en résulte que le titulaire d’une marque ne peut interdire le transit, dans un Etat membre dans lequel sa marque est protégée, de marchandises placées sous le régime du transit externe et à destination d’un autre Etat membre dans lequel une telle protection n’existe pas, que « lorsque ces produits font l’objet d’un acte d’un tiers effectué pendant qu’ils sont placés sous le régime du transit externe et qui implique nécessairement leur mise dans le commerce dans ledit Etat membre de transit ». La Cour précise également que cette solution s’applique que les marchandises concernées proviennent d’un Etat membre ou d’un Etat tiers et qu’elles aient été fabriquées légalement dans leur pays d’origine ou en violation d’un droit de marque du titulaire en vigueur dans ledit pays. Par cet arrêt, la CJCE complète sa jurisprudence antérieure sur le transit de marchandises et restreint encore la possibilité des titulaires de marques de saisir des produits qui ne font que transiter sur le territoire d’un Etat membre. En outre, la CJCE a adopté la même solution en matière de transit intracommunautaire sur le fondement de la libre circulation des marchandises et plus précisément des articles 28 et 30 du Traité CE. En effet, la CJCE a décidé que le transit ne portait pas atteinte au droit du titulaire de la marque d’utiliser sa marque pour la première mise en circulation des produits sur le territoire communautaire. Par conséquent, une retenue de marchandises en transit constitue une restriction à la libre circulation des marchandises, non justifiée pour la sauvegarde des droits du titulaire de la marque et par conséquent interdite. Et ceci que les marchandises authentiques en provenance d’un Etat membre soit à destination d’un autre Etat membre (CJCE, 26 septembre 2000, C29/99, « Commission / France ») ou bien à destination d’un pays tiers (CJCE, 23 octobre 2003, C-115/02, « Rioglass »), car dans les deux cas le marché intra-communautaire est concerné. • • Limites aux prérogatives du titulaire de la marque en matière de transit Sur le fondement de l’article 5, paragraphes 1 et 3 de la directive (CE) n° 89/104 du 21 décembre 1988 et de l’article 9, paragraphes 1 et 2 du règlement (CE) n°40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, la CJCE avait déjà décidé que le titulaire d’une marque ne pouvait pas s’opposer « à la seule introduction dans la Communauté, sous le régime douanier du transit externe ou celui de l’entrepôt douanier, de produits d’origine revêtus de cette marque et qui, auparavant, n’ont pas déjà été mis dans le commerce de la Communauté par ledit titulaire ou avec son consentement » (CJCE, 18 octobre 2005, C.C-405/03, « Class International »). La CJCE a précisé sa jurisprudence antérieure en énonçant que les conditions de l’atteinte au droit des marques sont les mêmes sur le 1 CJCE, 9 novembre 2006, C-281/05, « Montex Holdings LTD c/ Diesel Spa » Les juges français ne sont pas restés insensibles à l’interprétation de la CJCE des textes communautaires sur l’étendue des prérogatives du titulaire de la marque. Ainsi la Cour d’Appel de Paris a eu l’occasion de juger que « le fait de conditionner des produits, jamais offerts en France à la vente sous la marque litigieuse, détenus uniquement en vue de leur expédition vers une filiale pour être mis licitement sur le marché d’un pays tiers, ne peut être considéré comme un usage dans la vie des affaires et n’est donc pas susceptible de porter atteinte à l’objet ème er ch., 1 spécifique du droit des marques » (Cour d’Appel de Paris, 4 juin 2005, « Sté BBV c/ Sté L’Oréal et autres »). Il en résulte que le titulaire de la marque ne peut pas s’opposer à la fabrication, au conditionnement et à la détention en France de produits contrefaisants, expédiés pour être légalement commercialisés dans un autre pays et ce, alors même que les articles L.716-9 et L.716-10 du Code de la Propriété Intellectuelle sanctionnent le fait de détenir sans motif légitime, d’importer sous tous régimes douaniers ou d’exporter des marchandises présentées sous une marque contrefaisante. Moyens d’action du titulaire de la marque en matière de transit Outre les hypothèses expressément prévues par la CJCE où les produits en transit sont mis dans le commerce du pays sur lequel ils transitent, il apparaît que la CJCE exige que les marchandises soient légalement commercialisées sur le territoire de destination (dans ce er sens également : Cour d’Appel de Paris, 1 juin 2005, précitée). Ainsi le titulaire d’une marque pourrait s’opposer au transit sur un Etat membre de marchandises destinées à être commercialisées dans un autre pays dans lequel sa marque est protégée. Enfin, il faut souligner qu’en application du règlement (CE) n° 1383/2003 du 22 juillet 2003 concernant l'intervention des autorités douanières à l'égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle, le titulaire d’une marque communautaire peut, à partir d’une seule demande d’intervention auprès des services douaniers français, obtenir une protection étendue à l’ensemble des territoires des Etats membres de la Communauté. SOCIETE D'AVOCATS ● 174 avenue Victor Hugo ● 75116 Paris ● Tél 33 (0)1 44 05 21 21 ● Fax : 33 (0)1 44 05 21 00 ● www.pdgb.com ACTUALITES : La fin du formalisme en droit d’auteur ? La Première Chambre civile de la Cour de Cassation crée la surprise dans un arrêt du 21 novembre 2006. Elle y dévoile en effet une interprétation du Code de la Propriété Intellectuelle rigoureusement opposée à l’interprétation jurisprudentielle et doctrinale traditionnelle. Les faits sont simples : un créateur de mode, par ailleurs directeur artistique de la société dont il était l’associé, reproche à celle-ci d’avoir exploité sans son autorisation les modèles qu’il avait créés pour la collection « automne-hiver 2001/2002 ». Elément essentiel : aucun contrat de cession n’a été conclu entre les parties aux fins de régler ab initio la question, mais l’objet de leur partenariat était cependant exclusivement d’exploiter les créations du styliste. Si la Cour de Cassation s’en était tenue à sa position séculaire, elle aurait purement et simplement déduit de l’absence de contrat écrit l’absence de cession, sur le fondement de l’article L. 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, qui exige la mention spécifique de chaque droit cédé dans l’acte de cession, ainsi que sa délimitation quant à l’étendue, la destination, le lieu et la durée de celle-ci. Marque / noms de domaine : un dépôt, vite ! Les litiges entre marques et noms de domaine se multiplient. Un nouvel exemple en a été donné à l’occasion de la décision rendue par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI le 20 décembre 2006, qui opposait les titulaires du nom « skyblog.com » à ceux des noms « askyblog.com », « dskyblog.com », « skyblogf.com », « skyblogh.com », et « skyblogt.com ». A l’appui de leur plainte, les requérants (VORTEX et TELEFUN) soutiennent que les noms de domaine litigieux sont identiques voire similaires au point de créer un risque de confusion car ils reproduisent entièrement la marque SKYBLOG, et sont en relation avec des blogs. Le Centre d’arbitrage n’admet pas cet argument. En effet, constatant que la marque SKYBLOG n’est qu’en cours d’enregistrement –et donc susceptible de faire l’objet d’une procédure d’opposition- il refuse de lui accorder la valeur d’une marque effectivement déposée. En outre, c’est avec la même intransigeance qu’est refusée l’acquisition de la marque par l’usage, de même que la qualification de marque notoirement connue. La demande est donc rejetée. Or, telle n’a pas été ici la démarche de la Cour, bien au contraire : confirmant l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 16 février 2005, elle se prononce en faveur d’une interprétation extrêmement restrictive de l’article L.131-3 du CPI et pose que seuls les contrats explicitement visés dans l’article L. 131-2, c’est à dire dont l’écrit est requis ad validitem, sont concernés par l’article L. 131-3. Pour autant, la commission administrative clôt sa décision sur ces mots : « Il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse. Mais la Commission tient néanmoins à souligner qu’elle n’aurait eu aucune hésitation à conclure que les Requérants ont démontré l’absence d’intérêt légitime du Défendeur aux noms de domaine et que les Défendeurs ont enregistré et utilisé les noms de domaine de mauvaise foi ». Les Juges, en faisant une lecture liée des deux articles, font donc des contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle les seuls qui nécessiteraient la rédaction d’un écrit dans lequel devrait impérativement figurer l’identification et l’étendue précise des droits cédés. Pour les autres, la question ne se poserait qu’en termes de preuve. Selon la Cour, ce serait alors les règles du droit commun qui s’appliqueraient à savoir les articles 1341 et suivants du Code civil. Une décision prise à contre-cœur, qui laisse toutefois poindre la possibilité d’une action judiciaire sur le terrain, cette fois-ci, de la concurrence déloyale… S’il ne faut pas accorder à cet arrêt la force d’un arrêt de principe, il reste que celui-ci n’est pas dénué de toute portée. Il semble en effet faire écho à un courant jurisprudentiel ayant par le passé avalisé la cession implicite des droits patrimoniaux de l’auteur dans le cadre des contrats de travail, voire même des contrats de commande. Dans une affaire portée devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, l’UFC – Que Choisir reprochait à Sony France et à Sony UK de commercialiser des baladeurs numériques ne permettant pas l’écoute d’œuvres musicales légalement téléchargées sur d’autres sites que celui géré par Sony elle-même – et à l’inverse, d’intégrer aux œuvres musicales commercialisées sur ce site des mesures de protection qui n’autorisaient pas le transfert et l’écoute sur l‘ensemble des baladeurs numériques existant sur le marché, et surtout de le faire sans en informer les consommateurs. Néanmoins, la solution est moins tranchée qu’elle n’y paraît : les divers arrêts, dont celui du 21 novembre 2006, n’ont accepté cette cession implicite que dès lors qu’avait été caractérisée l’intention des deux parties dès le début de leur relation, de produire industriellement l’œuvre, ce que la Cour nomme parfois leur « projet commun ». S’agit-il dès lors pour la Cour de sanctionner un auteur qu’elle estimerait de mauvaise foi ? Il semble trop tôt encore pour l’affirmer. La prudence voudra donc que la rédaction d’un acte de cession de droits demeure indispensable en toutes circonstances, afin que les praticiens ne deviennent pas les premières victimes d’une perceptible insécurité juridique. Premier décret d’application de la loi DADVSI La très médiatique loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans er la société d’information (DADVSI) du 1 août 2006 s’affine quelque peu avec la parution au JO du 30 décembre 2006 de son premier décret d’application, « relatif à la répression pénale de certaines atteintes portées au droit d’auteur et aux droits voisins ». Ce décret, qui concerne le contournement des mesures techniques de protection, prévoit qu’est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe [ 750 € ], le fait de détenir ou d'utiliser une application technologique, un dispositif ou un composant permettant de porter atteinte à une mesure technique de protection qui protège une oeuvre, une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme, un programme ou une base de données, et sanctionne de la même manière le fait de supprimer ou de modifier les messages d’information qui accompagnent désormais les oeuvres. Ces dispositions ne s’appliquent cependant pas aux actes qui « ne portent pas préjudice aux titulaires de droits, et qui sont réalisés à des fins de sécurité informatique, ou de recherche scientifique en cryptographie ». La loi DADVSI appelle de nombreux autres décrets que l’année 2007 devrait apporter. UFC Que Choisir c/ Sony : condamnation pour tromperie et vente liée Les associations de consommateurs ont encore gagné du terrain face aux majors du disque. Etaient donc visés à la fois l’article L.213-1 du Code de la consommation qui établit le délit de tromperie, et l’article L.122-1 du même Code interdisant la subordination de vente et la vente liée. S’agissant du délit de tromperie, le Tribunal, dans son jugement rendu le 15 décembre 2006, l’estime constitué dès lors que l’information proposée aux consommateurs ne lui semble pas suffisamment claire, précise et immédiatement accessible puisque « très allusive » ou obligeant le consommateur à consulter un hyperlien pour y parvenir. Le TGI va même plus loin en affirmant que Sony France et Sony UK se sont rendues coupables de « réticence dolosive révélatrice de leur mauvaise foi» en ne mettant pas le consommateur en mesure de procéder à son acte d’achat en toute connaissance de cause. S’agissant de la contravention de subordination de vente, le Tribunal l’a déduit de la double restriction d’usage qui conduit à empêcher toute interopérabilité entre les produits de diverses origines. La sanction choisie cherche visiblement plus à guérir qu’à punir : le TGI a en effet enjoint à Sony d’afficher explicitement la limitation d’usage sur les emballages et sur son site internet, et a ordonné la publication judiciaire d’un communiqué sur ce même site en plus de sa condamnation à verser à l’UFC – Que Choisir, la somme de 10.000 € au titre de dommages-intérêts. P.D.G.B Société d’Avocats 174, avenue Victor Hugo 75116 Paris Tél. : 01.44.05.21.21 www.pdgb.com Julie JACOB - Benjamin JACOB Véronique MOROT - Aurélie ROUX Les informations et opinions contenues dans cette lettre d’information ne prétendent pas à l’exhaustivité et ne peuvent pas se substituer à un avis spécifique rendu au vu d’une situation particulière