Chapitre 2 : Du vieux Paris au nouveau Paris

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Chapitre 2 : Du vieux Paris au nouveau Paris
Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région
Du vieux Paris au nouveau Paris
Du vieux Paris
au nouveau Paris
1850 – 1870
Les grandes opérations d’urbanisme
d’Haussmann et l’annexion
des communes limitrophes
Le début du Second Empire n’apporte pas de modification à l’organisation spéciale du département de
la Seine et de la ville de Paris. La commission départementale de la Seine, instituée en 1849 est dissoute puis reconstituée par des membres plus dociles. Ces 36 membres forment également la commission municipale de la ville confondant plus étroitement les intérêts de la ville de Paris et du département de la Seine (décret du 4 janvier 1854). La loi
du 5 mai 1855 sur l’organisation municipale ne concerne pas Paris ni les autres communes du département de la Seine où le conseil municipal est nommé
par l’Empereur. Le rôle des deux préfets est également élargi durant cette période.
Napoléon III, dont l’ambition est de posséder une
capitale rivalisant avec Londres, choisit Georges
Haussmann, ancien préfet de Bordeaux et intime
collaborateur, comme préfet de la Seine (1853-1870)
pour mener à bien son œuvre.
Haussmann, de tempérament autoritaire, s’accommodant mal du contrôle des deux assemblées délibérantes limite totalement leurs pouvoirs. En parlant de la loi du 5 mai 1855 qui avait restitué l’ancien titre de « conseil municipal », il déclarait
« qu’aucune loi ne pouvait faire qu’un corps non
élu fût autre chose qu’une commission... Paris qui
n’était plus du domaine exclusif des parisiens, cette
ville, appartenant moins à ceux-ci qu’à la France,
ne pouvait avoir une administration purement municipale ». D’ailleurs il concluait « que l’organisation municipale de Paris ne pouvait être établie sur
l’élection comme celle des autres communes de l’Empire... Si Paris est une grande ville... c’est surtout
la capitale d’un grand empire, le siège de tous les
corps par lesquels s’exerce la puissance publique
de la France... Voilà pourquoi, c’est un préfet de
l’Empire, qui occupe l’Hôtel de Ville et qui y remplit les fonctions administratives qu’exerce partout
ailleurs un maire ; voilà pourquoi c’est l’Empereur
qui nomme le conseil municipal »1.
Haussmann ne se contente pas d’imposer ses volontés aux assemblées délibérantes, il s’applique à limiter l’autorité du préfet de police2 . En faisant
modifier par le décret du 10 octobre 1859, l’arrêté
consulaire du 12 messidor an VIII, un certains nombre d’attributions sont ainsi transférées au préfet de
département. Haussmann obtient l’appui de Napoléon III pour s’affranchir de la tutelle administrative
des ministres, pour être traité d’égal à égal avec les
ministres et le conseil d’Etat (décret du 22 décembre 1860). Il est par ailleurs nommé sénateur en
1857. Son action soulève des protestations et des
critiques dès 1862 avec l’apparition d’un mouvement d’opinion favorable à des idées de liberté communale et d’indépendance parisienne.
1
Extraits des discours prononcés par Haussmann :
- le 14 novembre 1859 en installant le nouveau conseil municipal de Paris à la suite de la loi du 16 juin 1859 sur l’extension des
limites de Paris ;
- au Sénat le 6 juin 1861 et discours prononcé en 1864 lors d’une nouvelle installation de l’assemblée parisienne.
2
Préfecture de la Seine, préfecture de Police d’après Maurice FELIX, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et
du département de la Seine tome 1 p.119 histoire des administrations parisiennes, p. 121 la Documentation française, Evolution de
l’agglomération parisienne – 1957, documentation DREIF 5093.1.
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Ce même décret déclare d’utilité publique l’agrandissement des places du Louvre et de Saint-Germain-l’Auxerrois et prescrit l’élévation, suivant une
architecture décorative homogène, de maisons faisant face des deux côtés de ces places réunies à la
colonnade du Louvre.
Les grands travaux
En 1850, Paris est une ville aux rues étroites, malsaines et mal éclairées. Des problèmes graves d’alimentation en eau potable et d’assainissement, des
logements insalubres entraînent de ravageuses épidémies.
Pour en faire une ville aux larges avenues avec des
squares, des parcs et des bois, un réseau d’égouts
moderne et des gigantesques ouvrages pour alimenter Paris en eau potable, Napoléon III décide des
grandes lignes directrices des travaux. Il les dessine
à gros traits de couleur sur un plan installé dans son
bureau. La conduite et la réalisation du remodelage
de Paris sont confiées à Haussmann, entouré notamment de l’ingénieur Eugène Belgrand (18101878), directeur du service des eaux, et du paysagiste Jean-Charles Adolphe Alphand (1817-1891),
directeur du service des promenades et plantations,
tous deux polytechniciens et ingénieurs des Ponts et
Chaussées inspirés par les doctrines saintsimoniennes et fouriéristes3.
Napoléon III tranche la question du tracé de la rue
de Rivoli entre le Louvre et l’Hôtel de Ville avant
l’arrivée d’Haussmann. Le projet, qui remonte au
Plan de la commission des Artistes4, prévoit un prolongement à partir de l’axe de la colonnade du Louvre vers l’Hôtel de Ville, ce qui implique la destruction de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Le prolongement de la rue de Rivoli vers l’Est se fera plus
au nord dans l’alignement du percement déjà réalisé5.
Le décret du 19 février 1853 déclare d’utilité publique l’élargissement de la place de l’Hôtel de Ville
nommée jusqu’alors place de Grèves. Pour donner
un caractère monumental aux accès de l’Hôtel de
Ville, il est décidé le 29 juin 1854 de créer dans son
axe une avenue plantée de deux rangs d’arbres allant jusqu’à la place du Châtelet transformée, qui
sera nommée Victoria en l’honneur de la visite de
la reine d’Angleterre en France lors de l’Exposition
Universelle de 1855.
Pour réaliser les grands travaux l’Etat prend à sa
charge la majorité des dépenses en ayant recours à
l’emprunt par l’intermédiaire de la Caisse des travaux. Les ouvertures des grandes banques de crédits, déjà amorcées sous la Restauration, se succèdent sous le second Empire favorisant les entreprises immobilières, commerciales, ferroviaires, maritimes comme la fondation du Crédit immobilier en
1852, du Comptoir d’Escompte en 1853, du Crédit
Industriel et Commercial en 1859 et du Crédit Lyonnais en 1863.
Paris se structure autour de la croisée place du Châtelet, de l’axe est-ouest, rue de Rivoli et de son prolongement et de l’axe nord-sud, boulevard de Sébastopol – boulevard Saint-Michel. Le centre de la
croisée est dégagé : l’île de la Cité (surtout à l’Est)
où se dresse l’immense caserne de la garde municipale et le nouvel Hôtel-Dieu au bord du parvis Notre-Dame. Ce premier réseau réalisé entre 1854 et
1858 est complété par d’autres percées, en particulier la rue de Turbigo pour desservir le quartier des
Halles.
Ces percées aboutissent à des monuments-repères
situés aux intersections. Ces monuments assument
une fonction institutionnelle symbolique, mais servent aussi d’identification et de repère spatiaux. Ce
sont pour l’essentiel les mairies, églises, écoles, gares, hôpitaux, parfois palais de justice et théâtres,
complétés, à un autre rang, par les bureaux, usines
et magasins.
Les percées parisiennes
Après la colonnade du Louvre, le prolongement de
la rue de Rivoli jusqu’à l’Hôtel de Ville est décidé
par la loi du 4 août 1851. Le décret du 23 décembre
1852 déclare d’utilité publique le percement de la
rue de Rivoli de la rue de la Bibliothèque à la rue
des Poulies ou place du Louvre avec la prescription
de construire en bordure des maisons uniformes avec
arcades.
3
DUPONT-FERRIER, Pierre, Le Marché financier de Paris sous le Second Empire, Les Presses universitaires de France, 1925.
Plan des rues projetées par la Commission dite des Artistes en exécution de la loi du 4 avril 1793 pour la division des grandes
propriétés nationales, l’embellissement et l’assainissement de la commune de Paris.
5
HAUSSMANN, Mémoires du baron Haussmann tome 1 – Grands travaux de Paris, éd.Guy Durier, 1979, réd. de l’édition de
1893, Documentation DREIF.
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Les voies nouvelles à Paris sous le Second Empire6
Le second réseau de voirie (1858-1860) permet
d’étendre la circulation depuis le centre : autour de
la future place de la République, de la rue de Rome,
de l’Étoile, de Chaillot, de l’École Militaire, de la
Montagne Sainte-Geneviève. Ces percées favorisent
l’accès aux « embarcadères » parisiens du chemin
de fer et les relient aux grands axes de circulation.
Le troisième réseau est réalisé après l’annexion des
communes limitrophes en 1860. « Sur le nouvel anneau que vient d’annexer Paris, il faut des artères nouvelles : boulevard Ornano, rue Jeanne
d’Arc, rue de Patay, plus tard rue de Tolbiac, rue
d’Alésia […] Le pont de Caulaincourt est lancé
sur le cimetière Montmartre. C’est le seul moyen
de relier vite le Paris du centre avec le hameau de
Clignancourt […] Le pont de Bercy est refait en
pierre »7. Belleville est reliée à Bercy.
Dans le centre, sur la rive gauche, le percement du
boulevard Saint-Germain crée une nouvelle liaison
est – ouest.
6
7
Les parcs et les bois
Sous la direction d’Adolphe Alphand, ingénieur en
chef des Ponts et Chaussées et du jardinier en chef
de la ville de Paris, Barillet Deschamps, aménage
parcs, jardins et squares (parcs Monceau, Montsouris, Buttes-Chaumont...)
Les bois de Boulogne et Vincennes, poumons de la
capitale, sont intégrés dans ses limites par la réforme de 1859.
L’approvisionnement de Paris : les Halles, les abattoirs de la Villette, les grands
magasins, les entrepôts et magasins généraux
L’expansion économique engagée dans les années
1820 s’intensifie en France tout au long du Second
Empire. Les transformations de la ville, les agrandissements considérables et le fort développement
des transports en commun stimulent l’activité commerciale dans Paris par la demande des classes
DUBY, Georges, Histoire de la France urbaine, tome 4, La ville de l’âge industriel, éd. Seuil, 1983, p. 90.
HAUSSMANN, op.cit. 5 p .20.
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moyennes et de la bourgeoisie enrichies par les opérations financières du baron Haussmann. Pour satisfaire ces besoins, des nouvelles pratiques de commerce voient le jour avec les grands magasins, la
construction des nouvelles halles au centre de Paris,
conçues par Baltard est nécessaire pour fournir en
nourriture une population aussi importante que Paris ; la construction de nouveaux abattoirs à la Villette répond également à cette nécessité.
Victor Baltard, lauréat du concours d’architecte lancé
en 1848 pour la construction des halles au centre de
Paris conçoit un ensemble de 12 pavillons recouverts de vitrage, une structure en fonte supporte l’ensemble. 10 pavillons sont édifiés entre 1852 et 1870,
« ville étrange, avec ses quartiers distincts, ses faubourgs, ses villages, ses promenades et ses routes,
ses places et ses carrefours, mise tout entière sous
un hangar » 8.
France sous la surveillance de l’Etat pour remédier
aux ruptures d’équilibre alimentaire9. A Paris et dans
les communes limitrophes, la famille Hainguerlot
se constitue un immense patrimoine foncier, morcelé sur lequel est bâti ces entrepôts : sites du Pont
de Flandre le long d’une darse se branchant sur le
canal Saint-Denis, du Pont-Tournant, rue de Crimée, de Saint-Denis et d’Aubervilliers qui s’étend
sur 70 ha en 1868 et desservi également par une
darse.
La compagnie des Entrepôts et Magasins Généraux
est créée en 1860 sous l’impulsion de Jacob Emile
Pereire.
L’alimentation en eau et l’assainissement
Après les épidémies de choléra qui ont touché Paris, il est nécessaire de prendre d’importantes mesures de salubrité publique concernant tant l’assainissement que l’alimentation en eau de la ville.
En 1854, Haussmann et le directeur du service des
eaux, Belgrand, établissent et font approuver par le
conseil municipal un programme d’alimentation en
eau de Paris et d’évacuation des eaux usées dont la
réalisation s’échelonne jusqu’en 1924.
A la Villette entre 1865 et 1868, sur un vaste espace
d’une cinquantaine d’hectares, de part et d’autre du
canal de l’Ourcq, est édifié selon les plans de Baltard un ensemble comprenant un abattoir et un marché aux bestiaux. Les abattoirs sont situés au nord,
entre le canal et la porte de la Villette, le marché au
sud jusqu’à la route d’Allemagne (boulevard Jean
Jaurès). Le chemin de fer dessert l’ensemble avec
de vastes quais pour faciliter le débarquement des
animaux. Les abattoirs sont ouverts le 1er janvier
1867, le marché aux bestiaux le 22 octobre de la
même année.
Toutes les eaux distribuées jusqu’alors à Paris, eaux
de la Seine ou de l’Ourcq, eaux des aqueducs de
Belleville et du Pré-Saint-Gervais, eaux des puits
particuliers et même celle du puits de Grenelle sont
réputées non potables
Les réseaux de distribution sont séparés entre les
besoins :
- en eaux brutes pour les lieux publics comme les
cascades dans les parcs ou le nettoyage des rues ;
- en eaux de source pour les besoins privés de la
population.
En 1860, l’ouverture de la France au libre-échange
effraie les investisseurs qui avaient placé des fonds à
l’étranger. Dans un réflexe protectionniste, ils se
retournent vers des affaires nationales : c’est ainsi
que des grands noms de la finance se trouvent derrière certains des grands magasins qui sortent de
terre. D’une taille jusqu’alors jamais atteinte, ces
établissements reprennent les techniques commerciales développées par les magasins de nouveautés,
mais les pratiquent sur une échelle bien plus grande.
Leur importance économique leur impose la mise
en place d’une organisation spécifique.
Le Bon Marché ouvre ses portes en 1852, les Grands
Magasins du Louvre en 1855, la Belle Jardinière en
1856, le Printemps en 1865 et la Samaritaine en
1869.
Pour faire venir ces eaux pures captées à plus de
100 kilomètres de la capitale, des grands aqueducs
sont construits garantissant une eau toujours fraîche. Des réservoirs de stockage sont édifiés sur les
points hauts de la Paris comme celui de Montsouris
terminé en 1863 ou celui de Ménilmontant, inauguré le 28 juin 1865 par Napoléon III lors de la
mise en service de l’aqueduc de la Dhuis.
Les eaux pures sont amenées dans les immeubles
par des branchements particuliers pris sur les conduites publiques placées dans les rues et leur fourniture fait l’objet d’abonnement payant.
Suite aux crises économiques de la fin des années
1840, soixante magasins généraux sont ouverts en
8
ZOLA, Emile, Le Ventre de Paris, 1873.
PHILIPP Elisabeth, Histoire d’une entreprise de son temps, Compagnie des Entrepôts et Magasins Généraux de Paris, éd. Textuel,
2000.
9
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Dans le domaine de l’assainissement, les réalisations
sont aussi spectaculaires et s’échelonnent jusqu’en
1924. Elles dépassent les limites de Paris et de la
Seine. En matière d’évacuation des eaux usées,
Belgrand fait prévaloir une conception totalement
nouvelle qui consiste à rejeter les eaux usées loin en
aval de la ville. La construction d’un réseau d’égouts
unique au monde est entreprise. Des égouts élémentaires se jettent dans des collecteurs secondaires qui
rejoignent les collecteurs principaux. Le réseau est
unitaire, c’est-à-dire qu’il reçoit à la fois les eaux
pluviales et les eaux usées. Il est entièrement
visitable, gravitaire car il utilise la pente naturelle
du bassin parisien pour obtenir l’écoulement des eaux
usées vers le nord-ouest de Paris. Des usines de
pompage relèvent les eaux des quartiers bas de Paris ne pouvant rejoindre naturellement le réseau.
Les eaux usées sont conduites vers des champs
d’épandage à Clichy et dans la boucle de Gennevilliers.
L’annexion des communes
limitrophes en 1860
L’autre grande transformation de Paris est son agrandissement en 1860. La ville double de superficie en
annexant le territoire de 18 communes qui constituaient la petite banlieue et s’accroît de 500 000
nouveaux Parisiens.
La politique de rénovation du cœur de la capitale
entraîne un afflux de population à bas revenus chassée par les expropriations vers les communes limitrophes de Paris au-delà de l’octroi (ancienne barrière des Fermiers Généraux).
Ainsi Belleville qui comptait déjà 45 000 habitants
en 1853 suite à sa formidable expansion des trente
années précédentes voit sa population croître prodigieusement les années suivantes : 58 000 habitants
en 1856, 70 000 en 1860, 100 000 en 1870.
En 1859, Belleville est la seconde ville du département de la Seine et la 13e de France.
Sa voisine au nord, la Villette, moins résidentielle
mais plus industrielle connaît une semblable croissance de population passant de 12 000 habitants en
1849 à 30 000 habitants en 1858.
Paris, entouré par sa barrière douanière prélève des
taxes sur les denrées ou produits qui entrent dans la
capitale ; la ville cotise à un haut niveau de contribution foncière, tandis que les communes limitrophes bénéficient d’un taux d’imposition beaucoup plus
faible et ne sont pas soumises à l’octroi. Cette inégalité fiscale départementale soulignée par l’administration des Contributions directes de Paris « pour
ce qui concerne le département de la Seine, les travaux [...] font ressortir sous le rapport de l’impôt
actuel, les inégalités les plus choquantes , d’arrondissement à arrondissement, de commune à commune »10 est mise en exergue par Haussmann pour
justifier l’annexion limitrophe « L’agglomération parisienne est divisée en deux parts : l’une qui commande le travail, en achète les produits, qui les paye
largement et qui supporte seule les charges urbaines ; l’autre, formant comme une ceinture autour
de la première, qui lui fournit les bras, qui fabrique
les objets dont elle a besoin, qui en perçoit le prix,
et qui ne contribue pas aux dépenses dont elle
profite » 11.
Le décret du 9 février 1859 lance l’enquête en vue
de l’agrandissement de Paris. La loi du 16 juin 1859
annexe à partir du 1 janvier 1860 les territoires de
11 communes suburbaines qui, depuis 1790, jouxtent l’enceinte des Fermiers Généraux : Auteuil,
Passy, Batignolles-Monceau (formée en 1830 de territoires provenant de Neuilly et de Clichy), Montmartre, La Chapelle (partagée entre Paris et SaintDenis), La Villette, Belleville, Charonne, Bercy,
Vaugirard et Grenelle.
D’autres communes suburbaines (Bagnolet, Ivry-surSeine, Montrouge, Issy-les-Moulineaux,...) sont amputées d’une partie de leur territoire.
L’annexion est acceptée selon les intérêts de chacun. Les anciennes communes subissent une hausse
vertigineuse des taxes sur les denrées qui franchissent le nouvel octroi : le coût de la vie grimpe brutalement de 20 %, sans aucune augmentation de
salaires. Le nombre d’indigents augmente sur la
commune de Belleville. Un nombre important de
commerçants et d’artisans quitte la ville pour s’établir au delà des fortifications. Le prix du terrain
s’effondre (de 15 francs le mètre carré, il chute à 7
ou 8 francs).
10
lettre adressée par M. Bastide, directeur des Contributions directes du département de la Seine au directeur général des Contributions (9 février 1853 AD75 D2P2 16) citée dans Paris/banlieue conflits et solidarités, Annie FOURCAUT, Emmanuel BELLANGER,
Mathieu FLONNEAU p. 75 éd. Créaphis 2007.
11
rapport du préfet Haussmann devant la commission départementale Procès-verbaux de la commission départementale, 1858,
BAVP 1759, 1859 cité dans op.cit 10.
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Paris entre 1845 et 1860 avant l’annexion des communes comprises
entre l’enceinte des Fermiers Généraux et les fortifications de 1840
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Paris est maintenant divisé en 20 arrondissements au
lieu de 12. Les réactions sont restées discrètes. Devant la menace de ruine des négociants de Bercy, les
entrepôts ne sont pas soumis aux taxes d’octroi. Le
territoire est entouré de grilles et les accès contrôlés
par des douaniers.
Les environs de Paris au delà
des fortifications
Début de l’industrialisation
L’industrialisation des communes limitrophes commencée sous la Restauration avec l’implantation
d’établissements insalubres (dépôts de vidange,
équarrissages, abattoirs, tanneries, savonneries, fabrication de chandelles, fours à chaux, carrières ...)
s’accélère sous le second Empire. L’activité industrielle se diversifie : fabrication d’acides, d’engrais
de vernis gras, de colorants, d’encres, d’eau de Javel, de produits pharmaceutiques, impression sur
étoffes, manufactures de cuirs vernis, forges, parfumerie, distillation d’huiles minérales et animales…
Ces établissements s’implantent tout autour de Paris mais c’est surtout le secteur nord de Paris, notamment Saint-Denis, Aubervilliers, Saint-Ouen et
Pantin qui concentre la plus grande partie de ces
établissements. Ailleurs les industries sont installées à l’ouest à Clichy-sur-Seine, Asnières-sur-Seine,
Levallois-Perret ; au sud-ouest à Boulogne, Meudon, Issy-les-Moulineaux ; au sud à Montrouge ;
au sud-est à Arcueil, Gentilly, Ivry, Vitry-sur-Seine,
Choisy-le-Roi, Maisons-Alfort...
Plus loin, l’ouverture des lignes de chemin de fer
favorise le développement de l’activité industrielle
en particulier au sud, à Evry, Essonnes ou Corbeil
où les petites entreprises du début du siècle deviennent de très grosses usines.
Les lotissements de villégiature
Les nouveaux moyens de transport favorisent dès
1840 la construction de lotissements de villégiature
à la campagne pour profiter du « bon air » . Ils sont
créés à Maisons-Laffitte, Le Vésinet, Saint-Germain,
Enghien-les-Bains, Le Raincy... par des banquiers
parisiens et s’adressent aux classes dominantes. Ils
sont desservis par une gare ou la voie d’eau. L’arrivée de nombreux habitants entraîne la création de
nouvelles communes (Le Raincy, en 1869, par division de la commune de Livry, Le Vésinet en 1875).
12
Les transports
Le chemin de fer
L’essentiel du réseau ferré radial comprenant huit
lignes convergeant sur cinq gares parisiennes est
réalisé en 1850. Les gares parisiennes sont agrandies ou reconstruites pour accueillir un plus grand
nombre de trains et de voyageurs.
De nouveaux tronçons de lignes sont ouverts dans
la région parisienne entre 1850 et 1870 :
- liaison Asnières – Argenteuil en 1851
- raccordement de Viroflay entre le réseau SaintLazare et celui de Montparnasse en 1852
- petite ceinture à l’intérieur des fortifications de
Paris pour relier les différents réseaux ouverts entre
1852 et 1869 et desservant des gares de marchandises ou des établissements industriels
- raccordement entre Grenelle et une gare située
près du Champ de Mars en 1867 (qui ne survit
que quelques mois durant l’Exposition universelle)
- prolongement de la ligne de Sceaux entre Bourgla-Reine à Orsay en 1854 et jusqu’à Limours en
1867
- premier tronçon de la ligne de Paris à Mulhouse
entre Paris et Troyes en 1856 ;
- ligne Paris la-Bastille-la Varenne en 1859.
Les transports urbains
La libre concurrence a entraîné des faillites et il ne
reste plus que 11 compagnies dont la puissante « Entreprise Générale des Omnibus ». Pour faire face à
l’augmentation de la population de Paris et la desserte des nouveaux quartiers, le préfet de police Pietri
suggère la constitution d’une seule compagnie qui
« avec de moindres frais généraux produira le transport au plus bas prix, établira la solidarité dans un
service appelé à rayonner en tous sens et sera en
mesure d’exécuter les transports que réclame l’intérêt public »12 . L’organisation de l’Exposition universelle de 1855 rend inéluctable cette organisation. La
Compagnie Générale des Omnibus, CGO, est officiellement fondée par le décret du 22 février 1855.
En 1856, on compte 25 lignes d’omnibus dans Paris
et 11 en banlieue.
Après l’annexion des communes limitrophes de Paris, le 1er janvier 1860, la Compagnie Générale des
Omnibus obtient la concession des transports dans
le nouveau périmètre parisien ainsi que dans les communes de Courbevoie, Clichy, Vincennes, Romain-
GAILLARD, Marc, Du Madeleine-Bastille à Météor – histoire des transports parisiens, éd. Martelle, 1991.
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ville, Charenton, Bicêtre, Montrouge, Vanves et prend
un caractère plus marqué de service public encadré
et contrôlé par la ville de Paris.
En 1861, après cette réorganisation, on compte à
Paris 21 lignes d’omnibus avec des prolongements
en banlieue et environ 300 correspondances.
En 1867, la CGO assure le transport de 120 millions de passagers. La ligne la plus chargée est celle
de Madeleine-Bastille où se trouve la plupart des
théâtres, grands restaurants et activités économiques
de luxe.
Les omnibus de la CGO assurent l’essentiel des déplacements collectifs des Parisiens jusqu’à la fin du
Second Empire, l’autre moyen de transport de masse
étant celui des bateaux à vapeur de la Compagnie
des Bateaux-Omnibus traversant Paris avec des services de banlieue limités à Charenton et Suresnes.
Pourtant Haussman n’a pas eu que des détracteurs.
Jamais Paris n’a connu une telle transformation qui
donne à la ville toute sa splendeur. C’est cela
qu’admirent les Parisiens d’aujourd’hui et les
visiteurs français et étrangers.
« Lorsqu’il quitta la Préfecture de la Seine, Paris
était complètement transformé avec son enceinte
élargie, avec ses larges avenues et ses magnifiques
boulevards, avec ses nombreux squares et ses
harmonieux paysages, avec aussi son merveilleux
réseau d’égouts et ses canalisations d’eau potable.
Il avait entrepris de faire de la Capitale une ville
magnifique, il y réussit ; il sut accomplir ce que ses
prédécesseurs n’avaient fait qu’esquisser et il réalisa
en seize ans plus qu’on avait fait en un demi
siècle »16.
Haussmann a réussi à donner de la cohésion à toute
la ville après l’annexion des communes de banlieue
n’oubliant pas dans sa politique d’aménagement les
nouveaux arrondissements (boulevards, parcs…).
En janvier 1870, Haussmann est renvoyé. Le régime
est de plus en plus critiqué, et la situation financière
s’est dégradée à partir de 1860. En 1870, le déficit
des travaux est de 1,475 milliard de francs et il ne
rend pas possible l’émission d’emprunts nouveaux.
Les républicains clament que Paris ne se remettra
jamais du gouffre financier13 et que les Parisiens en
ont assez des travaux car depuis 20 ans ils sont dans
les gravats. Ils l’accusent d’avoir réalisé ses grandes
percées dans le but de maintenir l’ordre dans la ville
en empêchant la construction de barricades et en
pouvant disposer plus facilement des canons et des
troupes dans les larges avenues pour mater les
révoltes. Certains le soupçonnent d’avoir favorisé
des opérations spéculatives14, d’autres, nostalgiques
d’un Paris moyenageux, d’avoir fait disparaître des
monuments importants et de chasser les plus pauvres
aux extrémités de la ville « Combien de millions ne
faudra-t-il pas dépenser dans un quart de siècle pour
purifier les extrémités de la capitale ? »15
Opéra Garnier
13
FERRY, Jules, Les comptes fantastiques d’Haussmann in Le Temps, 1867.
ZOLA, Emile, La Curée ,1871.
15
HORN, Jules-Edouard, Les Finances de l’Hôtel de ville E. Dentu, 1867.
16
Préfecture de la Seine, Préfecture de Police, op.cit. 2 p.30.
14
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(photothèque DREIF)