SEQUENCE 2 : On ne badine pas avec l`amour, Musset

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SEQUENCE 2 : On ne badine pas avec l`amour, Musset
►SEQUENCE 2 : On ne badine pas avec l’amour, Musset
Objet d’étude :
Théâtre, texte et représentation
Un drame romantique
Problématique : En quoi le drame romantique renouvelle-t-il les formes
théâtrales classiques ?
Lectures Analytiques : extraits de On ne badine pas avec l’amour de Alfred de Musset (1834)
1. I, 1 : Exposition
2. II, 5 : Débat sur l’amour
de « Sais-tu ce que c’est que des nonnes » à « créé par mon orgueil et mon ennui. »
3. III, 2 : Lettre de Camille
de « Donnez-moi cette lettre » à « tu sauras que j’en aime une autre avant de partir d’ici. »
4. III, 6 : Scène du rideau
de « Je voudrais qu’on me fit la cour » à « je ne lui ai pas dit que je l’épouserais. »
5. III, 8 : Dénouement
Lectures Complémentaires
 Le théâtre classique et sa remise en cause
A. extrait du Chant III de l’Art poétique de Boileau(1674)
B. extrait du Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot (1773)
C. extraits de la préface de Cromwell de Victor Hugo (1827)
D. extrait d’« Une soirée perdue » d’Alfred de Musset (1850)

Quelques éléments sur On ne badine pas avec l’amour
E. « Au lecteur des deux pièces qui suivent », poème préliminaire d’ Un spectacle dans un
fauteuil d’Alfred de Musset (1833)
F. Rapport de censure de la pièce après les modifications de Paul de Musset (1861).
G. Lettre de George Sand à Alfred de Musset du 12 mai 1834 (extraits)
H. Article critique : On ne badine pas avec l’Amour mis en scène par Keti Irubetagoyena

Représentations
I. Participation à la représentation de Yes, peut-être de Marguerite Duras mis en scène par
Brigitte Mounier.
J. Vidéoprojection de On ne badine pas avec l’amour.
Autres activités :
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Lectures complémentaires :
Séquence 2 :
On ne badine pas avec l’amour
Texte A : Boileau résume les règles du théâtre classique
« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
Jamais au spectateur n’offrait rien d’incroyable
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas :
L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.
Ce qu’on ne doit point voir, qu’un récit nous l’expose :
Les yeux en le voyant saisiraient mieux la chose ;
Mais il est des objets que l’art judicieux
Doit offrir à l’oreille et reculez des yeux. »
l’Art poétique (1674), Boileau - Chant III (extrait)
Texte B : Diderot remet en cause les formes classiques
LE PREMIER – […]croyez-vous qu’il y eût un poète
assez absurde pour faire dire à Henri : Oui, c’est Henri,
c’est ton roi qui t’éveille, Viens, reconnais la voix qui
frappe ton oreille... et faire répondre à Sully : C’est
vous-même, seigneur ! Quel important besoin Vous a
fait devancer l’aurore de si loin ? À peine un faible jour
vous éclaire et me guide. Vos yeux seuls et les miens
sont ouverts !...
LE SECOND - C’était peut-être là le vrai langage
d’Agamemnon.
LE PREMIER - Pas plus que celui de Henri IV. C’est
celui d’Homère, c’est celui de Racine, c’est celui de la
poésie ; et ce langage pompeux ne peut être employé
que par des êtres inconnus, et parlé par des bouches
poétiques avec un ton poétique.
Paradoxe sur le comédien, Denis Diderot (1773)
Texte C : Dans ces vers Musset fait part de ses
impressions à la suite d’une représentation du
Misanthrope.
J'étais seul, l'autre soir, au Théâtre Français,
Ou presque seul ; l'auteur n'avait pas grand succès.
Ce n'était que Molière, et nous savons de reste
Que ce grand maladroit, qui fit un jour Alceste,
Ignora le bel art de chatouiller l'esprit
Et de servir à point un dénoûment bien cuit.
Grâce à Dieu, nos auteurs ont changé de méthode,
Et nous aimons bien mieux quelque drame à la mode
Où l'intrigue, enlacée et roulée en feston,
Tourne comme un rébus autour d'un mirliton.
« Une soirée perdue » Poésies nouveles (1850),
Alfred de Musset
A. L’art poétique de Boileau
B. Paradoxe sur le comédien de Diderot
C. « Une soirée de perdue » de Musset
D. Préface de Cromwell de Hugo
Texte D : Véritable manifeste du drame romantique, cette
préface dénonce l'absurdité des règles classiques et plaide
pour un théâtre total.
Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en
effet que ce vestibule1, ce péristyle2, cette antichambre3,
lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se
dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les conspirateurs
pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer
contre les conspirateurs, chacun à leur tour [...].
L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de
lieu. L'action, encadrée de force dans les vingt-quatre
heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.
Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier.
Verser la même dose de temps à tous les événements !
appliquer la même mesure sur tout ! On rirait d'un
cordonnier qui voudrait mettre le même soulier à tous les
pieds. Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu comme les
barreaux d'une cage, et y faire pédantesquement entrer, de
par Aristote4, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces
figures que la providence déroule à si grandes masses dans
la réalité ! c'est mutiler hommes et choses, c'est faire
grimacer l'histoire. Disons mieux : tout cela mourra dans
l'opération ; et c'est ainsi que les mutilateurs dogmatiques
arrivent a leur résultat ordinaire : ce qui était vivant dans la
chronique est mort dans la tragédie. Voilà pourquoi, bien
souvent, la cage des unités ne renferme qu'un squelette [...].
Il suffirait enfin, pour démontrer l'absurdité de la règle des
deux unités, d'une dernière raison, prise dans les entrailles
de l'art. C'est l'existence de la troisième unité, l'unité
d'action, la seule admise de tous parce qu'elle résulte d'un
fait : l'œil ni l'esprit humain ne sauraient saisir plus d'un
ensemble à la fois. Celle-là est aussi nécessaire que les
deux autres sont inutiles. C'est elle qui marque le point de
vue du drame ; or, par cela même, elle exclut les deux
autres. Il ne peut pas plus y avoir trois unités dans le drame
que trois horizons dans un tableau. Du reste, gardons-nous
de confondre l'unité avec la simplicité d'action. L'unité
d'ensemble ne répudie en aucune façon les actions
secondaires sur lesquelles doit s'appuyer l'action principale.
Il faut seulement que ces parties, savamment subordonnées
au tout, gravitent sans cesse vers l'action centrale et se
groupent autour d'elle aux différents étages ou plutôt sur les
divers plans du drame. L'unité d'ensemble est la loi de
perspective du théâtre.
Victor Hugo, Préface de Cromwell (1827) [extraits]
1. Vestibule : petite pièce d'entrée d'un édifice ou d'une maison.
2. Péristyle : cour intérieure entourée de colonnes (antiquité).
3. Antichambre : pièce d'entrée qui donne accès aux autres
pièces.
4. Aristote : philosophe grec qui fixa les règles de la tragédie
reprises au XVIIème.
Lectures complémentaires :
Séquence 2 :
On ne badine pas avec l’amour
Texte E : Ce poème précède les textes d’Alfred de
Musset publiés dans le premier recueil d’Un spectacle
dans un fauteuil.
Au lecteur des deux pièces qui suivent
Figure-toi, lecteur, que ton mauvais génie
T'a fait prendre ce soir un billet d'Opéra.
Te voilà devenu parterre ou galerie,
Et tu ne sais pas trop ce qu'on te chantera.
Il se peut qu'on t'amuse, il se peut qu'on t'ennuie ;
Il se peut que l'on pleure, à moins que l'on ne rie ;
Et le terme moyen, c'est que l'on bâillera.
Qu'importe ? c'est la mode, et le temps passera.
Mon livre, ami lecteur, t'offre une chance égale.
Il te coûte à peu près ce que coûte une stalle1 ;
Ouvre-le sans colère, et lis-le d'un bon oeil.
Qu'il te déplaise ou non, ferme-le sans rancune ;
Un spectacle ennuyeux est chose assez commune,
Et tu verras le mien sans quitter ton fauteuil.
1.stalle : siège de théâtre en bois qui se replie.
E. « Au lecteur des deux pièces qui
suivent », Musset
F. extrait du rapport de censure
G. extrait d’une lettre de Sand à Musset
Texte F : Après la mort d’Alfred de Musset, Paul, son
frère, opère quelques modifications dans On ne badine
pas avec l’amour pour que la pièce soit conforme aux
attentes de son temps et aux contraintes de la mise en
scène. Ce remaniement simplifie les décors et supprime
les éléments les plus anticléricaux et les plus sexués.
Même après ces changements, voici ce qu’en dit la
censure :
« Il est impossible quand on a lu cette pièce
marquée au cachet d’un si grand talent qui entraîne
même à leur insu les lecteurs officiels chargés d’en
signaler les inconvénients, il est impossible, disonsnous, de ne pas regretter profondément le souffle
d’irréligion qui parcourt tout l’ouvrage et en ressort
invinciblement plus encore par les situations que par
les paroles. »
« L’ouvrage primitif a été sérieusement modifié et
atténué avant d’être présenté à la scène française ;
nous avons-nous-même signalé encore des détails
choquants et qui ont été, ou pourront être modifiés,
mais l’ouvrage en son ensemble est et demeurera un
ouvrage peu sympathique aux croyances religieuses ;
et si une partie du public regrette les sacrifices que
les arrangeurs ont cru devoir faire aux convenances
théâtrales, une plus grande partie des spectateurs
sera, surtout dans les cirocnstances actuelles, frappée
de l’esprit général de l’ouvrage dont l’autorisation
pourra paraître une sorte de manifeste, une
concession dans le sens des réclamations d’une
partie de la presse contre les associations
religieuses. »
extrait du rapport de censure contre la représentation
de On ne badine pas avec l’amour
George Sand
Alfred de Musset
Texte G : le texte qui suit est extrait d’une lettre de George Sand à Alfred de Musset du 12 mai 1834. Ils sont alors
amants mais leur relation est tumultueuse.
C'est en vain que tu cherches à te retrancher derrière la méfiance, ou que tu crois te mettre à l'abri par la
légèreté de l'enfance. Ton âme est faite pour aimer ardemment ou pour se dessécher tout à fait. Je ne peux pas
croire qu'avec tant de sève et de jeunesse, tu puisses tomber dans l’auguste permanence, tu en sortirais à
chaque instant, et tu reporterais malgré toi sur des objets indignes de toi la riche effusion de ton amour. Tu
l’as dit cent fois, et tu as eu beau t’en dédire, rien n’a effacé cette sentence-là : II n’y a au monde que l'amour
qui soit quelque chose. Peut-être est-ce une faculté divine qui se perd et qui se retrouve, qu'il faut cultiver ou
qu'il faut acheter par des souffrances cruelles, par des expériences douloureuses. […] Mais ton cœur, ton bon
cœur, ne le tue pas, je t’en prie ! Qu’il se mette tout entier ou en partie dans toutes les amours de ta vie, mais
qu'il y joue toujours son rôle noble, afin qu'un jour tu puisses regarder en arrière et dire comme moi : j'ai
souffert souvent, je me suis trompé quelques fois, mais j'ai aimé.
Séquence 2 : On ne badine pas avec l’amour
Lecture complémentaire : H. article critique de la mise en scène
de K. Irubetagoyena
THÉÂTRE
« Yes, peut-être » à la Verrière, à Lille :
Les mots de Duras éclairés par la scène
La Verrière ouvre sa saison par une pièce de
Marguerite Duras. Texte obscur, mais mise en
scène éclairante de Brigitte Mounier.
PAR CATHERINE PAINSET
[email protected]
PHOTO PATRICK JAMES
C'est une pièce dont on sort avec
plus de questions que de réponses,
avec le plaisir d'avoir assisté à un
vrai moment de théâtre, avec la
mélodie d' India Song dans la tête.
Au début, on a eu du mal à
comprendre les mots - mots
inventés, mots inconnus,
onomatopées, absence flagrante de
pronoms, de syllabes, distorsion de
la syntaxe. Puis on a peiné à saisir
le sens - qui sont ces deux femmes,
survivantes du monde d'avant,
d'avant « Fission IV », d'avant le
« grand bouleversement », isolées
dans un théâtre délabré ? cet
homme, ce guerrier inconscient,
est-il dangereux, est-il promesse
d'avenir ? Enfin on s'est laissé faire
par la langue, l'imaginaire de
Marguerite Duras. On a bien voulu
écouter et regarder, sans forcément
comprendre.
Vingt minutes de plus, et Yes,
peut-être serait peut-être
insupportable. Sans la mise en
scène de Brigitte Mounier, elle
serait peut-être seulement
verbeuse, ennuyeuse. « Je me suis
efforcée de rendre l'action épique,
pour porter le texte », dit la
directrice de la Cie des Mers du
Nord. C'est en 1996 que la jeune
femme a choisi cette pièce écrite
en 1968 et presque jamais montée.
La ville de Dunkerque lui avait
demandé une lecture en hommage
à Duras, qui venait
de mourir (sa mère
y avait été
institutrice). « Cette
Michèle Fritel, la vieille résistante, Ève Gollac,
répétition de " oh la
la jeune intruse: un dialogue âpre sur la
la, yes", ça m'a fait
guerre, la bombe nucléaire, l'espoir...
rire », ose-t-elle... Il
vit à deux pas de la centrale de
faut quelques années de plus pour Gravelines, entourée de quatorze
que la lecture se transforme en
sites Seveso... On comprend qu'elle
représentation théâtrale, jusqu'à ce veuille voir en Yes, peut-être un
que la ville de Grande-Synthe
message d'espoir.
accepte de la coproduire. Privée de
didascalies (chez Duras, elles sont Aujourd'hui à 19 h, demain et samedi à 20 h 30,
à la Verrière, 54, rue Alphonse-Mercier à Lille.
minimalistes, abstraites), Brigitte
14 à 7 €.
Mounier s'est « régalée » à inventer Tél : 03 20 54 96 75.
C’est en 1996 que
Brigitte Mounier a
choisi cette pièce
écrite en 1968 et
presque jamais montée
l'épaisseur de ses personnages, à
régler le jeu de ses comédiens
(impeccables Michèle Fritel, Ève
Gollac et Hervé Degunst), à créer
un décor post-catastrophe
nucléaire, à parsemer la pièce
d'éléments exogènes (des images
de Duras chez Pivot, sa voix, les
notes d'India Song, la « vraie »
communication d'Areva, taguée,
sur affiche déroulante...).
Si Brigitte Mounier a rencontré ce
texte de Duras, inspiré par
Hiroshima et la guerre du Vietnam,
c'est sans doute aussi parce qu'elle
A enchaîne : Disaient : « Notre god qui êtes aux
cieux lancez-nous notre ration quotidian ».
B, rit : Et le god qu’est-ce qu’il dit ?
A : Dit : « Attendez attendez. »
B, rit : Et l’envoie ?
A : Des clous paraît. (Au sens propre, geste à
l’appui.) C’est drôle.
B : O lala, une chose comme ça c’est comique !
A : Comique, yes ! (Mystérieuse et grave tout à
coup) : Depuis des mille et des mille attendaient.
B : Quoi ?
A : montre le désert : Ça.
B : épouvantée tout à coup : C’est drôle.
A : Drôle, yes.
B temps, ton vif. Etaient stupides ou quoi les
personnes d’avant ?
A : Reusement, yes ! (Temps, puis elle reprend
son récit.) Disaient : « Uber Alles Enfants d’Patrie
» (dit comme « enfant d’putain »). C’était le signal.
Fonçaient.
B : Où ?
A : Dans tous les sens. Par là par là par là par là.
Allaient. Prenaient.
B : Quoi ?
A : Le sol ?
B étonnée : Le sol comment ?
A : Le sol aux autres.
B : C’est quoi le sol-aux-autres ?
A : C’est le sol.
B très étonnée : Comment, ils prennent le sol ?
A : Disaient : « Ça qu’on est dessus c’est à nous. »
B, temps, puis elle éclate de rire : O lala, une
chose comme ça est comique !
Yes, Peut-être, Marguerite Duras, 1968
Photos de la mise en scène de Brigitte Mounier – Cie des Mers du Nord 2010