Louis De Funès aurait eu 100 ans, retour sur le

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Louis De Funès aurait eu 100 ans, retour sur le
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Louis De Funès aurait eu 100 ans, retour sur le destin d’un
acharné génial de comédie, créateur d’une marque
indémodable
Tout a été dit, semble-t-il, sur Louis De Funès. Documentaires en tout genre qui dévoilent le
clown triste réservé, austère et quasi dictatorial dans la gestion minutieuse de ses films.
L’exposition de Funès organisée par le Crous de Paris (Du lundi au samedi 10h-19h,
10-12 rue de L'Abbaye 75006 Paris jusqu'au 27 mars) rend au contraire hommage à sa
carrière et à ses films. Pour redécouvrir l’essentiel. Pas le personnage privé dont l’intimité ne
regarde que ses proches. Mais le monstre de comédie. Qui créait l’évènement dans toute
l’Europe pour chaque sortie de nouveau film pendant plus de 20 ans.
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De Funès est souvent pensé comme un phénomène franco-français. Pour ne pas dire
franchouillard. En occultant d’abord ses origines espagnoles qui ont bien sur compté dans la
construction de son personnage comique (inspiré par une mère haute en couleur). Mais aussi
car
son
public
n’était
pas,
loin
s’en
faut,
uniquement
hexagonal.
L’excellent blog Boxofficestory (http://boxofficestar2.eklablog.com/) a réalisé un travail de Titan
pour collecter des données précieuses sur le box-office européen des films, sur plusieurs
décennies et par pays. On y découvre la popularité incroyable du comédien au-delà de nos
frontières y compris pour des films que l’on pensait très locaux et qui faisaient en réalité la joie
de nos voisins. 2 millions d’entrées pour le Gendarme de St Tropez en Espagne. 3 millions
pour les grandes vacances et Oscar en Italie. 2.5 millions pour Les aventures de Rabbi
Jacob et plus de 5 millions pour Le gendarme et les extraterrestres en Allemagne . Les chiffres
pour la Russie, plus difficiles à obtenir laissent aussi songeurs (on parle de dizaines de millions
d'entrées sur toute sa carrière). Sur la France, près de 270 millions d’entrées, soit 3 millions en
moyenne par film. Louis de Funès est un phénomène unique que l’on a trop longtemps sousestimé. Le Splendid n’a jamais connu cette exposition internationale massive. Mais la force
burlesque de Louis de Funès lui permettait cette extravagance en se prêtant bien à l’export.
Quand on discute cinéma français avec un étranger, Amélie Poulain ou Besson sont d’abord
évoqués. Mais en creusant un peu, les gens se souviennent. de cet acteur boulimique, explosif,
de ses mimiques qui animaient les soirées télé familiales.
Car on parle bien d’un phénomène sans égal. D’une marque indémodable qui réalise toujours
en France et à l’étranger des audiences télévision spectaculaires incompréhensibles et
irrationnelles pour des films datant de 30, 40 ou 50 ans et maintenant multi diffusés en boucle
avec l’apparition de la TNT. Et pas seulement sur un ou deux classiques. Mais la quasi
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intégralité d’une filmographie pourtant massive. De quoi parle-t-on ici ? De mécanique bien sûr,
de précision, de rythme. De fondamentaux de la comédie de Molière remis au goût du jour sans
jamais non plus chercher la modernité à tout prix. Maitre et valet, mari et femme, avare,
bourgeois ridicule. De Funès emprunte aussi à la tradition du Burlesque avec un visage ultra
mobile, des yeux qui ne vous lâchent pas et ne cessent de surprendre. Et une gestuelle, issue
de la tradition du mime qui illustre en permanence le dialogue. Ces écoles permettent
l’intemporel, un comique qui se transmet de génération en génération sans être victime de
l’âge. De Funès y ajoute une touche de folie qu’on sent toujours libre malgré le travail et
l’obsession du détail de l’acteur. Des années 50 à 70, de Funès a écumé les rôles en dirigeant
tout sur le plateau. Réalisateur, producteur, acteur, second, troisième et quatrième rôle de fait, il
a décliné dans des productions qu’il chapotait de A à Z un personnage de bourgeois colérique
aux pulsions quasi enfantines. S’inscrivant toujours dans le cadre d’une France à l’ancienne,
hiérarchique, rassurante, asexuée, conservatrice, homogène.
Les années passant, on a découvert un autre De Funès. Qui s’aventurait vers d’autres
terrains. A cause d’une fatigue physique qui commençait à s’accumuler, après des années de
surmenage. Mais aussi d’une maturité et d’une compréhension instinctive des évolutions du
cinéma populaire et des envies des spectateurs . Le gendarme à New-York s’autorise des
blagues culturelles et des moments de folie quasi parodiques bien loin des sages et
conformistes Gendarmes à Saint Tropez. L’aile ou la cuisse et La zizanie mettent De Funès en
scène avec des comédiens de sa trempe, Girardot et Coluche. La Zizanie lui permet de faire
ses premiers pas dans le tendre, quand Claude Gensac est remplacée par la dite Girardot et
lorgne vers une forme de comédie romantique qui n’esquive pas la question du couple,
souvent au troisième plan chez De Funès. L’aile ou la cuisse dévoile un De Funes amaigri, plus
silencieux, plus discret. Sans rien enlever à son efficacité comique toujours explosive, gardant
la vedette face à Coluche. La soupe aux choux est un film quasi testamentaire, qui reprend
jusqu’à l’extrême le message écolo déjà vu dans La zizanie. On retiendra bien sûr la musique
et les effets spéciaux kitch indémodables. Mais la soupe aux choux est aussi un manifeste
conservateur et une déclaration d’amour à la France paysanne. A l’image de De Funès
amoureux de son château de campagne, de son potager, des bons produits, qui s’assume
comme dépassé à travers le personnage principal qui ne comprend plus cette femme revenant
rajeunie du royaume des morts et qu’il laisse refaire sa vie dans un monde urbain qu’il ne
comprend pas.
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C’est peut être la principale curiosité de De Funès. Cet aspect ultra conservateur,
traditionnaliste qui tranche pourtant avec une recherche quasi religieuse de la perfection
comique. C’est un aspect moins connu de sa personnalité mais qui ressort d’interviews que
l’on peut trouver en ligne et sur l’INA. De Funès était un passionné de comiques et regardait
beaucoup vers l’étranger et notamment les Etats-Unis. De Charlie Chaplin, qu’il considérait
comme le maitre absolu, bien sûr. Mais aussi de Mel Brooks et de la comédie US plus récente.
Il en parlait avec une véritable flamme dans le regard, et une humilité totale de petit bâtisseur
cherchant à atteindre les constructions des grands architectes. Cherchant la nouveauté, se
remettant en question, essayant de se mêler à la nouvelle génération. C’est surement le plus
grand regret que l’on aura. Ne pas avoir vu De Funès vieillir à l’écran. Comme Galabru.
Comme Rochefort. Comme Noiret. De Funès devait jouer dans Papy fait de la résistance et y
affronter Maillan, son alter égo féminin qui lui tenait la vedette dans Pouic Pouic. Et lui aurait
permis de rejoindre les petits jeunes de l’époque, l’équipe du Splendid. De Funès était ce
travailleur acharné mais surtout ce curieux, cinéphile, qui respectait un public qui ne lui a jamais
fait défaut excepté une semi déception sur son adaptation de L’avare en tant que réalisateur.
Une longévité inégalée dans une discipline, la comédie, qui récompense pourtant aussi vite
qu’elle ne jette à la vindicte populaire. De Funès n’a jamais eu le temps de devenir dépassé et
est toujours resté numéro 1 jusqu’à sa mort dans les années 80. Peu de successeurs peuvent
prétendre, avec un contexte de l’exploitation en salles qui a changé, égalé sa popularité. Dany
Boon réussit pour l’instant mais ne durera pas aussi longtemps. Dujardin est celui qui s’en
rapprocherait le plus. Avec une approche burlesque du jeu, une même appétence pour la
référence à Chaplin. Et un rêve de De Funès réalisé avec le succès que l’on connaît. Jouer un
film muet.
En attendant, l’exposition De Funès se poursuit jusqu’à la fin du mois. Elle rend hommage à un
personnage majeur du cinéma et plus généralement de la culture française, que l’on a trop
tendance à réduire à un cinéma secondaire en oubliant le génie du Monsieur. Prenez le temps
de découvrir ses interviews, très nombreuses sur youtube et que nous ne pouvons vous faire
partager ici. Vous y découvrirez un vrai passionné de cinéma.
Gilles Hérail
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