Prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les

Transcription

Prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les
ÉPIDÉMIOLOGIE
Prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les étudiants
en médecine.
Étude transversale chez les étudiants en médecine de l’Université
Saint-Joseph de Beyrouth
Z. MEHANNA (1), S. RICHA (2)
Prevalence of anxiety and depressive disorders in medical students.
Transversal study in medical students in the Saint-Joseph University of Beirut
Summary. Objective – Evaluate the emotional state of medical students and compare them to a control population (chemistry students), in order to assess the bad effect of academic studies on the mood of medical students. Methods – Beginning
of September 2003, a questionnaire composed of three parts was distributed to all students in medicine and chemistry at
the Saint-Joseph University (USJ), either at the start or at the end of their cours, to be filled-in anonymously. The first part
was composed of demographic data ; the second and the third parts were, respectively, the Beck questionnaire for depression
and Hamilton’s questionnaire for anxiety. Results – There was no statistically significant difference between the two populations studied concerning the scores of Beck and Hamilton, neither depending on the classes nor on the depression or
anxiety threshold. The prevalence found in the USJ medical students for depression (27.63 %) and for anxiety (69 %) was
far greater than that found in the literature (23 % for depression among American students and 41 % for anxiety), but lower
than that found in the university of Hong-Kong (48 % of students having a Beck13 score > 8). The forth year was the one
that presented the most anxiety and depressive disorders in the seven years of medicine (44.32 % of depression and 79.24 %
of anxiety). The psychiatric antecedents are the strongest predictors of anxiety and depressive disorders. Conclusion – The
prevalence of anxiety and depressive disorders is not greater in medical students than in chemistry students.
Key words : Anxiety ; Depression ; Medical students.
Résumé. Objectif – Évaluer l’état émotionnel des étudiants
en médecine et le comparer à celui d’une population témoin
(étudiants en pharmacie), afin de pouvoir dégager l’effet
néfaste des études universitaires sur l’humeur des étudiants
en médecine. Méthodes – Début septembre 2003, un questionnaire composé de trois parties a été distribué à tous les
étudiants en médecine et en pharmacie à l’Université SaintJoseph (USJ), soit au début, soit à la fin des cours, et rempli
de manière anonyme. La première partie porte sur des critères démographiques, et les deuxième et troisième parties
sont respectivement, le questionnaire de Beck pour la
dépression, et celui de Hamilton pour l’anxiété. Résultats – Il n’y a pas de différence statistiquement significative
entre les deux populations étudiées concernant les scores
de Beck et de Hamilton, ni en fonction des classes, ni en
fonction des seuils de dépression ou d’anxiété. Les prévalences retrouvées chez les étudiants en médecine de l’USJ
pour la dépression (27,63 %) et pour l’anxiété (69 %) sont
plus élevées que celles retrouvées dans la littérature (23 %
de dépression chez les étudiants américains, et 41 %
d’anxiété), mais inférieures à celle retrouvées à l’Université
de Hong-Kong (48 % des étudiants ayant un score de
Beck13 > 8). La 4e année s’est avérée être celle où il y a le
plus de troubles anxio-dépressifs parmi les sept ans de
médecine (44,23 % de dépression et 79,24 % d’anxiété).
Les antécédents psychiatriques sont de puissants prédicteurs des troubles anxio-dépressifs. Conclusion – La prévalence des troubles anxio-dépressifs n’est pas plus impor-
(1) Hôtel-Dieu de France.
(2) Hôpital Psychiatrique de la Croix, Jall-Eddib, BP 60096, Liban.
Travail reçu le 10 septembre 2004 et accepté le 13 juillet 2005.
Tirés à part : S. Richa (à l’adresse ci-dessus).
976
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
tante chez les étudiants en médecine que chez ceux en
pharmacie.
Mots clés : Anxiété ; Dépression ; Étudiants en médecine.
INTRODUCTION
L’état émotionnel des étudiants en médecine constitue
un centre d’intérêt depuis 1956 (1). Certaines études ont
montré que les étudiants en médecine ressemblaient à
leurs homologues dans d’autres domaines (2, 3), alors
que d’autres études ont mis en évidence un état de stress
important dans cette population (2, 4, 5). Des différences
entre sexes ont aussi été notées (4, 5, 6), cependant la
signification pratique de taux plus élevés de dysthymie
chez les étudiantes en médecine reste ambiguë, puisque
les femmes en général ont tendance à manifester plus de
troubles thymiques que les hommes (2).
Nombreuses sont les questions concernant la nature du
stress vécu par les étudiants en médecine, sa chronicité,
sa continuité (2), ainsi que les facteurs qui y contribuent.
L’effet négatif de ce stress sur les étudiants, notamment
la diminution des performances académiques (2, 5), constitue un motif important pour la clarification de la prévalence et de la sévérité de ce problème, ainsi que des facteurs prédisposants. Cela permettrait la prise de mesures
pratiques pouvant améliorer le bien-être des étudiants et
de prévenir les conséquences de tels troubles émotionnels. Ainsi beaucoup de chercheurs recommandent que
plus d’attention soit accordée au stress lié aux études
médicales (Arstein, 1986), l’anxiété et la dépression étant
les manifestations les plus communes de ce dernier (Kris,
1986 ; Murphy et al., 1984) (7). Notons cependant les limites méthodologiques d’un grand nombre d’études (utilisation de moyens de mesure psychologique non standardisés, petite taille des échantillons, courte durée de l’étude,
etc.), ce qui a remis en question leur caractère significatif
et généralisable (2).
Dans notre étude, nous nous sommes intéressés à la
prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les étudiants en médecine à l’Université Saint-Joseph (USJ), la
Faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph étant
une des plus prestigieuses des facultés de médecine au
Liban et ayant une histoire de plus de 125 ans d’existence.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
La population cible est l’ensemble des étudiants en
médecine générale à l’Université Saint-Joseph (USJ)
durant l’année universitaire 2003-2004. La population
témoin est l’ensemble des étudiants en pharmacie à l’USJ,
durant la même année universitaire. Nous avons choisi
cette population comme témoin car cela a déjà été fait
dans les études s’intéressant aux troubles anxio-dépressifs chez les étudiants en médecine. Nous pourrons ainsi
comparer nos résultats à ceux retrouvés dans les études
antérieures. Cependant ce choix pourrait constituer une
Prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les étudiants en médecine
limite à notre étude car la proportion de femmes parmi les
étudiants en pharmacie est plus élevée que parmi ceux
en médecine, et les femmes ont généralement tendance
à manifester plus de symptômes anxio-dépressifs que les
hommes. Un questionnaire a été distribué aux deux populations concernées, de manière exhaustive, au début du
mois de septembre 2003, de manière à ce qu’il soit distant
des examens d’une période d’au moins deux semaines,
quelle que soit l’année d’étude, afin d’éviter le biais lié au
stress durant les périodes d’examens. Le questionnaire,
anonyme, a été rempli soit au début, soit à la fin des cours.
Le questionnaire est composé de trois parties. La première s’intéresse à des paramètres démographiques et
personnels que nous avons recueillis dans la littérature :
âge, sexe, années d’études, habitat, antécédents personnels et familiaux, consommation d’alcool et de drogues.
La deuxième partie est la version à 13 items du questionnaire de Beck, et la troisième est le questionnaire de
Hamilton pour l’anxiété.
Questionnaire de Beck (à 13 items)
Il permet une auto-évaluation de l’état d’humeur des
sujets ; il mesure les symptômes de dépression sur une
échelle continue de 0 à 39, avec 0 à 4 représentant la
dépression minimale, 5 à 7, légère, 8 à 15, modérée, et
plus que 16, sévère.
Ce questionnaire permet de faire à la fois un dépistage
de la dépression et une évaluation de l’intensité des symptômes dépressifs. Bien que le diagnostic clinique de
dépression ne puisse être fait que grâce à un entretien
avec un clinicien, le questionnaire de Beck identifie les
patients présentant une dysthymie ou un épisode dépressif majeur, avec une sensibilité de 86 % à 100 % et une
spécificité de 82 % à 100 %, suivant le seuil choisi sur
l’échelle. Nous avons adopté le seuil de 8 car nous l’avons
retrouvé dans la littérature (15). Par ailleurs, et pour plus
de précision dans la comparaison entre les populations
étudiées, nous avons utilisé les intervalles posés par
Beck, en les désignant par les chiffres 1, 2 et 3.
Score de Beck (31) :
– de 0 à 4 → classe 1 ;
– de 5 à 7 → classe 2 ;
– de 8 à 15 → classe 3 ;
– ≥ 16 → classe 4.
Nous avons utilisé la version à 13 items du questionnaire de Beck afin de réduire au maximum la longueur du
questionnaire, espérant ainsi augmenter l’adhésion des
étudiants et par la suite le taux de réponse. Cette version
réduite a été validée comme étant significativement corrélée à la version de 21 items et au diagnostic clinique de
dépression.
Questionnaire de Hamilton
Il comporte 14 items, chacun noté de 0 à 4, la note 0
correspondant à l’absence de manifestation des symptô977
Z. Mehanna, S. Richa
mes, la note 1 à des manifestations d’intensité légère, la
note 2 à des manifestations d’intensité moyenne, 3 à des
manifestations d’intensité forte, et 4 à des manifestations
d’intensité extrême. Les sujets ont été avertis, avant le
remplissage du questionnaire, que la note 4 n’est attribuée
qu’exceptionnellement à des sujets ambulatoires, et que
la cotation est déterminée par la symptomatologie
actuelle, c’est-à-dire lors du remplissage du questionnaire, ou des symptômes d’une durée maximale d’une
semaine. La note globale est la somme des notes obtenues à chaque item.
Normes :
– de 0 à 5 = pas d’anxiété → classe 1 ;
– de 6 à 14 = anxiété mineure → classe 2 ;
– 15 et plus = anxiété majeure → classe 3.
L’hypothèse de notre étude est que les troubles anxiodépressifs sont plus prévalents chez les étudiants en
médecine que dans la population témoin. Dans le but de
voir si l’hypothèse est vraie, nous avons comparé (test de
Pearson χ2) les prévalences de ces deux populations dans
chacune des classes des échelles de Beck et de Hamilton,
ainsi que pour les deux seuils suivants : score de Beck ≥ 8
et score de Hamilton ≥ 6. De même, nous nous sommes
intéressés aux années extrêmes dans les deux cursus,
afin d’évaluer l’état thymique des étudiants au début et à
la fin des études universitaires. Nous avons ainsi comparé
les prévalences dans chacune des classes des échelles
de Beck et de Hamilton, entre 1re année de médecine et
1re année de pharmacie d’une part, et 7e année de médecine et 5e année de pharmacie d’autre part.
Dans un deuxième temps, nous avons comparé les prévalences suivant les années d’études, au sein de chaque
population. Finalement, nous avons voulu voir s’il y avait
une relation significative entre les antécédents personnels
et familiaux d’une part, et la prévalence des troubles anxiodépressifs d’autre part.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
Taux de réponse
En médecine, 359 questionnaires ont été rendus remplis, ce qui fait un taux de réponse de 80,1 %. Cette valeur
est suffisante pour pouvoir considérer les questionnaires
rendus remplis comme étant représentatifs de la population des étudiants en médecine.
Le taux de réponse de la 7e année est le plus bas car
les étudiants sont difficiles d’accès : la moitié d’entre eux
sont répartis sur plusieurs hôpitaux périphériques en
dehors de Beyrouth.
En pharmacie, 148 questionnaires ont été rendus remplis. Le taux de réponse est relativement bas (64,6 %), à
cause d’un absentéisme important chez les étudiants en
pharmacie, alors que le questionnaire a été distribué au
début ou à la fin des cours, à l’ensemble de la classe afin
d’assurer l’anonymat. Ce taux bas de réponse pourrait
constituer un biais de sélection dans la population témoin
si les prévalences des troubles anxio-dépressifs diffèrent
entre étudiants assistant aux cours et étudiants s’absentant des cours.
Comparaison médecine – pharmacie
La prévalence des scores de Beck supérieurs ou égaux
à 8 n’est pas significativement plus élevée chez les étudiants en médecine que chez ceux en pharmacie
(tableaux I et II).
TABLEAU I. — Prévalence des étudiants ayant un score de Beck
supérieur ou égal à 8.
Beck –
Population
Médecine (MD)
Pharmacie (PH)
RÉSULTATS
Total
Description des populations
–
+
Total
255
71,62
109
74,14
364
72,37
101
28,37
38
25,85
139
27,63
356
100
147
100
503
100
Médecine
χ2 (1) = 0,3299 ; Pr = 0,2047.
Cette population est constituée d’hommes et de femmes dont l’âge varie entre 17 et 28 ans, et dont l’effectif
total est de 448 étudiants. La proportion de femmes varie
entre 31,6 % (6e année) et 52,6 % (1re année).
TABLEAU II. — Comparaison des prévalences de dépression
suivant les quatre classes de l’échelle de Beck.
Pharmacie
Cette population est formée d’hommes et de femmes
dont l’âge varie entre 17 et 25 ans, et dont l’effectif total
est de 229. La proportion de femmes varie de 65,2 %
(5e année) à 92 % (2e année).
NB : le pourcentage de femmes en pharmacie (PH)
(79 %) est plus élevé que celui en médecine (MD)
(45,3 %).
978
Beck –
Population
Médecine
Pharmacie
Total
1
161
45,22
77
52,38
238
47,32
2
94
26,40
32
21,76
126
25,04
χ2 (3) = 3,3961 ; Pr = 0,1913.
3
86
24,15
35
23,80
121
24,06
4
Total
15
4,21
3
2,04
18
3,57
356
100
147
100
503
100
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
Prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les étudiants en médecine
De même, il n’y a pas de différence significative entre
les deux populations en ce qui concerne l’anxiété
(tableaux III et IV).
TABLEAU III. — Comparaison des prévalences d’anxiété
suivant les trois classes de l’échelle de Hamilton.
Hamilton –
Population
Médecine
Pharmacie
Total
1
2
111
30,92
36
24,32
147
28,99
168
46,80
83
56,08
251
49,51
3
80
22,28
29
19,59
109
21,50
2+3
248
69,08
112
75,67
360
71,01
Total
359
100
148
100
507
100
χ2 (3) = 3,7493 ; Pr = 0,153 ; F = 0,163.
Médecine (MD)
Pharmacie (PH)
Total
Hamilton –
Population
Médecine
(MD-1)
Pharmacie
(PH-1)
Total
1
2
3
2+3
Total
16
25,81
9
32,14
25
27,78
36
58,06
12
42,86
48
53,33
10
16,13
7
25,00
17
18,89
46
74,19
19
67,86
65
72,22
62
100
28
100
90
100
χ2 (2) = 1,9188 ; Pr = 0,383 ; F = 0,364.
TABLEAU VII. — Prévalence des étudiants de dernière année
ayant un score de Beck supérieur ou égal à 8.
TABLEAU IV. — Prévalence des étudiants de première année
ayant un score de Beck supérieur ou égal à 8.
Beck –
Population
TABLEAU VI. — Prévalence de l’anxiété suivant les classes
de l’échelle de Hamilton.
–
+
Total
43
69,35
19
67,85
62
68,89
19
30,65
9
32,14
28
31,11
62
100
28
100
90
100
Beck –
Population
Médecine
(MD-7)
Pharmacie
(PH- 5)
Total
–
+
Total
30
78,95
14
70,00
44
75,86
8
21,05
6
30,00
14
24,14
38
100
20
100
58
100
χ2 (1) = 0,5704 ; Pr = 0,4628.
χ2 (1) = 0,0203 ; Pr = 0,4934.
Il n’existe pas de différence significative entre les
étudiants de première année ayant un score de Beck
supérieur ou égal à 8 (tableaux V et VI). De même, il
n’existe pas de différence significative concernant
l’anxiété entre 1re année de médecine et 1re année de
pharmacie (tableau VII).
TABLEAU V. — Prévalence de la dépression suivant les classes
de l’échelle de Beck.
Beck –
Population
Médecine
(MD-1)
Pharmacie
(PH-1)
Total
1
2
3
4
Total
27
43,54
15
53,57
42
46,67
16
25,80
4
14,29
20
22,22
19
30,65
7
25,00
26
28,89
0
0
2
7,14
2
2,22
62
100
28
100
90
100
χ2 (3) = 6,2286 ; Pr = 0,0986.
Par ailleurs, il n’y a pas de différence significative de
dépression entre 7e année de médecine et 5e année de
pharmacie (tableaux VIII et IX). La prévalence de l’anxiété
est significativement plus élevée en 5e année de pharmacie qu’en 7e année de médecine, avec une prévalence
TABLEAU VIII. — Prévalence de la dépression suivant
les classes de l’échelle de Beck.
Beck –
Population
Médecine
(MD-7)
Pharmacie
(PH- 5)
Total
1
21
55,26
11
55,00
32
55,17
2
9
23,68
3
15,00
12
20,68
3
4
7
1
18,42
2,63
5
1
25,00
5,00
12
2
20,68
3,44
Total
38
100
20
100
58
100
χ2 (3) = 1,3821 ; Pr = 0,7204.
TABLEAU IX. — Prévalence de l’anxiété suivant les classes
de l’échelle de Hamilton.
Hamilton –
Population
Médecine
(MD-7)
Pharmacie
(PH-5)
Total
1
2
3
2+3
Total
14
36,84
2
10,00
16
27,59
20
52,63
12
60,00
32
55,17
4
10,53
6
30,00
10
17,24
24
63,16
18
90,00
42
72,41
38
100
20
100
58
100
χ2 (2) = 6,4334 ; Pr = 0,040 ; F = 0,041,
979
Z. Mehanna, S. Richa
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
d’étudiants ayant un score de Hamilton supérieur ou égal
à 6, atteignant les 90 % en 5e année de pharmacie
(tableau X, figures 1 et 2).
TABLEAU X. — Prévalence des étudiants ayant un score
de Beck supérieur ou égal à 8.
Beck –
Année d’étude
1
2
3
4
5
6
7
Total
–
+
Total
43
69,35
34
62,96
36
69,23
29
55,76
43
86
40
83,33
30
78,93
333
92,76
19
30,65
20
37,04
16
30,76
23
44,23
7
14
8
16,67
8
21,05
26
7,24
62
100
54
100
52
100
52
100
50
100
48
100
38
100
356
100
TABLEAU XI. — Prévalence de l’anxiété suivant les classes
de Hamilton.
Hamilton –
Année d’étude
1
2
3
χ2 (6) = 16,3235 ; Pr = 0,0458.
4
Prévalence %
5
90
100
80
Concernant la prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les étudiants en médecine, en fonction de
l’année d’étude, on retrouve une différence statistiquement significative (tableau XI, figure 3). La prévalence
de la dépression est la plus élevée en 4e année de médecine et la plus basse en 5e année. Elle est relativement
basse en 7e année.
Concernant l’anxiété suivant les classes de Hamilton,
on retrouve une différence significative (tableau XI).
La prévalence de l’anxiété est la plus élevée en 4e année
de médecine et la plus basse en 6e année ; la 7e année
est la deuxième catégorie la moins anxieuse.
6
63,16
7
60
Total
40
MD-7
3
2+3
Total
16
25,81
13
23,64
16
30,77
11
20,75
16
32,00
25
51,02
14
36,84
111
30,92
36
58,06
20
36,36
24
46,15
24
45,28
25
50,00
19
38,78
20
52,63
168
46,80
10
16,13
22
40,00
12
23,08
18
33,6
9
18,00
5
10,20
4
10,53
80
22,28
46
74,19
42
76,36
36
69,23
42
79,24
34
68,00
24
48,98
24
63,16
248
69,08
62
100
55
100
52
100
53
100
50
100
49
100
38
100
359
100
PH-5
Population
FIG. 1. — Prévalence des étudiants de dernière année ayant
un score de Hamilton ≥ 6.
MD-1
PH-5
36,84
30
40,00
35,00
10
60
52,63
44,23
45,00
Prévalence (%)
10,53
2
χ2 (12) = 32,1808 ; Pr = 0,001.
20
0
1
37,04
30,65
30,76
30,00
25,00
21,05
20,00
14,00
15,00
16,67
10,00
Classe 1 de l’échelle de Hamilton
Classe 2 de l’échelle de Hamilton
Classe 3 de l’échelle de Hamilton
FIG. 2. — Répartition des étudiants de dernière année suivant
les classes de l’échelle de Hamilton.
980
5,00
0,00
1
2
3
4
5
Année d’étude
6
7
FIG. 3. — Prévalence des étudiants en médecine ayant un score
de Beck ≥ 8, en fonction de l’année d’étude.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
Prévalence des troubles anxio-dépressifs chez les étudiants en médecine
La 4e année de médecine est ainsi l’année où les prévalences de l’anxiété et de la dépression sont les plus élevées (figure 4).
100
Prévalence (%)
80
74,19
79,24
76,36
69,23
68
60
63,16
48,98
40
20
0
1
2
3
4
Année d’étude
5
6
7
FIG. 4. — Prévalence des étudiants en médecine ayant un score
de Hamilton ≥ 6.
Enfin, il existe un lien statistiquement significatif entre
les antécédents personnels et familiaux et la prévalence
des troubles anxio-dépressifs (tableaux XII et XIII).
TABLEAU XII. — Lien entre antécédents personnels et score
de Beck supérieur ou égal à 8.
Beck –
ATCD-P
–
+
Total
–
+
352
74,11
9
39,13
361
72,48
123
25,89
14
60,86
137
27,51
Total
475
100
23
100
498
100
χ2 (1) = 13,4438 ; Pr = 0,0000.
TABLEAU XIII. — Lien entre antécédents familiaux et score
de Beck supérieur ou égal à 8.
Beck –
ATCD-F
–
+
Total
–
+
Total
336
74,67
22
48,89
358
72,32
114
25,33
23
51,11
137
27,68
450
100
45
100
495
100
χ2 (1) = 13,2540 ; Pr = 0,0000.
DISCUSSION
Il n’y a pas de différence significative concernant les
troubles anxio-dépressifs entre les deux populations étudiées. Par ailleurs, la prévalence du score de Beck supérieur ou égal à 8 obtenue chez les étudiants en médecine
de l’USJ (27,63 %) est supérieure à celle retrouvée chez
des étudiants américains (23 %) (13, 15) mais inférieure
à celle retrouvée à l’Université de Hong-Kong (48 %) (13).
De même, la prévalence de l’anxiété chez les étudiants
en médecine de l’USJ (69 %) est supérieure à celle retrouvée dans la littérature (41 %) (12).
Par ailleurs, afin de pouvoir distinguer l’effet des études
universitaires de celui de la prédisposition aux troubles
anxio-dépressifs avant les études universitaires, nous avons
cherché les prévalences des troubles anxio-dépressifs en
première année et en dernière année d’études universitaires, dans les deux populations étudiées. Des prévalences
de dépression et d’anxiété statistiquement identiques sont
retrouvées en 1re année de médecine et en 1re année de
pharmacie, ce qui suggère que ces deux populations ne diffèrent pas au début des études universitaires. En revanche,
la comparaison 7e année de médecine – 5e année de pharmacie a montré un taux d’anxiété significativement plus
élevé chez les étudiants en pharmacie que chez ceux en
médecine, ce qui infirme l’hypothèse de départ. En ce qui
concerne la dépression, il n’y a pas de différence entre
7e année de médecine et 5e année de pharmacie.
Ces résultats sont en accord avec ceux de certaines
études qui ont retrouvé des taux de troubles anxio-dépressifs moins élevés chez les étudiants en médecine que
chez leurs homologues en pharmacie (10), médecine dentaire (10), droit (9)…
Dans un troisième temps, la comparaison des prévalences de l’anxiété et de la dépression entre les différentes
années d’études en médecine permet de remarquer que la
4e année est celle où les valeurs sont les plus élevées. Ceci
pourrait être dû aux difficultés académiques rencontrées par
les étudiants au cours de cette année, à cause de la charge
importante de travail et d’informations qu’elle contient.
Par ailleurs, les prévalences des troubles anxio-dépressifs en 7e année sont parmi les plus basses, alors que
médecins et internes rapportent souvent que la 7e année
est la plus difficile et la plus anxiogène parmi toutes les
années d’études médicales. Cette contradiction pourrait
être attribuée à la période où le questionnaire a été distribué – début du mois de septembre – période loin des examens, des concours des hôpitaux, et du choix des postes
d’internat, ces évènements étant considérés par les étudiants comme fortement générateurs d’anxiété et de
dépression. Cette contradiction souligne aussi l’importance des études longitudinales où l’état émotionnel de
l’étudiant est suivi tout au long de l’année, voire durant une
période s’étalant sur plusieurs années.
Finalement, la relation fortement significative entre
antécédents personnels et familiaux d’une part, et prévalence des troubles anxio-dépressifs d’autre part, permet
de conclure que ces antécédents sont des facteurs prédisposant aux troubles anxio-dépressifs.
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Z. Mehanna, S. Richa
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 976-82, cahier 1
CONCLUSION
Références
Cette étude rejoint celles qui infirment l’hypothèse que les
étudiants en médecine sont plus anxieux et plus déprimés
que les autres étudiants. Cette idée, ancienne, pourrait être
due au caractère unique et exceptionnel du cursus de médecine générale, vu le nombre d’années d’études, les grandes
responsabilités auxquelles sont confrontés les médecins, et
le stress lié aux stages et à la pratique professionnelle. Ces
difficultés seraient contrebalancées par la solidité des étudiants en médecine qui ont accédé aux études médicales
suite à un concours très sélectif. Ce dernier donnerait à des
sujets caractérisés par un perfectionnisme adaptatif, une
éthique d’accomplissement, un potentiel de relaxation
important, et de grandes capacités intellectuelles.
L’état psychologique des étudiants en médecine constitue un centre d’intérêt important dans le monde, pas seulement à cause de la facilité avec laquelle ils peuvent être
suivis, ou à cause des difficultés rencontrées durant leurs
études et leurs stages cliniques, mais surtout pour le lien
étroit existant entre le niveau de troubles thymiques et la
qualité des soins fournis par ces futurs médecins ; chercher le bien-être du patient passe en premier par celui de
ceux qui fournissent les soins médicaux (11). À cela
s’ajoute le coût très élevé de l’anxiété et surtout de la
dépression, qui pèse sur le sujet et la société, par le biais
des échecs académiques, l’arrêt des études médicales,
la détérioration des relations interpersonnelles, les problèmes matrimoniaux, le suicide, l’altération de la capacité
de travail (14)… Quant à la consommation d’alcool et de
drogues, elle est d’un intérêt primordial dans la population
étudiée, car celle-ci exercera, dans l’avenir, une influence
disproportionnée à son effectif sur la santé publique, puisque les médecins sont au cœur de la prévention contre la
consommation d’alcool ou de drogues (8).
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