Dossier pédagogique 2011
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A la découverte de l’histoire de RougeRouge-Cloître ! Dossier pédagogique Centre d’Art de RougeRouge-Cloître Région de Bruxelles-Capitale Direction des Monuments et des Sites I. Il était une fois le prieuré de Rouge-Cloître 1. Les premières années (1359 – 1392) : de l’ermitage au prieuré 3 2. Le prieuré de Rouge-Cloître au 15e siècle : développement et 5 épanouissement 3. De la fin du 16e au 18e siècle : période de déclin, exil et suppression 7 du prieuré 4. Les 19e et 20e siècles : vente publique, transformation en un site industriel 8 puis en un lieu de promenade et de détente II. La vie quotidienne des chanoines de Rouge-Cloître au Moyen Âge 1. Qu’est-ce qu’un moine ? 10 2. Comment devenait-on moine ? 10 3. Comment était organisée la vie communautaire des moines ? 11 4. La règle de saint Augustin 11 5. L’emploi du temps d’un moine au prieuré 12 6. Pourquoi le prieuré ressemblait-il à une petite ville ? 12 7. Le repas 13 Comment se déroulait-il ? 13 Que mangeaient les moines ? 14 8. Comment étaient habillés les moines ? 15 9. Quels étaient les différents métiers des moines ? 16 10. Que se passait-il dans le scriptorium ? 17 Vocabulaire 19 Le service éducatif du Centre d’Art 21 2 I. Il était une fois le prieuré de Rouge-Cloître 1. Les premières années (1359 – 1392) : de l’ermitage au prieuré Le prieuré de Rouge-Cloître doit son origine à l’établissement d’un ermite du nom de Gilles Olivier qui décida aux alentours de 1359 de vivre reclus et de s’installer dans la Forêt de Soignes. Le lieu qu’il choisit devait probablement se trouver au bout du grand étang situé un peu au-delà de la Chaussée de Wavre et s’appelait Bruxkens Cluse ou ermitage du petit pont car situé près d’un petit pont. La seule personne qui lui rendait visite était son ami, le chanoine Guillaume Daneels. Ce dernier, attiré par les lieux et désireux de vivre auprès de l’ermite, mais dans de meilleures conditions, obtint de la duchesse Jeanne de Brabant1 un terrain pour bâtir leur habitation. En 1366, ils construisirent un ermitage, constitué d’une chapelle et de quelques bâtiments dont des cellules pour neuf ermites, à l’endroit même où sera édifié le futur prieuré. Ce bâtiment, fait de poutrelles en bois et de terre et recouvert de tuiles pilées, fut appelé Rode Cluse (ermitage rouge). Comme beaucoup d’ermites, ceux de Rode Cluse s’efforcèrent de concilier leur règle de vie avec celle d’un ordre établi. Ils choisirent de suivre la règle de saint Augustin dont la pauvreté, le partage des biens et la prière constituent les fondements. En 1369, ils obtinrent la consécration de leur chapelle dédiée à saint Paul, le droit d’édifier un autel et de lire les offices, mais non celui d’administrer les sacrements (le baptême, la confirmation, le mariage...). En 1372, ils reçurent l’approbation de leur mode de vie, de leurs règles liturgiques et de leur institution elle-même. Les cinq ermites présents à ce moment, appartenant à des familles d’officiers de la duchesse Jeanne et bénéficiant de sa protection, décidèrent alors de transformer l’ermitage en prieuré. En 1373, ils agrandirent les bâtiments et consacrèrent un nouvel autel ainsi qu’un cimetière. En 1374, Guillaume Daneels fut désigné premier prieur de la communauté. Rode Cluse devint alors le Prieuré de saint Paul en Soignes, dit Rubea Jeanne de Brabant, née en 1322 et morte en 1406 à Bruxelles, fut duchesse de Brabant et de Limbourg de 1355 à 1406. 1 3 Vallis (Vallée Rouge), et appelé ensuite communément Roeden clooster (monastère rouge), Roodclooster, Rouge-Cloître, nom qui lui est resté jusqu’à ce jour. Pour certains, le nom de Rouge-Cloître proviendrait de l’utilisation d’un mortier rougeâtre obtenu en pilant des tuiles pour enduire les murs. Une autre explication du préfixe « roo » ou « rode » (du néerlandais rooien qui signifie déterrer, arracher) indiquerait que le prieuré a été édifié sur une partie défrichée de la forêt. Ce préfixe apparaît dans bon nombre de communes ; en français, il correspond à « sart », radical apparaissant fréquemment dans les noms de communes ou de lieux-dits. Grâce aux nombreux privilèges reçus de la duchesse Jeanne, entre autres l’exemption d’impôts, le prieuré s’épanouit et prospéra rapidement. La duchesse combla le Rouge-Cloître de dons et d’avantages. En effet, elle leur offrit les terres et les étangs des environs et laissa le bétail appartenant au prieuré paître librement dans les bois environnants. Le prieuré disposait de son propre moulin à eau pour y moudre le grain et presser l’huile. Le prieur Guillaume Daneels rendit les bâtiments dignes de l’importance croissante du prieuré. La première pierre de l’église fut posée le 31 mai 1381, sous la direction d’Adam Gherijs, architecte de la duchesse Jeanne de Brabant. L’église fut consacrée en 1384. Entre-temps, les chanoines avaient bâti la sacristie, le cloître2, deux cours fermées ainsi que le premier mur d’enceinte. Ils avaient également asséché les marais, défriché, nivelé et préparé les terres pour la culture. Le choix d’implantation du prieuré était très judicieux : les forêts des alentours apportaient non seulement la paix et la solitude propices au recueillement, mais elles procuraient également du bois d’œuvre et de chauffage. Les pentes sablonneuses livraient du grès calcaire, un matériau de construction de bonne qualité ; plusieurs sources débitaient une eau pure alimentant des étangs poissonneux. Guillaume Daneels mourut en 1392 et le Zélandais Hendrik Wisse lui succéda. À cette époque le prieuré disposait d’un cloître et de deux cours fermée qui furent détruits au 17e siècle pour constituer un cloître plus grand. On peut en mesurer la grandeur aujourd’hui par son évocation au sol. 2 4 2. Le prieuré de Rouge-Cloître au 15e siècle : développement et épanouissement Les trois prieurés existant en Forêt de Soignes au début du 15e siècle (Groenendael, Rouge-Cloître et Sept-Fontaines) avaient adopté la règle de saint Augustin, préconisée par Ruysbroeck (le prieur de Groenendael), ce qui ne pouvait manquer de les rapprocher. C’est ainsi que fut constituée en 1402 une congrégation dont Groenendael prit la tête. En 1412, la congrégation de Groenendael rallia celle de Windesheim (Pays-Bas) dont le prieur devint celui de la congrégation. Par leur union, les prieurés gagnèrent la protection constante de Rome. Cela leur donna une certaine puissance qui leur valut une expansion considérable. Le prieuré de Rouge-Cloître vit alors s’élargir son horizon et ses activités devinrent remarquables. Beaucoup de charges, comme l’enseignement, furent confiées par le chapitre général à des chanoines de Rouge-Cloître auprès d’autres couvents et monastères. Jusqu’à la fin du siècle, le prieuré vécu paisiblement, embellissant ses bâtiments, ornant son église d’une triple rangée de stalles (sièges en bois qui se trouvent des deux côtés du chœur) de style gothique flamboyant, construisant une infirmerie ainsi qu’une voûte pour capter les eaux à la sortie des étangs supérieurs. Les chanoines enrichissaient leur bibliothèque de copies exécutées dans leur scriptorium, de travaux originaux de certains moines, de dons, d’achats et de legs. En bon ordre figuraient les ouvrages d’auteurs appartenant aux autres monastères de la congrégation, mais beaucoup plus nombreux étaient les ouvrages de Pères de l’Eglise dont saint Augustin, des martyrologes (listes de martyrs mais également de personnages reconnus saints par l’Eglise), des psautiers, ou encore des ouvrages de théologie. Certains manuscrits dataient du 12e siècle. La réputation de la bibliothèque de Rouge-Cloître allait de pair avec celle de son scriptorium et de son atelier de reliure. Le caractère artistique, l’élégance et la richesse des productions du scriptorium de Rouge-Cloître atteignirent toute la perfection possible de l’époque. 5 C’est durant cette période que le peintre primitif flamand Hugo van der Goes3 se retira au Rouge-Cloître en tant que frère convers. Il y mourut en 1482. Une pierre apposée sur la façade d’un des bâtiments y rappelle sa retraite. Jusqu’au 17e siècle, il y avait deux catégories de religieux au prieuré de Rouge-Cloître : les chanoines et les frères convers. La vie des chanoines était réglée suivant un horaire très strict et chacun travaillait sous la direction du prieur. Ils ne participaient que rarement aux travaux matériels qui étaient assumés par les frères convers (brasserie, moulin, entretien des bâtiments, pêche, exploitation agricole et accueil des visiteurs). Tout au long de son existence, le prieuré reçut de nombreux dons et bénéficia de la protection des souverains. En 1513, Charles Quint 4 fit un don en vue de la construction d’une nouvelle église et, en 1535, il fit construire la Maison de Savoie, appelée ainsi parce qu’un duc de Savoie fut le premier à y loger. Le bâtiment hébergeait alors le réfectoire et les appartements des hôtes de passage. C’est ainsi que le Rouge-Cloître connut son apogée au cours du 16e siècle. Détail de la tapisserie « Les chasses de Maximilien » vers le milieu du 16ème siècle. Hugo Van Der Goes, né à Gand vers 1440, passa la fin de sa vie au prieuré de Rouge-Cloître où il peignit La mort de la Vierge. 4 Charles Quint (1500-1558) fut roi d’Espagne, roi de Sicile et empereur germanique de 1519 à 1556. 3 6 3. De la fin du 16e au 18e siècle : période de déclin, exil et suppression du prieuré La période de faste et de paix ne fut pas de longue durée. En 1572, le prieuré fut pillé. Dès 1581, le protestantisme obligea les religieux à s’exiler dans leur refuge de la rue des Alexiens à Bruxelles, jusqu’en 1607. Dès cette époque, le déclin de la communauté se ressentit d’avantage. À la fin du 17e siècle, des crises internes affaiblirent fortement le niveau spirituel du prieuré. D’importants travaux de transformations (comme la destruction du petit cloître et des deux cours fermées pour construire un seul grand cloître) entrepris entre 1670 et 1680 par le prieur Gilles de Roy faillirent ruiner le prieuré. De plus, les lourdes contributions imposées par les pouvoirs publics au milieu du 18e siècle réduisirent son patrimoine. Une fois cette période de désordre terminée, la vie courante repris à Rouge-Cloître. Les chanoines, de retour à Auderghem après 30 ans d’exil, restaurèrent les bâtiments délabrés. Le prieuré fut reconstruit et développé aux 17e et 18e siècles pour lui donner son aspect définitif. Ce monastère comptait parmi les plus prestigieux des Pays-Bas. Des personnages célèbres y séjournèrent, notamment les archiducs Albert et Isabelle5. Les quinze étangs (il n’en reste aujourd’hui plus que cinq), la somptueuse église bâtie en grès blanc et décorée d’une œuvre de Rubens, La Décollation de Saint Paul6, les nombreux autres bâtiments, les champs, les vergers, les jardins potagers, tous ces éléments en firent un joyau de la Forêt de Soignes. En 1693, un incendie ravagea une partie des bâtiments. La bibliothèque qui recelait un trésor de manuscrits, d’enluminures et de reliures réalisés sur place, fut heureusement épargnée par les flammes. Certains de ces livres furent transférés en 1794 à la bibliothèque impériale de Vienne. Les bâtiments qui existent encore actuellement ne donnent qu’une faible idée de la splendeur passée du prieuré. En 1783, le décret de Joseph II7 supprima de nombreux ordres contemplatifs jugés inutiles, dont le prieuré de Rouge-Cloître. Dès lors, les chanoines n’avaient que le 5 Gouverneurs des Pays-Bas de 1598 à 1621, les archiducs Albert et Isabelle établirent leur Cour à Bruxelles. 6 Cette œuvre fut détruite alors que les chanoines l’avaient mise en sécurité dans la chapelle de Saint Eloi à Bruxelles qui fut malheureusement bombardée en 1695. 7 Joseph II, né en 1741 et mort en 1790 à Vienne, fut empereur germanique de 1765 à 1790. 7 choix de chercher à entrer dans une autre congrégation ou la sécularisation (revenir dans les villes et villages). La communauté de Rouge-Cloître se dispersa et ses biens mobiliers furent vendus. Après quelques péripéties qui laissèrent croire à un renouveau du prieuré, celui-ci fut définitivement supprimé en 1796. 4. Les 19e et 20e siècles : vente publique, transformation en un site industriel puis, en un lieu de promenade et de détente Vendue, la propriété changea alors souvent de propriétaires. Un incendie ravagea l’église en 1805 dont les vestiges furent rasés peu après l’accident. Lors de la vente publique, les bâtiments furent rachetés par les premiers industriels qui bientôt s’y établirent. Sur le site furent installés une verrerie dans la Maison de Savoie, une teinturerie dans la Maison du Meunier, une filature dans la Maison du Portier, puis vers 1873 une blanchisserie, une fabrique mécanique de fagots et enfin un restaurant au début du 20e siècle. Toutefois, ces diverses entreprises n’endommagèrent pas vraiment le site et disparurent vers la fin du 19e siècle. Le site de Rouge-Cloître devient alors un lieu de prédilection pour les artistes qui, attirés par le charme de l’ancien prieuré, fréquentèrent le lieu. En 1900, différents projets comme la construction d’un barrage, celle d’un lotissement ou encore l’installation d’un jardin zoologique furent envisagés. Par peur d’importants changements du site, les pouvoirs publics décidèrent de prendre des mesures de sauvegarde. 8 En 1910, le domaine fut acquis par l'État belge, ce qui mit fin aux menaces de morcellement et aux différents projets d’exploitation. Le site fut classé en 1959 et devint la propriété de la Région de Bruxelles-Capitale en 1992. Aujourd’hui, la gestion du site est partagée entre la Régie Foncière de la Région de Bruxelles-Capitale qui a la responsabilité des bâtiments et l’Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement qui s’occupe des espaces non bâtis. La commune d’Auderghem est locataire d’une partie du site. Différentes associations cohabitent et occupent certains bâtiments : le Centre d’Art de Rouge-Cloître, la Maison du Conte de Bruxelles, l’a.s.b.l. Cheval et Forêt et les Ateliers d’Artistes. 9 II. La vie quotidienne des chanoines de Rouge-Cloître au Moyen Âge La communauté religieuse de Rouge-Cloître était un prieuré dirigé par un prieur. Les moines qui y vivaient étaient appelés chanoines réguliers de saint Augustin. 1. Qu’est-ce qu’un moine ? Le moine est quelqu’un de bien étrange ! C’est une personne qui, convaincue de l’existence de Dieu, décide de quitter sa famille, sa maison et ses amis pour vouer sa vie à la religion. Bien souvent, les moines vivent en dehors de la société, en communauté, dans ce que l’on appelle une abbaye, un monastère ou encore un prieuré. Ils obéissent à leur abbé ou prieur et ils se donnent ce que l’on appelle une règle de vie avec des horaires fixes de prière, de travail et de sommeil. 2. Comment devenait-on moine ? Il arrivait que des personnes choisissent de le devenir au cours de leur existence mais bien souvent, au Moyen Âge, les familles nobles confiaient, dès l’âge de 8 ans, leur cadet à un monastère pour qu’il y soit élevé. On les appelait les oblats. Comme pour les moines, ils devaient respecter les règles et les conditions de vie en communauté. Néanmoins, ils avaient droit à un traitement de faveur en raison de leur jeune âge : leur régime alimentaire était moins strict (ils avaient droit à un repas en plus durant la journée : le petit-déjeuner). Au Moyen Âge, il y avait donc des enfants dans les monastères ! Lorsqu’ils devenaient adultes, ils prononçaient leurs premiers vœux et devenaient novices. Ils avaient encore beaucoup de choses à apprendre et ce n’est que deux ans plus tard qu’ils pouvaient prononcer leurs vœux définitifs et devenaient alors moines. 10 3. Comment était organisée la vie communautaire des moines ? Un prieuré, comme celui de Rouge-Cloître, était un endroit qui rassemblait, à l’écart des villes, une communauté d’hommes qui consacraient leur vie à la prière et qui vivaient dans un contexte structuré par une règle. Le responsable de la communauté était un prieur, il était élu par les moines et jouait le rôle de père pour la communauté. Il devait veiller au respect de la règle de vie qu’ils avaient choisie. Dans le cas de Rouge-Cloître, il s’agissait de la règle de saint Augustin (voir point suivant). Le prieur était secondé par un sous-prieur qui pouvait le remplacer durant son absence et veiller au bon fonctionnement du prieuré. 4. La règle de saint Augustin Pour que la vie quotidienne se déroule bien, chaque communauté religieuse choisissait de respecter une règle de vie qui déterminait un ensemble de choses comme le temps de travail, le temps de repos, les moments des repas, la tenue vestimentaire, les vœux religieux ainsi que l’organisation hiérarchique. Au prieuré de Rouge-Cloître, les moines suivaient donc la règle de saint Augustin. Augustin (354-431) était un philosophe du 4e siècle qui devint évêque d’Hippone, ancienne ville de Numidie8, et qui adressa un jour une lettre de recommandation pour la vie communautaire à un couvent de religieuses. Après sa mort et durant tout le Moyen Âge, les conseils contenus dans cette lettre furent plusieurs fois remaniés et devinrent la règle dite de saint Augustin. Celle-ci est encore en vigueur aujourd’hui dans certains monastères et abbayes. Les grandes lignes de cette règle sont : 8 - la pauvreté - le partage des biens - l’obéissance au responsable de la communauté - les temps fixes pour la prière communautaire - une alimentation sobre Numidie : nom donné par les Romains à une région correspondant à l’Algérie actuelle. 11 Les moines qui suivaient cette règle partageaient leur vie entre les prières, les lectures religieuses, le travail intellectuel et manuel. Ils ne se mariaient pas et vivaient pauvrement. 5. L’emploi du temps d’un moine au prieuré La journée d’un moine au prieuré était bien réglée. Elle était entrecoupée par des passages à l’église pour les heures canoniales : les moines se rendaient à l’église pour prier sept fois par jour et une fois pendant la nuit. • 0h30 : lever pendant la nuit pour la • 9h00 : prière de Tierce prière des Vigiles • 9h30-11h30 : prière de Sexte • 2h30 : le moine se recouche • 12h00 : heure de table • 4h00 : prière des Matines (la chanson • 13h00-14h00 : sieste « Frère • 14h00 : prière de None Sonnez les matines ! ») • 14h30-16h30 : travail • 6h00 : prière de Prime • 16h30 : prière des Vêpres • 6h30 : réunion autour de l’abbé • 17h30 : dîner • 7h30 : messe • 18h00 : prières des Complies • 8h00-9h00 : messe • 19h00 : coucher Jacques, dormez-vous ? 6. Pourquoi le prieuré ressemblait-il à une petite ville ? Comme le prieuré se trouvait à l’écart des villes et dans un lieu totalement isolé, l’espace devait être organisé de telle manière que les moines puissent prier, manger, dormir et travailler ensemble. On y trouvait donc tout le nécessaire pour ne pas devoir se rendre à l’extérieur : de l’eau, un moulin, des potagers, des jardins de simples (au Moyen Âge « les simples » désignaient les plantes médicinales aux propriétés soignantes) ainsi que des ateliers pour pratiquer différents métiers. Le prieuré était entouré d’un mur de clôture qui isolait et protégeait ses habitants du monde extérieur. Le silence régnait à l’intérieur de cette enceinte. On y trouvait différentes constructions : le cloître autour duquel s’articulaient l’église et les 12 bâtiments consacrés à la vie commune (le dortoir, le réfectoire, les cuisines et la bibliothèque) ainsi que des locaux fonctionnels comme la brasserie, l’infirmerie, la maison du portier ou encore la maison du meunier. Le prieuré assurait l’hébergement des moines et des frères convers, le soin des malades, l’enseignement, l’assistance aux indigents et l’accueil des pèlerins. Un lieu comme le prieuré devait pouvoir subvenir aux besoins alimentaires des personnes qui y habitaient et qui le fréquentaient. Comme les dons ne suffisaient pas, les moines cultivaient des plantes, des légumes et des céréales, élevaient les animaux nécessaires à l’alimentation et cherchaient à créer des surplus qu’ils vendaient à l'extérieur. De plus, comme les moines avaient choisi de vivre reclus (c’est-à-dire de se retirer du monde), il n’était pas question d’aller faire ses courses au village ! Le prieuré, tout comme les autres communautés religieuses (abbayes, monastères), possédait un potager, un verger, des champs de céréales (pour cultiver le blé), un four pour cuire le pain, des viviers (petits bassins d’eau où l’on mettait les poissons vivants pour les faire dégorger : comme ils avalaient de la vase en vivant dans l’étang, il fallait les « nettoyer » pour ne pas qu’ils en gardent le goût), un moulin pour faire de la farine, un rucher pour le miel… Il y avait aussi des étables, des poulaillers, une laiterie qui permettait de faire du fromage et aussi une brasserie pour la fabrication de la bière. 7. Le repas Comment se déroulait-il ? Les moines avaient droit à deux repas par jour, à 12h et à 17h30. Ils mangeaient tous ensemble dans un réfectoire. Le silence y était obligatoire, seul un moine était chargé de lire des passages de la Bible durant le repas. Comme ils n’avaient pas le droit de parler, ils utilisaient un langage de signes afin de pouvoir communiquer. 13 Que mangeaient les moines ? L’essentiel de l’alimentation des moines du prieuré de Rouge-Cloître était assez sobre, composée de pain et de légumes préparés en soupe épaisse. La viande, toujours bouillie, était servie deux à trois fois par semaine. Les autres jours, on servait du poisson d’eau douce, des laitages et des œufs. Chaque aliment était minutieusement pesé avant d’être distribué. Les moines ne pouvaient pas se resservir. Les légumes couramment cultivés et consommés : - ail - ciboulette - artichaut - épinard - carotte - laitue - céleri - navet - concombre - oignon - chou Ils consommaient également des légumes que l’on appelle « oubliés » aujourd’hui, par exemple les panais (racines, de couleur blanche, qui ressemblent à des carottes). Les fruits couramment consommés : Les fruits récoltés : Les fruits cueillis en forêt : - pomme - fraise des bois - prune - mûre - raisin - framboise - poire L’alimentation était peu variée car elle dépendait des saisons et des récoltes. Pour assaisonner les repas, les moines utilisaient des herbes aromatiques telles que le thym ou encore la sauge qu’ils cultivaient dans le jardin de simples avec les plantes médicinales. 14 La liste ci-dessus semble bien courte ! Certains fruits et légumes considérés comme essentiels pour notre alimentation aujourd’hui n’y figurent pas. En effet, il faut savoir qu’à cette époque, beaucoup ne sont pas connus dans nos régions. Par exemple : - la pomme de terre - la courgette - le haricot - le maïs - la tomate Il faudra attendre la découverte de l’Amérique par le navigateur Christophe Colomb en 1492 pour que ces aliments soient ensuite introduits chez nous. 8. Comment étaient habillés les moines ? La tenue vestimentaire des moines varie selon l’ordre auquel ils appartiennent. Au prieuré de Rouge-Cloître, les chanoines portaient une robe de bure blanche (grossière étoffe de laine), surmontée d’un rochet (tunique courte à manches étroites en lin), et d’un camail de couleur noire (court manteau sans manche avec un capuchon). Sur la tête, ils portaient la barrette (bonnet rigide de forme carrée, surmontée de trois ou quatre cornes). Barrette portée par les chanoines Ces vêtements devaient être bon marché et adaptés au climat de nos régions. Lorsque ceux-ci étaient usés, les moines les donnaient aux pauvres. 15 Habit de chanoine régulier de Rouge-Cloître. Gravure du XVIIIe siècle 9. Quels étaient les différents métiers des moines ? Au prieuré, chacun avait un rôle bien défini. Bien que les moines participaient aux tâches manuelles, la plupart du temps à Rouge-Cloître, ce sont les frères convers qui s’en chargeaient. • Les frères convers avaient une origine plus modeste que les moines et étaient généralement peu instruits. Ils étaient religieux et ne vivaient pas forcément au prieuré. Ils s’occupaient des travaux tels que la pêche, les travaux aux champs, l’entretien des bâtiments, ils cultivaient, défrichaient et assainissaient les marais en échange de l’instruction intellectuelle et religieuse que leur donnaient les moines. • Le prieur était le chef, son rôle était proche de celui d’un directeur d’école. Il s’occupait de diriger la communauté et de la gestion du prieuré. • Le sous-prieur remplaçait le prieur durant son absence et veillait à ce que ses décisions soient respectées. • Le portier était chargé de surveiller l’entrée du prieuré, d’accueillir les visiteurs et de donner l’aumône aux pauvres. • Le meunier exploitait le moulin à eau pour fabriquer de la farine. • Le cellérier tenait le rôle de l’économe, il s’occupait de la gestion des biens du prieuré et notamment de l’alimentation. • L’hôtelier se chargeait d’accueillir les visiteurs du prieuré. 16 • L’infirmier soignait les malades. Il est ce qu’on appelait un rebouteux, c’est-à-dire une personne qui, grâce à des manipulations, savait remettre des membres démis. Il préparait également des tisanes, des lotions à partir d’herbes médicinales qui poussaient dans le jardin de simples. • Certains moines avaient pour fonction l’instruction et enseignaient en dehors du prieuré mais aussi à l’intérieur aux novices. • Le novice est un religieux qui, nouvellement entré au prieuré, passe par une période d’épreuves et d’apprentissages avant de devenir moine. • Le copiste recopie à la main des manuscrits. • L’enlumineur est le moine qui décorait les pages des manuscrits d’ornementations, appelées enluminures. 10. Que se passait-il dans le scriptorium ? Au prieuré de Rouge-Cloître, une des tâches les plus importantes était celle des copistes. C’est dans le scriptorium (le nom de l’atelier où sont copiés les manuscrits) que les moines copiaient des textes religieux, philosophiques et scientifiques. En effet, au Moyen Âge, l’imprimerie n’existant pas encore (il faut attendre le 15e siècle pour son invention), pour conserver et diffuser des manuscrits, il fallait les recopier à la main. Cette tâche était d’une grande importance et ce sont les moines qui en avaient la charge. Sans leur travail, nous aurions perdu l’essentiel de nombreux écrits datant de l’Antiquité. Recopier les ouvrages ligne par ligne était un travail très difficile : il fallait être très concentré pour ne pas faire de fautes et surtout cela prenait énormément de temps. Quand on sait que le plus rapide des copistes ne pouvait pas recopier plus de quatre pages par jour, on peut imaginer le temps que cela pouvait prendre ! Il faut également savoir que le scriptorium du prieuré de Rouge-Cloître avait une excellente réputation : les travaux des moines étaient reconnus par bien d’autres communautés religieuses. 17 < Exemple d’enluminure représentant un scriptorium. Au Moyen Âge, les livres étaient très rares. Avant cela, on utilisait des rouleaux de papyrus (le papyrus était fabriqué à partir de la tige de la plante) mais ils étaient peu pratiques pour la consultation et trop fragiles. Pour réaliser un livre, on utilisait alors des feuilles de parchemin qui sont plus résistantes et supportent mieux les encres. La fabrication du parchemin, réalisé avec de la peau d’animaux (comme les chèvres, les moutons, les porcs ou encore les agneaux), était un processus coûteux et complexe. Tout d’abord on devait nettoyer la peau à l’eau, ensuite la tremper dans un bain de chaux pour enlever les poils et la chair. Puis, on la raclait avec un racloir afin d’enlever les résidus éventuels. La peau était, par la suite, rincée à grandes eaux et tendue sur un cadre en bois pour sécher. Une fois sèche, on réalisait le ponçage de celle-ci avec une pierre ponce. La dernière étape était la découpe de la peau en feuillets que l’on cousait à d’autres pour obtenir, en résultat final, un livre. Les copistes utilisaient un pupitre incliné pour travailler. Le matériel dont ils avaient besoin était constitué d’une plume ou d’un roseau taillé (un calame), d’un grattoir pour corriger les erreurs, une règle et un compas pour tracer les lignes d’écriture à la pointe de plomb. Le copiste travaillait en étroite collaboration avec l’enlumineur. En effet, après le travail d’écriture, venait celui de la décoration. Le copiste laissait des parties vierges pour que l’enlumineur puisse peindre des ornementations, appelées enluminures. Elles embellissaient les premières lettres des chapitres des manuscrits de scènes religieuses ou de la vie quotidienne ou encore de motifs abstraits. Emilie Debauve Responsable du service éducatif Licenciée en Histoire de l’Art et Archéologie 18 Vocabulaire Autel table de pierre ou de bois sur laquelle est célébrée la messe. Barrette bonnet rigide de forme carrée, surmonté de trois ou quatre cornes, porté par les ecclésiastiques. Bure grossière étoffe de laine utilisée pour la confection des vêtements des moines. Camail court manteau sans manche avec capuchon. Chanoine religieux vivant en communautés habituellement sous la règle de saint Augustin. Chœur partie de l’église où se déroulent les cérémonies autour de l’autel. Cloître lieu fermé, accessible uniquement par les moines, se trouvant dans un monastère, une abbaye ou un prieuré. Il est constitué d’une galerie de colonnes, appelée déambulatoire, et encadre un jardin carré. Autour du cloître s’articulent les différents bâtiments consacrés à la vie commune. Complies dernières prières de la journée, célébrées juste avant le coucher. Ermite religieux qui fait le choix de vivre isolé, dans la solitude et la prière. Ermitage habitation d’un ermite. Simples au Moyen Âge, on appelait « simples », les plantes médicinales qui avaient des propriétés soignantes. Stalles sièges en bois se trouvant des deux côtés du chœur. Matines office (ensemble de prières) nocturne, célébré entre minuit et le lever du jour. None office de courte durée commençant neuf heures après le levé du soleil. 19 Novice personne qui, nouvellement entrée dans les ordres, passe par une période d’épreuves et d’apprentissages avant de prononcer ses vœux définitifs et de devenir moine. Oblat désigne, au Moyen Âge, les enfants « offerts » à un monastère pour y être élevé. Le terme a par la suite évolué et désigne les personnes qui participent à la vie du monastère sans avoir prononcé de vœux pour devenir moine. Offices ensemble de prières réparties durant la journée. Pèlerin personne qui visite des hauts lieux de piété dans un but essentiellement religieux. Prieur supérieur d’une communauté religieuse vivant dans un prieuré. Prieuré établissement religieux où vivent des moines en communauté, dirigé par un prieur. Prime office de courte durée qui commence une heure après le lever du soleil. Rochet tunique courte en lin à manches étroites. Sacristie annexe d’une église où sont conservés des objets de cultes et les vêtements sacerdotaux (vêtements que les prêtres portent pendant la messe). Scriptorium atelier dans lequel les moines copistes réalisaient les copies de manuscrits. Il se trouvait généralement près de la bibliothèque. Sexte office qui débute six heures après le lever du soleil. Tierce office qui débute trois heures après le lever du soleil. Vêpres office du soir marquant la fin de l’après-midi. Vigiles office qui a lieu pendant la nuit. 20 Bibliographie - A. MAES, Deux siècles dans la vie de Rouge-Cloître (1780-1980), in : Le Folklore Brabançon, n°226, juin 1980, pp.97-167. - A. MAES, Notes sur l’église disparue de Rouge-Cloître, Bruxelles, 1998. - A. MAES, Rouge-Cloître. Rood Klooster, Commune d’Auderghem et « Les Prieurés de Val-Duchesse et de Rouge-Cloître. Conseil de Défense des sites historiques d’Auderghem », 1964. - A. MAES, Sur les traces des chanoines réguliers de Rouge-Cloître 1368-1796, Bruxelles Créadif, 1983. - S. MODRIE, Suivi archéologique au prieuré de Rouge-Cloître à Auderghem, in: Bulletin de liaison ICOMOS, n°18, juillet 2004, pp. 4-6. 21 Le service éducatif du Centre d’Art Grâce au soutien de la Commune d’Auderghem et de la Direction des Monuments et des Sites de la Région Bruxelles-Capitale, le Centre d’Art de Rouge-Cloître développe son service éducatif et propose de faire découvrir au public l’histoire du prieuré de Rouge-Cloître. Le projet a pour but de promouvoir le patrimoine historique, architectural et archéologique du site auprès des petits et des grands. Dans un premier temps, les activités sont proposées aux écoles primaires. Par la suite, à la rentrée de septembre 2010, des visites guidées pour les écoles secondaires, les adultes et les familles seront également au programme. Axées sur la vie quotidienne des moines, les visites sont conçues selon un parcours permettant de découvrir les différents bâtiments ainsi que les vestiges du passé. Réalisées par une historienne de l’art, elles ont pour but de sensibiliser les visiteurs au patrimoine et à son respect tout en s’amusant ! Les activités proposées : • Une visite guidée ludique et interactive du site sur le thème de la vie des moines au Moyen Âge. Durée approximative d’1h. Visite gratuite pour les élèves et les professeurs. • Une visite guidée suivie d’un atelier créatif proposant, en fonction de la tranche d’âge, la réalisation d’un blason ou une initiation à la calligraphie et à l’enluminure. Durée approximative de la visite + atelier : 3h. Visite gratuite pour les élèves et les professeurs. 1€ par élève pour la participation à l’atelier. Les objectifs : • découvrir la vie quotidienne d’un prieuré au Moyen Âge • apprendre à observer et à se situer dans l’espace • apprendre un nouveau vocabulaire • stimuler la créativité durant les ateliers Les visites et animations ont lieu du lundi au vendredi sur rendez-vous. Pour tout renseignement, n’hésitez pas à contacter Emilie Debauve, responsable du service éducatif, 0483/03 62 61 - 02/660 55 97 ou a envoyer un mail à l’adresse : [email protected] 22