L`expertise amiable en matière d`assurance de biens, par Yves
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L`expertise amiable en matière d`assurance de biens, par Yves
Yves Macabies L3 Droit Atelier clinique juridique Mai 2016 L’expertise amiable en matière d’assurance de biens Il est utile et dans certains cas obligatoire de souscrire une assurance de dommages qui a pour objet la sécurité du patrimoine; les assurances de dommages se subdivisent en assurances de biens (ou de choses), et assurances de responsabilité. Les assurances destinées à couvrir le risque incendie, dégât des eaux, ou l’assurance dommage-ouvrage obligatoire en matière de construction d’un ouvrage de bâtiment, sont notamment des assurances de biens. Dans le cadre de ces assurances, la mise en œuvre des garanties souscrites ne nécessite pas de démontrer préalablement les responsabilités en cause mais simplement de rapporter la preuve de l’existence d’un dommage assuré; une fois cette preuve rapportée, il n’en demeure pas moins que l’indemnisation peut parfois soulever des difficultés, liées notamment à la complexité ou à la durée de la procédure. Comment contrer ces difficultés et trouver une issue amiable ? C’est l’objet de notre étude. Quels sont les principes généraux qui guident l’indemnisation des sinistres en assurances de biens ? sinistre. 1 En revanche, rien n’interdit qu’il perçoive une somme inférieure au montant de son préjudice dans certains cas. w Le troisième principe est celui de la subrogation légale de l’assureur dans les droits de l’assuré. Ce principe signifie que l’assureur dispose, après avoir indemnisé l’assuré, du droit d’agir à sa place directement contre le responsable du dommage 2 . L’’assureur n’est toutefois subrogé qu’à concurrence de l’indemnité payée à l’assuré.3 L’assuré dispose ainsi d’un recours contre le tiers pour le complément d’indemnité ; s’il se retrouvait alors en concurrence avec l’assureur, c’est l’assuré qui devrait être payé par préférence à l’assureur.4 C’est pourquoi l’estimation du préjudice est parfois source de conflits. Comment mon assureur va-t-il évaluer le montant du préjudice ? Suivant réception de la déclaration de sinistre par l’assureur, l’expertise n’est pas automatique. En effet l’évaluation des petits sinistres ou ceux qui ne posent pas de difficulté, est réalisée sans intervention d’un expert ; elle est fixée alors d’un commun accord avec l’assuré, au vu des justificatifs transmis. L’assureur ne procèdera à la nomination d’un expert que pour les sinistres d’une certaine gravité. Cette expertise doit w Le premier principe est celui de la réparation intégrale qui veut que l’assuré doit être indemnisé de tous les préjudices subis, dans la limite du principe indemnitaire. w Le principe indemnitaire pose l’interdiction pour l’assuré de recevoir une 1 indemnité supérieure au montant de son Selon les dispositions de l’article L. 121-1 du Code des préjudice. (Second principe). L’ indemnisation assurances 2 Code des assurances, article L 121-12 (subrogation) ne peut en aucun cas dépasser la valeur de la 3 Code des assurances, article L 121-12 alinéa 1er et Cour de chose assurée au moment du Cassation, 3ème Chambre Civile, arrêt du 27 mai 2010, n° 09- 14107, BICC n°729 du 15 octobre 2010 et Légifrance 4 Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 11 mars 2009, n°s 08-10733 Clinique juridique néanmoins être prévue au contrat et chaque partie devra respecter scrupuleusement la procédure décrite; à défaut l’assuré pourrait se voir opposer un refus d’assurance. Cette expertise de gré à gré se réalise aux frais de l’assureur : l’expert devra trouver les causes du dommage, déterminer les préjudices qui en découlent ainsi qu’évaluer ces derniers, tout cela de manière impartiale. Les tribunaux rappellent à ce titre que le principe qui dirige l’évaluation est celui de l’évaluation au jour du sinistre5. A la différence des assurances de responsabilité qui prévoient une indemnisation totale (préjudice corporel, matériel, moral,…), en assurances de biens l’indemnisation est limitée à : w la valeur de la chose assurée ou à la valeur de la partie de la chose assurée endommagée en cas de sinistre partiel (ce préjudice est désigné sous le terme de préjudice matériel), w augmentée le cas échéant des « pertes subies » ou « gains manqués » (comme la perte de loyer par exemple) consécutifs au dommage à condition toutefois d’en justifier. (préjudices immatériels). En cas de litige, cette expertise de gré à gré non contradictoire réalisée par l’assureur n’aura de valeur probante que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve ou si elle est soumise à la discussion contradictoire des parties en étant versée au débat, c’est-à-dire produite contradictoirement à l’autre partie à l’instance. Mais le contrat peut très bien prévoir que les dommages ne seront pas fixés selon la procédure décrite plus haut (expertise de gré à gré) mais que chaque partie devra désigner son propre expert ; dans ce cas de figure chaque expert réalisera alors une expertise amiable contradictoire, l’autre partie ayant été dûment convoquée aux opérations d’expertise. En effet si l’une des parties faisait procéder unilatéralement à l’évaluation des dommages, le rapport d’expertise ainsi établi serait inopposable à l’autre partie et ne pourrait servir de base à l’évaluation.6 Comment contester l’indemnité proposée par l’assureur si elle paraît insuffisante? Vous devrez faire appel à un expert d’assuré (que vous contacterez de votre côté) dans le cadre d’une expertise amiable. Investi des mêmes missions que le premier expert, ce second expert établira également un rapport d’expertise à l’issue de sa mission. Puis, les deux experts tenteront de se mettre d’accord sur l’évaluation du dommage par le biais d’un procès verbal. Si cette procédure n’est pas dénuée d’intérêt, elle peut être onéreuse et rester à la charge de l’assuré si le contrat d’assurance ne prévoit pas de garantie honoraires d’expert. En cas de désaccord, quelle est la suite de la procédure? Si aucun accord n’est trouvé, la phase amiable , dite de tierce expertise, débute dès lors que le contrat la prévoit. L’assuré et l’assureur conviennent alors de la nomination d’un troisième expert. Cette phase peut s’avérer onéreuse puisque les frais d’honoraires seront partagés à parts égales l’assuré et l’assureur. Cette troisième voie est d’ailleurs peu utilisée en pratique. Avant toute procédure judiciaire, il peut par ailleurs être très utile de tenter un mode de résolution alternatif du conflit (M.A.R.C.) comme la médiation ou la conciliation. En effet depuis 2008 le recours à ce type de règlement suspend les délais pour agir en justice, ce principe ayant été inséré dans le code civil.7 6 5 Selon les dispositions de l’article L. 121-1 du Code des assurances précité ; en ce sens, Civ. 2, 11 sept. 2008, n°0715.171 Clinique juridique Cour de Cassation, Chambre civile, 29 mar 2006, n°04-19.867 7 Code civil , article 2238 (M.A.R.C et suspension prescription) Est-ce que la phase d’expertise amiable suspend ou interrompt les délais pour agir en justice? La phase d’expertise amiable ne suspend pas les délais pour agir en justice (ou prescription) mais les interrompt conformément à l’article L 114-2 du Code des assurances. A la différence de la suspension, l’interruption a pour effet d’anéantir le délai déjà écoulé jusqu’au jour de l’interruption: le compteur repart à zéro et un nouveau de délai de deux ans (prescription biennale) repart, en principe à compter du jour interruptif. Est-ce que l’expertise judiciaire suspend ou interrompt les délais pour agir en justice ? L’expertise judiciaire qui vise à obtenir la désignation d’un expert par le juge emporte comme l’expertise amiable interruption des délais pour agir en justice mais les effets ne seront pas les mêmes. En effet dans le cadre d’une expertise judiciaire, l’adversaire est cité à comparaître en justice préalablement à toute procédure qui tranchera sur le fond du litige et se prononcera notamment sur le montant des indemnités à verser à l’assuré. Le délai est ici interrompu dès cette citation en justice, qui prendra le plus souvent la forme d’une assignation par voie d’huissier de justice, et ce, jusqu’au jour du prononcé du jugement 8 définitif.9 8 Sabine ABRAVANEL-JOLLY, Droit des assurances, ellipses, Lonrai 2013, p.183 citant arrêts Cour de Cassation, 1ère Chambre civile, 8 décembre 1976, Bull. Civ.I, n°392 et Cour de Cassation, 1ère Chambre civile, 24 juin 1997, D.1998, somm.p.47 , obs. H.Groutel 9 Sabine ABRAVANEL-JOLLY, Droit des assurances, ellipses, Lonrai 2013, p.183, citant Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 31 janvier 1989, RGAT 1989, p.323, note H. Margeat et J.Landel Clinique juridique Sources Sabine ABRAVANEL-JOLLY, Droit des assurances, Ellipses, Lonrai 2013 Code civil: article 2238 (M.A.R.C et suspension prescription) Code des assurances: Article L 114-2 Article L. 121-1 Article L 121-12 (subrogation) Cour de Cassation: 3ème Chambre Civile, arrêt du 27 mai 2010, n° 0914107 3ème Chambre civile, 11 mars 2009, n° 08-10733 Chambre civile 2, 11 sept. 2008, n°07-15.171 Liens utiles Site dictionnaire du droit privé de Serge BRAUDO: http://www.dictionnaire-juridique.com Site de Légifrance : www.legifrance.gouv.fr Médiateur de l'assurance: site www.mediationassurance.org Site www.service-public.fr: comment saisir le médiateur ? Site www.service-public.fr: conciliateur de justice Clinique juridique