Le Cabinet des Larmes.txt.extrait

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Le Cabinet des Larmes.txt.extrait
Le Cabinet des Larmes
Auteur : Christophe Tostain
-Extrait-
Personnages :
-
Lindi
Bill the fridge (anciennement réfrigérateur transformé au fil
des années en intelligence domotique artificielle)
Contrôleur SS44
Gatta
Des vieux hommes
Des vieilles femmes
Des voix
Note : pour les rêves de Lindi, les paroles des vieux et des vieilles
sont à dire d’une façon strictement aléatoire en suivant le temps
indiqué de la durée du rêve.
2
Quelque part, dans une ville démesurée, dans un bloc
déshumanisé, dans une tour délabrée, dans un appartement
aseptisé vit Lindi, l’un des derniers poètes survivant, peutêtre le dernier, qui sait…
3
26 janvier. Télésurveillance 36422. Caméra optique
62-13. Bloc Nord 8472. Zone respirable 731 sous
Climatisation
Universelle
Eusaport.
Pression
atmosphérique 1029Hpa. Température extérieure 24.4°
celsius. Température intérieure 28° celsius. Rien à
signaler….
30
secondes….
25
secondes….
20
secondes….15 secondes…. 10…9… 8… 7… 6… 5… 4… 3… 2… 1…
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Lindi’s WebCamBlog.
Fragment du matin
Lindi
…j’écris pour qui ? J’écris pour qui ? J’extrais mes idées des
enfeux de mes pensées. Tiens. Première du jour. Est-ce ? Est-ce
que ? Est-ce que je vais sortir aujourd’hui ? Ce serait bien. Que
je sorte un peu. Oui. Un peu. Histoire de. Prendre un peu l’air.
Histoire de. Respirer. Mais. Sans doute je respire mieux ici.
Que dehors. Va savoir. Regarde. Le temps. Tout triste. Bientôt
le froid. Dans quelques jours je crois. Oui. C’est ça. C’est bien
ça. Dans quelques jours. Je vais commencer à avoir froid. Mais
ce qui est bizarre c’est cette chaleur. Malgré la Climatisation
Universelle. Et dehors. Il fait encore plus chaud. Ah. Oui.
Aujourd’hui. Il faut absolument que je pense au domofridge.
Interroger le domofridge. Il faut. Que j’y pense. Il faut que j’y
pense. Y penser. Y penser. Je vais le noter. Oui. Mais non. Si je
le note je vais oublier. D’y penser. Je me connais. Parce que. Si
je le note quelque part tout s’inscrira ailleurs. Que dans ma
mémoire. Ailleurs. Bien ailleurs. C’est stupide. Se lever le
matin et n’avoir comme seule idée en tête que son domofridge.
Complètement stupide. Je dois toujours toujours penser à des
choses bassement matérielles qui m’indiffèrent. Je sens mon
abnégation s’effacer. De jour en jour. Je sens ma seule force qui
légitime mon existence s’effriter. Comme une feuille morte.
Parfaitement. Mais. Bon. Je parviens encore à me coucher. A
dormir. Profondément. Rêver. Me taire. Regarder. Contempler.
Observer. Ecouter. Orienter mon désir vers des choses
simples. Je ne demande rien à personne. Surtout que personne
ne vienne me demander quoique ce soit. Que me demanderaiton ? Je suis incapable de faire autre chose que ce que je sais
faire. Je ne vois pas qui viendrait s’échouer ici. Au hasard.
D’une tempête extérieure. Non. Qu’on me laisse tranquille.
Bon. Aller. Arrête de pavoiser pour rien. Tu te rumines comme
une vache. Tu perds ton temps. Qu’est-ce que tu vas faire ?
Avant de t’occuper de ton domofridge ? Tu poursuis tes
tentatives poétiques ? Tu attends ? Tu te reposes ? Tu vas
courir ? Oh. Oui. Un peu d’exercice. Cela fait si longtemps que
je n’ai pas couru. Combien de temps arriverai-je à tenir ?
Maintenant on nous impose de courir avec un masque à
oxygène. Depuis le Grand Plan de Lutte contre le Cancer des
Poumons. Pour éviter toute mauvaise surprise. Un masque. Je
n’en ai pas. Bon. Alors. Qu’est-ce que tu décides ? Qu’est-ce
que tu décides ? Qu’est-ce que tu décides ? Qu’est-ce que tu
vas faire ? Je ne sais pas. Pour l’instant. Si je vais poursuivre
oui non. C’est difficile. Ce matin. Je n’ai pas un mot. Pour
commencer. Même pas une image. Même pas un souvenir. Je
me traîne. J’ai bien dormi pourtant. Malgré ces voisins de
merde. Qui me font chier. Depuis qu’ils sont arrivés. Avant
avec le voisin précédent j’étais tranquille. J’étais bien. Il était
discret. Respectueux comme une ombre. Mais là. A côté.
Comment font-ils pour vivre tous ensemble dans une même
pièce ? A neuf. Dans une seule pièce. Avec un chien. Un jour.
Un jour viendra. Je serai à bout de nerf. Oui. Un jour.
J’arriverai au bout de mes nerfs. Comme on arrive au bout
d’une rue. Sans issue. Parce que je n’aurai pas réussi à trouver
un espace pour me reposer. Et là je crois que je tuerai leur
chien. Pour qu’il arrête d’aboyer. Du soir au matin. Le chien.
Avant de le tuer je le regarderai. Droit dans les yeux. Je lui
dirai tu sais mon toutou j’ai été patient mais là tu as dépassé les
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limites oui je sais bien mon pauvre toutou ce n’est pas de ta
faute tu n’as rien demandé à personne et tes maîtres pourraient
se passer de toi parce que pour eux avoir un môme ou un chien
c’est pareil. Oui. Ce n’est pas de ta faute non plus si les murs
des appartements sont en papiers. Et puis je lui expliquerai que
sa vie est bien inutile. Qu’elle ne sert à rien du tout. Qu’elle
encombre tout le monde. Comme. Non. Pas plus que la
mienne. Et puis. Je lui flanquerai un bon gros coup de poing.
Sur sa truffe. Ou non. Je lui écraserai la cage thoracique. D’un
grand coup de pied. Ou non. Mieux. Je lui cognerai la tête.
Dans le mur. Oui. Et puis tiens je frapperai aussi le voisin père.
D’une grande claque. Parce qu’il ne me fait pas peur. Il est si
petit. Et je frapperai sa femme. Et tous ses gamins. Surtout le
grand. Qui est petit aussi. Qui ne me dit jamais bonjour dans
l’escalier. Qui fait comme si je n’existais pas. Ah oui. Je lui
flanquerai bien une bonne grosse tarte. Voire même un aller
retour. Histoire de lui décoller la tête. Histoire de lui dire eh oh
il y a des gens autour de toi il y a des humains des vivants des
individus qui forment encore une société dans laquelle existent
des règles de savoir vivre alors eh oh on se réveille on vit on
fait attention à son entourage. Oh. Oui. Une vraie bonne
beigne. Ce serait pour le ramener à la vie. Tu dis ça mon
pauvre Lindi mais. En es-tu capable ? Très bonne question.
Oui. C’est vrai je. N’ai jamais fait du mal à qui que ce soit.
Enfin. Une fois j’ai. Pour dire. La violence me fait peur. Mais.
La violence m’attire. M’aspire. Comme un vide. Alors une fois
je. Non. Le môme. Je ne sais même pas ce qu’il voit dans ses
lunettes virtuelles. Et j’aime bien les chiens. Moi. Je préfère les
chiens aux chats. Peut-être qu’un jour. J’en aurai un. Quand je
ne saurai plus écrire une ligne. Où plutôt quand je ne pourrai
plus écrire. Une seule ligne. Parce que toutes les possibilités
toutes les combinaisons de mots auront été usées. Epuisées.
Que je serai en quête d’un nouveau langage. Mais comme je
serai vieux je n’en aurai plus la force. J’arrêterai d’écrire. Alors
il faudra bien que je m’occupe. Je m’occuperai d’un chien. Je lui
apprendrai à mordre. Les voisins. Et toi. Peut-être que ça te
fera revenir à la maison. Oui. D’avoir un bon gros chien. En
attendant t 'es où ? Toi ? Hein ? T’es où ? T’es où qu’est-ce que
tu fais ? Vas-tu revenir oui ou non ? Ce vide. Ce vide. Où es–
tu ? Des nouvelles. Avoir de tes nouvelles. C’est tout ce que je
demande. Pour vivre mieux. Savoir ce que tu fais. Comment tu
vis. Voilà. C’est tout. Après basta. M’ajourner des souvenirs
mauvais. Capituler avec toi. J’ai tant de silences à te raconter.
Où es-tu ? Disparue. Disparue. Et moi. Seul sur le pavé.
Comme un chien écrasé. Moi le cœur comme de la bouillie.
Moi j’en crève. Oh. Que ça cesse. Du calme. Mon pauvre Lindi
du calme. Tous les matins tu rabaches tu ressasses. Bon. Je vais
peut-être me mettre à travailler. Chut. Décontraction. Ah. Oui.
Le domofridge. Chut. Chut. Assouplissement du cou par une
légère torsion vers la droite assouplissement du cou par une
légère torsion vers la gauche. Déraidir. Vide vider vide vider
vide vider.
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Centrale de Surveillance Individualisée.
Etiquettes relevées de 7h31 à 7h48.
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(Lindi fait le vide)
(Lindi chasse toutes les pensées de son blog matinal.)
(Lindi s’allonge sur son tapis d’Orient EUSAPORT fabriqué en Pologne par les entreprises DYWAN.)
(Lindi se détend.)
(Lindi écoute une chanson ruine.)
(Lindi se concentre sur ses oreilles qui se délectent des paroles anciennes de la chanson ruine.)
(Lindi chante les paroles d’amour de la chanson ruine.)
(Lindi pleure d’une intensité moyenne)
(Lindi est surpris par cette émotion légère)
(Lindi se repose.)
(Lindi étire ses muscles au plus profond des tissus.)
(Lindi lève le pied gauche qui lève la jambe gauche qui lève le genou gauche qui lève la cuisse gauche)
(Lindi plie quatre fois le gros orteil du pied gauche)
(Lindi pose la cuisse gauche qui pose le genou gauche qui pose la jambe gauche qui pose le pied gauche)
(Lindi se repose)
(Lindi se détend)
(Lindi respire calmement)
(Lindi perd une larme sur son tapis d’Orient EUSAPORT fabriqué en Pologne par les entreprises DYWAN.)
(Lindi ne pleure plus)
(Lindi va à son lavabo)
(Lindi se lave les mains)
(Lindi utilise son savon INVESIS, produit du groupe ESSEA, filiale d’ EUSAPORT)
(Lindi se lave le visage)
(Lindi se regarde dans son petit miroir fissuré)
(Lindi marmonne maintenant des mots matériaux)
(Lindi grimace)
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Tentative poétique.
Lindi
(en parlant dans un antique dictaphone numérique DICTEUSAPORT)
Trois Quatre Trois Quatre. Nous sommes le 26 janvier. Il est exactement 7h49. Tentative
poétique n°1251. Hum. Hum !… Trois, deux, un, top : déjà/ prestement/ promptement/
déshabillés/ déjà déshabillés/ dénudés/ prestement dénudés/ prestement déshabillé/ déjà
dénudés/ promptement/ dénudés/ promptement dénudés/ en attendant la pluie/
promptement dénudés/ sans attendre/ la/ pluie/ le/ jour/ sans attendre le jour/
promptement dénudés/ sans attendre/ le jour/ sans attendre/ la nuit/ promptement
dénudés sans attendre la nuit/ la pluie/ l’orage/ sans attendre la pluie/ et/ l’orage/ sans
attendre la pluie/ un orage/ ou la nuit/ je t’ai/ allongé/ je t’ai/ couché/ tu m’as je t’ai/ sans
attendre la pluie / un orage ou la nuit/ je/ nous/ tu/ nous nous/ sommes/ allongés/ sans
parler/ sans un mot/ muet/ nous nous allongeons/ muets/ dans/ nos draps/ dans/ nos
draps froissés/ délavés/ dans/ nos draps délavés/ mes doigts/ mes caresses/ les caresses/
de mes doigts/ de mes doigts coupables/ les caresses coupables/ de mes doigts/ les
empreintes/ de mes doigts/ de mes empreintes/ sur ton corps/ mes empreintes coupables/
sur ton corps / sur ton corps/ étendu/ sur ton corps/ assoupi/ mes empreintes coupables/
impies/ mes empreintes impies/ sur ton corps/ assoupi/ te réveillent/ te réchauffent/
réchauffent/ réchauffent tes parois/ enneigées/ font fondre/ dégèlent/ dégèlent des névés/
dehors/ dans/ la ville/ dans/ la rue/ dans/ les rues de la ville/ dans/ les rues frigides de la
ville/ sous l’eau/ la crainte/ la crainte pèse/ comme/ la chaleur/ dans/ les rues frigides de
la ville humide/ la crainte pèse/ la crainte plombe/ la peur plombe l’air/ lourd/ et/ les
chiens/ les chiens loups/ les loups/ les loups des zones/ des blocs/ des quartiers/ les
loups/ des quartiers/ des quartiers illégaux/ des quartiers illicites/ les loups anthracite/
des quartiers illicites/ marchent/ chassent/ passent/ à pas de velours/ errent à pas de
velours/ et nous/ nous/ dedans/ dedans/ notre lit/ nous échoués/ dedans/ nous/ sur
notre lit radeau/ ta peau/ ta peau/ se réveille/ ta peau/ souriante/ ta peau/ impatiente/ se
réveille/ ta peau/ accueillante/ s’éveille et s’impatiente/ à l’ombre des/ à l’ombre du/ à
l’ombre de/ à l’ombre de mes mots/ à l’ombre du rideau/ tout en te/ tout en te/
déshabillant/ en te déshabillant/ de ma main/ incandescente/ en découvrant/ en ajourant/
en effeuillant/ ton/ ton dos/ de ma main/ brûlante/ ardente/ de ma main ardente/ ton/
tes ton/ tes ta/ ta/ ta nuque/ ta nuque incandescente/ indécente/ ta nuque indécente/ me
plonge/ me noie/ me recouvre/ d’eau/ recouvre mon corps/ d’eau/ qui transpire/ je
transpire/ et j’expire/ pour une bataille/ j’exhumerai tes désirs / je transpire/ et j’expire/
pour tes/ soupirs/ exhumant tes/ soupirs/ je me donne/ à toi/ je me donne/ au combat/ je
me livre/ je me livre/ au combat/ et je fane/ et je flétris/ ta fleur/ et j’offense/ ta fleur/
agitée/ et j’offense/ ta fleur agitée/ angoissée/ de ma lame affutée/ de mon dur/ de mon
dur coutelas/
(silence, souffle puis reprise)
Acte poétique n°1251 :
Promptement dénudés
sans attendre la pluie
un orage ou la nuit
nous nous allongeons muets
Sous nos draps délavés
mes empreintes impies
sur ton corps assoupi
dégèlent des névés
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Dans les rues frigides
de la ville humide
la peur plombe l’air lourd
Les loups anthracite
des quartiers illicites
errent à pas de velours
Sur notre lit radeau
ta peau accueillante
s’éveille et s’impatiente
sous l’ombre du rideau
En effeuillant ton dos
de ma main ardente
ta nuque indécente
recouvre mon corps d’eau
Je transpire et j’expire
exhumant tes soupirs
je me livre au combat
Et j’offense ta fleur
agitée angoissée
par mon dur coutelas
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Bill the fridge.
Lindi
Bonjour Bill
Bill
Avec plaisir. Bonjour Lindi
Lindi
Je viens te consulter. Cher Bill. Voir un peu l’état de ton contenu. De ce qu’il te reste. Dans ton petit ventre.
Bill
Avec plaisir Lindi. Tu as treize jours de retard.
Lindi
C’est grave ?
Bill
Avec plaisir Lindi. Que souhaites tu savoir exactement ?
Lindi
Tout.
Bill
Avec plaisir Lindi. Enregistre ton poids de ce jour.
Lindi
63.5 kg. Alors ?
Bill
Avec plaisir Lindi. Ton indice de masse corporelle est de 16.4. Tu es maigre moyen plus.
Lindi
Merci pour le petit « plus ». Dis moi le diagnostique.
Bill
Avec plaisir Lindi. Diagnostique du compartiment fruits légumes : reste une tomate
déshydratée – péremption d’ici trois jours. Diagnostique du compartiment viande : vide.
Diagnostique du compartiment poisson : vide. Diagnostique du compartiment fruit :
reste deux pommes Goldeusaport – péremption d’ici trois semaines. Diagnostique du
compartiment boisson : reste deux litres d’eau potable en poudre. Diagnostique du
compartiment des laitages : reste une crème de soja saveur « anis - champignon des
bois » périmée depuis cinq jours. Diagnostique du compartiment divers : reste douze
tablettes hyper-protéinées, huit gélules dîner de la mer, trois sachets plateaux de
fromages forts, deux pilules repas du monde. Diagnostique vital : tu as encore trois
repas revitalisants de disponible. Diagnostique du complément : passer une commande
de réapprovisionnement complet.
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Lindi
Je veux un autre choix. Je ne veux pas une commande de réapprovisionnement complet.
Bill
Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est actuellement disponible.
Lindi
Pourquoi ?
Bill
Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est actuellement disponible.
Lindi
Bon. Que me proposes-tu ce mois ci mon cher Bill ?
Bill
Avec plaisir Lindi. Nous avons ce mois-ci une nouvelle gamme de produits qui fera la
joie de ton compartiment fruits légumes : les fruits hybrides Goldeusaport de dernière
génération conditionnés en tablettes de vingt-quatre gélules comme les merveilleuses
banananas à la fraise ; les fantastiques pommoignons à la framboise ; les extraordinaires
poirtichauts à la figue ; les subtils betteradis noirs à l’orange ; sans oublier les
betteravocats aux fruits exotiques ; les surprenantes clémentolées à la vanille ; les
succulentes…
Lindi
D’accord. D’accord. Appétissant.
Bill
Avec plaisir Lindi. Maintenant je calcule ton réapprovisionnement pour le mois en
fonction de ta masse corporelle.
Lindi
Et moi je veux rester comme je suis.
Bill
Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est disponible.
Lindi
Quel monde !
Bill
Avec plaisir Lindi. Les compartiments seront très prochainement réapprovisionnés en
aliments frais, en aliments irradiés, en aliments partiellement déshydratés, en aliments
réhydratables en aliments thermostabilisés pour une durée de trente jours et une
capacité de trois repas jours d’une moyenne de 2536 calories. Pour passer ta commande,
dis « je valide ma commande ».
Lindi
Et si je ne veux pas ?
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Bill
Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est disponible.
Lindi
Je valide ma commande.
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INTERMEDE
Contrôleur SS44
C’est agréable, non ? Qu’en pensez vous ? D’être ici. Assis. Là. Simplement.
Ensemble. Comme vous ma femme et moi aimons nous distraire. Nous éprouvons
beaucoup de plaisir ensemble à satisfaire notre curiosité intellectuelle. Je remarque
que, les années passant comme une roue sur le chemin du désert, une petite sortie
fait souvent naître en elle une plus grande disponibilité pour me recevoir, moi et
mon raide désir. C’est-à-dire. Nous sortons, nous nous amusons, nous rentrons,
jamais bien tard évidemment, puis nous nous couchons, et là, bon, je vous épargne
publiquement les détails. Mais qu’en pensez vous ? Etrange non que la femme
s’assouvisse de si peu. Chaque fois j’en reste pantois.
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Centrale de Surveillance Individualisée.
Etiquettes relevées de 21h47 à 21h59.
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(Lindi baille)
(Lindi affiche le soulagement du travail accompli)
(Lindi étire ses bras vers le plafond, d’abord le bras droit, puis le bras gauche, puis les deux en même temps)
(Lindi ressent pleinement le temps d’une journée qui s’achève)
(Lindi boit un verre d’eau potable en poudre EUSADRINK)
(Lindi soupire deux fois)
(Lindi absorbe une gélule dîner de la mer)
(Lindi savoure la demi douzaine de bulots, la douzaine d’huîtres et le dos d’Espadon façon Riviera)
(Lindi rote trois fois)
(Lindi va à sa fenêtre)
(Lindi contemple les milliards de lumières urbaines chatoyer dans la nuit noire)
(Lindi est invisible aux yeux des milliards d’hommes et de femmes qui l’entourent)
(Lindi éprouve une grande solitude teintée d’une légère angoisse)
(Lindi se déshabille entièrement devant sa fenêtre)
(Lindi est nu devant sa fenêtre)
(Lindi regarde le reflet de sa maigre nudité dans la fenêtre)
(Lindi se couche dans son lit péruvien EUSAPORT, fabriqué par les entreprises PUNUNA en Belgique)
(Lindi s’endort profondément la bouche ouverte)
14
(…)
28 février. Télésurveillance 83856. Caméra optique
62-13. Bloc Nord 8472. Zone respirable 731 sous
Climatisation
Universelle
Eusaport.
Pression
atmosphérique 1012Hpa. Température extérieure 26.8°
celsius. Température intérieure 28° celsius. Rien à
signaler… 30 secondes…. 25 secondes…. 20 secondes….
15 secondes…. 10…9… 8… 7… 6… 5… 4… 3… 2… 1…
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Lindi’s WebCamBlog.
Fragment de l’après-midi.
Lindi
…les mots virevoltent dans ma bouche. Frémissent sur ma
langue. Font bouillir ma salive. Glissent sur mes dents. Mais.
Mon Lindi. Tu es lent à l’ouvrage. Surtout en ce moment.
Pourquoi ? Je ne sais pas. Plus les jours les semaines les mois les
années passent, plus j’accouche des combinaisons de mots, plus
je sens mon écriture s’appauvrir. Ou. Plus exactement. Je sens ma
capacité d’écrire s’éreinter. Est-ce irrémédiable ? Docteur ? Est-ce
que je vais m’en sortir ? Est-ce une légère saturation qui vient
m’envahir au fil des jours difficiles de l’hiver ? Peut-être. Je
pourrais prendre quelques vacances. Est-ce que un poète peut
prendre des vacances ? Est-ce que je suis un poète ? Ça c’est une
question. C’est quoi un poète ? Un vrai poète ? Aujourd’hui
surtout. En existe t’il quelque part ? Depuis les résolutions
draconiennes imposées par la Mesure de Moralisation. Mesure
cadre du Plan de la Grande Réforme Intellectuelle. La grande
lessive. Qui n’a fait que serrer les ceintures autour des cervelles.
Qui les serre encore. Jusqu’à la rupture d’anévrisme. Tout ça
pour nettoyer la société. De toute tentation. De toute subversion.
De toute dérive jugée dangereuse pour la santé mentale d’autrui.
Partout ont été dressés des interdits. Interdit la création. Interdit
la liberté d’expression. Interdit l’expressivité. Interdit l’art.
Interdit la contemplation. Interdit la réflexion. Interdit la
philosophie. Interdit la libre circulation. Interdit la libre intimité
Nous sommes dans le Tout Interdit. Le Tout Surveillé. Le Tout
Contrôlé. Le Tout Calculé. Chacun se doit de faire attention à ne
pas déborder du cadre moral imposé. A rester contenu. Interdit
de naviguer dans la marge. Marcher dans la rue devient un
exercice de style. Faire un pas de côté comporte beaucoup de
risques. Le risque de marcher dans la merde. Et de sentir la
merde. Moi je survis. Qu’on me laisse tranquille. Je ne demande
rien à personne. Oh. J’ai chaud. Qu’est-ce que j’ai chaud. Oh
non ! non ! non ! Tout ce bruit ! Encore une fête populaire ! Une
de plus. Hier c’était la Grande Fête Populaire de la Sodomie.
Organisée pour que le peuple entier s’adonne à la sodomie.
Synchronisée à une heure bien précise. Afin de diminuer le
nombre de flatulences humaines. Pendant quelques minutes.
Pour ralentir le réchauffement climatique. Et aujourd’hui ? C’est
la fête de. Quoi. Ah. Non ah oui. C’est le Grand Plan de
Décafardisation. C’est vrai. Ils décafardisent toute la ville. Bloc
par bloc. Ils sont déjà venus. Ici. Je crois. A moins que je ne
confonde. Avec la Grande Stérilisation Générale. Non. Ils sont
déjà venus décafardiser. La Grande Stérilisation c’était autre
chose. C’était bien avant. Une entreprise gigantesque. Financée
par de généreux donateurs. Ils ont passé toute la ville au kärscher
antiseptique. Afin de lutter contre la propagation des maladies
nosocomiales. Mais là. Ils peuvent toujours essayer. De
décafardiser le bloc. Ils n’y arriveront pas. Ils n’y arriveront
jamais. Le cafard est tenace. Le cafard est coriace. Moi ça
m’arrange. Parce qu’il m’arrive parfois d’en manger. Oh. Cela
fait bien longtemps que je ne me suis pas fait une bonne petite
soupe de cafard. Dire que dans certains pays ils ont fait de la
mouche leur ingrédient principal. Ils font des galettes de
mouches. Des steaks de mouches. Des soupes à la mouche. Des
fromages moulés à la mouche. Avec du lait de brebis fermenté.
Tout le monde en mange. Tout le monde se porte bien. Pourquoi
pas. La mouche est riche en protéines. On en trouve partout.
Tiens. D’ailleurs il faut que je pense au domofridge. Tout à
l’heure. Vraiment. Je dois y penser. Oh. Ce vacarme. Cette manie
16
d’employer les grands moyens pour les Grands Plans de la
Grande Réforme. Faire du bruit. Du tapage. C’est étrange. Dès
que le Grand Pouvoir met en place une action à grande échelle il
faut que cela se sache. Absolument. Tout le monde se doit de
savoir. Ce que le Grand Pouvoir entreprend. Comme pour nous
dire regardez. Ne soyez pas médisants. Regardez ce que le Grand
Pouvoir qui veille sur vous sur votre vie sur votre bonheur fait
pour vous. Comme pour s’excuser de toutes les malversations
parallèles dont ils sont responsables. Un vrai spectacle. Vulgaire.
Regarde moi ça. Oh ! Mon bon Lindi ! Ne t’en occupe pas. Oui. Je
sais mais. Tout ce bruit n’arrange pas ma concentration. Je ne sais
pas si ma vieillesse imminente m’aidera à supporter. Cette vie
absurde. Je ressasse je ressasse je ressasse et je me rumine comme
une vache. Pendant ce temps rien ne se fait. Rien ne s’écrit. Tout
est immobile. Aller mon bon Lindi. Faut se remettre à l’ouvrage.
A la tâche. Au labeur. A la besogne. Oh hisse. Reconcentre toi.
Oui mais d’abord du vide. Du vide du…
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Centrale de Surveillance Individualisée.
Etiquettes relevées de 15h12 à 15h21.
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(Lindi ferme les yeux)
(Lindi chasse toutes les pensées de son blog.)
(Lindi cherche un mouvement utile.)
(Lindi est agité.)
(Lindi frotte la plante de son pied droit sur l’ongle de l’orteil de son pied gauche.)
(Lindi soupire trois fois)
(Lindi grince des dents)
(Lindi mordille l’ongle de son auriculaire gauche)
(Lindi mâchouille les petites peaux de son index droit)
(Lindi s’immobilise soudainement)
(Lindi entend les aboiements du chien de son voisin)
(Lindi ferme les yeux)
(Lindi entend son voisin aboyer sur son chien)
(Lindi entend le chien du voisin aboyer sur son voisin)
(Lindi entend ses voichiens hurler)
(Lindi bouche ses oreilles de ses mains)
(Lindi crie)
(Lindi crie)
(Lindi crie)
(Lindi tombe sur ses genoux sur son tapis d’Orient EUSAPORT fabriqué en Pologne par les entreprises DYWAN)
(Lindi ôte les mains de ses oreilles)
(Lindi n’entend plus un bruit)
(Lindi rit)
(Lindi rit)
(Lindi rit)
(Lindi marmonne des mots matériaux)
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INTERMEDE
Contrôleur SS44
Ma femme me dit toujours que je possède un œil de lynx. Elle est charmante.
Vraiment. Car en disant cela elle ne se trompe pas. Je suis capable de voir des
choses que personne, ou presque, ne parvient à voir. Des détails infinitésimaux.
Ceux qui échappent à l’œil nu. Grâce à cette faculté, j’ai trouvé ma voix ;
responsable du contrôle qualité. J’ai développé cette faculté en travaillant dans
différents secteurs d’activité. Ensuite j’ai bénéficié de certaines promotions. Adjoint
second. Premier adjoint. Chef. Chef de secteur. Chef de service. Responsable.
Cadre responsable. Et voilà. Je suis maintenant au service du Grand Pouvoir.
Beaucoup de travail bien sûr. Oh je vous rassure. Je n’ai pas sucé pour y arriver.
Vous vous en doutez je pense. L’accession au sommet de la hiérarchie ne se fait pas
naturellement, même si certaines dispositions génétiques facilitent la tâche.
Labeur ! Labeur ! Puis récompense !
19
Tentative poétique.
Lindi
(en parlant dans un antique dictaphone numérique DICTEUSAPORT)
Trois Quatre Trois Quatre. Nous sommes le 28 février. Il est exactement 15h22. Tentative
poétique n°1351. Hum. Hum !… Trois, deux, un, top : un/ à l’ombre /à l’abri /à l’abri de/
l’arbre /à l’ombre de/ l’arbre /obombrée /obombrée par/ l’arbre /frais /obombré par/
l’arbre frais/ toi/ là/ tu es/ tu es allongée/ assoupie/ alanguie/ tu es/ tu rêves/ tu rêves/
alanguie/ et/ tes lèvres/ ta bouche/ un doigt/ sur tes lèvres/ dans ta bouche/ un doigt/
dans ta bouche/ deux/ le ciel/ noir/ bleu/ le ciel bleu/ un oiseau/ un oiseau/ dans le ciel
bleu/ et moi/ mon/ mon sexe/ tes cheveux/ ta peau/ ta main/ ta main/ sur mon sexe/ je/
m’endors/ je/ m’en/ je/ ferme les yeux/ trois/ la route/ le chemin/ le pont/ sur le pont/ le
pont/ de bois/ toi/ ta robe/ ta jupe/ ta jupe/ toi/ ta jupe/ rose/ mes doigts/ tremblants/
mes doigts/ fébriles/ soulèvent/ mes doigts/ fébriles/ glissent/ sous ta jupe rose/ quatre/
l’été/ à l’été/ sur ton sein/ à l’approche de l’été/ sur ton sein/ laiteux/ soyeux/ moelleux/
sur ton sein moelleux/ la/ un/ une/ une libellule/ cinq/ dehors/ dedans/ dedans/ à l’
abri/ à l’abri/ de/ la bise/ à l’abri/ du vent/ ta peau/ je/ lèche/ je lèche/ ta peau/ ta peau
de pêche/ un chien/ une chatte/ un chat/ un chat nous regarde/ six/ dans la/ sous la/ sur
la/ table/ sur la table/ toi/ moi/ nous/ nous/ nous mélangeons/ nos cœurs/ nos sueurs/
nos sueurs se mélangent/ un/ un verre/ un/ un couteau/ un couteau tombe/ sept/ ton/
ton/ cul/ ton cul nu/ tes fesses nues/ blondes/ rondes/ rebondies/ tes fesses nues
rebondies/ l’eau/ coule/ l’eau/ du rui / du ruisseau/ de la rivière/ et rien/ rien d’autre/ et
surtout/ rien d’autre/ huit/ ce/ matin/ matin/ pas réveillé/ pas/ matin froissé/ pas/
matin chiffonné/ brouillard/ du brouillard/ un brouillard/ un brouillard épais/ dans toi/
dans ton/ dans ton vase/ ma/ ma fleur/ dans ton vase/ ma fleur/ meurt/ neuf/ sous/
sous toi/ sous ton/ dos/ l’herbe/ l’herbe haute/ sous ton dos/ écrasée/ aplatie/ couchée/
je te/ je t’embrasse/ et/ la pluie/ et tombe/ la pluie/ la bruine/ et tombe la bruine/ la nuit/
froide/ la nuit/ gelée/ la nuit s’engèle/ d’étoiles/ dans le/ dans la/ dans la cabane/ ton/
visage/ ton/ sourire/ ton sourire triste/ dix/ toi/ tu/ tu regardes/ tu me regardes/ tu me
regardes/ nu/ je/ je pense/ j’oublie/ mon âge/ j’oublie/ mon vieil âge/ la neige/ la neige/
tombe/ onze/ mon/ mon/ amour/ ma morte/ adorée/ sur/ les ruines/ sur/ les os/ du
monde/ du vieux monde/ sur/ les os du vieux monde/ tu me/ je t’aime/ je/ j’ai/ j’ai
froid/
(silence, souffle puis reprise)
Acte poétique n°1351 :
Un.
Obombrée par l’arbre frais
tu rêves alanguie
un doigt dans la bouche
Deux.
Un oiseau dans le ciel bleu
ta main sur mon sexe
je ferme les yeux
20
Trois.
Sur le pont de bois
mes doigts fébriles
glissent sous ta jupe rose
Quatre.
A l’approche de l’été
sur ton sein moelleux
une libellule
Cinq.
A l’abri du vent
je lèche ta peau de pêche
un chat nous regarde
Six.
Sur la table
nos sueurs se mélangent
un couteau tombe
Sept
Tes fesses nues rebondies
l’eau de la rivière
et surtout rien d’autre
Huit.
Matin chiffonné
un brouillard épais
dans ton vase ma fleur meurt
Neuf.
La nuit s’engèle d’étoile
dans la cabane
ton sourire triste
Dix.
Tu me regardes tout nu
j’oublie mon vieil âge
et la neige tombe
Onze.
Ma morte adorée
sur les os du vieux monde
je t’aime j’ai froid
21
Bill the Fridge.
Lindi
Bonjour Bill
Bill
Avec plaisir Lindi. Bonjour Lindi.
Lindi
Il fait trop chaud. Pas normal.
Bill
Avec plaisir Lindi. Je trouve aussi. J’ai relevé une moyenne de 27,2° Celsius sur les cinq derniers
jours.
Lindi
Tente de joindre la centrale de climatisation EUSAPORT. Me mettre en contact avec eux.
Bill
Avec plaisir Lindi. Dois-je joindre la centrale de climatisation EUSAPORT maintenant ou
ultérieurement ?
Lindi
Maintenant.
Bill
Connexion. « Bonjour. Vous êtes en relation avec le service d’intervention de la Centrale de
Climatisation Universelle EUSAPORT. Où habitez vous ? »
Lindi
Bloc Nord 8472. Zone respirable 731.
Bill
« Je n’ai pas compris votre réponse. Où habitez vous ? »
Lindi
Bloc Nord 8472. Zone respirable 731.
Bill
« Bonjour Monsieur Lindi. »
Lindi
Bonjour Mademoiselle.
Bill
« Pouvez vous me décrire le problème que vous rencontrez ? »
22
Lindi
Depuis cinq ou six jours il fait plus de 27 degrés Celsius chez moi.
Bill
« Pouvez vous être plus précis. Depuis cinq ou six jours ? »
Lindi
Depuis cinq jours.
Bill
« Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez vous qu’il intervienne
aujourd’hui ? »
Lindi
Oui je veux bien.
Bill
« Tous nos techniciens sont actuellement indisponibles. Souhaitez vous prendre rendez-vous ? »
Lindi
Demain ?
Bill
« Bonjour. Vous êtes en relation avec le service d’intervention de la Centrale de Climatisation
Universelle EUSAPORT. Où habitez vous ? »
Lindi
Oh non ! Bill ! C’est quoi ce cirque ?
Bill
« Je n’ai pas compris votre réponse. Où habitez vous ? »
Lindi
Bloc Nord 8472. Zone respirable 731.
Bill
« Bonjour Monsieur Lindi. »
Lindi
Bonjour.
Bill
« Pouvez vous me décrire le problème que vous rencontrez ? »
Lindi
Depuis cinq ou six … non…depuis cinq jours il fait plus de 27 degrés Celsius chez moi.
23
Bill
« Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez vous qu’il intervienne
aujourd’hui ? »
Lindi
Non.
Bill
« Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? »
Lindi
Oui.
Bill
« Je n’ai pas compris votre réponse. Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? »
Lindi
Oui
Bill
« Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez-vous qu’il intervienne
aujourd’hui ? »
Lindi
Non.
Bill
« Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? »
Lindi
Oui. Oui. Oui.
Bill
« Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans douze, seize ou vingt huit jours.
Que choisissez vous ? »
Lindi
Pas avant ?
Bill
« Je n’ai pas compris votre réponse. Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans
douze, seize ou vingt huit jours. Que choisissez vous ? »
Lindi
Mais j’ai chaud moi !
Bill
« Je n’ai pas compris votre réponse. Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans
douze, seize ou vingt huit jours. Que choisissez vous ? »
24
Lindi
Et dans deux ou trois jours ce n’est pas possible ?
Bill
« Bonjour. Vous êtes en relation avec le service d’intervention de la Centrale de Climatisation
Universelle EUSAPORT. Où habitez vous ? »
Lindi
Non non non non non non c’est pas possible c’est pas possible !!!! Bloc Nord 8472. Zone
respirable 731.
Bill
« Je n’ai pas compris votre réponse. Où habitez vous ? »
Lindi
Bloc Nord 8472. Zone respirable 731.
Bill
« Bonjour Monsieur Lindi. »
Lindi
Bonjour.
Bill
« Pouvez vous me décrire le problème que vous rencontrez ? »
Lindi
Depuis cinq jours il fait 27 degrés Celsius chez moi.
Bill
« Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez-vous qu’il intervienne
aujourd’hui ? »
Lindi
Non.
Bill
« Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? »
Lindi
Oui.
Bill
« Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans douze, seize ou vingt huit jours.
Que choisissez vous ? »
Lindi
Douze jours.
25
Bill
« Vous souhaitez que notre technicien intervienne le matin ou l’après-midi ? »
Lindi
Le matin
Bill
« Votre demande a bien été enregistrée. Un de nos technicien interviendra dans douze jours Bloc
Nord 8472. Zone respirable 731. Souhaitez-vous consulter le catalogue de nos dernières
nouveautés ? »
Lindi
Non merci.
Bill
« Les Climatisations Universelles EUSAPORT vous remercie et vous souhaite une excellente
journée ainsi qu’à votre famille. Au revoir Monsieur Lindi.»
Lindi
Merci Bill.
Bill
Avec plaisir Lindi.
26
Centrale de Surveillance Individualisée.
Etiquettes relevées de 21h47 à 21h59.
1881.
1882.
1883.
1884.
1885.
1886.
1887.
1888.
1889.
1890.
1891.
1892.
1893.
1894.
(Lindi vient d’achever le dernier acte poétique de sa journée)
(Lindi souffre de la chaleur)
(Lindi est très fatigué)
(Lindi regarde la reproduction interdite de la peinture vivante de Johan Tinrus intitulée « l’Homme dans la forêt »)
(Lindi se concentre sur le jeu tournoyant des volutes rouges.)
(Lindi se laisse absorbé par le jeu des couleurs rouges.)
(Lindi se déshabille devant la reproduction interdite de la peinture vivante de Johan Tinrus intitulée « l’Homme dans la
forêt »)
(Lindi est nu)
(Lindi regarde son sexe durcir)
(Lindi saisit son sexe dur dans sa main droite)
(Lindi se masturbe animalement)
(Lindi est secoué par quelques petites morts saccadées)
(Lindi râle en se couchant dans son lit péruvien EUSAPORT, fabriqué par les entreprises PUNUNA en Belgique)
(Lindi s’endort foetalement)
27
(…)
19 mars. Télésurveillance 113401. Caméra optique 6213. Bloc Nord 8472. Zone respirable 731 sous
Climatisation
Universelle
Eusaport.
Pression
atmosphérique 1005Hpa. Température extérieure 29°
celsius. Température intérieure 28° celsius. INCIDENT
DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE
VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE
INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT
DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE …
28
29

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