Charte pour le cinéma en ligne

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Charte pour le cinéma en ligne
Juin 2006
à la une.
Département Propriété intellectuelle / NTIC / Médias
Après la charte pour le développement de l’offre légale de la musique en ligne signée le 28 juillet 2004,
c’est désormais la charte pour le développement et l’adoption du cinéma en ligne qui a été adoptée au
niveau européen le 23 mai 2006.
Rémunération des ayants-droit, chronologie des médias et lutte contre le piratage, tels sont les principaux
points évoqués.
Bonne lecture !
Charte pour le cinéma en ligne
Près de deux ans après la signature de la charte pour le développement
de la musique en ligne, c’est une charte européenne afférente au
développement et à l’adoption du cinéma en ligne qui vient d’être
signée, à l’occasion de l’édition 2006 du Festival de Cannes.
En effet, suite à des négociations entamées lors du précédent Festival,
certains producteurs et opérateurs de télécommunication, ainsi que la
SACD (Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques), ont profité de
la quinzaine cannoise pour adopter la « Charte européenne pour le
développement et l’adoption du cinéma en ligne », datée du 23 mai
2006.
Cette charte, qui devrait inspirer les prochaines réflexions de la
Commission européenne en la matière, vise à assurer le
développement du cinéma en ligne en privilégiant une collaboration des
intervenants du secteur sur différents fronts : développement de la
disponibilité des services, éducation et sensibilisation au droit d’auteur,
et lutte contre le piratage.
Elle vise donc à encourager de « bonnes pratiques » en matière de
cinéma en ligne, et apparait de ce fait peu contraignante, d’autant plus
qu’un protocole d’accord interprofessionnel sur le cinéma à la demande,
bien plus précis, a déjà été conclu, certes au seul niveau national, le 20
décembre 2005.
1. Développement de la disponibilité des services
A la lecture de la charte, l’amélioration de la disponibilité des services
de cinéma en ligne doit s’effectuer sur une base « mutuellement
avantageuse », impliquant la conclusion d’accords commerciaux
équilibrés et économiquement viables entre fournisseurs de contenus et
fournisseurs de services en ligne.
A cet égard, le protocole d’accord du 20 décembre 2005 est cité comme
exemple. Rappelons que ledit protocole prévoit une rémunération
minimale des ayants droit, qui ne saurait être inférieure, s’agissant des
nouveautés,
à 50% du produit de la location ou de la vente
dématérialisée, ce taux étant ramené à 30% s’agissant des œuvres de
catalogue (sorties en salles en France depuis plus de 36 mois).
Par ailleurs, le protocole prévoit la possibilité d’exploiter des services à
la demande par abonnement, dans la limite de quinze œuvres
cinématographiques visualisables mensuellement par abonnement.
Afin de faciliter l’obtention des autorisations nécessaires à l’exploitation
des œuvres cinématographiques (et donc celle des auteurs, acteurs,
compositeurs, producteurs, etc.) la charte du 23 mai 2006 encourage la
conclusion de licences paneuropéennes ou multi-territoriales, ce qui fait
écho à la recommandation de la Commission européenne du 18 octobre
2005, qui invitait les Etats membres à mettre en place une
réglementation de la gestion des droits à l’échelle communautaire, et
plus particulièrement de créer une « licence européenne » qui serait
octroyée par des organismes de gestion collective aux prestataires
proposant leurs services en ligne vers tout ou partie des pays de
l'Union.
La problématique de la chronologie des médias n’est que brièvement
abordé par la charte, puisque celle-ci se contente d’indiquer que les
accords commerciaux sur le cinéma en ligne doivent comporter un
accord sur une fenêtre adaptée de mise à disposition en ligne. Ici
encore, le protocole d’accord du 20 décembre 2005 va plus loin,
puisqu’il fixe déjà une fenêtre d’exposition pour le cinéma en ligne à la
demande, à 33 semaines révolues(soit environ 8 mois) suivant la date
de sortie nationale de l’œuvre en salles.
Si la lutte contre la contrefaçon figure parmi les objectifs primordiaux de
la charte, il est intéressant de relever que celle-ci considère la
technologie peer to peer (pair à pair) comme une évolution positive pour
la distribution légale des contenus, alors que cette technologie est
souvent désignée comme responsable du piratage massif des œuvres.
Il est rassurant, à l’approche de l’adoption de la loi DADVSI, qui prévoit
rappelons-le des sanctions à l’encontre des personnes qui éditent ou
proposent au public des logiciels « manifestement destiné à la mise à
disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés », de
constater que la technologie peer to peer, qui présente des atouts
considérables en termes de coûts et de flexibilité, n’est pas diabolisée
du fait des utilisations illicites qui peuvent en être faites par ailleurs.
2. Sensibilisation au droit d’auteur et lutte contre le piratage
Fournisseurs d’accès et les fournisseurs de contenus devraient
coopérer pour sensibiliser le public au droit d’auteur. Le message à faire
passer est clair : il faut, suivant la charte, protéger les auteurs pour les
inciter à mettre leurs œuvres à disposition, et combattre l’idée,
répandue chez certains internautes, selon laquelle les contenus sont
accessibles gratuitement.
Mais au-delà d’une simple sensibilisation du public, la charte invite à
une pleine et entière coopération pour lutter contre le piratage,
nécessitant que les signataires de la charte dépassent le cadre de leurs
obligations légales et contractuelles pour prendre toutes les « mesures
raisonnables » de lutte contre le piratage. Reste à savoir ce qui
constitue ces « mesures raisonnables », étant entendu que ces
mesures devraient être prises par les fournisseurs de services en ligne
en coordination avec les ayants droit. En outre, la charte prévoit que les
fournisseurs de services en ligne doivent s’abstenir de diffuser des
publicités émanant d’entités participant à des activités de piratage.
Outre la mise en place d’organismes de lutte contre le piratage, la
charte encourage à l’utilisation de mesures techniques d’identification
et de protection des œuvres (cf. DRM), sur la base de technologies
interopérables, de normes ouvertes, et pour des plateformes et
appareils multiples. Certains éditeurs de services en ligne ne s’en
réjouiront… sans doute pas autant que le public !.
La charte prévoit une rémunération minimale des ayants-droit à 50%
des recettes pour les nouveautés, et 30% pour les films sortis depuis
plus de 3 ans.
Cela n’aura pas échappé au lecteur, cette charte est dénuée de tout
caractère contraignant, mais elle pose un certain nombre d’objectifs qui
permettront à terme d’aboutir à une diffusion plus large des œuvres
audiovisuelles.
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La fin de la vie en rose pour PINK TV ?
Le registrar : Responsable par ricochet ?
C’est peut être en raison des affaires désormais trop nombreuses
en matière de typosquatting que le Président du TGI de Paris, dans
une ordonnance de référé du 10 avril 2006, a tenté de se montrer
plus dissuasif en la matière.
En l’espèce, une société canadienne exploitait des noms de
domaines proches des marques de la société « Rue du
Commerce » afin de profiter des fautes de frappe des internautes en
les réorientant vers des sites concurrents. Les juges ont ordonné le
transfert des noms de domaines litigieux ainsi qu’une réparation du
préjudice subi du fait de ces actes illicites de typosquatting. L’apport
et l’originalité de cette ordonnance découlent du fait que les juges
ont également condamné le registrar (bureau d’enregistrement) à
verser une somme de 8000 euros au titre des frais et dépens.
En effet, jusqu’à lors, les registrars, non visés expressément par la
LCEN, n’étaient par tenus pour responsables eu égard à leur rôle
(accessoire) de simple prestataire technique.
Une explication de cet aspect inédit de la décision s’impose : le
juge, sans opérer un revirement de jurisprudence, et dans une
nécessité de « faire cesser un trouble manifestement illicite », tente
désormais d’inciter les registrars à effectuer une recherche des
droits antérieurs protégés. Ainsi, en n’excluant pas totalement le
registrar du dommage lié à l’activité frauduleuse, il semble que les
magistrats font un premier pas vers une éventuelle co-responsabilité
du typosquatteur et de son registrar, pour une mise en œuvre plus
efficace des décisions en la matière.
Liens sponsorisés : Une jurisprudence en construction
La jurisprudence récente ne cesse de pointer du doigt le système de
liens sponsorisés proposés par certains moteurs de recherche,
notamment par Google et son service AdWords. Ainsi, après Yahoo,
Google a encore une fois été reconnu coupable de contrefaçon de
marque.
En effet, le TGI de Nanterre dans son jugement du 2 mars 2006, a
considéré que le moteur de recherche Google a commis des actes
de contrefaçon en suggérant sur son outil publicitaire, AdWords, des
mots clés parmi lesquels figurent les marques protégées du groupe
hôtelier le Méridien, pour l’achat de ses liens sponsorisés.
En l’espèce, les juges avaient déjà rendu une ordonnance de référé
mettant en avant « le rôle actif » de Google dans les choix fait par
l’annonceur des mots clés, pour ordonner le retrait des marques
« Méridien » et « Le Méridien » parmi les mots clés suggérés par le
moteur de recherche.
Alors que Google invoque qu’il n’est pas auteur des faits allégués
constitutifs de contrefaçon (en effet, c’est l’annonceur qui utilise la
marque pour désigner des produits et des services identiques), le
tribunal se fonde à nouveau sur le rôle actif de ce dernier afin de
caractériser les agissements contrefaisants.
Si la responsabilité de l’annonceur ne soulève pas de difficulté
particulière, celle du moteur de recherche est plus problématique.
Rappelons que, même si les moteurs de recherche sont le plus
souvent amenés à voir leur responsabilité recherchée, le fondement
des condamnations diffère. La question d’affichage abusif d’un lien
sponsorisé se voit tantôt sanctionné sur le fondement civil des
articles 1382 et 1383 si le moteur de recherche « favorise une
activité contrefaisante » (TGI Paris 4 février 2006), tantôt comme en
l’espèce au titre de la contrefaçon.
Cette tendance à la fermeté opérée par les tribunaux envers les
moteurs de recherche, peut s’expliquer par le fait qu’il est peut-être
difficile d’établir l’identité de l’annonceur et que les régies de liens
sponsorisés sont parfois plus solvables.
Par un jugement du 27 avril 2006, la 3ème Chambre du TGI de
Paris a condamné la chaîne thématique « PINK TV » pour
contrefaçon de marque et lui a interdit l’utilisation du signe PINK
sous quelque forme que ce soit.
En l’espèce PINK TV avait été assignée par la société Fovea,
producteur d’une émission intitulé P.I.N.K. (« Programme
d’information non conformiste »), pour contrefaçon de sa marque et
de ses droits d’auteur.
Les juges, pour prononcer cette interdiction ainsi que la nullité de la
marque PINK TV et ses déclinaisons, ont considéré que l’atteinte
portée aux droits antérieurs de la société Fovea, titulaire de la
marque « P.I.N.K. » depuis décembre 1999, est caractérisée.
PINK TV a interjeté appel de cette décision. Il faudra donc attendre
un peu avant d’affirmer que la chaîne devra trouver un nouveau
nom.
Les compilations multi-artistes face au droit moral de
l’artiste-interprète
L’utilisation de titre d’un artiste-interprète au sein d’une compilation
musicale multi-artistes est-elle de nature à porter atteinte au droit
moral de l’artiste-interprète, lorsque son autorisation n’a pas été
préalablement obtenue par le producteur, cessionnaire des droits de
l’artiste ?
C’est en substance la question qui fût posée à la Cour de cassation,
et à laquelle celle-ci a répondu dans un arrêt du 8 février 2006, lourd
de conséquences pour les maisons de disques.
Rappelons que le droit moral de l’artiste-interprète lui confère le
droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation.
La Cour de cassation en déduit que l’exploitation d’œuvres sous
forme de compilations « avec des œuvres d’autres interprètes » est
de nature à en altérer le sens, et qu’elle nécessite donc
l’autorisation spéciale de l’artiste-interprète.
Le droit moral de l’artiste-interprète imposerait donc, quand bien
même un contrat d’enregistrement complet aurait été conclu en
amont, de requérir son autorisation expresse pour inclure ses
interprétations dans des compilations multi-artistes.
Le droit moral, inaliénable et incessible, étant transmissible aux
héritiers de l’artiste pour la protection de l’interprétation et de la
mémoire du défunt, l’utilisation des titres d’un artiste décédé
nécessiterait donc l’autorisation de ses héritiers.
On le comprend, les travaux des maisons de disques pour produire
des compilations multi-artistes pourraient s’avérer herculéens dans
certains cas.
On se réjouira toutefois que la loi prévoit expressément que
l’autorisation des artistes-interprètes n’est pas requise au titre de la
radiodiffusion, car l’arrêt de la Cour pourrait encourager certains
artistes à se prévaloir d’une atteinte à leur droit moral, au motif que
la diffusion en radio de leur interprétation « avec des œuvres
d’autres interprètes » serait de nature à en altérer le sens !
P.D.G.B Société d’Avocats
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Julie JACOB
Benjamin JACOB – Selin ARACI
Il est clair qu’aujourd’hui, de sérieux risques pèsent sur l’activité
particulière de référencement publicitaire développée par les
moteurs de recherche.
Les informations et opinions contenues dans cette lettre d’information ne prétendent pas à l’exhaustivité et ne peuvent pas se substituer
à un avis spécifique rendu au vu d’une situation particulière