petites routes du bonheur

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petites routes du bonheur
SAMEDI 29 NOVEMBRE 2014
WWW.SUDOUEST.FR
Un Mourenxois néomillionnaire
Un bulletin gagnant de l’Euro Millions à 1 million
d’euros a été validé dans un tabac-presse de Mourenx
(64). « On ne sait pas du tout qui c’est », assure la gérante,
qui précise qu’il s’agit du tirage du 13 septembre.
Région
INVITEZ-MOI
CHRISTIAN SEGUIN
Les petites routes du
bonheur
Le raid des deux
copines de chimio
MONTCHAUDE (16) C’est un voyage pour
redécouvrir les combats et les bonnes raisons
de vivre ici. Unies par le cancer, Odile et MarieChristine veulent rire et exister. « Les Croque
la vie » feront équipe lors d’un raid au Maroc
C’est un drôle d’endroit
pour une rencontre. Une
salle de chimio ressemble à un grand
silence. Chacun s’y replie. Le com-
ÇA FAIT LE BUZZ
Le maire de Rochefort, une
certaine idée de la politique
« Je vais me faire critiquer par
l’opposition… », rechigne
Hervé Blanché, avant de se lancer
dans la réalisation d’un
« poirier » sur le
plateau de l’émission
« C à vous », sur France 5,
mercredi. Le maire (UMP)
de Rochefort y était
invité suite à sa
performance dans une
vidéo de hip-hop
tournée dans son
bureau et qui fait un tabac sur
les réseaux sociaux. Hervé
Blanché explique simplement
avoir voulu soutenir les danseurs
rochefortais. La politique-spectacle,
c’est un métier.
bat ne fait pas de bruit. On parle
au début, puis la parole s’évanouit. Personne ne touche aux
plateaux-repas. Six séances d’une
matinée toutes les trois semaines.
Odile Vincent, 46 ans, est assistante sociale à l’hôpital de Barbezieux. Marie-Christine Bergue,
43 ans, exerce le métier de comptable au magasin Tousalon à Angoulins, près de La Rochelle. Elle
tenait auparavant deux restaurants à Angoulême avec son mari,
Le Chalut et La Cabane du pêcheur.
Elles se parlent pour la première fois à cet endroit du centre
clinical de Soyaux le 27 juillet 2012.
Il existe des amies qui ne s’étaient
jamais vues. Elles se ressemblent.
Des femmes de tempérament,
plutôt celles qui portent la famille
et font courir les claudiquants
vers la mer. Elles rient beaucoup.
Leurs histoires se mêlent. D’abord
une douleur dans le bras pour
Marie-Christine, rien chez Odile ;
au bout du compte un cancer du
sein pour les deux, et la même difficulté à réaliser. Le choc, l’acceptation, la solitude. Elles racontent
ces moments où tout le monde
perd le fil. Les conjoints maladroits car sans mode d’emploi,
les familles anxieuses, les mères
surtout, les enfants désorientés.
Et puis cette chose étrange : le sentiment qu’une mauvaise grippe
s’installe.
Chez Odile, il y a la culpabilité d’arrêter son travail et un questionnement. « Pourquoi moi ? Qu’est-ce
que j’ai oublié de faire ? » Elle se
met en retrait, sans un mot. Chez
Marie-Christine s’accroche un
déni, puis elle prend conscience
que le cancer a toujours frappé sa
famille. Elle l’annonce en pleurant à son plus jeune fils. Elle refuse l’ablation qu’Odile ne pourra éviter, avant reconstruction.
Comment parler du cancer ? Elles regrettent l’absence d’un lieu
de parole encadré par un psy où
tous se retrouveraient pour parler.
L’effet le plus violent vient d’une
mutation pernicieuse. La nausée,
le mauvais goût dans la bouche,
les odeurs qui deviennent insupportables, la recherche des aliments sans saveur. Elles pourraient écrire un roman noir sur la
chute des cheveux, la personne
étrangère qui apparaît dans la
glace, les perruques et les bandanas, le teint terreux, la peau sèche.
Odile et Marie-Christine. Montrer que l’on peut tourner la page
et que la maladie ne domine pas. PHOTO CHRISTIAN SEGUIN
Et toujours le même mur. On cite
la rémission, jamais la guérison.
Les mots du cancer dessinent une
bulle anxiogène, une enveloppe
mortifère sans respiration.
Mammographie, radiothérapie,
échographie, biopsie, tumeur, marquages, protocole… Quand elles
s’allongent côte à côte en chimio,
Odile affronte une rechute. Deux
femmes avec ce regard-là ne peuvent que se comprendre. Elles ont
la même chambre implantable,
le petit boîtier sous la peau qui diffuse le produit de chimiothérapie.
Elles ont surtout la même énergie
solaire. Leur rire se transmet.
« Le cancer
t’apprend
sur toi. Tu te
recentres »
À la deuxième séance, Odile exprime spontanément une joie
d’animatrice de centre aéré. Elle
invente « la coupe chimio » que
l’infirmier découpe dans le papier.
La première qui finit les soins se
l’adjuge. Les deux scellent un
pacte non écrit.
qu’ici ? » Elles font le point de miparcours. « Tu réfléchis à ne rien
repousser au lendemain, explique Odile. Le cancer t’apprend sur
toi. Tu te recentres. Peut-être avec
plus d’égoïsme. »
Elles décident de changer la
donne. Odile convainc son amie
de s’engager dans le raid Cœur
d’Argan, du 9 au 15 mai 2015, au
Maroc, qui associera vingt équipages de femmes. Bivouac et
nuages de sable après Agadir.
Une ancienne malade du cancer
du sein, Valérie Lugon, l’organise
pour rassembler des fonds destinés aux associations de lutte et
de prévention. Odile et MarieChristine créent un blog pour
trouver l’aide (1). Elles cherchent
7 000 euros avant le 15 mars, l’argent solidaire, condition de leur
participation. Elles n’ont jamais
piloté un 4 × 4 de rallye. Il s’agit
d’investir un autre monde, de ne
pas se laisser dominer, d’aller
vers des gens gais, d’avoir une
autre sensation de son corps. Elles veulent montrer aux patientes de chimio que la page peut
se tourner. Personne ne dissuadera les « Croque la vie » d’attraper le soleil. Le programme n’est
pas négociable : « Vivre, vivre, vivre ! »
(1) mariecodile.wordpresse.com
Elles ont des enfants du même âge,
des maris amoureux, un optimisme
et une nature très proches. Elles se
rejoignent en salle de sport, épaulées par « les gens précieux » de la
Ligue contre le cancer. Elles amènent des crêpes et du plaisir. Elles
deviennent alors de « joyeuses malades ». L’épreuve fixe un autre décor. « Tu as 41 ans, dit Marie-Christine, et tu t’interroges ? Tu as
partagé quoi avec les tiens jus-
ENTRE NOUS
Vous voulez parler de votre identité, de vos modes de vie, de vos
fiertés, de vos envies, de vos entreprises ? Envoyez-moi vos propositions, je viens vous rencontrer : [email protected] ou
Christian Seguin, journal « Sud
Ouest », 23, quai des Queyries,
33094 Bordeaux.