la seance de cinema eclatee-eclatante

Transcription

la seance de cinema eclatee-eclatante
SEANCE DE CINEMA EN EXPANSION
SEANCE/PERFORMANCE DE CINEMA
La Séance de cinéma en expansion ou Action théâtrale et Filmique est une performance
qui brise le cadre routinier de la séance de cinéma . Elle suscite un spectacle inédit, au
déroulement improbable truffé d'impromptus, d'actions surprenantes , d'incidents
déconcertants dont les spectateurs eux-mêmes sont les protagonistes. La séance de cinéma
glisse vers le happening : le lieu, les gens, les machines, les objets, le temps deviennent
acteurs d’une pièce improbable. Il s’agit de réinventer la séance de cinéma, de mettre un
peu de lumière dans les salles obscures.
Séance-Performance de Cinéma aux rencontres de Laignes en Côtes d'Or en 2015
Extrait : http://vimeo.com/162821184
1) Le spectacle commence bien avant !
Le spectacle commence bien avant la séance proprement dite. Huit-quinze jours au
préalable, une annonce intrigante est diffusée dans la ville par toute sorte de
support :bouche à oreille, téléphone arabe, affichette, flyer, sticker, réseaux sociaux, homme
sandwich, voiture publicitaire … Le slogan de l'aguichage (teasing) interpelle toute la
population . Par exemple :
ATTENTION A LA PEINTURE !
IL N'Y EN A PLUS POUR TRÈS LONGTEMPS !
LE FILM EST DÉJÀ COMMENCÉ ?
CHAUDS LAPINS, AUX ABRIS !
Le slogan sera défini en fonction du programme des réjouissances élaboré pour la
circonstance. Le public visé est celui qui fréquente la salle de cinéma implantée dans un
quartier, un territoire. On peut viser plus large. Tout au long de la quinzaine, la rumeur
aguicheuse est alimentée. Le public est finalement invité à se rendre à une séance de cinéma
dans une vraie salle de cinéma pour sans doute voir un film -un film qui n'existe pas, du
moins pas pour l'instant !-.
2) Un film, voire des films sont mis en chantier !
Comme il est question de cinéma, eh bien, on mobilise des filmeurs, des acteurs, des
comédiens, des décorateurs, des éclairagistes, des musiciens, tous les corps de métiers ou
presque. Toute personne avec un savoir faire est bienvenue. Toutes les formes de cinéma ou
télévisuel peuvent être envisagées : reportage, mini-fiction, film expérimental, film abstrait,
documentaire, film d'animation, gif animé, plateau de télé … Les sujets des films émanent
de la vie des gens, du paysage, de l'esprit du lieu, de son histoire, de ses personnages. On
peut s'intéresser aux préoccupations des gens, aux enjeux du moment, aux faits divers. On
peut traiter du fonctionnement des médias (cinéma, télévision, internet). On peut aussi tout
simplement chercher à rire de la vie des uns et des autres, à tenter d'accéder à des rivages
utopiques, susciter des moments de bonheur, partager la joie de vivre. Tout va être prétexte
à créer des événements filmiques, à partir en tournage et à inciter les gens à jouer pour la
caméra. Certains seront plus sensibles à une approche poétique du lieu avec ses couleurs,
ses animaux, ses lumières,ses architectures, son climat. Qui dit tournage, dit montage.
Certains filment d'autres montent. Improvisation, rapidité, juxtaposition hasardeuse sont
souhaitables. Raccorder des éléments hétéroclites, articuler des aspects contrastés, oser le
vertige de l'écart. Au bout du compte : des projectiles filmiques pour la fameuse séance.
3) La performance filmique et théâtrale :
L'heure de la performance arrive : y prennent part, les spectateurs, le projectionniste, le ou
les réalisateurs, le directeur de la salle, les producteurs, les techniciens de surface, les
comparses comédiens dissimulés dans le public sans oublier les ouvreuses, les marchandes
d'esquimaux, le ou la caissière, le pompier de service …
Des films seront bien projetés avec tous les appareils dont disposent la salle : projecteur
numérique, 35 mm, 16 mm auxquels on pourra ajouter une batterie de vidéo-projecteurs et
de projecteurs super 8mm et 9,5mm.
Les projections vont être constamment parasitées par des actions théâtrales, des incidents
aussi divers qu'inattendus. Actions et incidents ont été concoctés par les membres du
"Kollectif Organisateur" en parallèle à la préparation des films. Il y a souvent un lien entre
le contenu des films et les brisures théâtrales. Souvent il est fait appel à l'implication
directe des spectateurs qui vont prendre la parole, quitter leur siège numérotée et devenir
acteurs. Ces derniers peuvent provoquer un débordement et infléchir les enchainements
préétablis. Aux membres du Kollectif de trouver la parade et le raccord.
Quelles actions théâtrales, quels incidents ? C'est l'inventivité soutenue des membres du
Kollectif qui en a décidé. Tout est possible, drôleries, extravagances, gags, détournements,
citations que sais-je ?
Voici des exemples piochés dans des performances récentes :
- Soudain, panne de la projection, un projecteur de poursuite attire l'attention sur l'une des
fenêtres de projection au dos des spectateurs. Une pellicule 35 mm s'écoule de la lucarne
formant une perruque dans la salle. Un spectateur-acteur se lève et s'empare des spires et
les jette sur les spectateurs, il tire sur le ruban, il ligote des spectateurs. Armé d'un paire de
ciseaux, il coupe le film et en distribue les bouts aux spectateurs. Il invite ceux-ci à goûter le
film à bien apprécier l'un des côtés, lisse, le support du film en tri-acétate de cellulose et
l'autre côté gélatineux, l'émulsion où est imprimée l'image. C'est une séance de cinéma
particulière où l'on déguste le film lui-même, un cinéma de bon goût.
- Les événements peuvent surgir dès l'attente du public dans le hall d'entrée. Les gens sont
arrivés à l'heure mais le guichet est fermé. Des compères et commères rouspètent ("je savais
que ça allait être un four, une arnaque …"). Le guichet s'illumine, on vent les billets. En
échange de 2 € les clients reçoivent un ticket en forme de masque anti-poussière qu'ils
doivent chausser impérativement pour rentrer dans la salle. Les ouvreuses (acteurs
travestis !) contrôlent et guident les spectateurs.
- La projection est parasitée par un fumigène qui fuse abondamment dans la salle dévoilant
le cône de lumière du projecteur. "le cinéma sans film ! Le cinéma aérien, léger la trois D
avant l'heure ! ". On admire les volutes de fumée qui s'agitent. Sur l'écran apparait : "Nous
vous rappelons qu'il est interdit de fumer dans la salle".
- En pleine projection, l'écran se soulève et le faisceau lumineux fait apparaître un quatuor à
corde. Spectacle vivant.
Ce pourrait être une formation de bal musette qui incite les spectateurs à danser, ou la lyre
locale qui offre à la population son concert annuel.
- Soudain, une multitude de baudruches multicolores gonflées à l'hélium s'élèvent sur la
scène et se substituent à l'écran. Les images sont morcelées et déformées à souhait.
- Plus tard, tous les éclairages de la salle sont actionnées brutalement "plein pot". Toutes les
portes de la salle s'ouvrent et un bataillon de techniciens de surfaces envahissent la salle
équipés de cireuses, aspirateurs, de plumeaux, de pulvérisateurs; "Evacuez la salle, c'est
l"heure du nettoyage" ! Le directeur de la salle intervient dans le tumulte et négocie avec la
représentant de la CGT et tout finit en chanson "Merci patron"! (accompagnée par la
quatuor à cordes.)
- Alors que les spectateurs apprécient le flux paisible des images, un acteur au costume
étincelant s'impose sur l'avant scène et clame :
"Oui, je viens dans son temple adorer l’Eternel ;
"Je viens, selon l’usage antique et solennel,
"Célébrer avec vous la fameuse journée
"Où sur le mont Sina la loi nous fut donnée." (Athalie de Jean Racine). Un portable sonne,
l'acteur sort l'appareil de sa poche. Les haut-parleurs transmettent la communication : " Que faistu Georges, tu rentres en scène dans 45 secondes, tu es où ?", "Mais je suis sur scène !", "Quelle
scène ? Nous t'attendons au théâtre municipal". L'acteur demande à la salle : "Ici, ce n'est pas le
théâtre municipal ?"
- On peut élaborer des scènes fondées sur l'interaction entre un film projeté et le jeu d'un acteur
dans la salle. L'acteur en chair et en os dialoguant avec le fantôme projeté.
- Ou bien, inopinément, un spectateur engoncé dans son fauteuil se met à déclamer :
"J'étais seul, l'autre soir, au théâtre Français,
"Ou presque seul; l'auteur n'avait pas grand succès.
"Ce n'était que Molière … (Une soirée perdue d'Alfred de Musset".)
Une équipe de tournage filme l'illuminé, son image apparait sur le grand écran.
- On peut multiplier les systèmes de projection, mettre en route en même temps tous les appareils
de la salle et adjoindre au tir fourni une batterie de vidéo-projecteurs tenus à bout de bras par des
machinistes qui dirigent les faisceaux sur les plafonds, les murs, des stores vénitiens, des corps
sans organes, les spectateurs eux-mêmes. Projections décomposées, parcellarisées, moléculaires,
greffées.
L'imagination débordante des membres du Kollectif créera à coup sûr l'embarras du choix. Il faut
choisir, hélas couper un peu !
Une base temporelle pour le déroulement du spectacle peut être le film, synthèse d'une heure ou
d'une heure et demi de tous les films réalisés. Ce film chargé dans le projecteur numérique, une
fois lancé va donner le tempo du spectacle, va faire office de conducteur. On prévoit des arrêts et
des reprises en fonction des interruptions de programmes "programmées".
Cette Séance-Perfomance de Cinéma est toujours unique. Elle ne se joue qu'une fois dans un lieu
unique avec un public unique. Elle réserve à tous la joie de la découverte d'un film et d'un jeu de
scène qui se crée réellement au moment même de son effectuation. La veille de la séance on tente
de faire un filage pour le lancement des films et les interventions des acteurs, déroulement
purement mécanique. Mais le spectacle existe et est éprouvé par tous qu'au moment même de sa
mise en œuvre. Spectateurs, filmeurs et acteurs participent en direct au film en train de se faire
sous leurs yeux . Jonction entre cinéma et spectacle vivant ! la séance de cinéma en mouvement !
Jean-Louis Le Tacon
mars 2016
ps : ce n'est pas moi qui a inventé le concept de ce jeu avec la séance de cinéma c'est l'illuminé
Maurice Lemaitre qui le 12 novembre 1951 joua pour la première fois avec ses amis lettristes au
ciné-club du Musée de l'Homme :
LE FILM EST DÉJÀ COMMENCÉ ?
Voici la définition qu'en donne Maurice Lemaitre lui-même :
Cette séance LE FILM EST DÉJA COMMENCÉ ? est la première tentative de brisure du cadre normal de la
représentation cinématographique.
Cette séance de cinéma s'attache aux différents termes du spectacle filmique: son, image, écran, salle et les
bouleverse séparément. Elle les réintègre ensuite dans un combiné théâtral complexe qui comprend :
1 - Une image au montage accéléré en diachronisme avec le son. Cette image elle-même ciselée, c'est-à-dire
qu'on a dessinée sur les vues des motifs abstraits, symboliques ou anecdotiques qui ajoutent au sens de celleci.
2 - Un son conçu comme un «en-soi» indépendant, qui comprend: (a) une réflexion esthétique et économique
sur l'art du film ; (b) une description d'une séance de cinéma imaginaire, dont la forme s'inspire des
découvertes romanesques de Joyce ; (c) une introduction a priori des critiques diverses que l'on pourrait faire
au film, venant de divers horizons esthétiques ou politiques. Le tout est mixé sur une musique nouvelle: le
lettrisme.
3 - Une élévation de l'écran du poste de machiniste au rang de vedette, c'est-à-dire l'introduction d'un écran
esthétique nouveau (non pas un écran mécanique perfectionné, comme l'écran donnant le relief à l'image)
qui jouera le rôle primordial dans le nouveau combiné cinématographique.
4 - L'introduction dans la salle d'acteurs avec une mise en scène les mouvant dans le cadre de la
représentation elle-même et en rapport avec le film.