Transe Première Fois - Psycho

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Transe Première Fois - Psycho
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Transe Première Fois
Dr. Roland Reip, Hypnoscope numéro 0, 1998
Ce texte d’induction s’articule sur le 1er état hypnotique, dont on ne sait
quand il apparaît dans la vie d’un individu. Cette 1ère transe peut être liée à
un état de choc post-traumatique.
A sa lecture, deux aspects interdépendants sont à prendre en considération:
la forme et le fond de l’induction.
Par « forme de l’induction », il faut entendre les techniques employées et ce,
dans le style propre au thérapeute. Par « stratégies de l’induction », il faut
entendre les objectifs de l’induction non directement liés à la problématique
du patient mais qui lui permettront d’acquérir les outils nécessaires à son
évolution ( travail de résistance au changement, amnésie….).
Afin de permettre au lecteur de s’y retrouver, nous avons transcrit en
couleur, le texte d’induction lui-même, en italique, les annotations qui
donnent une partie du mode d’emploi et entre crochets, la partie du texte qui
s’adresse plus spécifiquement à ceux des lecteurs...en transe puisque, de
facto cette alternance de caractères est une version littéraire de la technique
d’induction nommée « fractionnée ».
Le texte qui suit est donc délibérément long et confusionnant. Il est
techniquement très travaillé et se prête à de nombreux commentaires
analytiques supplémentaires qui paraîtrons dans le prochain numéro.
….et maintenant, cher lecteur, peut-être vous êtes-vous installé
confortablement pour lire une seconde fois ou une première fois ce petit
texte tenu dans votre main gauche et droite pour un éventuel vis-à-vis, mais
je ne sais pas si il est vraiment important de savoir laquelle des deux mains
tiendra le mieux la page de gauche pour au fur et à mesure entamer ces
lignes?
Il y a la deuxième fois, la troisième fois, la cinquième après la quatrième fois
–énumération d‘un certain nombre de fois où la personne qui entend, ou qui
lit peut se poser la question de savoir quand était-ce. L’inversion de la 4ème
et de la 5ème fois suscite un état de confusion qui potentialise la recherche
intérieur- et puis il y a les autres fois, il y a la foi, il y a le foie, - jeu de mot
accentuant la confusion- et toutes ces premières fois, la dernière fois, toutes
ces dernières premières fois, et toutes ces premières dernières fois, et
seulement alors peut-être cette première fois, mais qui peut vraiment savoir
quand était-ce?. –Il n’y a que le patient qui peut savoir quand était-ce, ou le
lecteur après une énumération de possibilité constituant une séquence
d’acceptation ou « yes-set »-.
Les uns diront peut-être; - « peut-être » est délibérément utilisé pour laisser
au lecteur ou au patient la possibilité de décider – toujours et chaque fois,
les autres diront peut-être, la première; et les derniers; qu'il n'y a pas de
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deuxième ni d'autres fois que cette première. [ Peut-être parce que chaque
état hypnotique pourrait être considéré comme le premier ]– ensemble de
propositions ouvertes permettant de contourner les résistances et de laisser
au patient la possibilité de choisir quand va être, son premier état
hypnotique- Pour la première fois ne sachant pas savoir ce que l'on ne sait
plus qu'on ne sait pas – Début de phrase confusionnante amenant à être à
l’écoute de ce qui suit. Ce qui suit étant une suggestion indirecte de se
réorienter vers un « premier » état hypnotique- il est intéressant de
s'attacher à la fois, ou à une des fois sans doute la première, et tout en
prenant bien soin de bien respecter son rythme, [ est-ce vraiment la
première fois que vous vous lassez de lire ou de relire ou d’entendre un texte
quelle que soit votre première langue?]- « votre première langue » est hors
contexte et est inclus dans une question. D’une part cela favorise un état de
confusion et d’autre part la réponse à cette question a peu d’importance
puisque si cette réponse est « oui » cela veut dire que la personne accepte
qu’elle puisse se lasser et donc être susceptible d’entrer dans un état second,
( et donc de continuer à lire à un autre niveau, que le niveau rationnel ) si la
réponse est « non » elle accepte implicitement qu’elle est déjà entrée dans
un état second.
Il y a ceux, qui pour la première fois, continueront jusqu'au bout,- cette
formulation donne la possibilité de ne pas aller plus profondément et donc de
respecter le rythme auquel le patient décide de gérer son état hypnotiquede plus en plus profondément; il y a ceux qui comme toutes les autres
premières fois iront encore plus profondément; il y a ceux qui hésitent
encore ,- on continue à accepter que la personne ait son rythme et ses
peurs ou ses craintes, ensuite on le lui explique et on l‘oriente dans un
contexte d‘apprentissage, puisque la finalité de tout cela est qu‘elle apprenne
- Il y a des choses qu’on peut apprendre facilement et des choses qu’on
peut apprendre plus difficilement à un moment ou à un autre moment et il y
a des choses qu’on peut réapprendre facilement….cette première fois
parait parfois tellement difficile pour les uns, facile pour les autres, ni facile
ni difficile pour les troisièmes…[ on aurait pu dire: « et votre esprit
inconscient peut bien mieux savoir à quel point il y a des états hypnotiques
agréables et à quel point il y a des états hypnotiques désagréables » en se
rapprochant de la personne au moment où on énonce « agréable » et en
s’éloignant au moment où on énonce « désagréable » ]et il y a ce que votre
esprit inconscient va pouvoir s’autoriser dans cet état pour faire des choses
difficiles [désagréables] à un moment des choses faciles [agréables] à un
autre moment, et puis il y a ce que votre esprit inconscient peut faire dans
un autre état hypnotique , - suggestion indirecte de ce que la personne peut
continuer à travailler plus tard, dans d’autres états hypnotiques, comme par
exemple des états auto-hypnotiques. Raison pour laquelle la suite du texte
parle et suggère cela - et je ne sais pas si votre esprit inconscient peut
savoir à quel point cette première fois et toutes ces autres fois peuvent être
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simplement inaperçues, simplement spontanées, comme cet état de
transe...maintenant....[ Cette partie de nous dont nous ne sommes pas
conscient paraît avoir alors à l'analyse, tellement plus d'ouverture, dans son
expression, dans sa créativité associative et dissociative que les
apprentissages peuvent se faire avec autant de facilité que l'oiseau s'envole
à l'ouverture de la main. C'est peut-être cette ouverture qui a priori, fait la
différence entre les capacités d'apprentissages et d’adaptation de l'enfant, et
celles de l'adulte.]
[ Mais ne nous éloignons pas de la surface ],- sous-entendu à un niveau plus
conscient pour le lecteur - [et revenons à ces premières fois,]- réoriente à
des premières expériences de transe, pour le patient et au texte pour le
lecteur - peut-être sur les bancs de l'école, un matin ou un après-midi, alors
que l'instituteur ou l'institutrice raconte une histoire peut-être de
calcul, ou d'orthographe, ou de conjugaison, - Les instituteurs et
institutrices racontent rarement des histoires de ce type, mais là en ce
moment c’est le « thérapeute » qui raconte une histoire avec laquelle on
peut se mettre à rêver – il y a des moments où cela peut vraiment devenir
fatiguant, et je ne sais pas si votre esprit inconscient peut avoir besoin de se
souvenir à quel point il y a de ces situations où on peut attendre et se
mettre à rêver comme dans un état hypnotique et entrer dans une histoire
d'aventure, ou de fantôme, ou de combat entre des "méchants" et des
"gentils"; [ Il y a toutes ces premières fois où lisant de passionnantes
successions de signes mis à plat, extrait de chine sur fond nuageux, sans
liens avec l'humeur, on est à un moment ou un autre en tournant la page,
amené à se poser la question de savoir si ce qu'on lit là maintenant, est bien
la suite de la page qu'on venait tout juste de lire avant de la tourner, quelle
que soit la main d'ailleurs?]– peu importe la main ce qui est important est la
possibilité d’apprendre d’une part à tourner les pages, parce qu’ il peut y
avoir des pages de sa vie qu’on peut avoir besoin de relire, de réécrire,
d’effacer… et d’autre part on peut tourner la page de l‘état hypnotique ce
qui peut être un outil favorisant l‘amnésieEt on ne sait pas que toutes ces fois pouvaient être une première fois, peu
importe l'objet de cette attente, que se soit un train, un tramway, un
autobus, un avion, dans une salle d'attente, chez un médecin plutôt
généraliste que spécialiste ( à cause des rendez-vous ), un dentiste, un
podologue, un coiffeur. .
Dans ces transports en commun, chaque voyage est parfois une première
fois, parce qu'il est bien souvent plus agréable de fixer un point quelque
part à l'intérieur ou à l'extérieur, non sans avant avoir observé que tout allait
pour le mieux autour de soi, et il y a des moments où on peut fixer un point
les paupières ouvertes et des moments où on peut fixer un point les
paupières fermées, maintenant je ne sais pas si votre esprit inconscient peut
se souvenir à quel point on peut fixer un point en marchant, etc…..
confortablement installé dans un fauteuil et ensuite se laisser aller à un
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petit voyage intérieur, tellement plus agréable, ..-Suggestion indirecte
de ce que la fixation d’un point peut être le début de l’induction d’un état
hypnotique "Plus agréable"["Faire passer le temps", "Prendre des
distances", telles peuvent être les désirs que chacun d'entre nous peut avoir
pour la première fois éprouvé en écoutant un interlocuteur aux histoires et
récits monotones, ou sans intérêts, ou simplement abscons et alors entrer
pour la première fois...].
...tellement utile, tellement protecteur.– Ensemble de suggestion allant dans
le sens d‘un recadrage positif de la transe avant le travail proprement dit.
Ce travail, dépendant de la problématique du patient.
La suite de ce texte tente de montrer au lecteur à quel point l’utilisation de
l’hypnose est utile, entre autre dans les problèmes de traumatismes, que se
soit au moment de l’événement ou après.
[ Parlons-en de cette dissociation, de cet état de dissociation qu'est cet état
modifié de conscience, et puis finalement ce n'est pas la première fois que
vous faites quelque chose de la main droite et autre chose de la main
gauche, ou qu'une première fois de plus vous continuez à lire sans vraiment
lire parce qu'une autre partie de vous pour la dernière des premières fois
peut complètement s'alléger là-bas ou peut-être tout simplement s'alourdir
ici, ou simplement et légèrement s'alourdir ici mais peut-être encore moins
que tout à l'heure, parce que ce texte devenant au fur et à mesure de plus
en plus traumatisant la tendance à s'en éloigner va aller croissante peut-être
comme cette main qui s'allégeant va se distancer de l'accoudoir. ]
Ceci ne me fait pas pour la première fois penser à ces patients venant de
vivre pour la première fois un traumatisme important, tel qu'une agression,
un accident de la route, un accident de travail, un incendie; ces enfants
venant de subir un abus sexuel, une agression, et qui au décours de ces
différents événements paraissent être pour certains d'entre eux dans un état
de choc, comme s'ils étaient absents, comme si leur état de conscience
s'était modifié, peut-être tout simplement ont-ils eux besoin de se protéger.
Il est important de préciser que face à un traumatisme, soit la personne
entre dans un état second, soit elle n’y entre pas. Si elle entre en transe, il
s’agira d’une transe protectrice ayant pour objectif de fuir la situation et
toutes les peurs qui y sont liées.
Un film illustre cette situation, il s’agit de « Etat second » avec « Jeff
Bridges ». Un « Etat second » réactionnel dans lequel la personne se
« sépare » d’elle-même et refoule ainsi, peurs et doute identitaire. Par contre
si elle sort, cette peur refoulée restera là et est donc susceptible d’entraîner
des symptômes.
In fine, il n’y a que deux pôles réactionnels extrêmes à la suite d’un trauma:
Soit la personne est encore dans un état second et elle paraît fonctionner
normalement, soit elle en est sortie et présente des symptômes posttraumatiques. Naturellement, dans la pratique quotidienne, les situations
cliniques sont intermédiaires et participent peu ou prou de ces deux pôles.
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Un trauma peut donc être un «premier état de transe » et l’hypnothérapie
dispose là d’une voie royale pour exercer ces effets. L’objectif thérapeutique
sera de donner au patient les moyens de se faire confiance et de ne plus
avoir peur de son vécu. Il s’agira dans un premier temps, de modifier la
sensation de peur en prenant l’événement par petits morceaux et en le
mettant à distance. Autrement dit, il s’agit d’un recadrage visant à redonner
une dimension humaine à ce qui est souvent ressenti comme monolithique,
inamovible et tout puissant. Dans un deuxième temps thérapeutique, il
s’agira d’apprendre à agir avec ce vécu redevenu «à portée de main ».
Exemple d’intervention sous induction ayant la mise à distance pour objectif:
Les murs peuvent avoir une autre couleur, être plus grand ou plus petit, ce
qui y pend peut être différent ou changer de place, ou de couleur ou de
forme, y a-t-il des escaliers de secours à construire, la température peut
changer, enlever ou ajouter une clé sur une porte, la ou les personnes
peuvent avoir un nez vraiment très long ou vraiment très court de même que
les pieds peuvent grandir ou rétrécir, la personne elle-même peut rétrécir ou
grandir, les unes peuvent grandir et les autres au contraire rétrécir, ou
gonfler et se dégonfler, la voiture ou les voitures peuvent être élastiques ou
miniature, perdre une ou plusieurs roues...
En fait tout est possible, ou plutôt tout est imaginable, le patient prendra ce
qui l'intéresse ou l'arrange compte tenu de ses apprentissages antérieurs et
des différentes possibilités d'association et de dissociation y attenant.
Ces recadrages peuvent se faire soit de manière directe, c'est-à-dire en
utilisant les événements réels, soit de manière indirecte en utilisant des
métaphores dans lesquelles, par exemple, le personnage "victime" fait luimême des recadrages, ou encore une "tierce " personne explique au
personnage "victime" les différentes possibilités de recadrage...
Une autre possibilité de première urgence réside, dans la ou les métaphores
de recadrage, dont un exemple pourrait être le fait de raconter toutes les
possibilités qu'offre un film, pour lequel il y a une bande "image" et une
bande "son", et toutes les manières qu'il y a de changer et surtout
d'apprendre à couper des morceaux de ces deux bandes et puis de les jeter,
ou alors de les replacer ailleurs et enfin la manière de décaler la bande "son"
de la bande "image". Il est également possible de « protéger » l’événement
traumatisant sous forme d’un film de préférence à la télé à l'aide d'un
magnétoscope plutôt qu'à l'aide d'un écran de cinéma, parce que le vidéo
permet de faire des arrêts sur image, des ralentis, des pauses, des avances
rapides ou des reculs rapides, les ralentis peuvent aller plus ou moins vite, à
la télé on peut changer les couleurs, la luminosité, le contraste, le son et
bien d'autres choses encore, n'est-il pas vrai? et puis surtout, il y a le
"zapping" par curiosité, et celui qui permet de regarder, d'entendre une
émission, un film plus agréable. Vous rappelez-vous toutes les fois ou vous
avez fait du collage, et du décollage, avec des formes coupées et découpées,
et recoupées, de même couleur ou de couleur différente et puis du recollage,
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etc. Ces photos que nous faisons à la fin d'un événement pour le fixer et
ensuite le mettre à plat au fond d'une armoire, d'un tiroir, ou d'un grenier,
ou d'une cave, du moins si elle n'est pas trop humide, bien qu'alors ces
photos auront tendance à se ternir et se gondoler ce qui peut ne pas revêtir
de désavantages.
Enfin, quand la personne aura appris à faire de l’événement quelque chose
de tout à fait supportable, il est important alors qu’elle « réintègre » son
histoire avec ses nouveaux apprentissages. En quelque sorte qu’elle se ré
associe avec elle-même et ressorte de sa transe.
L’objectif stratégique dans le cas d’un P.T.S. (Post…) est cette phase
finale de ré association, dans la mesure où un trauma a eu pour effet de
dissocier la personne sur deux niveaux: en induisant une transe protectrice
et en induisant un doute identitaire.
Dans le présent numéro, nous avons développé la mise à distance d’un
événement traumatique. Nous proposerons ultérieurement les outils
thérapeutiques aptes à aider une personne à se ré associer.