AVERTISSEMENT - Le Proscenium

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AVERTISSEMENT - Le Proscenium
AVERTISSEMENT
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SEPT PECHES CAPITEUX
Personnages :
Jacques
Henri
Lucie
Martine
Amélie
Gisèle
Justine
: Intermittent du spectacle. Sympathique et décontracté.
: Epoux de Lucie. Amant de Martine. Ami d’enfance de
Jacques. Député et commerçant.
: Femme d’Henri. Commerçante. Gaffeuse. Pieuse.
: Femme de ménage. Maîtresse d’Henri. Gourmande
: Chanteuse. Orgueilleuse. Snob. Coiffure excentrique.
: Infirmière. Avare. Vêtue pauvrement.
: Travaille pour une compagnie d’assurances. Envieuse.
Décor
: Trois portes : Jardin, centre et cour.
La scène représente une salle de séjour. Au centre un divan et
(ou) des fauteuils. Trois places sont nécessaires. Une table basse.
Un meuble contenant des verres et une bouteille.
Prévoir : Un morceau de papier (dans la poche de Jacques), une
valise, un téléphone portable (dans la poche de Martine), un tablier
de cuisine, un panier ou un sac, un petit paquet, un paquet de
cigarettes.
Costumes
: Contemporains
Synopsis
: Henri fait embaucher Martine, sa maîtresse, femme de ménage, par
son ami Jacques. Il pourra ainsi venir la voir quand Jacques sera
absent. Mais celui-ci veut se marier et a consulté une agence, qui
doit lui envoyer trois candidates. Henri fait donc tout ce qu’il peut
pour que le mariage ne se fasse pas. Son épouse ne comprend
pas…
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ACTE I
Henri entre par le centre et fait signe à Martine, qui le suit. Ils avancent vers le milieu
de la scène.
Martine
: Je n’aime pas beaucoup cette façon de procéder, tu sais ?
Henri
: Ne t’en fais pas, Jacques est un copain. C’est même mon
meilleur ami, je te l’ai déjà dit !
Martine
: Mais ce n’est pas le mien. Je n’aime pas entrer chez les gens comme
ça… Sans leur demander leur avis et sans prévenir.
Henri
: Quelle importance, je fais ça tout le temps !
Martine
: Toi peut-être. Moi je trouve ça très mal élevé. D’abord, comment ça se
fait que tu as la clé ?
Henri
: Décidément ! Je croyais t’avoir tout expliqué mais tu n’as rien retenu ! Il
faut que je recommence. (parlant comme s’il avait à faire à un petit
enfant) Je suis un ami de Jacques. Jusque là ça va ? … (signe de tête
affirmatif de Martine) Jacques s’absente très souvent pour son boulot. Tu
sais qu’il est intermittent du spectacle ? … (même jeu) C’est bien.
Quand il part, il fait appel à moi pour relever son courrier, arroser les
plantes, aérer… Tu suis toujours ? (même jeu) Alors, pour éviter de jouer
sans arrêt à « Je te donne ma clé… Je te la reprend… Tu la reprendras
dans deux jours… N’oublie pas de me la rendre… » Il a fait faire une clé
supplémentaire et il me l’a donnée. Ca y est, elle a compris la Titine ?
Martine
: (énervée) Henri, arrête de me prendre pour une gourde ! Et ne
m’appelle pas Titine, j’ai horreur de ça ! N’empêche que cette fois tu n’as
pas de plantes à arroser ni de courrier à prendre. Il ne t’a rien demandé
alors tu n’as rien à faire ici… Et moi encore moins.
Henri
: Enfin, Martine, ma chérie, il faut savoir ce que tu veux ! Tu es femme de
ménage, et tu cherches du travail. Vrai ou faux ?
Martine
: C’est vrai mais…
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Henri
: (l’interrompant) Eh bien je t’ai promis que Jacques allait t’embaucher.
Martine
: Qu’en sais-tu, il ne m’a jamais vue !
Henri
: (s’asseyant) Je le sais parce qu’il en cherche une et qu’il ne la trouve
pas. Il ne peut pas faire le ménage et la cuisine tout en allant travailler.
Martine
: (s’asseyant) Comment ça la cuisine ? Mais je ne suis pas cuisinière !
Henri
: Allons ! Tu te fais bien à manger tous les jours ? Tu feras
la même chose en multipliant par deux voilà tout !
Martine
: Je ne suis pas forte en calcul !
Henri
: Ne cherche pas de mauvaises excuses. Pense que je vais
enfin pouvoir te donner ma clé !
Martine
: Que veux-tu que j’en fasse ?
Henri
: (s’énervant) Mais enfin, tu te fiches de moi ! Tu en auras
besoin pour entrer et sortir d’ici tous les jours. Et même
plusieurs fois par jour si tu fais les commissions… (câlin) Et
quand Jacques ne sera pas là, à qui vas-tu ouvrir la porte
mhhh ?
Martine
: (comprenant brutalement, rayonnante) A mon Riri !
Henri
: (se levant d’un bond) Ca y est, elle a compris ! Hosanna !
Martine
: Que veux-tu que j’aille faire au sana ? Je me porte bien…
Henri
: Comme ça, quand Lucie ira au salon du meuble, ou que je
lui raconterai que je dois aller à Paris pour une séance de
l’Assemblée, nous n’aurons plus besoin de nous cacher
comme des voleurs pour aller à l’hôtel, ni de manger un
sandwich dans la chambre avant de… de… pour qu’on ne
nous voit pas ensemble au restaurant. (câlin) Dans ton petit
nid d’amour, le lit sera prêt, la table sera mise…
Martine
: (déçue) Ah bon ? Il faudra encore que je bosse !
Henri
: Mais avoue que nous serons mieux qu’à l’hôtel ! (au
public) Et ça sera moins cher !
Martine
: Tout de même… Ca ne te fais rien de tromper ta femme ?
Comment est-elle, d’abord ?
Henri
: Tu sais, Lucie est assez… Comment dire… Grenouille de
bénitier. Pour elle, le devoir conjugal est vraiment un
devoir… Alors j’ai parfois envie de fantaisie !
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Martine
: Tu sais : ce que nous faisons…C’est de la luxure !
Henri
: Et alors ? Etre luxuriant ici ou à l’hôtel…
Martine
: Et ton copain Jacques, il ne dira rien, il nous laissera
faire ?
Henri
: (s’asseyant) Hein ? Mais il n’est pas question de le lui
dire ! Ne t’avise surtout pas d’y faire seulement allusion !
Heureusement qu’on en parle ! Oh là là ! Quelle gaffe tu
aurais fait ! Jésus !
Martine
: Laisse Jésus en dehors de ça. Il ne trompait pas sa
femme, lui !
Henri
: Il n’avait pas de mérite, il n’était pas marié.
Martine
: Pas marié ? Qu’est-ce que tu me chantes ! J’ai toujours
entendu parler de Jésus et de sa grande Clémence…
On entend du bruit. Henri et Martine se lèvent.
Henri
: C’est lui, c’est Jacques. Tu as bien compris ? Ne lui parle
pas de nous. Nous ne sommes pas amants ! Et nous nous
vouvoyons !
Martine
: Mais oui, j’ai compris, je ne suis pas idiote.
Jacques entre et, surpris, s’arrête en les voyant.
Jacques
: Hein ! Qu’est-ce que…
Henri
: (parlant vite) Ne dis rien, ne t’énerve pas, j’avoue, tout est
de ma faute !
Jacques
: Qu’est-ce que tu fous là ? Et qui est cette…
Henri
: Je me suis permis d’entrer parce que j’avais peur de te
manquer. Et je tenais à t’apporter tout de suite une bonne
nouvelle. (désignant Martine) La voilà !
Martine
: (rire bête) La nouvelle bonne, c’est moi…
Jacques
: (ahuri) Attends attends… Tu pourrais m’expliquer ?
Henri
: Bien entendu. (il pousse Jacques et le fait asseoir) Voilà.
Je savais que tu cherches une femme pour faire ton
ménage.
Jacques
: et la cuisine !
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Henri
: Oui. Une bonne, en quelque sorte. Alors, je t’ai emmené Martine.
Jacques
: Elle est bonne ?
Henri
: Ah ça oui ! (se reprenant) Je veux dire qu’elle sait tout faire et qu’elle
est sérieuse et disponible. Je m’en porte garant. Donc, ne cherche
plus !
Jacques
: Diable, c’est que tu m’étourdis avec ta précipitation !
Henri
: Il ne faut jamais laisser passer une bonne occasion.
Martine
: (grimaçant) Une bonne d’occasion ? J’aimais mieux la bonne nouvelle !
Henri
Martine
Henri
: Enfin, Jacques, c’est bien toi qui cherchais du personnel ? Et tu sais
que je ne pourrais peut-être plus venir en ton absence chaque fois que
tu me le demanderas ! Avec Martine, parce qu’elle s’appelle Martine
(Jacques se lève pour la saluer mais Henri le rassoit. Martine fait une
révérence) tu serais tranquille. Je lui donne ma clé et elle s’installe. Tu
n’as plus de soucis à te faire pour tes absences, pour le ménage, les
courses, la cuisine…
: (croise les bras et fronce les sourcils) Bon, ça va oui ! Je vous préviens
que je ne sais pas manier la truelle ni la tronçonneuse !
: (rire jaune. Fait signe à Martine pour qu’elle se taise) Et en plus elle a
le sens de l’humour. Une perle comme elle, tu n’en trouveras plus !
Jacques
: Bon, ça va ! C’est vrai que j’ai besoin de quelqu’un, alors… Je te fais
confiance, Henri. (à Martine) Et à vous aussi… Mais je ne pourrai pas
vous loger, c’est trop petit ici.
Henri
: Quoi ? Et la chambre d’amis alors ? Ca m’est arrivé d’y dormir quand je
venais chez toi.
Jacques
: Justement. Si Martine s’y installe, tu n’auras plus de place.
Henri
: Mais si, c’est un grand lit ! (se reprenant) Je veux dire : je n’aurai plus
besoin de venir puisque Martine sera là.
Jacques
: Oui, bien sûr… (se levant) Ecoute, je veux bien faire un essai. Mais si
ça ne me conviens pas, je veux pouvoir arrêter sans qu’on me menace
d’avoir à payer des indemnités exorbitantes.
Henri
: (se frottant les mains) C’est évident. N’est-ce pas Martine ?
Martine
: Ben… Si vous le dites ! Pas d’exor… Heu…
Jacques
: Et nous n’avons même pas parlé du salaire.
Henri
: Tu le fixeras toi-même, ce n’est pas important.
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Martine
: Vous en avez de bonnes !
Henri
: Bon, c’est dit. (à Martine) Allez chercher votre valise.
Jacques
: Déjà !
Martine
: (joyeuse) D’accord. A tout de suite !
Martine essaye de sauter au cou d’Henri qui la repousse, puis la rappelle.
Henri
: Martine ! Vous oubliez quelque chose ! Prenez ma clé.
Henri lui donne la clé, Martine sort par le centre.
Henri
: C’est qu’elle m’aurait fait la bise ! C’est affectueux ces petites bêtes !
Jacques
: (soucieux) N’empêche que je n’aime pas prendre une décision dans
l’urgence. Tu me bouscules, mais je préfère avoir mon temps pour
réfléchir. D’autant plus que je n’aurais sans doute plus besoin d’une
femme de ménage d’ici peu…
Henri
: (regardant sa montre) C’est curieux, Lucie devait passer me prendre.
Elle n’a pourtant pas l’habitude d’être en retard… Qu’est-ce que tu
disais ?
Jacques
: Mon pauvre Henri, je disais que quand je serai marié, je n’aurai plus
besoin de ta Martine.
Henri
: (stupéfait) Hein ? Quoi ? Marié… toi ?
On sonne. Jacques va ouvrir au centre. Lucie entre.
Jacques
: Bonjour Lucie.
Lucie
: Bonjour Jacques. Henri m’a demandé de passer le prendre… Comme
j’avais besoin de la voiture il a dû partir à pieds tu comprends ?
Henri
: (toujours ahuri, à Jacques) Tu m’as bien dit que tu allais te marier ?
Jacques
: Ne fais pas cette tête-là, qu’est-ce que ça a de si extraordinaire ?
Henri
: (à Lucie) Jacques va se marier ! (à Jacques) Tu ne vas pas me faire
ça !
Lucie
: (hargneuse) Non mais, de quoi te mêles-tu ? Qu’est-ce que ça peut
bien te faire ? Je trouve que c’est une excellente idée, au contraire !
(joignant les mains) Le mariage est béni par le ciel.
Henri
: (hargneux) Mais enfin, Jacques va se marier, j’ai bien le droit de m’en
étonner !
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Jacques
: Holà ! Ho ! Doucement ! Ce n’est pas encore fait, loin de là !
Henri
: Et avec qui ?
Jacques
: (agacé) Je n’en sais rien, justement ! … Mon Dieu, je ne pensais pas
que ça vous ferait un tel effet ! … Bon, je vois qu’il faut que je vous
donne des explications si je ne veux pas être responsable d’une scène
de ménage ! Asseyez-vous, c’est l’heure de l’apéro.
Henri et Lucie s’asseyent. Tout en parlant, Jacques va chercher une bouteille et trois
verres dans le meuble. Il pose les verres sur la table de salon et verse.
Jacques
: Voilà. Je me suis inscrit dans une agence matrimoniale.
Lucie
: (surprise) Non ! C’est pas vrai ?
Henri
:
Une agence matrimoniale ? Et pourquoi pas une annonce dans le
« Chasseur Français » ! Tu n’es pas assez grand pour trouver une
femme toi-même ? Et d’abord, qu’est-ce que tu ferais d’une femme !
Jacques
: Je n’ai pas le temps de draguer. Et je suis timide ! … Voyez-vous, j’en
ai assez d’être une charge pour mes amis, et notamment pour vous
deux.
Henri
: Une charge ? Tu rigoles ?
Jacques
: (s’asseyant) Mais non, mets-toi à ma place : je suis sans arrêt en train
de demander un service à l’un ou à l’autre. Quand il s’agit de
raccommoder un vêtement ou de donner un coup de fer à une chemise
quand le pressing est fermé, je fais appel à Lucie. Quand je pars à
l’autre bout de la France pour un ou deux jours… Ou même plus, c’est
à toi que je refile la corvée de venir relever mon courrier et d’arroser les
plantes…
Lucie
: Nous faisons cela de bon cœur, tu sais !
Henri
: Absolument ! C’est même un plaisir de pouvoir s’échapp… ( Lucie et lui
se regardent) te rendre service !
Ils boivent.
Jacques
: A la bonne vôtre… N’empêche que moi, ça finit par me gêner. (rêveur)
Et puis, quand tu es marié, ça doit être agréable de savoir que ta petite
femme t’attend à la maison…
Henri
: (se levant, ahuri) Hein ? Tu trouves, toi ?
Lucie
: (scandalisée) Henri !
Henri
: (essayant de se rattraper) Ce que je veux dire, ma chérie, c’est qu’en
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passant par une agence, il va trouver tous les rebuts, toutes les
femmes qui n’ont pas réussi à se caser ! (tendrement) Il n’aura jamais
la chance de tomber sur une femme comme toi…
Jacques
: (se levant) Qu’en sais-tu ? Il y a beaucoup de femmes timides qui
essayent de trouver l’âme sœur par ce moyen-là. Et puis il n’est pas
question d’épouser la première fille qui se présente ! Au début, il s’agit
seulement de faire connaissance, de discuter, de se jauger…
Henri
: Un round d’observation, quoi !
Lucie
: (à Henri) Tais-toi, tu es insupportable ! Jacques a raison de vouloir se
marier. Vivre seul, c’est sûrement plus pénible que tu ne le crois. Alors
pourquoi ne pas essayer de rencontrer quelqu’un par le biais d’une
agence ? Il ne va pas se promener avec une affiche dans le dos (geste
délimitant une affiche imaginaire) « Célibataire cherche à se marier,
envoyer candidatures… » avec son adresse ! Il va recevoir une
première candidate, et il est assez intelligent pour savoir, au bout de
deux ou trois rencontres, si c’est la femme qu’il lui faut. Si ce n’est pas
le cas, il en verra une autre. Même monsieur le curé n’y trouverait rien
à redire.
Jacques
Lucie
: Eh bien non, justement, ça ne devrait pas se passer comme ça…
Comme je dois partir dans quelques jours, pour une série de
représentations au Luxembourg, j’ai demandé à l’agence de m’envoyer
plusieurs candidates. Je vais donc en recevoir trois.
: (effrayée) Ensemble ?
Henri
: (haussant les épaules) Bien sûr ensemble ! Jacques va organiser un
défilé, avec des numéros, comme pour miss France. Ensuite, elles se
taperont sur la tête chacune leur tour, et celle qui restera debout le plus
longtemps aura gagné.
Lucie
: (se levant, furieuse) Je n’aime pas ton genre d’humour.
Henri
: Y a-t-il quelque chose de moi que tu aimes ma chérie ? (à Jacques)
N’empêche que l’idée d’un crêpage de chignon collectif n’est pas si
mauvaise. Tu connais le vieil adage : une femme c’est comme une
omelette, pour que ça soit bon faut que ça soit bien battu !
Lucie se précipite vers Henri, la main levée. Henri se cache derrière Jacques.
Jacques
Lucie
: (les sépare, amusé) Si tu continues, c’est toi qui va finir en omelette !
Bon, mes amis, Je ne vous ai pas tout dit : je dois recevoir les trois
candidates cet après-midi, et j’ai encore ma tambouille à faire. Alors…
Je ne voudrais pas vous mettre dehors, mais…
: Mais bien sûr, Jacques, nos partons. Et je te souhaite bonne chance !
Je sais que tu es sérieux et que tu veux te marier pour créer une petite
famille chrétienne et bien pensante. Sans ça, je m’interposerais parce
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que tu es notre ami.
Henri
: Donne-moi les coordonnées de ces trois malheureuses. Tu sais que
suis un homme politique, et que j’ai des relations un peu partout, Alors
je vais me renseigner à leur sujet. Je ne veux pas que tu prennes le
risque de tomber sur une droguée ou une évadée du bagne !
Jacques
: (amusé, sortant un papier de sa poche) Tu sais, l’agence a déjà fait
son enquête ! Enfin, si ça t’amuse, tiens, voilà ce que tu demandes.
J’ai recopié tout ça sur un cahier où je mettrai des impressions, voir
des appréciations…
Henri
: (prenant le papier) Pourquoi pas des notes, comme à l’école ?
Lucie
: (marchant jusqu’à la porte du centre) Tu viens, Henri, Jacques est
pressé.
Henri
: Voilà, voilà ! (à Jacques) Je vais demander au commissaire et au chef
de cabinet du sous-préfet d’obtenir tous les renseignements
nécessaires.
Jacques
: (le poussant vers la porte du centre) D’accord, d’accord… Prends ton
temps. Au revoir mes amis.
Lucie et Henri sortent par le centre. Jacques pousse un soupir de soulagement.
Jacques
: Ouf ! Ils sont gentils mais il ne faut pas en abuser, c’est comme pour
l’alcool. (se dirigeant vers jardin) Maintenant, je vais faire réchauffer
mes pâtes. Heureusement qu’elles sont déjà cuites ! (il sort à jardin)
Martine entre par le centre, traînant une grosse valise, la pose et regarde autour
d’elle.
Martine
: Henri est parti ? Il aurait pu me dire où est la chambre d’amis, que je
puisse m’installer ! Mais le dénommé Jacques doit encore être là…
(criant) Y a quelqu’un ?
Bruit de casseroles. Jacques entre par Jardin.
Jacques
: Qu’est-ce qui se passe ?
Martine
: Je savais bien que vous étiez là !
Jacques
: C’est normal, puisque j’y habite ! Mais évitez de crier comme ça, je n’ai
pas l’habitude. Vous m’avez fait renverser ma casserole de pâtes !
Martine
: Vous faites des pâtes ? Qu’est-ce que vous avez, avec ça ?
Jacques
: (interloqué) Un peu de poulet froid, pourquoi ?
Martine
: C’est pas terrible mais ça ira. (montrant la porte côté cour) Ma
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chambre est bien par-là ?
Jacques
: Ben heu … oui…
Martine
: Je vais m’installer. Prévenez-moi quand la soupe sera prête.
Martine sort à cour.
Jacques
: C’est le monde à l’envers ! … Enfin, c’est vrai qu’elle n’a pas encore
commencé, on verra bien… Bon, il me faut une cuiller pour ramasser
les pâtes…
Jacques sort à Jardin. Quelques secondes. On sonne. Martine passe la tête par la
porte à cour.
Martine
: (fort) On a sonné ! (sa tête disparaît)
Jacques entre par jardin et va ouvrir au centre. Il porte un tablier de cuisine
Jacques
: Je ne suis pas sourd !
Amélie entre.
Amélie
: Bonjour monsieur.
Jacques
: Bonjour madame. Désolé, je n’ai besoin de rien ! (il la prend par un
bras, lui fait faire demi-tour et la pousse vers la porte) Au revoir
madame !
Amélie
: (elle s’arrête et se retourne) Mademoiselle !
Jacques
: (un pas en arrière) Excusez-moi. Bonjour mademoiselle, je n’ai toujours
besoin de rien !
Amélie
: Même pas de moi ?
Jacques
: Pardon ?
Amélie
: Vous avez pourtant vu ma photo à l’agence. Et vous lui avez dit que
vous vouliez me rencontrer. Je m’appelle Amélie.
Jacques
: L’agence ? … Amélie ? … (il regarde sa montre) Déjà ! Je ne vous
attendais que cet après-midi !
Amélie repousse Jacques, entre et va s’asseoir.
Amélie
: C’est exact. Mais j’ai changé d’avis. D’abord ma maison est en travaux,
et puis cet après-midi, j’ai un rendez-vous particulièrement important.
Jacques
: Plus important que le nôtre ?
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Amélie
: (dédaigneuse) Bien entendu : je vais chez mon coiffeur. (prenant des
poses) C’est le célèbre Mario Zivati. Il m’a choisie comme modèle pour
sa prochaine affiche publicitaire.
Jacques
: Ah oui ? Et pour quel produit ?
Amélie
: Pas pour un produit ! Pour sa dernière création. Une coiffure ultra chic.
Ca s’appelle chrysanthème un jour de grand vent.
Martine entre par cour, traverse la scène en parlant.
Martine
: C’est pas tout ça, mais j’ai une petite faim. C’est où la cuisine ?
Jacques
: (désignant le côté jardin) Prenez par-là. Première à droite. Quand vous
arrivez au feu vous vous garez. C’est là.
Martine
: D’accord. J’espère qu’il n’y a pas de limitation parce que ma faim n’est
pas si petite que ça ! J’espère aussi que vous n’avez pas tout mangé.
Jacques
: (montrant Amélie) Comment voulez-vous !
Amélie sort par jardin.
Jacques
: (à Amélie) Vous n’avez pas faim, vous ?
Amélie
: C’est gentil de m’inviter. Je connais justement un petit resto pas loin
d’ici…
Jacques
: Hein ? Mais c’est que… Je … Je ne peux pas sortir maintenant.
Amélie
: (minaudant, câline…) Même avec moi ?
Jacques
: J’attends… J’attends mon impresario ! (prenant des poses) Il m’a choisi
comme modèle pour sa prochaine affiche.
Amélie
: (intéressée) Ah oui ? Et comment s’appellera le spectacle ?
Jacques
: Heu… Pâtes et poulet froid. C’est une comédie policière. Sur l’affiche,
je fais le poulet. Mais vous, en dehors de la pub pour les
chrysanthèmes, vous avez un métier ?
Amélie
: Bien entendu. Je suis cantatrice. Chanteuse si vous préférez.
Jacques
: Ca dépend : si vous chantez Manon j’aime mieux cantatrice ; si c’est
viens poupoule, je préfère chanteuse…
Amélie
Jacques
: Je peux tout chanter. Tout. Avec la voix que j’ai, l’opéra ne me pose
pas de problème, et mon sens de la fantaisie me permet d’interpréter
les chansons les plus modernes. Vous voulez une démonstration ?
: Pas maintenant, merci ! Vous êtes là pour qu’on fasse connaissance,
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non ? Alors parlez-moi de vous.
Amélie
: Quoi dire ? Que je suis belle, intelligente, pleine de talent, modeste…
Jacques
: Alors, pourquoi avez-vous recours à une agence matrimoniale ?
Amélie
: Par esprit de justice.
Jacques
: (s’asseyant) Comment ça ?
Amélie
: (s’asseyant) Comme tout un chacun, je ne fréquente pratiquement que
des gens de mon milieu. Des gens qui ont réussi… Surtout des
artistes… des nantis, quoi ! Alors j’ai voulu donner une chance à
quelqu’un de plus ordinaire, de moins favorisé… Et puis je commence
à être lasse de vivre toujours dans le même monde, avec les mêmes
personnes. Je les trouve d’ailleurs un peu orgueilleuses.
Jacques
: Non, sans blague ?
Amélie
: En quelque sorte, je recherche la simplicité, le naturel. Je souhaite vivre
avec un être doux, aimant, qui ne me contemple pas bêtement toute la
journée au lieu de faire son travail, et qui puisse me décharger des
tâches ménagères.
Jacques
: Ah ! D’accord… Un homme de ménage, quoi !
Amélie
: A vous maintenant ! En allant voir l’agence vous ne vous attendiez
sûrement pas à rencontrer quelqu’un comme moi !
Jacques
: Ca c’est bien vrai !
Amélie
: Et vous ne pouviez pas trouver tout seul ? Vous n’êtes pourtant pas si
mal après tout !
Jacques
: Merci. Mais pour trouver, il faut chercher, et je n’ai pas le temps. Je
suis souvent absent.
Amélie
: Ah ? Zut alors ! Heureusement, j’ai vu que vous avez du personnel !
Jacques
: Martine ? Elle commence aujourd’hui.
Martine entre par jardin et va s’adresser à Jacques.
Jacques
: Quand on parle du loup !
Martine
: C’est pas terrible les pâtes renversées ! Il faut vraiment que je me
mette à faire la cuisine : je ne veux pas manger cette saleté-là tous les
jours ! Vous avez un livre de cuisine ?
Jacques
: Heu… Oui. (montrant le côté jardin) Dans le buffet. Dernier tiroir en
bas.
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Martine repart vers jardin.
Jacques
: Martine !
Martine
: (s’arrêtant) Oui ?
Jacques
: Il reste quelque chose à manger ?
Martine
: Il y a encore quelques pâtes par terre…
Jacques
: C’est tout ?
Martine
: Ben oui, j’avais une grosse faim !
Martine sort par jardin.
Amélie
: Vous voyez, vous auriez dû m’inviter au restaurant.
Jacques
: Mais je ne peux pas ! Souvenez-vous : mon impresario ! D’ailleurs, il ne
va pas tarder. Il faut que nous arrêtions.
Amélie
: Déjà ! Mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire, si nous
voulons nous connaître un peu mieux.
Jacques
: Bien sûr, mais je ne vous attendais pas si tôt !
Amélie
: (se levant) Eh bien, je reviendrai demain… Et tous les jours s’il le faut.
Jusqu’à ce que nous soyons décidés, d’une façon ou d’une autre.
Jacques
: (se levant) Si vous voulez. Mais je crois que la décision viendra plus vite
que vous ne le pensez !
Amélie sort par le centre, accompagnée par Jacques qui revient. Martine entre par
jardin, un livre ouvert à la main. Elle lit en marchant.
Martine
: Paupiettes d’escargots… Ca ne doit pas être mauvais, ça !
Jacques
: Si je comprends bien, je n’ai plus rien à manger, moi !
Martine
: Vous comprenez bien. (au public ) C’est qu’il comprend bien vous
savez !
Jacques
: Amélie est partie.
Martine
: (posant le livre sur la table) Tant mieux pour vous. C’est un monstre
d’orgueil cette femme-là !
Jacques
: Je la reverrai demain.
Martine
: Tant pis. (éclatant de rire) Il faudra lui faire arroser les plantes : Amélie
met l’eau…
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Jacques
: Arrêtez de rire bêtement. Moi, je vais manger un morceau et boire un
demi à la brasserie d’en face. Ensuite vous irez faire des courses pour
ce soir.
Jacques sort par le centre. Martine prend son téléphone portable et compose un
numéro.
Martine
: Après la luxure, l’orgueil. C’est bien parti ! Ce n’est pas une pièce à
jouer dans un patronage… Allô mon Riri ? … Tu es seul ? … Méfie-toi,
tu sais bien que ta femme est capable de quitter son magasin et
d’arriver sans crier gare quand il n’y a pas beaucoup de clients… Ben
moi aussi, je suis seule. Ton Jacques est parti manger à la brasserie.
Tu pourrais venir, il en a bien pour une petite heure… C’est ça, à tout
de suite.
Martine va vers cour en chantonnant. On sonne. Elle s’arrête et va ouvrir au centre.
Gisèle entre.
Gisèle
: Bonjour madame. Je voudrais voir Jacques s’il vous plaît.
Martine
: (hargneuse) Bonjour. Désolée mais le dénommé Jacques n’est pas là.
Il devrait revenir d’ici une heure, probablement. C’est de la part de qui ?
Gisèle
: Je suis Gisèle. C’est l’agence qui m’envoie.
Martine
: L’agence ? (riant) Vous êtes une candidate au mariage ?
Gisèle
: Ben oui. Vous trouvez ça drôle ?
Martine
: Encore assez : moi je mets des annonces pour trouver du boulot. Pour
les hommes, je dois plutôt les décourager… Ceci-dit, je n’ai pas
beaucoup de temps à vous accorder !
Gisèle
: Qui êtes-vous ?
Martine
: La femme de ménage.
Gisèle
: (riant) Ah bon !
Martine
: Qu’est-ce qui vous fait rire ?
Gisèle
: Le fait que vous allez avoir du temps à m’accorder et que vous allez
être très gentille, (sèchement) quand vous aurez réalisé que vous serez
peut-être bientôt mon employée…
Martine réfléchit. Quelques secondes passent. Martine se tape dans la main.
Martine
: Mince, c’est vrai ! Je n’avais pas pensé à ça ! (gentille) Entrez donc, je
vous en prie ! Asseyez-vous…
15
Gisèle
:
Merci mais c’est le dénommé Jacques, comme vous dites, qui
m’intéresse. Nous avions rendez-vous cet après-midi. Je sais que je
suis un peu en avance mais tout de même…
Martine
: Il a eu un petit problème qui l’a obligé à sortir. Son … Heu … Sa mère à
eu un malaise. Voilà…
Gisèle
: Oh ! Je suis navrée, je ne pouvais pas savoir… Mais dites-moi, il est
comment, avec vous ? C’est quelqu’un de bien ?
Martine
: Vous savez, je ne travaille ici que depuis ce matin, c’est un peu tôt pour
se faire une idée… Vous devriez revenir demain, je préviendrai le
patron.
Gisèle
: Pourquoi pas, je serai libre…
On sonne. Martine va ouvrir et recule. Henri entre et avance vers elle, les bras
tendus.
Henri
: Dans mes bras (il voit Gisèle et rectifie la position) Ah … Ah… Ah bon, il
y a quelqu’un…
Martine
: C’est une candidate qui vient voir monsieur Jacques.
Henri
: Une candidate ! Bonjour madame. Madame comment ?
Gisèle
: Je m’appelle Gisèle.
Henri
: Enchanté. (à Martine) Comment va ce vieux Jacques ?
Martine
: Hein ? Mais il…
Henri
: (l’interrompant) Pauvre vieux Jacques ! (mimique d’Henri tournant le
dos à Gisèle et faisant signe de se taire à Martine) C’est bien jeune
pour avoir un pareil coup dur !
Martine
: Mais enfin, de quoi parles-tu ?
Henri
: (l’interrompant et recommençant ses mimiques) D’autant plus que la
paratonite est une maladie rare !
Gisèle
: Vous êtes en train de dire qu’il est malade ?
Henri
: Hélas ! (se reprenant) Mon Dieu, je l’ai dit ! (suppliant) Soyez discrète,
je vous en prie ! S’il savait que je vous en ai parlé, notre vieille amitié
serait fichue. (lui prenant la main) Je peux compter sur vous ?
Gisèle
: Oui, bon… D’accord, mais expliquez-moi…
Martine a un geste de la main au-dessus de la tête (ras le bol) et va s’asseoir.
16
Henri
: Voilà. Mon vieux copain Jacques (sanglots dans la voix) est atteint de
paratonite aiguë.
Gisèle
: Je ne connais pas cette maladie.
Henri
: Moi non pl… C’est très peu connu. C’est la plèvre qui… Qui rougit et…
Martine
: Du rouge à plèvre maintenant !
Henri
: Bref, je n’y connais pas grand chose, je ne suis pas médecin vous
comprenez ?
Gisèle
: Et malgré cela il prend le temps de soigner sa mère ! Chapeau ! Quant
à cette maladie, il faudra que j’en parle à la boîte.
Henri
: Sa mère ? La boîte ? Quelle boîte ?
Gisèle
: Je suis infirmière dans une crèche.
Henri
: Aïe !
Gisèle
: Vous souffrez aussi ? J’espère que ce n’est pas contagieux ?
Henri
: Non, non ! Mais la paratonite est une maladie qui ne touche jamais les
enfants. Par contre, les gens qui ont cela ne vivent pas vieux !
(mimique) Les cheveux tombent, la figure fait des plis…
Gisèle
: Quelle horreur !
Martine
: (à Henri, se levant) Bon, c’est pas tout ça mais la dame était en train de
partir quand vous êtes arrivé.
Henri
: (poussant Gisèle vers la porte du centre) Oh ! Je suis vraiment désolé
de vous avoir retenue. Je dirai à Jacques que vous êtes passée.
Martine
: (poussant Gisèle dehors) Revenez demain, comme prévu !
Gisèle sort.
Martine
: (énervée) Maintenant, tu as intérêt à m’expliquer ce que c’est que ce
bazar ! Pourquoi as-tu inventé cette histoire de maladie ?
Henri
: Ne te fâche pas ma biquette, tu vas comprendre. Imagine que Jacques
tombe amoureux d’une des trois candidates. Qu’est-ce qui va se
passer ?
Martine
: Il va l’épouser.
Henri
: Tout juste… Et nous dans tout ça ?
Martine
: Comment ça ?
17
Henri
:
Tu penses bien qu’avec une femme dans la maison, il ne sera plus
question que je vienne te voir !
Martine
: Ah zut ! C’est vrai !
Henri
: Nous avons donc tout intérêt à ce qu’aucune ne veuille de lui… Ou
qu’aucune ne lui plaise.
Martine
: C’est pour ça la maladie ?
Henri
: C’est pour dégoûter la nommée Gisèle. Et d’une !
Martine
: C’est moche de faire ça à un copain ! Et les autres ?
Henri
: J’ai promis à Jacques de me renseigner sur elles. Tu penses bien que
je lui raconterai n’importe quoi !
Martine
: C’est de plus en plus moche… Maintenant, il va revenir. Il vaudrait
mieux que tu t’en ailles.
Henri
: Mais c’est pour toi que je fais ça ma biquette ! Et pour lui aussi : tu le
vois épouser cette bonne femme ! Une infirmière ! Elle le rendrait
malade !
Martine
: Ben voyons, c’est le rôle des infirmières ! Allez, va-t-en, le patron va
revenir.
Henri
Martine
: (se dirigeant vers la porte du centre) N’hésite pas à me faire signe
comme aujourd’hui dès que tu as un moment de solitude…
: Tu ne travailles donc jamais ?
Henri
: Tu sais bien qu’avec le magasin, je travaille quand Lucie ne travaille
pas, et inversement. Nous avons deux vendeurs qui peuvent faire
tourner la boîte. Il suffit que Lucie ou moi soyons présent pour vérifier
que tout se passe bien ou pour donner un coup de main. D’ailleurs,
quand aucun de nous deux n’est là, ça marche quand même.
Martine
: Je sais. Même que c’est pour ça qu’on ne peut pas se voir chez toi. Ta
femme risque d’arriver n’importe quand…
Henri
: Donc, pour qu’on puisse se voir ici, il ne faut pas que Jacques se marie.
Et je ne suis pas venu pour rien ! Au revoir ma biquette !
Henri sort par le centre. Martine va chercher son livre et s’assied.
Martine
: Maintenant, il faut que je sache ce que je vais acheter pour faire à
manger ce soir. Voyons… Omelette au préalable… Est-ce qu’on vend
du préalable à la supérette ?…
Jacques entre par le centre.
18
Jacques
: Vous lisez ! Ce n’est pas trop dur ?
Martine
: Je ne lis pas, je travaille. Vous avez dit que je devais faire les courses,
alors je cherche ce que je vais cuisiner pour ce soir. On dit qu’il faut
manger cinq sortes de légumes et de fruits tous les jours. Vous le
saviez ?
Jacques
: Mon cousin dit qu’il faut en manger dix sortes par jour et non cinq.
Martine
: Il est nutritionniste votre cousin ?
Jacques
: Non, il est marchand de fruits et légumes… A part ça, il ne s’est rien
passé en mon absence ?
Martine
: Ah si ! Une prénommée Gisèle est venue de la part de l’agence. Elle
repassera demain.
Jacques
: C’est vrai, je l’avais oubliée celle-là. Mais que voulez-vous, j’avais faim...
Martine
: Et elle était en avance. Elle me l’a dit.
Jacques
: Comment est-elle ?
Martine
: (geste de balance de la main) Couci-couça… Plutôt couça !
Jacques
: Vous n’êtes guère encourageante ! Enfin, nous verrons, puisqu’elle doit
revenir.
Martine
: Bon, j’y vais. Donnez-moi des sous et un panier, je me charge du reste.
Jacques lui tend un sac ou un panier et Martine sort par le centre.
Jacques
: Voilà que j’ai manqué Gisèle ! Pourvu qu’elle ne revienne pas en même
temps qu’Amélie ! C’est que je vais finir par me mélanger les pinceaux,
moi ! Il ne reste plus que… Comment s’appelle-t-elle déjà ? … Ah, oui !
Justine, qui place des assurances… J’espère qu’elle en aura moins
que la chanteuse, de l’assurance !
On sonne. Jacques va ouvrir au centre. Lucie entre.
Lucie
: Désolée, c’est encore moi.
Jacques
: Tu en es sûre ?
Lucie
: Henri n’est pas là ?
Jacques
: Ben non, pourquoi serait-il revenu ?
Lucie
: Je ne sais pas, mais il n’est pas à la maison, alors j’ai pensé…
Jacques
: Sans blague ? (se reprenant) Je veux dire, il a sans doute d’autres
endroits qu’ici où aller ! Peut-être à la préfecture, puisqu’il devait se
19
renseigner sur mes visiteuses…
Lucie
: Peut-être, oui… Mais tu sais, depuis quelque temps, j’ai des doutes à
son sujet.
Jacques
: Au sujet d’Henri ? Quel genre de doutes ?
Lucie
: Il n’a plus les mêmes attentions pour moi… Il n’est plus tout à fait le
même… Bref, j’ai l’impression qu’il me trompe.
Jacques
: Henri ? Te tromper ? Tu rêves !
Lucie
: Je voudrais bien. (joignant les mains) Mon Dieu, épargne-moi cette
honte !
Jacques
: Et tu viens voir s’il te trompe avec moi ?
Lucie
: Tu es bête. J’avais seulement besoin de le dire à quelqu’un. Et tu es son
meilleur ami. Alors, s’il avait une liaison, tu serais le premier au
courant, non ?
Jacques
: Je comprends mieux. S’il avait une maîtresse, et que j’étais au courant,
tu voudrais que je te le dise, c’est ça ?
Lucie
: Ben oui…
Jacques
: Tu te rends compte de la situation dans laquelle tu me mets ?
Lucie
: Je sais, seulement mets-toi à ma place…
Jacques
: Ah non, je n’y tiens pas !
On sonne. Jacques va ouvrir au centre, Justine entre, Lucie va s’asseoir.
Justine
: Bonjour ! Je suis Justine. Vous êtes Jacques ?
Jacques
:
Lucie
Mais oui ! Entrez, asseyez-vous… (apercevant Lucie) Lucie ! C’est
Justine qui vient pour qu’on fasse connaissance. Alors… (il montre la
porte)
: (se lève, va serrer la main à Justine et retourne s’asseoir) Enchantée.
Comment allez-vous ?
Justine
: Merci, et vous ? (elle va s’asseoir à côté de Lucie)
Jacques
: (à Lucie) Justine est envoyée par l’agence… Tu comprends ? (il montre
la porte) Nous allons discuter tous les deux… (à Justine) Lucie est la
femme d’un ami, elle était passée me dire bonjour.
Justine
: C’est gentil de sa part. (à Lucie) J’ai su par l’agence que Jacques (à
Jacques) Vous permettez que je vous appelle Jacques ?
20
Jacques
Justine
: Bien entendu ! (il fait les cent pas)
: Qu’il cherche l’âme sœur, ce qui est également mon cas. Alors quand
j’ai appris qu’il souhaitait me voir, j’ai dit oui tout de suite !
Lucie
: Vous avez bien fait. Quand on veut se caser…
Jacques
: (sèchement) Lucie !
Lucie
: … Ca ne sert à rien d’attendre. Surtout à votre âge !
Jacques
: (même jeu) Lucie !
Lucie
: Et vous ne feriez pas une mauvaise affaire, vous savez ! (mimique de
Jacques qui s’énerve) Bien sûr, ses revenus sont aléatoires, mais il se
débrouille. Physiquement il n’est pas mal. Et puis il n’est pas bête
quoiqu’un peu têtu. Et il n’est pas difficile. Vous devriez lui plaire. Et
puis, il est sérieux ! Heureusement car je ne supporterais pas avoir un
ami débauché !
Jacques
: Bon, ça suffit ! J’aimerais parler avec Justine.
Justine
: (à Lucie) Vous croyez qu’il fera un bon mari ?
Lucie
: Je pense que oui. Pas aussi bon que le mien, bien sûr, mais le mien est
déjà pris ! (rire des deux femmes)
Justine
: Vous en avez de la chance ! C’est quoi, son métier ?
Jacques
: Dites-moi que je rêve !
Lucie
Justine
: Il est député, mais nous avons un magasin de meubles, que nous gérons
tous les deux. Grâce à Dieu, cela nous permet de nous absenter
chacun notre tour, et même parfois de laisser nos vendeurs se
débrouiller sans nous quand mon mari va à Paris dans ses réunions
politiques et que je ne suis pas disponible. Pour ça, il ne faut pas qu’il y
ait beaucoup de clients, bien sûr.
: (avec aigreur) Un député ? Pas possible ? Et vous êtes votre propre
patron…Qu’est-ce que j’aimerais être à votre place !
Jacques
: Je peux m’en aller si je vous dérange ?
Lucie
: Et vous, qu’est-ce que vous faites dans la vie ?
Justine
: (avec aigreur) Je me contente de placer des assurances. Que voulezvous, la richesse, l’amour, c’est toujours pour les mêmes ! Au fait, votre
magasin est bien assuré ?
Lucie
: Je crois, oui.
21
Justine
: Comment ça vous croyez ! Mais il faut en être sûre !
Lucie
: C’est-à-dire… C’est Henri qui s’en est occupé…
Justine
: Par exemple, êtes-vous assurée contre les termites ?
Jacques
: Et contre les raseurs ?
Lucie
: Les termites ? Heu… Je ne sais pas.
Justine
: Imaginez des termites dans un magasin de meubles ! Le festin tous les
jours ! Et si un touriste casse quelque chose dans le magasin ? Avezvous une assurance touristes ?
Lucie
: (larmoyante) Je ne sais pas !
Justine
: Vous êtes inconsciente ! Comme tous les gens trop riches ! (à Jacques)
Vous vous rendez compte ?
Jacques
: Je me rends compte que je n’ai pas pu en placer une !
Justine
: (se frottant les mains) Moi non plus, mais je sens que ça va venir ! (à
Lucie) Vous allez me montrer votre police d’assurance. Je vous dirai si
elle est correcte. Gratuitement, bien sûr, puisque vous êtes une amie
de Jacques. Sinon, je vous en proposerais une autre.
Lucie
: Vous êtes trop aimable, mais elle se trouve au magasin, justement.
Justine
: Eh bien, allons-y !
Lucie et Justine se lèvent et vont vers la porte du centre.Jacques est affolé.
Jacques
: (fort) C’est une plaisanterie ? Je croyais que Justine était venue me voir,
pour qu’on puisse faire connaissance ! Votre histoire d’assurance, c’est
quand même secondaire, non ?
Justine
: (sévère) Vous dites cela parce que vous êtes plus riche que moi, et que
vous voulez me le faire sentir !
Jacques : Jamais de la vie !
Lucie
: Enfin, Jacques, tu n’es pas à une journée près tout de même ? Tu
verras Justine demain. Et n’oublie pas ce que tu m’as promis, à propos
d’Henri !
Jacques
: Promis ? Mais je…
Justine
: (l’interrompant) Chose promise, chose due. Moi je vous promets de venir
demain. Soyez sage en attendant.
22
Lucie et Justine sortent par le centre. Jacques, complètement ahuri, se promène sur
scène en gesticulant.
Jacques : Elles se payent ma tête, c’est pas possible ! Je sens l’adrénaline en train
de monter. Je ne pensais pas que ce soit si compliqué de se marier ! …
C’est de ma faute : je n’aurais jamais dû prendre trois rendez-vous
d’affilée… Et je n’aurais jamais dû le dire à Henri et à Lucie. Surtout à
Lucie… Quelle catastrophe cette nana ! Si c’est ça le mariage je ferais
mieux de penser à autre chose…
Martine entre par le fond, le panier (ou le sac) à la main.
Jacques : (hargneux) Qu’est-ce que c’est encore ?
Martine
: Eh ben ! Merci pour le comité d’accueil ! Si vous avez l’intention de
m’engueuler chaque fois que je rentre, je ferais mieux de ne pas sortir !
Jacques : (se calmant brusquement) Excusez-moi, c’est Lucie qui m’a énervé, elle
est venue en même temps que Justine.
Martine
: Justine ?
Jacques : C’est la troisième prétendante. Lucie l’a accaparée et je n’ai pas pu
placer un mot.
Martine
: Et elle a l’air bien, cette Justine ?
Jacques
:
Martine
: Ca c’est rigolo : après la luxure et l’orgueil, l’envie !
Jacques
: Qu’est-ce que vous racontez ?
Martine
: Rien. Je disais que j’ai acheté de quoi nous mitonner un sauté de veau.
J’ai trouvé une recette drôlement alléchante…
Jacques
: (intéressé) Ah oui ? C’est pour ce soir ?
Martine
: Si vous êtes sage. N’oubliez pas que demain, vous aurez de l’ouvrage
avec vos trois bonnes femmes !
Difficile à dire ! Elle a passé son temps à essayer de caser une
assurance à Lucie. Et elles sont parties toutes les deux au magasin !
Justine a dit qu’elle reviendrait demain… Mais maintenant que j’y pense,
elle m’a l’air assez envieux…
RIDEAU
23
ACTE II
La scène est vide. On sonne. Martine, le livre de cuisine à la main, entre par cour et
va ouvrir au centre. Henri entre, les bras tendus.
Henri
: Bonjour ma biquette !
Martine
: (se reculant) Bonjour Riri !
Henri
: Eh bien quoi, tu ne veux plus que je t’embrasse ?
Martine
: Tu sais bien que monsieur Jacques peut entrer d’un moment à l’autre !
Henri
: (indigné) Sans prévenir ? C’est incroyable !
Martine
: Pourquoi ? Il est chez lui, non ?
Henri
: (gêné) Ah oui, c’est vrai. Vivement qu’il parte quelques jours ! …
(s’asseyant) Alors, comment ça se passe, ton nouveau boulot ?
Martine
: Tu ne devrais pas t’asseoir, tu sais !
Henri
: Là tu exagères ! Ici, je suis un peu comme chez moi. Je me suis assis
de nombreuses fois dans ce fauteuil sans demander la permission et
Jacques ne s’en est jamais offusqué !
Martine
: Oui mais moi je ne suis pas à l’aise.
Henri
: (se levant) Bon, si tu y tiens… Il est content de toi au moins ?
Martine
: (posant le livre de cuisine sur la table) Ca, c’est à lui qu’il faudra le
demander. En tous cas, je me mets à la cuisine et ça a l’air de lui plaire.
Henri
: Ca me plaît à moi aussi ! Au fait, essaye de savoir s’il doit s’absenter
dans les prochains jours. Quand je connaîtrai la date je demanderai à un
de mes collègues d’appeler Lucie pour lui dire qu’on a une session.
Martine
: Pourquoi ne pas t’appeler directement ?
Henri
: (s’asseyant) Parce que ça fait plus vrai ! Quand elle va me l’annoncer,
je vais m’écrier : « Encore ? La barbe ! » Et je viendrai passer la nuit
ici. Je sais ce que tu vas me dire…
Lucie entre par le centre.
24
Henri
: …« c’est moche… Ce n’est pas moral ! »
Lucie
: Désolé mais la porte était mal fermée…
Martine sursaute, Henri se lève d’un bond.
Lucie
: Qu’est-ce qui est moche ? Qu’est-ce qui n’est pas moral ? Qui est cette
femme ?
Henri
: Heu… Tu n’es pas au magasin ?
Lucie
: Qu’est-ce qui te fait croire ça ?
Henri
: Je … Heu … Je te présente Martine. C’est la nouvelle femme de ménage
de Jacques. Nous faisions connaissance. Martine, je vous présente mon
épouse, Lucie.
Martine
: Bonjour madame.
Lucie
: C’est la connaissance qui est moche et qui n’est pas morale ?
Henri
: (à Martine, lui faisant signe de partir. (Ton doctoral) Vous devriez finir
votre ménage avant que le patron ne rentre mon petit.
Martine sort précipitamment par cour en répondant.
Martine
: Oui monsieur. Vous avez raison monsieur.
Henri
: (à Lucie, sévèrement) Chérie, enfin ! Evite ce genre de réflexion, ça ne
se fait pas !
Lucie
: Ca se fait de venir faire la cour à la femme de ménage de Jacques ? Et
tu ne m’as pas répondu : Qu’est-ce qui est moche et pas moral ?
Henri
: (gêné) Eh bien… Je vais t’expliquer…
Lucie
: J’y compte bien !
Henri
: C’est très simple…
Lucie
: N’est-ce pas ?
Henri
: Voilà… Je … Je faisais la morale à (méprisant) cette Martine.
Lucie
: La morale, toi !
Henri
: Eh bien oui. Imagine qu’elle… qu’elle est… Elle est la maîtresse de
Jacques. Voilà, je l’ai dit !
Lucie
: (interloquée) Jacques a une maîtresse ? … Impossible. Je le saurais.
25
Henri
Lucie
: Eh bien tu le sais maintenant.
: Dans ce cas, pourquoi cherche-t-il à se marier avec une autre ?
Henri
: Parce que Martine ne veut pas l’épouser. Elle… Elle est mariée ! Alors,
tu comprends que cette situation ne peut pas durer !
Lucie
: C’est incroyable ! Et ça dure depuis longtemps ?
Henri
: Non… Enfin, oui… Je veux dire : tout est relatif n’est-ce pas !
Lucie
: Et il vient de l’embaucher comme femme de ménage ?
Henri
: Heu… Oui, justement. Pour amortir le choc. Pauvre Martine. Ca lui a été
moins pénible d’apprendre que Jacques allait la quitter en sachant
qu’elle ne le quitterait pas…
Lucie
:
Henri
: Heu… Oui bien sûr. Elle a beaucoup souffert oh là là qu’elle a souffert !
Mais il a bien fallu qu’elle se fasse une raison.
Lucie
: Et qu’est-ce qui est moche dans tout ça ?
Henri
: Eh bien… C’est que… Martine pensait qu’elle allait rester la maîtresse
de Jacques après le mariage ! Alors je lui disais que ce serait moche et
pas moral. Voilà. (mimique « ouf ! »)
Lucie
: Belle mentalité ! Mais pourquoi te mêles-tu de ça, toi ?
Henri
: (rapidement) Parce que c’est impensable : imagine que la femme que
Jacques va choisir serait cocue avant d’être mariée et le serait aussi
après, par sa propre femme de ménage, alors qu’elle ne sait pas
encore qu’elle va être choisie pour entrer en ménage !
Lucie
: Parle lentement quand tu dis des âneries, que je puisse en profiter !
Henri
: (grandiloquent) Tu me connais, pour moi, l’amitié c’est sacré ! Je ne
laisserai pas une aventurière flétrir le bonheur immaculé d’un être qui
m’est cher, et souiller bassement le mariage d’un ami qui mérite de finir
ses jours dans la sérénité. (il s’assoit)
Lucie
: C’est grave !
Henri
: (surpris) Pardon ?
Lucie
:
Attends, ce n’est pas très clair… Parce qu’elle est au courant de la
démarche de Jacques ?
D’habitude tu gardes les phrases qui ne veulent rien dire pour tes
collègues politiciens. Alors je dis : c’est grave ! N’empêche que
Jacques m’a déçue. Oh que je suis déçue !
Jacques entre par le centre.
26
Jacques
: Tiens ! Il y a du monde ! Faites comme chez vous !
Henri
:
Lucie
: (pincée, tournant le dos) Bonjour Jacques.
Jacques
: Ca n’a pas l’air d’aller…
Henri
: (ramassant et brandissant le livre de cuisine) Je lui ai expliqué que tu
avais besoin de quelqu’un…
Jacques
(se levant) Salut Jacques ! C’est Martine qui nous a ouvert. Je l’ai
présentée à Lucie.
: De Martine ? Eh oui ma pauvre Lucie. Pour un célibataire, ça
s’explique.
Henri repose le livre sur la table.
Lucie
: Un célibataire qui ne le sera plus longtemps puisque tu as fait appel à
une agence en plus de ça !
Jacques
: En plus de quoi ?
Lucie
: En plus de ta … De ta bonne à tout faire !
Jacques
: Tu sais, en attendant de trouver une femme à épouser, j’en avais marre
de me débrouiller tout seul…
Lucie
: (se retournant, choquée) Oh !
Jacques
: C’est pour ça que je l’ai prise…
Lucie
: Oh !
Jacques
:
Lucie
: (scandalisée) Oh !
Jacques
: Je me suis demandé si je n’allais pas continuer à l’utiliser après mon
mariage !
Lucie
: Oh ! Là, vraiment, Jacques… Je ne suis pas fleur bleue mais je suis
choquée !
Jacques
: Pourquoi ? Ma femme en profiterait aussi !
Lucie
: (scandalisée) Hein ? Mais c’est… C’est…
Henri
: Ben quoi ma chérie ? Ils ne seraient pas les premiers…
Ben oui, quoi, c’est quand même mieux à deux ! (à Henri, montrant le
livre) Sans compter qu’elle fait des progrès cette petite ! Hier soir, par
exemple… (se frottant les mains) Hé hé… !
27
Lucie
: (glapissant) Toi aussi tu t’y mets ! Tu me dégoûtes ! Tu ne vas pas me
proposer d’en faire autant au moins ?
Henri
: Ca ne déplairait pas, si on en trouvait une aussi bien…
Lucie
: (affolée) Hein ? Je m’en vais ! On s’en va ! Viens, Henri, ne restons pas
une minute de plus. Il a déjà commencé à te débaucher ! C’est un
nouveau Raspoutine. Mais je ne le laisserai pas faire ! Je me mettrai
en travers de son chemin !
Lucie tire Henri par la main et ils sortent précipitamment par le centre.
Jacques
: Ah, ça ! Quelle mouche la pique ? Si elle n’aime pas la cuisine, qu’elle
n’en dégoûte pas les autres ! Qu’elle se mette au régime et qu’elle me
fiche la paix !
Martine entre par cour.
Martine
: Ils sont partis ? J’ai entendu crier…
Jacques
: C’est Lucie qui a piqué une crise. Je me demande bien pourquoi !
Martine
: J’ai fait les chambres. Maintenant… (elle va prendre le livre) Je vais
préparer le repas. J’ai acheté du magret…
Jacques
: Bien ! Le magret m’agrée…
Martine
: Et un chou de Bruxelles.
Jacques
: Un seul ?
Martine
: Ben oui, il est assez gros !
Jacques
: Il ressemble à quoi ?
Martine
: A un chou. Il est blanc mais c’est vrai qu’il n’a pas d’accent…
Jacques
: C’est un chou-fleur !
Martine
: Je ne l’ai pas eu chez le fleuriste !
Jacques
: (la poussant vers jardin) Relisez bien la recette avant de le faire cuire.
Et tâchez que ce soit aussi bon qu’hier soir !
Martine sort par jardin. On sonne. Jacques va ouvrir au centre, Amélie entre.
Jacques
: Tiens ! Bonjour Amélie. Je ne vous attendais que cet après-midi…
Amélie
:
Pourquoi ? J’avais dit : « je reviendrai demain » Je n’ai pas précisé
l’heure ! Je peux m’asseoir ?
28
Amélie va s’asseoir. Jacques s’assoit à côté d’elle.
Amélie
: Alors, mon petit Jacques, qu’attendez-vous du mariage ?
Jacques
: Eh bien… L’amour, bien sûr… la vie de famille…
Amélie
: (inquiète) De famille ? Vous voulez des enfants ?
Jacques
: Je ne me suis pas encore posé la question… Pourquoi ? vous ne les
aimez pas ?
Amélie
: Je les aime beaucoup… Surtout chez les autres. Mais si je devais en
avoir, il faudrait attendre. Vous me voyez enceinte, sur scène ? Le
public n’apprécierait pas. Et je ne veux pas abîmer ce corps de rêve…
Jacques
: Alors, pour vous, c’est quoi, le mariage ?
Amélie
: Un petit mari qui me soigne, qui s’occupe de moi, qui m’emmène au
spectacle, au restaurant, qui m’écoute répéter, qui m’encourage…
Jacques
: Un club de fans à lui tout seul, quoi ! Dites-moi, C’est la première fois
que vous avez recours à une agence matrimoniale ?
Amélie
: (gênée) Non, à quoi bon vous le cacher… Mais ça n’a jamais marché.
Les garçons que j’ai rencontrés m’ont semblé trop égoïstes, trop
orgueilleux…
Jacques
: Eh ben ! Faudra les citer dans le livre des records !
Amélie
: (se rapprochant de lui) Mais vous, autant vous le dire tout de suite, vous
me plaisez beaucoup.
Jacques
: (se levant et s’éloignant) J’en suis flatté ! Mais je vous l’ai dit, je dois
souvent m’absenter pour mon travail. Aurez-vous la patience d’attendre
mon retour ?
Amélie
: (le suivant) Votre travail… Est-ce si important ?
Jacques
: Il faut bien que je gagne ma croûte !
Amélie
: (s’arrêtant) Ah oui, bien sûr… Mais je pourrais aller avec vous, je vous
aiderais. Je pourrais même faire partie du spectacle ! Je chanterais
pendant l’entracte…
Jacques : Oh là ! Pour ça, il faudrait faire partie de la troupe ! Et il faudra bien que
quelqu’un s’occupe de la maison…
Amélie
: Mais vous avez une domestique !
Jacques
: Je me demandais justement si j’allais la garder une fois marié.
Amélie
: Mais bien sûr ! Nous la garderons. Fait-elle bien la cuisine ?
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Jacques
: Elle commence à s’y mettre.
Amélie
: Parfait ! Si elle fait la cuisine, les commissions… et le ménage, bien
entendu, cela nous laissera du temps pour faire les fous.
Jacques
: Faire les fous ? C’est tout à fait mon genre…
On sonne. Jacques va ouvrir au centre. Lucie entre et se dirige vers Amélie en
écartant Jacques.
Lucie
: Il me semblait bien vous avoir vue entrer. Vous êtes une prétendante
envoyée par l’agence matrimoniale, n’est-ce pas ?
Amélie
: (surprise) Oui, en effet !
Lucie
: Alors, tant pis si ça ne me concerne pas, je veux vous mettre en garde.
Méfiez-vous, Jacques n’est pas ce que vous croyez ! Si vous l’écoutez,
il vous emmènera hors des sentiers de la vertu, tout droit en enfer !
Jacques
: Qu’est-ce qui te prend ? Tu as perdu un boulon ?
Lucie
:
Jacques
: (énervé, parlant fort) Je me conduirai comme je veux ! Jésus est bien
descendu du chat !
Lucie
: Qu’est-ce que tu dis, mécréant ?
Jacques
: Si tu lisais la bible, au lieu des potins mondains, tu saurais que Jésus
est descendu par minou !
Lucie
: (repartant, très digne) C’est ça, plaisante avec le Seigneur ! Mais je
t’avais prévenu : je ne laisserai pas un ami s’égarer dans les méandres
du vice ! Raspoutine !
Mon pauvre Jacques, je ne te laisserai pas te conduire comme un
animal… Comme un chien ! Comme si tu descendait du singe !
Lucie sort par le centre
Jacques
: (calmé) Qu’est-ce qu’elle veut que je rase ?
Amélie
: Qui est-ce ?
Jacques
: Une amie… Enfin, je croyais !
Martine entre par jardin.
Amélie
Jacques
: Vous avez de belles fréquentations ! Faut-il prévenir l’hôpital psychiatrique
quand on vient vous rendre visite ?
: Enfin, c’est la femme d’un ami. Le pauvre vieux ! … Mais elle n’est pas
30
folle, d’ordinaire !
Amélie
: Comment ça, d’ordinaire ?
Jacques
: Ben… C’est que… Heu…
Martine
: Elle a des moments d’illumination. Dans ces cas-là, elle se prend pour
Sainte Zina.
Amélie
: Sainte Zina ? Qui est-ce ?
Martine
: Une pécheresse qui avait fait le vœu d’empêcher les gens de se marier
pour qu’ils ne puissent pas se tromper ensuite.
Amélie
: Tiens, je ne connaissais pas ! (à Jacques) Et vous ?
Jacques
: Non ! Heu oui ! C’est la patronne de la prévention !
Martine
: Ceci dit, je retourne à mes fourneaux. Le chou est en train de cuire.
Jacques
: Merci, hein…
Martine sort par jardin.
Amélie
Jacques
: Que disions-nous ?
: Je ne sais plus où j’en suis !
On sonne. Jacques va ouvrir au centre, Justine entre.
Jacques
: Justine ! Je ne vous attendais pas si tôt !
Justine
: J’avais prévu de venir cet après-midi, mais je viens de rencontrer Lucie,
par hasard, et elle m’a dit de venir maintenant. Elle a même ajouté :
« Plus on est de folles, moins on rigole ! » Je n’ai pas très bien
compris…
Jacques
: Elle a juré de me casser la baraque, cette andouille !
Amélie
: (à Justine) On peut savoir qui vous êtes ?
Justine
: Je m’appelle Justine. Et vous-même ?
Amélie
: Je suis Amélie, la fiancée de Jacques.
Jacques et Justine (ensemble) : Comment ?
Justine
: Moi aussi, je suis sa fiancée.
Amélie
: Oh ! C’est une imposture !
Justine
: Soyez polie, imposture vous-même !
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Jacques
: (énervé) Arrêtez le massacre ! Je ne suis pas encore fiancé, vous le
savez toutes les deux. J’ai demandé à voir plusieurs personnes avant
de me décider, ça me paraît normal ! Alors on se calme ou on s’en va !
Amélie
: Je comprends mieux. Mais enfin mon chéri, (montrant Justine) tu ne vas
pas me comparer à ça !
Justine
: Si je n’ai qu’elle comme rivale, je n’ai pas d’inquiétude à avoir, n’est-ce
pas chéri ?
Jacques
: (de plus en plus énervé) Je ne suis le chéri de personne ! Ca suffit
comme ça. Vous êtes trois sur la liste et vous avez intérêt à vous
entendre.
Amélie
: Trois ? Où est la troisième ?
Jacques
: Elle devrait venir tout à l’heure, mais si elle rencontre Sainte Zina, elle
est capable de rappliquer tout de suite.
Justine
: Sainte Zina ?
Amélie
: La folle qui vous a dit de venir.
Justine
: Ah, Lucie ! … Mais pourquoi l’appelez-vous comme ça ?
Jacques
: Parce qu’elle veille sur ma vertu et veut m’empêcher de me marier !
Justine
: C’est vrai qu’elle est bizarre : imaginez qu’elle ne veut pas signer ma
police d’assurance !
Jacques
: Ah ? Elle ne serait pas si folle que ça ?
Martine entre par jardin
Martine
: Monsieur ! Vous pourriez venir un moment s’il vous plaît,
Jacques
: Maintenant ? Pourquoi ?
Martine
: Mon chou…
Jacques
: Je vous en prie !
Martine
: Mon chou-fleur ! Il est en train de cuire et j’ai des problèmes avec la
gazinière pour faire cuire le magret.
Jacques
:
Sans doute parce qu’elle est tout électrique ! J’arrive. (à Amélie et
Justine) Excusez-moi, mesdames. Je reviens tout de suite.
Martine sort par jardin, suivie de Jacques. Amélie et Justine se regardent avec
mépris, puis tournent la tête. Justine vient s’asseoir en évitant de regarder Amélie.
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Amélie
: Donc, vous voulez épouser Jacques, vous aussi ?
Justine
: Pourquoi pas ? Vous allez me dire que je ne suis pas de votre monde,
que je ne suis pas assez riche pour me comparer à vous ? Que pour un
homme, le meilleur parti (frottant le pouce et l’index) c’est le meilleur
revenu ?
Amélie
: Ma pauvre petite, ne soyez pas si envieuse ! Remarquez, c’est vrai que
vous n’avez aucune chance. Regardez vous, regardez moi, vous
comprendrez ! L’autre non plus d’ailleurs, le numéro trois. Point n’est
besoin de la voir pour savoir qu’elle ne m’arrivera pas à la cheville !
Justine
: Vous au moins, vous n’avez pas de complexe ! Vous devez avoir un
miroir déformant… C’est logique d’ailleurs : en vous voyant, n’importe
quel miroir se tordrait de rire !
Amélie
: (se levant) Oh ! Mais vous n’avez rien à dire, vous, avec votre tête de
décapitée ! Vous ressemblez à un olivier après le passage d’une nuée
de sauterelles ! A un épouvantail !
Jacques entre par jardin.
Justine
: (se levant, nez à nez avec Amélie) Si j’étais un épouvantail vous
seriez déjà loin, oiseau de malheur !
Martine entre par jardin.
Jacques
: (allant s’interposer) Vous n’allez tout de même pas vous battre pour
moi ? Remarquez, ça serait flatteur !
Amélie et Justine s’assoient. On sonne, Martine va ouvrir au centre. Gisèle entre.
Martine
: Aïe, voilà Gisèle (à Jacques) C’est le numéro trois !
Gisèle
: Plaît-il ?
Martine
: (à Jacques) Gisèle est venue hier quand vous n’étiez pas là. (à Gisèle)
Je vous présente Jacques.
Jacques
: (découragé, pleurant presque) Vous êtes ma troisième fiancée… Non,
je veux dire que l’agence m’a envoyé trois candidates au mariage. Les
deux autres sont là, en train de se chamailler comme un artiste avec
son percepteur, et vous arrivez sans crier station !
Gisèle
: Que dites-vous ?
Jacques
: Je veux dire sans crier gare !
Gisèle
: Je venais prendre des nouvelles de votre mère…
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Jacques
: (interloqué) De ma mère ?
Martine
: Eh bien oui, de votre mère. C’est gentil, non ?
Jacques
: Heu… Oui, c’est gentil…
Amélie
: (se levant) Je suis impardonnable, j’ai oublié de vous demander
comment allait votre mère !
Justine
: (se levant) Mon Dieu, je n’ai pas pensé à prendre des nouvelles de
votre maman !
Jacques
: (affolé, criant) Et mon père, vous vous en fichez ?
Gisèle
: (à Martine) Qu’est-ce qui lui prend ?
Martine
: C’est la paratonite ! Faites semblant de rien…
Gisèle
: Eh ben ! C’est grave en effet !
Amélie
:
(à Jacques) J’allais justement vous demander de me parler de vos
parents ! C’est que j’ai le sens de la famille !
Justine
: (à Jacques) Moi aussi. Vos parents m’intéressent beaucoup ! La famille
c’est sacré !
Jacques
: (toujours affolé) Je deviens fou ! Martine !
Martine
: Oui monsieur ?
Jacques
: Ma petite martine…
Martine
: Oui monsieur ?
Jacques
: Si vous me sortez de là je vous augmente !
Martine
: Vous avez besoin de repos, monsieur. Allez vous allonger un quart
d’heure, ça ira mieux après.
Jacques
: Ca c’est une idée !
Jacques sort précipitamment par cour.
Gisèle
: Pauvre homme ! J’espère que ça n’est pas contagieux !
Amélie et Justine retournent s’asseoir. Gisèle les suit. Elles regardent toutes les trois
dans une direction différente, essayant de prendre un air dégagé, mais se jetant de
temps en temps un coup d’œil. Quelques secondes passent.
Gisèle
: La température est ambiante, vous ne trouvez pas ?
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Justine
: Un peu fraîche pour la saison, tout de même. Hier matin, à la piscine, on
supportait son maillot de bain…
Amélie
: Moi j’en ai acheté un en fourrure, pour l’hiver.
Gisèle
: Décidément, il n’y a plus de saison !
Amélie et Justine (ensemble) : Ehhhh non !
Quelques secondes passent. Mimique de Martine : elles me rasent, je m’ennuie.
Gisèle
: D’après la météo, ça ne va pas s’arranger…
Amélie
: Oh, la météo, elle se trompe souvent.
Justine
: C’est vrai ! Par exemple, pour dimanche dernier, elle avait prévu une
dépression et il a plu tout le temps…
Gisèle
: Ah bon ? Décidément, il n’y a plus de saison !
Amélie et Justine (ensemble) : Ehhh non !
Mimique de Martine, qui en a par-dessus la tête.
Martine
: Votre conversation est des plus passionnantes !
Amélie
: En effet ! Elles n’ont pas grand chose à dire !
Justine
: Vous avez raison, elles ne sont pas très originales !
Gisèle
: J’ai l’impression d’être avec des enfants !
Martine
: Alors essayez de parler comme des grandes personnes !
Amélie, Gisèle et Justine se regardent et reprennent leur position de début.
Quelques secondes passent.
Justine
Amélie
: (à Amélie) C’est quoi, votre métier ?
: Je suis cantatrice. Mais je peux aussi être chanteuse, il faut savoir
rester simple !
Gisèle
: Cantatrice, c’est à dire que vous chantez des airs d’opéra ?
Amélie
: Entre autre, oui.
Quelques secondes passent dans les mêmes conditions que précédemment.
Justine
: (à Amélie) Vous habitez dans la région ?
Amélie
: Oui, j’ai un petit pavillon ici… dans le quartier chic naturellement !
35
Gisèle
: Ca doit coûter cher à entretenir !
Justine
: Toujours tout pour les mêmes !
Amélie
: Mais en ce moment, c’est infernal : je suis en pleins travaux. On me
refait le carrelage de la cuisine. Vous vous rendez compte ? C’est
commode pour faire à manger ! Je suis obligée d’aller tous les jours au
restaurant !
Justine
: Quand on peut se le permettre !
Gisèle
: C’est hors de prix, le restaurant !
Quelques secondes passent dans les mêmes conditions que précédemment.
Amélie et Justine (ensemble, à Gisèle) : Alors comme ça, vous…
Elles s’arrêtent, se regardent.
Amélie
: Vous voulez aussi épouser Jacques ?
Gisèle
: Je commence à me demander…
Martine
: (très vite) Bien sûr elle veut l’épouser, sans ça elle ne serait pas ici !
Justine
: (à Gisèle) Et pourquoi voulez-vous l’épouser ?
Gisèle
: Comment pourquoi ? Pour la même raison que vous j’imagine ! La vie
est tellement chère que ça devient impossible de vivre seule !
Justine
: Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?
Gisèle
: Dans la vie, je suis infirmière. En dehors je ne sais pas.
Amélie
: Et vous cherchez un compte en banque pour faire un beau mariage…
Gisèle
: Si je cherchais quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent, je ferais la cour
à un émir ou à un footballeur ! Mais à quoi bon… Pour s’en sortir, il suffit
de deux salaires et d’un sens profond de l’économie. A deux, on peut
peloter pour faire sa gratte !
Amélie, Justine et Martine (ensemble) : Hein ?
Gisèle
: Pardon ! On peut gratter pour faire sa pelote… C’est ma fourche qui a
langué…
Justine
: (ricanant) En tous cas, avec un footballeur, vous n’auriez aucune
chance !
Amélie
: (ricanant) Sinon pour faire des passes !
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Justine
: (à Amélie, riant) Et encore ! Elle serait fichue d’avoir le ballon !
Gisèle
: Riez si vous voulez, je maintiens qu’à deux, en faisant des économies,
on peut finir par devenir riche. Tenez, par exemple, je ne m’achète des
vêtements que lorsqu’il y a des soldes. Et je ne bois que de l’eau !
Martine
: Ah, ça ! Ca risque de ne pas plaire à monsieur Jacques, il ne boit que
du vin… Sans en abuser bien sûr !
Amélie
: Bravo, j’aime beaucoup le Bourgogne.
Martine
: Lui, c’est le Bordeaux.
Amélie
: Le Bordeaux, c’est ce que je voulais dire.
Justine
: Il n’y a rien de meilleur que le Bordeaux.
Gisèle
: (pleurnichant) Il faudra que j’essaye.
Justine
: (à Gisèle) J’espère au moins que vous êtes bien assurée ?
Gisèle
: Pourquoi faire ? Tout mon argent est à la banque.
Martine
: (en aparté) L’avarice maintenant, c’est complet !
Amélie
: Si j’ai bien compris, avec vous, le pauvre Jacques ne doit pas s’attendre
à une dot…
Gisèle
: La dot, c’est démodé, ça ne se fait plus. Pourquoi, vous en avez une,
vous ?
Amélie
: (se levant, prenant la pose) Ma dot, c’est moi !
Justine
: (ricanant) Avec ça, il ne serait pas fauché !
Gisèle
: (à Justine, ricanant) En effet ! Peut-être qu’en la louant à un cultivateur
elle pourrait faire fuir les oiseaux et les insectes !
Justine
: (riant) Mais pas à un éleveur, elle ferait peur aux bestiaux !
Amélie
: (s’énervant) Vous pouvez ricaner vous deux, on croirait deux gargouilles
échappées du zoo !
Gisèle
: (à Amélie, se levant et s’énervant) Ne parlez pas de zoo, si le gardien
passait, il vous mettrait en cage et pourrait doubler le prix de l’entrée !
Justine
: (à Amélie, se levant et s’énervant) Ca se moque des autres et ça ondule
comme une vache !
Martine
: Ca ondule, les vaches ?
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Justine
: Parfaitement, les vaches ont du lait.
Amélie
: (en colère) Retenez-moi, je vais faire un malheur !
Gisèle
: (en colère) Vous l’avez fait en venant au monde !
Martine
: (criant) Assez ! Je vous rappelle que monsieur Jacques essaye de se
reposer. S’il vous entend crier, vous perdrez toutes vos chances.
Amélie, Gisèle et Justine se calment et baissent la tête.
Martine
: J’ajoute qu’il a horreur des disputes. Alors vous avez intérêt à vous faire
mutuellement bonne figure. De toutes façons, il n’est pas disponible pour
le moment, alors partez toutes les trois. Vous reviendrez plus tard.
Amélie, Gisèle et Justine marchent vers la porte du centre.
Martine
: Et souvenez-vous : si vous vous rencontrez à nouveau devant lui, soyez
aimables, faites semblant de vous aimer, montrez que vous êtes bonnes
joueuses, sans cela ! (geste : ceinture ! )
Les trois sortent par le centre.
Martine
: Ouf ! La colère, ça manquait à la collection ! Pauvre monsieur Jacques,
il est mal barré ! Bon, qu’est-ce que j’ai fait de mon livre de cuisine,
moi…
Martine sort par jardin. Quelques secondes passent. La porte côté cour s’entrouvre,
la tête de Jacques apparaît.
Jacques
: Je me suis réveillé brutalement ! Est-ce qu’elles se seraient arrêtées de
parler ? (il entre) Elles sont parties ! C’est trop beau ! Sacré Martine, il
faudra que je l’augmente… Au fait, on n’a pas encore fixé son salaire…
(il s’assoit) Qu’est-ce qui m’a pris de fixer trois rendez-vous le même
jour ! … Encore, si elles ne s’étaient pas rencontrées… D’un autre côté,
il faut reconnaître que c’est très instructif...
On sonne.
Jacques
: (fort) J’y vais !
Jacques va ouvrir au centre. Henri entre.
Henri
: (déçu) C’est toi ?
Jacques : Attends que je vérifie… (il se tâte) Oui, c’est moi. Qui pensais-tu trouver
en venant ici ? Le grand turc ?
Henri
: Tu es seul ?
Jacques
: Oui, à part Martine, qui bosse dans la cuisine. Pourquoi ? Tu as perdu
38
quelque chose ? Ta femme peut-être ? Est-ce qu’elle a fini sa crise ? Tu
as compris, toi, ce qui lui a pris ?
Henri
: Ben… Pas vraiment… Elle doit s’imaginer des choses…
Jacques
: Quelles choses ?
Henri
: Peut-être que… Toi et Martine…
Jacques
: Non ! Elle penserait que Martine et moi…
Henri
: Va savoir !
Jacques
: Et quand bien même ! Ca ne la regarde pas !
Henri
: Non, bien sûr, mais comme tu cherches à te marier, ça lui a peut-être
paru bizarre…
Jacques
: Et c’est pour ça qu’elle se prend pour Sainte Zina ?
Henri
: Pardon ?
Jacques
: C’est la patronne de la prévention.
Henri
: Sois un peu sérieux. Puisque nous sommes seuls, je vais te faire part
des résultats de mon enquête sur deux de tes prétendantes.
Jacques
: Si tu avais dit « de tes fiancées » je te fichais dehors ! Alors, de laquelle
veux-tu me parler ?
Henri
: Comment s’appelle-t-elle déjà ?
Jacques
: Amélie ? ou…
Henri
: (l’interrompant) C’est ça. Amélie.
Jacques
: Tu as déjà appris des choses à son sujet ? Depuis hier ? Chapeau la
rapidité ! Tu aurais dû t’engager chez les pompiers, tu aurais éteint les
incendies avant qu’ils ne se déclarent !
Henri
: C’est qu’elle est connue des services de police ! C’est… C’est une
droguée !
Jacques
: (stupéfait) Amélie ? Elle se drogue ? Tu es sûr de ce que tu dis ? Mais
il faut prévenir la brigade des stups ! Qu’est-ce qu’elle fait ta police ?
Henri
: (gêné) Oh, ce n’est pas encore très grave, elle fume juste un peu de
hachisch… La police attend… Heu… de savoir où elle se fournit…
Jacques
: (intéressé) Ah oui, je vois… C’est comme au cinéma, il faut remonter la
filière pour coincer tout le réseau ! … Je vais essayer de la faire parler,
ça m’intéresserait de suivre une enquête.
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Henri
: (embarrassé) Non, non, ne te mêles pas de ça, laisse faire la police, tu
finirais par être suspecté, tu pourrais avoir des ennuis …
Jacques
: Ne t’inquiète pas ! Je ne suis pas né de la dernière pluie ! … Et pour
Justine, tu n’as rien j’espère ?
Henri
: (cherchant, sans conviction) Oh, elle… Ce n’est pas la même chose…
Jacques
: Je m’en doute, je n’ai tout de même pas attiré toutes les droguées du
département !
Henri
: (rire forcé) Tu penses ! Une suffit largement !
Jacques : Alors, qu’est-ce qu’elle a Justine ? Des crises de delirium tremens ? Ou
très épais ? Elle a volé la tour Eiffel ?
Henri
: Elle… (trouvant soudain) Parfois, elle se met à boire ! Et quand elle est
soûle, elle ne sait plus ce qu’elle fait. Tu te vois avec elle, dans une
réunion, si elle se met brusquement à danser le tamouré …
Jacques
: Le tamouré ? Quelle drôle d’idée ! Pourquoi justement le tamouré ?
Henri
: (agacé) C’est une façon de parler ! Je veux dire qu’elle est capable de
faire n’importe quelle bêtise, qu’elle ne se contrôle plus dans ces cas-là.
Alors ça pourrait te mettre dans une situation impossible…
Jacques
: Je vois, je vois… Enfin, j’imagine. Eh ben dis donc, je n’ai vraiment pas
de chance ! Je vais aller dire ce que je pense à l’agence. (mimant)
Toutes nos correspondantes sont triées sur le volet, monsieur. Toutes
plus sérieuses les unes que les autres !
Henri
: (inquiet) A ta place je laisserais l’agence en dehors de tout cela. Et je
laisserais aussi tomber les trois nanas qui veulent te mettre le grappin
dessus.
Jacques
: Les trois, carrément ? Tu n’as pourtant rien trouvé contre Gisèle !
Henri
: Elle ce n’est pas la peine, elle te croit mala… (il met la main devant la
bouche)
Jacques
: Qu’est-ce que tu dis ?
Henri
: Rien ! … Enfin… Elle te croit mal parti avec les deux autres, elle est
comme moi.
Jacques
: Alors je la plains !
Henri
: Mais, tu sais, je crois qu’elle est un peu… (geste du doigt sur la tempe)
Jacques
: Qu’est-ce que tu veux dire ? Qu’elle est cinglée ?
40
Henri
: Peut-être pas complètement…
Jacques
: Ah bon, tu me rassures ! Il y a une petite chance pour qu’une des trois
soit à moitié normale. Super !
Martine entre par jardin.
Martine
: Monsieur Jacques ! Le repas va être trop cuit !
Jacques
: (à Henri) Tu as entendu ? Je ne te mets pas dehors mais…
Henri
: Mais tu voudrais que je parte ! Compris. A bientôt !
Henri sort par le centre.
Jacques
: Ma pauvre Martine ! J’en apprends de belles sur mes futures femmes !
Martine
: Une seule vous suffirait…
Jacques
: Je crois que même une seule, ce serait trop ! Entre une droguée, une
poivrote et une folle, je sens que je vais avoir du mal à choisir !
RIDEAU
ACTE III
Jacques fait les cent pas.
Jacques : Aujourd’hui, il faut que j’en finisse. Plus j’y pense, moins je suis sûr de
vouloir passer le reste de ma vie avec une de ces trois bonnes femmes !
Seulement c’est moi qui suis allé les chercher, alors je ne peux pas les
renvoyer comme ça, sans explication… Je dois jouer le jeu avec elles….
Mais c’est vrai qu’on n’est pas si mal quand on est seul… Surtout quand
on a une bonne cuisinière !
On sonne.
Jacques : (énervé) Elles ne vont pas recommencer à venir en avance ! C’est que je
perds patience, moi !
41
Jacques va ouvrir au centre, Henri entre.
Henri
: Hou là ! Tu as ta tête des mauvais jours, toi !
Jacques : C’est que je commence à me demander si je ne vais pas rester vieux
garçon !
Henri
: (réjoui) Ha bon ? Tu es déçu ?
Jacques : On dirait que ça te fait de la peine !
Henri
: (se reprenant) Bien sûr, ça me fait de la peine ! Je n’aimerais pas que tu
finisses tes jours dans la solitude… Encore que ça vaudrait peut-être
mieux que de tomber sur une mégère ou une femme qui te trompe !… A
ce propos, Tu ne devais pas t’absenter, ces jours-ci ?
Jacques : Si, justement. Et très bientôt, en plus (Henri se frotte les mains) C’est
pour ça que je veux régler tous mes problèmes aujourd’hui.
Henri
: Tu as raison… (prenant un air détaché) Ta femme de chambre n’est pas
là ? Tu en es content ?
Jacques : Martine ? Tu avais raison, c’est une perle ! Quand elle a fini son travail,
elle passe son temps à potasser des recettes de cuisine ! C’est
probablement ce qu’elle est en train de faire. Tu veux la voir ?
Henri
: Ben non, puisque que tu es là…
Jacques : Pardon ?
Henri
: (se reprenant, bredouillant) puisque que tu es là… Près d’elle… elle ne
peut pas avoir de problème… Mais si c’était le cas, n’hésite pas à tout
me dire, je me sens un peu responsable… après tout c’est moi qui te l’ai
recommandée… Tu comprends ?
Jacques : Non, ce n’est pas clair du tout. Si elle avait des problèmes, je ne vois
pas ce que tu pourrais y faire. Par contre, tu ferais pas mal de calmer ta
femme, qui vient régulièrement mettre la pagaille quand je reçois mes
candidates. (menaçant) Je te préviens que si elle continue je vous fiche
dehors tous les deux et je ne vous reverrai plus jamais !
Henri
: Et je ne pourrai plus venir voir… Heu…Venir te voir ?
Jacques : Plus jamais !
Henri
: Oh mais c’est que ça ne va plus, ça !
Martine entre par cour.
Henri
: (la suivant en souriant) Tiens, bonjour Martine, comment allez-vous ?
42
Martine
: Bonjour Monsieur. (elle se déplace de façon à ce que Jacques soit entre
Henri et elle) Je vais toujours à pieds, comme vous voyez.
Jacques : (à Henri) Tu as bien compris ce que je t’ai dit ? Alors va faire la leçon à
Lucie. Essaye de la reprendre en main.
Henri
:
(regardant ses mains) Reprendre en mains… (regardant Martine)
Dommage que tu parles de Lucie ! Enfin, tu as raison, je vais essayer.
Henri sort par le centre.
Jacques : Alors, ma petite Martine, vous vous en sortez ?
Martine
: C’est vous qui devriez me le dire ! Pour moi, tout va bien…
Jacques : Il faut que je vous dise : je dois partir après-demain pour quelques jours.
Martine
: (déçue) Ah bon ? Déjà ?
Jacques : Il faut que je gagne ma croûte ! Mais je pars tranquille, sachant que vous
êtes là, maintenant. Vous pouvez venir ici tant que vous voulez… Mais
évitez de faire entrer qui que ce soit d’autre.
Martine
: Qui que ce soit ? Même Monsieur Henri ?
Jacques : Pourquoi justement Henri ?
Martine
: (gênée) Ben… Depuis que je travaille ici, il vient souvent, il est comme
chez lui…
Jacques : Justement, je trouve qu’il en prend un peu trop à son aise. Il faudra que
je lui en parle. (riant) Remarquez, quand on connaît Lucie… ce n’est pas
étonnant qu’il cherche toutes les excuses pour partir de chez lui… Mais il
ne faudrait pas qu’il prenne racine chez moi !
Martine
: Si vous devez partir après-demain, comment allez-vous faire avec les
trois nanas ?
Jacques : C’est tout simple : il faut que je me décide aujourd’hui !
Martine : Vous les connaissez à peine. Ce ne serait pas raisonnable de vous
engager pour la vie si vous n’êtes pas vraiment sûr de vos sentiments !
Jacques : Vous savez, ma petite Martine, des sentiments, je n’en éprouve aucun…
Enfin, pour ces trois-là !
Martine : Alors, si aucune ne vous plaît, vous allez retourner à l’agence, mettre une
autre annonce ?
Jacques : (tendrement) Je ne pense pas. La femme de ma vie, je la trouverai peutêtre par hasard…
43
Martine
: Vous savez ce que je ferais à votre place ?
Jacques : Dites-moi.
Martine
: J’ai la nette impression que vos trois candidates ne sont pas sincères.
Moi je les inviterais à boire un thé, ou autre chose, et je les laisserais un
moment seules. Si elles s’entre-tuent, l’élimination se fera d’elle-même.
Jacques
: (riant) Vous êtes radicale ! (sérieux) Mais je n’ai pas de thé. Je vais en
acheter, l’idée est bonne.
Martine
: Enfin, ça ne me regarde pas. Faites ce que vous voulez.
On sonne. Martine va ouvrir. Gisèle entre.
Gisèle
: J’espère que je suis la première ?
Jacques : Bonjour Gisèle. Oui, vous êtes la première. D’ailleurs vous êtes encore
en avance !
Gisèle
: (avançant et lui donnant un petit paquet) Je voulais vous donner un petit
cadeau.
Martine
: (en aparté) Tiens, elle ne serait plus avare !
Jacques : (interloqué) Un cadeau ? Pour moi ? Qu’est-ce que c’est ?
Martine : (en aparté) Et Henri qui pensait l’avoir éliminée avec son histoire de
maladie !
Gisèle
:
C’est du Ramaxitate de Glamarium. Un médicament que j’avais en
réserve, pour la crèche où je travaille.
Martine
: (en aparté) Je comprends mieux !
Jacques : Un médicament ? Pour une crèche ? Mais je ne suis plus un bébé !
Martine
: Ca je n’en suis pas sûr !
Gisèle
: C’est bon pour tout ! J’en donne aux petits quand ils sont malades. Je ne
connais pas bien la paratonite, mais de toutes façons ça ne peut pas
vous faire de mal !
Jacques : (se tapotant la tempe avec l’index) La para… Henri a dû se tromper, ce
n’est pas Justine, c’est elle qui…
Gisèle
: Pardon ?
44
Jacques
: (prenant le paquet) Rien. Merci pour cette charmante attention !
Asseyez-vous. (à Martine, lui donnant le paquet) Tenez, mettez ça dans
la cuisine.
Martine sort à jardin. Gisèle s’assoit.
Gisèle
: Comment va votre mère ?
Jacques : (ahuri) Encore ? Qu’est-ce que vous avez toutes avec ma mère ? C’est
une obsession !
Gisèle
: Ne m’en veuillez pas, mais je trouve très courageux de votre part de vous
occuper d’elle.
Jacques : M’occuper d’elle ? Je n’ai pas beaucoup à m’en occuper puisqu’elle est
morte !
Gisèle
: (se levant en glapissant) Elle est décédée ? Mon pauvre Jacques ! Je
suis vraiment désolée ! Je vais me trouver mal… (elle se laisse tomber
sur le siège)
Jacques : Qu’est-ce qui vous arrive ? Attendez, je vous donne un cordial. (il va
chercher une bouteille et un verre, verse et revient)
Gisèle
: Vous prenez bien la chose ! C’est courageux, surtout dans votre état !
Jacques : (lui donnant le verre) Dans mon état ? (elle boit et grimace)
Gisèle
: C’est fort ! Qu’est-ce que c’est ?
Jacques : De l’eau de vie. Ce n’est pas ça qui va vous faire peur n’est-ce pas ? (il
en reverse)
Gisèle
Jacques
Gisèle
: (éméchée) Vous êtes un ange. (riant) c’est de l’eau de vie d’ange !
: Vous ne supportez pas l’alcool ? Je croyais pourtant… Au fait, je vais
devoir vous laisser un moment, j’ai une course à faire.
: Jacques… Jurez-moi que vous n’êtes pas contagieux !
Jacques : Que je ne suis pas quoi ?
On sonne.
Jacques : (fort, à Martine) J’y vais !
Jacques va ouvrir au centre, Henri entre pendant que Gisèle se ressert..
Henri
: Lucie n’est pas là ?
Jacques : Tu vois bien !
45
Henri
: Elle n’est pas à la maison, alors je me demandais…
Jacques : Dans le fond, tu tombes bien. Tiens compagnie à Gisèle, je dois sortir.
Jacques sort par le centre en grommelant.
Jacques : Je vais en trouver où, du thé ? A la supérette ? (fort, à Martine) Martine,
je sors un moment !
Henri va s’asseoir près de Gisèle, qui est à moitié soûle.
Henri
: Alors, vous pensez avoir vos chances avec Jacques ?
Gisèle
: Sa rapatonite… Patoranite… paronatite…
Henri
: Paratonite.
Gisèle
: C’est ça. Ca ne doit pas être bien avancé, sa figure ne fait pas de plis !
Henri
: Hum… C’est long à venir, vous savez !
Gisèle
: Vous non plus, vous n’avez pas de plis. Vous êtes mignon vous savez !
Vous vous appelez comment déjà ?
Henri
: Henri.
Gisèle s’affale. Henri la redresse et l’aide à se lever.
Henri
: Martine !
Martine entre par cour.
Martine
: Oui, qu’est-ce qu’il y a ?
Henri
: Gisèle est… malade… (geste du poing devant le nez) Je crois qu’elle
devrait se reposer.
Martine
: Amenez-là dans la chambre, qu’elle s’allonge un peu.
Henri se dirige vers la porte à cour en soutenant Gisèle. On sonne. Martine va
ouvrir au centre. Lucie entre, laissant la porte ouverte, et voit le couple enlacé entrer
dans la chambre.
Gisèle
: (voix pâteuse) Merci Riri !
Lucie
: (scandalisée) Mais c’est Henri ! Avec une femme !
Martine
: (en aparté) Oh là là ! Je ne suis pas sortie de l’auberge ! (à Lucie) C’est
Gisèle qui a eu un malaise. Votre mari l’emmène dans la chambre pour
qu’elle se repose.
46
Lucie
: Vous croyez vraiment que c’est pour qu’elle se repose ? Et elle l’appelle
Riri ! Vous êtes naïve ma petite ! Mon Dieu quelle horreur ! (la main sur
le cœur) Mon cœur va lâcher j’en suis sûre !
Martine
: Venez dans la cuisine, j’ai un médicament qui soigne tout, paraît-il. C’est
du ramaxi… Je ne sais plus !
Martine sort à jardin en soutenant Lucie qui geint.
Lucie
: Mon Dieu, aidez-moi ! Quelle histoire ! Je ne m’en remettrai pas !
Henri entre à cour. Justine entre au centre.
Justine
: La porte était ouverte, je me suis permise…
Henri
: Permettez-vous ! Au point où j’en suis !
Justine
: Que se passe-t-il ?
Henri
: Gisèle a eu un malaise. Elle se repose.
Justine
: Un malaise ? Jacques est au courant ?
Henri
: Non, il est sorti.
Justine
: Il faudra le lui dire, qu’il ne s’engage pas avec une moribonde !
Henri
: Là vous exagérez !
Justine
: N’empêche : une de moins ! Je veux être prête pour quand Jacques
rentrera. (elle tourne pour lui montrer sa robe) Suis-je correcte ?
Henri
: (s’approchant) Vous êtes très bien.
Justine fait un faux pas, et trébuche. Henri la retient dans ses bras. Lucie entre à
jardin, suivie de Lucie qui pousse un cri..
Lucie
: Henri ! Mais c’est Justine ! Il te les faut toutes ! (elle s’évanouit, soutenue
par Martine qui l’entraîne)
Martine et Lucie sortent à jardin.
Henri
: Mais c’est Lucie ! Qu’est-ce qui lui a pris ? Je n’ai pas très bien compris.
Justine
: A vrai dire moi non plus. Elle aussi a dû avoir un malaise. Vous n’allez
pas voir comment elle va ?
Henri
: Eh bien… Heu… Elle est avec Martine, elle ne risque rien…
47
Justine
: Décidément, je crois que je suis venue trop tôt. Je vais attendre que les
choses se calment, je reviendrai quand Jacques sera là.
Henri
: C’est ça, à tout à l’heure.
Justine sort au centre.
Henri
:
Qu’est-ce qui a pris à Lucie ? Voyons, Justine a trébuché… Je l’ai
retenue… Et Lucie m’a vu avec elle dans les bras ! C’est ça ! Il ne lui en
faut pas beaucoup pour fantasmer ! Je vais l’entendre chanter la
Traviata pendant huit jours ! … Eh là ! Si Jacques revient maintenant et
qu’il voit Lucie faire son numéro, je ne pourrais plus venir voir Martine !
Comment faire ?
Amélie entre par le centre.
Amélie
: Bonjour. La porte était ouverte, alors je me suis permise…
Henri
: Vous aussi ? On se permet volontiers aujourd’hui !
Amélie
: Jacques n’est pas là ?
Henri
: Non, mais il ne devrait pas tarder à rentrer, malheureusement.
Amélie
: Pourquoi malheureusement ?
Henri
: Parce que Gisèle s’est trouvée mal, que je l’ai accompagnée dans la
chambre, que Justine a failli tomber et que je l’ai retenue et que Lucie a
piqué une crise en voyant tout ça.
Amélie
: Je ne comprends rien à ce que vous racontez. (se retournant et
montrant son cou) Aidez-moi, je n’ai pas été capable d’attacher le bouton
de ma robe.
Henri s’approche et tend les mains vers le cou d’Amélie. Lucie entre par Jardin,
suivie de Martine.
Lucie
Martine
:
Henri ! Avec la troisième ! Qu’est-ce que tu lui fais ? C’en est trop !
Déshabille-là pendant que tu y es !
:
C’est reparti, troisième édition ! (elle prend Lucie dans ses bras,
pensant qu’elle va s’évanouir)
Lucie
: (criant) Non mademoiselle, le ne m’évanouirai pas, j’ai dépassé ce stade.
Quand on patauge dans l’horreur on s’endurcit très vite ! Henri, viens ici !
Henri
: (contournant un siège pour se mettre à l’abri) Mais enfin ma Lulu, tu n’as
rien compris !
Lucie
: Traite-moi d’idiote en plus !
48
Amélie
: Comment avez-vous pu croire…
Lucie
: Ah vous, n’insistez pas, hypocrite !
Amélie
: (scandalisée) Oh ! Me dire ça à moi !
Lucie
: Je ne peux pas vous le dire à quelqu’un d’autre !
Amélie
: Je m’en vais. Je reviendrai quand cette furie sera partie.
Amélie sort au centre.
Henri
: Ne t’énerve pas ma Lulu, on va t’expliquer.
Amélie
: Je ne suis plus ta Lulu, débauché, suborneur !
Henri
: (s’énervant) Bon, puisque c’est comme ça, je te laisse piquer ta crise, je
t’expliquerai quand tu seras calmée.
Henri sort par le centre.
Martine
: Et le combat cessa, faute de combattants. (à Lucie) Je ne voudrais pas
vous faire croire que vous êtes encombrante, chère madame, mais je me
permets respectueusement de vous faire remarquer que vous n’êtes pas
chez vous, que votre mari n’a rien d’un Don Juan, que les trois dames
que vous avez vues ont déjà bien du mal à essayer de séduire Monsieur
Jacques sans perdre leur temps avec votre Henri, et que vous
commencez à me taper sur le système !
Lucie
: Mais j’ai vu Henri les tenir dans ses bras !
Martine
: Une qui se trouve mal, l’autre qui tombe et la troisième qui a un
problème de fermeture ! Vous croyez vraiment que votre mari pourrait
s’attaquer aux trois en un quart d’heure ?… Déjà avec une, il lui faut du
temps !
Lucie
: Comment le savez-vous ?
Martine
: (gênée) Heu… Je l’imagine… Il a le physique mérovingien.
Lucie
: (calmée) Mérovingien, vraiment ? (s’énervant à nouveau) Mais j’en
aurai le cœur net ! Je reste ici !
Martine
: Si Monsieur Jacques vous voit, il va vous fiche dehors !
Lucie
: Alors je m’enferme !
Lucie se précipite et sort à cour. On entend un cri puis Gisèle entre, propulsée sur
scène.
Martine
: Elle a un certain culot celle-là ! (à Gisèle) Vous allez mieux ?
49
Gisèle
: (encore vaseuse) Qu’est-ce qui s’est passé ? Je dormais, on m’a tirée
hors du lit et pratiquement jetée ici.
Martine
: Cherchez pas à comprendre, vous auriez mal à la tête. Asseyez-vous !
Gisèle va s’asseoir. Jacques entre par le centre.
Martine
: Enfin ! Soyez le bienvenu chez vous !
Jacques : (lui donnant un petit paquet) Voilà le thé. Mais vous avez l’air affairée !
Martine
: C’est le moins qu’on puisse dire !
Jacques : Je vois que Gisèle est là…
Gisèle
: C’est heureux !
Jacques : Mais les autres ne sont pas encore arrivées ?
Martine
: Elles sont venues, mais Lucie les a fait fuir. Je vous expliquerai.
Jacques : Lucie ? Qu’est-ce qu’elle est venue faire cette andouille ?
Lucie entre par cour et reste devant la porte.
Lucie
: L’andouille est venue visiter cet antre de dépravés pour surveiller son
mari !
Jacques : (se précipitant vers cour) Cette fois c’en est trop. J’avais prévenu Henri !
Lucie sort par cour. Jacques la suit et essaye d’ouvrir.
Jacques : Elle s’est enfermée ma parole ! C’est incroyable !… (fataliste) Oh et puis
zut ! Qu’elle y reste !
On sonne. Jacques va ouvrir au centre, Justine entre.
Jacques : Et de deux !
Justine
: Bonjour Jacques (apercevant Gisèle) Zut, elle est déjà là !
Gisèle
: Ma tête ! J’aurais pas dû boire votre eau de vidange !
Jacques : (montrant Gisèle à Martine) Martine, vous n’auriez pas de l’aspirine, ou
quelque chose pour…
Martine
: Je lui ai déjà donné le médicament qu’elle vous a si gracieusement
offert mais je crois qu’il en faut une deuxième couche ! Venez Gisèle.
Martine va aider Gisèle à se lever et elles sortent toutes les deux à jardin.
50
Justine
: Qu’est-ce qu’elle a ?
Jacques : Légère indisposition passagère.
Justine
: Tant mieux ! Je suis contente d’être un peu seule avec vous.
Jacques : Parlez-moi de vous, de votre vie…
Justine
: (allant s’asseoir) Ma vie est une suite d’erreurs. La première, c’est d’être
venue au monde.
Jacques : Je vous trouve bien pessimiste !
Justine
:
J’ai essayé toutes sortes de métiers, mais ma timidité me gênait
beaucoup. Alors j’ai essayé d’être ouvreuse, dans un cinéma permanent.
Jacques : Je ne vois pas le rapport…
Justine
: Ben si : vous savez que dans ces salles-là les gens arrivent n’importe
quand, même au milieu d’un film. Moi je les guidais avec une lampe de
poche. Comme je travaillais dans le noir, j’avais beaucoup plus
d’assurance ! Et puis un jour je me suis dit : plutôt que de placer des
gens aisés dans le noir avec assurance, essaye de placer au noir des
assurances aux gens aisés…
Jacques : (se grattant la tête) Attendez…
Justine
: C’est comme ça que j’ai fait une erreur supplémentaire : je n’ai pas le
bagout suffisant pour décider les clients. Vous avez vu avec Lucie ! Et la
compagnie qui m’emploie va me virer, c’est inévitable.
Jacques : Alors vous avez décidé de vous marier…
Justine
: A force de voir les autres réussir et être heureux j’ai envie d’en faire
autant. Je veux me marier. Avec vous ou avec un autre, peu importe…
Jacques : (choqué) C’est ce que j’appelle une déclaration d’amour !
Martine et Gisèle entrent par jardin. Gisèle s’arrête en voyant Justine.
Justine
: Alors, cette indisposition ?
Gisèle
: Qu’est-ce que vous êtes encore venue faire ici ?
Martine
: (sèchement, à Gisèle et Justine) Vous deux, souvenez-vous de ce que je
vous ai dit !
Jacques : Qu’est-ce que vous avez dit ?
Gisèle
: Ah oui ! Il faut se retenir… (s’approchant de Justine) Bonjour chère amie.
Je suis bien aise de vous revoir !
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Justine
: Ca va pas la tête ! (se rappelant brusquement en regardant Martine) Oh
mon Dieu, c’est vrai !
Jacques : Qu’est-ce qui est vrai ?
Justine
: (se levant et faisant la bise à Gisèle) Bonjour ma chère. Quel beau temps
n’est-ce pas ?
Jacques : J’ai dû louper un épisode !
Justine et Gisèle s’assoient.
Martine
: Encore une et on sera au complet.
On sonne.
Martine
: Quand on parle du loup…
Jacques : Quel loup ?
Martine va ouvrir au centre. Amélie entre.
Amélie
: (à Jacques) Bonjour mon chéri !
Jacques : Je ne suis pas votre…
Amélie
: (l’interrompant, agressive) Ah, elles sont déjà là les deux idiotes…
(voyant un geste menaçant de Martine, change de ton) Les deux amies !
Comment allez-vous mes chéries ?
Jacques : Elle voit des chéris partout !
Martine sort par jardin avec le petit paquet.
Jacques : (à Martine) Vous savez où se trouve la théière ?
Martine
: Ma foi non, c’est la première fois qu’on fait du thé dans cette maison.
Jacques : Je vais vous montrer.
Jacques et Martine sortent par jardin.
Amélie
: (se levant) Pourquoi êtes-vous revenues, espèces de minables ?
Justine
: (se levant) Vous êtes aussi têtues que vous êtes nulles !
Gisèle
: (se levant) Qu’est-ce que vous espériez en venant ici, mochetés ?
Jacques et Martine entrent par jardin. Martine porte une théière.
52
Jacques : On devrait en faire plus souvent, c’est bon le thé…
Amélie et Justine et Gisèle s’assoient..
Amélie Gisèle et Justine : (ensemble) A part ça quoi de neuf mes chéries ?
Martine pose la théière sur la table. Jacques va chercher des tasses.
Martine
:
Laissez infuser et attendez-nous un instant, il faut que je montre à
Monsieur Jacques un problème de plomberie dans la cuisine. Nous
revenons tout de suite.
Jacques et Martine sortent par jardin.
Amélie
: (se levant) Mesdames…
Gisèle
: Je préférais « Mes chéries »
Justine
: Moi pas, c’est tellement hypocrite !
Amélie
: Mesdames, nous pourrions continuer à nous insulter. Ca nous
défoulerait mais ça ne servirait à rien, que vous le vouliez ou non.
Gisèle
: Faut reconnaître que c’est vrai !
Justine
: Vous avez quelque chose de mieux à proposer ?
Amélie
: Essayons de nous mettre d’accord. Jacques n’a pas l’air de vouloir se
décider, alors choisissons nous-même !
Gisèle
: Bonne idée ! Si on tirait au sort ?
Amélie
: Je vois ça d’ici ! (voix snob) « Dites-moi ma chère, comment avez-vous
connu votre mari ? … Je l’ai tiré à pile ou face, avec des copines ! »
Ca fait sérieux, non ?
Justine
: (se levant) D’autant que je n’ai jamais eu de chance. Je serais sûre d’être
éliminée au premier tour !
Gisèle
: Je n’ai pas eu de chance non plus, tout à l’heure !
Amélie
: A quoi faites-vous allusion ?
Gisèle
: Je me suis trouvée mal en apprenant le décès de sa maman.
Justine
: Sa mère est morte ?
Amélie
: On s’en fiche !
Gisèle
: Alors Jacques m’a fait boire, un cordial. Mais comme je ne bois jamais
d’alcool, j’ai été… (gênée) J’ai eu…
53
Justine
: Vous étiez beurrée, dites-le !
Amélie
: Et alors ?
Gisèle
: Alors, je n’ai pas bien compris : au lieu de Jacques, c’est Monsieur Henri
qui était près de moi !
Justine
: Tu parles d’une cuite !
Amélie
: Il vous a mis une paire de claques ?
Gisèle
: Pas du tout ! Je me suis affalée contre lui. Alors il m’a conduit dans la
chambre pour que je reprenne mes esprits.
Lucie entre par cour, personne ne la voit.
Justine
: Ce n’est pas dramatique !
Gisèle
: Mais si, parce que sa femme est arrivée et a cru je ne sais pas quoi ! Je
l’ai entendue crier.
Justine : C’est drôle ça, il m’est arrivé à peu près la même chose. J’ai demandé à
Monsieur Henri si ma robe m’allait bien.
Amélie
: Le grand numéro de séduction, quoi !
Gisèle
: Et alors ?
Justine
: Alors j’ai fait un faux pas et j’ai failli tomber. Monsieur Henri m’a retenue
dans ses bras et sa femme, qui arrivait, s’est mise en colère !
Gisèle
: Là je comprends pourquoi !
Justine
: Pourtant je suis comme vous, cet Henri, je m’en soucie comme d’un
préservatif usagé !
Amélie
: Décidément, c’est une habitude : Moi j’ai demandé à ce pauvre type
d’attacher un bouton de mon col et sa timbrée de femme a piqué une
crise. Comme si je pouvais m’intéresser à cet Henri !
Lucie
: C’est vrai tout ça ?
Amélie, Justine et Gisèle sursautent et se lèvent d’un bond en poussant un cri .
Justine
: Je l’avais oubliée celle-là !
Gisèle
: Moi aussi ! Pourtant, elle m’a éjectée de la chambre !
Amélie
: Qu’est-ce que vous voulez encore ?
Henri entre par le centre Lucie cours vers lui. Il s’échappe. Petite course-poursuite.
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Lucie
: Henri !
Henri
: Mais je n’ai rien fait de mal, je t’assure !
Lucie
: Je le sais mon chéri !
Henri s’arrête net, ahuri. Lucie se jette dans ses bras.
Henri
: Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es souffrante ?
Gisèle
: Donnez-lui du Ramaxitate…
Jacques et Martine entrent par jardin.
Lucie
Martine
: (se détachant d’Henri) Je te dois des excuses mon chéri ! J’ai entendu
ces dames se faire des confidences…
: C’est donc ça !
Lucie
: Je sais maintenant que tu ne faisais rien de mal…
Jacques : Est-ce que tu deviendrais intelligente ?
Lucie
: J’ai honte ! Comme si tu pouvais avoir envie de me tromper !
Martine
: (gênée) bon… Je crois que je vais aller faire un tour…
Henri
: Te tromper, toi ! L’idée ne m’a même pas effleuré !
Martine
: Vaut mieux entendre ça que d’être sourde !
Amélie
: Alors, tout est bien qui recommence bien ?
Justine
: Jacques va pouvoir choisir en toute sérénité ?
Henri
: Fais attention, il faut y réfléchir à deux fois !
Lucie
: Laisse-le donc tranquille !
Gisèle
: (à Jacques) Quand vous déciderez-vous ?
Jacques : C’est fait.
Amélie, Justine et Gisèle : (ensemble) C’est vrai ?
Jacques : Je vais être franc avec vous.
Amélie, Justine et Gisèle : (ensemble) Oui ?
Jacques : Asseyez-vous.
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Amélie, Justine et Gisèle s’assoient.
Jacques : Ne le prenez pas mal, mais aucune de vous trois ne pourrait convenir.
Amélie, Justine et Gisèle : (déçues, ensemble, se levant d’un bond) Oh !
Lucie
: Alors, tu vas mettre une autre annonce ?
Jacques : Pas du tout !
Henri
: (se frottant les mains) Alors, tout redevient comme avant ?
Jacques : Pas tout à fait, puisque je vais me marier.
Henri
: Tu viens de dire le contraire !
Jacques
: Mais non : j’ais dit que je n’épouserai pas Amélie, ni Justine, ni Gisèle,
mais je veux me marier quand même.
Amélie, Justine et Gisèle : (ensemble) : Avec qui ?
Jacques : Avec Martine, si elle veut bien de moi !
Martine
: Vous êtes sérieux Monsieur Jacques ?
Lucie
: Mais c’est merveilleux !
Henri
: Tu te fiche de moi ? Avec Martine ? Ben et moi alors ?
Lucie
: Qu’est-ce que tu as dit ?
Lucie se précipite vers Henri qui se sauve par le centre. Lucie le suit.
Martine
: Vous savez Monsieur Jacques, dans tous les péchés qu’on a rencontrés
dans cette histoire, il en manquait un !
Jacques : Lequel ?
Martine
: (se jetant dans ses bras) La gourmandise !
RIDEAU
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