L`école peut-elle réaliser l`idéal républicain

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L`école peut-elle réaliser l`idéal républicain
Le dossier du mois
septembre 09
L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
Retrouvez les avis des experts et des acteurs qui font le débat.
Egalité des chances, méritocratie et élitisme pourrait
résumer l’idéal républicain. La réalité est pourtant plus
prosaïque car force est de constater que l’école française ne réduit pas les inégalités de départ.
Certes, notre élite est reconnue (quoique trop homogène)
mais «les vaincus du mérite» sont nombreux et abandonnés
par le système. La culture académique de notre école se
prolonge dans le monde du travail où le diplôme est porté
aux nues. Faut-il alors changer de système ? Notre école
peut-elle concilier égalité et élitisme ?
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Quelle économie pour la culture ?
Sommaire
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Introduction....................................................................... 3-4
Enjeux............................................................................... 5-7
Points de vue.................................................................... 8-26
L’idéal républicain
Discours sur l’égalité d’éducation............................................................. 9-10
par Jules Ferry
Quel rôle pour l’école ?
L’inégalité des chances en débat............................................................. 12-14
de Pierre Bourdieu et Marie Duru-Bellat
Entretien avec Éric Favey
et Éric Maurin............................................................................................ Égalité et excellence : l’impossible mariage ?
15
Une nouvelle politique de démocratisation............................................... par Guy Coq
17
L’école française : beaucoup trop d’élèves faibles................................... par Christian Baudelot et Roger Establet
18
La culture de l’élite, au-delà de l’école
L’entre-soi des élites managériales.......................................................... 20-22
Entretien avec François David
Le travail et le mérite ne garantissent pas l’accès aux responsabilités.... 23-24
Réflexions sur le modèle français
par Thomas Philippon
La fin des partis d’avant-garde ? Retour sur une histoire française......... 25-26
Entretien avec Gérard Grunberg
Repères............................................................................ 27-29
Quizz................................................................................ 30-32
L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
Introduction
Introduction
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Enjeux
Points de vue
Repères
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L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
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Points de vue
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Lorsque Jules Ferry a mis sur pied, à la fin du XIXe siècle, une école
primaire gratuite, laïque et obligatoire, son ambition était de permettre
à tous les enfants de France d’accéder à une éducation de base.
Parallèlement, l’idéal républicain favorisait l’accession d’une élite,
plutôt bourgeoise, aux filières d’excellence.
Pendant la première moitié du XXe siècle, on assiste à une hausse
du niveau d’instruction général.
n Les fils de cadres
supérieurs ont 2,9 fois plus
de chances que les ouvriers
d’avoir leur bac et 8 fois plus
d’obtenir un bac S.
n Les universités françaises
n’accueillent que 11%
d’enfants d’ouvriers contre
30% de cadres supérieurs.
n Aux concours de l’ENA
de 2009, 4 élèves sur 81
avaient un parent ouvrier. Au
concours de Polytechnique
2007, 42% des lauréats
avaient un parent enseignant.
n Parmi les grands patrons,
on ne trouve que 3% de fils
d’ouvriers
n 84% des élèves des
sections pour jeunes en
difficulté au collège sont
issus des catégories sociales
Georges Pompidou est un exemple de la promotion sociale républicaine. Issu d’une famille très modeste du Cantal, le futur
président fait ses classes à Albi. Brillant, il accède aux classes préparatoires de Louis le Grand à Paris, intègre Normale Sup avant
d’être reçu à l’ENA.
Pourtant, cela reste une exception et l’idéal méritocratique est loin
d’être justement réalisé. Si de plus en plus d’enfants issus des
classes populaires font des études, peu accèdent aux « diplômes
reconnus ». Parmi les critiques, le sociologue Pierre Bourdieu
montre, dès la fin des années 60, que les enfants de familles aisées
restent les grands bénéficiaires de ce système, qui devient le lieu
même de la « reproduction sociale ».
On constate par la suite que la massification de l’enseignement
supérieur ne réduit pas les inégalités. Les enfants de cadres supérieurs ou d’enseignants intègrent les bonnes filières, les enfants
d’employés ou d’ouvriers, moins informés, ont plus de mal à faire
des prépas ou des Grandes écoles. Si la durée des études s’allonge pour tout le monde, les inégalités s’accroissent en parallèle.
Le recrutement des grandes écoles est de plus en plus homogène
socialement. Comme les grandes entreprises et les administrations
accordent une importance croissante aux diplômes, le jeu des carrières et des honneurs se resserre au profit de ce qu’on appelle les
héritiers.
Au début des années 2000, c’est Sciences Po Paris, considéré
jusqu’alors comme le temple de la reproduction sociale, qui tente
d’ouvrir le jeu, en recrutant des élèves issus des zones d’éducation
prioritaires non pas sur concours mais sur dossier. Initiative dont
l’efficacité à court terme n’est pas remise en cause, mais qui, de
fait, ne résout ni les inégalités sociales ni les inégalités spatiales.
L’école de la méritocratie à la française ne réduit pas les inégalités
de départ. Si le niveau général monte, les écarts entre les meilleurs
et ceux qui ont du mal à suivre se creusent. L’école de notre République doit-elle rompre avec l’académisme et la course aux diplômes ? L’école peut-elle continuer à privilégier la sélection d’une
élite au dépend de l’élévation du niveau de tous ? L’école peut-elle
concilier égalité et excellence ?
défavorisées. Les enfants
d’enseignants et de cadres
représentent 2%.
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Les débats sur l’élitisme scolaire s’inscrivent dans une double
interrogation. Sur la culture élitiste associée à la République,
tout d’abord ; sur le rôle de l’école et sa capacité à assurer l’idéal
démocratique de l’égalité des chances, ensuite.
La République est née dans un contexte où la question était
moins le brassage social que l’émergence de nouvelles élites.
L’idéal d’égalité porté par les lois de Jules Ferry est bien réel,
mais il s’articule avec une vision hiérarchique du monde : l’ambition des républicains du dix-neuvième siècle est de mettre au
sommet de la pyramide des hommes reconnus pour leur talent
ou leur mérite, et non les héritiers des anciennes classes dominantes. Or, le principe même de cet élitisme est aujourd’hui
entré en crise. La sociologie nous a appris depuis plusieurs
dizaines d’années à y repérer des logiques de maintien des
positions où le « mérite » et le « talent » cachent bien souvent
l’héritage culturel et le capital social. En outre, dans une société éduquée et démocratique les mérites des élites dirigeantes
sont eux-mêmes mises en cause, comme on peut l’observer
aujourd’hui dans des univers aussi différents que les partis politiques ou les grandes entreprises. Les hiérarchies sont aujourd’hui sommées de se légitimer. À tort ou à raison, les élites
sont désormais associées à l’aveuglement technocratique et à
des privilèges de caste. La dimension aristocratique longtemps
assumée par le modèle républicain français n’échappe pas à
ces interrogations et à ces impatiences.
Dans ces conditions, les doutes sur les capacités de l’école à
structurer les logiques sociales prennent une vigueur nouvelle.
Depuis les travaux de Pierre Bourdieu et Raymond Boudon, on
sait la difficulté de cette institution à garantir une réelle égalité
des chances. Mais le débat lancé dans les années 1960 se
trouve aujourd’hui posé dans des termes différents : ne seraitce pas la démocratisation, le collège unique en particulier, qui
seraient en cause ? La résurgence des inégalités, les anciens
déterminismes sociaux qui reviennent structurer notre société
et emprisonnent les destins des individus ne seraient-ils pas le
produit paradoxal d’un égalitarisme scolaire ayant fini par tirer
tout le monde vers le bas ?
A ces questions troublantes on ne peut répondre simplement.
Elles demandent à être instruites et à nourrir un débat sérieux
et aussi ouvert que possible. Héritière des idéaux de Jules
Ferry, la Ligue de l’enseignement a vocation à intervenir dans
ce débat. Cela suppose d’abord de le porter en son propre
sein. C’est pourquoi il nous a semblé important de le mettre
en perspective et surtout de montrer comment les deux crises
s’éclairent mutuellement.
La crise de l’élitisme peut être envisagée comme une forme de
populisme, ou au contraire comme un signe de maturité démocratique. De même l’école peut-elle être appelée à renouer
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avec un élitisme mieux conçu, ou au contraire à emprunter d’autres voies,
celles proposées naguère par Ivan Illitch ou expérimentées dans les pays
nordiques.
Nous sommes à la croisée des chemins et les choix qui seront faits n’engagent pas seulement les missions d’une institution, mais bel et bien un projet
de société. Sans préjuger de la voie qui sera choisie, un principe doit être
rappelé : que la République décide ou non d’assumer un élitisme aujourd’hui
contesté, l’enjeu premier est et doit être une meilleure éducation de l’ensemble de la population.
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L’idéal républicain
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Discours sur l’égalité
d’éducation
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Qu’est-ce qui fonde une société vraiment démocratique ? Le refus de
l’inégalité d’éducation. Non pas un « nivellement absolu des conditions
sociales qui supprimerait dans la société les rapports de commandement
et d’obéissance », mais un renouvellement qui font que le commandement
et l’obéissance sont alternatifs.
« Jules Ferry, alors député,
donne cette conférence
populaire le 10 avril 1870,
salle Molière, au profit de
la Société pour l’instruction
élémentaire. Le futur
ministre de l’Éducation y
prononce ces mots que
citent la plupart de ses
biographes : « Quant
à moi, lorsqu’il m’échut
ce suprême honneur de
représenter une section de
la population parisienne
dans la Chambre des
députés, je me suis fait
un serment : entre toutes
les questions, entre toutes
les nécessités du temps,
entre tous les problèmes,
j’en choisirai un auquel je
consacrerai tout ce que
j’ai d’intelligence, tout ce
que j’ai d’âme, de cœur,
de puissance physique et
morale : c’est le problème
de l’éducation du peuple. »
par Jules Ferry
Il n’y a pas jusqu’au droit de travailler, le plus essentiel de tous
les droits, qui ne fût aussi, il y a quatre-vingt ans, en quelque
manière, un privilège de la naissance ; les métiers étaient organisés en corporations ; les corporations se recrutaient dans
des conditions déterminées ; les fils de maître avaient un droit
personnel d’antériorité, de préférence, sur ceux qui avaient eu
le malheur de naître en dehors des cadres de la corporation ;
la Révolution arriva et balaya cette iniquité, ce privilège de la
naissance, comme elle avait fait disparaître les autres privilèges
et les autres iniquités. (…)
L’inégalité d’éducation est, en effet, un des résultats les plus
criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de
la naissance. Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir
jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité
réelle, et l’égalité des droits est pourtant le fond même et l’essence de la démocratie. (…)
L’inégalité d’éducation est le plus grand obstacle que puisse
rencontrer la création de mœurs vraiment démocratiques.
Cette création s’opère sous nos yeux ; c’est déjà l’œuvre d’aujourd’hui, ce sera surtout l’œuvre de demain ; elle consiste essentiellement à remplacer les relations d’inférieur à supérieur
sur lesquelles le monde a vécu pendant tant de siècles, par des
rapports d’égalité.
Ici, je m’explique et je sollicite toute l’attention de mon bienveillant auditoire. Je ne viens pas prêcher je ne sais quel nivellement absolu des conditions sociales qui supprimerait dans la
société les rapports de commandement et d’obéissance. Non,
je ne les supprime pas : je les modifie. Les sociétés anciennes
admettaient que l’humanité fût divisée en deux classes : ceux
qui commandent et ceux qui obéissent ; tandis que la notion
du commandement et de l’obéissance qui convient à une société démocratique comme la nôtre, est celle-ci : il y a toujours,
sans doute, des hommes qui commandent, d’autres hommes
qui obéissent, mais le commandement et l’obéissance sont alternatifs, et c’est à chacun à son tour de commander et d’obéir.
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Voilà la grande distinction entre les sociétés démocratiques et celles qui ne
le sont pas. Ce que j’appelle le commandement démocratique ne consiste
donc plus dans la distinction de l’inférieur et du supérieur ; il n’y a plus ni
inférieur ni supérieur ; il y a deux hommes égaux qui contractent ensemble,
et alors, dans le maître et dans le serviteur, vous n’apercevez plus que deux
contractants ayant chacun leurs droits précis, limités et prévus ; chacun leurs
devoirs, et, par conséquent, chacun leur dignité.
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Quel rôle pour l’école ?
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L’inégalité des chances
en débat
C’est dans les années 1960 que la sociologie commence à remettre en question
les vertus supposées du modèle républicain. À l’heure où le système scolaire
connaît sa seconde phase de démocratisation, avec l’accès d’élèves de plus
en plus nombreux à l’enseignement secondaire et bientôt à l’enseignement
supérieur, des sociologues s’interrogent : et si la méritocratie, conçue pour
promouvoir l’égalité des chances, n’était en fait que l’instrument d’une
persistance des inégalités ? Le débat porte à la fois sur le phénomène et sur les
interprétations qu’on peut en donner.
de Pierre Bourdieu et Marie Duru-Bellat
L’inégalité des chances selon Pierre Bourdieu
Jeune sociologue influencé par Durkheim et Marx, Pierre Bourdieu donne en 1964 et 1970 deux ouvrages qui lancent le débat.
À ses yeux, le système scolaire républicain aggrave les inégalités. C’est d’abord un fait à établir, ce qu’il fait avec « Les Héritiers » (Éditions de Minuit, 1964, avec Jean-Claude Passeron),
qui montre statistiques à l’appui les inégalités des chances d’accéder à l’enseignement supérieur pour les fils de cadre et les fils
d’ouvrier.
Dans « La Reproduction » (Éditions de Minuit, 1970), il va plus
loin et élabore le concept de « reproduction sociale ». L’école
républicaine, conçue selon des principes égalitaires, est à ses
yeux un instrument de reproduction sociale, utilisé notamment
par les classes dominantes qui ont su développer des stratégies
collectives pour maintenir leur position sociale. C’est grâce à
leur « capital culturel » (maîtrise de la langue, amour de l’art)
et à leur « capital social » (information sur les bonnes filières,
carnet d’adresse des parents et capacité éventuelle à les faire
admettre dans des institutions prestigieuses) que les enfants
des classes dominantes sont à même d’exploiter toutes les ressources de l’école et d’en maîtriser les pièges.
L’école républicaine, explique Bourdieu, se flatte de traiter tous
les élèves également, mais en réalité elle valorise les savoirfaire et les types de comportement cultivés par la classe dominante. De surcroît, l’ « habitus » (autre notion bourdivine :
l’ensemble des valeurs, des goûts, des conduites) des enfants
des classes dominantes est proche de celui des enseignants.
L’école n’est pas neutre : elle renforce les inégalités et de surcroît les justifie au moyen de l’alibi du mérite. Elle les rend aussi
acceptable pour les classes populaires qui considèrent leur élimination comme normale. Bourdieu propose quelques pistes
pour sortir de ce jeu injuste, par exemple de n’interroger les
enfants que sur ce qu’on leur a enseigné, et introduire un traitement différencié en fonction de l’origine sociale.
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Points
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L’interprétation de Raymond Boudon
L’ « individualisme méthodologique » développé par les héritiers de Max Weber et en particulier Raymond Boudon considère que le modèle de Bourdieu
est trop systématique : il ignore les stratégies des individus (or l’individualisme méthodologique préfère partir de l’individu, de sa raison et de ses choix
pour comprendre les logiques sociales), et surtout la part belle faite par Bourdieu à la notion de domination écrase le modèle dans une logique de classe
et diabolise l’école en en faisant un pur instrument de domination, ce qu’elle
n’est pas.
« L’Inégalité des chances » (Armand Colin, 1973) part d’un constat similaire à
celui de Bourdieu mais en tire des interprétations très différentes. Les inégalités scolaires sont liées au choix des familles, l’école en elle-même est neutre.
Mais elle est marquée par une suite de choix qui seront abordés différemment
selon l’origine sociale des élèves. Le choix de la langue et des options, celui
des filières, des classes préparatoires aux grandes écoles ou de l’université
sont déterminants ; or les familles les abordent avec une information inégale.
Au moment de faire un choix, elles comparent les coûts et avantages de leurs
choix et leur décision dépend de leur calcul. Les enfants des milieux favorisés sont mieux informés, font des choix stratégiquement plus judicieux et
osent prendre des risques dont les enfants des milieux populaires ne voient
pas forcément l’intérêt. En outre dans le calcul des coûts et des avantages la
dimension financière est importante. La lutte contre l’inégalité des chances
passe alors par des bourses, une meilleure information, une orientation dans
laquelle les professeurs et l’institution joueraient un rôle plus actif.
Plus fine que celle de Bourdieu qui reste prisonnier de la culture marxiste, la
pensée de Boudon n’évite pas certains écueils et on ne peut s’empêcher que
l’image de la neutralité de l’école est au mieux naïve, au pire malhonnête :
car les professeurs orientent et anticipent les choix des familles (quitte à
envoyer de bons élèves dans de mauvaises filières) et que dans tel établissement fréquenté par les élèves de quartiers favorisés, on aura l’idée de certaines filières, quand dans tel autre établissement on n’en aura pas l’idée.
L’inflation des diplômes
Eric Maurin, auteur de « La Nouvelle Question scolaire. Les bénéfices
de la démocratisation » (Seuil, 2007), observe la résurgence d’une forme
d’élitisme, dans le regret généralisé des défauts de la démocratisation et du
collège unique. Sans nier ces défauts il appelle au contraire à prolonger ce
mouvement en s’attaquant aux formes de la sélection qui entretiennent le
plus les inégalités sociales.
Pour François Dubet (« l’Ecole des chances », Editions de l’Ecole des Hautes
Etudes en sciences sociale, 2004), « une école juste ne peut se borner à
sélectionner ceux qui ont le plus de mérite, elle doit se soucier du sort des
vaincus ». Il considère que les « diplômes devraient être plus un droit que le
résultat d’un contrôle sur l’apprentissage scolaire ». Selon lui, les diplômes
sont réservés à une minorité seule capable d’atteindre l’excellence. Le sociologue s’interroge : l’égalité des chances doit-elle commander toute la scolarité ? Doit-on suspendre les épreuves du mérite et la sélection le temps de
la scolarité obligatoire ?
Idée soutenue par Marie Duru-Bellat. Dans un ouvrage beaucoup plus récent (« L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie », Seuil, 2006),
elle aborde le débat autrement et trace le bilan de la démocratisation. Les
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familles, pourrait-elle répondre à ses prédécesseurs, ont appris la valeur des
diplômes, dans un environnement économique où ils sont devenus la clé de
l’accès à l’emploi. Mais, observe-t-elle en se fondant sur les enquêtes du
Cereq, l’accès de parts croissantes des générations (on parle techniquement
de « cohortes ») à l’enseignement supérieur n’a pas tenu ses promesses.
Encourager la poursuite des études peut être – pas toujours – un bon investissement pour les familles, mais pour la société c’est un gâchis : on surproduit des diplômés alors que les places ne sont pas beaucoup plus nombreuses ; d’où un déclassement généralisé. L’inflation des diplômés réduit la
valeur des diplômes.
En outre cette mécanique implacable augmente les inégalités, à la fois entre
les non-diplômés et les autres, mais au sein des diplômés, selon les logiques
expliquées par Bourdieu et Boudon, entre ceux qui seront à même de faire
les meilleurs choix et les autres.
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Entretien avec Éric Favey
Éric Favey, secrétaire général adjoint de la Ligue de l’enseignement, analyse les initiatives comme celle de Sciences Po,
qui tente de faire une place aux élèves issus des ZEP. A ses
yeux, ces tentatives de réponses aux dérives de la méritocratie
ne peuvent faire l’objet d’une politique nationale. Il s’interroge :
comment arrêter « la machine à trier et à fabriquer des inégalités ? ». Comment reconnaître tous les éléments de la culture et
pas seulement la culture académique ? C’est bien l’ensemble du
système qu’il faut repenser.
Entretien avec Éric Maurin
Pour Éric Maurin, auteur de « La peur du déclassement. Une
sociologie des récessions » (Seuil, octobre 2009), le système
scolaire actuel basé sur la «philosophie» du redoublement et du
soutien personnalisé ne fonctionne pas. Notre société « à statuts » est un obstacle à l’amélioration de ce système. Un paradoxe: d’un côté, l’idée répandue d’une baisse de la valeur des
diplômes, de l’autre une importance croissante donnée aux diplômes.
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Égalité et excellence : l’impossible mariage?
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Une nouvelle politique
de démocratisation
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Guy Coq est écrivain
et philosophe. Lire son
intervention au colloque
« pas de société du savoir
sans école », organisé par
la Fondation Res Publica en
2006
(www.fondation-res-publica.
org/Une-nouvelle-politiquede-democratisation_a138.
html)
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par Guy Coq
Le philosophe Guy Coq évoque les effets négatifs engendrés
par les différents politiques d’éducation: « une démocratisation
identifiée à la massification, accompagnée d’un recul de la démocratisation des filières d’études élitaires ».
Pour lui, les politiques éducatives ont trop misé sur le nombre
croissant de bacheliers, ce qui a entraîné une dévalorisation
des formations technologiques (CAP, BEP). Le collège est «
traversé par une tension, voire une contradiction entre sa visée
nécessairement égalitaire et la logique élitaire à laquelle il ne
peut échapper (…).
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L’école française :
beaucoup trop d’élèves faibles
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Christian Baudelot et
Roger Establet sont deux
sociologues, auteurs de
L’élitisme républicain.
L’école française à
l’épreuve des comparaisons
internationales (Seuil, la
République des idées ,
2006).
Lire leur interview dans
les Cahiers pédagogiques
(www.cahierspedagogiques.com/spip.
php?article6045)
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Points
par Christian Baudelot et Roger Establet
Christian Baudelot et Roger Establet se basent sur les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis
des élèves) menée dans les pays membres de l’OCDE. Pour
les deux sociologues, notre système éducatif serait meilleur s’il
était moins élitiste.
Pour eux, une école basée sur la sélection aboutit à des élites
médiocres et à un échec scolaire massif. D’après ces enquêtes,
les meilleurs élèves français sont bien classés, mais les 25%
les plus en difficulté le sont davantage que bien d’autres pays.
En Finlande, en Islande et en Corée du Sud, l’école corrige près
de 2 fois plus les inégalités de départ qu’en France.
Ils plaident pour la constitution d’un véritable collège unique
avec un tronc commun renforcé assurant à tous une formation minimale. Les redoublements mais aussi les groupes de
niveaux font, pour eux, obstacle à cet objectif.
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La culture de l’élite, au-delà de l’école
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L’entre-soi des élites
managériales
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En France, les élites managériales qui dirigent les entreprises et
administrations publiques sont issues d’un petit nombre de grandes
écoles, souvent scientifiques. On a souvent dénoncé leur incapacité
à élargir les bases de leur recrutement, mais sa qualité n’est pas en
question : ceux qui y accèdent sont souvent les meilleurs de leur
génération. Mais ils ont tendance à penser de la même façon, ce qui
est dommageable. Le recours au conseil peut-il aider à inverser la
tendance ? Rien n’est moins sûr.
Ingénieur, titulaire d’un
doctorat de physique
et du MBA de l’ESCP,
François David a travaillé
au CNRS, à l’Agence
spatiale européenne aux
Pays-Bas, à Aérospatiale
et dans différents cabinets
de conseil en stratégie et
en management dont Cap
Gemini.
Entretien avec François David
Le recours au conseil est un phénomène relativement récent. Dans quelles conditions et avec quelle légitimité
s’est-il imposé ?
Jusqu’aux années 1960, le recours à une expertise externe se
fait de manière très informelle. Dans les grandes entreprises,
les dirigeants et l’encadrement supérieur, pour l’essentiel des
ingénieurs généralistes de bon niveau, n’en ressentent pas le
besoin. Tout au plus quelques dirigeants éclairés peuvent-ils
faire appel aux services d’un des rares spécialistes capables
d’expliquer « comment font les Américains », par exemple. L’organisation des entreprises est alors grosso modo structurée par
trois fonctions, la direction du personnel, celle de la comptabilité
et la production. On ne parle pas de management.
C’est dans les années 1970 que tout change, notamment avec
l’arrivée de l’informatique, qui impose de nouveaux outils et surtout des schémas de pensée différents. La fin des années 1970
et surtout les années 1980 voient une nouvelle étape : les cabinets de conseil qui se créent ou se développent alors vendent
des « best practices », c’est-à-dire des méthodologies managériales développées avec succès dans d’autres entreprises.
L’émergence du conseil traduirait alors un désir de renouvellement ?
Au départ, oui ; mais on remarque vite que les décideurs manifestent une certaine tendance à préférer les consultants qui leur
ressemblent et appartiennent aux mêmes réseaux. Typiquement, un directeur général X Mines appréciera d’être conseillé
par un jeune polytechnicien ayant par exemple fait un MBA aux
États-Unis. La différence dans la ressemblance, en somme !
C’est ce qu’ont très bien intégré les entreprises de conseil, qui
axent leur recrutement sur ce type de profils.
Il faut comprendre qu’en privilégiant ce type de profil dans le
choix des consultants, tant les entreprises de conseil que leurs
clientes se « couvrent », en anticipant d’éventuelles critiques
par le choix reconnu des meilleurs, entendons de ceux qui sont
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reconnus comme tels au sein du monde industriel français.
Cela favorise évidemment une certaine forme de pensée unique. Les clients
et les consultants sortent tous du même moule, et à la limite un consultant
aura parfois pour fonction de prendre une décision, ou d’instruire une décision que le dirigeant aurait prise tout seul… à ceci près qu’il aurait dû la justifier seul ; au lieu de quoi il peut arguer d’avoir eu recours au conseil de telle
ou telle entreprise, bien connue sur la place… L’autre avantage du consultant
étant qu’il peut porter plus facilement une décision que le management local,
puisqu’il n’aura pas à en subir les conséquences par la suite.
Cette pensée unique naît ainsi de deux logiques : le resserrement sociologique des participants à la prise de décision, issus des mêmes filières, mais
aussi la logique de « benchmarking » (s’inspirer de ce que font les autres)
qui est au cœur de la fonction de conseil et va amener toutes les entreprises,
à un moment donné, à appliquer les mêmes recettes. Le conseil contribue
à homogénéiser le langage et les représentations et à gommer les particularités. En somme, à aveugler les décisions, au lieu de les éclairer. C’est le
paradoxe de l’usage français du conseil : au lieu diversifier le point de vue,
on le duplique.
L’intelligence ne s’y retrouve pas, alors même que la sociologie du conseil
et celle du top management est formée de diplômés issus de filières hypersélectives. En outre, ce qui est vendu et diffusé par les consultants, c’est une
vulgate plus ou moins édulcorée d’une pensée souvent plus complexe, dont
certains aspects sont oubliés en cours de route. Par exemple il ya quelques
années les consultants prônaient tous les délocalisations, sans connaître les
travaux économiques très sérieux qui en parlent, et qui évoquent aussi la
question des coûts cachés ; mais comme il ne circule que des versions simplifiées de ces travaux, les coûts cachés passent à l’as.
On pointe ici un des défauts des grandes écoles françaises : leur
connexion insuffisante au monde de la recherche.
Oui : et tout comme les consultants qui sont leur double en plus jeune, la
plupart des dirigeants ne maîtrisent pas non plus les théories sous-jacentes
de ce qui leur est recommandé. Cette ignorance leur coûte cher, car ils ne
sont pas véritablement capables d’opérer un retour critique, de faire la part
du solide et du moins solide, de l’éphémère et du durable dans l’armature
intellectuelle qui soutient le discours des consultants. Ne maîtrisant pas les
arcanes de ce discours, ils ont parfois du mal à le raccorder aux réalités de
leur entreprise. Par exemple, sur les formes organisationnelles complexes
comme les organisations matricielles, les dirigeants sont rarement capables
de définir la matrice ; et de leur côté les consultants ne connaissent pas suffisamment l’entreprise pour être une ressource vraiment fiable.
J’observe d’ailleurs que les clients mettent trop rarement en avant les particularités de leur entreprise, de leurs produits, de leurs savoir-faire, de leurs
process, des marchés sur lesquels ils travaillent. Ils ont tendance à sousestimer ces particularités, comme s’ils en avaient honte. Dans certains cas
cela s’explique facilement : le directeur de business unit qui voit arriver des
consultants chargés d’augmenter de 10% la productivité sur une ligne de
production n’est pas dans la situation la plus confortable qui soit : non seulement il ne connaît, lui, que sa business unit, mais de surcroît si la direction
générale a jugé bon d’améliorer la productivité c’est qu’il est en défaut, qu’il
pourrait faire mieux.
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L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
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Mais on peut aussi expliquer ce phénomène par un facteur culturel. Le dirigeant et le consultant, par leur formation, ont tout simplement du mal avec
ce qui est empirique. L’empirique dérange ; on n’arrive pas à le modéliser, et
pour des gens qui ont une formation scientifique, qui ont été modelés dans
un système scolaire privilégiant l’esprit cartésien, c’est un tort. Ils auront donc
tendance à l’ignorer… Pour les consultants, cela tient aussi à leur jeunesse,
au fait qu’ils sortent à peine de l’école et que les réalités humaines complexes
d’une entreprise – l’existence de personnes moins performantes qu’eux, par
exemple ! – leur sont étrangères.
Les consultants sont les vecteurs de schémas de pensée très techniciens,
qu’ils ne parviennent pas plus que les dirigeants à investir ou à maîtriser,
faute d’être capables de prendre du champ et d’en saisir les enjeux et la
signification profonde. Ce sont des spécialistes aveugles, d’excellents spécialistes d’un outil qu’ils ne voient que comme un outil, sans vraiment saisir
le sens de son usage, ou sans percevoir par exemple que la prétention de
cet outil à l’universalité cache une forme de particularisme, que les méthodes
anglo-saxonnes par exemple ne sont pas forcément aussi universelles qu’on
le prétend… et qu’on veut bien le croire ! Cette absence de sens critique vient
de loin, et d’abord de l’école, qui sous couvert d’encourager l’esprit critique
favorise en fait la reproduction social et des formes de « convenance », qu’on
retrouve de plus en plus parfaites au fur et à mesure qu’on s’élève dans la
hiérarchie scolaire, jusqu’aux grandes écoles.
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Le travail et le mérite
ne garantissent pas l’accès
aux responsabilités.
Réflexions sur le modèle
français
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Il existe en France un malaise persistant dans le monde du travail,
qui s’explique notamment par la mauvaise qualité des relations
managériales et l’insuffisante ouverture des élites. Le « capitalisme
d’héritiers » à la française présente quatre caractéristiques qui sont
aussi quatre difficultés spécifiques du management : la rigidité
hiérarchique, la difficulté à travailler en groupe, l’importance trop
grande du diplôme initial et de l’origine sociale, et le déficit de
promotion interne.
Professeur assistant à la
Stern School of Business
(New York University),
Thomas Philoppon a
notamment publié Le
Capitalisme d’héritiers
(Seuil/La République des
idées, 2007
par Thomas Philippon
Le capitalisme français se caractérise par la faiblesse de sa
promotion interne, dans les petites entreprises comme dans les
grandes. Le management de l’entreprise est souvent confié à
un membre de la famille fondatrice. Cette tradition explique en
partie le manque de dynamisme de nos PME. Mais les grandes
entreprises et les administrations sont prises dans une logique
parallèle : le problème est celui de l’héritage par le diplôme plutôt que celui de l’héritage familial, mais les conséquences sont
similaires : le travail et le mérite, aussi grands soient-ils, ne garantissent pas l’accès aux responsabilités.
En France, on aime les héritiers. Mais imaginons que pour sélectionner la prochaine équipe de France de foot on aille chercher les fils des joueurs qui étaient autour de Platini, aurait-on
la meilleure équipe du monde ? Or c’est précisément ce qui
se passe, d’une façon très nette dans le cas des petites entreprises (et de certaines grandes), d’une façon plus diffuse dans
les grandes où les recrutements et les carrières sélectionnent
les « héritiers » au sens sociologique du terme, celui de Bourdieu.
Mon propos n’est pas celui d’un sociologue et je ne voudrais
pas, par ailleurs, poser un jugement a priori sur ce phénomène.
Mais en raisonnant en économiste, on peut montrer qu’il présente de vrais inconvénients.
Le principal est ce que j’ai nommé « la crise française du travail », et qui est souvent repéré dans les enquêtes internationales. Parmi les vingt pays les plus industrialisés, la France est
celui qui, avec la Grèce, a le taux de satisfaction au travail le
plus faible. La France est aussi le pays où le degré de confiance
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L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
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entre managers et employés est le plus mauvais. Selon une enquête auprès des managers (Global Competitiveness Report 2004), lorsqu’on pose
la question : « Les relations entre employés et employeurs sont-elles conflictuelles ou coopératives ? », la France arrive 99e sur 102 pays. Seuls le Venezuela, le Nigeria et Trinidad font pire !
Mais parallèlement il n’y a pas de disparition de l’envie de travailler, et c’est
bien ce que montre cette enquête. La crise du travail vient en fait d’une
crise de confiance, particulièrement forte en France, entre employés et employeurs. Cela se voit au niveau national, avec un dialogue social difficile, et
au sein des entreprises, où les relations hiérarchiques sont mal vécues et où
on perd trop de temps en querelles intestines.
Il y a quatre difficultés spécifiques du management en France : la rigidité
hiérarchique, la difficulté à travailler en groupe, l’importance trop grande du
diplôme initial et de l’origine sociale, et le déficit de promotion interne.
Il en résulte un rejet particulier des entreprises françaises. Dans le classement des entreprises les plus appréciées par leurs employés, on trouve en
France des entreprises américaines aux quatre premières places et seulement trois entreprises françaises parmi les dix premières. En Allemagne, au
contraire, cinq sur dix sont allemandes, et au Danemark, six sur dix sont
danoises, dont les trois premières.
Ces carences de management sont aussi les conséquences du système de
formation et de sélection, et de l’école. Les managers français sont le reflet
de la société française, pas un groupe autonome.
Chercher un coupable n’est cependant pas la bonne solution, car c’est la dynamique du système qui est en cause. Face à l’attitude de refus de certains
employés, des patrons de bonne volonté auront raison de prendre des décisions autoritaires. Mais réciproquement, la tradition française de management hiérarchique et de mépris des subordonnés renforce l’hostilité de tous.
Le renouvellement des élites managériales est donc une urgence. L’analyse
des données les plus récentes est cependant un peu plus encourageante. Le
renouvellement managérial semble avoir progressé durant les années 1990.
Il faut encourager cette évolution.
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La fin des partis
d’avant-garde ?
Retour sur une histoire
française
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À gauche en particulier, on a longtemps conçu les partis politiques
comme des organisations dont les membres avaient un statut
spécifique et différent des autres citoyens, formant une petite société
à la quelle revenait seule l’honneur et la responsabilité, mais surtout le
pouvoir, de désigner leur candidat. Mais cette culture du parti d’avantgarde est en crise, notamment parce qu’elle ne cadre plus avec une
société où les citoyens se considèrent parfaitement capables et se
montrent désireux de peser sur la désignation du candidat de la famille
politique dont ils se sentent le plus proches.
Ancien directeur scientifique
de Sciences Po, aujourd’hui
directeur de recherche au
Centre d’études européennes
de Sciences Po, Gérard
Grunberg a notamment publié
L’Ambition et le remords.
Les socialistes français et le
pouvoir (1905-2005), nouvelle
édition revue et augmentée,
Hachette Livres, 2007 (avec
Alain Bergounioux) et La
France vers le bipartisme ? La
présidentialisation du PS et de
l’UMP, Presses de Sciences Po,
2007 (avec Florence Haegel).
Entretien avec Gérard Grunberg
Vous avez écrit à plusieurs reprises que les discussions
et les débats sur les primaires, au sein du Parti socialiste,
renvoyaient à l’épuisement de la culture du parti d’avantgarde. D’où vient cette culture et quels en sont les traits
structurants ?
On pourrait remonter très loin en arrière, et notamment au fonds
culturel chrétien qui imprègne plus profondément qu’on ne le
croit les premiers mouvements socialistes : un fonds culturel qui
fait la part de la croyance, des espérances messianiques, mais
qui suppose aussi une fonction « sacerdotale » des militants,
appelés à guider les consciences.
En Europe, les partis de gauche qui sont à l’origine des partis
socialistes et communistes d’aujourd’hui se constituent dans les
années 1880. En France précisément, c’est un moment où la
logique révolutionnaire du parti de classe, telle qu’elle a été formulée par Marx et telle qu’on la retrouve ensuite chez Lénine,
est mise en question par l’apparition d’un régime parlementaire
avec la IIIe République. Faut-il accepter le jeu de la représentation ? Faut-il laisser de côté l’espérance révolutionnaire au
profit d’un engagement, d’une compromission peut-être, avec
les régimes bourgeois ? Les débats sont vifs ; Kautsky, en Allemagne, soutient l’idée de jouer le jeu du parlementarisme, au
motif que le parti fonctionne un peu de la même manière que
le congrès.
Les socialistes français vont faire ce choix eux aussi, mais sans
vraiment renoncer à l’imaginaire marxiste du parti de classe rélire la suite
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volutionnaire. Ils vont en fait tenter de développer ce modèle à l’intérieur du
système parlementaire.
L’avantage de ce compromis, qui tiendra jusqu’au Congrès de Tours en
1920, est qu’ils vont pouvoir faire de la politique, et donc faire avancer leurs
idées et les intérêts de la classe ouvrière. Mais l’imaginaire toujours vivant
du parti d’avant-garde les amène à considérer que leur parti n’est pas de la
même nature que les autres ; il ne joue pas exactement le même jeu et cela
peut rendre difficiles certaines alliances, avec les radicaux par exemple. Au
fond, la vraie action, c’est de préparer la révolution. Le parti, dans son fonctionnement même, préfigure la société de demain : il doit donc être dirigé par
la classe ouvrière.
Cela n’amène-t-il pas les militants à entretenir une certaine suspicion à
l’égard des parlementaires?
Si : c’est le parti qui est légitime, c’est lui qui pense la société de demain. On
retrouvera cette logique jusque dans les années 1980, quand Lionel Jospin,
alors premier secrétaire du PS, dira : « on est à côté du pouvoir ». Façon de
dire que le parti, toujours marqué par une culture d’espérance révolutionnaire, ne peut pleinement assumer l’exercice du pouvoir en régime parlementaire.
On voit bien ici la force de cette culture, mais aussi à quel point l’affaire des
primaires est existentielle. Les militants, noyau « conscient » de la classe ouvrière, avaient dans l’ancienne conception une vocation naturelle à désigner
les candidats. Or avec l’idée des primaires ouvertes, il se trouve dessaisi de
sa fonction… qui au fond est la seule qui lui reste, puisqu’il n’est plus un parti
de classe et qu’il ne prétend plus préfigurer la société future.
Ce qui est curieux, c’est que les réflexes politiques associés à cet imaginaire d’une « élite ouvrière » ont survécu bien longtemps plus longtemps à la
classe ouvrière elle-même, qui n’existe plus en tant que classe, et surtout à
sa présence au sein du parti socialiste. Il y a longtemps déjà que les ouvriers
ne sont plus qu’une frange marginale du PS, et que les postes de responsabilité sont occupés par de hauts fonctionnaires et plus généralement des
agents de l’État.
C’est la césure entre les « sachants » et les « non-sachants » qui est mise
en cause aujourd’hui. Issue de l’arrière-fond religieux des mouvements socialistes du XIXe siècle, où une foi et la connaissance des dogmes distinguaient une élite, cette césure a progressivement changé de sens sur le
plan sociologique, avec un encadrement par les diplômés, puis un effacement des non-diplômés. Si elle est mise en cause aujourd’hui, c’est parce
que l’individualisation de la société conduit à éroder l’idée du travail collectif,
constitutive du parti, et que l’élévation du niveau d’instruction amène les «
fidèles » à prendre leurs décisions tout seuls, sans se les laisser dicter. Mais
les héritiers des anciennes élites ouvrières tentent de préserver leur isolation
et leurs privilèges
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Des chiffres…
… concernant les enfants d’ouvriers
et de cadres supérieurs
Aux concours de l’ENA de 2009, 4 élèves sur 81 avaient un
parent ouvrier.
Les universités françaises n’accueillent que 11% d’enfants d’ouvriers contre 30% de cadres supérieurs.
Les deux-tiers des enfants d’enseignants et plus de la moitié
des enfants de cadres sont titulaires d’un diplôme supérieur ou
égal à Bac + 3, contre 10% des enfants d’ouvriers non qualifiés
ou d’inactifs.
Les fils de cadres supérieurs ont 2,9 fois plus de chances que
les ouvriers d’avoir leur bac et 8 fois plus d’obtenir un bac S.
84% des élèves des sections pour jeunes en difficulté au collège sont issus des catégories sociales défavorisées. Les enfants d’enseignants et de cadres en représentent 2%.
Chiffres consultables sur le site de l’observatoire des inégalités
Les étudiants dont les parents perçoivent des revenus inférieurs
ou, au mieux, égaux à 10 000 F (1 524 €) par mois ont moins
de chances de réussite totale que leurs condisciples issus des
classes moyennes et supérieures : par rapport à ceux dont
les parents se situent dans la tranche de revenus modale (de
20 000 à 30 000 F, i.e. de 3 049 à 4 573 €), les étudiants dont
les parents reçoivent au mieux 5 000 F (762 €) ont un quart de
chances en moins (coeff. 0,76), ceux dont les parents reçoivent
entre 5 000 F et 10 000 F (entre 762 et 1 524 €) un cinquième
de chances en moins (coeff. 0,79).
Chiffres consultables dans l’étude de l’OVE (Observatoire
de la vie étudiante) sur «les conditions de réussite dans
l’enseignement supérieur», Chapitre 2/les facteurs de
réussite/A.L’origine sociale (avril 2002)
...concernant les enfants d’enseignants
En 2008-2009, à l’Ecole normale supérieure, un élève sur
quatre était un enfant de professeur ou d’instituteur (238 sur
992 élèves).
En 2008-2009, 42 % des lauréats du concours 2007 de Polytechnique avaient au moins un parent enseignant.
En 2008, le taux de réussite au bac des enfants de professeurs
ou d’enseignants étaient respectivement de 91,92% et 91,22%
(sur un taux global de réussite de 83,7%).
Chiffres pris dans lemonde.fr du 1er septembre 2009 dans
l’article «Douze idées reçues sur l’école».
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...concernant les grands patrons
Parmi les 27 managers du CAC 40 (hors héritiers du capital* pour lesquels
la formation n’est pas déterminante, selon l’auteur de l’étude), ils sont, sans
compter les doubles formations, 10 énarques, 7 polytechniciens, 3 HEC, un
Sup de co Paris, un centralien, un Mines de Paris et un Ponts et Chaussées.
*Bernard Arnault (héritier de l’entreprise Ferret-Savinel/Férinel, fondateur de LVMH),
Martin Bouygues (fils du fondateur), Arnaud Lagardère (fils du fondateur), FrançoisHenri Pinault (fils du fondateur PPR), Patrick Ricard (fils du fondateur), Michel Rollier
(fils d’un gérant, apparenté aux Michelin), Franck Riboud (Danone 5e génération) et
Gilles Pélisson (Accor, neveu du fondateur).
Etude d’Hervé Joly, chargé de recherche CNRS, Laboratoire de recherches historiques Rhône-Alpes, université Lumière Lyon 2, auteur de « Grands patrons, grandes
école : la fin de l’endogamie ? » (mars 2008)
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1/ A quoi juge-t-on un bon système scolaire ?
A/Quand l’écart entre les meilleurs et les plus faibles se réduisent
B/Quand le nombre de diplômés augmente et que la durée des études s’allonge
C/Quand les élèves portent des costumes et que les enseignants leur tapent sur les doigts avec des
règles
2/ Combien y-a-t-il d’illettrés en France ?
A/6%
B/9%
C/15%
3/ Le niveau de l’école monte en France…
A/…mais les enseignants/professeurs sont moins sévères
B/… mais les écarts de creusent
C/…mais le niveau des diplômes baissent
4/ La France est championne en…
A/Nombre de grandes écoles
B/Nombre de diplômés de l’enseignement supérieur
C/Nombre de redoublements
5/ Les enfants d’immigrés ont-il un impact sur le niveau scolaire ?
A/ Oui, ils le font baisser
B/ Non, cela ne change rien
C/ Joker
6/ Qu’est-ce que « l’habitus » de Pierre Bourdieu ?
A/ Le nom de son animal de compagnie
B/ Des traditions et des habitudes
C/ Des goûts et des pratiques
7/ Selon la sociologue Marie Duru-Bellat, « l’ascenseur social est en
panne » parce que…
A/ Les diplômes sont le reflet des inégalités sociales de départ
B/ Le baccalauréat ne vaut plus rien
C/ Les réparateurs sont en grève
8/ Qui a dit « ce n’est pas parce qu’on a été brillant entre 18 et 22 ans qu’on
fera forcément une carrière exceptionnelle » ?
A/ Mon voisin de pallier
B/ Nicolas Sarkozy
C/ François Chérèque
9/ Qui a dit « Ce qui est choquant, c’est le fait qu’un concours passé à
25 ans oriente toute une vie professionnelle» ?
A/ Frédéric Lefebvre
B/ François Bayrou
C/ Nicolas Sarkozy
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1/ Réponse A. Contrairement aux idées reçues, la formation d’une élite ne peut pas se faire au détriment de la « masse ». Un système scolaire est donc bon « quand il parvient à élever le niveau de tous
en réduisant au minimum les écarts entre les meilleurs et les plus faibles ». Voir « l’élitisme républicain,
l’école française à l’épreuve des comparaisons internationales » de Christian Baudelot et Roger Establet, éditions du Seuil, collection la République des idées (2009).
2/ Réponse B. Selon la dernière enquête de l’Insee (2005), près d’un adulte sur 10 souffre d’illettrisme.
La proportion atteint 12% si on y ajoute les personnes résidant en France mais n’ayant pas été scolarisés sans ce pays. La définition de l’illettrisme ne concerne que des personnes ayant été scolarisés
dans un pays donné.
3/ Réponse B. De plus en plus de Français accèdent à l’université. Mais une part de jeunes, qui oscille
de 10% à 20% d’une classe d’âge, se situe en dessous du niveau minimal auquel l’école a pour mission
de conduire tous les élèves d’une génération. Voir « l’élitisme républicain, l’école française à l’épreuve
des comparaisons internationales » de Christian Baudelot et Roger Establet.
4/ Réponse C. Selon l’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves)
menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et dans
de nombreux pays partenaires, c’est dans notre pays que la pratique du redoublement est la plus répandue. En 2006, 40% des élèves français âgés de 15 ans avaient déjà redoublé au moins une fois.
Plus des deux tiers des pays de l’OCDE (22 pays sur 33) enregistrent un taux de retard inférieur à 20%.
L’enquête révèle de plus l’inefficacité du redoublement. Voir « l’élitisme républicain, l’école française à
l’épreuve des comparaisons internationales » de Christian Baudelot et Roger Establet.
5/ Réponse B. L’enquête PISA montre « qu’il n’existe pas de corrélation positive entre les proportions
d’élèves issus de l’immigration et l’ampleur des écarts de performance entre eux et les élèves autochtones ». L’enquête marque, selon Baudelot et Establet, « les limites de l’intégration à la française (…)
puisque l’école a bien du mal à assurer l’égalité des chances, pour les enfants d’immigrés comme pour
les enfants des classes défavorisées ». Voir « l’élitisme républicain, l’école française à l’épreuve des
comparaisons internationales » de Christian Baudelot et Roger Establet.
6/ Réponse C. L’habitus est « une sorte de matrice à travers laquelle nous voyons le monde et qui
guide nos comportements. Il se manifeste par un ensemble cohérent de goûts et de pratiques ». Pierre
Bourdieu montre « à chaque classe de positions correspond une classe d’habitus ». Il montre que « nos
jugements (musique, sports, cuisine…) sont le reflet de notre position dans l’espace social ». Lire l’article « les coulisses de la domination » de Philippe Cabin, dans le dossier « Le monde selon Bourdieu »,
Mensuel numéro 105 de Sciences humaines (Mai 2000).
7/ Réponse A. Selon la sociologue, l’ascenseur social est en panne parce que ces diplômes sont le
reflet des inégalités sociales de départ et enfin, parce qu’à diplôme égal, c’est l’origine sociale (par le
capital social et culturel) qui permet l’accès aux meilleurs postes. Elle montre par ailleurs ce n’est plus
le fait d’être bachelier qui fait la différence, mais bien plus la nature du baccalauréat obtenu. Voir « L’inflation scolaire : les désillusions de la méritocratie », de Marie Duru-Bellat, éditions du Seuil, collection
la République des idées (2006).
8/ Réponse B. Il s’agit de Nicolas Sarkozy en octobre 2006. « Je m’aperçois que ceux qui étaient les
premiers à l’ENA, c’est pas forcément les premiers aujourd’hui », avait déclaré le président de l’UMP
en campagne électorale.
9/ Réponse B. Nicolas Sarkozy en janvier 2009. Éric Woerth, le ministre de la Fonction publique et André Santini, secrétaire d’État chargé de la Fonction publique, ont présenté devant des élèves de l’ENA
un projet de réforme visant à supprimer le fameux classement de sortie. Ce classement de sortie conditionne, selon le rang obtenu, l’accès aux grands corps de l’Etat. François Bayrou, lors de la campagne
présidentielle, avait proposé, lui, de supprimer l’ENA.
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Comment faire vivre la mixité à l’école ?
L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
Quelle politique pour la jeunesse ?
Quelle économie pour la culture ?
La justice des mineurs doit-elle changer ?
Peut-on réussir le service civique ?
Quel avenir pour le commerce équitable ?
Quelle politique pour la jeunesse ?
Quelle économie pour la culture ?
Directeur de la publication : Jean-Michel Ducomte
Responsable éditoriale : Nadia Bellaoui
Rédacteurs en chef : Ariane Ioannides, Richard Robert
Ont participé à ce numéro : Éric Favey, Guillaume Houzel
Photo : Gilles Coulon/Tendance Floue
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