Mariage de raison entre le journal papier et sa déclinaison Internet

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Mariage de raison entre le journal papier et sa déclinaison Internet
Médias électroniques
Katja Riefler
septembre 2002
techniques de presse
Conférence multimédia de la BDZV et de l'Ifra
Mariage de raison entre le journal
papier et sa déclinaison Internet
La conférence « Journaux en ligne
2002 » qui a eu lieu les 4 et 5 juin
à Berlin était organisée par l’Ifra
et la BDZV. Katja Riefler, conseiller média et journaliste, nous propose ses conclusions : il n’existe
pour les journaux que des possibilités limitées dans le domaine de
l’Internet mobile et des contenus
payants.
té malgré la morosité économique. Le potentiel offert par les contenus payants n’a
pas encore été testé : « Pour les communautés, je pense que le potentiel est aussi grand
que pour les contenus. »
Nouvelles idées en publicité
Internet ne disparaîtra plus et, dans
un proche avenir, les journaux ne disparaîtront pas non plus. Les deux types de médias peuvent se compléter parfaitement,
même si les perspectives de revenus restent
modérées et les engagements en ligne
n’obtiennent du succès qu’en combinant
plusieurs sources de revenus.
« Internet est comme un enfant de
3 ans et demi. Il court partout, il est plein
d’énergie, il ne peut pas encore dire ce qu’il
veut et donne l’impression qu’un jour il deviendra une personne remarquable. » Pour
le grand designer de journaux, Mario Garcia, qui conseille maintenant aussi les sociétés d’édition pour leur design sur le Web,
la synergie entre imprimé et Web est nécessaire. Dans son discours d’introduction, il
l’a comparée à un mariage entre un homme
d’un certain âge (le journal) et une jeune
femme attrayante (le Web), qui malgré toutes les difficultés qu’ils ont pu rencontrer
au départ sont parvenus à une liaison durable et viable. Le plus important, c’est de
tirer parti des points forts de chaque média,
surtout en ce qui concerne les actualités
quotidiennes : « Les journaux analysent et
les sites Web couvrent l’événement au
quotidien. »
Pour Mario Garcia (www.garciamedia.com) la promotion croisée entre
journaux et sites en ligne n’en est qu’à ses
débuts. Le potentiel représenté par les journaux est très important. Rüdiger Schulz de
l’institut des sondages d’opinion Allensbach parvient à la même conclusion. Il a
présenté les premiers résultats provisoires
d’un sondage sur l’utilisation des offres
Mario García : « Nous en venons à une phase de minimalisme (au point de vue design) – moins il y en a,
mieux c’est pour tous les médias. . . Nous avons besoin
d’une meilleure titraille. »
Internet de journaux. En moyenne les notes
attribuées par les utilisateurs étaient bonnes, mais pas excellentes.
Playboy Cyberclub : 1000
nouveaux clients payants par mois
Peu d’utilisateurs sont prêts à payer
pour des contenus de journaux, selon Rüdiger Schulz qui partage la même opinion
que les participants à la table ronde « Cash
for content ». « Pas un mois où nous avons
eu moins de 1000 nouveaux abonnés
payants pour le Playboy Cyberclub »,
rétorque fièrement Christoph Schuh, directeur de Tomorrow-Focus AG (www.tomorrow-focus.de).
Christoph Schuh et ses collègues de
la société d’édition Handelsblatt (www.handelsblatt.com), Bild.T-Online.de (www.bild.
t-online.de) et NZZ (www.nzz.ch) pensent
qu’une part de 20 % des recettes peut être
attribuée de façon réaliste aux sites
payants, y compris la vente de contenus
sur appareils nomades et la syndication de
contenus.
Hans-Dieter Baumgart, directeur de
Rheinische Post à Düsseldorf en Allemagne
(www.rp-online.de) indique que les recettes
Internet des sociétés d’édition ont augmen-
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Une autre activité en ligne pour les
sociétés d’édition sont les rubriques d’annonces. Les participants ont pu le constater
à la présentation de PersonalShopper, une
offre lancée en novembre 2001 à San Francisco par SFGate.com. Il s’agit d’annonces
commerciales provenant du quotidien et
des suppléments qui sont consultables en
ligne. Les utilisateurs peuvent déterminer la
zone de chalandise, effectuer leurs recherches (en texte intégral, par catégories ou
par annonceur) selon l’article et même le
modèle souhaité et demander qu’on les
avertisse quand il y a des soldes pour un
article déterminé.
Pour les annonces intéressantes, il
existe une fonction panier. Les journaux
peuvent analyser quels sont les articles les
plus demandés en fonction du comportement des utilisateurs. Selon AdExpedia,
c’est l’annonceur qui doit payer ce service.
Paul Wolfe ajoute : « Le service en ligne est
en fait un média local de masse, qui peut
très bien concourir avec la radio. La présence en ligne donne aux commerces un
plus grand rayon d’activité et leur fournit
un public plus jeune. Ce qui est important,
c’est de former les vendeurs d’annonces de
l’édition imprimée à la vente de produits en
ligne. » La société AdExpedia s’était spécialisée, à l’origine, dans la présentation en
ligne de prospectus et de suppléments publicitaires de grands centres commerciaux
qui souhaitaient mettre en ligne jusqu’à
200 versions locales de leurs prospectus. La
société AdExpedia (www.adexpedia.com) a
développé le logiciel et opère le site PersonalShopper pour SFGate (http://personalshopper.sfgate.com). AdExpedia a réalisé
une solution similaire pour le Dallas Morning News (http://shopping.dallsnews.com)
et en prépare une autre pour Knight-Ridder
(www.kri.com). La présentation des annon-
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ces et suppléments de journaux en ligne est
proposée aux journaux comme solution
ASP uniquement. Le logiciel ne peut donc
pas être acheté. Les coûts sont calculés par
annonce et/ou par page du supplément
(coûts d’hébergement et de trafic inclus).
Un podium de discussion était consacré aux derniers développements dans le
domaine des rubriques d’annonces. La valeur des marchés régionaux a été soulignée
ainsi que la nécessité de proposer des offres
plurimédia et d’enrichir les annonces imprimées par des éléments spécifiques à
Internet.
Le « journal électronique », c’est-àdire la distribution d’une version s’approchant le plus possible de l’apparence du
journal imprimé, a été largement discuté
lors de cette conférence. L’exemple le plus
connu est le Rhein-Zeitung (http://epaper.rhein-zeitung.de) qui de février à mimai 2002 a enregistré 1600 abonnés
payants. Philipp Walz, chef de fabrication
au Standard Verlag à Vienne (http://derstandard.at) qui expérimente en ce moment
un produit similaire (www.derstandarddigital.at) insiste : « Il est certain qu’il s’agit
d’un produit de niche. Si nous parvenons
dans les années à venir à obtenir 2500 à
3000 abonnés, l’expérience aura répondu à
nos attentes. »
Internet mobile : chances
modérées sur un marché saturé
« Une activité rentable dans un cadre
modéré », telles sont les prédictions émises
par le consultant Peter Kirchner au sujet de
l’engagement des journaux sur le marché
de l’Internet mobile. Horst Niederheide de
MDI Media Dynamics Ingenieur GmbH a
présenté le projet « DOM » sponsorisé par le
ministère allemand de l’économie jusqu’à
cet automne.
Dans le cadre de ce projet, une infrastructure a été créée pour que les éditeurs puissent proposer ensemble ou seuls
des services basés sur le positionnement
géographique (Location Based Services).
Susan Heise, chef de projet Content/
i-mode, explique la politique mise en place
par E-Plus (www.eplus-imode.de) : Les partenaires de contenus chez E-Plus reçoivent
à l’heure actuelle 86 % du chiffre d’affaires
obtenu par la vente de leurs contenus aux
clients i-mode. Les contenus peuvent
coûter jusqu’à 2 euros par mois. Aujourd’hui, i-mode a 27 000 clients en Allema-
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gne. Depuis 1998 (nouveau lancement
2000), la société d’édition Handelsblatt
propose une offre Internet payante selon
Maike Schlegel, directeur du marketing et
des ventes à Economy One AG. Topix.
L’offre premium de Handelsblatt en ligne
enregistre 40 000 utilisateurs, qui ont été
recrutés en grande partie parmi les abonnés
de l’édition imprimée et la tendance est
croissante.
Maike Schlegel n’a cependant pas
donné de chiffres. La valeur ajoutée apportée aux clients Topix est constituée par
tous les articles actuels, l’accès aux archives et les possibilités de personnalisation.
Le produit est conçu comme « package »
entre l’édition imprimée et en ligne.
Bild.T-Online.de :
du lecteur à l’utilisateur
Bild.T-Online.de a pour objectif, selon Peter Würtenberger, président de
Bild.de AG, d’attirer les lecteurs du journal
Bild vers Internet. « Le journal Bild a onze
millions de lecteurs. Seul un tiers de ces
lecteurs utilisent Internet. Avec T-Online,
nous avons trouvé le fournisseur d’accès
idéal. La voie allant du lecteur à l’utilisateur puis au client est une chaîne stratégique. » Depuis environ un mois, Bild.
T-Online.de permet une liaison plus forte et
plus nette entre les marques.
Le nombre d’accès a considérablement augmenté avec la présence constante
de Bild sur la page d’accueil de T-Online.
Selon Peter Würtenberger, le potentiel pour
un accès payant est à chercher dans le
genre d’articles typiques de Bild. Comme
exemple, il a nommé la coopération avec
Stiftung Warentest, un institut pour les
consommateurs, ou les contenus des rubriques Informatique et Automobile. Le
paiement possible des contenus par T-Online est un grand avantage. Les utilisateurs
n’apprécient pas trop le paiement par carte
bancaire. Bild.T-Online.de proposera bientôt un second moyen de paiement.
Christoph Schuh a décrit l’évolution
de Playboy Cyberclub (www.playboy.
de). Le service par lequel il est possible de
visualiser plus de 2000 images, a aujourd’hui 7000 abonnés. L’accès au service premium coûte entre 3 et 5,5 euros par mois
suivant la durée de l’abonnement. De grandes campagnes publicitaires ne sont pas
encore prévues. Dès que Burda possédera
en 2003 la licence d’impression, nous mi-
Environ 150 participants ont discuté au cours de la
conférence « Journaux en ligne 2002 » à Berlin des
possibilités offertes par les contenus payants, des
nouvelles évolutions enregistrées sur les marchés
d’annonces en ligne, des nouveaux moyens de distribution pour le journal imprimé et des chances offertes
par les contenus sur appareils nomades. Michael
Geffken (WirtschaftsWoche, à droite) et Harald Ritter
(Ifra) animaient la discussion.
serons sur la synergie plurimédia. Selon
Christoph Schuh : « Dans deux à trois ans,
nous pensons avoir 80 000 abonnés. »
Publicité plurimédia pour les
contenus payants chez Focus.de
Focus.de (www.focus.de) met l’accent
sur les données et faits concrets pour la publicité plurimédia. Au cours des trois premières semaines des contenus payants, une
recette en euros se montant à 5 chiffres aurait pu être engrangée. Le chiffre d’affaires
se situe maintenant à un niveau moins élevé. Mais une croissance se dessine à l’horizon. Chez Focus, la part du chiffre d’affaires pour les activités en ligne devrait
atteindre les 10 % dans quatre à cinq ans.
Le Neue Zürcher Zeitung teste les archives payantes du NZZ Online depuis le
début de l’année. Le fournisseur de base de
données GBI propose cette offre. Martin
Breitenstein, rédacteur en chef de NZZ Online explique : « Le prix par article est de
deux euros et la facturation minimale de
quatre euros. » Aucune décision ferme n’a
encore été prise sur les autres contenus
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en ligne ne compte que pour 1 % des dépenses publicitaires. Il faut trouver de nouvelles formes de publicités. »
Une recette miracle ?
La conférence a eu lieu à l’hôtel Crown Plaza City Centre à Berlin. Les pauses café sont l’occasion idéale de
discuter entre collègues. Richard Rebmann, vice-président de la BDZV et éditeur du Schwarzwälder Boten
(deuxième à gauche), a résumé la conférence comme suit : Il est nécessaire de créer des liens étroits entre le
journal et la présence en ligne. La convergence implique que les contenus doivent être traités séparément pour
chaque média. Dans le domaine des annonces, il faut renforcer les publicités croisées. A sa gauche, Rüdiger
Schulze de l’institut pour les sondages d’opinion Allensbach, à sa droite Reiner Mittelbach, directeur général de
l’Ifra, et Volker Schulze, président directeur général de la BDZV.
payants que NZZ pourrait proposer à l’avenir. Martin Breitenstein pense aux informations financières et aux outils de consulting. L’image de marque de NZZ étant assez
forte, la vente de contenus à des tiers (syndication) pourrait devenir une activité
lucrative. Le facteur le plus important dans
les recettes du mix-média reste la publicité : « Internet serait le premier média de
l’histoire qui malgré le nombre élevé d’utilisateurs ne parviendrait pas à se faire une
place en tant que média publicitaire. »
Hans-Dieter Baumgart a placé les recettes mix-média au centre de son discours.
Le service SMS payant pour la coupe du
monde de football est une offre entrant
dans la suite logique de celles proposées
pour l’instant par rp-online.de. Ce service
pour la coupe du monde de football a été
proposé en combinaison avec un abonnement d’un mois au journal.
Recettes du mix-média
La source de revenus la plus importante pour les services en ligne a longtemps
été l’accès Internet. Aujourd’hui encore,
rp-online propose un accès pour ses clients
et en retire un tiers de ces recettes. Un autre tiers est dû à la publicité classique en ligne et le reste au commerce électronique.
Hans-Dieter Baumgart indique que
les recettes Internet des sociétés d’édition
ont augmenté malgré la situation économique morose. Quant aux contenus
payants, toutes les possibilités n’ont pas
encore été testées. Hans-Dieter Baumgart a
donné comme exemple la station de télévision Giga-TV dans laquelle le Rheinische
Post a des participations. 5000 à 20 000 remarques et questions de la part des auditeurs sont envoyées par SMS pour chaque
émission. Les journaux doivent trouver un
moyen de tirer profit de ce potentiel.
Les services SMS n’avaient joué aucun rôle jusqu’à présent en raison de la
structure de coûts de Telcos. On mise plutôt
sur les services GPRS et les portails vocaux.
A Handelsblatt un service SMS a été aménagé dans le cadre du service premium
comme test pour la coupe du monde de
football. Pour Peter Würtenberger, ce n’est
qu’une petite partie de l’évolution : « Il faut
organiser la distribution et la chaîne de
réutilisation complète des contenus numériques. » Par exemple, Bild.de TV : la société a placé aussi bien les vidéo-clips consultables sur Bild.de (service éventuellement
payant à l’avenir) que les productions TV
qui sont vendues aux stations.
Christoph Schuh soutient la thèse
suivante : en 2003, cinq à dix portails rentables subsisteront en Allemagne : « Les
fournisseurs régionaux doivent se demander si leur activité en ligne ne sert pas en
premier lieu au marketing pour générer des
abonnements et fidéliser de jeunes clients. »
Peter Würtenberger prend fait et cause
pour la publicité en ligne : « Les plus de 14
ans passent 10 % de leur temps consacré
aux médias sur Internet, mais la publicité
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Jürgen Reimers, directeur de Versum.de AG (www.versum.de), mise sur la
combinaison des deux mondes : « Une société d’édition qui est orientée vers des
publications plurimédia n’a rien à perdre.
Cependant, il est nécessaire de proposer
aux clients comme les concessionnaires
automobiles ou les agents immobiliers de
vraies offres et de leur fournir les interfaces
correspondantes. Sinon, les rubriques d’annonces migreront vers le service en ligne
en raison de la facilité de recherche. »
André Sonst, directeur de Sueddeutsche.de GmbH (www.sueddeutsche.de) pense
que le marché de l’emploi est le plus prometteur pour les sociétés d’édition : « Internet est bon pour ceux qui recherchent un
emploi dans l’immédiat. Le journal, quant à
lui, touche également les chercheurs d’emploi qui ne sont pas dans une recherche
active mais envisagent de changer d’entreprise. »
Sönke Reimers, directeur général et
membre du comité de direction du portail
en ligne Bild.de de la société Axel Springer,
ne pense pas que le journal soit déjà en
danger : « Seuls 5 % des recherches sur les
marchés de l’automobile et de l’emploi sont
effectuées en ligne, pour le marché de l’immobilier, nous n’en sommes qu’à 0,5 %. Les
marchés ne sont pas encore perdus pour les
journaux. »
Dans le groupe Springer on mise sur
le mix-média imprimé/Internet et cette
stratégie est pratiquée avec succès par
exemple par le quotidien Berliner Morgenpost (http://morgenpost.berlin1.de).
A long terme, ce sont les marques régionales, c’est-à-dire les quotidiens, qui
remporteront la victoire, car la mobilité des
gens n’est pas grande et ne va pas au-delà
de 200 km.
Gunther Batzke, directeur de Monster.de GmbH & Co. KG (www.monster.de) à
Wiesbaden, voit les choses sous un autre
angle : Le marché de l’emploi dépasse le
rayon de la région. Et les gens peuvent
aller très loin pour acheter leurs nouveaux
véhicules. »
On le voit, il n’y a pas de recettes
précises mais les expériences se multiplient,
ce qui finira par payer ! <

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