La modification de la consistance du lot de copropriété

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La modification de la consistance du lot de copropriété
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La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 24, 17 Juin 2005, 1307
La modification de la consistance du lot de copropriété
Etude rédigée par : Stéphane Lelièvre
Notaire à Maisons-Lafitte
et Olivier Tyl
Notaire à Villepreux
Copropriété
Sommaire
1. - Au regard de la loi du 10 juillet 1965, la consistance d'un lot de copropriété recouvre tout à la fois la qualité
intrinsèque des lieux (HSP, qualité des matériaux, éléments de confort tels que l'éclairement, desserte, accessoires tels
que balcons et terrasses), et prend en considération la nature physique du lot (appartement, cave, parking, balcon, local
commercial ...).
2. - La loi SRU a appréhendé la consistance du lot dès la mise en copropriété de l'immeuble :
o d'une part, en interdisant les divisions d'immeubles en vue de créer des locaux à usage d'habitation d'une superficie
inférieure à 14 m2 et d'un volume habitable inférieur à 33 m3, ou non pourvus d'une installation d'alimentation en eau
potable ou d'une installation d'évacuation des eaux usées ou d'un accès à la fourniture d'un courant électrique (CCH,
art. L. 111-6-1). Le but de cette disposition étant de proscrire la création de lots qui ne présenteraient pas un minimum
de décence quant à leur habitabilité.
Cette interdiction s'applique également aux opérations provenant de telles divisions interdites : la location, la mise à
disposition, la vente, le partage de tels logements.
La question s'est posée de savoir si cette interdiction s'appliquait aux subdivisions de lots. Selon Hugues
Périnet-Marquet Note 1 toutes les divisions seraient visées.
La position de la chancellerie est la suivante : « Bien que la loi ne vise pas expressément, sans toutefois les exclure, les
cas de divisions initiales en sous-fractions, il peut être considéré que la division inclut la sous-division ». Cette position
est d'ailleurs conforme à celle du comité de consultation du CRIDON.
Il peut être néanmoins considéré que la mise en conformité d'un état descriptif de division avec les règles de la
publicité foncière n'emporte pas à proprement parler création d'un local à usage d'habitation (division d'un lot global).
La loi n'a prévu aucune sanction civile en cas de méconnaissance de ces nouvelles interdictions de division, mais
l'article L. 111-6-1 CCH ayant été édicté pour des motifs touchant à l'ordre public de direction, Jacques Lafond pense
que la sanction qui s'impose est la nullité absolue des opérations effectuées en violation des prescriptions légales.
En revanche, des sanctions pénales ont été instituées pour ceux qui « passent à l'acte » (vente/location/mise à
disposition).
De même, au titre des innovations de la loi SRU, sont interdites les divisions d'immeubles n'ayant pas fait l'objet de
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diagnostic amiante en application de l'article L. 1311 du Code de la santé publique, ni d'un diagnostic pour apprécier le
risque de saturnisme.
o d'autre part, en imposant aux rédacteurs des règlements de copropriété publiés à compter du 31 décembre 2002, les
éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer, d'une part les quotes-parts de parties
communes et d'autre part, la répartition des charges.
L'objectif de cette nouvelle disposition étant « d'expliquer une fois pour toutes à chacun des copropriétaires comment
les charges sont calculées » (déclaration de M. Marcovitch).
Il n'a cependant été prévu aucune sanction dans l'hypothèse où cette base de répartition ne serait pas incluse dans le
règlement.
La seule sanction paraît être celle d'exiger du rédacteur du règlement la fourniture de ces éléments et la rédaction d'un
acte complémentaire au règlement de copropriété, et donc d'engager la responsabilité du notaire rédacteur qui aurait
omis d'intégrer cet élément.
3. - L'article 5 de la loi du 10 juillet 1965 fait état de la consistance comme étant un élément de détermination de la
quote-part des parties communes, outre la surface du lot et sa situation (sauf stipulation contraire, l'article 5 n'étant pas
d'ordre public).
4. - Nous prendrons volontairement comme paramètre d'étude que la consistance d'un lot s'apprécie notamment :
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au regard de sa désignation figurant dans le règlement de copropriété, de son emprise privative physique
tel que résultant du plan annexé,
au regard de sa surface,
au regard de son affectation,
5. - Autant d'éléments qui subissent dans la pratique un certain nombre de modifications de fait au gré des propriétaires
de ces lots (ex. travaux de percement de plancher pour créer un duplex, couverture d'une terrasse en jouissance
privative......) et que nous devons appréhender, pour une parfaite information des parties.
1. Les modifications non opposables au syndicat des copropriétaires : « La
gestion du risque pour l'acquéreur du lot de copropriété »
6. - Après ces premières observations, voyons quelles sont les conséquences des principales modifications de fait
pouvant intervenir dans la consistance d'un lot et la gestion du risque pour les parties dans l'hypothèse où la
modification ne peut être régularisée.
Deux sortes de modifications.
A. - Les modifications sans changement d'emprise du lot
1° Les modifications affectant les parties communes ou l'aspect extérieur
7. - L'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 stipule que sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires,
« les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant
les parties communes ou l'aspect extérieur ».
8. - Lorsque l'assemblée refuse d'approuver les travaux à la majorité absolue, la loi SRU a néanmoins prévu la
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possibilité d'organiser un nouveau vote à la majorité simple de l'article 24, soit immédiatement lorsque le projet a
recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, soit lors d'une prochaine assemblée dans le cas contraire.
Outre cette exception, le principe de la majorité absolue de l'article 25 est donc posé pour la réalisation de ce type de
travaux.
9. - Il s'agit :
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d'une part, des travaux affectant les parties communes (ex/ travaux de branchement sur les canalisations
communes, percement d'un mur ou d'un plancher pour faire communiquer deux appartements), travaux
de percement ou d'agrandissement de fenêtres ou d'ouvertures dans les murs, la pose d'un velux dans le
toit,
d'autre part, des travaux modifiant l'aspect extérieur (travaux affectant la façade (pose de plaques,
enseignes, pose de climatisations en façade ...).
10. - Certains travaux néanmoins, malgré qu'ils affectent les parties communes ou l'aspect extérieur sortent du champ
d'application de l'article 25 b :
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soit parce qu'ils ne nécessitent aucune autorisation (ex. pose d'arceaux de parkings pour autant que
l'ancrage dans le sol soit léger et superficiel Note 2, de même les travaux de parachèvement de locaux
livrés bruts, concernant la devanture) Note 3 ;
soit parce qu'ils sont interdits et que leur interdiction est conforme à la destination de l'immeuble, ou
réglementés par le règlement de copropriété (ex. surveillance de l'architecte de l'immeuble pour le
percement de tous gros murs ou murs de refendNote 4 - ou le changement de tout revêtement de sols) Note
5;
soit parce qu'ils portent atteinte à la destination de l'immeuble, notion laissée souverainement à
l'appréciation des juges du fond (ex. percement d'un mur pour réunion d'un lot avec un immeuble voisin,
travaux portant atteinte à l'esthétique ou l'harmonie de l'immeuble....). Ces travaux doivent alors être
votés à l'unanimité des copropriétaires ;
soit encore parce que ces travaux relèvent de la double majorité de l'article 26, ainsi que nous le verrons.
11. - L'article 25 étant d'ordre public, il s'ensuit que :
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l'autorisation donnée par le syndic n'a pas de valeur juridique, et ne dispense pas un copropriétaire de
demander l'autorisation de l'assemblée générale qui reste seule habilitée pour autoriser les travaux
affectant les parties communes ou modifiant l'aspect extérieur ;
la clause du règlement de copropriété qui autoriserait par avance un copropriétaire à effectuer des travaux
affectant les parties communes ou l'aspect extérieur est réputée non écrite même si la nature de ces
travaux a été précisément définie Note 6. C'est à l'assemblée et à elle seule qu'il revient d'autoriser les
travaux Note 7.
12. - Dans les avant-contrats, le vendeur devra déclarer qu'il n'a pas réalisé de travaux affectant les parties communes
ou l'aspect extérieur de l'immeuble, ou dans le cas contraire, produire l'assemblée générale qui l'a autorisé à procéder à
de tels travaux.
2° Les modifications d'affectation du lot privatif
13. - Au titre des travaux qui peuvent modifier la consistance d'un lot sans en affecter son périmètre, nous sommes
parfois confrontés à des changements d'affectation par rapport à celle prévue initialement dans le règlement de
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copropriété (lot à usage d'habitation transformé en local commercial, cave ou grenier en habitation).
14. - Quatre cas peuvent se présenter.
o Premier cas - Le changement d'affectation est contraire à la destination de l'immeuble.
Il nécessitera l'unanimité des copropriétaires (ex. installation d'un restaurant dans un immeuble exclusivement à usage
d'habitation bourgeoise)Note 8.
o Deuxième cas - Le changement d'affectation est interdit par le règlement de copropriété.
Il nécessitera également l'unanimité des copropriétaires, pour autant que cette clause d'interdiction soit justifiée par la
destination de l'immeuble.
o Troisième cas - Le changement d'affectation est autorisé par le règlement de copropriété.
Il ne nécessitera aucune autorisation, pour autant qu'il soit prévu expressément que les lots pourront être indistinctement
affectés à l'usage de bureaux ou à l'exercice d'une profession ou d'une activité artisanale ou commerciale de toute nature,
et que les copropriétaires pourront procéder à ces nouvelles affectations sans avoir à solliciter l'autorisation de la
copropriété. Ces clauses sont licites et doivent être respectées Note 9.
o Quatrième cas - Le changement d'affectation n'est ni prohibé, ni autorisé par le règlement de copropriété.
15. - A l'origine, la jurisprudence considérait que tout changement d'utilisation d'un lot nécessitait l'accord unanime des
copropriétaires.
Désormais, le principe posé clairement par la jurisprudence reste la liberté pour le copropriétaire de pouvoir modifier
l'affectation de son lot, pour autant que cette modification s'effectue sous réserve du respect de la destination de
l'immeuble et des droits des autres copropriétaires Note 10. Cette liberté est indépendante des autorisations d'urbanisme à
obtenir (permis de construire si des travaux doivent être réalisés, ou autorisation préfectorale sur la base de l'article
L. 631-7 du CCH).
16. - La Cour de cassation refuse donc de s'en tenir à la destination contractuelle du lot.
Ainsi dans un immeuble déjà utilisé à usage d'habitation, un grenier ou des combles pourraient (au regard des règles de
la copropriété) être aménagés en studio ou appartement sans autorisation Note 11.
En revanche, dans un immeuble de très grand standing, la transformation de celliers en studio peut porter atteinte à la
destination de l'immeuble en imposant une surdensité d'occupants incompatible avec cette destination Note 12.
17. - De même dans un immeuble à usage commercial ou mixte d'habitation et commercial une cave peut être
transformée en annexe d'un local commercial.
La régularité du changement d'affectation d'un lot s'appréciera donc :
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en vérifiant la destination de l'immeuble telle que figurant dans le règlement de copropriété, en s'assurant
qu'il n'existe pas en outre de restrictions apportées dans ce règlement justifiées par cette destination ;
et au regard des nuisances susceptibles d'être apportées aux autres copropriétaires.
18. - Force est de constater que dans un certain nombre de cas, la possibilité de modifier l'affectation du lot ne sera pas
si évidente car elle dépend de divers éléments sujets à interprétation (environnement de l'immeuble, sa conception, son
emplacement, son mode d'occupation ...). Dans le doute, la prudence militera dans le sens d'une approbation par
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l'assemblée des copropriétaires.
19. - En outre, il est rare qu'un changement d'affectation ne s'accompagne pas de travaux affectant les parties
communes nécessitant l'accord de l'assemblée générale (branchement sur les canalisations d'eaux usées, eaux
courantes ...).
3° Conséquences de la réalisation des travaux ou du changement d'affectation sans autorisation de l'assemblée
des copropriétaires
20. - Dans l'hypothèse où les travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, ou encore le
changement d'affectation n'auraient pas fait l'objet d'une autorisation de la copropriété, le propriétaire de ce lot risque de
se voir opposer une action en démolition et remise en état des lieux, au besoin sous astreinteNote 13. L'acquéreur d'un tel
lot assumera les mêmes risques, d'où l'intérêt de le renseigner parfaitement sur les autorisations obtenues ou les
conséquences de cette absence d'autorisation au regard de cette action.
La question de savoir si le propriétaire a obtenu ou non un permis de construire est indifférente, le problème devant être
réglé uniquement par application de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d'application Note 14.
21. - Cette action pourra être exercée par le syndic et également par un copropriétaire, mais en revanche, s'agissant
d'une atteinte aux parties communes, l'action individuelle du copropriétaire sera admise, mais à condition qu'il justifie
d'un « intérêt légitime à agir en raison d'un préjudice personnel » Note 15.
Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 1999 a prononcé la cassation de l'arrêt qui avait déclaré recevable
l'action d'un copropriétaire en démolition d'une construction édifiée sans autorisation par un autre copropriétaire, sans
avoir constaté l'existence d'un préjudice personnel éprouvé dans la jouissance et la propriété soit des parties privatives,
soit des parties communes.
22. - En outre, le copropriétaire qui a irrégulièrement fait des travaux affectant les parties communes ou l'aspect
extérieur de l'immeuble ne pourra en outre, en cas de refus de régularisation de l'assemblée, solliciter une autorisation
judiciaire. La jurisprudence est constante en ce sens Note 16.
23. - L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que les actions tendant à obtenir le respect du règlement de
copropriété (par ex. pour s'opposer à un changement d'affectation ... à un abus de jouissance sur les parties
communes ...) ainsi que les actions en suppression de travaux non autorisés se prescrivent par dix ans à compter du jour
où l'action est née Note 17. L'action court du jour où l'infraction a été commise pour les violations au règlement de
copropriété.
24. - Ainsi au-delà du délai de 10 ans à compter de cette date, l'acquéreur ne risquera plus rien au regard de la
copropriété, le syndicat des copropriétaires ou un copropriétaire ne pouvant plus remettre en cause les travaux ou le
changement d'affectation irrégulièrement réalisés.
2. Les modifications avec changement d'emprise du lot
25. - Les travaux réalisés par un copropriétaire peuvent avoir également pour effet, outre la modification de l'aspect
extérieur, de s'approprier une partie commune.
Dans cette hypothèse, une telle appropriation s'analyse juridiquement en une aliénation au profit du copropriétaire car
elle a pour but de soustraire cette partie commune à l'usage commun et donc de la transformer en partie privative. Cette
aliénation nécessitera l'accord de la copropriété à la double majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, ou à
l'unanimité si cette partie commune est indispensable à la destination de l'immeuble.
26. - Deux sortes d'appropriation de parties communes peuvent se présenter :
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soit l'appropriation d'une partie commune générale ou spéciale à certains lots (bout de couloir, WC
commun, dégagement, palier...) ;
soit l'appropriation d'un droit accessoire aux parties communes.
27. - L'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 répute droits accessoires aux parties communes :
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le droit de surélever un bâtiment affecté à usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent
des parties privatives ;
le droit d'édifier des bâtiments nouveaux dans des cours, parcs, jardins... ;
le droit d'affouiller de tels cours, parcs, jardins, ... ;
le droit de mitoyenneté.
Le droit de construire généré par l'assiette foncière de la copropriété constitue un droit accessoire aux parties communes
qui à ce titre ne peut être exercé que par la collectivité des copropriétaires, soit pour créer des locaux communs, soit
pour créer des locaux privatifs.
Mais cette énumération au titre des parties communes est faite, stipule l'article 3, « dans le silence ou la contradiction
des titres ».
28. - En effet, l'article 3 n'étant pas un article d'ordre public, le propriétaire de l'immeuble pourra décider soit de
réserver ce droit de construire au profit d'un tiers ou d'un copropriétaire (L., art. 37) soit d'en faire un lot privatif sous la
forme par exemple d'un lot transitoire auquel cas le droit de construire sera un droit accessoire à un lot privatif.
L'objet de notre thème est d'étudier exclusivement l'hypothèse qui consiste en l'utilisation de fait par un copropriétaire
des droits à construire qui, dans le principe, appartiennent à la collectivité.
29. - Se pose donc le problème de l'annexion de parties communes par utilisation de la SHON affectée à l'assiette de la
copropriété.
Deux cas sont très souvent rencontrés :
o Le copropriétaire qui bénéficie d'un simple droit de jouissance exclusif d'une cour, d'une terrasse, d'un jardin et qui
décide de couvrir cette cour ou terrasse en créant une pièce à usage d'habitation, utilisant ainsi l'éventuelle SHON
résiduelle appartenant à la copropriété.
La particularité de ce droit de jouissance exclusive grevant une partie commune est de ne pas modifier la nature
juridique de l'élément grevé. Les parties communes gardent leur caractère de parties communes bien qu'elles soient
affectées à la jouissance privative de tel ou tel copropriétaire Note 18.
Ce droit de jouissance ayant un caractère réel et perpétuel qui ne se perd pas par le non-usage, il a vocation à durer
autant que le lot privatif dans lequel il est inclus, ce qui interdit de l'assimiler à un usufruit Note 19.
La jurisprudence a longtemps douté des règles de majorité à respecter dans l'hypothèse d'une telle appropriation de
parties communes.
Jusqu'à une date récente Note 20 elle considérait que l'autorisation donnée à un copropriétaire d'édifier sur une partie
commune à jouissance exclusive une construction légère (ex un jardin d'hiver) relevait de la majorité de l'article 25
comme étant des travaux affectant l'aspect extérieur de l'immeuble.
Un arrêt du 20 mars 2002 Note 21 paraît revenir sur cette jurisprudence en décidant que la ratification par l'assemblée de
la construction irrégulière d'une véranda sur une terrasse en jouissance privative exige la double majorité de l'article 26.
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La Cour de cassation avait certes admis que la construction sur une terrasse d'une véranda nécessitait l'accord de
l'assemblée générale statuant à la majorité de l'article 25, mais dans le cas d'espèce la terrasse était désignée
expressément dans le règlement de copropriété comme une partie privative. C'est cette qualification qui a été
déterminante dans la position de la Cour Note 22.
Il convient de vérifier précisément dans le règlement de copropriété la manière juridique dont la terrasse, la cour ou le
jardin ont été qualifiés :
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soit ils sont érigés en lots privatifs, auquel cas la construction sur une telle partie privative relèvera de la
majorité de l'article 25 ;
soit l'utilisation est traitée sous la forme d'un simple droit de jouissance exclusif, auquel cas la
construction sur une telle partie commune relèvera de la majorité de l'article 26.
o La deuxième utilisation de la SHON a été soulignée dans un arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 2001Note 23.
C'est la première fois que la cour prend une position aussi nette, considérant que la constructibilité résiduelle du terrain
d'assiette de la copropriété, est un droit commun, un droit accessoire aux parties communes.
En l'espèce, un copropriétaire avait aménagé ses locaux en bureaux, initialement à usage de dépôt et d'entrepôts,
utilisant ainsi le COS de tout l'immeuble.
30. - On constate donc, au travers de cet arrêt que l'on peut utiliser les droits à construire communs, sans empiéter sur
une partie commune (tel le cas précédent) en restant à l'intérieur de son lot mais en modifiant néanmoins la consistance
de celui-ci en utilisant les droits à construire communs.
Il peut s'agir de la création d'une mezzanine supérieure à 1,80 m dans un lot privatif, il peut s'agir de la transformation
d'un lot en un usage autre que celui prévu à l'origine dans l'hypothèse d'un COS différencié, de la transformation d'un
comble non aménageable au regard de la circulaire n° 90/80 du 12 novembre 1990 définissant la SHON, en comble
aménageable ...
La jurisprudence a toujours considéré comme étant atteinte de nullité la clause d'un règlement de copropriété qui
autoriserait par avance un copropriétaire à annexer des parties communes et à se clore.
Ce type de clause est considéré comme illicite car contraire aux dispositions d'ordre public des articles 25 et 26 de la loi
du 10 juillet 1965 qui oblige le copropriétaire intéressé à solliciter l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires.
31. - Il convient de gérer l'incidence d'une telle annexion de fait réalisée sans autorisation, lorsqu'un tel lot est cédé.
o Première incidence - Absence de prise en compte de la surface au titre de la loi Carrez
Un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 27 février 2003 Note 24 rappelle que la superficie de parties communes à
jouissance privative, ne peut être décomptée dans la « superficie privative ».
C'est d'abord la lettre de la loi et de son décret d'application qui a fondé la position de la cour d'appel qui rappelle qu'il
n'est question que de « parties privatives ». La cour d'appel fonde également sa décision sur le caractère hybride des
parties communes à jouissance privative qui n'en demeurent pas moins des parties communes.
o Deuxième incidence - Prescription trentenaire
Contrairement aux modifications envisagées en première partie de cet exposé, les travaux irrégulièrement réalisés qui
entraînent une appropriation de parties communes (générales, spéciales, ou d'un droit accessoire à ces parties
communes) se prescrivent au bout de 30 ans et non 10 ans. L'action qui pourra être introduite par le syndicat des
copropriétaires ou par un copropriétaire justifiant d'un préjudice, est une action réelle et non personnelle.
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L'acquéreur d'un tel lot devra donc avoir une parfaite connaissance de cette action qui pourra aboutir à la démolition de
l'ouvrage.
32. - La perception du risque pour un acquéreur d'un lot dont la consistance a été irrégulièrement transformée
s'appréciera donc au regard de la nature des travaux réalisés, de leur date de réalisation et de la prescription dont ils font
l'objet.
Afin d'avoir une vision juste des conséquences afférentes à une telle situation de fait, il conviendra bien évidemment
d'intégrer les prescriptions en matière d'urbanisme.
33. - À titre de rappel, la réalisation de travaux sans permis de construire est un délit qui se prescrit par trois ans à
compter de l'achèvement des travaux. L'action publique se trouve donc éteinte passé ce délai.
34. - L'action civile d'un tiers qui pourrait justifier d'un préjudice découlant directement de l'absence de permis de
construire et/ou déclaration de travaux se prescrit par dix ans à compter de la manifestation du dommage.
3. Les modifications opposables dans la consistance du lot : la régularisation
juridique de la situation de fait
35. - Les modifications apportées dans la consistance du lot et dont nous avons souligné les dangers qu'elles peuvent
représenter peuvent faire l'objet d'une régularisation sous réserve du respect d'un certain nombre de formalités et
procédures.
La tenue d'une assemblée générale sera souvent le moyen le plus approprié pour régulariser la situation de fait ;
cependant, même si la convocation à l'assemblée est du ressort du syndic de copropriété, il n'est pas inutile d'en rappeler
quelques règles qui nous seront utiles dans le cadre du contrôle de la validité de la délibération du syndicat des
copropriétaires, préalable indispensable à l'établissement de l'acte authentique contenant modificatif au règlement de
copropriété et à l'état descriptif de division.
36. - Toutefois, d'autres moyens de régularisation méritent que l'on y prête attention, soit que la jurisprudence récente
en ait modifié les modalités d'application ou que la loi SRU en ait prévu la possibilité.
A. - La régularisation par l'assemblée générale
37. - Les décisions collectives du syndicat des copropriétaires qui engagent la copropriété sont prises et ne peuvent être
prises qu'au cours des assemblées générales des membres du syndicat.
Une première remarque s'impose à ce stade : tout acte modificatif d'un règlement de copropriété d'un immeuble dans
lequel aucun syndic ni conseil syndical n'existe et aux termes duquel le notaire en l'absence de syndic et sans décision
d'assemblée générale ferait comparaître la totalité des copropriétaires pour approuver une décision est à prohiber, cet
acte étant radicalement nul et la simple lecture de la jurisprudence sur le sujet suffira à en convaincre les plus sceptiques
38. - L'assemblée, qui représente le pouvoir délibérant, est donc à la base de toute l'administration de la copropriété.
Les règles de convocation sont minutieusement réglées par le décret du 17 mars 1967 et la très abondante jurisprudence
qui entoure les décisions des assemblées de copropriétaires témoigne de la rigueur et du pointillisme dont il faut faire
preuve dans le cadre de la tenue d'une assemblée.
La loi SRU et le décret du 27 mai 2004 ont eux-mêmes modifié les règles de fonctionnement des assemblées de
copropriété notamment en ce qui concerne les règles de majorité des articles 24, 25, 26 dans le but de faciliter une prise
de décision.
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39. - Dans le cadre qui nous préoccupe, nous vous proposons de nous arrêter sur trois points spécifiques qui ont une
grande importance dans le cadre de notre pratique et notre responsabilité professionnelle.
1° Les conditions de tenue de l'assemblée générale
40. - Le syndic de copropriété prend seul l'initiative de convoquer l'assemblée générale, mais le notaire, dans les cas de
régularisation qui nous préoccupent, a un rôle souvent actif dans le processus de convocation.
Tout d'abord, il faut rappeler que la convocation doit émaner du syndic, et que la carence du syndic pour convoquer
l'assemblée a été prévue par la loi ; si le syndic ne convoque pas l'assemblée, le Président du Conseil syndical ou tout
copropriétaire ou l'administrateur provisoire désigné à la copropriété peuvent également le faire.
41. - En effet, en l'absence de syndic, seule la désignation d'un administrateur provisoire désigné par le Président du
Tribunal de grande instance statuant par ordonnance sur requête permettra de débloquer la situation et de provoquer une
assemblée qui nommera le syndic qui lui-même pourra ensuite convoquer une assemblée générale permettant la
régularisation de la situation que nous avons décrite en première partie.
42. - Cette convocation doit être adressée par le syndic aux titulaires de droits sur les divers lots composant
l'immeuble : le rôle du notaire n'est pas totalement étranger à ce point puisque les diverses mutations doivent être
notifiées par le notaire qui établit l'acte, cet article visant outre les transfert de propriété, les constitutions de droits
d'usufruit, de nue-propriété, de droit d'usage et d'habitation ; la sanction de l'absence de notification étant
l'inopposabilité du transfert de propriété au syndicat des copropriétaires, il n'est pas inutile de rappeler l'importance de
cette notification et les conséquences pouvant découler de son oubli en termes d'actions en responsabilité contre le
notaire rédacteur de l'acte.
43. - Enfin, et ce n'est pas le moins important, cette convocation doit comporter un certain nombre de pièces et
documents joints. La liste de ces pièces et documents figure à l'article 11 du décret du 17 mars 1967 dont le contenu a
été profondément remanié par la loi SRU et par le décret du 27 mai 2004. Nous ne listerons pas toutes les pièces à
joindre mais nous nous arrêterons seulement sur les pièces à joindre dans le cas de régularisation qui nous préoccupe.
L'article 11 du décret de 1967 dans sa rédaction actuelle distingue entre les documents qui doivent être notifiés avec la
convocation pour la validité de la décision et ceux qui doivent être notifiés pour l'information des copropriétaires.
44. - À compter du 1er septembre 2004, tout projet modificatif au règlement de copropriété, à l'état descriptif de
division et à l'état de répartition des charges doit être notifié avec la convocation, pour la validité de la décision. La
sanction est énoncée à l'article 13 du décret de 1967 aux termes duquel l'absence ou l'irrégularité des notifications
entraîne la nullité de la décision de l'assemblée, la jurisprudence sur ce point étant abondante et constante. Nous devons
donc être particulièrement vigilants sur ce point lorsque notamment un syndic nous consulte et nous demande notre
assistance dans le cadre de la préparation de son assemblée, puis lors de la rédaction de l'acte modificatif.
45. - Plusieurs points pratiques peuvent être soulignés dans le cadre de la rédaction du projet d'acte modificatif au
règlement de copropriété et à l'état descriptif de division :
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Toute aliénation de parties communes en vue de régulariser la situation d'un copropriétaire qui se les
serait appropriées doit passer d'abord par la création d'un lot privatif par prélèvement sur les parties
communes qui sera ensuite cédé au copropriétaire.
Le syndicat des copropriétaires n'a pas pour objet ni le pouvoir de pouvoir procéder à des aliénations
sans contrepartie, puisque cela romprait l'égalité de traitement entre tous les copropriétaires ; une cession
purement gratuite ou à l'euro symbolique sans aucune contrepartie est à proscrire par la fragilité dont
serait entachée la délibération du syndicat.
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46. - Nous le voyons donc, le formalisme dans le cadre de la préparation de l'assemblée est rigoureux, et il conviendra
d'être particulièrement vigilant dans le cadre de la rédaction des projets d'acte et dans notre rôle de conseil auprès des
syndics : comment en effet expliquer à un syndic après la tenue de l'assemblée générale des copropriétaires que le
recours d'un copropriétaire est fondé car le projet d'acte n'était pas joint à la convocation alors que le syndic nous avait
demandé son assistance pour rédiger le projet de résolution ?
47. - Certes, il pourrait être objecté qu'en dehors d'un cas de recours, tout est couvert par la prescription de l'article 42
de la loi du 10 juillet 1965, mais est-ce aussi simple que cela ? C'est ce que nous allons essayer d'analyser maintenant.
2° Les contestations des décisions de l'assemblée générale
48. - L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, nous l'avons rappelé, prévoit un délai spécial de prescription qui joue pour
les actions personnelles nées de l'application de la loi (délai de 10 ans). Ce même article prévoit un délai de deux mois
pour les actions en contestation des décisions de l'assemblée. Ce texte est d'une grande importance pour la pratique en
ce qu'il interdit de remettre en cause les décisions prises par l'assemblée une fois le délai de deux mois écoulé.
49. - Ce délai de deux mois court à compter du lendemain de la notification des décisions de l'assemblée générale à
chacun des copropriétaires opposants ou défaillants, cette notification étant faite par les soins du syndic.
Par ce mécanisme, la décision de l'assemblée peut être exécutée dans un délai bref, sans qu'il y ait à craindre un éventuel
autre recours. Ce texte d'apparence très rassurante ne doit pas faire oublier ses dangers et ses limites, son application
ayant donné lieu à une très abondante jurisprudence.
50. - Tout d'abord, et pour qu'il y ait application possible du délai de prescription abrégé de deux mois, il faut qu'il y ait
eu une véritable décision de l'assemblée générale :
---
toute décision prise en dehors d'un vote ou toute décision de principe, voeu, souhait, etc, doit être exclue
du champ d'application du délai de prescription abrégé ;
toute décision juridiquement inexistante doit également être exclue de ce délai abrégé ; il faut de nouveau
insister sur le cas de l'acte modificatif avec comparution des copropriétaires en dehors de toute assemblée
qui est à proscrire.
En effet, dans tous ces cas, la décision étant inexistante, le délai de prescription abrégé de l'article 42 ne peut pas jouer
et le délai de prescription pour introduire une action en contestation de cette « décision » est de dix ans.
51. - Ensuite, il faut que la convocation ait été faite régulièrement et que les décisions de l'assemblée aient été
régulièrement notifiées aux copropriétaires opposants ou défaillants ; il conviendra pour s'assurer du respect de ces
formalités très strictes de solliciter du syndic une lettre circonstanciée nous confirmant ces points, cette lettre pouvant
avantageusement être annexée à l'acte modificatif au règlement de copropriété et à l'état descriptif de division. En effet,
seul le respect de ces formalités fera courir le délai de deux mois.
52. - Il faut préciser à ce sujet que la très abondante jurisprudence sur la convocation a évolué. En effet, jusqu'à une
date récente, la jurisprudence assimilait l'absence de convocation à la convocation irrégulière (par exemple absence de
notification du projet d'acte modificatif) ce qui avait pour conséquence de faire rentrer l'action en nullité de l'assemblée,
dans le champ d'application du délai de 10 ans prévu à l'article 42. Cependant, une jurisprudence récente est revenue sur
cette position et a décidé notamment que l'action en nullité doit être introduite dans le délai de deux mois lorsqu'une
décision a été prise sans que le projet de résolution exigé par l'article 11-5° du décret ait été joint aux convocations ou
lorsque l'assemblée a été convoquée par un syndic dont le mandat est expiré. Il ne faut pas s'y tromper et nonobstant
cette jurisprudence récente, le très abondant contentieux doit nous inciter à la plus grande vigilance comme nous l'avons
dit aux stades de la préparation de l'assemblée.
53. - Il faut observer d'autre part qu'aux termes de l'article 42 seule l'exécution de travaux décidés en application des
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articles 25 et 26 est suspendue jusqu'à l'expiration du délai de recours, l'ensemble des autres décisions étant donc
exécutoire immédiatement ; il conviendra toutefois d'être particulièrement prudent et de préférer attendre
systématiquement l'expiration du délai de recours afin d'éviter une annulation judiciaire de la décision.
54. - Enfin, il faut dire un mot de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 auquel nous pouvons être confrontés dans le
cadre de la régularisation qui nous préoccupe. Cet article dans son quatrième alinéa stipule que si l'assemblée générale
refuse d'autoriser certains copropriétaires à réaliser des travaux à leurs frais sur les parties communes, et ce dans le
cadre de l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire peut, avant le démarrage des travaux, solliciter
l'autorisation directement du tribunal de grande instance qui devra vérifier si ces travaux respectent la destination de
l'immeuble et y sont conformes. En revanche, le point de savoir si la demande d'autorisation faite auprès du tribunal
s'analyse en une contestation de la décision de l'assemblée - et à ce titre formée dans le délai de deux mois de la
notification de la décision refusant l'autorisation de travaux- ou comme une contestation du refus - et à ce titre formée
dans le délai de dix ans -, n'est pas à ce jour définitivement tranchée.
55. - Nous arrivons maintenant, dans le processus de régularisation qui nous intéresse à une troisième étape après la
tenue de l'assemblée et la purge de ces délais de recours, à savoir l'établissement d'un acte authentique et sa publication
au bureau des hypothèques.
3° L'opposabilité des décisions
56. - L'article 35-6° du décret du 4 janvier 1955 prescrit que sont publiés au bureau des hypothèques (...) les règlements
de copropriété des immeubles ou ensembles immobiliers, la sanction de l'absence de publication prévue à l'article 13 de
la loi de 1965 étant l'inopposabilité aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires, et notamment les donataires,
légataires et acquéreurs.
L'accomplissement des formalités de publicité foncière marque un degré supplémentaire dans l'achèvement de
l'opération qui nous intéresse : c'est alors l'opposabilité de la rédaction nouvelle du règlement de copropriété et de l'état
descriptif de division qui est assurée.
Cette publication doit être faite à l'initiative et à la diligence du syndic, pour lequel il sera en général donné pouvoirs
aux termes de l'assemblée générale, étant précisé qu'il n'est pas nécessaire en droit strict de donner mandat au syndic
puisqu'il tient ces pouvoirs de la loi.
57. - La modification prendra soit la forme d'un dépôt au rang des minutes du procès-verbal de l'assemblée générale,
soit l'établissement d'un acte modificatif à l'état descriptif de division et au règlement de copropriété.
Une fois le modificatif publié, il deviendra opposable à tous. Précisons qu'une publication très tardive ou une
régularisation d'un refus ou d'un rejet dans des délais très longs ne sont pas forcément dénués de conséquences. Prenons
l'exemple d'une assemblée générale de copropriétaires qui décide le 17 octobre 2000 la modification des tantièmes de
copropriété suite à l'incorporation de nouvelles parties communes, par exemple un ancien lot privatif de loge de gardien
transformé en parties communes. Le syndic, à la suite de cette assemblée, sollicite le notaire rédacteur du règlement en
vue d'établir son modificatif. L'acte authentique est signé le 1er février 2001 mais suite à un rejet, l'acte n'est pas
régularisé, tombe en rejet définitif, et n'est finalement régularisé que le 19 novembre 2002. Un copropriétaire a acquis
un appartement le 1er septembre 2001 sans qu'il ne lui ait été indiqué l'existence du modificatif, et le syndic lui appelle
des charges sur la base des nouveaux tantièmes. Dans ce cas, le copropriétaire sera en droit d'exiger que du
1er septembre 2001 au 19 novembre 2002 ces charges soient calculées sur la base de l'ancien règlement de copropriété.
Soyons donc attentifs à la publication de ces actes qui bien souvent ne nous passionnent pas outre mesure et qui de
surcroît font trop souvent l'objet de rejets ou de refus régularisés après des mois, voire des années !
58. - Enfin, et pour conclure sur ce point, il faut souligner tout de même que l'article 4 du décret du 17 mars 1967
prévoit que les règlements de copropriété, l'état descriptif de division et les actes qui les ont modifiés, même s'ils n'ont
pas été publiés au fichier immobilier, s'imposent à l'acquéreur ou au titulaire du droit s'il est expressément constaté aux
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actes conventionnels, et notamment aux actes de vente, qu'il en a eu préalablement connaissance et qu'il a adhéré aux
obligations qui en résultent.
59. - Cette obligation de communication préalable pèse sur le notaire rédacteur de l'acte authentique, et il nous
appartient de l'accomplir avec rigueur, notre responsabilité pouvant être engagée dans la mesure du préjudice subi en
cas de non-respect de cette obligation.
Avant d'arriver aux termes de notre parcours de régularisation en droit de la situation de fait que nous avons exposée, il
faut s'interroger sur un dernier point : existe-t-il d'autres moyens que l'assemblée générale pour régulariser la situation ?
B. - Les autres modes de régularisation
60. - La loi SRU et la jurisprudence récente ont tracé des pistes de réflexion sur des modes de régularisation opposables
autres que l'assemblée générale qui néanmoins restera dans la plupart des situations le seul moyen de régularisation.
Toutefois, trois autres moyens méritent notre attention, étant entendu qu'ils ne s'appliquent que dans des cas limités : il
s'agit de la constitution de servitudes entre lots privatifs, de la prescription acquisitive, et des interrogations posées par
l'article 49 de la loi de 1965 dans sa rédaction issue de la loi SRU.
1° La constitution de servitudes sur des parties privatives
61. - Petit retour en arrière pour mieux appréhender les évolutions récentes en ce domaine. Jusqu'à présent, une
jurisprudence bien affirmée avait établi que la notion de servitude était incompatible avec la division d'immeuble en lots
de copropriété, faute d'un fonds servant et d'un fonds dominant ; en effet, dans un ensemble en copropriété, chaque lot
comporte une quote-part de parties communes ; or pour qu'une servitude puisse exister, le fonds dominant et le fonds
servant doivent constituer des propriétés indépendantes et appartenir à des propriétaires différents, ce qui n'était pas le
cas puisque les parties communes appartiennent indivisément à tous les copropriétaires.
62. - La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 juin 2004 s'est radicalement démarquée de la jurisprudence jusqu'alors
constante et bien établie, prenant une position défendue jusqu'alors par le Professeur Aubert et qui peut être résumée en
quelques mots ainsi : les parties privatives étant la propriété exclusive de chaque copropriétaire, il n'est pas anormal
qu'elles puissent être l'objet de servitudes, actives ou passives. Cependant, les parties privatives étant indissociables du
lot dans lequel elles sont incluses, c'est le lot concerné qui va se trouver fonds dominant ou fonds servant. Cela ne veut
pas dire que la servitude grevant une partie privative grève la quote-part des parties communes générales incluses dans
le lot concerné. L'assiette de la servitude ne porte alors que sur la partie privative du lot constituant le fonds servant. Le
lot de copropriété apparaît alors avec toute sa spécificité puisqu'il constitue un tout mais englobe une dualité (une partie
privative et une quote-part de parties communes).
63. - Toutefois, il convient de faire une réserve en ce qui concerne la constitution de servitudes de passage entre deux
lots d'une copropriété horizontale. En effet, le copropriétaire d'une maison n'ayant qu'un droit de jouissance exclusif sur
son jardin et non pas un droit de propriété, il n'est pas possible de constituer une servitude de passage entre les différents
lots privatifs de la copropriété horizontale.
2° La prescription acquisitive en copropriété
64. - Un copropriétaire qui s'est approprié des parties communes de l'immeuble peut-il ensuite invoquer la prescription
acquisitive et devenir propriétaire de cette partie commune au bout de trente ans ? On peut être tenté de répondre par
l'affirmative, la prescription étant un mode d'acquisition traditionnel d'un droit réel par l'écoulement d'un certain laps de
temps ; cependant, la prescription peut-elle jouer son rôle dans un immeuble soumis au régime de la loi de 1965 ?
65. - La jurisprudence et la doctrine ont par le passé hésité à répondre par l'affirmative à cette question. Dans l'état
actuel de la doctrine et de la jurisprudence, il ne paraît pas y avoir d'obstacle de principe à ce que la prescription
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acquisitive puisse jouer au profit d'un copropriétaire si toutes les conditions prévues sont remplies.
Brièvement, essayons de déterminer si ces conditions peuvent être remplies dans le cadre d'une appropriation de parties
communes.
*
*
*
La possession paisible et le caractère public peuvent être tout à fait concevables si l'appropriation de la
partie commune n'a pas donné lieu à des conflits entre copropriétaires ou a été faite dans la clandestinité.
La possession non équivoque pourra être démontrée si les actes de possession sont contraires aux droits
des autres copropriétaires et si notamment le copropriétaire demandeur n'avait pas de droit de jouissance
sur cette partie commune.
Enfin le copropriétaire devra s'être comporté comme le propriétaire de cette partie commune.
Si toutes ces conditions sont remplies, et que, en application des stipulations de l'article 2262 du Code civil, le
copropriétaire a possédé pendant plus de trente ans, la prescription peut être accordée ; cependant, cette prescription
peut-elle être abrégée en application des stipulations de l'article 2265 du Code civil ?
Ce texte ajoute deux exigences spécifiques permettant d'invoquer la prescription abrégée : un juste titre, et la bonne foi
du copropriétaire possesseur.
*
*
Le juste titre peut-il être invoqué dans le cadre d'une copropriété ? Classiquement, le juste titre est celui
qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription. En
matière de copropriété, il fallait que la partie commune litigieuse figure dans la désignation des biens
vendus pour que le demandeur ait une chance de voir retenue l'existence d'un juste titre. Cependant, soit
cette partie commune était mentionnée au règlement de copropriété comme faisant partie des parties
privatives et le problème était réglé, soit le règlement était muet ou l'incluait dans les parties communes
et on revenait à la prescription trentenaire : la contradiction entre le règlement de copropriété et l'état
descriptif de division d'une part, et l'acte de vente d'autre part, semblait exclure le juste titre. Cette
jurisprudence a cependant été remise en cause récemment par un arrêt de la troisième chambre civile de
la Cour de Cassation, la Haute Juridiction ayant estimé que les actes de vente de biens immobiliers en
copropriété peuvent être le juste titre qui permet à l'ensemble des copropriétaires de prescrire, selon les
modalités de l'article 2265 du code civil, sur les parties communes de la copropriété, les droits indivis
qu'il ont acquis accessoirement à leurs droits exclusifs qu'ils détiennent sur les parties privatives de leur
lot. Certes, il faut souligner que l'espèce sur laquelle la Haute juridiction a tranché concernait une
prescription qui avait pour effet non pas de transformer une partie commune en partie privative mais dont
le résultat était de permettre à tous les copropriétaires d'acquérir des droits indivis sur des parties
communes. Il faut ajouter que la transposition de la solution de cet arrêt à la prescription individuelle par
un copropriétaire paraît délicate en raison de l'absence de concordance entre le titre de propriété et l'état
descriptif de division.
La bonne foi du copropriétaire possesseur : le copropriétaire devra démontrer qu'il pensait légitimement
être le propriétaire exclusif du bien mentionné dans l'acte de vente de son lot ; une fois encore, cette
affirmation sera difficile à soutenir si le règlement de copropriété qualifie expressément de partie
commune le bien en question.
Nous le voyons et cela est plutôt rassurant, le jeu de la prescription abrégée ne pourra s'appliquer que dans de rares
hypothèses, ce qui garantira plutôt la stabilité de la qualification des différentes parties de l'immeuble en copropriété.
3° L'article 49 de la loi du 10 juillet 1965
66. - L'article 49 de la loi du 10 juillet 1965, créé par la loi SRU, pose un certain nombre de questions et notamment
dans les cas qui nous préoccupent de régularisation au sein d'une copropriété.
Cet article permet à l'assemblée générale, statuant dans les conditions de majorité de l'article 24, et jusqu'au
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13 décembre 2005, de décider de procéder à des adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les
modifications législatives depuis son établissement.
67. - Nous le voyons, cet article présente au moins deux avantages non négligeables :
---
des conditions de majorité allégées ;
une fiscalité avantageuse par la perception d'un simple droit et d'un salaire fixe.
Les deux conditions posées par la loi pour l'utilisation de cet article sont les suivantes :
*
il doit s'agir d'une adaptation au règlement de copropriété, ce qui signifie qu'il n'est pas possible
d'utiliser la procédure de l'article 49 pour procéder à des mises à jour de règlement de copropriété qui ne
seraient pas exclusivement causées par l'évolution législative. Il ne saurait être question notamment,
d'utiliser cette procédure pour entériner les modifications qui sont afférentes :
-soit à la consistance des parties communes ou privatives dont la cause est indépendante de
l'évolution législative, et par exemple : redéfinition des parties communes et des parties
privatives, annexion de partie commune, transformation de partie commune en partie privative, et
vice-versa, autant de situations de fait que nous avons exposées supra et qui ne pourronT être
régularisées par le biais de cette étude.
-soit à la destination de l'ensemble immobilier ou à l'état descriptif de division.
*
cette adaptation doit être rendue nécessaire par les modifications législatives depuis l'établissement du
règlement de copropriété. La question s'est posée de savoir si l'adaptation devait être également faite en
tenant compte de la partie réglementaire et de la jurisprudence. La Commission relative à la copropriété a
émis le 23 mai 2003 une 23e recommandation Note 25 aux termes de laquelle l'adaptation devait être faite
au regard des seules modifications des lois et décrets. Il faudra toutefois conserver une certaine souplesse
dans l'interprétation de cette recommandation et expurger des règlements de copropriété des clauses
déclarées illicites par la jurisprudence soit en ce qu'elles sont contraires au droit positif (par exemple la
clause affectant un lot à l'exercice d'une profession déterminée dans le but d'éviter la concurrence) ou
qu'elles portent atteinte à des dispositions d'ordre public (par exemple les clauses relatives à la
consultation par écrit des assemblées générales, etc).
Nous le voyons donc, la procédure de l'article 49 ne pourra pas être utilisée dans les cas qui nous préoccupent ;
cependant, et avant de refermer le chapitre de l'article 49, une question mérite notre attention : l'article 49 permet-il de
modifier la répartition des charges ?
68. - Pour appréhender la réponse à cette question, il convient de rappeler qu'il existe deux catégories de charges :
--
--
les charges afférentes à la conservation, l'entretien et l'administration des parties communes qui sont
réparties en fonction de la valeur relative de chaque lot telle qu'elle est définie à l'article 5 de la loi de
1965 ;
les charges afférentes aux éléments d'équipements et de services collectifs qui sont réparties en fonction
de l'utilité qu'elles représentent pour chaque lot.
Les seules modifications de charges qui pourraient être faites sur le fondement de l'article 49 sont celles qui sont
manifestement contraires aux critères d'ordre public de répartition, cette illégalité n'étant pas toujours facile à
déterminer.
69. - Dans la pratique, et avec un peu de recul, nous voyons que rares sont les copropriétés qui ont décidé d'adapter leur
règlement de copropriété, la plupart du temps à cause du coût d'intervention d'une telle adaptation.
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Note 1 H. Périnet-Marquet, L'impact de la loi SRU sur la vente immobilière : JCP N 2001, n° 10, p. 533 et s., spéc. n° 7.
Note 2 Cass. 3e civ., 19 nov. 1997 : Juris-Data n° 1997-04555 ; Bull. civ. 1997, III, n° 206. JCP N 1998, n° 47, p. 1647 ; Loyers et copr.
1998, comm. 27, note G. Vigneron.
Note 3 Cass. 3e civ., 26 avr. 1979 : D. 1980, inf. rap. p. 236, obs. Cl. Giverdon.
Note 4 CA Versailles, 4e ch. civ., 17 févr. 1995 : Juris-Data n° 1995-040717.
Note 5 Cass. 3e civ., 17 déc. 1996 : Juris-Data n° 1996-005076 ; Loyers et copr. 1997, comm. 121.
Note 6 Cass. 3e civ., 12 mars 1997 : Juris-Data n° 1997-001062 ; Bull. civ. 1997, III, n° 58 ; JCP N 1997, n° 39, p. 1185, note J. Lafond.
Note 7 Cass. 3e civ., 2 oct. 2001 : Juris-Data n° 2001-011205.
Note 8 Cass. 3e civ., 28 avr. 1993 : Juris-Data n° 1993-001295 ; Loyers et cpr. 1993, comm. 273 ; RD imm.1993, p. 412.
Note 9 CA Versailles, 4e ch., 25 avr. 2000 : dossier CSAB n° 89, févr. 2001, n° 124, obs. A. Dunes.
Note 10 Cass. 3e civ., 10 déc. 1986 : Juris-Data n° 1986-702477 ; Bull. civ. 1986, III, n° 180 ; Administrer mars 1987, p. 31 à 35. - Cass. 3e
civ., 10 déc. 1986 : Juris-Data n° 1986-702478 ; Bull. civ. 1986, III, n° 179 ; Administrer mars 1987, p. 31 à 35. - Cass. 3e civ., 10 déc.
1986 : Juris-Data n° 1986-702479 ; Bull. civ. 1986, III, n° 179 ; Administrer mars 1987, p. 31 à 35.
Note 11 Cass. 3e civ., 3 mai 2001, SCI Quincydent. - Cass. 3e civ., 10 déc. 1986 : Administrer mars 1987, p. 31, obs. Guillot.
Note 12 CA Aix-en-Provence, 4e ch. A, 14 mai 1996 : Juris-Data n° 1996-047192 ; Loyers et copr. 1997, comm. 214.
Note 13 Cass. 3e civ., 6 mars 2002, Galey.
Note 14 CA Paris, 23e ch. B, 27 avr. 1990 : Juris-Data n° 1990-021396 ; Loyers et copr. 1990, comm. 327.
Note 15 Cass. 3e civ., 30 juin 1992 : Bull. civ. 1992, III, n° 229.
Note 16 Cass. 3e civ., 21 déc. 1987 : D. 1988, jurispr. p. 338, note Ch. Atias. - Cass. 3e civ., 20 avr. 1988 : D. 1989, jurispr. p. 237, note
P. Capoulade et Cl. Giverdon. - Cass. 3e civ., 25 avr. 1990 : Bull. civ. 1990, III, n° 102. - Cass. 3e civ., 8 oct. 1991 : Loyers et copr. 1991,
comm. 189. - Cass. 3e civ., 22 mai 1997 : Administrer août-sept. 1997, p. 50.
Note 17 CA Aix-en-Provence, 15 nov. 1973 : Ann. loyers 1974, p. 171.
Note 18 Ch. Atias, Propriété indivise et usage privatif : terrasses et terrains privés en copropriété immobilière : JCP N 1987, I, p. 353.
Note 19 Cabanac, Droit de copropriété privatif et droit de jouissance exclusive : ICOP mai 1976, p. 65.
Note 20 Cass. 3e civ., 19 nov. 1997 : Juris-Data n° 1997-004761 ; Loyers et copr. 1998, comm. 56.
Note 21 Cass. 3e civ., 20 mars 2002 : Juris-Data n° 2002-013613 ; Bull. civ. 2002, III, n° 70.
Note 22 Cass. 3e civ., 19 nov. 1997 : Constr.-urb. 1998, comm. 156.
Note 23 Cass. 3e civ., 10 janv. 2001 : Juris-Data n° 2001-007713 ; Constr.-urb 2001, comm. 58, obs. D. Dizaire ; Loyers et copr. 2001,
comm. 105, note G. Vigneron.
Note 24 Defrénois 2003, art. 37825.
Note 25 JCP N 2003, n° 38, 1501.
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