la Web-TV et moi - Prologue Numérique
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la Web-TV et moi - Prologue Numérique
la Web-TV et moi CanalWeb, Pseudo et les autres... Récit Virginie L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris FRANCE Michelet L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRlli L'Harmattan Italia Via Bava, 37 10214 Torino ITALlli merci Jacques Rosselin à et JoshHarris. et à Denis Pryen, Thomas Van Gorkum, Ghislain de Place, James Ramsay, Anthony Paulvé, Franck Metcheliakoff, Eric Clin, Manuel de Lara, Laurent Kraïf, Christian Berst, Béatrice Olivier, Frédéric Grolleau, Jean-Luc Chandelier, Béatrice Quasnik, Johann Goutard, Victoria Schulsinger, Marie-Hélène Grinfeder, Jean-François Bobulesco. sans Jean-Louis Le Grand, Claude Traullet, rand, Francis Jeanvoine, Eric Jauffret, noochehri. oublier Pierre FerEhsan Ma- sommaire prologue bienvenue dans un monde nouveau introduction mon histoire dans l'histoire page 9 page 17 Paris VIII« I have a dream... » octobre 1999/avril 2000 page 29 Pseudo.com page 41 "I am the product" avril2000/mai 2000 CanalWeb.net « Un jour, tu verras...» juillet 2000/février 2001 page 77 IT.lnfo.tv « I will survive» juillet 2001/février 2002 page 139 Et après? fin 2002 page 155 « Que reste-t-il.. » conclusion la télévision du futur page 165 épilogue juin 2006 page 171 annexe page 173 bibliographie page 193 glossaire page 201 8 prologue bienvenue ~ dans un monde « Je déteste la réalité, mais c'est le seul endroit un bon steak» Woody Allen Je suis une femme, il parait Je dirais que nous sommes nouveau où je peux me faire servir qu'elle,s ne sont pas techniques. avant tout pratiques. C'est pourquoi, par moment, je m'insurge contre ces raisonnements d'ingénieurs qui me semblent ne pas tenir compte de ma vie: travail, enfants, maison, amant, le tout mélangé, de préférence dans le désordre, et le même jour. Ils nous promettent des frigos interactifs, mais ne sont pas encore capables de nous fournir des PDA 1 qui tiennent compte de cette manière globale de nous organiser, de cette multiplicité de vues, de ces mélanges intuitifs qui construisent la vie telle qu'elle est. Ou alors, c'est qu'entre 0 et 1 il n'y a pas encore de « peutêtre» (mais ça ne va pas tarder, parait-il). Quoiqu'il 1 en soit... Personal Digital Assistant (Assistant Numérique Personnel), par exemple, les Palm Pilot sont des PDA. Je hais les obiets et ils me le rendent bien Il y a des jours où je prends vraiment conscience du changement de civilisation que nous sommes en train de vivre, et du fait que nous, petites fourmis humaines, en sommes les précurseurs (je n'aime pas le terme de victime I). Ce sont ces fameuses journées où je sors de chez moi, un peu en retard et un enfant sous le bras, à déposer à l'école avant. Ma trousse à maquillage dépasse de mon sac, rempli à ras bord comme chacun l'imagine, et j'ouvre la porte de l'immeuble, d'un geste saccadé, pas de temps à perdre, rush dehors. Le mouvement ne plaît pas à la trousse qui tombe en entraînant le téléphone portable, qui reste accroché en l'air obligatoire. Ouf! grâce au fil du kit mains-libres, L'enfant, pendant ce temps, a décidé qu'un peu de course vers le parking, c'était une bonne idée de plus à son actif. Je le rattrape in extremis et l'enfourne dans la voiture. Après une guerre totale avec les portières, le siège-enfant et la ceinture de sécurité, nous voilà partis. Au fait, pourquoi la trousse à maquillage dépassaitelle du sac? Pour avoir le temps de se « faire une beauté», tout simplement. J'introduis l'écouteur du kit mains-libres dans mon oreille droite, cependant que je vérifie que derrière, tout va bien. Je tends la main pour allumer la radio afin de me tenir au courant des événements. Ça n~ marche pas et c'est normal, la pièce manquante précaution contre les voleurs, est dans mon autr~ sac. Je conduis au ralenti dans le trafic d'un lundi matin dans la banlieue de Paris, le rétroviseur dirigé vers mon visage, dont j'agrémente les contours d'une 10 poudre nacrée et brunissante, matifiante, antiUV et radicaux libres, action continue, vue dans un célèbre magazine féminin la semaine dernière, achetée sur Internet il y a trois jours. Un flic fait passer les enfants au feu, avant le rondpoint, construit l'année dernière, et depuis ce carrefour est un cirque. Pour déposer l'enfant à l'école, il faut se garer très loin. Les abords de l'établissement ont été fortifiés par des grillages qui empêchent les terroristes de pénétrer cette zone, si l'envie leur prenait. La police surveille, les parents prévoyants ont pris toutes les places. Je me sens vaguement inadaptée, peut être à cause du fait que la porte, qui ferme à huit heures trente précises, est en train d'être barricadée par la directrice de l'école. L'enfant rejoint sa classe. Je passe à la Poste où je fais la queue un quart d'heure pour récupérer un recommandé, avec une pièce d'identité plastifiée qui a demandé dix jours de délais d'obtention. Enfin, le havre de paix du bureau. Je sors mon PDA et le branche sur mon ordinateur, qui décide de synchroniser les éléments après une petite musique satisfaite. Une fenêtre pop-up surgit, qui me demande si je veux... bizarrement, je n'attends pas d'avoir lu et je clique comme par réflexe sur « oui ». Aussitôt, toutes mes adresses et mes rendez-vous se trouvent automatiquement et prestement dédoublés aussi bien sur le périphérique que sur l'ordinateur. C'est une mini-catastrophe, mais je n'ai pas le temps de m'appesantir, car j'entends un nouveau mail arriver et comme je suis d'un naturel curieux, je l'ouvre: la directrice des ressources humaines me demande si j'ai bien rempli le formulaire pour la nouvelle mutuelle de l'entreprise, si j'ai bien réuni tous les documents, en particulier, la feuille de pa11 pier qui fait état de ce qu'il y a dans la puce de ma Carte Vitale, qui ne peut pas être lue. Cette feuille de papier est indispensable à la mutuelle, sinon, elle ne peut pas m'inscrire. Pour l'obtenir, il suffit d'en faire la demande au centre de sécurité sociale dont je dépends et ils me l'enverront dans des délais non spécifiés, mais raisonnables. « Ça veut dire quoi, raisonnables?» je demande à la DRH en cliquant sur « répondre» (et non pas « répondre à tous », ça m'est déjà tragiquement arrivé) . Je n'attends pas de « réponse» à ce trait d'humour déplacé et me précipite sur la photocopieuse. Je pose sur la vitre le document de résiliation de mon ancienne mutuelle, certifiant que tout est à jour et je suis prise de vertige. Ma collègue, pleine de compassion, me propose un peu d'huile essentielle de lavande, pour me calmer. Je lui réponds que j'ai des décontracturants dans mon sac, et je la remercie. Un son me rappelle, sur mon ordinateur, qu'il faut faire les courses et s'occuper des vacances des enfants. Je fais un tour sur Ooshop.com et coche les différents éléments de ma liste personnelle de courses. Je serai livrée dans 48 heures. Puis, je formate une présentation pour demain, en Powerpoint, et la transmets aux collègues impliqués dans le projet pour remarques et modifs. Il est l'heure de déjeuner. Dehors, une pluie battante, il parait que la planète se réchauffe. J'ai oublié mon parapluie et je m'engouffre dans le sushi bar en face du bureau. . .. fondu au noir, le temps passe... Je rentre chez moi, les bras chargés de paquets. Mes clés sont mystérieusement au fond de mon sac et je mets un temps fou à les récupérer, pen12 dant qu'un paquet glisse progressivement de mon petit doigt. Ça fait mal. A peine la porte franchie, je traverse plusieurs zones de son. Dans le salon, la télévision regarde ma fille de dix ans qui elle-même regarde une série. La pub envahit l'écran et je lui demande de «zapper» avec sa télécommande. EUe me répond que le programme n'est pas une cassette et elle va chercher une tartine de Nutella et ouvre le réfrigérateur pour y prendre du lait bio demi-écrémé. Dans la chambre de ma fille de 14 ans, un CD de Cat Stevens s'impose à plein régime. En passant la tête dans l'entrebâillement de la porte, ma fille me lance, : <<l'ADSL est encore en panne, je n'arrive pas à me connecter. J'ai appelé France Telecom mais ils m'ont dit qu'ils ne savaient pas ce qui se passait. C'est embêtant, je voulais regarder le championnat du monde d'Echec en direct sur CanalWeb. net». Mon fils de 12 ans est absorbé dans un jeu de Gamecube, et j'ai l'intention de lui dire d'arrêter, sauf que je me rends compte qu'ils sont en fait trois garçons qui s'amusent beaucoup ensemble à abattre le monstre fou de la forêt du territoire du milieu, après le troisième labyrinthe, à droite. Je trouve ça plutôt cool et je disparais dans ma chambre, où le petit du début de cette histoire, 4 ans, a entrepris de peindre le mur, près de la porte. C'est très beau. Je m'écroule sur le lit et écoute sur le Discman une musique New Age, un pur moment de calme. Cette nuit-là, je rêve. Ça s'appellerait « les Visiteurs se reposent». Je me baladerais au Moyen Age et mon écran d'ordinateur ne serait pas en train de balayer mon visage fatigué de ses ondes nocives. Personne ne me demanderait mes papiers non plus. 13 Mais je serais certainement déjà très vieille, au seuil de la mort si l'on en croit l'espérance de vie de l'époque. Alors que là, en train de dormir dans mon lit au matelas anti-acariens, j'ai encore de nombreuses années devant moi pour tenter de mettre de l'ordre dans ce capharnaüm quotidien. Voilà, je l'ai dit. Nous sommes à ce carrefour là de l'Histoire: à la croisée des temps. Entre deux. Entre les soubresauts du XIXème et l'émergence du XXlème. Entre la paperasse administrative classique, physique, et une forme de dictature tout aussi bureaucratique, mais virtuelle. Et même si chaque jour qui passe consacre un peu plus la disparition de ce monde où les clients étaient encore des usagers, nous, les habitants actuels de cette Planète, jonglons quotidiennement avec les deux paradigmes. Et personne ne vient nous en féliciter! ma révolution Internet Certains disent que c'est une révolution, encore le constat. D'aucuns sont exclus. plus. .. d'autres refusent Une fracture de Pour moi, il s'agit avant tout d'une mutation qui vient tout juste de commencer, dont l'Internet est l'infrastructure. La mondialisation en est le but, la concentration l'effet, et la technologie, le moyen. Il me semble que la morale n'intervient pas dans ce schéma, parce qu'il est historique. Cette mondialisation sera ce que nous en ferons: humaine ou pas, avec toutes les gradations possibles entre 0 et l'infini. 14 Pour moi encore, ~ il s'aait de ma révolution. 1970 : Amoureuse de science-fiction, mon univers était peuplé de maisons automatisées, de robots sentimentaux, de fantastiques écrans liquides aux écritures mystérieuses et de myriades de planètes à coloniser, mais aussi de méchantes machines régnant sur le monde, de clones maltraités par leurs géniteurs, de « Big Brothers» omnipotents et démoniaques.. . 1980 : Puis le New Age est passé par là, avec la bible des temps nouveaux, le fameux « La Conspiration du Verseau» de Marylin Ferguson2, et les babacools à la sauce spirituelle et développement personnel. Aspiration: tous connectés, tous transportés vers un grand réseau universel, prélude à un monde de douceur et d'harmonie3. ~ ~ ~ ~ 1990 : Mes premiers pas avec le Macintosh Classic, la découverte des Mind Maps4 de Tony Buzan, mes recherches sur le fonctionnement du Cerveau, l'intelligence collective et l'entreprise apprenante... ~ ~ Et un jour de 1995, cet ami poète qui me montre en passant quelque chose d'un peu ésotérique dont je ne comprends pas du tout la portée. Ca s'appelle r ~, ! ~ , ; r ~ , 2 4 ! t Voir bibliographie The Aquarian Conspiracy. Il s'agit d'un livre culte des années 80 qui introduit la philosophie New Age (Nouvel Age) comme étant un développement de la science et de la société inéluctable, étayé par une réalisation du potentiel individuel (physique, mental et spirituel). 3 A l'époque où j'étais plongée dans ces lectures, je me demandais naïvement comment nous, les Hommes, allions former un cerveau mondial, global, interdépendant... Je n'avais simplement pas imaginé que ce seraient des câbles qui nous relieraient! Mind .Maps : cartes mentales, voir bibliographie 15 le World Wide Web et on peut communiquer, de manière fastidieuse me semble-t-il, avec le reste de l'univers. 1998 : Réveil! pa rtie ! C'est génial ce truc, je veux en faire 1999 : L'histoire que vous allez lire commence 16 là. t t ~ t introduction - mon histoire dans l'histoire .. J ~ ~ ~ ~ janvier 2002 ~ r ~ Un diner en ville, un soir de janvier 2002, dans un restaurant branché de la capitale. Je suis assise à une table ronde, entourée de 9 personnes qui ne se connaissent pas, et c'est tant mieux, sauf qu'il faut se parler, politesse oblige. A ma gauche, une femme d'une trentaine d'années, la bouche étonnamment rétrécie, les lèvres minces, tirée à quatre épingles. Chaque bouchée qu'elle avale semble représenter un exploit en regard de son manque de plaisir évident. Au bout d'une interminable mastication, la question fatale se fait entendre: « Et vous, vous faites quoi? ». Il Y a quelques minutes, j'ai appris entre deux tripotages de nourriture que la convive travaillait à un poste important (pardonnez-moi, j'ai oublié lequel) au sein du saint des saints de chez Pinault lui-même. Je me suis dit: « Elle en connait un rayon », et naïvement, je la pensais alliée, ou simplement sympathisante. C'est alors que je vois sa petite moue en comprenant que je travaille dans l'internet, et en plus dans les WebTV5 ! : mépris, dédain, contentement de se sentir dans une position soi-disant inattaquable, début de sadisme. 5 Ce terme est Français. Aux Etats-Unis, «WebTVTM» est une marque de Microsoft, un développement spécifique de télévision interactive. Le terme retenu là-bas est « Internet TV » ou encore, « Interactive Net TV ». (En fait, il suffisait de nous mettre côte à côte devant un miroir pour comprendre que c'était là sa seule parade.) Malheureusement, le bon sens me quitte toujours dans ce genre de discussion, et en tout cas, j'ai raison de me sentir mal sur un point: je ne suis pas prête de retrouver du travail dans ce secteur... Cela me rappelle une conversation récente: « Tu as « fait» trois start-up? Et elles ont toutes disparues?.. Dis, tu ne leur porterais pas la poisse, par hasard ?! » Et dire qu'il y a seulement un an et demi, je faisais la roue avec les autres et suscitais de l'intérêt, voire de la passion, dès que je parlais de mon travail... Mais que s'est- il passé? 18 Internet et la Web TV ~ Ce livre est « à propos » de quelque chose qui ressemble à de la télévision. , . ~ , ~ , ~ , ~ t ~ , ~ ~ f ~ Une TV qui est interactive. Et sur le Net. Au début de cette recherche, j'étais tombée sur une étude de la Harvard School of Business6 qui interrogeait les gens sur leurs « besoins» en matière de télévision interactive. Les réponses étaient, je m'en souviens, très peu significatives,tout simplement parce que les gens à qui l'on posait les questions n'arrivaient pas à se faire une « idée» de ce que pouvait être une telle télévision. Ils en étaient donc réduits à imaginer, à supputer, à intellectualiser... et l'étude ne nous apprenait rien sur le futur: il était tout simplement opaque. Un peu comme si on décrivait à quelqu'un qui n'a jamais mangé de banane son goût, sa texture et ses effets. Il pourrait intellectuellementl'entendre, mais certainement pas de le comprendre. Alors disons que cette étude, c'était un peu comme demander à des gens qui n'avaient jamais goûté ce fruit de nous en décrire tous ses avantages... Une TV qui est ... Regarder la télé, tout le monde connaÎt. C'est un usage défini, habituel, rentré dans les mœurs depuis cinquante ans, et qui correspond grosso modo à un divertissement que l'on sirote tranquillement assis dans un canapé, souvent avec sa famille,et dont on peut parler à son voisin7. Rien à voir avec la façon bien structurée dont je m'assois, seule, devant mon ordinateur pour travailler. 6 ~ 7 Voir bibliographie. Cette étude date d'octobre 1994. Voir les ouvrages de Dominique Walton sur le sujet, bibliographie , ~ 19 dans la Sur ce que la télévision a apporté à la société depuis cinquante ans, il y aurait beaucoup à dire. Sur le fait qu'elle ait fait l'objet de critiques permanentes aussi. Mais laissons cela de côté. Les faits, rien que les faits. La TV, comme tout média, est l'émanation d'une société donnée. Qui existe aussi grâce à une technologie particulière. Il se trouve qu'en ce moment précis de l'histoire des médias, ces deux éléments sont en plein changement. La société parce qu'elle se centre de plus en plus sur l'individu - ce que j'appelle l'individu-roi-connecté- et la technologie parce qu'elle devient numérique. Comme ces bouleversements affectent beaucoup nos habitudes, nous avons tendance à opposer les deux mondes, alors qu'ils ne font que se compléter. Ainsi, regarder des images sur le Net s'apparente à de la habituelle, fin du XXème siècle, du mot. Je suis mal à l'aise avec le terme de WebTV. Cela me fait penser à un effet « Canada Dry ». Pourtant, il y a fort à parier que ce média « TV », nous continuerons à l'appeler TV, même s'il devient très différent8, à la fois dans ses contenus et dans sa forme, et sur n'.importe quel écran. Disons que si l'on se base sur les usages, alors, je regarderai un certain type de contenu sur un certain type de terminai suivant ce dont j'aurai envie: être avec d'autres, seule, pour m'instruire, me divertir, partager etc. télévision mais n'en est déjà plus dans l'acception . . . interactive... C'est la possibilité d'interagir, de répondre, de communiquer. Avec la TV traditionnelle, pas question, ou si peu. 8 Pour Francis Balle, la TV est tout simplement troisième âge, voir bibliographie 20 entrée dans son Ça descend de son piédestal, avec tous ses programmes dont « ils» pensent que je vais les aimer parce que d'autres ont indiqué, à travers une petite boitequ.i s'appelle audimat, qu'ils les regardaient9. C'est à heure fixe et si je ne suis pas devant le « poste », il faut programmer un magnétoscope et une fois sur deux, ça rate. Autrefois (il y a longtemps, longtemps...), le mardi, quand on regardait les «Dossiers de l'Ecran », on pouvait peut-être intervenir si on avait de la chance et que la ligne du SVP 11-11 n'était pas saturée. Aujourd'hui, je peux acheter des « choses» quasi en direct (des~QI][l~~ de choses). Quand j'ai le câble, bien sûr. Interactive, c'est tout le contraire. sens, de « eux» à nous et de nous et de vous à nous. C'est d'ailleurs ment complexe et si bien adapté au Ça part dans tous les à « eux» et de moi à toi pour ça que c'est telleRéseau des réseaux. Avec les WebTV, je suis devant mon ordinateur, en train de regarder des vidéos, mais aussi des images, des textes et des liens, en train de m'instruire ou de me divertir, quand je veux, en approfondissant ce que je vois, en communiquant avec ma « tribu» d'amis et ma famille mosaïque. Je me sens Maitre du Monde et de mes curiosités. Reliée à l'univers et en plus, j'ai le droit de donner mon avis, d'envoyer un e-mail à mon auteur préféré ou intervenir dans le talk-show en cours par le biais du modérateur de « chat». Pour en arriver là, il m'a fallu passer par toutes sortes d'épreuves techniques, décrites plus bas, parce que je ne sais pas encore très bien me comporter avec ce média naissant, qui balbutie dans le fond comme dans la forme. 9 Et d'abord, où est-elle, cette boite? 21 ...et sur le Net. Un autre fait: Aujourd'hui, le seul endroit où l'on puisse voir la « TV » du futur, c'est à dire celle qui est interactive,. c'est sur un PC connecté au réseau IP10. Demain, je ne sais pas, mais il me semble q\.l~ le réseau Internet est particulièrement efficace. Les autres moyens 11 paraissent beaucoup plus problématiques en ce qui concerne la voie de retour, indispensable à l'interactivité. Par ailleurs, les WebTV sont par rapport au Net, «à la pointe », tant technologique qu'en ce qui concerne les usages. Les images animées, on peut le comprendre, représentent beaucoup plus d'information que les textes ou les sons. Elles sont visibles grâce austreaming passante large 13, 12 et nécessitent jointe à un savoir-faire une bande en perpétuelle lution, des serveurs adéquats et des relais territoriaux. véritable maîtrise des flux de la part des diffuseurs... évoUne De la part des téléspectateurs, les usages sont encore à conquérir et dans le laps de temps qui sera l'objet de cet ouvrage, je me pose une question: frustration.tv ? La différence entre l'imagination, la spéculation et la réalité est depuis longtemps au centre de frustrations importantes. Pas seulement à l'heure de l'internet, mais aussi, quand j'étais petite et que maman a décidé d'arrêter de me nourrir de son lait. Et même peut-être avant, quand elle m'a mise au monde, expulsée de force d'un univers où mes désirs 10 Internet 11 Cêble, satellite, Voir glossaire Idem 12 13 Protocol hertzien 22 n'avaient même pas besoin d'être formulés pour être satisfaits. Je suis comme vous et moi: j'ai un morceau de paradis perdu scotché dans mon cerveau, et de temps en temps, je regarde l'univers dans lequel je vis, et je me dis que vraiment, vraiment, ça n'y ressemble pas. .. Voici un résumé: on m'a promis (les médias, les ingénieurs et les financiers) un bel ordinateur, un seul clic et l'abondance de nouvelles fraiches, de jeux, de plaisirs... or je suis devant l'objet magique, à attendre qu'un câble de largeur plus ou moins adéquate transporte des informations jusqu'à une boite qui elle-même pourrait ne pas toujours supporter autant de données. Je piétine, je m'énerve, je me décourage. Par contre, je suis vraiment contente de pouvoir envoyer des e-mails, et en recevoir. Ça au moins, ça marche. Ce phénomène de découragement est particulièrement aigu en ce qui concerne les télévisions sur le Net. Là, j'ai vraiment l'impression d'être pionnière en scrutant ce timbre-poste qui s'agite de soubresauts parfois interrompus par des mots aussi romantiques que « net congestion... ». La première fois que j'ai regardé CanalWeb, j'ai cru qu'il s'agissait d'un combat de boxe alors que c'était un talkshow... même si c'est un débat aujourd'hui dépassé. Ne parlons pas du téléchargement des « plug-in» (Real Player, Windows Media et autres Quicktime) qui, pour un néophyte, représente au mieux un problème, au pire une complication insurmontable... Ne parlons pas de l'ordinateur lui-même, qui a intérêt à être plutôt récent. Ne parlons surtout pas du débit, différent si j'ai un modem, le câble ou l'ADSL, mais de toute façon, en France, largement .insuffisant. Parlons plutôt de mon histoire dans l'Histoire... 23 la WebTV et moi... Cet ouvrage porte sur mon expérience des WebTV entre avril2000 et février 2002. Je considère aujourd'hui qu'une page de ce média est tournée, et que j'en ai été l'actrice et le témoin. On les appelle toujours les » Web-TV», même si beaucoup d'entre elles ont disparu aujourd'hui. Elles sont nées dans l'enthousiasme d'avant. Avant l'effondrement boursier, avant l'effet de balancier, avant le« panurgisme » des actionnaires. Elles s'appellent (encore, pour certaines... )Pseudo.com, CanaIWeb.net, Alatélé.com, Clicvision.net, Nouvo.com, CitoyenneTV.net, ITinfo.TV. Et j'en passe, bien sûr. Elles sont issues de la rencontre entre des techniques (pour certaines encore en test) et un souffle de liberté qui prétendait balayer la frilosité et l'esprit rétréci des TV établies. A partir de coûts de diffusion qui n'ont rien à voir avec ceux qui existaient avant. Et au nom de l'expression des différences. Qu'elles soient culturelles (art, musique, écriture), politiques (non à la langue de bois), minoritaires (les femmes, les gays, les communautés) ou personnelles (droit à la parole de chacun). A un moment où l'espoir de voir cette chape de plomb qui nous muselait s'ouvrir et donner lieu à une explosion de joies médiatiques, une fête. Mais aussi en cette période d'intense s'imagine faire fortune vite fait. spéculation où chacun En un sens, les WebTV (que l'on ferait mieux d'appeler Télévision Interactive sur le Net ou Télévision IP14) sont emblématiques de la Toile de cette fin de siècle: un mélange indéfini d'appât du gain et d'idéalisme culturel, une sorte de 14 Internet Protocol 24