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ST. MICHAEL’S HOSPITAL
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE
S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O
Actualités scientifiques
MC
Biologie moléculaire des canaux calciques
de l’appareil cardio-vasculaire
P r é s e n t é i n i t i a l e m e n t p a r : A R N O L D M . K AT Z , M . D . , D . M E D . ( H O N )
46e session scientifique annuelle de l’American College of Cardiology
Du 16 au 20 mars 1997, Anaheim, Californie
Rédigé et commenté par : JUAN CARLOS MONGE, M.D.
Le calcium est un médiateur intracellulaire d’une importance majeure pour l’appareil cardio-vasculaire.
L’évolution a mis en place un système complexe de protéines qui médient ou qui régulent son action. Ce système
comporte de nombreuses redondances, ce qui souligne
sa grande importance physiologique. Il y a deux cycles du
calcium : un cycle calcique extracellulaire, quantitativement peu important, mais essentiel à la transmission des
signaux, et un cycle intracellulaire, quantitativement plus
important, responsable de l’activation de la contraction
musculaire. Schématiquement, le système responsable de
l’intégrité de l’homéostasie calcique et de la transmission
de signaux dans l’appareil cardio-vasculaire comporte
les groupes de protéines suivants : 1) celles qui régulent
l’entrée de calcium dans le cytosol; 2) celles qui reconnaissent le calcium dans le cytosol et qui sont responsables de l’activation des processus menant à la contraction musculaire; enfin, 3) celles qui pompent le calcium
hors du cytosol et facilitent le relâchement musculaire,
par exemple les protéines du cycle intracellulaire, ou qui
préviennent la surcharge en calcium à l’intérieur de la
cellule, par exemple les pompes à calcium membranaires
du cycle extracellulaire.
D’un point de vue clinique et pharmacologique, les
plus intéressantes et les plus importantes de ces protéines
sont les canaux calciques membranaires qui régulent le
cycle extracellulaire. Il y a au moins deux types de canaux
calciques importants dans l’appareil cardio-vasculaire :
les canaux de type L et les canaux de type T. Les premiers
sont les récepteurs des bloqueurs de canaux calciques
bien connus tels que le diltiazem, le vérapamil et les dihydropyridines. Les seconds ont été découverts plus récemment et possèdent des propriétés pharmacologiques telles
qu’ils pourraient être utilisés dans le traitement de l’hypertrophie et la dilatation cardiaques observées dans l’insuffisance cardiaque. Il est à remarquer que le premier
médicament pouvant agir sur les canaux calciques de
type T, le mibéfradil, a une efficacité comparable à celle
des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) pour améliorer la survie dans un modèle
animal d’insuffisance cardiaque.
Introduction
Le calcium, en tant que messager intracellulaire, ainsi
que les systèmes complexes protéiques médiant ou régulant
son action sont d’une importance cruciale en physiologie. La
diversité de ces systèmes se reflète dans l’existence de trois
différents groupes de protéines intervenant dans la transmission des signaux calciques : 1) celles qui régulent l’entrée du
calcium dans le cytosol, 2) celles qui reconnaissent le calcium
dans le cytosol et 3) celles qui pompent le calcium hors du
cytosol.
Les muscles striés cardiaques et squelettiques sont constitués de très grandes cellules devant comporter des structures permettant une contraction très rapide. Afin de permettre une transmission des signaux calciques suffisamment
Division de cardiologie
Luigi Casella, M.D.
Robert J. Chisholm, M.D.
Paul Dorian, M.D.
Michael R. Freeman, M.D.
Shaun Goodman, M.D.
Robert J. Howard, M.D.
Stuart Hutchison, M.D.
Anatoly Langer, M.D. (rédacteur)
Gordon W. Moe, M.D.
Juan Carlos Monge, M.D.
David Newman, M.D.
Trevor I. Robinson, M.D.
Duncan J. Stewart, M.D. (chef)
Bradley H. Strauss, M.D.
Kenneth R. Watson, M.D.
St. Michael’s Hospital
30 Bond St., suite 701A
Toronto, Ontario M5B 1W8
Télécopieur : (416) 864-5330
Les opinions exprimées sont exclusivement
celles des membres de la division.
Publié grâce à des subventions sans restrictions.
efficace et importante quantitativement, l’évolution a mis en
place un système d’activation double. Le calcium pénètre
dans la cellule (cycle calcique extracellulaire), mais il est aussi
libéré à partir des réserves intracellulaires (cycle calcique
intracellulaire). Le calcium pénètre dans les cellules par
l’intermédiaire des canaux calciques situés sur la membrane
plasmique et il en sort par l’intermédiaire d’un échangeur
sodium-calcium. Dans le myocarde adulte, l’importance du
cycle extracellulaire est faible quantitativement, mais elle est
très élevée qualitativement en ce qui concerne la transmission
des signaux. Par contre, les quantités de calcium mises en jeu
dans le cycle intracellulaire sont très importantes dans l’activation du muscle cardiaque. Ce cycle concerne le calcium qui
est libére à partir des réserves calciques du réticulum sarcoplasmique. Le calcium ainsi libéré se lie à des protéines telles
que la troponine, ce qui provoque la contraction du muscle,
puis il est repompé dans le réticulum sarcoplasmique à partir
duquel il pourra participer de nouveau au cycle de pompage
et de relargage.
Les deux cycles sont liés. Le cycle calcique extracellulaire
est responsable de l’ouverture des grands canaux calciques
intracellulaires qui sont à leur tour responsables de l’activation des protéines contractiles.
Protéines réceptrices du calcium dans le cytosol
Les protéines intracellulaires liant le calcium sont
appelées protéines à « main E-F ». Elles sont membres d’une
famille de protéines apparentées qui tirent leur nom d’une
séquence d’aminoacides particuliers située dans le site de
liaison du calcium. Le domaine constitué par cette séquence
a l’apparence de deux doigts tendus et contient des groupes
oxygénés, portés par des aminoacides, qui forment ensemble
un site de liaison du calcium à très haute affinité. Ce motif
ubiquitaire se retrouve chez toutes les protéines liant le
calcium intracellulaire; celles-ci sont responsables de la transmission ou de la médiation de nombreux signaux calciques
intracellulaires. Dans le muscle squelettique et le muscle cardiaque, des protéines nommées troponines possèdent quatre
domaines de type «main E-F». Le calcium se lie à la troponine
dans le filament fin, provoquant ainsi une réorganisation de
celui-ci telle que l’actine peut interagir avec le myosine, ce qui
permet la contraction. Dans le muscle lisse, la protéine à
«main E-F» liant le calcium est la calmoduline, qui, elle, est
un récepteur du calcium en solution dans le cytosol.
Protéines pompant le calcium hors du cytosol
L’extraction du calcium hors du cytosol s’opère à l’aide de
pompes à calcium qui nécessitent de l’énergie pour fonctionner.
Elles constituent un famille particulière de protéines et
possèdent une structure compliquée : elles comportent en
effet 10 segments transmembranaires formés par des hélices
alpha. Le réticulum sarcoplasmique (cycle intracellulaire)
et la membrane plasmique (cycle calcique extracellulaire)
comportent des pompes différentes. Elles se ressemblent sur
certains points, mais sont elles sont régulées différemment. La
pompe à calcium du réticulum sarcoplasmique est formée par
une protéine principale comportant 10 segments transmembranaires en hélice alpha et par le phospholamban; ce dernier
est une protéine de régulation qui permet la transduction du
signal produit par l’épinéphrine et qui provoque l’activation
de la pompe à calcium. Celle-ci est un des éléments permettant d’accélérer le relâchement musculaire, ce qui est important, par exemple, au cours de l’exercice physique. Dans le cas
de la pompe calcique membranaire, la régulation se fait par le
calcium lui-même. Cette protéine est activée par une surcharge calcique et protège la cellule d’une « noyade » interne
par le calcium. Dans ce cas, la régulation se fait par un complexe calcium-calmoduline qui se lie à une séquence spécifique d’acides aminés située du côté C-terminal de la protéine.
Les échangeurs sodium/calcium qui expulsent le calcium de
la cellule tirent leur énergie du gradient d’ions sodiques plutôt
que de l’ATP.
Protéines régulant l’entrée du calcium
dans le cytosol
A. Cycle calcique intracellulaire
En font partie les protéines qui initient la transmission
des signaux calciques et qui fonctionnent comme des canaux
calciques intracellulaires permettant la libération du calcium.
Ces protéines participent à l’important cycle calcium intracellulaire et sont essentielles à la libération du calcium nécessaire
au couplage excitation-contraction. Dans le muscle cardiaque,
cette protéine est appelée « récepteur de la ryanodine ». C’est
le calcium entrant dans la cellule par les canaux calciques
membranaires de type L qui est responsable de l’ouverture de
ce canal calcique intracellulaire. En effet, le calcium «asperge»
le récepteur ryanodine, ce qui permet l’ouverture du canal;
passe alors le calcium nécessaire à l’activité de l’appareil contractile qui fonctionne grâce aux protéines à « main E-F ».
Il existe une autre grande famille de canaux permettant
la libération intracellulaire de calcium et qui répond à un
transducteur de signal appelé inositol triphosphate (IP3). Les
récepteurs de l’IP3 ressemblent aux récepteurs de la ryanodine
et sont impliqués dans le couplage pharmaco-mécanique du
muscle lisse; ce couplage est l’un des moyens par lequel le
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calcium est libéré dans la cellule musculaire lisse, dans
laquelle il a également des effets régulateurs de la croissance
cellulaire. Dans le muscle cardiaque, le rôle des récepteurs à
l’IP3 n’est pas bien établi.
B. Cycle calcique extracellulaire
De tous les facteurs régulant la transmission des signaux
calciques, ceux qui sont les plus importants et les plus
intéressants cliniquement sont les canaux calciques membranaires. Ces protéines régulent le cycle de calcium extracellulaire et sont membres de la grande famille des canaux
ioniques tels que les canaux sodiques, les canaux potassiques
et les canaux chlore. Dans les myocytes cardiaques actifs contractiles, ces canaux sont essentiels au couplage excitation-contraction : dans le nœud sinuso-auriculaire, ils ont une activité
cardiostimulateur et dans le nœud auriculo-ventriculaire, ils
interviennent dans la conduction. Les canaux calciques sont
formés par quatre domaines liés covalamment, chacun d’entre
eux comportant six segments transmembranaires en hélice
alpha. Dans l’appareil cardio-vasculaire, il y a au moins deux
types importants de canaux calciques. 1) le type L : il s’agit
d’un canal récepteur des bloqueurs de canaux calciques bien
connus tels que le diltiazem, le vérapamil et les dihydropyridines. Ils sont présents dans les myocytes cardiaques actifs.
Dans ces cellules, ils médient le couplage excitation-contraction et ils sont responsables, en partie, du long plateau du
potentiel d’action cardiaque. 2) Le type T : ces canaux calciques ont été découverts il y a à peu près 10 ans et diffèrent
sensiblement des précédents par leurs propriétés. Ils ne sont
probablement pas présents en quantité importante dans les
cellules adultes, car ils sont exprimés de façon prédominante
dans les cellules fœtales. En général, des cellules en croissance
en comportent de relativement grandes quantités. Leur
expression diminue sensiblement à l’arrêt de la croissance
cellulaire, ce qui incite à penser qu’ils pourrait être impliqués
dans la régulation de celle-ci. En raison de leurs propriétés
particulières, il est peu probable qu’ils participent au contrôle
du potentiel membranaire cardiaque ou au couplage excitation-contraction. Néanmoins, ils sont présents dans le nœud
sinuso-auriculaire, jouant clairement un rôle de pacemaker,
mais il n’est pas certain qu’ils soient présents dans le nœud
auriculo-ventriculaire. Dans les cellulaires musculaires lisses,
par contre, ils sont impliqués dans le couplage excitation-contraction de manière semblable aux canaux de type L et participent donc au mécanisme de vasoconstriction.
Comme l’illustre une étude publiée récemment, des possibilités très intéressantes peuvent être suscitées par la venue
de nouveaux agents qui ciblent spécifiquement ce dernier
type de canaux calciques1. Dans cette étude, des chercheurs
ont utilisé le modèle de ligation coronaire provoquant un
infarctus du myocarde ou une insuffisance cardiaque chez le
rat qui avait été utilisé à l’origine par Pfeffer pour démontrer
l’efficacité des inhibiteurs de l’ECA. Un nouveau bloqueur de
canaux calciques de type T, le mibéfradil, a été comparé à l’inhibiteur de l’ECA, le cilazapril. Au bout de 270 jours, à peu
près la moitié des rats du groupe-contrôle qui ne recevaient
aucun agent étaient morts. Par contre, le nouveau bloqueur
de canaux calciques, le mibéfradil, s’est avéré aussi efficace
que l’ECA pour améliorer la survie des animaux. Ce modèle
présente de bonnes corrélations avec l’amélioration de la
survie observée chez les patients traités avec d’autres agents
tels que les inhibiteurs de l’ECA. Étant donné que dans l’insuffisance cardiaque, le myocardiocyte présente une réponse
trophique anormale, il est possible que l’effet du mibéfradil ne
soit pas dû uniquement à ses propriétés vasodilatatrices, mais
peut-être aussi à un effet sur la croissance cellulaire. Ainsi, il
pourrait être tentant de penser que les bloqueurs de canaux
calciques de type T, ayant des propriétés inhibitrices sur la
croissance et l’hypertrophie, puissent avoir des effets identiques, ou tout au moins semblables, à ceux des inhibiteurs
de l’ECA. Comme il a été mentionné plus haut, le myocarde
adulte contient très peu de canaux calciques de type T, mais
ce n’est plus vrai dans le cas de l’insuffisance cardiaque. En
réponse à la surcharge, le cœur exprime de nouveau un
patron de gènes fœtaux, tels que des isoformes particulières
des protéines contractiles ou le facteur natriurétique des oreilletes. Les canaux calcium de type T semblent eux aussi être
réexprimés, ce qui influe négativement sur l’évolution de l’hypertrophie et la dilatation du cœur en surcharge.
Conclusion
L’investigation des nouvelles propriétés exceptionnelles
des bloqueurs de canaux calciques de type T est l’un des
résultats les plus excitants qui soient survenus dans ce
domaine depuis des années. Ces nouveaux agents pourraient
devenir un ajout extrêmement utile à notre arsenal thérapeutique du traitement de l’insuffisance cardiaque.
Le Dr Katz, qui a exposé les aspects fondamentaux du
signal calcique et en particulier le rôle des canaux calciques
de type T dans l’appareil cardio-vasculaire, a été suivi par le
Dr Barry M. Massie, qui a passé en revue la recherche clinique
menée jusqu’à ce jour avec le mifébramil. Une discussion de
l’exposé du Dr Massie apparaîtra dans la deuxième partie de
cette mise à jour.
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Référence
1. Mulder P, Richard V, Compagnon P, Henry JP, Lallemand F, Clozel JP,
Koen R, Mace B, Thuillez C. Increased survival after long-term treatment with mibefradil, a selective T-channel antagonist, in heart
failure. J Am Coll Cardiol 1997;29(2):416-21.
Lectures complémentaires
Bakx AL, van der Wall EE, Braun S, Emanuelsson H, Bruschke AV, Kobrin
I. Effects of the new calcium antagonist mibefradil (Ro 40-5967) on
exercise duration in patients with chronic stable angina pectoris: a
multicenter placebo-controlled study. Ro 40-5967 International Study
Group. Am Heart J 1995;130(4):748-57.
Bernink PJ, Prager G, Schelling A, Kobrin I. Antihypertensive properties
of the novel calcium antagonist mibefradil (Ro 40-5967). A new generation of calcium antagonists? Mibefradil International Study Group.
Hypertension 1996;27(Pt.1):426-32.
Braun S, van der Wall EE, Emanuelsson H, Kobrin I. Effects of a new
calcium antagonist, mibefradil (Ro 40-5967), on silent ischemia in
patients with stable chronic angina pectoris: a multicenter placebocontrolled study. The Mibefradil International Study Group. J Am Coll
Cardiol 1996;27(2)317-22.
Triggle DJ. Pharmacologic and therapeutic differences among calcium
channel antagonists: profile of mibefradil, a new calcium antagonist.
Am J Cardiol 1996;78(9A):7-12.
La version française a été revisée par le Dr George Honos, Montréal.
©1997 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Édition : Snell Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de
cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Tout recours à un traitement thérapeutique, décrit ou mentionné dans Actualités scientifiques – Cardiologie, doit être
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120-61F

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