Synthèse : qu`est-ce que le réalisme ? 1 – Le mouvement littéraire
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Synthèse : qu`est-ce que le réalisme ? 1 – Le mouvement littéraire
Synthèse : qu’est-ce que le réalisme ? Le mot réalisme est presque transparent, il désigner la volonté de représenter le réel dans une œuvre littéraire et fait de la qualité, de l’exactitude ou de la vérité de cette peinture du réel une exigence centrale. Mais il est alors susceptible de désigner deux choses bien différentes : • Un mouvement littéraire appelé « le réalisme », limité et bien circonscrit dans le temps : moitié du XIXe siècle. • Une esthétique : une façon de concevoir l’œuvre littéraire et de l’écrire, qui, elle regroupe un nombre d’écrivains beaucoup plus important que le mouvement littéraire réaliste (la liste serait interminable). 1 – Le mouvement littéraire réaliste - Au sens strict, il désigne des écrivains ayant produit entre les années 1845 et 1870. Par la chronologie, il s’inscrit entre le Romantisme et le Symbolisme (fin XIXe) et s’oppose au second. . Romantisme : cf vos cours de seconde. Symbolisme : volonté de dépasser la matière, les choses, les réalités basses et matérielles et de voir dans le réel des signes, des symboles d’Idées ou de réalités spirituelles. Les Symbolistes (Mallarmé) fuient le réalisme. - Les auteurs qui se sont déclarés eux mêmes réalistes sont peu connus en ce qui concerne la littérature : Duranty, Alexandre Dumas fils (vs Père) par exemple. Le mouvement littéraire réaliste regroupe alors des auteurs qui ont voulu se situer entre 1845 et 1970-1880 dans la lignée de grands maîtres du roman comme Balzac, Flaubert, Stendhal). - Il faut donc distinguer des grands auteurs dont l’œuvre a toutes les caractéristiques d’une œuvre réaliste du mouvement littéraire du réalisme. On ne vous demande pas de connaître à fond le Mouvement littéraire réaliste mais de savoir reconnaître les critères d’un texte réaliste, ce que nous allons montrer maintenant. 2 – Qu’est-ce qu’une œuvre littéraire réaliste ? Précision d’importance : le réalisme peut concerner tous les genres littéraires mais le roman a été son lieu d’expression privilégié. Rappel : le roman s’est affirmé comme un genre majeur, dominant sur la scène littéraire en tant que genre réaliste. Peuvent se placer sous la bannière d’une écriture réaliste (mais sans appartenir au mouvement littéraire luimême des noms aussi célèbres qu’Hugo, Balzac, Stendhal, Zola, Maupassant, Proust etc…Mais tous n’abordent pas le réalisme de la même manière. On trouve cependant des points communs dans : - les sujets qui les attirent et vers lesquels se portent le choix de ces romanciers. - la manière d’écrire (des points communs apparaissent). A/ Qu’est-ce qu’un sujet réaliste ? Les romans réalistes ont une prédilection, une préférence pour les sujets pris dans la réalité quotidiennes, la plus proche et parfois la plus basse. De ce point de vue, le réalisme s’oppose à ce qu’a été le roman à ses débuts (XVIe au XVIIIe). Le romanesque est alors associé à l’héroïsme sublime, aux aventures extraordinaires, à la présence du merveilleux, parfois de la mythologie (cf. Présentation du roman baroque par opp à La Princesse de Clèves dans le cours du même nom). A quoi reconnaît-on ces sujets pris dans la réalité la plus simple ? • Le proche : le réalisme ne cherche pas un ailleurs fictionnel lointain ou mythologique, il prend ses sujets dans le monde qui lui fait face. Par opposition, il refuse l’extraordinaire, le merveilleux - Ex : Flaubert dans Madame Bovary préfère la petite ville normande d’Yvetot à Constantinople ou à un voyage dans les Indes. - Ex : inscription de la fiction dans l’actualité proche : Zola, Les Rougon Macquart, une suite de vingt romans publiés dès 1870 = « Histoire naturelle d’une famille sous le Second Empire ». Or cet empire vient de s’achever. • Le bas et le modeste : attrait des romanciers réalistes pour les basses classes sociales comme les paysans (ex : Les Paysans de Balzac ou La Terre de Zola), la petite bourgeoisie de province et bien sûr le peuple (ex : Les Misérables d’Hugo). Le roman réaliste veut donner droit de cité aux plus pauvres. D’où des techniques pour peindre la réalité du peuple comme l’imitation de son langage avec l’argot chez Hugo (Les Misérables) ou chez Zola : « Mon œuvre me défendra. C’est une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple qui ne mente pas, qui ait l’odeur du peuple ». Préface de L’Assomoir, 1877. • Remarque : ce qui n’empêche pas Balzac ou Proust de donner une peinture réaliste des grands salons aristocratiques. Ex : un thème majeur du réalisme = l’argent. La réalité dans ce qu’elle a de plus matérielle, de plus bas, de moins spirituel. Observez par exemple la place de l’argent dans l’intrigue et même dans le dénouement du Père Goriot. Tout est fondé sur les dots du Père Goriot à ses filles puis sur l’endettement progressif de ces dernières qui les amènent à ruiner leur père. De son coté, Ratignac est sans cesse en quête d’argent. En outre, Balzac consacre un roman à un usurier (Gobseck) et un autre à un banquier (La Maison Nucingen). Zola consacre un roman aux spéculations finacières qui accompagnent la transformation de Paris par Haussmann dans La Curée. L’argent est une loi du monde, il doit être une loi de l’intrigue romanesque. • Peindre une totalité sociale : voulant peindre avec exactitude le réel, le réalisme porte en lui une exigence de tout montrer, de tout peindre. Par nature, il est totalisant. Ex : cf. le cours de présentation de La Comédie humaine de Balzac qui veut concurrencer « l’état civil ». • Le particulier : la totalité étant par définition insaisissable, le réalisme compense en saisissant des personnages ou des lieux qui soient à la fois particuliers, singuliers et représentatifs. Ex : le type social chez Balzac. Rastignac comme jeune homme ambitieux, Gobseck l’usurier, Nucingen le banquier etc… B/ Qu’est-ce que la manière réaliste ? Le paradoxe est ici frappant : si un auteur veut peindre avec exactitude le réel et seulement lui, il doit s’effacer devant le réel et le laisser parler. Mais est-ce véritablement possible ? Ou bien est-ce que le réalisme n’est pas nécessairement une recomposition, une mise en scène du réel ? - L’idéal de l’effacement de l’auteur : Le réalisme a cultivé de fait ce mythe d’un auteur paradoxalement absent. Ainsi Stendhal associe le roman à un « miroir qu’on promène le long d’un chemin ». L’image du « miroir » dit bien la reproduction du réel, son reflet, son image presque sans intervention de l’art de l’écrivain. Flaubert pousse encore plus loin la comparaison dans sa Correspondance : « L’auteur dans son œuvre doit être comme Dieu dans l’univers, présent partout, visible nulle part ». L’image simple du miroir est dépassée pour celle d’un créateur qui s’effacerait dans sa création, qui laisserait une absence de traces dans sa création. Bien sûr cette idée est une utopie mais elle rend compte de l’effort des écrivains réalistes qui essaient de coller au réel en réduisant peut-être l’expression de leur tempérament d’artiste. Ex : Baudelaire se moquant du réalisme et de ses excès (attention Baudelaire admire aussi les génies du réalisme que sont Balzac et Flaubert) : « Le monde comme si je n’étais pas là pour le dire ». Rappel du rôle nécessaire de l’auteur, qui quoi qu’il arrive imprime sa vision, ses idées sur son roman. - Des techniques et des principes d’écriture quand même Le réalisme utilise quand même des techniques particulières d’écriture. Quelques exemples : - le portrait et le travail du type. - la description. - la présence de lieux voire de personnages réels au milieu de lieux et de personnages fictifs. Un exemple représentatif : le cas de ce que l’on a appelé le Naturalisme : mouvement littéraire de la fin du XIXe siècle regroupant des auteurs comme Zola et Maupassant, revendiquant pour modèles Balzac et Flaubert. Le Naturalisme, c’est la volonté de pousser encore plus loin le réalisme jusqu’à prendre la science pour modèle de l’écriture littéraire. Ecrire des romans à la manière d’un scientifique avec observation et expérimentation. Ex : Zola construit tous les personnages des Rougon Macquart (cf. plus haut) en appliquant le principe scientifique de l’hérédité. Pas une création libre mais organisé d’après le principe dont Zola pense qu’il est une loi du réel. - Copier le réel ou l’exprimer ? Ne soyons pas naïfs, si le roman réaliste n’était que la copie, il serait ennuyeux (certains parmi vous sont peut-être en train de se dire qu’il l’est déjà). Le réalisme veut imiter le réel mais non pour le copier servilement. Le réalisme veut exprimer la substance du réel, il veut faire ressortir son essence, sa signification profonde. Ex : Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, courte nouvelle remarquable sur un peintre Frenhofer, à propos duquel Balzac représente certains aspects de sa propre création artistique. « La mission de l’art n’est pas de copier le réel mais de l’exprimer » = saisir au delà de la pure apparence des choses et des êtres leur sens profond. Baudelaire disait d’ailleurs de Balzac qu’il était certes un « observateur » de la réalité mais aussi un « visionnaire », un artiste capable de détecter au delà des apparences la signification profonde des choses. - Exprimer le réel est-il possible ? Le réalisme se heurte souvent à une difficulté majeure : il faut que l’imitation du réel soit aussi vraie que l’originale. D’où une recherche pour trouver le mot juste, correspondant à la chose, une volonté de suggérer que le texte représente la vérité. Par certains aspects, cette recherche est une quête vouée à l’échec. Balzac nous le signalait dans sa description de la pension Vauquer. Le réel semble y conserver quelque chose d’inexprimable qui échappe au travail de l’écrivain et à sa parole. Ex : « Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue qu’il faudrait appeler odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance, elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements, elle a le goût d’une salle où l’on a dîné, elle pue le service, l ‘office, l’hospice ». Le Père Goriot. Accumulations de caractéristiques pour essayer de compenser une impossibilité fondamentale à dire précisément ce qu’est le réel. Au fond, la réalité finit toujours par échapper en partie à la littérature. Symboliquement, le peintre Frenhofer du Chef d’œuvre inconnu de Balzac poursuit si longtemps son travail sur son tableau pour parvenir à peintre avec exactitude une jeune femme qu’on finit par ne plus rien voir sur son tableau. L’accumulation de détails a rendu le modèle invisible. Peindre exactement le réel est une aporie. S’efforcer de peindre avec une exactitude parfaite le réel pourrait-il conduire paradoxalement à le faire disparaître ?