Téléchargez la fiche métier Programmateur dans la

Transcription

Téléchargez la fiche métier Programmateur dans la
Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012 Fiche métier
La distribution cinématographique:
Le programmateur
Introduction: Le métier de programmateur constitue un poste clé dans l'activité de distribution d'un film. Il est celui qui permet au film de parvenir jusqu'à la salle de cinéma, et donc indirectement jusqu'au public. Nous verrons tout d'abord brièvement quelle est la place et la mission d'une société de distribution dans l'industrie cinématographique, un programmateur étant toujours un membre d'une telle société. Nous détaillerons ensuite la mission et le rôle du programmateur en général, puis nous interviewerons deux programmateurs de pays différents: Ariane, programmatrice chez Métropole Films à Montréal, et Olivier, programmateur aux Films du Losange à Paris. I -­‐ La Distribution: La distribution est une activité charnière dans l'industrie cinématographique, car elle fait le lien entre l'industrie à proprement parler et le public, à qui elle s'adresse par l'intermédiaire des salles. En effet, une société de distribution a pour mission de sortir un film en salles, dans son pays d'appartenance. Elle achète donc tout d'abord les droits de diffusion d'un film pour le territoire en question, soit directement au producteur si celui-­‐ci opère dans le même pays qu'elle, soit à la société de ventes internationales chargée spécifiquement de la vente des droits du film à l'étranger. Ce rôle d'achat revient généralement à la direction de la société de distribution, la question du choix d'un film à sortir étant capitale. Une sortie au cinéma nécessite en effet un budget très conséquent, et chaque sortie constitue donc un risque pris pour la plupart des sociétés. Une fois le contrat de distribution établie et les droits de diffusion du film obtenus, une date et une stratégie de sortie sont déterminées, généralement avec le responsable marketing. Cette stratégie inclue le choix du public cible du film, et la création de tous les éléments promotionnels nécessaires à la sortie (affiche, bande-­‐annonce, dossier de presse et publicités principalement). Un attaché presse (interne ou externe) s'occupera par la suite de faire connaître le film à la presse et aux médias. Cette étape intervient, selon les films, plusieurs mois ou quelques semaines avant la sortie. Quelques semaines avant la sortie également, le programmateur entrera en scène. Il sera l'intermédiaire avec les salles afin d'y faire projeter le film, comme nous le développerons plus avant. 2 Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012
Enfin, la dernière étape est la remontée des recettes: la salle verse au distributeur des frais de location, qui se présentent soit sous forme de pourcentage des recettes d'entrées, soit sous forme de forfait. Nous verrons par ailleurs que, dans nombreuses sociétés de distribution petites et moyennes, le programmateur est également responsable marketing, et endosse souvent des tâches traditionnellement réservées à l'attaché presse. En effet, la distribution d'un film nécessite en réalité peu de personnel, et à part dans les filiales de majors américaines ou les filiales de groupes de chaînes télévisées, on retrouve fréquemment cette configuration. II-­‐Le métier de programmateur: Nous allons tout d'abord décrire le coeur du métier de programmateur, tel qu'il est exercé dans les grands groupes, c'est-­‐à-­‐dire sans tâches additionnelles. Nous verrons par la suite les autres tâches que le programmateur effectue parallèlement dans de nombreuses sociétés. 1) Le coeur du métier: Le programmateur est en contact avec les exploitants directement (c'est-­‐à-­‐dire les directeurs de salles), ou avec les circuits de distribution que sont les chaînes de salles de cinéma (en France principalement Gaumont-­‐Pathé, UGC, CGR). Il a donc une connaissance très poussée du paysage des salles de son territoire, et même des exploitants eux-­‐mêmes, avec qui il entretient des liens fréquents. Il fait donc le lien avec les salles, afin que celles-­‐ci projettent effectivement le film. En accord avec la direction et la stratégie de sortie, il va donc tout d'abord déterminer les salles les plus adaptées pour le film. Il va ensuite contacter chaque directeur de salle (ou de circuit d'exploitation) directement par téléphone, afin de les persuader tout d'abord de passer la bande-­‐annonce du film en salles et de mettre en avant les affiches dans le cinéma, puis quelques semaines avant la sortie afin de les convaincre de projeter le film. Selon l'ampleur du film, c'est-­‐à-­‐dire si celui-­‐ci est attendu ou non, les exploitants seront dans une position de négociation afin d'obtenir le film pour leur salle au plus vite et avec un nombre de copies importants, ou au contraire il incombera au programmateur de les convaincre de projeter le film. Il s'agit ici d'un travail de vente et de persuasion. La question des frais de location du film (leur montant, et la forme de forfait ou de pourcentage des recettes), ainsi que la capacité en terme de places de la salle de projection choisie rentrent également dans la négociation. A compter du jour de la sortie, la première "semaine" (du mercredi au lundi en France), et même le premier jour sont des moments décisifs pour la sortie du film. En effet, le jour de la sortie, les nombre d'entrées de chaque séance, pour chaque salle projetant le film sont transmises au programmateur, et ce presque heure par heure. Ces premiers chiffres sont Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012 décisifs, car ils déterminent généralement si le film sera un succès, c'est-­‐à-­‐dire s'il attirera le public et si les exploitants le maintiendront à l'affiche. Les nombres d'entrées sont reportés très précisément de cette façon tous les jours jusqu'au premier week-­‐end, également primordial. Ainsi, une fois le premier week-­‐end passé, le programmateur va recontacter chaque exploitant ayant projeté le film (ce travail s'effectuera le lundi en général). En fonction du nombre d'entrées obtenu par le film en première semaine, le programmateur va renégocier le placement du film dans chaque cinéma: si les chiffres s'avèrent satisfaisants voire étonnamment bons, le but du programmateur est de faire projeter le film dans une salle plus grande du cinéma, afin de pouvoir accueillir plus de public. Au contraire, si les chiffres sont décevants, l'exploitant souhaitera passer le film dans une salle plus petite, ce qui limitera les capacités du film en termes d'entrées, voire arrêter la diffusion du film dans son cinéma. Le rôle du programmateur sera alors de maintenir le film à l'affiche et dans une salle la moins petite possible. Pour les besoins de la négociation, il pourra par ailleurs diminuer les frais de location. Chaque lundi suivant, les négociations seront menées de la même façon avec les nouveaux chiffres, mais de façon moins intense que la première semaine, car celle-­‐ci détermine en majeur partie la position de l'exploitant par rapport au film, qui variera peu par la suite. Il s'agira également parfois de faire passer le matériel de projection d'un cinéma à l'autre, car toutes les salles ne sortent pas forcément le film à la même date, et des questions de logistiques interviendront donc éventuellement. Cela continuera jusqu'à ce que le film soit complètement retiré de l'affiche sur tout le territoire, ce qui clôt le travail du programmateur sur ce film. 2) Les attributions additionnelles du programmateur: Dans de nombreuses sociétés petites à moyennes (au service distribution allant de 3 à 10 personnes environ), le programmateur a tout d'abord un rôle dans la stratégie marketing mise en place pour la sortie. Il participe donc à la réflexion stratégique, et au choix des outils promotionnels que sont l'affiche, la bande-­‐annonce, le dossier de presse, ainsi qu'au placement des publicités et affiches. Par ailleurs, suite au placement des films en salles avant la sortie, il est souvent celui qui va commander la création de matériel de projection auprès des laboratoires de films (bobines 35mm ou matériel numérique, VF ou VO sous-­‐titrée...), et qui va s'assurer que celui-­‐ci arrive en temps et en heures dans les salles ayant accepté de projeter le film. Cette tâche amène à gérer de nombreuses urgences et problèmes de matériel, erreurs du laboratoires ou retards de livraison. Enfin, il va souvent avoir également un rôle dans la promotion organisée juste avant la sortie du film, c'est-­‐à-­‐dire les avant-­‐premières et l'éventuelle tournée organisée dans différentes villes avec l'équipe du film. Il est généralement présent lors des avant-­‐premières dans la ville principale de sortie, et accompagne parfois l'équipe lors d'autres avant-­‐premières ou de festivals ailleurs sur le territoire. 4 Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012
III-­‐ Interviews de deux programmateurs: Ariane Giroux-­‐Dallaire, programmatrice et responsable distribution chez Métropole Films, à Montréal: 1) Pourriez-­‐vous nous résumer brièvement votre parcours professionnel et comment celui-­‐ci vous a mené à ce métier? J’ai étudié en publicité et j’ai terminé par un stage dans une compagnie de distribution. Mon stage s’est soldé par un emploi comme réceptioniste. J’ai lentement gravi les échelons en passant par le booking de salle, l’organisation de tournée promotionnelles et de presse. Ensuite, je suis devenue coordonatrice à la programmation pour le Festival du Nouveau Cinéma (ndlr: à Montréal) et Ex-­‐
centris. J’ai par la suite été coordonnatrice aux festivals et aux ventes internationales chez Film Tonic. A la fermeture de la société, je suis devenue adjointe aux ventes internationales chez Films Séville, puis j’ai été promue directrice des communications. Quand Séville est racheté par E-­‐one, j’ai decidé de quitter la société pour devenir responsable de la distribution et programmatrice chez Métropole Films. 2) Comment définiriez-­‐vous le métier de programmateur? Il faut vendre tant au consommateur qu’à l’exploitant de salles. Il faut tenter de convaincre d’un côté les exploitants de prendre notre film au lieu d’un autre, et de lui donner toutes les chances de fonctionner en mettant de l’avant nos bandes-­‐annonces et affiches. De l’autre il faut convaincre le public de se déplacer en salles dès le premier week-­‐end (celui-­‐ci étant decisif) pour aller voir le film, c’est tout l’aspect marketing. Nos succès sont peu nombreux par rapport aux échecs, et peu de sorties sont rentables en réalité. Il faut donc être extrêmement prudent au niveau des dépenses. 3) Avec quels professionnels de la filière cinématographique (ou autre) êtes-­‐vous en contact dans votre travail? Ce sont surtout les producteurs, vendeurs internationaux, réalisateurs, agents d’artistes et artistes eux-­‐mêmes (ces trois derniers essentiellement lors de la phase de promotion précédant la sortie). 4) Pourriez-­‐vous décrire brièvement une journée type et les différentes tâches accomplies durant celle-­‐ci? Trop de tâches!!! Il y a un nombre incalculable de courriel échangés chaque jour. Il s’agit de faire des budgets, de les mettre à jour, de booker des pubs, et surtout beaucoup de temps est passé au téléphone avec les exploitants de salles pour négocier le placement des films, des bande-­‐annonces, des affiches. Il faut aussi régler des problèmes techniques, commander du materiel de projection et de promotion. 5) A quelles occasions êtes-­‐vous amenée à vous déplacer en dehors de vos bureaux pour Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012 votre travail? Essentiellement pour des festivals locaux et nationaux tout d’abord, pour faire la promotion de nos prochains films, assister à des conférences, rester en lien avec l’industrie finalement. Il y a également les premières des films, les projections de presse importantes, les représentations auprès des institutions, les réunions avec Europa Cinéma (réseau international des salles pour la diffusion de films européens, ces derniers constituant la majorité des films distribués par Métropole). Et en plus il y a les déjeuners “d’affaire”, avec des connaissances, des relations, pour conserver des liens privilégiés avec d’autres professionnels. Globalement les déplacements interviennent une fois par jour ou tous les deux, trois jours. 6) Quels sont pour vous les principaux avantages et inconvénients de ce métier? Au niveau des inconvénients, c’est un travail qui vous habite. On ramène beaucoup de travail à la maison, on y pense tout le temps, c’est parfois difficile à vivre et à relativiser de ce point de vue, il faut arriver à décrocher de temps en temps. Pour les avantages, on voyage tous les jours, on travaille avec des gens de partout dans le monde, on apprend à connaître plein de cultures différentes, toutes sortes de milieux, et ce grâce au cinéma. 7) Quelles sont d’après vous les principales qualités nécessaire à un programmateur? Tout d’abord, il faut aimer profondément le cinéma et les artistes. Il faut être passionné, entier dans son travail et avoir de grandes qualités de persuasion. Il faut aussi faire preuve de tact et de sang froid, afin de faire face à toutes les urgences et problèmes qu’on est amenés à rencontrer fréquemment. L’organisation du temps est primordiale par ailleurs, car la masse de travail est telle qu’il est essentiel de perdre le moins de temps possible, et d’être efficace au maximum. 6 Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012
Olivier Masclet, programmateur aux Films du Losange, à Paris: 1) Pourriez-­‐vous nous résumer brièvement votre parcours professionnel et comment celui-­‐ci vous a mené à ce métier? J’ai commencé par être animateur jeune public et projectionniste dans une salle, puis je suis devenu programmateur pour une salle de cinéma. Par la suite j’ai été amené à travailler sur la sortie d’un film chez un producteur, avant d’arriver au Losange à la distribution, et donc au travail de programmateur. 2) Comment définiriez-­‐vous le métier de programmateur? Il s’agit principalement de choisir les bonnes salles et estimer leur nombre en fonction du film, et donner envie aux exploitants de le sortir. Cela demande donc une très bonne connaissance des salles et des exploitants, et une intelligence d’adaptation du travail à chaque film, car selon celui-­‐ci les situations et donc le travail est très différent d’une fois à l’autre. 3) Avec quels professionnels de la filière cinématographique (ou autre) êtes-­‐vous en contact dans votre travail? Principalement avec les directeurs de cinémas pour les négociations, les équipes de films pour la promotion, les laboratoires pour les commandes de matériel et le suivi, ainsi que les partenaires média pour la promotion également. 4) Pourriez-­‐vous décrire brièvement une journée type et les différentes tâches accomplies durant celle-­‐ci? Il y a beaucoup de contacts téléphoniques avec les salles pour les négociations et le suivi de la diffusion en salles (remontées des chiffres au moment des sorties par exemple). Il faut également gérer l’envoi du materiel promotionnel aux salles ou aux médias, la creation et l’envoi des dossiers presse, des affiches, des film-­‐annonces, tout ça prend beaucoup de temps car la création est sujette à de nombreuses validations et décisions à prendre. 5) A quelles occasions êtes-­‐vous amené à vous déplacer en dehors de vos bureaux pour votre travail? Ces occasions sont principalement l’organisation de projections pour les exploitants en province (ou sur Paris bien sûr), et les tournée promotionnelles, à base d’avant-­‐premières avec les équipes de film dans différentes villes de province. 6) Quels sont pour vous les principaux avantages et inconvénients de ce métier? Margot Rossi -­‐ OP MACC Fiche métier: le programmateur Novembre 2012 Les avantages sont les nombreuses rencontres que l’on est amenés à faire, avec des personnes passionnantes souvent, du fait de ce milieu. Il y a également le plaisir d’accompagner un projet artistique auquel on croit jusqu’au public, de participer au succès d’un film de qualité. En contrepartie c’est un métier très chronophage, qui demande souvent de rester tard le soir au bureau, de se déplacer fréquemment, de suivre les urgences et le rythme des sorties. 7) Quelles sont d’après vous les principales qualités nécessaire à un programmateur? Il faut beaucoup de patience, d’écoute, de conviction et d’autorité aussi, selon que l’on parle avec les exploitants ou les laboratoires. C’est un vrai travail de diplomate en réalité, quand un film est très demandé il faut savoir dire non à ceux qui prennent les films seulement pour 1 ou 2 semaines, et quand il ne l’est pas il faut se battre pour le placer au maximum dans les villes importantes. Conclusion: Le métier de programmateur exige des réelles capacités de persuasion, de négociation, et une intelligence sociale poussée car le lien avec les exploitants est primordial. Comme dans la plupart des métiers du cinéma, et quelle que soit la société, il semble que la passion pour le cinéma soit nécessaire, à la fois pour mener la mission de persuasion du programmateur à bien, et également pour supporter la pression et la chronophagie d'un tel poste. Il s'agit par ailleurs d'un métier protéiforme, qui ne connaît aucune routine du fait de la diversité des films voire des tâches à effectuer. L'aspect charnière de ce métier semble également très satisfaisant, car le programmateur amène le film jusqu'au public, et peut faire la différence entre un succès et un échec, quelle que soit parfois la qualité du film. 

Documents pareils