Retour sur «Le Bagne», une œuvre majeure de la

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Retour sur «Le Bagne», une œuvre majeure de la
Jusqu'au 31 octobre
Retour sur «Le Bagne», une œuvre
majeure de la danse québécoise
Publié le 22 octobre 2015 à 14h44 Denis-Daniel Boullé
Une énorme cage – ou prison – dans laquelle deux hommes vivent. Prisonniers,
malades psychiatriques, animaux captifs, qu'importe. L'enfermement avec son
semblable prévaut de toute façon. Ce semblable qui partage les mêmes rages et
les mêmes espoirs dont un avenir de liberté même si cette dernière fait peur. En
re-créant Bagne,20 ans plus tard, les chorégraphes Pierre-Paul Savoie et Jeff Hall
ont frayé des chemins de liberté improbable dans cet univers carcéral et clos. Et
si le premier Bagne avait connu un énorme succès public. Ce second,
complètement retravaillé, séduira tout autant.
Sur scène deux hommes, qui cohabitent dans un espace restreint et dénudé. Ils sont de
fait les seuls compagnons l'un pour l'autre et doivent s'affirmer l'un vis-à-vis de l'autre
pour ne pas tout à fait disiparaître. Deux danseurs aux physique différents, se plient non
sans révolte, à ce partage d'un lieu. Entre le jeu, les combats, la séduction, le pouvoir,
Pierre-Paul Savoie et Jeff Hall écrivent une chorégraphie très physique, à mi-chemin
entre le cirque, les cascades, mais tous les gestes, tous les mouvements, tous les
déplacements renvoient à la danse, même quand les danseurs se projettent ou sont
projetés contre les grilles. L'émotion nait dans ses infimes moments d'arrêt, ou une main
tente désespérement de se dépendre d'un mur, de l'autre.
Si ce monde clos déployé devant nous pourrait sembler une ode à la virilité, les
chorégraphes sapent rapidement la norme pour laisser apparaître une face cachée de
ses hommes, le désir de l'autre, de la tendresse, de l'amitié, qui se manifeste
maladroitement mais pourtant fermement. D'ailleurs, les évocations de cet amour ou de
ce désir de l'autre surgissent avec le lit de fortune qui sépare les deux corps qui
cherchent à se rapprocher, métaphore de nos enfermements et de nos murs intérieurs
que l'on n'ose défier.
Nous sommes plus proches de Genet et de Koltes par les luttes contradictoires de nos
émotions qui cherchent à s'exprimer. Et les corps des danseurs, qui se plient qui
s'abandonnent et qui résistent, trahissent ces dilemnes intérieurs avec justesse et
précision.
Milan Panet-Gignon et Lael Stellick formaient ce couple improbable, mêlant avec
virtuosité la force et la douceur. Douceur qui laisse poindre avec une grande subtilité
leur fragilité, leur douleur, leurs doutes, dans des contrastes saisissants soutenus par
une bande sonore qui vient souligner cette athmosphère de claustration, d'impossibilité
de s'échapper, d'échapper à l'autre pour le pire et le meilleur.
Bagne, alors, n'est plus qu'un miroir de nous-mêmes rêvant de liberté, de décadenasser
les grilles qui nous protègent et nous enferment, de délier nos entraves pour enfin
s'envoler hors de la cage.
BAGNE Re-création de Pierre-Paul Savoie et Jeff Hall, coproduction de PPS Danse et
Danse Danse
5e salle de la Place des Arts (MONTRÉAL) Jusqu'au 31 octobre
Grand-Théâtre (QUÉBEC) les 8 et 9 décembre