La recherche au musée du Louvre 2011
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La recherche au musée du Louvre 2011
La recherche au musée du Louvre 2011 Illustration de couverture Arcade ionique du palais des Tuileries de Philibert Delorme présentée dans la cour Marly En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. © Musée du Louvre, Paris, 2012 www.louvre.fr ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-413-6 © Officina Libraria, Milan, 2012 www.officinalibraria.com ISBN Officina Libraria : 978-88-97737-07-0 Dépôt légal : octobre 2012 Imprimé en octobre 2012 La recherche au musée du LOUVRE 2011 Musée du Louvre Henri Loyrette Président-directeur Hervé Barbaret Administrateur général Claudia Ferrazzi Administratrice générale adjointe Édition Musée du Louvre Coordination éditoriale, iconographie Marie Claire Guillard-Le Bourdellès Direction de la production culturelle Chef du service des éditions Violaine Bouvet-Lanselle Traduction anglaise Jean-Marie Clark Linda Gardiner Sophie Goldet David Hunter David et Jon Michaelson Jane Mary Todd Susan Wise Officina Libraria Suivi éditorial et création graphique Paola Gallerani assistée de Serena Solla Relecture des textes Anne Chapoutot Relecture de la traduction anglaise Bronwyn Mahoney et Christine Schultz-Touge Photogravure Grafiche Zeta, Milan La recherche au musée du Louvre 2011 sous la direction d’Henri Loyrette Coordination scientifique Guillemette Andreu-Lanoë et Carel van Tuyll van Serooskerken Auteurs Sébastien Allard Béatrice André-Salvini Guillemette Andreu-Lanoë Laura Angelucci Raphaël Angevin Élisabeth Antoine Françoise Barbe Christophe Barbotin Marc Bascou Michel Baud † Nicolas Bel Dominique Bénazeth Agnès Benoit Marie-Laure Bernadac Michèle Bimbenet-Privat Marc Bormand Agnès Bos Anne Bouquillon Jean-Luc Bovot Geneviève Bresc-Bautier Catherine Bridonneau Dominique Briquel Hervé Brunon Delphine Burlot Marie-Josée Castor Béatrice de Chancel-Bardelot Charlotte Chastel-Rousseau Sophie Cluzan Dominique Cordellier Anne Coulié Natalie Coural Lucie Cuquemelle Pierre Curie Jacob L. Dahl Frédéric Dassas Élisabeth David Xavier Dectot Élisabeth Delange Vincent Delieuvin Françoise Demange Martine Denoyelle Sophie Descamps Anne Dion-Tenenbaum Valentine Dubard Sophie Duberson Blaise Ducos Jannic Durand Marie-Lou Fabrega-Dubert Guillaume Faroult Guillaume Fonkenell Élisabeth Fontan Dominique de Font-Réaulx Élisabeth Foucart-Walter Louis Frank Bénédicte Gady Françoise Gaultier Cécile Giroire Anne-Laure Goisnard Florence Gombert-Meurice Catherine Gougeon Pierre Grandet Hélène Grollemund Pauline Guelaud Hélène Guichard Sylvie Guichard Hélène Guicharnaud Sophie Guillot de Suduiraut Jean Habert Laurent Haumesser Daniel Jaunard Violaine Jeammet Irène Julier Alexandra Kardianou-Michel Sophie Kervran Guillaume Kientz Stéphanie Koenig Anne Krebs-Poignant Sylvain Laveissière Élisabeth Le Breton Camille Lecompte Bertrand Le Dantec Pierre-Yves Le Pogam Christophe Leribault Joëlle Le Roux Claude Lesné Laurence Lhinares Anne Liégey Yannick Lintz Marcella Lista Stéphane Loire Catherine Loisel Henri Loyrette Sophie Makariou Philippe Malgouyres Federica Mancini Jean-Luc Martinez Néguine Mathieux Rosaria Motta Sophie Padel-Imbaud Michèle Perny Sophie Picot-Bocquillon Geneviève Pierrat-Bonnefois Vincent Pomarède Louis-Antoine Prat Monica Preti Bernadette Py Anita Quilès Patricia Rigault-Déon Daniel Roger Marie-Hélène Rutschowscaya Marie-Catherine Sahut Cécile Scailliérez Guilhem Scherf Roberta Serra Salvatore Settis Jean-Marc Terrasse Dominique Thiébaut Ariane Thomas Pascal Torres Guardiola Carel van Tuyll van Serooskerken Christine Vivet-Peclet Anne de Wallens Christine Walter Liste des sigles List of abbreviations ANR BnF C2RMF ANR BnF C2RMF Agence nationale de la recherche Bibliothèque nationale de France (Paris) Centre de recherche et de restauration des musées de France (Paris) CEA Centre d’énergie atomique CNRS Centre national de la recherche scientifique CRDOA Commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art CTHS Comité des travaux historiques et scientifiques CVA Corpus Vasorum Antiquorum DAMT Direction Architecture Muséographie Technique (musée du Louvre) DASV Direction de l’Accueil, de la Surveillance et de la Vente (musée du Louvre) DCPCR Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies (musée du Louvre) DGAMS Direction générale des Antiquités et des Musées de Syrie DMO Direction de la Maîtrise d’ouvrage (musée du Louvre) DPPEA Direction de la Politique des publics et de l’Éducation artistique (musée du Louvre) Drac Direction régionale des Affaires culturelles EHESS École des hautes études en sciences sociales (Paris) ENS École normale supérieure Ensba École nationale supérieure des beaux-arts (Paris) EPHE École pratique des hautes études (Paris) Frac Fonds régional d’art contemporain HdL Histoire du Louvre (musée du Louvre) ICOM-CC Conseil international des musées – Committee for Conservation IFAO Institut français d’archéologie orientale (Le Caire) INHA Institut national d’histoire de l’art (Paris) INP Institut national du patrimoine (Paris) Inrap Institut national de la recherche archéologique préventive Mnam Musée national d’art moderne (Paris) MRAH Musées royaux d’Art et d’Histoire (Bruxelles) OMER Orient méditerranéen dans l’Empire romain (musée du Louvre) PPRI Plan de prévention des risques d’inondation RML 2010 La Recherche au musée du Louvre 2010, Paris, musée du Louvre éditions, et Milan, Officina Libraria, 2011 SRDAI Service du récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam (musée du Louvre) TCL Textes cunéiformes du Louvre UFR Unité de formation et de recherche UMR Unité mixte de recherche French National Research Agency Bibliothèque Nationale de France (Paris) Centre of Research and Restoration for French Museums (Paris) CEA Atomic Energy Commission CNRS National Centre For Scientific Research CRDOA Commission for the Verification of Works of Art CTHS Committee of Scientific and Historic Works CVA Corpus Vasorum Antiquorum DAMT Architecture Exhibition Design and Technical Department (Musée du Louvre) DASV Information, Surveillance and Sales (Musée du Louvre) DCPCR Division for Preventive Conservation and Collection Management (Musée du Louvre) DGAMS Directorate-General of Antiquities and Museums Syria DMO Project Management Department (Musée du Louvre) DPPEA Public Outreach and Art Education Department (Musée du Louvre) Drac Regional Directorate for Cultural Affairs EHESS École des hautes études en sciences sociales (Paris) ENS École normale supérieure Ensba École nationale supérieure des beaux-arts (Paris) EPHE École pratique des hautes études (Paris) Frac Regional Fund for Contemporary Art HdL History of the Louvre (Musée du Louvre) ICOM-CC International Council of Museums – Committee for Conservation IFAO French Institute for Oriental Archaeology (Cairo) INHA National Institute of Art History (Paris) INP National Institute of Cultural Heritage (Paris) Inrap National Institute for Preventive Archaeological Research Mnam Musée National d’Art Moderne (Paris) MRAH Royal Museums of Art and History (Brussels) OMER East Mediterranean in the Roman Empire (Musée du Louvre) PPRI Flood risk prevention plan RML 2010La Recherche au musée du Louvre 2010, Musée du Louvre Éditions, Paris and Officina Libraria, Milan, 2011 SRDAI Service for Verification of Islamic Arts and Antiquities (Musée du Louvre) TCL Louvre Cuneiform Texts UFR Training and Research Unit UMR Joint Research Unit Sommaire 12 Le mot du président-directeur Henri Loyrette 89 89 15 Le mot du président du conseil scientifique Salvatore Settis 90 CONTEXTE ET PROVENANCE 92 19 Introductions Antiquités orientales Antiquités égyptiennes Antiquités grecques, étrusques et romaines Arts de l’Islam Sculptures Objets d’art Peintures Arts graphiques Histoire du Louvre Musée national Eugène Delacroix Louvre-Lens Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies 69 Service du récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam 73 Service études et Recherche de la direction de la Politique des publics et de l’Éducation artistique 20 28 34 39 44 47 50 54 58 60 63 65 75 Travaux de recherche 76 Antiquités orientales ŒUVRES 76 79 82 83 83 84 La collection de tablettes « proto-élamites » au musée du Louvre (publication et réédition des textes) Ebih-Il, nu-banda : contribution de la sculpture inscrite aux questions historiques et chronologiques du royaume de Mari au IIIe millénaire Le costume royal mésopotamien dans les collections du musée du Louvre La glyptique du IIIe millénaire Les collections du IIIe et du début du IIe millénaire liées au monde transélamite et à la civilisation de l’Oxus au département des Antiquités orientales Étude et publication des collections du département des Antiquités orientales liées au culte de Jupiter d’Héliopolis (Baalbek, Liban) 93 93 La polychromie des ivoires d’Arslan Tash (Syrie) Clous de fondation néo-sumériens comportant des traces de tissu 86 Antiquités égyptiennes 88 89 Nouvelles découvertes sur un chef-d’œuvre du département égyptien du Louvre, la « tête Salt » Les collections lithiques prédynastiques Les faïences de Qantir Les dossiers d’antiquaires de l’égyptologue Jacques Jean Clère Constitution d’un catalogue des étiquettes et des marquages des œuvres de la collection du département des Antiquités égyptiennes 95 Antiquités grecques, étrusques et romaines ŒUVRES 95 97 97 98 98 99 Bilan de quinze ans de recherche sur la polychromie des terres cuites grecques Recherches sur les ateliers céramiques à Athènes au ive siècle avant J.-C. Techniques des bronzes grecs et romains : histoire des restaurations anciennes Sculptures grecques et romaines : campagne d’analyse des marbres et publications parues en 2011 Céramique grecque : travaux et publications sur la collection du Louvre Collections épigraphiques : trois catalogues en préparation HISTOIRE DE LA RÉCEPTION DE L’ANTIQUITÉ CLASSIQUE 99 100 100 Collections d’antiques des xviie et xviiie siècles en France et en Italie : à propos des collections Richelieu et Borghèse Catalogues de vente d’antiques au xixe siècle : étude des collections et du marché de l’art Les collections d’antiques du marquis Campana CONTEXTE ET PROVENANCE 101 102 103 103 104 105 106 106 106 ŒUVRES 86 L’église de l’archange Michel du monastère copte de Baouit Modélisation bayésienne d’une chronologie absolue pour la XVIIIe dynastie de l’Égypte ancienne à partir d’œuvres mises au jour à Deir el-Médina et conservées au Louvre Datation radiocarbone des tissus votifs du Gebel el-Zeit conservés au musée du Louvre Programme sur les faïences de Méditerranée orientale MUSÉES ET COLLECTIONS 94 94 MATÉRIAUX ET TECHNIQUES 84 85 Culture matérielle méroïtique et post-méroïtique Les ostraca de Deir el-Médina 107 107 Méditerranée occidentale (Italie-Tunisie) La peinture romaine du Louvre : point sur la collection de peintures campaniennes Les productions de la cité étrusque de Cerveteri : « De Cerveteri au Louvre : la peinture étrusque et son contexte » Œuvres provenant de l’Étrurie intérieure conservées dans les collections du Louvre Histoire de l’archéologie française en Tunisie : les collections lapidaires romaines du Bardo et du Louvre Méditerranée orientale (Grèce–Turquie) L’archéologie de la Grèce du Nord : bilan et perspectives Vases géométriques attiques du style du Dipylon Vases orientalisants du style de « la chèvre sauvage » La céramique orientalisante thasienne Histoire des fouilles conduites sur le site d’Éléonte en Turquie par l’armée d’Orient (1915 et 1920-1923) La production des cités de Smyrne et Myrina (Turquie) Les mosaïques romaines de la cité d’Antioche sur l’Oronte (Turquie) 108 Sculptures 134 Délégation à la conservation préventive et à la ŒUVRES 108 Les médaillons de plâtre de Pierre Jean David d’Angers 134 ARTISTES ET ATELIERS 109 109 110 Sculptures souabes gothiques tardives (vers 1450-1530) des musées de France Sculptures florentines du Quattrocento Recherches sur Jean Antoine Houdon MATÉRIAUX ET TECHNIQUES 110 Les bronzes français MUSÉES ET COLLECTIONS 111 113 Le fonds photographique des antiquaires Demotte Le musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir 115 Objets d’art CHANTIER DES COLLECTIONS 115 135 136 137 138 Les décors de lambris du xviiie siècle Chypre médiévale Les émaux médiévaux méridionaux Les ivoires gothiques ARTISTES ET ATELIERS 119 Les bronzes padouans MATÉRIAUX ET TECHNIQUES 119 120 120 120 Les céramiques de Bernard Palissy et de ses continuateurs Les verres émaillés vénitiens Le mobilier de menuiserie et les débuts de l’ébénisterie (fin du xve siècle – milieu du xviie siècle) Le mobilier Boulle 138 139 140 141 142 ŒUVRES 122 Corpus des peintures britanniques, germaniques, espagnoles, scandinaves, suisses, russes et diverses Recensement de la peinture française du xvie siècle ARTISTES ET ATELIERS 123 124 124 124 Giotto e compagni Rubens et l’Europe Vélasquez Hubert Robert MUSÉES ET COLLECTIONS 125 125 Réseau Louis-Philippe Le revers des tableaux et des dessins 126 Arts graphiques ARTISTES ET ATELIERS 126 127 2011, année vasarienne Luca Penni, dessinateur et peintre de l’école de Fontainebleau ŒUVRES 128 129 129 129 130 130 Dessins et gravures allemands de l’école du Danube Giulio Romano, dessins du Louvre Dessins français du xvie siècle Dessins génois du xvie au xviiie siècle Les dessins bolonais du Louvre Inventaire des dessins d’Antoine Jean Gros HISTOIRE DU GOÛT 130 131 La collection de dessins italiens de Pierre Crozat Histoire des montages de dessins MUSÉES ET COLLECTIONS 131 Les marques de collection de dessins et d’estampes 132 Histoire du Louvre 132 Le Nôtre et les Tuileries arts de l’Islam Étude archivistique et analyse historique sur les modes d’acquisition et le statut juridique des produits de fouilles d’Antinoé L’apport scientifique du récolement des fragments de vases grecs dans les musées américains Bilan historique et archéologique des œuvres antiques et des arts de l’Islam déposées par le Louvre et l’État à Nantes entre 1863 et 1952 Les dépôts du Louvre au Musée national de la céramique à Sèvres : de la reconstitution de l’histoire des envois au récolement des œuvres La base de données du récolement des dépôts (PICO) 140 Service études et Recherche de la direction de la 121 Peintures 121 Environnement climatique : le cas du Rembrandt du Masd’Agenais Adoption d’une norme européenne sur l’emballage des biens culturels : EN 15946 – Conservation des biens culturels – Principes d’emballage pour le transport 136 Service du récolement des dépôts antiques et des ŒUVRES 117 118 119 coordination des régies 143 Politique des publics et de l’Éducation artistique Recherche sur les relations entre les musées et les municipalités en Europe Recherche sur la générosité des particuliers Recherche sur les pratiques « réelles » et « virtuelles » du Louvre Fouilles et prospections archéologiques 144 Antiquités orientales 144 Travaux 2011 de la mission archéologique de Tulul elFar, Tell Taouil et Tell el-Kharaze (Syrie) : recherches toponymiques et analyse stratigraphique 148 Antiquités égyptiennes 148 Les fouilles du département des Antiquités égyptiennes à Saqqara (Égypte), saison 2011 150 Travaux dans la tombe de Merenptah (Égypte), novembre 2011 152 Les fouilles du département des Antiquités égyptiennes à Mouweis (Soudan), saison 2011 157 Vie des collections 158 Acquisitions 158 Antiquités grecques, étrusques et romaines 158 Idole néolithique 159 Figurine plate béotienne « à bec d’oiseau » 160 Fragments d’une coupe laconienne 161 Buste votif de jeune homme 162 Athéna, dite Minerve avec le géant ou Athéna Craufurd 164 Arts de l’Islam 164 Tapis de prière Kelekian 164 Plaque de revêtement architectural 165 Plaquette de coffret (?) ou de petit mobilier 166 Ahdname ottoman relatif aux relations de la Sublime Porte avec Raguse 166 167 168 169 169 170 170 171 172 173 174 176 177 177 178 179 180 182 182 183 184 185 186 186 187 187 188 189 190 190 191 192 193 193 193 194 196 197 197 198 199 Plumier à décor gul-i bulbul (« rose et rossignol ») Coupe à décor floral Tapis de prière ou tapis d’été Sculptures Simon Challe, Vierge de l’Immaculée Conception Objets d’art Deux figures d’applique : apôtres ; Christ à la colonne Saint Jean l’Évangéliste Paire de flambeaux en bronze doré Éléments de lambris : double porte et dessus-de-porte, trumeau de miroir, deux parcloses et fenêtre garnie de volets de miroirs ; Quatre fauteuils ; Paire de bras de lumière à figure de perroquets ; Paire de chenets à décor de branches florales Robert Joseph Auguste, Deux terrines du service de George III Cuvette « Verdun » Peintures Attribué à Jean Malouel, Le Christ de pitié soutenu par saint Jean l’Évangéliste et deux anges en présence de la Vierge Bartolomeo Vivarini, La Vierge allaitant l’Enfant Lucas Cranach, dit l’Ancien, Les Trois Grâces Frère Juan Bautista Maíno, Les Larmes de saint Pierre Jean Le Clerc, La Résurrection de Lazare Louis Cretey, Déborah exhortant Barak à combattre les armées de Sisara Jean-François de Troy, Le Déjeuner d’huîtres (esquisse) Gavin Hamilton, Vénus unissant Hélène à Pâris Pierre Paul Prud’hon, Le Monument du pape Clément XIV par Canova Entourage de Jean-Baptiste Camille Corot, Paysage de campagne romaine La donation Forbes aux American Friends of the Louvre George Morland, Campement de bohémiens Francis Danby, Le Christ marchant sur les eaux James Ward, Le Baptême du Christ William Mulready, Instruis l’enfant Frederick (dit William) Clarkson Stanfield, Les troupes françaises franchissant la Magra Sarzana, avec les montagnes de Carrare dans le lointain, en 1796 John Rogers Herbert, Le Sauveur serviteur de ses parents à Nazareth Edward Lear, Vue de Taormine en Sicile avec l’Etna dans le lointain John Frederick Lewis, La Rue et la mosquée al-Ghouri au Caire Arts graphiques Anonyme italien, Deucalion et Pyrrha repeuplant la terre Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange, Deux études d’un homme nu pris dans un mouvement ascendant (recto) ; Esquisses d’un homme nu et un fragment d’une étude de tête d’homme (verso) Baptiste Pellerin, Pantagruel et ses compagnons dans l’Isle Sonante et dans l’Ile de Condemnation et cinq « drôleries » d’inspiration rabelaisienne Baptiste Pellerin, Frontispice de l’Isle Sonante Nicolas Moillon, Une femme agenouillée auprès d’une figure ailée, dans un paysage Nicolas de Largillierre, Portrait d’homme et études de main François André Vincent, Recueil de caricatures Francisco de Goya y Lucientes, Disparate conocido : Quel guerrier ! ; Disparate de bestia : Autres lois pour le peuple ; Disparate de tontos : Pluie de taureaux ; Disparate puntual : Une reine du cirque 201 201 202 202 203 204 204 205 206 206 206 208 208 208 209 210 210 211 Philippe Auguste Hennequin, Composition allégorique : Mars désarmé Richard Westall, Scène dans un camp militaire Francis Danby, Rivage au clair de lune Thomas Webster, Le Chœur de village Edward William John Hopley, Uncas, jeune Indien Delaware, surpris dans la forêt près de son feu de camp Peter Doig, Pelican Island Dove Allouche, Surplomb Marc Desgrandchamps, Mnémosyne pop Histoire du Louvre Philibert Delorme, Arcade ionique du palais des Tuileries Victor Chavet, Portrait de Giovanni Francesco Romanelli Musée national Eugène Delacroix Francisco José de Goya y Lucientes, « Quien mas rendido? » [Qui est plus esclave ?] Anonyme, Caricature de Mlle George Eugène Delacroix, Étude de reliures, veste orientale et figures d’après Goya Gillot Saint-Evre, Louis XI et Isabelle de Croye, scène de Quentin Durward Newton Fielding, Oiseaux au bord d’un étang Pierre Joseph Dedreux-Dorcy, Portrait du comte Charles de Mornay 212 Restaurations Antiquités orientales 212 Restauration d’un texte littéraire sumérien 212 (« Lamentation sur la ruine d’Ur ») Restauration d’un relief de Ninive (vers 645-640 avant J.-C.) 213 Restaurations d’œuvres d’époque romaine : le cas de 214 deux portraits chypriotes peints Restaurations d’œuvres d’époque romaine : le cas 215 d’un portrait monumental d’Agrippine la Jeune Antiquités égyptiennes 215 Conservation-restauration en vue d’une nouvelle 216 présentation au public : les collections de l’Égypte romaine du Louvre Antiquités grecques, étrusques et romaines 221 Las Incantadas, restauration des éléments de sculpture 221 architecturale de l’agora de Thessalonique Sept ans d’études et de restauration des peintures 224 d’époque romaine du musée du Louvre Conservation préventive des figurines en terre cuite : 226 bilan d’un chantier des collections Une redécouverte scientifique liée à la restauration 227 des plombs Un bilan sanitaire de la collection d’os et d’ivoires 228 Redécouverte de deux tissus attiques exceptionnels 228 Restauration des urnes étrusques archaïques en terre cuite 229 Projet muséographique de l’Orient méditerranéen dans 230 l’Empire romain (OMER) La restauration des œuvres mises au jour dans la région 231 de Thessalonique par le Service archéologique de l’armée d’Orient Sculptures 232 Étude et restauration du Christ Courajod 232 Étude et restauration d’un Saint Jean l’Évangéliste 234 du Rouergue Relief aux anges musiciens du Maître du Chœur des anges 235 Jean Antoine Houdon, Bustes en terre cuite de Louise et 236 Alexandre Brongniart 238 238 240 241 241 243 246 247 248 250 252 252 253 254 255 255 256 256 257 Objets d’art La campagne de restauration pour les œuvres prêtées au Louvre-Lens Restauration et protection d’un surtout de table de Christofle Peintures Un chef-d’œuvre du Quattrocento siennois restauré : La Vierge et l’Enfant entourés de six anges de Sassetta La Sainte Anne de Léonard de Vinci La restauration d’un tableau de Titien, Jupiter et Antiope, dit La Vénus du Pardo Jean Cousin le Père, Eva Prima Pandora Étude et restauration des Forgerons, fragment de L’ordre pourvoit aux besoins de la guerre, l’un des décors de la Cour des comptes de Théodore Chassériau Étude et restauration du Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais en 1342 d’Ary Scheffer Arts graphiques Examen technique d’un dessin attribué à Jan van Eyck La restauration des œuvres graphiques en vue de leur exposition Cadre emboîtant pour les pastels Histoire du Louvre Restaurations de fragments des Tuileries et de la Grande Galerie Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies Surveillance « vibratoire » des œuvres de Charles Le Brun et Philippe de Champaigne conservées à proximité du chantier Marengo Chantiers des collections 258 Espaces muséographiques Sculptures médiévales françaises, la sculpture gothique 258 du xiiie siècle : salle Royaumont Mise en valeur des fragments des Tuileries de Catherine 260 de Médicis 263 Journées d’étude, colloques et conférences 264 Journées d’étude Polychromie mate et lécythes attiques à fond blanc : 264 techniques et problèmes de conservation Les moulages d’après l’antique « Les gypsothèques en 265 France : bilan et perspectives » Terres cuites de la Renaissance : matière et couleur 266 Le musée des Monuments français et la construction de 268 l’histoire D’azur et d’or : l’apogée des émaux limousins autour de 1200 269 Raphaël à Rome, les dernières années 270 Jean Cousin 271 Journée d’étude du British Museum 272 Les savoir-faire du papier en France et au Japon : connaissance, 272 usages et conservation « La norme et les marges : le musée cloisonne-t-il ? » 273 Manuscrits en péril 274 275 Colloques La Macédoine du vie siècle à la conquête romaine : formation 275 et rayonnement culturels d’une monarchie grecque Le Christ de Rembrandt : rencontres et débats autour 276 d’une exposition « Histoire et culture des jardins » Sagesse du jardin et harmonie 276 277 du monde : du mythe édénique aux défis planétaires Autour du Louvre-Abou Dabi : les enjeux du musée universel du xviiie au xxie siècle 279 Conférences Les Vies de Giorgio Vasari. Histoire et création littéraire 279 Conférences d’écrivains : Pays réel, pays rêvé 279 281 Actualité de la recherche archéologique Antiquités orientales 281 Recherches récentes au massif Rouge à Mari (Syrie) : un 281 jalon dans l’histoire des ziggurats mésopotamiennes (2500-2100 avant J.-C.) Der’a et Tell al-Ash’ari de la Décapole, à la lumière de 282 découvertes récentes (Syrie) Göbekli Tepe (Turquie) : les plus anciens sanctuaires 282 mégalithiques de l’histoire de l’humanité Khirbet al-Batrawy : une ville du IIIe millénaire avant J.-C. 282 (Jordanie) Mozia et le temple du Khoton : aux origines de la Sicile 282 phénicienne Au sud du Croissant fertile : le Leja (Syrie) aux IVe et 283 IIIe millénaires avant notre ère Antiquités égyptiennes 283 Paysages sacrés pour les vivants et les morts. Découvertes 283 récentes à Quesna et à Kom el-Ahmar Minouf (Delta) Derniers visages des dieux d’Égypte : quand, à Tebtynis, 284 le dieu crocodile Sobek prend les habits de Saturne Des maisons, des temples et des pyramides : les fouilles 284 de la ville pharaonique et kouchite de Kawa Le tombeau et les chapelles d’Osiris à Karnak 284 Vie et mort dans une cité copte de Moyenne-Égypte 284 Antiquités grecques, étrusques et romaines 285 Cumes : archéologie de la plus ancienne colonie grecque 285 d’Occident Des vestiges de la maison Dorée de Néron sous le palais 285 impérial de Domitien à Rome Découvertes récentes à Vergina 285 Le sanctuaire de Poséidon à Héliké (Achaïe) : culte et images 285 au viiie siècle avant J.-C. dans le nord du Péloponnèse Orient et Occident du Moyen Âge à nos jours 286 Construction et évolution des fortifications du Mont286 Saint-Michel (xiiie-xviiie siècle) Espaces funéraires et mémoriels dans les monastères 286 francs-comtois de Luxeuil et Saint-Claude à partir des découvertes archéologiques récentes Archéologie et histoire des juifs dans l’Alghero catalane 287 Des chefs francs à Saint-Dizier (Haute-Marne) ? Découverte 287 de trois tombes exceptionnelles du vie siècle 288 Œuvres en scène Une vision des premières fouilles en Assyrie : l’architecte et 288 peintre Félix Thomas à Khorsabad L’« Alexandre à la lance » du musée du Louvre : une 288 adaptation singulière d’un chef-d’œuvre de Lysippe dans l’Égypte des Pharaons Louis XV récompense la Peinture et la Sculpture, de Pierre 289 François Berruer Les Franciscains chez les Aztèques : plumes, maïs et sculpture 290 de dévotion 291 Chaire du Louvre Hybrides chinois : la quête de tous les possibles 291 293 294 295 297 297 298 299 300 301 302 304 304 305 306 307 308 309 311 312 313 314 315 315 Expositions Revenants. Images, figures et récits du retour des morts Franz Xaver Messerschmidt Tony Cragg, « Figure out / Figure in » Égypte de pierre. Prisse d’Avennes Pietro da Cortona et Ciro Ferri Louis de Boullogne Le Cachet d’atelier, une marque pour mémoire Claude le Lorrain. Le dessinateur face à la nature Rembrandt et la figure du Christ Michal Rovner, « Histoires » Mimmo Jodice. Les yeux du Louvre Le Papier à l’œuvre Les Usages de l’astrolabe Enluminures du Moyen Âge et de la Renaissance De Finiguerra à Botticelli. Les premiers ateliers italiens de la Renaissance La Cité interdite au Louvre. Empereurs de Chine et rois de France Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique J.-M. G. Le Clézio, « Le musée-monde » Dessins français de la collection Mariette Giorgio Vasari. Dessins du Louvre Les Reliques de saint Césaire d’Arles Fantin-Latour, Manet, Baudelaire. L’Hommage à Delacroix LE LOUVRE AU GRAND PALAIS 317 Nature et idéal. Le paysage à Rome, 1600-1650 334 335 335 335 335 336 336 336 336 337 337 337 LE LOUVRE EN RÉGION 318 319 320 321 322 322 323 L’Égypte copte, du Louvre à Colmar Richelieu à Richelieu Regards sur Marie Les Multiples Visages de Vivant Denon Mosaïque de la Syrie antique. Les collections du Louvre restaurées à Saint-Romain-en-Gal Majolique. La faïence au temps des humanistes, 1480-1530 « Le Louvre à Béthune ». Les Trois Grâces 338 338 338 « Prix de course », de François Durand, d’après JeanBaptiste Klagmann Peintures Vierge à l’Enfant Jésus avec saint Jean Baptiste, d’Eustache LeSueur. Le Sueur et non Vouet : un tableau de la collection Penthièvre revient au Louvre après cinquante ans Scènes de la vie d’Esther, de Sandro Botticelli et Filippino Lippi. L’apport de l’analyse scientifique à l’attribution de deux coffres de mariage dont le décor peint a été exécuté dans l’atelier de Botticelli La Vision de saint François d’Assise, de Luis Tristan. Le naturalisme à Tolède, entre Greco et Caravage Les Trois Grâces, de Lucas Cranach l’Ancien. Un spectaculaire enrichissement des collections de peintures allemandes du Louvre Un grand paysage attribué à Crescenzio Onofrio. Le paysage à Rome au xviie siècle Démocrite, rire de la folie des hommes, d’Antoine Coypel Autoportrait, d’Élisabeth Sophie Chéron. Hommage à une figure féminine aux multiples talents, reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1673 Paysage avec Mercure découvrant Hersé de retour de la fête de Minerve, de Francisque Millet. Un don sous réserve d’usufruit de M. Antoine Béal La Vierge allaitant l’Enfant, de Bartolomeo Vivarini. Un chef-d’œuvre de la jeunesse de Bartolomeo Vivarini donné par M. Jean-François Costa Le Combat de David et Goliath, de Daniele Ricciarelli, dit Daniele da Volterra. Un exemple exceptionnel de tableau « sans revers » au cœur du débat du paragone L’envers du tableau. Découvrir la face cachée des chefsd’œuvre du Louvre. Parcours dans les salles Suzanne au bain, de Jean-Baptiste Santerre. Hommage à l’artiste, en liaison avec Magny-en-Vexin, sa ville natale La Vierge d’humilité, de Niccolò di Buonaccorso. Un don sous réserve d’usufruit de Mme Lanini-Strölin (1976), entré au musée du Louvre en 2011 LE LOUVRE À L’INTERNATIONAL 325 326 327 327 328 329 330 331 Gli Etruschi dall’Arno al Tevere – Les Étrusques de l’Arno au Tibre. Les collections du Louvre à Cortone Antiquity Revived. Neoclassical Art in the Eighteenth Century Un altre Egipte. Colleccions coptes del Museu del Louvre Diplomatie et porcelaines de Sèvres. Prestige et art de vivre à la française au xviiie siècle David, Delacroix, and Revolutionary France: Drawings from the Louvre L’Offrande éternelle au temps des Égyptiens : une question de survie Delacroix (1798-1863). De l’idée à l’expression I Borghese e l’antico ACTUALITÉS DES SALLES 333 333 333 333 333 334 334 334 334 334 Antiquités orientales La Visite du pacha de Mossoul aux fouilles de Khorsabad, ancienne Ninive, de Félix Thomas (Nantes, 1815-1875) Ebih-Il, nu-banda Antiquités grecques, étrusques et romaines Éléonte, la cité d’où Alexandre partit à la conquête du monde Sculptures La Minerve de Guillaume Coustou pour les Invalides Objets d’art La Déposition du Christ, de Jacopo Del Duca La maquette du lit de Mme Du Barry à Fontainebleau 339 Annuaire des chercheurs 340 Au musée du Louvre 369 Chercheurs associés Antiquités égyptiennes 369 Antiquités grecques, étrusques et romaines 369 Antiquités orientales 371 Art graphiques 371 Sculptures 372 373 374 377 379 383 Publications Catalogues d’expositions présentées au Louvre Catalogues d’expositions présentées hors du Louvre Catalogues raisonnés et autres publications scientifiques Art contemporain Le mot du président-directeur C 12 e nouveau numéro de La Recherche au musée du Louvre est le reflet d’études riches et rigoureuses, passionnées, qui mobilisent tout le personnel scientifique. C’est un travail qui s’exerce dans la discrétion et avec patience, sur des périodes longues, demandant beaucoup d’énergie, de passion et de compétences diverses. La vocation de notre musée, c’est aussi d’être un centre de recherche. L’année 2011 a vu s’achever, se poursuivre ou naître des projets de recherche. La diversité de nos collections, leur étendue géographique et chronologique, les différents matériaux qui les composent, les artistes ou les artisans qui les ont créées et façonnées, les archéologues, historiens d’art, amateurs, collectionneurs qui les ont étudiées, admirées et exposées, toute cette richesse favorise le foisonnement de la centaine de projets recensés dans cet ouvrage, qui sont le ferment des expositions, des publications et des parcours muséographiques de demain. La vitalité de notre établissement se mesure à l’aune des acquisitions qui viennent enrichir nos collections. Quatre-vingt-quatre œuvres ont été acquises en 2011, dont deux « trésors nationaux » : Les Trois Grâces de Lucas Cranach, œuvre exceptionnelle acquise dans des conditions elles aussi exceptionnelles, ou encore cet admirable primitif français qu’est la Pietà de Jean Malouel. C’est en effet l’un des volets de notre mission de recherche que de renforcer les points forts de nos collections, mais également d’en combler les lacunes. Étudier une œuvre, un artiste, un contexte, une provenance suppose une communion d’experts, de physiciens, de chimistes, de restaurateurs autour d’une même problématique. Procéder à des analyses, décider d’une restauration sont des moments importants où le chercheur s’approche au plus près de la démarche créatrice de l’artiste ou de l’artisan. Les études que nous présentons ici résultent parfois de plusieurs années de réflexion, d’interrogations, d’analyses et de concertation : Las Incantadas, l’arcade du palais des Tuileries, le polyptyque de Borgo San Sepolcro de Sassetta, l’Eva Prima Pandora de Jean Cousin, toutes ces œuvres que le public contemple dans les salles du musée, redécouvre dans les nouveaux espaces muséographiques d’OMER et des Arts de l’Islam, admirera dans quelques mois au Louvre-Lens. Le programme des expositions 2011, qui couvre un très large spectre cristallisant la recherche, a été remarquable par sa diversité. Il y a eu celles, régulières, du département des Arts graphiques, qui montrent l’inépuisable richesse de cette collection, permettant de découvrir ou redécouvrir un artiste, une période, un collectionneur. Celles aussi du hall Napoléon autour de deux grands artistes du xviie siècle, Rembrandt et Claude Lorrain, qui se sont attachées à faire découvrir les recherches de l’un sur le visage du Christ et le rapport de l’autre avec la nature. Celles encore à l’occasion desquelles notre musée s’est ouvert à d’autres civilisations : la Grèce du Nord et le royaume d’Alexandre le Grand, la Chine avec l’exposition « Cité interdite », inédite dans son sujet comme dans son format, et enfin l’Afrique, les Antilles, l’Amérique latine et l’Océanie réunies dans la vision de notre « grand invité » de l’année 2011, J.-M. G. Le Clézio. Je citerai également Messerschmidt et ses étonnantes « têtes de caractère », qui ont dialogué entre elles et avec les œuvres de l’artiste contemporain Tony Cragg. L’occasion de rappeler que le Louvre est aussi la maison des artistes vivants. En 2011, confortant notre rôle de musée national, de musée dont les collections et le savoir-faire sont au service de l’ensemble de la nation, nous avons organisé plusieurs expositions en province, mais aussi au-delà de nos frontières, à Rome, Madrid, Houston, New York, Tokyo ou encore Cortone, au cœur de l’Étrurie antique. Un rayonnement, une présence qui s’inscrivent également sur le terrain, avec les chantiers de fouilles en Égypte et au Soudan. Le musée du Louvre est engagé depuis maintenant deux ans dans la démarche de structuration de la recherche patrimoniale entreprise par les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et les universités dans le cadre du grand emprunt lancé en 2010 qui a pris le nom d’« Investissements d’avenir ». Au-delà de notre coopération avec les partenaires des laboratoires d’excellence liés au monde des musées, « Création, art et patrimoine » (CAP, porté par le PRES HESAM) et « Matériaux, interfaces, surfaces, environnement » (Matisse, porté par le PRES Sorbonne Université), le Louvre a soutenu depuis l’origine le Labex Patrima pour la pertinence de son projet et sa proximité avec Neuville-sur-Oise, où devait s’établir le centre de recherche, de conservation et de restauration. Ce Labex (et sa déclinaison Equipex Patrimex) a été retenu par l’Agence nationale de la recherche en 2011. Une première thèse a démarré en décembre 2011 à l’université de Versailles SaintQuentin-en-Yvelines, en cotutelle avec le département des Arts de l’Islam. Être un musée-monde, comme le disait J.-M. G. Le Clézio, cela signifie pour le Louvre, pour tous ceux qui y travaillent, témoigner d’un attachement puissant envers nos origines, envers les missions fondamentales définies par la Révolution et l’Empire. Missions de conservation, d’enrichissement des collections et de diffusion des savoirs. C’est là notre socle essentiel. Et c’est en s’appuyant sur cette base solide, sur cette vocation initiale, que notre musée-monde peut et doit rayonner, s’ouvrir à tous les publics – les savants comme les néophytes, d’ici ou d’ailleurs. Henri Loyrette This new issue of La Recherche au musée du Louvre reflects the rich and rigorous research that our scientific staff are passionately engaged in. It is work that is carried out away from the public eye, demanding patience over long periods of time, immense energy, and various skills. An important part of our vocation as a museum is to be a research centre. A number of research projects were completed, continued or begun in 2011. The diversity of our collections, their geographical and chronological scope, the various materials they are made from, the artists and craftspeople who created and fashioned them, the archaeologists, art historians, art lovers and collectors who have studied them, admired them and displayed them; all this has provided the wealth of topics for the hundreds of subjects included in this volume. They are the seedbed for future exhibitions, publications and museum visits. Acquisitions that enrich our collections are a measure of our institution’s vitality. Last year eightyfour works were acquired, including two national treasures: The Three Graces by Lucas Cranach, an exceptional work which was acquired in equally exceptional circumstances, and the wonderful French primitive, the Pieta by Jean Malouel. An important aspect of our research mission is to consolidate the strengths of our collections but also to fill in the gaps. Studying an artwork, an artist, a context or a provenance involves a group of experts, physicists, chemists and conservators all working together on the same question. Conducting analyses or deciding to restore a work are moments when the researcher comes closest to the creative processes of the artist or the craftsperson. Some of the studies presented here are the fruit of several years of reflection, questioning, analysis and dialogue: Las Incantadas, the archway from the Palais des Tuileries, Sassetta’s Borgo San Sepolcro altarpiece, and the Eva Prima Pandora by Cousin are typical outcomes of such studies, and it is also the case for works moved from various rooms in the museum to the new exhibition spaces devoted to the East Mediterranean in the Roman Empire and to Islamic art, and very soon for works that will be displayed at the Louvre-Lens. The 2011 exhibition programme was remarkable for its variety, encompassing a broad spectrum, crystalizing research. The regular exhibitions in the Department of Prints and Drawings bore witness to the inexhaustible wealth of this collection—they were wonderful opportunities for the public to discover or rediscover an artist, a period, or a collector. Exhibitions in the Hall Napoléon celebrated the work of two great seventeenth-century artists, Rembrandt and Claude Lorrain—one devoted to Rembrandt’s research on the face of Christ, the other highlighting Claude’s kinship with nature. At the same time, our museum opened its doors to other civilizations: the north of Greece and the kingdom of Alexander the Great; China, with the exhibition, the Forbidden City, as unprecedented in its subjects as in its presentation, and finally Africa, the West Indies, Latin America 13 and Oceania were considered together through the vision of our special guest Jean-Marie Le Clézio. And then there was Messerschmidt and his extraordinary character heads, interacting with one another and with the works of contemporary artist Tony Cragg, an opportunity to recall that the Louvre is also home to living artists. In 2011, in our role as a national museum whose collections and expertise exist for the benefit of the whole of France, we organized a number of regional exhibitions, and also beyond our borders: in Rome, Madrid, Houston, New York, Tokyo and in Cortona, in the heart of ancient Etruria. We also made our presence felt in the field, with excavations in Egypt and Sudan. The Louvre has been engaged for the last two years in the process of structuring heritage research initiated by research centres and higher education institutes (PRES) and by universities, using government loans granted to them in 2010, given the special titles of investments in the future. In addition to our cooperation with our partners in two laboratories of excellence (labex), both of which have links with the museum world: the CAP (Création, Art et Patrimoine, part of the PRES HESAM), and MATISSE (Matériaux, Interfaces, Surfaces, Environnement, part of the PRES Sorbonne University). In addition to these, the Louvre has also given support to the Patrima team, both for the relevance of its project and because it is close to Neuville sur Oise, where a research, conservation and restoration centre was to be set up. Patrima (and its offshoot Equipex Patrimex) attained labex status in 2011. At the University of Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, a first doctoral thesis was begun in December 2011, jointly supervised by our Department of Islamic Art. Being “the world in a museum”, as J. M. G. Le Clézio put it, our guest of honour for the year 2011, means that the Louvre and everyone working here must remain completely faithful to our original charter, that is to say the basic missions set out at the time of the French Revolution and the Napoleonic Empire: conservation, expansion of the collections and the spread of knowledge. These three things are the very basis of our raison d’être, our primary vocation, and as such must underpin the way in which our museum-world exerts its influence and makes itself available to every kind of public, whether scholars or schoolchildren, connoisseurs or beginners, from France or from abroad. 14 Le mot du président du conseil scientifique À l’instar des grandes institutions de recherche, le musée du Louvre a souhaité se doter d’un conseil scientifique afin de bénéficier d’un regard extérieur sur sa politique de recherche. Le rôle de ce conseil est multiple : il s’interroge sur l’équilibre entre les différents champs de recherche ouverts par le musée, fait des recommandations sur les principaux projets, propose des sujets dans des domaines moins étudiés, suscite des réflexions transversales, met l’accent sur les domaines d’excellence du musée, son originalité et sa réactivité par rapport aux grandes découvertes et orientations des disciplines représentées en son sein, examine les méthodes qu’il met en œuvre et leur adéquation aux meilleures pratiques, ainsi que la qualité de ses réseaux et de ses partenariats, réfléchit aux moyens de la diffusion. Le conseil réunit autour du président-directeur du Louvre, Henri Loyrette, des huit directeurs de départements (Béatrice André-Salvini, Guillemette Andreu-Lanoë, JeanLuc Martinez, Sophie Makariou, Geneviève Bresc-Bautier, Marc Bascou, Vincent Pomarède, Carel van Tuyll van Serooskerken), du directeur du musée Delacroix (Christophe Leribault), du directeur du Louvre-Lens (Xavier Dectot), du directeur chargé de la préfiguration du département des Arts de Byzance et des Chrétientés d’Orient (Jannic Durand), de la directrice de la direction de la Politique des publics et de l’Éducation artistique (Catherine Guillou) et de trois représentants du personnel scientifique du Louvre (Véronique Arveiller, ingénieur d’études au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines ; Christophe Barbotin, conservateur au département des Antiquités égyptiennes ; Dominique Thiébaut, conservateur au département des Peintures), des membres éminents de la recherche en archéologie et histoire de l’art, issus des universités et des musées nationaux et internationaux : Christian-Julien Robin, directeur de recherche au CNRS sur le monde arabe et musulman et membre de l’Institut ; Dominique Valbelle, professeur d’égyptologie à l’université Paris IV Sorbonne ; Tim Stanley, Senior Curator chargé du département Asie et Moyen-Orient au Victoria and Albert Museum à Londres ; Pantxika Béguerie-De Paepe, conservatrice en chef du musée d’Unterlinden à Colmar ; Keith Christiansen, directeur des Peintures européennes au Metropolitan Museum of Art à New York ; Henri Zerner, professeur d’histoire de l’art et de l’architecture à l’université de Harvard ; Jacqueline Lichtenstein, directrice adjointe de l’UFR de philosophie-sociologie à l’université Paris IV Sorbonne (Esthétique et philosophie de l’art) ; Élisabeth Décultot, directrice de recherche au CNRS, Centre Marc-Bloch à Berlin ; Catherine Jolivet-Lévy, directrice des études à l’École pratique des hautes études (Archéologie religieuse du monde byzantin et arts chrétiens d’Orient) ; Françoise Benhamou, économiste, professeur à l’université Paris XIII ; Antoinette Le Normand-Romain, directeur de l’Institut national d’histoire de l’art ; et Marie Lavandier, directrice du Centre de recherche et de restauration des musées de France. Il est présidé par moi-même, Salvatore Settis, ancien directeur de l’École normale supérieure de Pise, professeur d’archéologie grecque et romaine. La séance du 10 mars 2011 constituait une première prise de contact. Les directeurs des départements ont fait découvrir à leurs collègues l’étendue des collections dont ils ont la responsabilité et dressé un bilan des publications et des études en cours. Trois interventions ont permis de mieux cerner la particularité de la recherche au musée, avec un projet sur les fouilles – « L’exemple de Saqqara » (Guillemette Andreu-Lanoë, directrice du département des Antiquités égyptiennes) –, un projet sur les matériaux – « La polychromie des terres cuites » (Violaine Jeammet, conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines) – et un projet artistes/collections – « Les 15 journées d’études Raphaël et Léonard » (Vincent Delieuvin, conservateur au département des Peintures). La journée s’est achevée par une visite au C2RMF, où restaurateurs et conservateurs ont présenté le travail en cours sur la Sainte Anne de Léonard de Vinci. Le conseil scientifique s’est réuni huit mois plus tard, le 8 novembre 2011, pour une journée de débats sur la diffusion de la recherche, ses supports écrits et oraux. La première intervention, au cours de laquelle fut présenté Museum Plus, outil de recherche commun à tous les départements du musée, que le Louvre met actuellement en place, nous a permis d’aborder la question de la gestion des collections. Il s’agit non seulement de faire migrer les données informatiques des anciennes bases du musée, mais également de les enrichir en matière d’iconographie, de bibliographie et de données techniques, nécessaires notamment à la régie des œuvres. En 2011, la majeure partie des informations sur les œuvres pharaoniques du département des Antiquités égyptiennes a été versée dans la nouvelle base, tandis que commençait la reprise des données du département des Peintures. Suivront celles des départements des Sculptures, des Objets d’art, des Antiquités orientales, des Arts de l’Islam et des Antiquités grecques, étrusques et romaines. Le département des Arts graphiques possède déjà depuis de nombreuses années sa propre base de données en ligne. Les membres du conseil ont eu de longs échanges sur ce sujet, apportant des informations sur leurs propres systèmes de gestion avec les exemples du Victoria and Albert Museum, du Metropolitan Museum et du musée d’Unterlinden, mais aussi en tant qu’utilisateurs ; ils ont manifesté leur attente quant à la possibilité de consulter cette riche documentation en ligne dans un avenir qu’ils espèrent proche. Le thème suivant portait sur la diffusion de la recherche : Quel contenu pour quel support ? Quelle visibilité a-t-on en France et à l’étranger de la recherche menée au Louvre ? Dans quelle(s) langues(s) faut-il publier ? Toutes ces questions ouvraient également sur des questions touchant aux publics, à la qualité des traductions, aux coûts de production, aux pratiques et aux attentes des chercheurs. Le conseil a fait l’éloge de la publication La Recherche au musée du Louvre, qui remplit parfaitement le rôle qui lui était assigné, à savoir faire connaître largement la diversité et le sérieux de la recherche au musée. L’après-midi était consacré dans un premier temps à la visite – sous la conduite de Sophie Descamps, commissaire de l’exposition, conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines – de l’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique ». Cet événement, préparé depuis 2003, a permis de faire le point sur l’ensemble des collections des œuvres de Grèce du Nord conservées au département, qui ont été restaurées à cette occasion. C’est là un parfait exemple de l’aboutissement de plusieurs années de recherche et de sa diffusion au plus grand nombre. Dans un second temps, les débats ont porté sur les supports oraux de diffusion mis en place au musée du Louvre : les conférences et les colloques à l’auditorium, l’enseignement. La question de la transmission et de la sauvegarde de ces contenus oraux a bien sûr été évoquée, et notamment celle de la diffusion en ligne et des publications des actes de colloque. Après ces premiers rendez-vous, les prochaines séances sont inscrites au calendrier 2012, les 12-13 avril et les 17-18 décembre. Salvatore Settis 16 Like many major research institutions, the Musée du Louvre decided to establish a Scientific Council in order to introduce an external perspective on its research policy. The Council has a number of core functions: examining the balance between the museum’s various fields of research; proposing recommendations for the main projects; suggesting areas of study that receive less attention; promoting transversal reflection; focusing on the museum’s areas of excellence, its originality, and reactivity with regard to the major discoveries and orientations of the disciplines represented in the museum; examining the museum’s methods and their compatibility with best practices, and the quality of its networks and partnerships; and reflecting on the means of dissemination. The Council, which is chaired by the president and director of the Louvre, Henri Loyrette, is composed of the directors of the Louvre’s eight departments (Béatrice André-Salvini, Guillemette Andreu-Lanoë, Jean-Luc Martinez, Sophie Makariou, Geneviève Bresc-Bautier, Marc Bascou, Vincent Pomarède and Carel Van Tuyll); the director of the Musée Delacroix (Christophe Leribault); the director of the Louvre-Lens (Xavier Dectot); the director responsible for the conception and establishment of the forthcoming Department of Byzantine and Eastern Christian Art (Jannic Durand); the director of the Audience Policy and Artistic Education Department (Catherine Guillou); three representatives of the Louvre’s scientific staff (Véronique Arveiller, a research engineer in the Department of Greek, Etruscan and Roman Antiquities; Christophe Barbotin, curator in the Department of Egyptian Antiquities; and Dominique Thiébaut, curator in the Department of Paintings); and prominent archaeological and history of art researchers from national and international universities and museums: Dominique Valbelle, professor of Egyptology at the Paris IV-Sorbonne University; Christian-Julien Robin, research director of the CNRS on the Arab and Muslim world and member of the Institute; Tim Stanley, senior curator for the Middle East in the Asian Department of the Victoria and Albert Museum; Pantxika Béguerie De Paepe, senior curator at the Musée d’Unterlinden in Colmar; Keith Christiansen, Chairman of European Paintings in the Metropolitan Museum; Henri Zerner, professor of History of Art and Architecture at Harvard University; Jacqueline Lichtenstein, deputy director of the UFR (training and research centre) of Philosophy and Sociology at the Paris-Sorbonne University (Aesthetics and Philosophy of Art); Elisabeth Décultot, research director at the CNRS, the Centre Marc Bloch in Berlin; Catherine Jolivet-Levy, research director at the Ecole Pratique des Hautes Etudes (Religious Archaeology of the Byzantine World and Eastern Christian Arts); Françoise Benhamou, economist and professor at the University of Paris 13; Antoinette Le Normand-Romain, director of the Institut National d’Histoire de l’Art; and Marie Lavandier, Director of the C2RMF, of which I, Salvatore Settis, am chairman. I was formerly director of the Scuola Normale Superiore di Pisa and professor of Greek and Roman Archaeology. The meeting on 10 March 2011 provided an opportunity for the Council’s members to take part in an initial series of discussions. The department directors introduced their colleagues to their respective collections and provided an overview of current publications and studies. Three projects were outlined, each representative of the specificity of the Louvre’s research: an excavation project, “the case of S.aqqaˉrah” (Guillemette Andreu-Lanoë, director of the Department of Egyptian Antiquities); a project focusing on the study of materials, “terracotta polychromy” (Violaine Jeammet, curator in in the Department of Greek, Etruscan and Roman Antiquities), and a project on artists/ collections, “study days on Raphael and Leonardo” (Vincent Delieuvin, curator in the Department of Paintings). The day concluded with a visit to the C2RMF, during which the restorers and curators presented their work on Leonardo da Vinci’s Saint Anne. The Scientific Council convened eight months later, on 8 November 2011, for a day’s discussion on research dissemination and its oral and written materials. The first topic of discussion enabled us to tackle the question of the management of the collections with the presentation of MuseumPlus, an interdepartmental research tool the Louvre is currently putting in place. The project involves transferring data from the museum’s old databases, but also enriching the iconographic, bibliographic and technical data required for the effective management of the collections. In 2011 most of the information on the pharaonic works in the Department of Egyptian Antiquities was integrated into the database and work resumed on the data from the Department of Paintings. Work will follow on the data from the departments of Sculpture, Decorative Arts, Near Eastern Antiquities, Islamic Arts, and Greek, Etruscan and Roman Antiquities. The Department of Prints and Drawings already has its own online database, which it has been running for many years. The Council’s members discussed this subject extensively, providing an insight into their own management systems, such as those used in the Victoria and Albert Museum, the Metropolitan Museum and the Musée d’Unterlinden, and they also contributed their experiences as users; they expressed their expectations with regard to consulting this wealth of online documentation in what they hope will be the near future. The next topic of discussion focused on the dissemination of research: what content for what medium? How visible is the Louvre’s research in France and abroad? In which language(s) should the research be published? These issues also involve questions relating to the public, the quality of translations, production costs, and researchers’ practices and expectations. The Council praised the publication La Recherche au musée du Louvre, which has fulfilled its intended role as a tool for widely disseminating the diversity and commitment of the Louvre’s research. Initially, the afternoon was spent visiting—under the guidance of the exhibition curator, Sophie Descamps, curator in the Department of Greek, Etruscan and Roman Antiquities—the exhibition In the Kingdom of Alexander the Great: Ancient Macedonia. This event, in preparation since 2003, provided an opportunity to present an overview of all of the department’s collections of works from Northern Greece, which were restored for this exhibition. This was a perfect example of the culmination of several years of research and its widespread dissemination to the greatest number of people. The discussions then focused on the Musée du Louvre’s oral dissemination resources: conferences and seminars in the auditorium, education. The issue of the transmission and recording of oral content was also raised, especially the subject of online dissemination and publications of conference proceedings. A subsequent meeting was held on 12 to 13 April 2012 and a further meeting is scheduled for 17 to 18 December 2012. 17 Antiquités orientales Antiquités égyptiennes Antiquités grecques, étrusques et romaines Arts de l’Islam Sculptures Objets d’art Peintures Arts graphiques histoire du louvre musée national eugène Delacroix Louvre-lens Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies Service du Récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam Service Études et recherche de la Direction de la politique des publics et de l’éducation artistique Introductions Introductions Antiquités orientales E n 2011, les programmes de recherche du département ont été réorientés en raison de la situation au Proche-Orient. De nouveaux projets ont pu voir le jour. Une grande attention a été portée au développement des outils de recherche, notamment grâce à l’avancée du récolement des collections et à une première réflexion sur le versement des bases dans un outil documentaire unique (Museum Plus). Acquisitions Comme l’année dernière, aucune œuvre permettant d’enrichir les collections de manière significative tout en répondant aux conditions requises par les normes déontologiques appliquées par le musée du Louvre n’a pu être acquise. Travaux de recherche 20 Les projets liés à la coopération internationale, qui constitue un axe majeur de la recherche, ont subi des modifications en raison des événements survenus dans plusieurs pays d’Orient. Certains programmes scientifiques – notamment avec la Syrie et le Yémen – ont été reportés. D’autres projets, reposant essentiellement sur l’étude de collections partagées entre les musées orientaux et le Louvre ou de collections complémentaires, ont été recentrés sur l’étude de nos propres collections. Cependant, une reprise de relations scientifiques avec l’Iraq a été amorcée et devrait connaître un développement en 2012, et il est permis d’envisager de nouveaux programmes de partenariat avec des pays du Golfe (Oman, Koweït) concernant la muséographie et la formation. Dans le cadre des projets avec la Syrie, l’étude consacrée à la sculpture de Mari et à son apport à l’histoire et à la chronologie syro-mésopotamienne a été centrée sur la statue d’Ebih-il (vers 2330-2250 avant J.-C.), conservée dans nos collections (voir RML 2011, p. 79-82). Les travaux devraient être étendus à l’ensemble de la sculpture mésopotamienne et syrienne du IIIe millénaire, pour laquelle il n’existe pas d’ouvrages de synthèse. Le programme de recherche sur les ivoires d’Arslan Tash (Syrie, viiie siècle avant J.-C.) s’est focalisé sur les analyses de la polychromie de pièces appartenant aux collections du Louvre (voir Ibid., p. 84-85). Plusieurs programmes d’étude sur les collections du Louvre ont progressé en 2011. Dans le domaine de l’épigraphie, le projet principal de l’année 2011 a porté sur les tablettes en écriture proto-élamite, retrouvées à Suse, en Iran (fin du IVe millénaire). Cette écriture est l’une des dernières qui soient encore indéchiffrées (voir Ibid., p. 7679). La publication ou la réédition des textes conservés au Louvre a été poursuivie selon un programme mené en collaboration avec l’université d’Oxford. Un projet de convention avec l’université de Los Angeles (UCLA) pour une mise en ligne de textes du Louvre (programme CDLI) devrait aboutir en 2012. Les projets de publication des deux catalogues raisonnés sur les objets en provenance du monde transélamite et de la civilisation de l’Oxus des IIIe et IIe millénaires, et sur le matériel glyptique (sceaux cylindres et empreintes) du IIIe millénaire entré par acquisition, ont notablement progressé (voir Ibid., p. 83). Antiquités orientales L’arrivée d’un nouveau conservateur – Ariane Thomas, en septembre 2011 – a renforcé l’équipe scientifique du département. Sa thèse de doctorat soutenue en janvier 2012, portant sur le costume royal mésopotamien dans les collections du Louvre, propose une étude conjointe des textes, des vestiges matériels et des monuments figurés (voir Ibid., p. 82-83). Dans le prolongement de cette recherche, l’étude de restes textiles sur des clous de fondation du IIIe millénaire a débuté en 2011 avec le C2RMF (voir Ibid., p. 85). En 2011, la préparation par Nicolas Bel, assisté d’Isabel Bonora Andujar, du nouveau parcours muséographique consacré à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER), inauguré en septembre 2012, a fait l’objet d’un réexamen global de la documentation concernant les représentations des divinités héliopolitaines (Baalbek, Liban). Une publication consacrée à Jupiter d’Héliopolis accompagne l’ouverture d’OMER. Autres recherches en cours Histoire des collections Le recentrage de l’activité scientifique sur les collections du Louvre a porté plus particulièrement sur l’histoire de ces collections, en raison notamment des recherches sur les origines des œuvres liées au récolement mené par tout le personnel scientifique, et d’une participation à la publication d’ouvrages en cours d’édition – Histoire du Louvre, Dictionnaire des historiens d’art de l’Institut national d’histoire de l’art (publication en ligne), etc. Ce domaine constitue l’un des principaux axes de publication pour les années à venir. L’étude consacrée à la famille des Durighello, consuls, collectionneurs et marchands à Sidon (Élisabeth Fontan, dans RML 2010, p. 21-22), a concerné en 2011 le personnage d’Edmond, le fouilleur, qui a exploré avec son père le mithreum de Sidon, dont il a donné une description rocambolesque. À ce jour, ce monument n’a pas été retrouvé, mais de récentes informations ont permis de progresser dans les hypothèses de localisation. L’identification de nouvelles œuvres du département passées entre les mains d’un des trois membres de la famille Durighello, Alphonse le père et ses deux fils Edmond et Joseph Ange, a permis d’en achever l’inventaire, grâce au récolement et à la poursuite des recherches dans les archives, et de compléter la couverture photographique. Par ailleurs ont pu être localisés des ensembles importants ayant appartenu à Joseph, le marchand. Des recherches concernant l’œuvre archéologique et philologique de François Thureau-Dangin (1872-1944), ancien conservateur du département, doivent aboutir à une monographie (par Béatrice André-Salvini) et ont donné lieu à deux articles rendus à l’éditeur en 2011, pour le Reallexicon der Assyriologie et le Dictionnaire de l’INHA ; un autre article est en préparation sur François Thureau-Dangin et les mathématiques mésopotamiennes, pour les actes du colloque sur Neugebauer (New York, ISAW, 2010, sous la dir. de A. Jones, C. Proust et J. Steele). Une publication sur les fouilles effectuées par François Thureau-Dangin sur le site d’époque assyrienne de Tell Ahmar / Til Barsip (par Guy Bunnens, avec la participation d’Élisabeth Fontan pour les collections du Louvre, à paraître en 2013) concerne également l’histoire de la formation des collections. D’autres monographies sont prévues dans les prochaines années, parmi lesquelles une Histoire des fouilles de Tello, à partir des collections du Louvre, par Béatrice AndréSalvini. D’autres ouvrages suivront, portant également sur les grands sites dont les fouilles ont formé les collections du Louvre, et notamment Mari et Ras Shamra, par Sophie Cluzan. Domaine de l’écriture Dans le cadre des projets de publication des textes provenant de Suse (Iran), en akkadien et en élamite, outre celui consacré aux textes proto-élamites (Jacob Dahl, université d’Oxford) (voir RML 2010, p. 76-79), sont prévus les textes en élamite- 21 Introductions linéaire (Béatrice André-Salvini et Mirjo Salvini, Istituto di Studi sulle Civiltà dell’Egeo e del Vicino Oriente, Rome), les textes juridiques et économiques de Suse (Florence Malbran-Labat et al.) et les textes scientifiques de Suse (Christine Proust). Mésopotamie Parmi les programmes en cours, une recherche importante, entreprise au Louvre au début des années 1990 sur les reliefs de Khorsabad et concernant la polychromie sur les pierres, s’étend maintenant à d’autres grands musées occidentaux (Londres, British Museum ; Berlin, Vorderasiatisches Museum, etc.). Menée en liaison avec le C2RMF et l’Oriental Institute Museum à Chicago, elle porte désormais sur d’autres collections du Louvre, de Mésopotamie et du Levant : sculptures de Tello, de Mari et de Phénicie. Levant Syrie. Aux projets décrits plus haut (Mari, Arslan Tash) s’ajoute une participation aux programmes de publication de la mission archéologique franco-syrienne à Ras Shamra / Ougarit (DGAMS et Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, laboratoire Archéorient, sous la direction de Valérie Matoïan) : Textes lexicographiques (Béatrice André-Salvini) et La Glyptique (Sophie Cluzan). Pays du Golfe Bahreïn. La publication du matériel archéologique des fouilles de Qala’at el-Bahrein, sous la direction de Pierre Lombard (Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, laboratoire Archéorient), est en cours (participation de Nicole Chevalier), ainsi que l’édition des tablettes cunéiformes (Antoine Cavigneaux et Béatrice André-Salvini). Un premier manuscrit sur les textes est achevé : Les Tablettes cunéiformes de Qal’a. Nouveaux projets Outre le programme sur le costume royal et les textiles, plusieurs autres projets de recherche se mettent en place, parmi lesquels : – le projet suivi par Nicole Chevalier se rattachant à l’histoire des collections, sur « Les collections du Louvre et recherches archéologiques françaises en Iran en dehors de Suse (1884-1930) : une étude d’après les archives » ; il concerne un demisiècle de recherches archéologiques françaises en Iran, en dehors de Suse ; – l’étude d’un sarcophage de bois du département des Antiquités égyptiennes (E 13021) (projet suivi par Élisabeth Fontan) ; le département des Antiquités égyptiennes conserve un sarcophage de bois, non peint, cédé en janvier 1907 par le cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale, dont la cuve et le couvercle sont monoxyles et qui ne peut être considéré comme une œuvre égyptienne ; il est tentant d’y voir une production phénicienne ; les Phéniciens ont emprunté à l’Égypte la pratique d’ensevelir leurs morts dans des coffres en forme de momies ; l’essence employée – le cèdre (analysé en 1998) – est un argument en faveur d’une attribution phénicienne, parallèlement à des conventions stylistiques ; en l’absence d’œuvre de comparaison pertinente dans les corpus de sarcophages phéniciens, il convient de poursuivre les investigations et d’essayer de préciser la provenance de ce sarcophage. Programmes momentanément mis en veille ou suspendus 22 Le projet d’études sur les musées de Syrie, mené dans une perspective culturelle, éducative et de développement, a été suspendu en mars 2011 (voir RML 2010, p. 23). Il en est de même pour celui concernant la statuaire en bronze sud-arabique, l’une des productions les plus originales et les moins bien connues de l’art du Yémen antique (Ier millénaire avant J.-C. – vie siècle après J.-C.), mené depuis 2007 par Françoise Demange, Benoît Mille (archéométallurgiste, C2RMF) et Iwona Gajda (CNRS, UMR 8167) dans le cadre de la convention de coopération avec la direction des Antiquités du Yémen (GOAM) (voir Ibid., p. 22). La préparation d’une exposition centrée sur la riche production de sculptures en bronze dans la région du Antiquités orientales Jawf au Ier millénaire avant J.-C. est actuellement suspendue, mais les recherches en laboratoire peuvent être poursuivies. Fouilles et prospections archéologiques La campagne de fouilles menée en 2011 en Syrie, à Tulul el-Far, Tell Taouil et Tell elKharaze, n’a pu avoir lieu, en raison de la situation dans laquelle est plongé le pays. L’effort de l’équipe s’est concentré sur l’étude de la stratigraphie des zones fouillées (voir « Fouilles et prospections archéologiques », page 144). De nouvelles possibilités de participation du département à des projets archéologiques au Proche-Orient, en Asie centrale ou en Afrique se dessinent pour 2012 (Ouzbékistan, Arabie saoudite, Éthiopie, etc.). Restaurations Les programmes de conservation préventive et de restauration des œuvres exposées et des œuvres en réserve se poursuivent régulièrement. Dans le cadre des grands programmes muséographiques du Louvre, l’année 2011 a vu la fin des restaurations pour l’ouverture du Louvre-Lens, et pour le parcours consacré aux provinces orientales de l’Empire romain (OMER), qui ont été inaugurés à l’automne 2012. Un nouveau programme de conservation-restauration des photographies anciennes a été mis en place, en liaison avec les projets de publication sur l’histoire du département. La collection consiste en plaques de verre et en positifs : épreuves du xixe siècle et de la première moitié du xxe représentant les œuvres du département et d’autres musées ou collections, archives photographiques de fouilles françaises en Orient, vues des salles et des anciennes réserves. Beaucoup de photographies ont été prises par les archéologues, mais apparaissent également des signatures de grands noms de la photographie tels qu’Alinari, Braun, Giraudon, etc. Plus de cinq cent trente objets ont été restaurés, principalement dans le cadre de la campagne de restauration de la céramique peinte de Suse I, d’études sur les tablettes cunéiformes en vue de publications (environ trente-cinq tablettes néobabyloniennes : TCL IX ; deux cent cinquante tablettes proto-élamites), et du programme sur la sculpture de Mari. La reconstruction d’un panneau de la frise des archers perses de Suse, en briques siliceuses, a été achevée (voir RML 2010, p. 177-178). Une opération importante de nettoyage des œuvres et de restauration a été menée dans la « cour Khorsabad » (salle 4), incluant notamment la restauration d’un moulage historique d’un taureau ailé androcéphale. L’aménagement du hall Colbert en espace muséographique, imposé par la fermeture des salles perses et sassanide, de la crypte phénicienne, de Carthage et sud-arabique (salles 12b à 19 de l’aile Sackler) en raison des travaux nécessités par l’ouverture de nouveaux escaliers (Marengo), a permis de mener une réflexion sur la conception intellectuelle du parcours et d’entreprendre une campagne de conservation préventive des œuvres. Expositions Deux expositions dossiers d’actualité ont été organisées, l’une autour du tableau de Félix Thomas représentant les fouilles de Khorsabad, la seconde dans le cadre du programme d’étude et de restauration de la sculpture de Mari du IIIe millénaire (statue d’Ebih-il de Mari). Le programme des expositions à venir reste en grande partie lié à l’évolution de la situation politique au Proche-Orient, après l’annulation de deux projets avec la Syrie et le Yémen, qui avaient été étudiés en liaison avec nos programmes de recherche. 23 Introductions Outils de recherche Le récolement général des collections est inscrit dans le plan décennal demandé par nos tutelles. Il se poursuit, depuis la fin de l’année 2010, selon des critères destinés à en faire un véritable outil de recherche pour le département des Antiquités orientales. Il a permis de donner un élan à certains programmes de recherche en cours et de définir ou de reprendre des pistes d’étude, dans le but de faire avancer la publication raisonnée des collections ou d’en faciliter la mise à jour. Cette lourde opération a mobilisé tout le personnel scientifique, la régie et la documentation du département. Le plan adopté a suivi largement celui des principaux travaux de recherche. Les données enregistrées constituent une base de données documentaires exceptionnelle pour la recherche. La mise à jour de la base scientifique du département (SHAMASH) se poursuit en parallèle, et la documentation scientifique des collections a progressé, particulièrement en ce qui concerne le matériel qui sera présenté, à partir de l’automne 2012, dans les nouvelles salles du parcours de l’Orient romain (OMER). B. André-Salvini In 2011, the department’s research programmes were reoriented due to the situation in the Middle East. The department was able to carry out new projects. Considerable attention was given to the development of research tools, thanks in particular to the significant progress made in the inventory review of the collections and initial discussions on the transfer of the databases to a single documentation tool (MuseumPlus). Acquisitions As in the previous year, it was not possible to acquire any work that would significantly enrich the collections and meet the ethical standards applied by the Louvre. Research work Projects linked to international cooperation, which constitutes a major part of the department’s research, were modified due to the events that have unfolded in several countries in the Middle East. Certain research programmes, notably in Syria and Yemen, were deferred. Other projects, which are mainly based on either the study of collections shared between museums in the Middle East and the Louvre, or complementary collections, were reoriented to the study of our own collections. However, scientific relations were resumed with Iraq and they are set to develop in 2012; it is likely that new partnership programmes—regarding museography and training—will be set up with Gulf countries (Oman and Kuwait). As part of the projects with Syria, the study of sculpture from the ancient Mesopotamian city of Mari and its contribution to history, and the Syro-Mesopotamian chronology, focused on the statue of Ebih II (c. 2330–2250 bc), which is held in our collections. The work should be extended to all Mesopotamian and Syrian sculpture from the third millennium bc, for which there are no reference works. The research programme on the ivories of Arslan Tash (Syria, eighth century bc) concentrated on analysing the polychromy of pieces held in the Louvre’s collections. Several study programmes on the Louvre’s collections progressed in 2011: In the field of epigraphy, the major project of 2011 focused on the tablets with Proto-Elamite texts, dating from the end of the fourth millennium bc, which were found in Susa. This writing is one of the few that remains undeciphered. Work continued on the publication or republication of texts held in the Louvre in a collaborative programme with Oxford University. A draft agreement with the University of California, Los Angeles (UCLA) to publish Louvre texts online (CDLI programme) should be finalized in 2012. Significant progress was made with the projects to publish two catalogues raisonnés on objects from the Transelamite world and the Oxus civilization of the third and second millennium bc, and the glyptic material (cylinder seals and imprints) from the third millennium bc acquired by acquisition. The arrival of a new curator—Ariane Thomas, in September 2011—further strengthened the department’s scientific team. Her doctoral thesis on Mesopotamian royal dress in the Louvre collections, which she defended in January 2012, proposes a joint study of the texts, material 24 Antiquités orientales remains and figurative monuments. As a continuation of this research, in 2011 the study of textile remains on foundation nails from the third millennium bc) began in collaboration with the C2RMF. A comprehensive review of the documentation relating to the representations of the Heliopolitan divinities (Baalbeck, Lebanon) was undertaken, as part of the preparation of the new installation devoted to OMER (the East Mediterranean during the Roman Empire), which opened in September 2012. A publication on Jupiter of Heliopolis is underway (for release in 2012). Other ongoing research History of the collections The reorienting of the scientific activities focused specifically on the history of the Louvre’s collections, particularly the origins of the works, related to the locating and verifying conducted by all scientific staff, and involvement in forthcoming publications: Histoire du Louvre, Dictionnaire des Historiens d’art de l’Institut National d’Histoire de l’art (online publication), etc. The study of the Durighello family—consuls, art collectors and dealers in Sidon (E. Fontan, La recherche au Louvre 2010, pp. 21–22)—focused on Edmond, an archaeological excavator who, with his father, explored the Mithraeum at Sidon, which he described in incredible detail. This monument still has not been found, but recent information has provided some clues as to its possible location. The identification of new works in the department, which were in the possession of one of three Durighello family members—the father Alfonso and his two sons Edmondo and Guiseppe Angelo— has enabled the department’s staff to finish the inventory of the works, thanks to inventory review and further research in the archives, and to complete the photography of the works. Moreover, important ensembles that once belonged to the art dealer, Guiseppe, were located. Research on the archaeological and philological work of F. Thureau-Dangin (1872–1944), a former curator in the department, will culminate in a monograph (B. André-Salvini) and has led to two articles that were submitted for publication in 2011 (Reallexicon der Assyriologie and Dictionnaire de l’INHA); another article is being written on F. Thureau-Dangin et les mathématiques mésopotamiennes (in the conference papers on Neugebauer, New York, ISAW, 2010, eds. A. Jones, C. Proust and J. Steele). A publication on Les fouilles de François Thureau-Dangin sur le site d’époque assyrienne de Tell Ahmar/Til Barsip (by G. Bunnens, with the participation and contribution of E. Fontan on the Louvre collections, 2013) also explores the history of the formation of the collections. Other monographs are scheduled in the coming years: Histoire des fouilles de Tello, à partir des collections du Louvre (B. André-Salvini). Works that also explore the major archaeological sites whose finds have contributed to the Louvre’s collections will follow, notably Mari and Ras Shamra (S. Cluzan). Ancient texts As part of the project to publish the Textes provenant de Suse (Iran), en akkadien et en élamite, and in addition to the project on the Proto-Elamite texts (J. Dahl, Oxford University), the following publications are scheduled: Linear Elamite script (B. André-Salvini, M. Salvini, ICEVO, Rome), the legal and economic texts of Susa (F. Malbran et al.), and the scientific texts of Susa. (Ch. Proust). Mesopotamia Ongoing programmes include a major research project on the reliefs of Khorsabad, which was initiated by the Louvre at the beginning of the 1990s and is focusing on the use of polychrome on stone; the project is developing in other major Western museums (British Museum, London, the Vorderasiatisches Museum, Berlin, etc.). Conducted in collaboration with the C2RMF and the Oriental Institute Museum of Chicago, it will now focus on other Louvre collections from Mesopotamia and the Levant: the sculptures of Tello, Mari and Phoenicia (B. André-Salvini, S. Cluzan, F. Demange, E. Fontan, and A. Thomas). The Levant Syria: in addition to the projects described above (Mari and Arslan Tash), the department is participating in the Franco-Syrian archaeological mission’s publication programmes at Ras Shamra/ Ugarit (DGAMS and the research body Maison de l’Orient and the Laboratoire Archéorient in Lyon, under the direction of V. Matoian): Textes lexicographiques (B. André-Salvini, S. Cluzan). Gulf countries Bahrain: the publication of the archaeological material from the excavations at Qala’at al-Bahrain, under the direction of Pierre Lombard (the Maison de l’Orient et de la Méditerranée and the 25 Introductions Laboratoire Archéorient in Lyon), is underway (with the participation of N. Chevalier), together with the publication of the cuneiform tablets (B. André-Salvini, A. Cavigneaux). An initial manuscript on the texts has been completed (Les tablettes cunéiformes de Qal’a). New projects Apart from the programme on royal dress and textiles, several other projects are being pursued, including: - the project on the history of the collections overseen by N. Chevalier—Les collections du Louvre et recherches archéologiques françaises en Iran en dehors de Suse (1884-1930 ): une étude d’après les archives—explores half a century of French archaeological research outside Susa in Iran; - the project overseen by E. Fontan: Étude d’un sarcophage de bois du département des Antiquités Egyptiennes (E 13021). The Department of Egyptian Antiquities holds an unpainted wooden sarcophagus—which was transferred from the Bibliothèque Nationale’s Cabinet des Médailles in January 1907—whose body and lid are monoxylic and which cannot be considered an Egyptian work. It is tempting to view this as a Phoenician work. The Phoenicians borrowed the practice of burying their dead in the form of mummies in coffins from the Egyptians. The stylistic conventions and the species of wood used—cedar (analysed in 1998)—both argue in favour of a Phoenician attribution. In the absence of a suitable work for comparison purposes in the collections of Phoenician sarcophagi, it would be advisable to continue the investigations and attempt to identify the sarcophagus’s provenance. Programmes temporarily put on hold or suspended The Syrian museums studies project, conducted from a cultural, educational and developmental perspective, was suspended in March 2011. Also suspended was the project on South Arabian bronze statuary, one of the most original and least known set of works from ancient Yemeni art (first millennium bc to the sixth century ad), which has been conducted since 2007 by F. Demange, B. Mille, archeometallurgist, C2RMF and I. Gajda, CNRS/UMR 8167, as part of the cooperation agreement with the Department of Antiquities of Yemen (GOAM). The preparation of an exhibition, which focuses on the rich production of bronze sculptures in the al-Jawf region in the first millennium bc, has now been suspended, but the laboratory research is continuing. Archaeological prospection and excavations The 2011 excavation work in Syria, at Tulul el-Far, Tell Taouil and Tell el-Kharaz, could not be undertaken due to the instability in the country. The team’s work focused on the stratigraphic study of the excavated areas (see the Archaeological Prospection and Excavations section). New opportunities for the department’s participation in archaeological projects in the Middle East, in Central Asia and Africa, are emerging in 2012 (Uzbekistan, Saudi Arabia, Ethiopia, etc.). 26 Restoration programmes Preventive conservation and restoration programmes of exhibited works and those held in the reserve collection are undertaken on a regular basis. As part of the Louvre’s major museographic programmes, 2011 saw the completion of the restoration work for the opening of Louvre-Lens and the itinerary devoted to the eastern provinces of the Roman Empire (OMER), inaugurated in the autumn of 2012. A new programme of conservation and restoration of the old photographs was undertaken in conjunction with the publication projects on the department’s history. The collection comprises glass plate negatives and positives: prints from the nineteenth century and the first half of the twentieth century representing the works in the department and works from other museums and collections, prints from the photographic archives of French archaeological excavations in the East, and photographs of the exhibition rooms and old reserve collections. Many of the photographs were taken by the archaeologists, but some of the photographs bear the signatures of some of the great names in photography (Alinari, Braun, Giraudon, etc.). More than 530 objects were restored, mainly as part of the project to restore the painted ceramics of Susa I, the studies of the cuneiform tablets in preparation for publications (around 35 Neo-Babylonian tablets: TCL IX, 250 Proto-Elamite tablets), and the research programme on the sculpture of Mari. The reconstruction of a panel from the frieze of Persian archers of Susa, constructed from siliceous bricks, was completed (see La recherche au Louvre 2010, pp. 177–78). A major project to clean and restore works was undertaken in the “Cour Khorsabad” (room 4), which, in particular, included the restoration of a historic mould of an androcephalic winged bull. The conversion of the Hall Colbert into an exhibition area—which was made necessary by the closure of the Persian and Sassanid rooms, the Phoenician crypt, and the Carthage and South Antiquités orientales Arabian areas (12b to 19 of the Aile Sackler), due to the work on the new sets of stairs (the Marengo Pavilion)—provided an opportunity to reflect on the intellectual conception of the itinerary and undertake the preventive conservation of the works. Exhibitions Two exhibition dossiers were produced: one on the painting by Félix Thomas of the Khorsabad archaeological excavations, and another as part of the programme to study and restore the Mari sculpture from the third millennium bc (the Mari statue of Ebih II). After the cancellation of two projects in collaboration with Syria and Yemen, which had been undertaken in conjunction with our research programmes, the forthcoming programme of exhibitions will largely depend on the evolution of the political situation in the Middle East. Research tools The general inventory review of the collections is part of the decennial programme requested by our trustees. Since the end of 2010, the programme of verification has been implemented according to certain criteria designed to make it into a veritable research tool for the Department of Near Eastern Antiquities. The programme has facilitated the advancement of certain ongoing research programmes and the definition or resumption of avenues of study, with the aim of progressing with (or facilitating the updating of) the publication of the catalogues raisonnées of the collections. All the scientific staff and the department’s management and research division have been involved in this difficult task. The adopted plan has largely followed that of the main research programmes. The recorded data constitutes an exceptional documentary database for research purposes. The updating of the department’s scientific database (SHAMASH) is also continuing, and progress has been made with the scientific documentation of the collections, particularly with regard to the material that will be exhibited in the new rooms of the OMER in the autumn of 2012. 27 Introductions Antiquités égyptiennes L es travaux de recherche effectués en 2011 par le département des Antiquités égyptiennes s’inscrivent dans la continuité des travaux présentés l’an passé, tout en étant fortement marqués par l’accélération des activités entraînées par les chantiers du musée auxquels il est associé ou par le contexte politique de l’Égypte. Nouveaux espaces muséographiques 28 C’est en septembre 2012 que l’espace OMER, « Orient méditerranéen dans l’Empire romain », a ouvert ses salles, conjointement au département des Arts de l’Islam. Le département des Antiquités égyptiennes y expose, en regard des collections des départements antiques (Antiquités grecques, étrusques et romaines et Antiquités orientales), environ six cents œuvres issues de la vallée du Nil et des rives égyptiennes de la Méditerranée, donnant ainsi à voir la diversité, la qualité et l’abondance des artefacts égyptiens exécutés du temps des Romains. Dialoguant avec les objets de leur époque issus des provinces orientales de l’Empire romain, les œuvres égyptiennes présentées dans OMER permettront de porter un regard nouveau sur les collections du département : aux côtés d’un grand nombre de figurines en terre cuite et d’objets liés au culte, on admirera des œuvres en faïence, calcaire et bronze qui jusqu’alors n’avaient guère été mises en valeur ou étaient restées inconnues et inédites. La programmation scientifique et culturelle de ces espaces, que l’on doit à Florence Gombert-Meurice, en collaboration constante avec les deux autres départements antiques, a été l’un des champs scientifiques les plus importants de l’année 2011. Présentées selon un programme thématique, les salles OMER donnent des clés pour mieux appréhender la nature de ces objets souvent mal interprétés. Parallèlement, la programmation spécifique des galeries consacrées à l’art funéraire de l’Égypte romaine, fermées depuis des années en raison du chantier du département des Arts de l’Islam, a fait l’objet d’une nécessaire réflexion : moins d’espace et de nouvelles vitrines ont conduit à proposer une approche nouvelle d’un art admirable que le public du Grand Louvre avait apprécié en 1997. L’insertion des salles coptes dans un parcours sur l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain étant prévue depuis 1997, le déroulement chronologique avait alors été inversé, menant le visiteur de l’époque moderne et médiévale (œuvres coptes du ixe au xixe siècle) vers les origines de l’art copte (ive-ve siècles après J.-C.). Le nouveau cheminement logique mène au contraire le public depuis le parcours romain vers les œuvres coptes modernes. Le départ d’un certain nombre d’objets pour le LouvreLens, pour l’Institut du monde arabe et vers OMER (tissus en parallèle des mosaïques, costume égyptien au Bas-Empire, Nubie) a contraint à des modifications. De récentes recherches sur les collections ont permis d’améliorer la précédente présentation sans occasionner d’importantes modifications dans la muséographie. Le programme mis au point en 2011 actualise fort opportunément la présentation des salles coptes et l’inscrit à sa juste place entre OMER et le département des Arts de l’Islam. L’autre chantier du musée auquel la conservation s’est attachée est celui de notre collaboration au projet du Louvre à Lens. Une trentaine d’œuvres, dont des chefsd’œuvre comme la statuette de la dame Touy ou la statue du vizir Néferkarê-Iymérou, y figureront pour participer au défi scientifique de la Galerie du Temps. Enfin, une quarantaine de tissus coptes ont été sélectionnés pour être restaurés sur place, dans l’atelier de restauration ouvert au public. Antiquités égyptiennes Récolement décennal Pour faire un bilan honnête de l’année 2011, il semble justifié d’évoquer les activités scientifiques de ce qui relève de notre vie quotidienne. Or, l’ordinaire de 2011 a été largement employé à deux tâches majeures, que l’on peut considérer comme les coulisses de la recherche : le récolement des collections, piloté par Hélène Guichard, et la mise en place de la base de données Museum Plus, sous la houlette de Geneviève Pierrat-Bonnefois et Sylvie Guichard. En 2011, le récolement décennal des collections a considérablement progressé. L’année s’est en effet révélée très productive, grâce à une méthodologie aujourd’hui bien assimilée et à un rythme de croisière régulier : quinze mille quatre cent trenteneuf fiches de récolement ont été rédigées, dont deux cent quatre-vingt-treize fiches de lots, pour un total de dix-sept mille quatre cent quarante et un œuvres ou objets. Parallèlement, la mise en application de la base Museum Plus, si elle ne nous permet pas encore de récoler directement dans le module prévu à cet effet, offre l’avantage d’une informatisation quasi immédiate des œuvres qui n’avaient pas encore été informatisées et pour lesquelles le récolement se révèle être l’occasion idéale. Par ailleurs, le récolement est, dans cette collection archéologique parfois composée de fragments difficilement identifiables, l’occasion de raccords ou de reconstitutions qui rendent vie à une œuvre. En juin 2011, l’ensemble de l’ancienne base Pharaon (cinquante mille fiches) a été versé dans la nouvelle base Museum Plus. Ce reversement concernait les renseignements de base sur les objets, leur « fiche d’identité ». À terme, l’ensemble des photographies relatives aux œuvres, l’historique des expositions et des valeurs d’assurance, les dossiers d’œuvre et leur bibliographie seront reversés pour alimenter les autres modules de Museum Plus, créant ainsi un outil de travail scientifique sur la collection, tout à fait complet et performant. Un réaménagement des locaux a favorisé un regroupement du « pôle documentation », placé sous la responsabilité de Geneviève Pierrat-Bonnefois. En 2011, cette tâche collective s’est aussi déclinée en travaux plus individuels, dont on trouvera quelques exemples dans nos travaux de recherche. Ainsi, le répertoire des étiquettes et des marquages des œuvres du département, constitué à l’occasion du récolement par Catherine Bridonneau et Sylvie Guichard, est déjà un outil remarquable lorsqu’il s’agit d’identifier l’origine d’une œuvre, de reconstituer son historique ou de repérer sa date d’entrée dans la collection. Nul doute que nos collègues des musées en régions, qui conservent des dépôts que le Louvre leur a consentis, seront heureux d’en connaître l’existence. La création d’un service d’archives au sein du Louvre a incité le département à mettre en œuvre un plan de classement des archives qu’il conserve, sous la direction de Marc Étienne. Restaurations Les activités de conservation-restauration des collections, encadrées par Hélène Guichard, ont, pour 2011, largement consisté à répondre aux besoins du chantier préparatoire à l’ouverture des salles OMER et à anticiper autant que possible les interventions de bichonnage et de conservation curative destinées à rendre aux œuvres un aspect soigné. En outre, quelques restaurations fondamentales ont pu être entreprises dans ce cadre (portrait de Dioscure peint sur bois E 10815 – P 207, fragment d’une patte du Sphinx C 126), voire achevées (masque-plastron E 20359). Si les interventions liées aux préparatifs d’OMER arrivent largement en tête, le département a tout de même pu faire effectuer celles prévues de longue date dans le cadre de programmations pluriannuelles suscitées par l’élaboration de dossiers scientifiques ou par des projets de publication (Livre des Morts d’Hornedjitef N 3081, quatre coupes du trésor de Tôd, plusieurs stèles), mais aussi des restaurations d’œuvres concernées par des expositions du Louvre (Louvre-Lens et phase 8 de Museum Lab). Par ailleurs, l’étude préalable portant sur le cas complexe d’une statue de chien en calcaire provenant d’Assiout et 29 Introductions présentant de graves altérations liées à la présence à cœur de sels solubles a pu être menée, en vue d’une longue intervention prévue par étapes pour 2012. Acquisitions L’un des points faibles du département des Antiquités égyptiennes est, bien malgré lui, sa politique d’acquisitions. On peut l’évoquer pour en rappeler les raisons : les interrogations sur la provenance archéologique et la date de sortie du territoire égyptien des œuvres proposées sur le marché de l’art sont si difficiles à lever avec certitude que le musée du Louvre, soucieux de respecter le protocole de l’Unesco, reste très scrupuleux et n’a considéré comme susceptible d’être acquise pour nos collections aucune œuvre ainsi proposée. En revanche, une veille sur le marché de l’art a été mise en place au sein du département, afin d’y remarquer d’éventuels objets volés en Égypte en 2011 pour les signaler au Conseil suprême des antiquités d’Égypte. Publication des collections La publication des collections reste un axe prioritaire et l’année 2011 a vu se poursuivre nombre de catalogues scientifiques, dont beaucoup ne sont plus des projets. Y travaillent des membres du département comme des chercheurs extérieurs, sollicités pour leurs compétences spécifiques. Rappelés dans l’édition de La Recherche au musée du Louvre consacrée à l’année 2010 (voir RML 2010, p. 29-37), puis dans cette éditionci parmi la présentation de nos travaux de 2011, les catalogues en cours répondront à des exigences qui en feront des sommes pionnières sur les sujets traités. En 2011, plusieurs manuscrits ont été remis et d’autres sont annoncés pour les mois à venir : le tome I du catalogue des « Statues privées de la fin de l’Égypte pharaonique » par Olivier Perdu, le catalogue des « Masques de momies du Moyen Empire (les masques de Mirgissa) », par Patricia Rigault, l’édition des « Papyrus de la collection Clédat de Baouit » par Alain Delattre (IFAO, « Bibliothèque d’études coptes »), le volume dirigé par Élisabeth Delange sur « Les fouilles françaises d’Éléphantine (Assouan) 19061911 » (« Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres », t. XLVI), ainsi que celui d’Élisabeth Delange et Horst Jaritz (et collaborateurs), Elephantine XXV, Der Widderfriedhof des Chnumtempels (Deutschen Archäologischen Instituts, Abteilung Kairo, « Archäologische Veröffentlichungen », 105). Expositions La préparation d’une exposition intitulée « L’Art du contour. Le dessin dans l’Égypte ancienne » (commissariat : Guillemette Andreu-Lanoë), programmée au printemps 2013 au Louvre (espace Richelieu) puis à Bruxelles (Musées royaux d’Art et d’Histoire) en septembre 2013 et janvier 2014, a bénéficié en 2011 de la collaboration de Frédéric Mougenot, conservateur stagiaire à l’INP. Ce projet se nourrit d’une réflexion et des études en histoire de l’art sur la place du dessin dans l’art égyptien, ainsi que sur son rôle dans l’élaboration des autres techniques artistiques telles que la peinture et le relief, mais aussi la ronde-bosse, l’architecture, les arts décoratifs. Une collaboration avec des collègues historiens d’art a été mise en place (Pr Dimitri Laboury, université de Liège ; Luc Delvaux, Bruxelles, MRAH). Fouilles 30 Enfin, depuis plusieurs années, le département affiche une politique de chantiers de fouilles active dans la vallée du Nil, tant au Soudan qu’en Égypte. Les événements Antiquités égyptiennes politiques qui ont secoué l’Égypte en 2011 ont eu des conséquences très lourdes sur nos chantiers de fouilles. Prévu en avril 2011, le chantier (Louvre et IFAO) du site monastique copte de Baouît, situé en Moyenne-Égypte, n’a pu se dérouler, faute d’autorisation des autorités égyptiennes. La sécurité des équipes de fouilles ne pouvant être assurée, le chantier a été annulé. Au Louvre, Dominique Bénazeth, qui dirigea ce chantier de 2003 à 2007, a pu mettre un point final au manuscrit de sa publication monographique sur l’église de l’archange Michel, dont elle avait repris la fouille. Ayant pu exploiter des archives inconnues de Jean Clédat, premier fouilleur du site au début du xxe siècle, et les mettre en regard de ses propres découvertes, elle a considérablement enrichi le dossier de cette église, dont le Louvre expose une partie spectaculaire. À l’automne 2011, deux chantiers du Louvre étaient programmés en Égypte. Le premier, dirigé par Christophe Barbotin dans la tombe de Merenptah (vallée des Rois), s’est déroulé sans encombre. L’autre, placé sous la codirection de Guillemette Andreu et de Michel Baud †, sur le secteur du mastaba d’Akhethetep à Saqqara, n’a pu mettre en œuvre son programme de fouilles. On lira infra l’état dévasté dans lequel ont été trouvées nos réserves et le travail de mise en ordre qu’il nous a fallu faire. Il apparaît que les zones archéologiques « sensibles », sur lesquelles la sécurité des réserves et des chantiers n’est pas garantie, seront les dernières sur lesquelles les fouilles reprendront normalement. Près du Caire, ces zones sont Giza, Abousir, Saqqara, Dahchour, Licht. Il est à prévoir que la politique archéologique du département devra connaître des infléchissements dans les mois à venir. Début 2011, le Soudan a accueilli comme à son habitude le chantier de Mouweis, dirigé par Michel Baud †. Ce fut une campagne très fructueuse, dont les résultats et les découvertes permettent de préciser les contours et la nature de cette cité méroïtique. Absent au Soudan il y a encore sept ans, le département est maintenant au cœur des investigations de l’empire de Méroé, et il est heureux de contribuer à le révéler. La poursuite de cette tâche sera particulièrement au cœur de nos préoccupations, en hommage au travail effectué avec tant d’éclat par notre archéologue Michel Baud †, trop tôt disparu le 13 septembre 2012. G. Andreu-Lanoë In 2011 the research of the Department of Egyptian Antiquities continued in the same vein as the previous year, while being strongly marked by the acceleration in activities generated by the museum projects with which it is associated and by the political context of Egypt. In September 2012 the OMER space will open its rooms at the same time as those of the Department of Islamic Arts. The Department of Egyptian Antiquities will exhibit, opposite the collections of the other departments of antiquities (Greek, Etruscan and Roman Antiquities and Near Eastern Antiquities), about six hundred works from the Nile Valley and the Egyptian banks of the Mediterranean, thus showing the diversity, quality and abundance of the Egyptian artefacts produced in the Roman era. The Egyptian works presented in the OMER rooms, in dialogue with other contemporaneous objects originating in the eastern provinces of the Roman Empire, will provide a new perspective on the department’s collections. Alongside the many terracotta figurines and other objects linked to cult worship, visitors will admire faience, limestone and bronze works that had not previously been given prominence or that had remained unknown and unpublished. The scientific and cultural programme set in place for these spaces, thanks to Florence GombertMeurice in constant collaboration with the other departments of antiquities, was one of the major scholarly projects of 2011. The OMER galleries, organized by theme, will provide keys for better understanding the nature of these often misinterpreted objects. At the same time, the specific programme of the galleries devoted to the funerary art of Roman Egypt, closed for years because of the construction of the Department of Islamic Arts, was the object of a necessary reflection: less space and new display cases resulted in a new approach to the admirable art that visitors to the Grand Louvre appreciated in 1997. The insertion of the Coptic rooms into the galleries of the East Mediterranean in the Roman Empire has been in the offing since 1997. At that time, the sense of the visit was set to unfold in reverse chronological order, leading visitors from the modern and medieval periods (Coptic works of the ninth to nineteenth century) to the origins of Coptic art (fourth to fifth century bc). By contrast, the 31 Introductions 32 new, logical path will take visitors from the Roman sequence to the modern Coptic works. The departure of a certain number of objects (textiles along with mosaics, Egyptian costume of the Late Period, Nubia) for the Louvre-Lens, the Institut du Monde Arabe or OMER has made modifications necessary. Recent research on the collections has allowed us to improve the previous display without making major changes. The programme developed in 2011 opportunely updated the displays in the Coptic rooms and gave them their proper place between OMER and the Department of Islamic Arts. The other museum project in which the administration is involved is the Louvre-Lens project. Some thirty works, including masterpieces such as the statuette of Lady Tuy and the statue of the vizier Neferkare-lymeru will be included as part of the technical challenge of the Galerie du Temps. Finally, some forty Coptic textiles were selected to be restored in situ, in the restoration workshop open to the public. For an honest assessment of the year 2011, it seems only right to mention the scholarly activities relating to our daily lives. The everyday fare of 2011, however, consisted for the most part of two major tasks, which may be considered behind the scenes of research: the inventory review of the collections, piloted by Hélène Guichard, and the setting in place of the MuseumPlus database, under the guidance of Geneviève Pierrat-Bonnefois and Sylvie Guichard. In 2011 the decennial inventory review of the collections progressed considerably. It turned out to be a very productive year, in fact, thanks to a well-assimilated methodology and a regular cruising speed: 15,439 inventory review cards were composed, including 293 lot cards, for a total of 17,441 works or objects. At the same time, the implementation of the MuseumPlus database, though it does not yet allow us to cross-check directly in the module intended for that task, offers the advantage of almost immediately computerizing the works that have not yet been entered: the inventory review has provided the ideal opportunity to do so. Furthermore, for an archaeological collection sometimes composed of fragments difficult to identify, the inventory review is a chance for links or reconstitutions to be made, thereby giving new life to a work. In June 2011 the former Pharaon database as a whole (50,000 records) was entered into the new MuseumPlus database. That transfer concerned basic information on the objects, their “identity cards”. Eventually, all photographs relating to the works, the histories of exhibitions and of insurance values, the records of the artworks, and related bibliography will be transferred to enrich the other MuseumPlus modules, thus creating an altogether complete and high-performance technical tool for working with the collection. The department’s reorganization favoured the rearrangement of the “documentation centre” overseen by Geneviève Pierrat-Bonnefois. In 2011 that collective task was also articulated in more individual projects, a few examples of which can be found in our research report. For example, the repertoire of labels and marks on works in the department, compiled by Catherine Bridonneau and Sylvie Guichard during the inventory review, is already an outstanding tool for identifying the origin of a work, reconstituting its history or identifying its date of entry into the collection. No doubt our colleagues at the regional museums with holdings entrusted to them by the Louvre will be happy to know of its existence. The creation of an archive office within the Louvre prompted the department to implement a classification system, under the supervision of Marc Etienne, for the archives it holds. For 2011, activities related to conserving or restoring the collections, headed by Hélène Guichard, largely consisted of meeting the needs of the OMER rooms prior to their inauguration and of anticipating, as much as possible, the remedial conservation and cleaning operations required to restore the cared-for appearance of the works. A few fundamental restorations have been undertaken within that context (the portrait of Dioscorus painted on wood, E 10815-P207; a paw fragment from the Sphinx, C 126) and even completed (mummy mask, E 20359). Although the operations connected with preparing the OMER space are far in the lead, the department has also been able to perform those long in the planning stage, within the context of multi-year programs prompted by the elaboration of scholarly dossiers or publication projects (the Book of the Dead of Hornedjitef, N 3081; four goblets from the Tod Treasure; several stelae), but also restorations of works involved in Louvre exhibitions (Louvre-Lens and Phase 8 of Museum Lab). In addition, a preliminary study of the complex case of a limestone dog statue from Asyut with serious damage linked to the presence of soluble salts was conducted in view of a long-term operation to be carried out in stages during 2012. One of the weak points of the Department of Egyptian Antiquities, over which it has little control, is its acquisition policy. Let us recall the reasons: questions about the archaeological provenance of works on the art market, and about the date they left Egyptian territory, are so difficult to resolve with certainty that the Musée du Louvre, anxious to respect UNESCO protocol, has remained very scrupulous and did not consider any such works for acquisition for our collections. Moreover, an art market watch was set in place within the department to identify objects that may have been stolen in Egypt in 2011, so that they can be reported to Egypt’s Supreme Council of Antiquities. Antiquités égyptiennes The publication of the collections remains a high priority, and a number of plans for scholarly catalogues proceeded in 2011. Many have now been completed. Members of the department as well as outside researchers—sought out for their specific areas of competence—are working on such projects. As indicated in the 2010 edition of La recherche au musée du Louvre (pp. 29–37), then in the present report of our 2011 research projects, the catalogues in progress will meet requirements that will make them pioneering and comprehensive works on the subject in question. In 2011 several manuscripts were submitted and will be forthcoming in the following months: volume one of O. Perdu’s catalogue on “private statues from the end of Pharaonic Egypt”, P. Rigault’s catalogue of “mummy masks from the Middle Kingdom (Mirgissa masks)”, A. Delattre’s edition of “papyruses from the Clédat collection of Bawit” (Bibliothèque d’Etudes Coptes, Institut Français d’Archéologie Orientale), the volume edited by E. Delange on “French excavations in Elephantine (Aswan), 1906– 1911” (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, vol. 46), and the volume by E. Delange, H. Jartiz and collaborators, Elephantine 25 (Der Widderfriedhof des Chnumtempels, AV 105). In 2011 preparations for an exhibition titled The Art of Contour: Drawing in Ancient Egypt (general curator: Guillemette Andreu-Lanoë), scheduled for the Louvre (Richelieu wing) in spring 2013, then for Brussels (Musées Royaux d’Art et d’Histoire, September 2013–January 2014), profited from the collaboration of Frédéric Mougenot, curatorial trainee at the Institut National du Patrimoine. That project was enriched by art-historical reflections and studies on the place of drawing in Egyptian art and on its role in the development of other artistic techniques, such as painting and relief but also sculpture in the round, architecture and the decorative arts. A collaboration with art historian colleagues (P. D. Laboury, Université de Liège; L. Delvaux, Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Brussels) was also set in place. Finally, several years ago, the department declared a policy of pursuing active excavation projects in the Nile Valley, both in Sudan and in Egypt. The political events that shook Egypt in 2011 had very grave consequences for our excavation projects. Plans for the April 2011 excavation of the Coptic monastic site in Bawit, Middle Egypt (by the Louvre and the Institut Français d’Archéologie Orientale), could not proceed for lack of authorization from the Egyptian authorities. Since the safety of the excavation teams could not be ensured, the project was cancelled. At the Louvre, Dominique Bénazeth, who directed that project from 2002 to 2007, was able to complete her monograph manuscript on the Church of the Archangel Michael, the excavation of which she had resumed. Because she was able to make use of archives unknown to Jean Clédat, the site’s first excavator in the early twentieth century, and to compare them with her own discoveries, she considerably enriched the documentation on that church, a spectacular part of which is exhibited in the Louvre. In autumn 2011, two Louvre projects were planned for Egypt. One, directed by Christophe Barbotin in the Tomb of Merenptah (Valley of the Kings), went forward unhindered. The other, an excavation plan under the joint authority of Guillemette Andreu and Michel Baud †, on the sector of the mastaba of Akhethotep in Saqqara, could not be realized. We report below on the devastated condition in which our storage areas were found and on the cleanup work that had to be done. It appears that the “sensitive” archaeological zones, where the security of storage areas and worksites is not guaranteed, will be the last ones for which excavations will resume normally. In the vicinity of Cairo, these zones are Giza, Abusir, Saqqara, Dahshur and Lisht. It is anticipated that the department’s archaeological policy will have to be modified in the months to come. In early 2011, Sudan, as is its habit, welcomed the Muweis project, directed by Michel Baud †. It was a very fruitful campaign, and the results and discoveries allow us to clarify the shape and nature of that Meroitic city. The department, absent from Sudan just seven years ago, is now at the heart of investigations of the empire of Meroe and is happy to contribute toward bringing it to light. Continuing this task is particularly at the heart of our preoccupations, in homage to the work done so brilliantly by our archaeologist Michel Baud †, who died too soon, on 13 September 2012. 33 Introductions Antiquités grecques, étrusques et romaines L ’année 2011 a été marquée par un nombre exceptionnel d’acquisitions, fruit d’un travail ancien sur l’histoire des collections d’antiques en France et par la valorisation de plusieurs programmes de recherches en cours. La publication du corpus des vases grecs de Paestum et du troisième et dernier volume des collections de verres archéologiques du Louvre marque une étape décisive du programme d’édition des catalogues raisonnés établi pour la période 20072012. Quatre grandes expositions, « Gli Etruschi dall’Arno al Tevere » (Cortone), « Richelieu à Richelieu » (Tours, Richelieu, Orléans), « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » (Louvre) et « I Borghese e l’antico » (Rome) rappellent l’importance au département des études portant sur l’histoire des collections et la « recontextualisation » des objets archéologiques parvenus au Louvre au xixe siècle selon deux axes de recherches présentés en 2010. Une année exceptionnelle d’acquisitions L’année 2011 aura vu la politique d’acquisitions du Louvre en archéologie classique présentée lors de la commission du 8 septembre couronnée de succès grâce à de belles opportunités que le département a pu saisir en raison des recherches conduites depuis plusieurs années sur l’histoire des collections d’antiques en France. Espérant en effet mieux montrer la diversité des productions du bassin méditerranéen à l’époque classique en comblant certaines lacunes, le département souhaitait acquérir des œuvres de la pré- et de la protohistoire égéenne, des civilisations de l’Italie préromaine ou encore des témoignages de la réception de l’Antiquité, notamment en Angleterre ou en Allemagne. Les cinq objets acquis en 2011 correspondent à plusieurs axes de cette politique. Il s’agit de trois achats (la Minerve avec le géant, l’une des pièces majeures de la collection d’antiques de l’Écossais Quentin Craufurd, un exceptionnel buste votif étrusque en terre cuite de la collection du médecin Pierre Decouflé, une figurine néolithique de la collection de l’archéologue français Yves Béquignon) et deux dons (une figurine béotienne en terre cuite et trois fragments complétant la coupe laconienne E 671 de la collection Campana). Ces cinq acquisitions ont bénéficié des recherches conduites depuis plusieurs années sur l’histoire des saisies d’émigrés en France à la Révolution, sur l’histoire de l’archéologie française en Grèce du Nord ou sur l’histoire de la collection du marquis Campana. Des campagnes de restauration liées aux recherches en cours 34 Le programme de restauration du département a porté en 2011 sur deux cent une œuvres et compte plusieurs opérations pluriannuelles. Moments privilégiés de l’étude matérielle des œuvres, plusieurs de ces opérations sont liées aux catalogues en préparation, notamment à l’occasion des expositions, mais aussi aux opérations de récolement et de chantier des collections, qui suscitent bien des redécouvertes et des recherches en archives. L’année 2011 a vu ainsi l’achèvement des campagnes de restauration entreprises en vue des expositions « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » (dont la spectaculaire restauration du monument de Thessalonique dit Las Incantadas Antiquités grecques, étrusques et romaines ou celle des œuvres découvertes par le Service archéologique de l’armée d’Orient), « Richelieu à Richelieu », « I Borghese e l’Antico », deux expositions qui s’inscrivent dans le cadre d’une politique de re-restauration des marbres des collections anciennes. Le département a également mené une importante campagne de restauration dans le cadre du projet du Louvre-Lens et continué de préparer les collections en vue de l’ouverture des salles consacrées à l’Orient méditerranéen à l’époque romaine et des salles d’art étrusque et romain. Pour deux séries notamment qui font l’objet de projet de catalogues raisonnés, les mosaïques d’Antioche et les peintures provenant de Naples, il est possible de dresser désormais un bilan des acquis de leur restauration. La mise en œuvre du plan de prévention des risques d’inondation (conditionnement des collections) et l’intense activité du département en matière de récolement et de chantier des collections (chantier Campana : transfert de douze mille cinq cents figurines en terre cuite et céramiques étrusques) s’accompagnent d’un développement important des opérations de conservation préventive. Un bilan sanitaire de la collection d’ambres, des os et ivoires a également été effectué et la restauration des plombs achevée. Ont été ainsi redécouverts les lamelles de plomb trouvées au xixe siècle à l’intérieur de l’Apollon de Piombino ou deux tissus attiques exceptionnels par leur taille ayant appartenu à la collection de L. S. Fauvel. La valorisation de la recherche : expositions, publications, journées d’étude et colloques En 2011, le département a prêté deux cent quatre-vingt-quatre œuvres et son personnel scientifique a assumé ou partagé le commissariat et la rédaction du catalogue de sept expositions en France et en Italie. Chacune d’entre elles est le fruit d’une recherche conduite depuis plusieurs années au département, particulièrement dans le domaine de l’histoire des collections. C’est bien sûr le cas de la grande exposition organisée au musée du Louvre « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique », laquelle a été accompagnée d’une exposition-dossier dans les salles – « Éléonte, la cité d’où Alexandre partit à la conquête du monde » – et d’un colloque qui ont permis de rappeler l’histoire de l’archéologie française en Grèce du Nord tout en faisant le point sur les découvertes les plus récentes. Deux autres expositions – en France « Richelieu à Richelieu. Architecture et décors d’un château disparu » (à Orléans, Richelieu, Tours), et à Rome « I Borghese e l’Antico » – sont l’aboutissement d’une longue recherche menée sur les collections d’antiques des xviie et xviiie siècles parvenues au Louvre. L’exposition organisée avec l’Académie étrusque de Cortone, « Gli Etruschi dall’Arno al Tevere : Le collezioni del Louvre a Cortona », a également permis de faire le point sur l’histoire des collections de l’Étrurie intérieure au Louvre, domaine moins exploré. On citera également l’exposition « Mosaïques de la Syrie antique. Les collections du Louvre restaurées à Saint-Romain-en-Gal », qui a présenté les résultats d’une vaste campagne de restauration de la collection de mosaïques d’Antioche du Louvre. Le début de l’année 2011 a vu la parution de deux catalogues raisonnés qui marquent l’achèvement ou une étape décisive du programme de publication des années 2007-2012, qui visait à poursuivre l’édition des catalogues de plusieurs séries (verres, marbres grecs, céramique grecque) commencée depuis les années 1980 parallèlement à l’informatisation de ces fonds. Sont ainsi parus le troisième et dernier volume du catalogue raisonné de la collection de verres, Les Verres antiques du musée du Louvre. III. Parures, instruments et éléments d’incrustation, par Véronique Arveiller-Dulong et Marie-Dominique Nenna, et le catalogue raisonné La Céramique grecque de Paestum. La collection du musée du Louvre par Martine Denoyelle. Deux autres programmes de recherches ont fait l’objet en 2011, en plus du colloque organisé sur la Macédoine antique, de journées d’étude réunissant des spécialistes de certaines questions. La journée d’étude sur la polychromie des terres cuites (figurines et lécythes à fond blanc) a réuni des collègues grecs et français travaillant 35 Introductions sur les techniques de mise en œuvre de la polychromie mate. Celle consacrée aux gypsothèques françaises a permis d’animer le réseau des collections françaises de moulages et d’esquisser un point sur les recherches en cours dans ce domaine. Les outils de la recherche : le récolement, l’informatisation et la documentation des collections Le plan de récolement décennal en cours (soixante mille objets estimés à récoler en six ans depuis 2008) oblige à de nombreuses recherches en archives et offre l’occasion d’un grand nombre de redécouvertes scientifiques. En 2011, sept mille quatre cent soixante-dix-sept œuvres ont été récolées, portant le taux d’avancement du récolement des œuvres du département après trois ans à 47 % de la collection : il permet d’espérer achever ce premier récolement décennal en 2014. Plusieurs séries ont ainsi fait l’objet de recherches historiques approfondies (vérification des inventaires, recherches sur les étiquettes anciennes et les collections avant l’entrée des objets au Louvre, etc.) : les collections d’orfèvrerie, les vases et fragments de céramique grecque conservés dans la réserve dite Campana, les verres, les bronzes, les sculptures grecques et les œuvres étrusques exposées. Le personnel de documentation a poursuivi le programme d’informatisation des collections : avec près de trois mille bordereaux rédigés en 2011, la base de données informatisée du département couvre 64 % des collections, préparant le basculement en 2014 de l’ensemble le plus complet possible sur un portail informatique qui regroupera toutes les œuvres du musée. La campagne de 2011 a porté sur plusieurs collections spécifiques : bucchero étrusque, orfèvrerie, inscriptions latines, moulages d’antiques, terres cuites, céramique grecque. Ressources méconnues des départements, les archives manuscrites ont fait l’objet en 2011 d’un état afin de préparer leur classement et leur valorisation. Le recrutement d’une chargée des bases de données des collections a permis de réorganiser la chaîne documentaire photographique et trois cent trente objets restaurés en 2009-2010 ont été photographiés. J.-L. Martinez The year 2011 was marked by an exceptional number of acquisitions, resulting from longstanding research on the history of collections of antiquities in France, and the development of several ongoing research programmes. The publication of the corpus of Greek vases from Paestum and the third and last volume of the Louvre’s collections of archaeological glass vessels represents a decisive step in the publication programme for catalogues raisonnés planned for the period 2007–12. Four major exhibitions—Gli Etruschi d’all’Arno al Tevere (Cortona), Richelieu à Richelieu (Tours, Richelieu and Orléans), In the Kingdom of Alexander the Great: Ancient Macedonia (Louvre) and I Borghese e l’antico (Rome)—underline the importance of the department’s studies of the history of the collections and the recontextualization of the archaeological objects that entered the Louvre in the nineteenth century, based on two research programmes presented in 2010. 36 An exceptional year for acquisitions In 2011 the Louvre’s acquisition policy for classical archaeological objects, which was presented during the committee meeting on 8 September, was a great success thanks to some significant opportunities that the department was able to take, resulting from research that had been carried out for several years on the collections of antiquities in France. In the hope of providing a better overview of the diversity of the works produced in the Mediterranean Basin in the classical era by filling gaps in the collection, the department wanted to acquire works from pre- and protohistorical times in the Aegean, pre-Roman civilizations in Italy, and examples that attest to the reception of Antiquity, particularly in England and Germany. The five objects acquired in 2011 correspond with several guidelines of this policy. The acquisitions consist of three purchases (Minerva with a Giant, one of the major pieces from the Scotsman Quentin Craufurd’s collection of antiques, an exceptional terracotta Etruscan votive bust from the collection of Dr Pierre Decouflé, Antiquités grecques, étrusques et romaines a Neolithic figurine from the collection of the French archaeologist Yves Béquignon) and two donations (a terracotta Boeotian figurine and the three missing fragments of the Laconian bowl from the Campana collection, inventory no. E 671). These five acquisitions benefitted from research conducted over recent years on the history of objects seized from French expatriates who emigrated during the Revolution, the history of French archaeology in northern Greece and the history of the collection of the Marquis Campana. Restoration campaigns linked to current research In 2011 the department’s restoration programme focused on 201 works and includes several longterm projects. An exceptional opportunity to carry out the material study of the works, several of these projects are linked to the compilation of exhibition catalogues but also to the inventory review and projects on the collections, which lead to many discoveries and research in the archives. Restoration campaigns undertaken in preparation for two exhibitions were completed in 2011: In the Kingdom of Alexander the Great: Ancient Macedonia (which included the spectacular restoration of the Thessaloniki monument, known as Las Incatadas, and the restoration of the works discovered by the Archaeological Section of the Armée d’Orient) Richelieu à Richelieu and I Borghese e l’Antico; the two exhibitions are part of a policy of re-restoration of the marbles from the former collections. The department also conducted a major restoration programme as part of the Louvre-Lens project and continued to prepare the collections in anticipation of the opening of the rooms devoted to the East Mediterranean during the Roman Empire and the Etruscan and Roman art rooms. It is now possible to assess the benefits of the restoration of two sets of objects—the mosaics of Antioch and the paintings from Naples—for which catalogues raisonnés are being compiled. The implementation of the PPRI (protective storage of the collections) and the department’s intensive work on the inventory review and projects on the collections (the Campana project: the transfer of 12,500 terracotta figurines and Etruscan ceramics) was accompanied by significant progress in the preventive conservation programmes. An assessment of the collection of ambers, bones and ivories was also conducted and the restoration of the objects in lead was completed. This resulted in the rediscovery of the lead strips found inside l’Apollon de Piombino in the nineteenth century and two pieces of Attic cloth that are exceptionally large, which once belonged to the collection of L. S. Fauvel. Valorization of research: exhibitions, publications, study days and CONFERENCES In 2011, the Department of Greek, Etruscan and Roman Antiquities loaned 284 works and the department’s scientific staff undertook or collaborated on the curatorship and compilation of the catalogue of seven exhibitions in France and Italy. Each exhibition was the fruit of research— particularly research on the history of the collections—that has been conducted for several years in the department. This was certainly the case for the major exhibition organized in the Musée du Louvre, In the Kingdom of Alexander the Great: Ancient Macedonia, which was accompanied by a dossier in the galleries and a conference, which provided an opportunity to recall the history of French archaeology in North Greece, while providing an overview of the most recent discoveries. Two other exhibitions—Richelieu à Richelieu, architecture et décors d’un château disparu in Orléans, Richelieu and Tours and in Rome, I Borghese e l’Antico—were the culmination of long-term research on the collections of antiquities from the seventeenth and eighteenth centuries which were incorporated into the Louvre’s collections. The exhibition organized in conjunction with the Académie Étrusque de Cortone, Gli Etruschi dall’Arno al Tevere, le collezioni del Louvre a Cortona, also provided an opportunity to reflect on the history of the collections from Etruria before they entered the Louvre, which is a less explored area of research. Another example is the exhibition entitled Mosaïques de le Syrie antique. Les collections du Louvre restaurées à Saint-Romain-en-Gal, which presented the results of a vast campaign to restore the Louvre’s collection of mosaics from the ancient city of Antioch. The beginning of 2011 saw the publication of two catalogues raisonnés that mark the completion of or are a decisive step in the 2007–12 publication programme. This programme aimed to continue the publication of the catalogues of several sets of objects (glass vessels, Greek marbles and Greek ceramics) which began in the 1980s together with the computerization of these collections. Hence, 2011 also saw the publication of the third and final volume of the catalogue raisonné of the collection of glass vessels, Les Verres antiques du Musée du Louvre III: Parure, instruments et éléments d’incrustation by V. Arveiller-Dulong and M. D. Nenna, and the catalogue raisonné La céramique grecque de Paestum, la collection du musée du Louvre by Martine Denoyelle. In addition to the conference on antique Macedonia, two other research programmes were discussed in 2011 during study days that gathered specialists on various subjects. The study day on the polychromy of terracottas (figurines and white-ground lekythoi) brought together Greek and 37 Introductions French colleagues working on the techniques used for matt polychromy. The study day devoted to French “gypsotheques” (collection spaces for sculptural casts and moulds) led to the establishment and operation of the network of French collections of moulds and provided a general overview of the ongoing research in this field. The research tools: the comprehensive verification, computerization and documentation of the collections The ongoing decennial Plan de Récolement (the inventory review of around 60,000 objects over a six-year period commenced in 2008) requires extensive research in the archives and has resulted in many scientific discoveries. In 2011 a total of 7,477 works were comprehensively verified, taking the level of progress of the inventory review of the department’s works to 47% of the collection after three years of work; this indicates that the first decennial inventory review of the works should be completed in 2014. Detailed historical research was conducted on several sets of objects (verification of inventories, research on old labels and the collections before the objects entered the Louvre, etc.): the collections of goldware, vases and fragments of Greek ceramics held in the reserve collection called Campana, glass vessels, bronzes, Greek sculptures and the Etruscan works on display. The documentation staff continued to work on the computerization programme for the collections: with almost 3,000 entries completed in 2011, the department’s computerized database covers 64% of the collections, in preparation for the transfer of the fullest possible set of data to an online portal in 2014, which will contain all the works in the museum. The 2011 campaign focused on several specific collections: Etruscan bucchero ware, goldware, Latin inscriptions, antique moulds, terracotta and Greek ceramics. Little-known department resources, the manuscript archives were examined in 2011, in preparation for their classification and utilization. The recruitment of a collection database manager has enabled the museum to reorganize the documentary photography records and 330 objects restored in 2009–10 were photographed. 38 Arts de l’Islam Arts de l’Islam L e département des Arts de l’Islam a vu à la fin de l’été 2012 l’aboutissement des efforts déployés depuis maintenant dix années révolues pour la mise en place d’un nouveau département, entité administrative et ensemble de collections prenant tout leur sens dans un nouvel espace créé par les architectes Rudy Ricciotti et Mario Bellini. L’essentiel de l’activité de recherche du département a accompagné ce projet fondateur ; le dépôt des collections islamiques du musée des Arts décoratifs (en dehors des textiles conservés au musée de la Mode) passait par une appropriation de cette collection demeurée peu étudiée et largement inconnue depuis des décennies. C’est un intense effort qui a été fourni pour dater, attribuer, identifier, déchiffrer de nombreuses inscriptions présentes sur les œuvres et pour – enfin – mettre à jour la bibliographie. L’un des outils essentiels de la recherche, même s’il demeure pour l’heure à usage interne, est la base documentaire Simurgh. Elle sera reversée, à la fin d’un projet concernant l’ensemble du musée, dans la base Museum Plus, accessible au public suivant un calendrier déjà fixé. Pour ce faire, Simurgh a été perfectionné et nourri des recherches des membres du département responsables des collections. L’outil a également appuyé le déroulement du chantier de restauration très conséquent qui s’est achevé au premier semestre 2012. Pour la première fois, tous les rapports sous une forme immatérielle sont archivés et attachés à la fiche de l’œuvre dans la base. Ce travail des coulisses est aussi un préalable à la reprise des projets de catalogues à paraître après l’ouverture des espaces. Sont d’ores et déjà annoncés, notamment, un premier volume consacré à la collection de métaux (Annabelle Collinet, Sophie Makariou et al.). Projets de recherche Le département achève, poursuit ou entreprend divers projets de recherche essentiellement liés à une approche archéométrique. Par ordre chronologique, nous rappellerons ainsi en premier lieu les projets qui s’achèvent : – le projet DORAI (Décors dORés dans l’Architecture de l’Islam – voir RML 2010, p. 51-52), dédié à la problématique de la préparation de la feuille d’or et à son adhérence sur la glaçure sur des décors de céramiques architecturales souvent extérieures et dans des conditions d’amplitude climatique souvent extrêmes ; projet réalisé dans le cadre de l’ANR avec l’université de Bordeaux III, le C2RMF, le Centre de mise en forme des matériaux de Sophia Antipolis et l’École des mines de Paris ; publications des actes à venir (sous la dir. de C. Pacheco, C2RMF) ; – le projet « Les routes du lustre » (voir Ibid., p. 51), dédié à la céramique à reflets métalliques, invention technologique majeure du monde islamique, à sa diffusion et à ses variantes technologiques ; le projet couvrait un vaste corpus allant de l’Espagne et du Maghreb jusqu’à l’Iran, du viiie au xviie siècle ; les partenaires principaux sont le musée du Louvre, le Musée national de la céramique à Sèvres (Cité de la céramique), le British Museum, le Museum für Islamische Kunst à Berlin, le C2RMF, avec l’appui financier européen de CHARISMA (Cultural Heritage Advanced Infrastructures Synergy for a Multidisciplinary Approach to Conservation/Restoration) ; les partenaires ont décidé 39 Introductions de procéder à la restitution des résultats en plusieurs temps ; la première publication sera dédiée à une période fondatrice du califat abbasside (échéance prévue pour la remise du texte : 2013) (tuteurs au département : Claire Déléry, Delphine Miroudot) ; – le projet REMAI (Réseau européen des musées d’art islamique), dédié à la mise en réseau de résultats d’analyses et d’études morphologiques et archivistiques sur du matériel lié à l’Alhambra des sultans nasrides et à l’histoire de l’« alhambrisme », essentiellement autour des collections (céramique, stuc, photographie) de trois institutions dans le cadre d’un projet de l’Union européenne : le Patronato de l’Alhambra, porteur nominal du projet, le Victoria and Albert Museum, le musée du Louvre appuyé à nouveau par le C2RMF ; après des réunions de travail régulièrement tenues dans chacune des institutions, un colloque final a été organisé en avril 2012 et de nombreux résultats ont été mis en ligne sur un site dédié ; la publication complète de tous les volets du projet est prévue en 2013 (tuteur au département : Claire Déléry). En second lieu, un certain nombre de projets sont lancés : – dans le cadre du laboratoire d’excellence PATRIMA (Patrimoines matériels : savoirs, conservation, transmission), le département entreprend une recherche approfondie sur une technologie majeure de la production de céramique architecturale de l’Islam dont tous les aspects ont été confondus sous le terme de cuerda seca ; cet emprunt à la terminologie espagnole désigne la tentative de cloisonnement de glaçures afin d’obtenir sur un même support un décor richement polychrome ; mise en place en Orient dès le début du ixe siècle, cette technique connaît un développement considérable ; elle est appliquée sur les vaisselles et les carreaux de revêtement ; est-ce cette même technique qui reparaît en Orient à la fin du xiiie siècle ou fautil la distinguer sous le nom de « lignes noires » ? ; des analyses, complétant le bilan bibliographique et l’approche morphologique, alimentent le travail d’une doctorante (Lucile Martinet) dans le cadre d’une thèse effectuée en cotutelle avec l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et le musée du Louvre ; le groupe des partenaires est encore en cours de constitution (tuteurs au département : Claire Déléry, appuyée par Charlotte Maury) ; – enfin, le Catalogue des céramiques byzantines inventoriées pour la plupart au département des Arts de l’Islam présentera des analyses nombreuses, et rares en ce domaine, complétant la longue étude de la collection ; la publication est confiée à Véronique François (CNRS, LA3M – Laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée –, Aix-en-Provence). Elle accompagnera la passation de la collection dans le cadre du regroupement des collections byzantines du Louvre. Fouilles archéologiques En 2012 sera remis le manuscrit dédié au matériel céramique des fouilles menées en Iran sur le site de Nishapur (Rocco Rante et Annabelle Collinet). Par ailleurs, Rocco Rante a poursuivi les campagnes de fouilles à Paykend, oasis de Boukhara, pour achever cette année le traitement du riche matériel issu des campagnes précédentes avant d’élargir, en 2012, la recherche à une vision prospective plus large de l’ensemble de l’oasis. Sont associés à ces fouilles le CNRS (LA3M, Aix-en-Provence) et le C2RMF. La fouille, franco-ouzbèke, est financée par un mécène français, M. Garese. Enfin, Rocco Rante, en collaboration avec Penn University, a entrepris l’actualisation et la publication des fouilles de Rayy (Iran) menées dans les années 1930 par Erich Friedrich Schmidt et demeurées inédites jusqu’à ce jour. La publication de ce site d’une importance majeure pour l’histoire de l’Iran médiéval devrait apporter des données fondamentales pour l’ensemble de la communauté scientifique que les circonstances géopolitiques éloignent durablement de ces terrains de fouilles. 40 Arts de l’Islam Les publications pour l’ouverture des nouveaux espaces Les publications associées à l’ouverture des nouveaux espaces en 2012 sont nombreuses : – un important ouvrage dédié à l’ensemble des collections présentées, sous la direction de Sophie Makariou ; une version anglaise est mécénée par la fondation Roshan et les American Friends of the Louvre (auteurs : A. Collinet, C. Déléry, G. Fellinger, C. Juvin, A. Leclerc, S. Makariou, G. Martinez-Gros, A. C. Mathews, Ch. Maury, D. Miroudot et R. Rante); – quatre ouvrages dans la collection « Solo » sont également publiés à cette occasion : Le Porche mamlouk (A. C. Mathews) ; Le Baptistère de Saint Louis (S. Makariou) ; Les Relevés des mosaïques de Damas (L. Simonis) ; La Pyxide d’Al-Mughira (S. Makariou) ; – enfin, une publication pour la jeunesse est due à Rosène Declémenti et un album, édité en français et en anglais, à Marie Fradet et Frédéric Viaux. Un important programme de multimédia pour les nouveaux espaces Le projet d’ouverture du département a été l’occasion de donner au multimédia une place d’une ampleur nouvelle dans les espaces muséographiques du musée. Plusieurs familles de dispositifs se déploient, dont les contenus ont été pensés et écrits par les membres du département. Ils sont destinés à : – contextualiser historiquement ; pour ce faire, un partenariat intense a été noué avec l’atelier de cartographie de l’Institut de sciences politiques de Paris, avec l’appui du conseil scientifique d’un historien, Gabriel Martinez-Gros (université Paris X Nanterre) ; – faire entendre les trois langues majeures du monde islamique (arabe, persan, turc) ; la plupart des dispositifs ont été accompagnés de traductions inédites ; – permettre d’appréhender le regard de disciplines cousines de l’histoire de l’art – l’archéologie, l’histoire –, sous la forme d’interviews ; – permettre d’appréhender les innovations techniques à travers une « famille » de quatre programmes ; – permettre d’explorer des œuvres hors normes en les resituant dans leur contexte architectural et en rendant compte de leur découverte (le porche mamlouk ; les relevés des mosaïques de Damas) ; – souligner l’importance de l’écriture, porteur de sens et vecteur esthétique, à travers deux dispositifs ; – donner matière à réfléchir sur des clefs d’histoire de l’art islamique : la miniaturisation de la figuration, l’exploration du contexte fonctionnel des œuvres ; – donner matière à réfléchir sur des clefs d’histoire de la civilisation : les langues de l’Islam, les religions qui sont pratiquées dans ce vaste monde, la fabrique de la culture urbaine et sédentaire (cabinet des clefs de fin) ; – enfin, un parcours tactile à destination de tous les publics est mis en place au plus près des œuvres, au sein du parcours. S. Makariou In the late summer of 2012 the Department of Islamic Art will witness the outcome of ten years of endeavours with the creation of a new department, an administrative body and an ensemble of collections put into a meaningful perspective in the new space created by Rudy Ricciotti and Mario Bellini. Most of the department research focused on this founding project. The long-term loan of the Islamic collections to the Musée des Arts Décoratifs (exclusive of the textiles preserved at the Musée de la Mode) required a reappropriation of this collection, scarcely studied and largely overlooked for decades. An intense effort enabled dating, attribution and identification, deciphering a wealth of inscriptions on the works and at last updating the bibliography. One of the essential research 41 Introductions tools, albeit still for internal use only, is the Simurgh database. At the conclusion of a project involving the entire museum it will be incorporated in the MuseumPlus database, accessible to the public according to a predetermined calendar. For this purpose Simurgh was perfected and enriched by the research of the department members in charge of the collections. This tool also backed up the considerable restoration work, completed in the first semester of 2012. For the first time all the records in an immaterial form are archived and attached to the work’s entry in the database. This backstage work is also a preliminary for resuming the projects of catalogues to be published after the opening of the galleries. Volume one on the metal works collection has already been announced (A. Collinet, S. Makariou et al). Department research projects The department is concluding, pursuing or beginning several research projects, for the most part involving an archaeometrical approach. In chronological order we first list the projects being concluded: - Project DORAI-Décors dORés dans l’Architecture de l’Islam – (Rech. Louvre 2010, pp. 51–52) on the preparation of gold leaf and its adherence to the glaze in architectural ceramic tiles, often external and often subject to extreme climatic conditions; a project carried out in the framework of the ANR with the University of Bordeaux III, C2RMF, CEMEF Sophia Antipolis and the École des Mines in Paris. Publications of the proceedings forthcoming (ed. C. Pacheco, C2RMF). - Project “Les Routes du Lustre” (Rech. Louvre 2010, p. 51) devoted to lustreware, a major technological invention of the Islamic world, to its diffusion and technological variants. The project spanned a huge corpus ranging from Spain and the Maghreb to Iran, from the eighth to the seventeenth century. The leading partners are the Musée du Louvre, the Musée National de Céramique de Sèvres (Cité de la Céramique), the British Museum, the Museum für Islamisches Kunst in Berlin, the C2RMF with CHARISMA European funding. The partners decided to publish the results in several instalments. The first publication concerns the founding period of the Abbasid caliphate (the text should be delivered in 2013) (DAI Tutors: C. Delery, D. Miroudot). - REMAI project to put online the results of morphology and archive analyses and studies of material linked to the Nasrid sultans’ Alhambra and the history of “Alhambrism”, essentially around the collections (ceramics, stuccowork, photography) of three institutions within a European Community project: the Patronato of the Alhambra, coordinator of the project, the Victoria and Albert Museum, the Musée du Louvre again backed by the C2RMF. After regular work sessions held in each of the institutions an international congress was organized in April 2012 and numerous results published online in a dedicated site. Complete publication of all the parts of the project is scheduled for 2013 (DAI Tutor: C. Delery). A second part involves launching several projects: - Within LabEx PATRIMA the department is undertaking in-depth research on a major technology relating to the production of Islamic architectural tiles. All its aspects were merged under the term Cuerda Seca: this loan from the Spanish terminology designates the endeavour to isolate the glazes to obtain a rich polychrome decoration on a same support. This technique, arising in the East by the early ninth century, was considerably developed and applied to tableware and tiles. Is it this same technique that reappeared in the East in the late thirteenth century, or should we differentiate it under the name “Black lines”? Studies completing the current state of the bibliography and the morphological approach are being performed by a doctoral student (Lucile Martinet) in a thesis written under a Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines and Musée du Louvre cotutorship. The group of partners is still being assembled (DAI tutors: C. Delery backed up by C. Maury). - Finally, the Catalogue of Byzantine Ceramics, for the most part inventoried at the Department of Islamic Art, will present numerous analyses, rare in this field, that accompanied the department’s long study of the collection; Véronique François (CNRS, LAMM, Aix-en-Provence) is responsible for the publication. It will accompany the transfer of the collection within the regrouping of the Louvre Byzantine collections. 42 Archaeological excavations - In 2012 delivery of the manuscript devoted to the ceramic material of the excavations performed in Iran on the site of Nishapur (R. Rante and A. Collinet). - In addition R. Rante pursued the excavation campaign at Paykend, Bukhara Oasis, to complete this year the processing of the rich material gathered during the previous campaigns, before extending the research in 2012 to a broader prospective view of the entire oasis. In these excavations the CNRS (LAMM, Aix-en-Provence) and the C2RMF are associated. The Franco-Uzbek excavation is financed by a French sponsor, M. Garese. Arts de l’Islam - Finally, Rocco Rante, in collaboration with Penn University, undertook to bring up to date and publish the excavations of Rayy (Iran) performed in the 1930s by E. Schmidt and still unpublished. The publication of the very important site for the history of mediaeval Iran should provide fundamental data for the entire scientific community that geopolitical circumstances lastingly prevent from approaching these excavation areas. Publications for the opening of the new galleries There are many publications connected with the opening of the new galleries in 2012: • an important book devoted to all the collections on exhibit, edited by S. Makariou, with an English edition is sponsored by the Roshan Foundation and the American Friends of the Louvre (authors: A. Collinet, C. Delery, G. Fellinger, C. Juvin, A. Leclerc, S. Makariou, A. C. Mathews, G. Martinez-Gros, C. Maury, D. Miroudot and R. Rante); • four books in the “Solo” series are also being published for this occasion: Le Porche Mamlouk (A. C. Mathews); Le Baptistère de Saint-Louis (S. Makariou); Les relevés des mosaïques de Damas (L. Simonis); La Pyxide d’Al-Mughira (S. Makariou); • a publication for children by R. Declémenti and an album, published in French and English by M. Fradet and F. Viaux. An important multimedia programme for the galleries The project provided the opportunity to give multimedia a greater role in the exhibition spaces of the museum. Several types of tools are presented, conceived and written by the department members. Their purpose is to: • contextualise historically, which led to a close partnership with the cartography studio of the Institut de Sciences Politiques of Paris backed up by advice from historian, G. Martinez-Gros, Université de Paris X-Nanterre; • allow to hear spoken the three main languages of the Islamic world (Arabic, Persian, Turkic). The software in most cases features new translations; • discover the approach of disciplines closely related to art history: archaeology, history, in the form of interviews; • discover technical innovations through a “family” of four programmes; • explore outsized works replaced in their architectural context and tell the story of their discovery (the Mamluk portal; the survey of the Damascus mosaics); • emphasize the importance of writing, bearer of meaning and aesthetic vector, through two tools; • inspire reflection on “keys” to the history of Islamic art: miniaturization of figuration, exploration of the functional context of the works; • inspire reflection on “keys” to the history of the civilization: the languages of Islam, the religions practised in this vast world, the formation of urban and sedentary culture (the “Key Cabinet” at the end of the tour); • finally, a tactile explanation for every kind of public is placed right next to the works during the visit. 43 Introductions Sculptures P lusieurs axes de recherche président aux travaux du service : – la constitution de corpus scientifiques consacrés à des foyers régionaux ou à des sculpteurs et leur étude ; – la compréhension de la technique des sculpteurs, des matériaux utilisés et de leur mise en forme ; – l’histoire des collections de sculpture ; – la poursuite de la politique de restauration. Parallèlement, le récolement de la collection a été prioritaire cette année : plus de trois mille œuvres, soit toutes celles qui sont exposées et celles qui sont présentes dans certaines réserves, ont été récolées, ainsi que le très important fonds (cent quarante-quatre sculptures) versé au musée national du Moyen Âge, musée de Cluny (par Pierre-Yves Le Pogam et Christine Vivet-Peclet). Rappelons que l’ensemble de la collection de sculpture a été catalogué, c’est-à-dire photographié, mesuré, et les provenances vérifiées (quand cela était possible). Mais le récolement permet encore d’affiner la connaissance. Avec le travail préparatoire au versement des fiches d’objets dans le futur logiciel Museum Plus, on tend à une documentation informatisée exhaustive. Cependant, la documentation traditionnelle (dossiers d’œuvres, par artistes, collectionneurs, fondeurs, iconographiques, etc.) de plus en plus abondante offre aux chercheurs un instrument de travail inégalé sur l’histoire de la sculpture. L’autre priorité a été la participation du département au projet du Louvre-Lens, pour lequel deux commissaires ont la charge d’expositions : sur le cycle du temps (Pierre-Yves Le Pogam), et sur la Renaissance (Geneviève Bresc-Bautier). La décision d’y déposer la plus grande part des sculptures de la collection d’Alfred Chauchard (léguée en 1910), correspondant aux limites chronologiques du Louvre, a nécessité une nouvelle évaluation de cet ensemble. Corpus scientifiques 44 La constitution des corpus scientifiques s’est poursuivie. Marc Bormand s’est consacré à la préparation de l’exposition sur la sculpture florentine du Quattrocento en collaboration avec le Museo Nazionale del Bargello. Le programme de restauration dans ce domaine s’est poursuivi dans ce but et a permis de découvrir des aspects techniques insoupçonnés. Sophie Guillot de Suduiraut a poursuivi le rassemblement des éléments scientifiques (analyses et rapports de restauration) destinés au corpus des sculptures souabes de la fin du Moyen Âge dans les musées de France. Cette recherche rassemble des acteurs multiples, scientifiques du C2RMF, restaurateurs et conservateurs tant français que germaniques. Guilhem Scherf a dirigé en 2011 de nouvelles expositions monographiques, l’une consacrée à Houdon, l’autre au sculpteur autrichien Messerschmidt, dont la plupart des célèbres bustes ont été présentés dans l’espace d’exposition Richelieu. Cette recherche sur la sculpture du xviiie siècle se poursuivra par l’exposition en 2012 de l’œuvre du sculpteur ukrainien Pinsel, par l’étude transversale de l’ensemble des productions d’Edme Bouchardon (sculptures et dessins) et par une publication du catalogue des morceaux de réception à l’Académie de peinture et de sculpture. Pour le xixe siècle, Isabelle Leroy-Jay Lemaistre a assuré la collaboration du Louvre Sculptures aux expositions consacrées à Bartolini (Florence, 2011) et à Rude (Dijon, 2011), et Béatrice Tupinier-Barillon a commencé l’étude des médaillons de plâtre de David d’Angers, dont deux ensembles non catalogués sont conservés au Louvre. Techniques et matériaux de la sculpture L’étude des matériaux s’inscrit dans le cadre d’une collaboration étroite avec le C2RMF et s’attache principalement à l’identification des bois (pour les sculptures souabes), à la terre cuite italienne et au bronze français. Cette collaboration a débouché sur l’organisation d’une journée d’étude au Louvre, prolongée par une autre plus spécialisée au C2RMF, consacrée aux « Terres cuites de la Renaissance. Matière et couleur », en octobre 2011. Une autre journée d’étude consacrée aux bronzes français a eu lieu en juin 2012 et a été précédée en 2011 par la poursuite des analyses et de la réflexion. Histoire des collections Le catalogue et l’identification des photographies du fonds de l’antiquaire Demotte, surtout composé de sculptures médiévales, ont été effectués et une base de données a été constituée par Christine Vivet-Peclet. L’identification et l’étude de ce très important matériel doivent se poursuivre en collaboration avec Pierre-Yves Le Pogam. Le catalogue des sculptures du musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir, l’immense rassemblement patrimonial de la Révolution, est désormais entrepris avec le concours de l’INHA. L’étude systématique des provenances, du devenir et de la présentation de tous les objets catalogués par Lenoir ouvre de nouvelles perspectives sur l’histoire des collections de sculpture. Alors que la base de données continue à être renseignée par Angèle Dequier et Béatrice de Chancel-Bardelot, cette dernière, pensionnaire à l’INHA, a organisé une journée d’étude dans cette institution qui a élargi la problématique et assuré des collaborations internationales. Restaurations À l’occasion des restaurations, de nombreuses découvertes ont permis d’affiner la connaissance sur des sculptures importantes. On a choisi de présenter spécifiquement dans le chapitre consacré aux restaurations celles qui ont donné des résultats novateurs. G. Bresc-Bautier Several avenues of research guide the department’s work: - the constitution of bodies of scholarly literature devoted to regional centres or to the study of individual sculptors - the promotion of an understanding of the techniques and materials sculptors use and of how they give form to the sculptures - the documentation of the history of the sculpture collection - the pursuit of a restoration policy This year, the inventory review of the collection was also a top priority. More than three thousand works, namely, all those on display and some now in storerooms, have been cross-checked, as has the very large collection (144 sculptures) placed at the Musée National du Moyen Age (Musée de Cluny) (Pierre-Yves Le Pogam and Christine Vivet-Peclet). It should be noted that the sculpture collection as a whole has been catalogued, which is to say, photographed and measured, and the provenances verified whenever possible. The inventory review has also allowed us to refine our knowledge. With the preliminary work of entering the identification records into the future MuseumPlus database we are moving toward exhaustive computerized documentation. Nevertheless, the increasingly plentiful 45 Introductions traditional documentation (dossiers of works by artist, collector, founder, iconography, and so on) offers researchers an unequalled tool for studying the history of sculpture. A second priority was the department’s participation in the Louvre-Lens project. Two displays were overseen by our curators: Galerie du Temps (Pierre-Yves Le Pogam) and the Renaissance cycle (Geneviève Bresc-Bautier). The decision to place most of the sculptures from the Alfred Chauchard collection (bequeathed in 1910) in Lens, corresponding to the chronological parameters of the Louvre, called for a new assessment of that set of works. Scholarly Literature The constitution of bodies of scholarly literature has continued. Marc Bormand dedicated himself to preparing the exhibition on quattrocento Florentine sculpture, in collaboration with the Museo Nazionale del Bargello. With that aim in view, the restoration programme in that area continued and allowed for the discovery of unsuspected technical aspects. Sophie Guillot de Suduiraut continued collecting the scientific elements (restoration analyses and reports) for scholarship on late medieval Swabian sculptures in French museums. That research brings together many participants, both French and German: scientists at the C2RMF, restorers and curators. In 2011 Guilhem Scherf curated new monographic exhibitions devoted to Houdon and to the Austrian sculptor Messerschmidt, most of whose famous busts were shown in the Richelieu exhibition space. That research on eighteenth-century sculpture should continue with a display of the work of the Ukrainian sculptor Pinsel in 2012, with a cross-disciplinary study of Edme Bouchardon’s entire oeuvre (sculptures and drawings), and with the publication of the catalogue of morceaux de réception for the Académie de Peinture et de Sculpture (that is, the works submitted by artists being considered for admission to the Académie). For the nineteenth century, Isabelle Leroy-Jay Lemaistre was responsible for the Louvre’s collaboration on the exhibitions devoted to Bartolini (Florence, 2011) and Rude (Dijon, 2011), while Béatrice Tupinier-Barillon began a study of David d’Anger’s plaster medallions, two uncatalogued sets of which are held at the Louvre. Sculpture Techniques and Materials The study of materials has taken place within the context of a close collaboration with the C2RMF and is devoted primarily to the identification of woods (for the Swabian sculptures) and to Italian terracotta and French bronzes. That collaboration culminated in a study day at the Louvre, followed by another, more specialized one at the C2RMF, devoted to the material and colour of Renaissance terracotta, both in October 2011. Another study day devoted to French bronzes was scheduled for June 2012, preceded in 2011 by continued analyses and reflections. History of the Collections Christine Vivet-Peclet catalogued and identified the photographs from the collection of the antiquarian Demotte, composed primarily of medieval sculptures, and established a database. Identification and study of this very important material will continue in collaboration with PierreYves Le Pogam. The sculptures catalogue of Alexander Lenoir’s Musée des Monuments Français, the enormous collection of State cultural property dating to the Revolution, has now been undertaken in conjunction with the Institut National d’Histoire de l’Art. A systematic study of all the objects catalogued by Lenoir—their provenance, development and exhibition—opens new perspectives on the history of the sculpture collections. The database continues to be updated by Angèle Dequier and Béatrice de Chancel Bardelot; in addition, Bardelot, in residence at the INHA, organized a study day at that institution, which broadened the problematic and made possible international collaborations. Restorations During the restorations, many discoveries allowed us to refine our knowledge of major sculptures. In the chapter devoted to restorations we have specifically opted to present those that have produced innovative results. 46 Objets d’art Objets d’art État des collections M algré l’éclatement des collections dans des réserves provisoires, internes ou externes, imposé par le grand chantier de rénovation des salles du premier étage de l’aile nord de la cour Carrée, les campagnes de récolement conduites en 2011 ont concerné deux mille cent vingt-deux œuvres. Ce travail indispensable, faisant suite aux opérations de prérécolement menées lors des déménagements précédents des collections, permet d’affiner nos connaissances de fonds anciens conservés en réserve et de résoudre des problèmes d’identification et de doublons d’inventaire. La saisie informatique du récolement est faite à partir d’une extension de la base « Chantier xviiie », une seconde saisie étant nécessaire dans la base centrale des Objets d’art en prévision du basculement d’un maximum de données dans le futur logiciel Museum Plus. Plusieurs axes de recherche (hors expositions) déterminent les travaux menés en 2011 : – le chantier des collections du xviiie siècle ; – la constitution de corpus scientifiques ; – la compréhension des techniques et l’analyse des matériaux. Le chantier des collections du xviii siècle e Le chantier xviiie reste un axe prioritaire jusqu’à la réouverture des salles prévue en 2013. Ce vaste chantier donne lieu à tout un faisceau de recherches, intimement liées aux œuvres et à leur mise en valeur selon une muséographie complètement renouvelée. En premier lieu viennent l’étude et le traitement des lambris, qui doivent être restitués au plus près de leur état original en vue de l’installation des period rooms prévues dans les nouvelles salles. En parallèle, des campagnes de restauration ont été poursuivies, suivant un planning établi dès 2009, en particulier pour le mobilier Boulle, le bois doré et les bronzes dorés. Des œuvres de tout premier plan sont entrées en 2011 : sièges cannés et bronzes dorés rocaille, boiseries à arabesques (donation Guerrand-Hermès), meubles précieux Louis XIV ou Louis XVI (dépôts du château de Versailles). Le Louvre dispose désormais du plus bel ensemble de pièces originales commandées par George III à l’orfèvre Robert Joseph Auguste, grâce à l’achat de deux grandes terrines et au don d’assiettes du service de Hanovre. Avec le programme Museum Lab II, deux dispositifs de médiation détaillant des procédés techniques – la fabrication de la porcelaine tendre – ou expliquant des usages disparus – le service à la française – ont été mis au point : une implantation temporaire de ces dispositifs a été testée dans les petits appartements Napoléon III, en attendant la réouverture des salles xviiie. D’autres dispositifs de médiation sont à l’étude pour ces futures salles, qui se proposent de replacer les œuvres dans leur contexte stylistique et historique, afin de faire mieux comprendre cet art de vivre raffiné du siècle des Lumières. 47 Introductions Corpus scientifiques Le rôle fédérateur du département au sein d’un réseau international d’historiens de l’orfèvrerie médiévale apparaît clairement avec l’organisation des journées d’étude couronnant la publication longtemps attendue du deuxième Corpus d’émaux méridionaux de l’œuvre de Limoges, paru fin 2010. Un autre aspect de ce rayonnement international ressort de la collaboration suivie avec l’Institut Courtauld à l’occasion de la mise en ligne progressive d’une base de données recensant tous les ivoires gothiques connus. Le département s’est affirmé aussi dans des domaines moins explorés, en liaison étroite avec d’autres musées européens, grâce à la parution de deux nouveaux catalogues raisonnés : celui des ivoires de la Renaissance et des temps modernes (fin 2010) révèle un fonds ancien méconnu, dû principalement à la curiosité des amateurs du xixe siècle ; tandis que celui de l’orfèvrerie du xixe siècle (2011) met l’accent sur une collection récente, fruit d’une politique d’acquisitions volontariste orientée vers les plus belles créations de l’argenterie parisienne. Techniques et matériaux En collaboration avec le C2RMF et des partenaires étrangers, des campagnes d’analyses scientifiques ont été menées, afin de contribuer à une meilleure connaissance des techniques et des pratiques d’atelier : verres émaillés à la façon de Venise, céramiques à la manière de Palissy, mobilier Renaissance. L’exposition « Majolique. La faïence au temps des humanistes », organisée au musée de la Renaissance à Écouen en étroite collaboration avec le département des Objets d’art, a mis en lumière les recherches les plus récentes dans l’art de la majolique. Pour la période xviiie, le Louvre a été associé au programme engagé par le Bayerisches Nationalmuseum à Munich, en liaison avec le musée Getty à Los Angeles, sur l’étude et la conservation du mobilier en marqueterie Boulle. Les analyses de matériaux caractérisant la production spécifique de l’atelier d’André Charles Boulle, qui constituent les étapes préliminaires d’un plan de recherche ambitieux mis en place depuis 2010, appelleront plusieurs journées d’étude en 2012. M. Bascou State of the Collections The inventory review process covered 2,122 works in 2011. It was conducted despite the scattering of the collections necessitated by the large-scale renovation of the galleries on the first floor of the Cour Carrée’s north wing) in temporary storerooms inside or outside the museum. That indispensable inventory work was preceded by preliminary verifications done when the collections were moved on earlier occasions, and it has allowed us to refine our knowledge of former collections held in the storerooms and to solve problems of identification and of inventory duplicates. The data capture for the inventory review was completed by expanding the eighteenth-century database. A second data capture in the central database of the Department of Decorative Arts will be required, before most of the data is transferred to the future MuseumPlus software application. Several avenues of research (apart from exhibitions) determined the work conducted in 2011: - work on the eighteenth-century collections - constitution of scientific corpus - understanding of techniques and analysis of materials 48 work on The Eighteenth-Century Collections The eighteenth-century project will remain a high priority until the exhibition halls are reopened in 2013. That vast undertaking has generated a whole cluster of research projects intimately linked to the artworks and their development within a completely renewed museography. First, there is the study and treatment of the panelling, which must be restored as closely as possible to its original condition, in view of the installation of period rooms planned for the new Objets d’art exhibition spaces. Parallel to this project, restoration operations have continued in accordance with a programme established in 2009, especially for gilt wood and gilt bronze pieces. First-rate works entered the department in 2011: rocaille cane and gilt bronze seats, arabesque woodwork (gift of Guerrand-Hermès), and precious Louis XIV and Louis XVI furniture entrusted to the Louvre by the Palace of Versailles. The museum now possesses the most beautiful set of original pieces commissioned by George III from the goldsmith Robert-Joseph Auguste, thanks to the purchase of two large terrines and the gift of tableware from the Hanover service. With the Museum Lab II programme, two media tools were developed. One outlines a technical procedure (the production of soft porcelain), while the other explains vanished customs (service à la française, the royal custom of serving all dishes of a meal at the same time). These tools were set up temporarily and tested in the small Napoleon III apartments, in anticipation of the reopening of the eighteenth-century rooms. Other media tools are under study for these rooms. They would place the works within their stylistic and historical context to give a better understanding of the refined art of living in the century of light. Scholarly Literature The department’s unifying role within an international network of historians of medieval goldwork appeared clearly in the organization of study days marking the long-awaited publication of the second volume on the corpus of southern enamels from Limoges, published in late 2010. Another aspect of this international influence can be seen in the continuing collaboration with the Courtauld Institute to establish an online database that will eventually inventory all known Gothic ivories. The department has also moved forward in less explored areas, in close association with other European museums, thanks to the publication of new catalogues raisonnés: the catalogue of Renaissance and modern-age ivories (late 2010) brought to light a former collection, largely unknown, due primarily to the curiosity of lovers of nineteenth-century works; by contrast, the nineteenth-century metalwork catalogue (2011) highlights a recent collection, the result of a deliberate acquisition policy oriented toward the most beautiful creations of Parisian silver plate. Techniques and Materials In collaboration with the C2RMF and foreign partners, programmes of scientific analysis were developed to contribute toward a better knowledge of the techniques and practises of workshops in the fields of Venetian-style enamelled glass, Palissy ware and Renaissance furniture. The exhibition La faïence au temps des Humanistes, held at the Musée de la Renaissance at Ecouen in close collaboration with the Department of Decorative Arts, shone a light on the most recent research in the art of majolica. For the eighteenth century, the Louvre participated in the programme undertaken by the Bayerisches Nationalmuseum in Munich, in association with the Getty Museum, to study and conserve Boulle furniture and marquetry. Analyses of materials characterizing the specific output of the André-Charles Boulle workshop constitute the preliminary stages in an ambitious research plan set in place in 2010. It will be the occasion for several study days in 2012. 49 Introductions Peintures D 50 eux acquisitions majeures ont encadré les frontières de l’année 2011, celle des Trois Grâces de Lucas Cranach, effectuée en janvier grâce à une souscription enthousiaste, et celle du Christ de pitié de Jean Malouel, concrétisée en décembre, acquisition à laquelle le département des Peintures travaillait depuis plus d’une douzaine d’années. Par ailleurs, cette année 2011 a été également occupée par la restauration, délicate médiatiquement mais nécessaire esthétiquement, de la Sainte Anne de Léonard de Vinci et par celle, plus discrète mais d’une plus grande ampleur, menée sur la Vénus du Pardo de Titien. Ces quatre exemples exceptionnels apparaissent révélateurs à eux seuls de l’intégration des activités de recherche dans la vie d’un département : une importante campagne de prospection en archives, aussi bien à Paris que dans le Puy-de-Dôme, avait en effet été entreprise afin de sécuriser l’achat en tant que trésor national du tableau de Jean Malouel ; et des analyses et examens de grande ampleur ont été effectués en partenariat avec le C2RMF afin de préparer la restauration des deux œuvres citées. Ainsi, comme tous les professionnels le savent parfaitement, la recherche se trouve-t-elle intégrée de manière évidente à toutes les missions de notre musée. À ce sujet, l’exemple de la politique d’acquisitions du département des Peintures apparaît significatif, les priorités dans ce domaine accompagnant souvent les thèmes des réseaux de recherche ou des journées d’étude mis en place ces dernières années. Le renforcement des écoles espagnoles, des écoles anglaises et américaines, ainsi que de l’école française du xvie siècle, constitue par exemple une priorité de notre politique d’acquisitions ; et l’on constate évidemment une réelle synergie entre cette politique et le réseau de recherche Baila consacré à l’art ibérique, la réactualisation des bases anglaises (D’Outre-Manche) et américaines (La Fayette) ou bien le travail de recensement des tableaux français du xvie siècle. Grâce à de telles convergences entre les projets d’acquisition et les sujets de recherche, le département des Peintures a pu s’enrichir en 2011 de l’émouvant et puissant tableau de Juan Bautista Maíno Les Larmes de saint Pierre, ainsi que d’une œuvre inédite de Gavin Hamilton, Vénus présentant Hélène à Pâris ; le travail de fond entrepris dans le domaine de la peinture anglaise a également favorisé la donation de dix tableaux importants par Christopher Forbes, président des American Friends of the Louvre. Parallèlement à cette priorité affirmée envers les écoles jusque là moins bien dotées au sein de notre département, l’école française a tout de même, comme chaque année, connu plusieurs enrichissements significatifs, dont La Résurrection de Lazare de Jean Le Clerc, peintre absent des collections du Louvre, le modello du Déjeuner d’huîtres de Jean-François de Troy et l’étonnant Monument du pape Clément XIV par Canova de Pierre Paul Prud’hon. Enfin, grâce à une généreuse donation, un important primitif italien, Vierge à l’Enfant de Bartolomeo Vivarini, est venu rejoindre les cimaises de l’école italienne. Dans un esprit identique, les liens renforcés entre la programmation des expositions et les projets de restauration doivent être soulignés, en complément de leurs évidentes connexions avec les thèmes de recherche. Ainsi les journées d’étude consacrées à Rembrandt en 2005 ont-elles eu pour conséquence à la fois la restauration des Pèlerins d’Emmaüs et l’organisation de l’exposition « Rembrandt et la figure du Christ », présentée en 2011 au Louvre, puis à Détroit et Philadelphie. De la même manière, les journées d’étude organisées Peintures en 2010 autour de l’œuvre de Léonard de Vinci ont-elles préparé la restauration délicate de la Sainte Anne, intervention qui justifiait amplement l’exposition tenue dans le hall Napoléon en 2012. Dans un esprit identique, la restauration en cours de la Croix peinte de Giotto, précédée d’une importante campagne d’examens et d’analyses portée par le C2RMF, ne saurait se concevoir sans le projet d’exposition programmée à la Chapelle en 2013 – et inversement. Quant à la restauration si réussie de l’Eva Prima Pandora de Jean Cousin, elle s’est conclue par un bilan détaillé, présenté durant les journées d’étude organisées à l’automne 2011 et susceptible d’être publié parallèlement à l’accrochage prévu en 2013 dans les salles d’exposition du département des Arts graphiques. Par ailleurs, le programme de restauration des œuvres dont le département des Peintures a la responsabilité possède une logique intrinsèque, guidée par les contraintes de la conservation, par les demandes de prêt à des expositions extérieures ou par les nécessités liées aux présentations muséographiques. Certaines restaurations réclament un savoir-faire et une expérience d’exception, comme cela fut le cas avec les travaux subtils et techniques menés sur les Forgerons de Théodore Chassériau, le seul fragment du célèbre décor de la Cour des comptes encore conservé sur son support original. D’autres, assurées avec autant de sérieux, nécessitent des interventions limitées – refixage de soulèvements de la couche picturale, déblocage de parquets contraints en ce qui concerne des panneaux peints, mise au ton de repeints désaccordés, etc. – ou plus « classiques », telles que des allégements modérés de vernis ; dans cet esprit, plusieurs dizaines d’œuvres passent chaque année dans les ateliers du C2RMF au pavillon de Flore. Rappelons enfin que le département des Peintures est également responsable de la restauration des dépôts qu’il a consentis en région ou dans des institutions officielles. Ainsi, durant l’année 2011, parmi de nombreux autres exemples, l’impressionnant tableau d’Ary Scheffer Les Bourgeois de Calais, déposé à l’Assemblée nationale, ou bien deux œuvres de la série des Saisons conservées au musée-promenade de Marlyle-Roy ont fait l’objet d’un suivi rigoureux assuré en partenariat avec le C2RMF. L’année 2011 apparaît tout aussi significative de l’ambition du département des Peintures en ce qui concerne la programmation des expositions dont il a la responsabilité. Tout en assurant la continuité de projets organisés en 2010, en partenariat avec des institutions étrangères, tels que « Nature et idéal. Le paysage à Rome, 1600-1650 », accrochée au musée du Prado à Madrid après l’étape du Grand Palais, ou « Antiquity Revived: Neoclassical Art in the Eighteenth Century », seconde étape à Houston de l’exposition montrée dans le hall Napoléon, notre département a concrétisé de nouveaux projets, comme « Rembrandt et la figure du Christ », déjà cité. Le département des Peintures a bien évidemment collaboré à des projets transversaux, comme les expositions consacrées aux Trois Grâces à Béthune, en préfiguration du Louvre-Lens, ou aux « Regards sur Marie », organisée au Puy-enVelay, aussi bien qu’à des partenariats en région, tels que l’exposition « Les Multiples Visages de Vivant Denon » au musée de Chalon-sur Saône. Mais la manifestation la plus significative organisée « hors les murs » par le département des Peintures pour l’année 2011 demeure la rétrospective « Delacroix. De l’idée à l’expression », conçue pour la Caixa, à Madrid et à Barcelone ; véritable « tour de force » d’histoire de l’art – comment traiter l’œuvre de Delacroix sans les grands formats de jeunesse si célèbres –, cette première présentation en Espagne des tableaux et dessins du peintre romantique et/ou classique, accompagnée d’un catalogue en espagnol et en catalan, mais également en français, a rencontré un réel succès scientifique et public. Conforté par ses missions essentielles, le département des Peintures constitue donc un évident lieu de recherche, chacun de ses conservateurs portant un ou plusieurs projets scientifiques d’importance rattachés soit à des projets d’expositions, soit à des projets de journées d’étude ou de réseaux de recherche, soit à des projets de publications : Léonard de Vinci et Raphaël ; les primitifs actifs en Provence entre 1430 et 1520 et l’œuvre de Giotto et ses émules ; Vélasquez et Goya ; Rubens ; Chardin et 51 Introductions Hubert Robert ; les revers des tableaux ; l’édition du catalogue sommaire des écoles étrangères et celle du catalogue raisonné des peintures italiennes du xviiie siècle. Mais cette intense activité scientifique, produite grâce à l’érudition et à l’engagement personnel de chaque conservateur, ne saurait exister sans l’action du service d’Étude et de Documentation du département des Peintures et de la Régie des mouvements d’œuvres et des expositions, dont le travail pourrait être compris comme quotidien et matériel alors qu’il constitue constamment un évident apport à la recherche. V. Pomarède 52 Two major acquisitions were made at the start and end of 2011: Three Graces by Lucas Cranach, which was acquired in January thanks to generous contributions, and the Christ de pitié by Jean Malouel, which was finalized in December, an acquisition that the Department of Paintings had been preparing for over twelve years. In addition, 2011 saw the restoration—which was subject to various criticisms in the media—of Leonardo da Vinci’s St Anne, and the (less well publicized but more comprehensive) restoration of Titian’s Vénus du Pardo. These four exceptional examples provide an excellent demonstration of the integration of research activities into departmental projects: a major campaign of archive analysis, which was carried out in both Paris and the Puy-de-Dôme, secured the purchase of Jean Malouel’s painting as a French national treasure; and extensive analyses and examinations were conducted in conjunction with the C2RMF, in order to prepare the restoration of the two above-mentioned works. Therefore, as all museum professionals are perfectly aware, research activities are systematically integrated into all of the projects in our museum. On this subject, the Department of Paintings’ acquisition policy is exemplary, as the priorities in this area often go hand in hand with research network themes or study days introduced over recent years. The enrichment of the Spanish, English and American schools, as well as the sixteenthcentury French school, are all examples of our acquisition policy’s priorities; and there is a veritable synergy between this policy and the Baila research network consecrated to Iberian art, the updating of the English databases (D’Outre-Manche) and American databases (La Fayette), and the census of sixteenth-century French paintings. As a result of the convergence between acquisition projects and research themes, the Department of Paintings enriched its collection in 2011 with the moving and powerful painting by Juan Bautista Maino, The Tears of St Peter, and with a previously unpublished work by Gavin Hamilton, Venus Presenting Helen to Paris. The department’s focus on English painting also resulted in the donation by Christopher Forbes, chairman of the American Friends of the Louvre, of ten major paintings. Despite the focus on the above schools, which until recently were poorly represented in our department, the French school also saw some major additions—as is the case every year—including La résurrection de Lazare by Jean Le Clerc, a painter whose oeuvre was absent from the Louvre collections, the modello for the Déjeuner d’huitres by Jean-François de Troy, and the astonishing Monument du pape Clément XIV par Canova by Pierre-Paul Prud’hon. Lastly, thanks to a generous donation, a major Italian primitive work, Virgin and Child by Bartoloméo Vivarini, enriched the collection of the Italian school. In a similar vein, aside from their obvious connections to research themes, the links between the scheduling of the exhibitions and the restoration projects have been strengthened. Consequently, the study days consecrated to Rembrandt in 2005 resulted in both the restoration of The Pilgrims at Emmaus and the organization of the exhibition Rembrandt and the Face of Jesus, which was initially held in 2011 in the Louvre, and then in Detroit and Philadelphia. Similarly, the study days organized in 2010 focusing on the works of Leonardo da Vinci prepared the way for the careful restoration of the St Anne―an intervention which fully justified an exhibition that was scheduled to be held in the Hall Napoléon in 2012. Similarly, the current restoration of the Painted Cross by Giotto, which was preceded by a major campaign of examinations and analyses conducted by the C2RMF, would be inconceivable without the exhibition project scheduled at La Chapelle in 2013, and vice versa. And the highly successful restoration of Jean Cousin’s Eva Prima Pandora concluded with a detailed assessment, which was presented during the study days organized in autumn 2011 and will probably be published as a complement to the work’s display (scheduled for 2013) in the exhibition rooms of the Department of Prints and Drawings. The restoration programme of works for which the Department of Paintings is responsible is intrinsically logical and guided by conservation constraints, loan requests for external exhibitions, and the requirements of museographical representations. Certain restoration projects require Peintures exceptional expertise and experience, as in the case of the subtle and technical work carried out on Théodore Chassériau’s Forgerons, the only fragment of the famous decorative scheme of the Cour des Comptes that has survived on the original support. Other projects, which are carried out with the same level of commitment, require less extensive work, such as the consolidation of detached areas of the paint layer, reducing tension on the boards of panel paintings, correcting mismatched repaints, or more “standard” projects, such as moderate varnish removal; with this in mind, several dozen works are examined each year in the C2RMF workshops in the Pavillon de Flore. Finally, it must be remembered that the Department of Paintings is also responsible for restoring works it transferred as long-term loans to regional or official institutions. Some noteworthy examples of the many works restored in 2011 were Ary Scheffer’s impressive painting, Les Bourgeois de Calais, which was placed on permanent loan in the Assemblée Nationale, and two works from the series of the Saisons held in the Musée-Promenade de Marly-le-Roy, which were rigorously monitored in collaboration with the C2RMF. In 2011, the Department of Paintings also met its exhibition programme objectives. The department continued projects organized in 2010, in partnership with foreign institutions, such as Rome: Nature and the Ideal. Landscapes 1600–1650, presented in the Museo del Prado in Madrid after being exhibited at the Grand Palais, and Antiquity Revived: Neoclassical Art in the Eighteenth Century, which was transferred to Houston after its exhibition in the Hall Napoléon. Our department has also committed itself to new projects, such as Rembrandt and the Face of Jesus, as mentioned above. The Department of Paintings has also collaborated on cross-disciplinary projects, such as exhibitions consecrated to the Three Graces in Béthune, as a forerunner to Louvre-Lens, and Regards sur Marie, organized in Puy-en-Velay, as well as on regional partnerships, such as the exhibition Les multiples visages de Vivant Denon in the Musée de Chalon-sur Saône. But, the most significant external exhibition organized by the Department of Paintings for 2011 was the retrospective Delacroix. De la idea a la expresión, which was produced for the Caixa, in Madrid and Barcelona. A veritable tour de force in the history of art—an approach to Delacroix’s oeuvre that excludes the famous large-format works of his youth—this first presentation in Spain of the paintings and drawings of the Romantic and/or Classical painter, accompanied by a catalogue in Spanish and Catalan, and also in French, was a very real scientific and public success. Bolstered by its core projects, the Department of Paintings is intrinsically a centre for research, and each curator focuses on one or several scientific projects for exhibitions, or on major exhibition projects, study-day projects, research networks, or publication projects: Leonardo da Vinci and Raphael; the “primitive”’ painters active in Provence between 1430 and 1520 and the work of Giotto and his disciples; Velazquez and Goya; Rubens; Chardin and Hubert Robert; the backs of paintings; the publication of a “catalogue sommaire” of the foreign schools and the catalogue raisonné of eighteenth-century Italian paintings. Of course, this intense scientific activity, which is directly related to the expertise and personal commitment of individual curators, would not be possible without the input of the research and documentation department and the department responsible for exhibitions and the movements of exhibits, whose work—which is mistakenly perceived as routine and practical—contributes greatly to research. 53 Introductions Arts graphiques L 54 ’activité de recherche de l’équipe scientifique du département des Arts graphiques s’est poursuivie en 2011 selon les axes précédemment tracés et suivis, axes déterminés en partie par le programme très dense d’expositions que le département organise ou auxquelles il contribue, tant au Louvre qu’à l’extérieur du musée. Les expositions temporaires du département, accompagnées le plus souvent par des publications scientifiques, permettent de rendre compte de l’état du savoir sur les œuvres de la collection, que ce soit sous la forme d’une présentation monographique (en 2011 : « Claude Gellée, le Lorrain » ; « Louis de Boullogne » ; « Pietro da Cortona et Ciro Ferri » ; « Giorgio Vasari. Dessins du Louvre ») ou d’une approche thématique, déterminée par le support (« Le Papier à l’œuvre »), par une technique spécifique (« Les Enluminures du Moyen Âge et de la Renaissance » ; « De Finiguerra à Botticelli. Les premiers ateliers italiens de la Renaissance ») ou par une provenance commune (« Dessins français de la collection Mariette »). L’exposition intitulée « David, Delacroix, and Revolutionary France : Drawings from the Louvre », tenue à la Morgan Library & Museum à New York, dont le commissariat fut assuré par Louis-Antoine Prat, permit au public américain de découvrir une sélection exceptionnellement riche de chefs-d’œuvre du dessin français néoclassique et romantique. L’autre événement marquant de l’année 2011 fut la publication de Les Enluminures du Louvre : Moyen Âge et Renaissance, publication rassemblant des notices sur les œuvres, dues à de nombreux spécialistes, qui avait déjà été annoncée dans La recherche au musée du Louvre 2010. L’exposition que le département a organisée pour célébrer la parution de ce volume de son inventaire a révélé la richesse insoupçonnée du musée dans ce champ des précieux fragments de manuscrits enluminés, retrouvés dans plusieurs départements « modernes » du Louvre. La conservation du département poursuit l’étude scientifique des œuvres de la collection. L’étude systématique des dessins bolonais des xviie et xviiie siècles, entreprise en 2004 par Catherine Loisel, aboutira prochainement à la publication d’un nouveau volume de l’Inventaire des dessins italiens ; d’autres volumes de l’inventaire sont en préparation concernant les nielles et les premières gravures de la collection Edmond de Rothschild (Pascal Torres), les dessins d’Antoine Jean Gros (Laura Angelucci) et les dessins génois des xvie-xviiie siècles (Federica Mancini). Les résultats d’autres recherches conduites par le personnel scientifique du département sur les œuvres de la collection seront présentés dans le contexte des expositions programmées pour les années à venir, y compris « Luca Penni, gravures et dessins » (Dominique Cordellier), « Dessins et gravures allemandes de l’école du Danube » (Hélène Grollemund) et « Giulio Romano, dessins du Louvre » (Roberta Serra et Laura Angelucci). Les recherches conduites par Dominique Cordellier sur le dessin français du xvie siècle, destinées à permettre à terme l’établissement d’un catalogue raisonné des feuilles de cette période au Louvre, dépassent le champ muséographique du seul Louvre et ont rendu possible l’identification, dans des collections muséales comme celles d’Angers, de Rennes, de Düsseldorf et de Stockholm, de nombreuses feuilles inédites ou mal attribuées de plusieurs maîtres français de cette période, encore trop souvent négligée. Louis Frank poursuit la nouvelle édition et traduction française annotée des Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari, en préparant la publication de la Vie de Léonard. Les premiers résultats de cette étude ont pu être incorporés dans le catalogue de l’exposition « La Sainte Anne. L’ultime Arts graphiques chef-d’œuvre de Léonard de Vinci », présentée dans le hall Napoléon en 2012. La base informatisée des Marques de collections de dessins et d’estampes lancée en 2010, un projet auquel le musée participe avec la fondation Custodia, a été enrichie de nouvelles notices sur de nombreux collectionneurs par les soins de Laurence Lhinares, qui a également assuré une présentation de dessins autour du thème « Le Cachet d’atelier » dans la salle d’actualité du département. Dans le domaine des acquisitions de dessins, l’événement le plus notable fut sans aucun doute l’achat d’un petit dessin tardif d’un des plus grands artistes de la Renaissance, Michel-Ange Buonarroti. Classée trésor national, la feuille à double face Deux nus masculins, vus dans un mouvement ascendant, doit être rattachée à l’activité des dernières décennies du maître, période relativement mal représentée dans le cabinet des Dessins. L’entrée dans les collections, grâce au don de la Société des Amis du Louvre, de quatre planches gravées de Goya appartenant à la série des Disparates constitue un autre moment particulièrement fort. Ces cuivres, conservés en France depuis les années 1860 et publiés pour la première fois en 1876 dans le journal L’Art, sont venus rejoindre la collection de la Chalcographie du Louvre, qui s’est également enrichie grâce à des commandes passées à des artistes contemporains, fruit d’une campagne menée maintenant depuis plusieurs décennies. En 2011, des gravures dues à Dove Allouche, Peter Doig et Marc Desgrandchamps ont pu être inscrites sur l’inventaire de la Chalcographie. L’un des domaines principaux de la politique d’acquisitions du département est le dessin français du xvie siècle. Plusieurs feuilles intéressantes sont venues renforcer cette partie de la collection, y compris un groupe remarquable de dessins illustrant un texte rabelaisien, L’Isle Sonante. Dues à la main de Baptiste Pellerin, sept de ces feuilles ont pu être acquises sur le marché, tandis que le frontispice de la série, qui en avait été dissocié à un moment inconnu, a par la suite fait l’objet d’un don généreux au musée. Parmi les autres acquisitions de dessins français, quelques raretés méritent également d’être évoquées : la feuille d’études pour un portrait d’homme par Nicolas de Largillierre, le carnet de caricatures de François André Vincent, l’étonnante scène mythologique de Philippe Auguste Hennequin… Le dépôt, par les American Friends of the Louvre, d’un ensemble de dessins anglais de la collection Forbes, destiné à rejoindre la collection d’ici quelques années, constitue un événement remarquable ; le renforcement de l’école britannique est depuis longtemps l’un des axes de notre politique d’acquisitions. Chaque exposition, chaque acquisition est nécessairement accompagnée d’un examen scientifique des œuvres concernées par l’équipe de l’atelier de restauration du département, suivi par d’éventuelles interventions. À côté de cette activité importante et régulière, l’atelier de restauration a poursuivi les recherches commencées il y a plusieurs années autour de la restauration des cartons de grand format de Charles Le Brun et son atelier. Elles concernent la procédure de décollage enzymatique, le marouflage des cartons et l’utilisation d’un châssis extensiométrique. La campagne de restauration de la collection de pastels et la mise au point d’un cadre emboîtant avec l’atelier d’encadrement et dorure de la DAMT ont également été poursuivies en 2011. La réflexion est renouvelée à chaque restauration entreprise ; chaque cadre emboîtant fait l’objet d’un ajustement particulier, à la fois au pastel et à son cadre en bois doré. Cette campagne de restauration et de conservation préventive est généreusement soutenue par les American Friends of the Louvre. En 2011, les membres de l’atelier de restauration ont activement participé à l’organisation d’un colloque et de journées d’étude consacrées au « Savoir-faire du papier en France et au Japon ». L’inventaire informatisé et illustré du département, engagé en 1989 et accessible sur Internet depuis 2003, est devenu un outil de tout premier ordre pour la connaissance et l’étude du fonds de dessins de la collection. Une nouvelle version de l’application, considérablement enrichie, est utilisée par le département depuis 2008. Cette version est quotidiennement mise à jour par les responsables de la documentation, par la création de nouvelles fiches-œuvres, par la correction et l’enrichissement de fiches existantes, ainsi que par l’insertion de nouvelles images. En 2011, le personnel 55 Introductions scientifique de la documentation du département, en collaboration avec le service informatique du musée, a entrepris la préparation de la mise en ligne de cette nouvelle version, qui devrait être accessible au tout début de l’année 2013 et qui signifiera une amélioration notable de cet outil de recherche. Elle incorporera, pour la première fois, l’ensemble des œuvres appartenant à la collection Edmond de Rothschild, tant les dessins que les estampes, en feuilles et en recueils, et contribuera à rendre plus accessible cette extraordinaire collection, déjà mieux connue – et de ce fait étudiée – grâce à une programmation énergique d’expositions au Louvre et ailleurs. C’est à partir de l’inventaire informatisé que le personnel scientifique du département a pu mener à bien la campagne 2011 de récolement (dessins en petits albums), de concert avec l’équipe scientifique du musée d’Orsay. C. van Tuyll van Serooskerken In 2011 the research carried out by the scientific team of the Department of Prints and Drawings followed established guidelines, which are partly determined by the tight schedule of exhibitions that the department organizes or contributes to, both in the Louvre and elsewhere. The department’s temporary exhibitions, which are often accompanied by scientific publications, present the latest information on the department’s collections, and take various forms: monographic exhibitions (in 2011: Claude Gellée, le Lorrain; Louis de Boullogne; Pietro da Cortona et Ciro Ferri; and Giorgio Vasari); thematic exhibitions on specific supports used for works, such as The Art of Paper; exhibitions on specific techniques (Les Enluminures du Louvre: Moyen Age et Renaissance; De Finiguerra à Botticelli. Les premiers ateliers florentins de la Renaissance); and exhibitions of works with the same provenance (French Drawings from the Mariette Collection). The exhibition entitled David, Delacroix, and Revolutionary France. Drawings from the Louvre, which was held in the Morgan Library & Museum in New York, curated by Louis-Antoine Prat, introduced the American public to an exceptionally rich selection of masterpieces of French Neoclassical and Romantic drawings. Another important event in 2011 was the publication of Les Enluminures du Louvre: Moyen Age et Renaissance, a book comprising entries written by numerous experts, which was announced in the Bulletin de la Recherche 2010. The exhibition organized by the department to celebrate the publication of this volume of its inventory brought to light for the first time the museum’s extraordinary wealth of precious fragments of illuminated manuscripts, drawn from several of the Louvre’s “modern” departments. The department’s conservation team is pursuing the scientific study of the collection’s works. The systematic study of seventeenth- and eighteenth-century Bolognese drawings, which was commenced in 2004 by Catherine Loisel, will result in the forthcoming publication of a new volume of the Inventaire des dessins italiens; other volumes of the inventory are also being prepared, relating to the niellos and early engravings in the E. de Rothschild Collection (Pascal Torres), the drawings of A-J. Gros (Laura Angelucci), and sixteenth- to eighteenth-century Genoese drawings (Federica Mancini). The results of other research carried out by the department’s scientific staff on the collection’s works will be presented as part of forthcoming exhibitions: Luca Penni, gravures and dessins, (Dominique Cordellier); Dessins et gravures allemandes de l’école de la Danube (Hélène Grollemund) and Giulio Romano, dessins du Louvre (Roberta Serra and Laura Angelucci). Research carried out by Dominique Cordellier on sixteenth-century French drawings will culminate in the compilation of a catalogue raisonné of the Louvre’s collection of sheets from this period. This research extends beyond the Louvre’s museographical scope and has led to the identification—in museum collections such as those of Angers, Rennes, Düsseldorf and Stockholm— of previously unpublished or wrongly attributed works of certain French masters from this often overlooked era. Louis Frank is continuing his work on the new edition and annotated French translation of Giorgio Vasari’s Le Vite de’ più eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani… by preparing the publication of the life of Leonardo da Vinci. The initial findings of this study were incorporated into the exhibition catalogue of Saint Anne: Leonardo da Vinci’s Ultimate Masterpiece, an exhibition held in the Hall Napoléon in 2012. The computer database of the Marques de collections de dessins et d’estampes, which was launched in 2010 as a collaborative project between the museum and the Fondation Custodia, was enriched with new entries on numerous collectors by Laurence Lhinares, who will also be responsible for an exhibition of drawings on the theme of “Le cachet d’atelier” in the department’s Salle d’Actualité. With regard to the acquisition of drawings, the most noteworthy addition to the department’s collections was the purchase of a small late drawing by one of the greatest Renaissance artists, 56 Arts graphiques Michelangelo Buonarroti. Listed as a French national treasure, the double-sided sheet Deux nus masculins, vus dans un mouvement ascendant, must be a work executed during the master’s latter years, a period in his career that is relatively under-represented in the Cabinet des Dessins. Another particularly important addition to the collections was the donation by the Société des Amis du Louvre of four plates engraved by Goya, which belong to the series of the Disparates. These copper plates, which have been in France since the 1860s and were published for the first time in 1876 in the journal L’Art, were added to the Louvre’s chalcography collection, which was also enriched with contemporary commissions, following a campaign conducted over several decades. In 2011 engravings by Dove Allouche, Peter Doig and Marc Desgrandchamps were were added to the chalcography inventory. One of the main priorities of the department’s acquisition policy is sixteenth-century French drawing. Several interesting sheets have been added to this part of the collection, including a remarkable series of drawings that illustrate a work by Rabelais, L’Isle sonante. Attributed to Baptiste Pellerin, seven of these sheets were purchased on the art market, while the frontispiece of the series, which at some point was separated from the drawings, subsequently entered the museum collections through a generous donation. Among the other acquisitions of French drawings, several rare works are also worth mentioning, such as Nicolas de Largillière’s sheet of studies for the portrait of a man, François-André Vincent’s album of caricatures and Philippe-Auguste Hennequin’s extraordinary mythological scene. Another remarkable addition to the department was the loan by the American Friends of the Louvre of an ensemble of English drawings from the Forbes collection, which will be integrated into the department’s collection in several years’ time; enriching the collection of British works has been a priority of our acquisition policy for many years. For each exhibition and acquisition, the team of experts in the department’s restoration studio carry out a scientific examination of the work(s) in question, which is followed, if necessary, by further interventions. In tandem with this major and regular activity, the restoration studio conducted research—initiated several years ago—focusing on the restoration of the large-format cartoons executed by Charles Le Brun and his studio. They relate to the procedure of enzymatic removal of adhesives, the marouflage of the cartoons, and the use of extensometric stretchers. The restoration campaign carried out on the collection of pastels and the design and development of an insertable frame also continued in 2011, in conjunction with the DAMT’s framing and gilding workshop. Every restoration project requires a fresh appraisal and each insertable frame is specifically adjusted to the pastel concerned and its gilt frame. This campaign of restoration and preventive conservation is being generously supported by the American Friends of the Louvre. In 2011 the restoration staff organized a conference and study days focusing on the paper savoir-faire in France and Japan. The department’s computerized and illustrated inventory, which commenced in 1989 and has been on the Internet since 2003, has become an essential tool for analysing and studying the entire collection of drawings. The department has been using a new—and considerably enriched— version of this application since 2008. This version is regularly updated by the research staff, who enter new entries of works, correct and enrich existing descriptions, and insert new images. In 2011 the department’s scientific research staff began working with the museum’s computer department on the preparation of the online publication of this new version, which should be ready by the start of 2013 and will significantly improve this research tool. For the first time, it will incorporate all the works belonging to the Edmond de Rothschild collection, including both drawings and prints, on sheets and in recueils, and will make this extraordinary collection more accessible. The collection’s dissemination has made it more available for study, thanks to an intensive programme of exhibitions in the Louvre and elsewhere. The department’s scientific staff used the computerized inventory to carry out the 2011 inventory review (of the drawings stored in small albums), in conjunction with the Musée d’Orsay’s scientific team. 57 Introductions Histoire du Louvre L a section Histoire du Louvre se consacre à trois axes principaux : – le suivi des travaux de restauration du palais et des recherches archéologiques sur l’étendue du domaine ; – la gestion des œuvres exposées dans les salles de l’Histoire du Louvre : leur présentation, leur restauration et leur enrichissement ; – la gestion des collections propres de la section, en particulier du très vaste fonds d’objets trouvés lors des fouilles archéologiques et affecté en 2000. Travaux archéologiques Les travaux de l’année 2011 menés dans le jardin des Tuileries pour le passage en circuit fermé de l’alimentation en eau des jardins ont été l’occasion d’un diagnostic archéologique mené par Paul Celly, de l’Inrap, entre janvier et mars. En dépit des aperçus très ponctuels de cette opération (consistant en d’étroites tranchées dans les allées), l’observation a permis de constater l’existence de plusieurs structures intéressantes. Dans l’allée centrale, a été retrouvé le soubassement de la grille des jardins réservés marquant la limite entre la zone librement accessible au public et l’espace destiné aux habitants du palais des Tuileries ; cette structure remonte au règne de Napoléon III. Plus à l’est, deux autres murs, espacés de quelques mètres, ont également été dégagés ; il pourrait s’agir de vestiges de l’extension du palais des Tuileries voulue par LouisPhilippe en 1831, mais leur emplacement paraît plus avancé que ce que les plans de ce projet indiquaient jusqu’alors. Enfin, quelques traces plus anciennes sont apparues, en particulier une canalisation d’évacuation d’eau en pierre qui est antérieure au jardin d’André Le Nôtre et pourrait remonter au règne d’Henri IV ou de Catherine de Médicis. Elle devrait, jointe à d’autres éléments, aider à retrouver les trames du jardin d’origine. Enrichissement et restauration des œuvres des salles de l’Histoire du Louvre Une seule œuvre a été acquise au titre de l’Histoire du Louvre en 2011. Elle s’inscrit dans la politique d’acquisition d’esquisses préparatoires à des grands décors du palais. Un ensemble de quatre fragments de la Renaissance provenant des façades du palais des Tuileries et de la Grande Galerie a par ailleurs été restauré, leur provenance et leur matériau précisés. Ils ont été exposés en 2012 dans la salle d’actualité avec les recherches corollaires. Chantier des collections 58 Le récolement des collections a donné lieu à un premier grand chantier mené en collaboration avec la DCPCR entre juillet et septembre 2011. Les objets découverts lors des recherches archéologiques sont arrivés dans le conditionnement fait par les fouilleurs (parfois temporaire) et sans inventaire détaillé. Chaque année, la section Histoire du Louvre se consacre donc au travail d’inventaire et de reconditionnement d’une partie Histoire du Louvre de ces collections. L’ensemble des verres archéologiques a été traité cette année, ce qui a été l’occasion d’évaluer la richesse du fonds : les verres issus des niveaux du xviie siècle, en particulier, avec de nombreux verres à pied, des coupelles vénitiennes ou flamandes, qui ont été photographiés et conditionnés. Un très important lot de flaconnages, bouteilles et petits flacons correspond à des usages ou de cuisine ou de toilette. Enfin, les très nombreuses bouteilles des caves du xviiie siècle ont été inventoriées. L’activité scientifique de la section Histoire du Louvre a été réduite durant cette année consacrée essentiellement à la rédaction du livre de synthèse sur l’histoire du Louvre et des Tuileries en trois volumes. Un programme de recherche a cependant été mené sur la famille Le Nôtre et sur le jardin des Tuileries. G. Fonkenell The History of the Louvre section focuses on a variety of programmes: - monitoring restoration work on the palace and archaeological research conducted within the domain’s perimeters; - managing all the works displayed in the galleries devoted to the Louvre’s history, and overseeing their presentation, restoration and enrichment;. - managing the department’s own collections, in particular, the vast collection of objects found in excavations and allocated in 2000. Archaeological work Work carried out in 2011 in the Jardin des Tuileries on the closed-circuit passage of the gardens’ water supply provided an opportunity to establish an archaeological diagnosis, which was carried out by Paul Celly (from the INRAP) between January and March. Despite the limited nature of these operations (small trenches were made in the garden’s pathways), the observation revealed a number of interesting structures. In the central path the foundation was laid bare for the railings of the enclosed gardens that formed the boundary between the freely accessible area and the area that was exclusively used by the inhabitants of the Palais des Tuileries; this structure was erected during the reign of Napoléon III. Further to the east, another two walls, several metres apart, were also revealed; they may be the remains of Louis-Philippe’s planned extension of the Palais des Tuileries in 1831, but their location seems to be further away than the plans for this project have indicated to date. Lastly, several older traces were uncovered, particularly a stone drainage conduit that predates the garden of André Le Nôtre and may date from the reign of Henri IV or Catherine de’ Medici. It should, in conjunction with other elements, help to reveal the layout of the original garden. The enrichment and restoration of the works in the History of the Louvre rooms In 2011 one work was acquired for the History of the Louvre Department as part of the policy of acquiring preparatory sketches for the palace’s principal decorations. An ensemble consisting of four Renaissance fragments from the façades of the Palais des Tuileries and the Grande Galerie was also restored, and the fragments’ provenance and materials were identified. They will be exhibited in 2012 in the Salle d’Actualité, accompanied by the resulting research. The inventory review of the collections Between July and September 2011, the inventory review of the collections resulted in an initial major project carried out in collaboration with the DCPCR (an organization responsible for preventive conservation and management coordination). The objects discovered during archaeological research were delivered in (the sometimes temporary) protective packaging provided by the excavators and without a detailed inventory. Hence, every year, the Louvre history department carries out inventory work and repacks part of its collections. This year, the entire collection of archaeological glass vessels was processed and this provided a good opportunity to assess the extent of the collections: glassware from the seventeenth-century layers, in particular, with numerous goblets, Venetian and Flemish cups, which were photographed and packed for storage. A very large ensemble of glass containers, bottles, and small flasks corresponds with articles intended for culinary or toiletry purposes. Lastly, an inventory was drawn up of the numerous bottles from eighteenth-century cellars. In 2011 the scientific activity of the History of the Louvre Department was limited and mainly focused on writing an overview of the history of the Louvre and the Tuileries, which will be published in three volumes. A research programme was carried out on the Le Nôtre family and the Jardin des Tuileries. 59 Introductions Musée national Eugène Delacroix S 60 uivant l’objectif scientifique fixé à l’établissement, qui est de contribuer à une meilleure connaissance de l’art de Delacroix, le musée s’est attaché cette année à la postérité de l’artiste, illustrée par l’exposition « Fantin-Latour, Manet, Baudelaire. L’hommage à Delacroix » (7 décembre 2011 – 19 mars 2012), dont le bilan figure plus loin. Au chapitre des publications scientifiques qui animent un véritable réseau Delacroix, le catalogue de l’exposition, réunissant les contributions de Stéphane Guégan, Christophe Leribault, Marie-Pierre Salé et Amélie Simier, a reçu d’excellents comptes rendus, mais il convient de saluer aussi la livraison de 2011 du Bulletin des Amis du musée national Eugène Delacroix. Entièrement financé par la Société des Amis, ce neuvième numéro se distingue par sa pagination étoffée (cent vingt-huit pages au lieu de quatre-vingt-huit en 2010) et son impression entièrement en couleurs (grâce au mécénat de l’imprimeur Roto France). Il contient dix études inédites de chercheurs universitaires ou conservateurs, dont deux traduites de l’anglais. Il s’ouvre par un bilan très fouillé sur la question de la marque ED apposée sur les dessins de Delacroix avant leur dispersion en 1864 et sur l’histoire complexe des fausses marques, exercice périlleux dont Laurence Lhinares a su relever le défi. En outre, l’équipe des chargées d’études documentaires du musée (Catherine Adam-Sigas et Marie-Christine Mégevand) a continué à œuvrer à la vaste entreprise qu’est la publication en ligne de la Correspondance générale de Delacroix, menée en collaboration avec l’université Paris IV Sorbonne (Centre André Chastel – UMR 8150), grâce au soutien financier de l’Agence nationale pour la recherche. La base de données www.correspondance-delacroix.fr est accessible à partir des sites du musée national Eugène Delacroix et de Paris IV Sorbonne, mais aussi très facilement via les grands moteurs de recherche. Bien que les activités d’animation débordent du cadre de ce rapport d’activités scientifiques, on peut évoquer la conception de spectacles. Dans la tradition des ateliers d’artistes du xixe siècle, un récital Liszt a été donné par Paloma Konider à l’occasion de la Fête de la musique, mais l’accent a été mis cette année sur la littérature, avec deux séries de lectures : des scènes du Faust de Goethe interprétées par Jacques Bonnaffé, et un choix de textes de Théophile Gautier sur Delacroix par François Marthouret. Concernant les collections, la deuxième tranche du récolement général, planifié sur trois années, a porté sur les manuscrits, photographies anciennes, pierres lithographiques, meubles et objets occidentaux. Ces collections ont été mises à contribution pour la rétrospective Delacroix organisée par le département des Peintures du Louvre aux centres d’expositions de la Caixa à Madrid et à Barcelone, auxquels le musée Delacroix a prêté dix œuvres pour une durée effective de huit mois. Du côté des acquisitions, le budget du musée du Louvre n’avait pas été sollicité en 2010 afin de préparer l’achat majeur concrétisé en 2011 d’une grande esquisse peinte qui sera désormais au cœur de l’accrochage de l’atelier de l’artiste : Études de reliures, veste orientale et figures d’après Goya (vers 1824-1825). Le soutien constant de la Société des Amis du musée a permis également l’acquisition d’œuvres de Goya, Newton Fielding, Gillot Saint-Evre et Dedreux-Dorcy, commentées et reproduites plus loin dans ce bulletin. Par ailleurs, au gré de nombreuses réunions, les plans définitifs du nouveau jardin ont été mis au point en 2011 par l’équipe des jardiniers des Tuileries (Pierre Musée Delacroix Bonnaure et Sébastien Ciret) avec l’aide de Michel Goutal, architecte en chef des Monuments historiques, et Frédéric Auclair, architecte des Bâtiments de France. L’état actuel du jardin du musée, avec son sol couvert de cailloux et son esthétique contemporaine, ne répondait guère au cadre fleuri voulu par l’artiste. À défaut de disposer de relevés ou de photographies de l’état d’origine, cette évocation repose sur les documents d’archives retrouvés ces dernières années, à savoir les devis et factures des plantations commandées par Delacroix. Après la délivrance des différentes autorisations administratives nécessaires, les travaux, financés intégralement par le mécénat de la société japonaise Kinoshita, seront menés en 2012. Enfin, en vue de l’aménagement de l’espace du rez-de-chaussée acquis en décembre 2010, divers sondages techniques et études architecturales effectués en 2011 ont permis de préparer cette rénovation, qui sera menée durant le premier semestre 2013. À l’issue de ces opérations – réhabilitation du jardin, report des fonctions d’accueil au rez-dechaussée puis transfert en 2014 de la documentation du musée ailleurs à l’étage en libérant l’ancienne salle à manger –, les visiteurs pourront appréhender l’appartement dans la logique de sa distribution puis profiter d’un jardin plus conforme à l’image de ce qui justifia le choix de l’artiste de se fixer dans cette retraite paisible. Si le musée a su conforter en 2011 les chiffres élevés de sa fréquentation, cette année restera surtout celle de l’acquisition d’une toile d’une importance majeure et de la préparation de deux événements, d’une part l’exposition sur l’Hommage à Delacroix de Fantin-Latour, qui n’a ouvert qu’en décembre, et d’autre part le travail de conception du nouveau jardin du musée, dont la réalisation en 2012 aura un impact décisif sur l’attrait des lieux, avant le réaménagement programmé des espaces intérieurs. Ch. Leribault In accordance with the museum’s main objective—contributing to a better understanding of Delacroix’s art—the museum has this year focused on his legacy, illustrated by the exhibition Fantin-Latour, Manet, Baudelaire: The Hommage à Delacroix (7 December 2011–19 March 2012), which is reviewed below. One of the in-depth publications that form a veritable network of information on Delacroix, the exhibition catalogue, which contains contributions from Stéphane Guégan, Christophe Leribault, Marie-Pierre Salé and Amélie Simier, has received excellent reviews; and the publication of the Bulletin des Amis du musée national Eugène Delacroix in 2011 also deserves to be mentioned. Entirely financed by the Société des Amis, the ninth issue contains more pages (128 pages compared to 88 in 2010) and has been entirely printed in colour (thanks to the patronage of the Roto France printing company). It contains ten previously unpublished studies by university researchers and curators, two of which have been translated from English. The bulletin begins with a very detailed review of the question of the mark “ED” that was applied to Delacroix’s drawings before their dispersion in 1864 and the complex history of the fake marks, a challenging task that was successfully completed by Laurence Lhinares. Moreover, the museum’s documentary research team (Catherine Adam-Sigas and MarieChristine Mégevand) continued to work on the vast project to publish the Correspondance générale de Delacroix online, conducted in collaboration with the Université de Paris IV-Sorbonne (Centre André Chastel – UMR 8150), with the financial support of the Agence Nationale pour la Recherche. The database www.correspondance-delacroix.fr can be accessed on the Musée Eugène Delacroix and Paris IV-Sorbonne Internet sites, and is easily accessible through the major search engines. Although the cultural activities fall outside the scope of this report on scientific activities, the conception of the cultural events is worth mentioning. Following the tradition of the artists’ studios in the nineteenth century, a Liszt recital was given by Paloma Konider for the Fête de la Musique, but the focus this year was on literature, with two readings: scenes from Goethe’s Faust, interpreted by Jacques Bonnaffé, and a selection of texts on Delacroix by Théophile Gauthier, read by François Marthouret. With regard to the collections, the second part of the general inventory review of the works, which has been planned over a three-year period, focused on the manuscripts, old photographs, lithographic stones, furniture and Occidental objects. These collections were used for the Delacroix retrospective, which was organized by the Louvre’s Department of Paintings in the Caixa exhibition centres in Madrid and Barcelona; the Musée Delacroix loaned ten works for a period of effectively 61 Introductions eight months. On the acquisitions front, no money had been spent from the Musée du Louvre’s budget in 2010 in anticipation of the major purchase, concluded in 2011, of a large painted sketch that will now be a central exhibit in the artist’s atelier: studies of bindings, an Oriental and figures after Goya (c. 1824–25). The constant support of the museum’s Société des Amis has also facilitated the acquisition of works by Goya, Newton Fielding, Gillot Saint-Evre and Dedreux-Dorcy, which are studied and reproduced later in this bulletin. Furthermore, the definitive plans for the new garden were drawn up in many meetings in 2011 by the Tuileries team of gardeners (Pierre Bonnaure and Sébastien Ciret) with the help of Michel Goutal, chief architect of the Monuments Historiques, and Frédéric Auclair, architect with the Bâtiments de France. The current state of the museum’s garden, with its pebble surface and contemporary appearance, hardly corresponds with the artist’s desire for a flowery garden. In the absence of plans or photographs of the original garden, this conception is based on documents found in the archives in recent years: the estimates and invoices for gardening work requested by Delacroix. When the various administrative authorizations have been issued, the work, which is entirely financed by the patronage of the Japanese company Kinoshita, will be carried out in 2012. Lastly, in preparation for the development of the ground floor area, acquired in December 2010, various technical surveys and architectural studies conducted in 2011 have facilitated the preparations for this renovation, which will be carried out in the first half of 2013. After the completion of these successive modifications—the rehabilitation of the garden, the transfer of the reception area to the ground floor, and the transfer (in 2014) of the museum’s documentation from the former dining room to another location on the same floor—visitors will be able to view the apartment as it was originally laid out and enjoy a garden that corresponds more closely to the original garden that drew the artist to live in this peaceful retreat. Although the museum was able to consolidate the increased number of visitors in 2011, the year will primarily be remembered for the acquisition of a major canvas and the preparation of two events: the exhibition on Fantin-Latour’s Hommage à Delacroix , which only opened in December, and the design of the museum’s new garden, whose completion in 2012 will significantly increase the museum’s appeal to visitors, before the planned redevelopment of the indoor areas. 62 Louvre-Lens Louvre-Lens L e 4 décembre 2012 sera inauguré à Lens, dans le Pas-de-Calais, un nouveau Louvre qui offrira un nouveau regard sur les collections. Construit par l’agence Sanaa, il articule autour d’un vaste hall d’accueil de verre quatre espaces consacrés aux œuvres et une scène. La grande galerie, tout d’abord, accueillera une présentation nouvelle des œuvres du Louvre, sous la forme d’une exposition conçue pour cinq ans, la Galerie du temps, dont le commissariat a été assuré par Jean-Luc Martinez et Vincent Pomarède. Pour la première fois dans un grand musée encyclopédique, les divisions habituelles entre civilisations et entre techniques sont abandonnées. Les œuvres y seront présentées en un seul grand espace, selon un axe chronologique traversant l’ensemble des collections du Louvre, du IVe millénaire avant notre ère jusqu’à 1848. Malgré ce principe strictement chronologique, des regroupements ont été créés pour entraîner des dialogues nouveaux entre les œuvres. Surtout, cette présentation, au lieu d’insister sur les différences et les ruptures que la muséographie habituelle tend par trop à souligner, fera ressortir les continuités et les parallèles entre les civilisations. Ce sera aussi l’occasion d’aller au-delà des divisions entre les grandes techniques (peintures, sculptures, objets d’art) introduites relativement récemment par l’enseignement académique, pour souligner au contraire les échanges qui les animent. Chaque année, des renouvellements ponctuels permettront de faire respirer les collections et de renouveler le regard des visiteurs. Situé au bout de la grande galerie, le pavillon de verre accueillera des expositions durant une dizaine de mois. Celles-ci répondront à une double contrainte, thématique d’abord, puisqu’elles devront être un commentaire de la Galerie du temps, et dans la sélection des œuvres, laquelle privilégiera le dialogue entre les collections du Louvre et celles de la région Nord-Pas-de-Calais qui accueille le musée. La première exposition, dont le commissariat a été assuré par Pierre-Yves Le Pogam assisté d’Audrey Bodéré, portera sur la perception par les hommes des différents temps, le temps qui s’écoule, certes, mais aussi celui de la vie et ceux, cycliques, des jours et des mois. La galerie d’exposition temporaire accueillera des expositions internationales sur des sujets relevant des collections du Louvre. Liée à l’ouverture, la première d’entre elles est un peu particulière en ce qu’elle s’appuie essentiellement sur les collections du Louvre. Conçue sous la direction de Geneviève Bresc-Bautier, elle portera sur la Renaissance dans toutes ses incarnations européennes. Enfin, sous le musée, le visiteur pourra accéder à ses coulisses. Il y trouvera non seulement des présentations des métiers du musée, mais aussi des réserves à la fois visibles et visitables. Nouveauté pour les musées français, ces réserves visibles ne sont pas conçues comme des galeries d’étude, des présentations secondaires des œuvres, mais comme des réserves fonctionnelles. Aussi, ce que le dispositif de médiation soulignera sera moins la nature des œuvres que les raisons qui les conduisent à être en réserve et la façon dont elles y sont conservées. X. Dectot On 4 December 2012, a new Louvre museum will be inaugurated at Lens, which will provide visitors with a new perspective on the collections. Designed by SANAA, it comprises four exhibition areas and a stage built around a vast glass entrance hall. The large gallery will house a new exhibition of Louvre works, in the framework of a five-year exhibition (La Galerie du Temps), which has been curated by Jean-Luc Martinez and Vincent 63 Introductions Pomarède. For the first time in a large encyclopaedic museum, the usual divisions between civilizations and techniques have been abandoned. The works will be exhibited according to a chronological axis through the Louvre’s collections, from the fourth millennium bc to 1848. Despite this uniquely chronological approach, the works have been arranged in groups to create new links between them. This form of presentation will, above all, reveal the continuities and parallels between civilizations, rather than the differences and ruptures, which traditional museography tends to overemphasize. It will also provide an opportunity to go beyond divisions between the main techniques (paintings, sculptures, decorative arts, etc.), which have been introduced relatively recently by the academic world, and will, instead, emphasize the links that underpin them. The regular annual renewal of the exhibition will also breathe new life into the collections and provide visitors with a new perspective. Located at the far end of the great gallery, the Glass Pavilion will house exhibitions to be held over a ten-month period. These exhibitions will meet two requirements: firstly, a thematic one, as they will have to act as a sort of “commentary” on the Galerie du Temps, and secondly in terms of the choice of works, which will underline the links between the Louvre’s collections and those of the Nord-Pas de Calais region, where the museum is located. The first exhibition, curated by PierreYves Le Pogam, assisted by Audrey Bodéré, will focus on human perception of the different forms of time—not only the time that passes, but also the times of one’s life and the cyclical time of days and months. The temporary exhibition gallery will house international exhibitions on themes relating to the Louvre’s collections. Associated with the opening of the museum, the first exhibition will be special as it will be mostly based on the Louvre’s collections. Conceived under the direction of Geneviève Bresc, it will focus on the Renaissance in Europe in all its diversity. Lastly, visitors will be able to go behind the scenes of the museum. They will find not only presentations of museum professions, but the reserve collections will be both visible and visitable. An innovation for French museums, the reserves are not designed to be study galleries, secondary presentations of works, but are functional reserve collections. The mediation will focus less on the nature of the works than the reasons they are in the reserve collections and how they are conserved. 64 Délégation à la conservation préventive Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies L a Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies a poursuivi, au cours de l’année 2011, les missions transversales qui lui incombent, avec la plupart des directions et départements, dans les trois domaines suivants : conservation préventive, chantiers des collections et gestion des espaces mutualisés dans lesquels les collections du musée sont conservées. La mise en œuvre de la politique de conservation préventive du musée s’appuie sur un travail de terrain, effectué par les restaurateurs de la délégation, en collaboration avec les départements et directions, que l’initiative vienne de ces derniers ou de la délégation elle-même. Des études climatiques ont été poursuivies, dans des espaces où sont conservées des œuvres particulièrement fragiles ou dans des lieux vulnérables. Les résultats permettent, le cas échéant, de préconiser et faire fabriquer des vitrines ou des boîtes climatiques permettant de limiter l’incidence de l’environnement sur la conservation des collections. Dans d’autres cas, c’est le climat à l’intérieur de conditionnements adaptés (par exemple des boîtes climatiques) qui est étroitement surveillé. Ces études sont conduites aussi bien pour les collections exposées en permanence que pour les œuvres se trouvant en réserve, ou présentées dans le cadre d’expositions temporaires, comme ce fut le cas pour l’exposition « Rembrandt et la figure du Christ ». La mise en œuvre d’un marché d’anoxie complète la veille sanitaire. Le travail dans ce domaine a été enrichi par la participation de la délégation à deux manifestations sur ce thème (Marseille, Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine : « Le traitement des infestations biologiques » ; Londres, « Pest Odyssey », qui dressait le bilan de dix ans de lutte intégrée contre les agents de détérioration biologique au sein des institutions patrimoniales). À ces deux dispositifs s’ajoute la possibilité de faire appel à des restaurateurs pour dépoussiérer les collections, établir un constat d’état et procéder aux interventions de conservation curative, le cas échéant. Une telle organisation offre aux départements la capacité de documenter et de suivre l’état de conservation de leurs collections et de programmer en cas de besoin les interventions de restauration nécessaires, sur le plan financier et en temps voulu. La délégation participe également aux grands projets du musée. Membre de l’équipe projet du Centre de conservation et de restauration du patrimoine, la DCPCR a affiné les besoins figurant dans le préprogramme et élaboré, en collaboration avec la direction de la Maîtrise d’ouvrage, différents scénarios pour répondre aux contraintes d’un projet d’une telle ampleur, prenant en compte l’opportunité de son déroulement par phases successives. Associée depuis l’origine au projet du Louvre-Lens, la délégation, forte d’une équipe pluridisciplinaire, a apporté des conseils dans les différents domaines qui relèvent de sa compétence. À ce titre, elle a contribué à l’élaboration des avant-projets détaillés et des documents de consultation des entreprises pour la muséographie, à la définition des caractéristiques des vitrines ou du mobilier des réserves, en étroite collaboration avec l’équipe projet. Elle apporte également son concours dans les procédures à mettre en œuvre pour la phase de réception des installations, qui seront affinées en 2012. Parmi les chantiers en cours au sein du palais, le percement des escaliers Marengo, dans l’aile nord de la cour Carrée, a conduit la délégation à étudier et préconiser les moyens permettant de conserver in situ les œuvres de grand format ou inamovibles. C’est en particulier le cas de quelques peintures et de panneaux de céramique glaçurée pour lesquels ont été conçus des dispositifs propres à limiter l’incidence des vibrations. 65 Introductions 66 La politique de conservation préventive s’appuie sur des travaux de recherche, en particulier pour les vitrines et les matériaux, conduits le plus souvent avec le C2RMF, et la sous-direction Muséographie de la direction Architecture Muséographie Technique. La muséographie de l’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » a ainsi bénéficié des dernières recherches sur les matériaux. Un tel travail, encore ponctuel, sera approfondi au cours des années à venir, pour permettre aux directions et aux départements de disposer d’informations nécessaires à la préparation de leurs projets. La formation du personnel s’inscrit également dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de conservation préventive du musée. C’est ainsi que la délégation a conçu des formations dans les domaines de la conservation préventive et de la régie, en collaboration avec la direction des Ressources humaines et du Développement social. La sensibilisation à la conservation préventive de l’ensemble des référents des collections a été achevée au cours de l’année écoulée. Le personnel présent dans les salles constitue en effet l’un des éléments du dispositif de surveillance de l’environnement des collections. Il facilite la circulation de l’information et permet d’anticiper certaines altérations, ou d’apporter rapidement des réponses adaptées à des problèmes identifiés par lui. La transmission régulière d’informations recueillies par la direction de l’Accueil, de la Surveillance et de la Vente concourt à mettre en œuvre la politique du musée. La DCPCR est aussi membre de la commission interne de sécurité, et plus particulièrement des sous-commissions « Protection des œuvres » et « Plan de prévention des risques d’inondation ». Pour cette dernière, elle a en particulier organisé des sous-groupes par secteur géographique qui livreront leurs conclusions au cours de l’année 2012. Les travaux que conduit cette dernière sous-commission sont à l’origine d’une demande du département des Antiquités orientales de réaménager sa réserve. La DCPCR a donc entrepris une étude en ce sens, qui devrait s’achever en 2012. De même, l’un des régisseurs de la délégation a conçu un mobilier de rangement des tapisseries du département des Objets d’art permettant d’améliorer leurs conditions de conservation et de faciliter leur évacuation en cas d’urgence. La délégation participe également aux travaux de normalisation européens dans le domaine de la conservation des biens culturels. Le groupe de travail « Insectes », auquel la DCPCR participe depuis l’origine, rassemblant plusieurs institutions patrimoniales, laboratoires et musées français, a rejoint un nouveau groupe d’experts européens (WG 4), composé également d’universitaires ou d’entreprises spécialisées. Ils ont pour mission d’élaborer, à partir de leurs travaux de recherche, une norme sur les risques biologiques. Le WG 5, « Emballage et transport des biens culturels », est présidé par la déléguée à la Conservation préventive et à la Coordination des régies. La norme « Emballage des biens culturels » a été publiée au mois d’octobre 2011. Ces travaux s’appuient sur des équipes européennes pluridisciplinaires, qui mettent en commun leurs travaux de recherche afin d’améliorer les conditions de conservation des biens culturels, dans un contexte d’échanges intenses. Trois commissions de restauration ont été organisées au cours de l’année. La première réunion a permis à l’ensemble des départements de présenter le programme de restauration des œuvres destinées au Louvre-Lens. Les deux autres commissions ont été l’occasion de montrer les œuvres dont la restauration était programmée, ou en cours. Trois ensembles d’objets (sculptures et tapisseries) et onze œuvres ont ainsi été soumis à l’avis des experts de la commission, dont trois à deux reprises. Trois chantiers des collections, élaborés par le régisseur responsable des chantiers et par les restaurateurs, en collaboration avec les départements concernés, ont été menés au cours de l’année. Le premier, commencé en octobre 2010, s’est achevé en mai 2011. Il consistait à traiter les treize mille quatre cent treize figurines et céramiques grecques conservées dans les salles Campana transformées temporairement en réserves. Un constat d’état, suivi, le Délégation à la conservation préventive cas échéant, d’interventions de conservation curative et de marquage, a été effectué. Puis chacun des objets a été conditionné dans du mobilier conçu par la délégation pour être évacué aisément en cas d’urgence. Une équipe de huit restaurateurs et un spécialiste du conditionnement ont travaillé en permanence sur le chantier. L’efficacité de ces nouveaux conditionnements a été éprouvée lors d’un exercice d’évacuation des œuvres du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines. Le deuxième chantier a permis de traiter, suivant un protocole analogue au précédent, une partie des verres de l’Histoire du Louvre conservés à Écouen dans des conditions environnementales préjudiciables à leur conservation, et qui ont ensuite été transférés dans une réserve plus appropriée. La délégation a enfin mené à bien la première phase du chantier des collections coptes, concernant le lapidaire (soit deux cent soixante-dix-neuf œuvres), en collaboration avec le département des Antiquités égyptiennes. Les deux phases suivantes se dérouleront en 2012 et 2013 et permettront d’achever le traitement de l’ensemble de la collection. Enfin, la gestion des espaces mutualisés a fait l’objet d’une attention toute particulière. Une veille sanitaire et une surveillance climatique y ont été effectuées en permanence. Une programmation des arrivées et des départs d’œuvres (soit près de neuf cents véhicules pour l’année 2011) a facilité l’activité de l’ensemble des utilisateurs de ces espaces, et ce malgré un accroissement du nombre de mouvements de près de 10 % en un an. A. de Wallens In 2011 the DCPCR pursued its cross-agency missions with most of the departments, in three areas: preventive conservation, collections projects and the management of the shared spaces in which the museum collections are held. The implementation of the museum’s preventive conservation policy relies on fieldwork performed by the delegation’s restorers, in collaboration with the departments, whether the initiative comes from these entities or from the delegation itself. Climatic studies were conducted in spaces where particularly fragile works are held and in vulnerable places. The results allow us, when necessary, to recommend and order the production of climate-controlled display cases or boxes to limit the impact of the environment on the conservation of the collections. In other cases, it is the climate inside the specially adapted containers (for example, climate-controlled boxes) that is closely monitored. These studies are conducted both for the collections on permanent display and for works located in the storerooms or displayed within the context of temporary exhibitions, as was the case for the Rembrandt and the Face of Jesus exhibition. Comprehensive anoxia treatment was implemented to help with infestation monitoring. Work in this area was enriched by the delegation’s participation in two events on related themes: at the CICRP in Marseille, the focus was on the treatment of biological infestations; and in London, Pest Odyssey reviewed ten years of integrated management struggle against agents of biological deterioration within heritage institutions. Alongside these mechanisms, we also have the ability to call on conservators to remove the dust from the collections, to compile condition reports, and undertake remedial conservation measures if necessary. This organization gives departments the ability to document and monitor the state of their collections’ conservation, and schedule, if needed, the budget and time necessary for restoration. The delegation also participates in the museum’s major projects. As a member of the project team for the CCRPCenter for Conservation and Heritage Restoration, the DCPCR refined the preliminary program’s requirements and, in collaboration with the project management, developed various scenarios to respond to the constraints of a project of such scope, even considering the appropriateness of rolling out the project in successive phases. With the support of its multidisciplinary team, the delegation—associated from the beginning with the Louvre-Lens project—has offered advice in the different fields within its area of competence. In that capacity, it has contributed toward developing detailed preliminary drafts and consultative documents for museographical enterprises and toward defining the characteristics of the display cases and furnishings for the storerooms, in close collaboration with the project team. It also provides its cooperation in implementing the procedures for the reception phase of the installations, procedures that will be refined in the first half of 2012. One of the ongoing projects within the Louvre, the construction of the Marengo staircases in the 67 Introductions 68 north wing of the Cour Carrée, has led the delegation to study and recommend the means for conserving in situ oversize and irremovable works. That is the case in particular for a few paintings and glazed ceramic panels, for which instruments were designed to limit the impact of vibrations. Especially in the case of the display cases and materials, the preventive conservation policy relies on research studies, usually conducted with the C2RMF and the museography subsection of the direction of DAMT. The museography for the Macedonia exhibition benefited from the latest research on materials. Such work, still only occasional, will be expanded in the years to come, to allow the management and departments to have at their disposal the information necessary for preparing their projects. Staff training is also part of the development and implementation of the museum’s preventive conservation policy. The delegation therefore designed training programs in the areas of preventive conservation and registration, in collaboration with the human resources and social development direction. Awareness of the issue of preventive conservation with all collection referents was achieved during the course of the year. Staff members in the exhibition rooms, in fact, constitute one of the mechanism’s elements in place to monitor the environment of the collections. They facilitate the circulation of information and make it possible to anticipate damage or to quickly provide responses adapted to problems they have identified. The regular transmission of information collected by the DASV contributes toward implementing the museum’s policy. The DCPCR is also a member of the internal security commission, and more particularly of the subcommissions on artwork protection and on the flood risk prevention plan. For the latter it has organized subgroups by geographical sector, which will present their conclusions in 2012. The projects conducted by that subcommission gave rise to a request from the Department of Near Eastern Antiquities to refurbish its storeroom. The DCPCR has therefore begun a study to that end, which ought to be completed in 2012. In addition, one of the delegation’s registrars designed a tapestry storage unit for the Department of Decorative Arts that will allow them to improve the conservation conditions of the tapestries and to facilitate their evacuation in case of emergency. The delegation is also participating in the European standardization project in the area of the conservation of cultural goods. The “insects” working group, in which the DCPCR has participated from the beginning, brings together several cultural heritage institutions, laboratories and French museums. It has now joined a new group of European experts (WG 4), also composed of academics and specialized businesses. Their mission is to develop, on the basis of their research, a standard for biological risks. WG 5, Packing and Transport of Cultural Goods, is headed by the DCPCR delegate. The cultural goods packing standard was published in October 2011. These projects rely on multidisciplinary European teams that share their research within a context of intensive exchanges, to improve the conservation conditions of cultural goods. Three restoration commissions were held during the year. The first meeting allowed each department to present its restoration program for works being sent to Louvre-Lens. The other two commissions were an opportunity to show works whose restoration was planned or under way. Three sets of objects (sculptures and tapestries) and eleven artworks were submitted for the opinion of the commission’s experts, three of them twice. Three collections projects, developed by the registrars and by the restorers in collaboration with the departments concerned, were carried out over the course of the year. The first, which began in October 2010, was completed in May 2011. It treated the 13,413 Greek figurines and ceramics held in the Campana rooms, which were temporarily turned into storerooms. A condition report was drawn up, followed when necessary by remedial conservation measures and tagging. Then each of the objects was packed away in a unit designed by the delegation to be easily evacuated in case of emergency. A team of eight restorers and a packing specialist worked on the project on a permanent basis. The effectiveness of these new containers was tested during an evacuation exercise for the works from the Department of Greek, Etruscan and Roman Antiquities. The second project, following a protocol similar to the preceding one, treated part of the glassware from the History of the Louvre section, held at Ecouen under environmental conditions detrimental to its conservation. The glassware was then transferred to a more appropriate storage area. Finally, the delegation completed the first phase of the Coptic collections project, concerning lapidary (279 works), in collaboration with the Department of Egyptian Antiquities. The next two phases will be carried out in 2012 and 2013 and will allow for treatment of the collection as a whole. Finally, management of shared spaces was the object of special attention. Infestation monitoring and climate surveillance were permanently set in place. The fixing of an arrival and departure schedule for the works (nearly nine hundred vehicles for the year 2011) facilitated the activities of all users of these spaces, despite an almost 10% increase in the number of transits within a year. Service du récolement des dépôts antiques Service du récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam L e Service du récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam a poursuivi en 2011 ses missions scientifiques sur les collections du Louvre dans le cadre du récolement des dépôts de l’État en lien avec la Commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art (CRDOA). Pour des raisons historiques liées aux modalités d’envoi des collections et à l’organisation en 1997, lors de la mise en place de la CRDOA, des différentes instances de récolement dans les musées nationaux, le premier périmètre défini pour le récolement des dépôts pour ce service portait sur les antiques et les arts de l’Islam, alors intégrés au département des Antiquités orientales. Il évolue aujourd’hui avec le récolement des dépôts du Louvre dans les autres musées nationaux et prend désormais en compte les arts graphiques et la coordination globale avec l’ensemble des départements. Il faut noter aussi qu’entrent dans le périmètre d’étude du service les collections de l’État non affectées au Louvre mais relevant de sa responsabilité patrimoniale. La collection Campana en est l’exemple le plus significatif. Un dernier cas relève de notre champ de compétence. Il s’agit des collections antiques ayant appartenu au musée Guimet et qui ont été transférées en responsabilité patrimoniale au Louvre en 1948, quand le musée Guimet est devenu le Musée national des arts asiatiques. L’activité de récolement dans ce service se différencie de celle du récolement décennal des collections in situ, menée directement par chaque département. Elle s’inscrit en effet dans une démarche d’investigation historique de l’ensemble des envois de collections du Louvre en France et à l’étranger régulièrement effectués depuis la création du musée. La nature de ce travail est donc multiple. Il suppose une enquête historique et archivistique préalable permettant d’identifier l’ensemble des éléments d’information concernant des envois d’œuvres ou d’objets archéologiques depuis le Louvre vers différentes institutions. Les documents témoins de ces circulations d’œuvres sont parfois chiches en informations. Il peut s’agir d’un courrier d’un conservateur de musée en région à un conservateur du Louvre par lequel il accuse réception de l’envoi d’un lot d’objets. Une fois cette investigation menée à son terme, une autre phase commence, celle du récolement dans l’institution dépositaire. Méthodes d’identification des œuvres à récoler Pour identifier les œuvres repérées dans les divers documents historiques sur les envois de collections, il faut se rendre sur place. Trois enjeux président alors à cette recherche d’identification des œuvres. Il faut d’abord comprendre l’histoire des mouvements de collections au sein d’une institution ou d’une ville. En effet, il est très fréquent que des œuvres envoyées au xixe siècle ou au début du xxe siècle dans un musée municipal aient été transportées dans un autre musée de la ville, dans le cadre d’une restructuration muséale. On peut citer en exemple les déplacements d’objets égyptiens du site d’Antinoé envoyés au début du xxe siècle au musée Saint-Jean à Angers et conservés aujourd’hui au musée Pincée, ou le même type de collections d’Antinoé envoyées au Museum d’histoire naturelle de Perpignan et conservées aujourd’hui au musée Hyacinthe-Rigaud. Parfois, l’enquête nous amène même à découvrir que les œuvres ont été redéposées dans une autre ville. La Rochelle a ainsi redéposé des œuvres à La Roche-sur-Yon, Cahors à Agen, Tournus 69 Introductions à Roanne, etc. Enfin, les collections et donc les dépôts ont pu être déménagés provisoirement dans un autre lieu si le musée a fermé pour travaux. Il arrive qu’au retour des œuvres au musée, certaines soient « oubliées » dans le lieu provisoire. C’est pourquoi la reconstitution de tous les mouvements d’œuvres sur parfois plus de cent cinquante ans est une recherche en soi qui éclaire aussi la connaissance de l’histoire des collections nationales sur le territoire. Le second axe de recherche dans le cadre de cette tentative d’identification des objets porte sur l’étude des marquages et des numéros associés aux objets. Si une étiquette ou un numéro présent sur une œuvre peuvent être rapportés à des séries de marquages connues du Louvre, ils révèlent de fait l’appartenance au musée. Pour progresser dans la connaissance de ces marquages propres aux œuvres du Louvre, nous avons entrepris de constituer une base de données des marquages connus pour les dépôts du Louvre. Enfin, il arrive aussi fréquemment que l’on doive identifier des œuvres non marquées. Il peut se faire, en particulier en archéologie, que les envois dans différents musées, à certaines époques, aient été stéréotypés, ce qui nous permet de « reconnaître » des types d’objets. Sur des œuvres uniques, il s’agit plutôt d’enquêtes documentaires et iconographiques postérieures au récolement in situ, dans les documentations scientifiques des départements, pour retrouver des œuvres repérées dans un musée en région et relevant par son attribution possible ou son appartenance éventuelle à une collection connue du Louvre. En 2011, ces études ont porté pour le territoire national sur les envois archéologiques à Vannes, Lons-le-Saunier et Lyon (musée des Beaux-Arts et musée des Confluences). Pour l’étranger, le récolement a été effectué dans l’ensemble des musées américains concernés par les dépôts antiques (Metropolitan Museum of Art à New York, Getty Museum à Los Angeles, Peabody Museum à Cambridge, Fine Arts Museum à Boston, Museum of Science de Buffalo et musée de l’université de Philadelphie) et dans certains musées allemands (musée Wallraf-Richartz à Cologne et département archéologique de l’université de Marbourg). Enfin, dans le cadre des dépôts du Louvre dans les musées nationaux, le récolement a été effectué au Musée national de céramique de Sèvres. Il faut noter que ce dossier sera finalisé en 2012. Par ailleurs, une étude très conséquente sur l’ensemble des dépôts antiques et des arts de l’Islam à Nantes a été finalisée en 2011. étude et publication des œuvres récolées La totalité des œuvres récolées font l’objet d’une étude scientifique sommaire dans le cadre des fiches de récolement de la base de données PICO. C’est notamment l’occasion de procéder, pour chaque objet archéologique, à une étude de ses matériaux, de ses techniques de production, de sa datation et de sa provenance archéologique. Cette étude est complétée par une bibliographie et une bibliographie de comparaison. En 2011, plus de mille deux cents œuvres ont été ainsi étudiées. Par ailleurs, dans le cadre des études approfondies des collections récolées destinées à être publiées, le service a finalisé l’étude pluridisciplinaire sur les momies d’Antinoé (voir RML 2010, p. 89-90) et poursuivi des études spécifiques sur les coiffures en textiles d’Antinoé et sur les chaussures en cuir. Toutes ces études paraîtront en 2013 dans l’ouvrage monographique que prépare le service sur l’ensemble des quatre mille œuvres d’Antinoë récolées dans plus de soixante-dix institutions françaises et européennes. Recherches historiques et juridiques du post-récolement 70 Les décisions juridiques et patrimoniales à prendre à l’issue d’un tel récolement (régularisations d’arrêtés de dépôt, transferts de propriété, inscriptions à l’inventaire du Louvre d’objets qui n’avaient qu’un numéro de fouilles, etc.) nous amènent à Service du récolement des dépôts antiques conduire des recherches historiques sur les contextes d’acquisition des collections et les contextes d’envoi de ces œuvres en région ou à l’étranger. En 2011, la recherche portant sur le statut des œuvres d’Antinoé a été menée à son terme dans sa partie consacrée au dépouillement d’archives. En 2012, un rapport de synthèse de cette étude archivistique sera finalisé. Ce dossier conséquent nous a permis de mettre au point un outil d’indexation des archives sélectionnées au sein d’une base de données CONSULTO qui inclut le document numérisé et l’indexe en fonction de noms propres, noms de lieux, dates, etc. Y. Lintz In 2011 the department responsible for the comprehensive verification of long-term loans of antiquities and Islamic arts pursued its scientific projects on the Louvre collections; these were carried out in the framework of the verification of the State’s long-term loans in conjunction with the CRDOA. For historical reasons, related to the collections’ transfer procedures and the organization of various verification entities in French museums (in 1997, when the CRDOA was established), the initial scope of the verifications carried out in the department concerned antiquities and Islamic art, which were at the time incorporated into the Department of Near Eastern Antiquities. The inventory review process has now evolved to include the Louvre’s long-term loans in other French museums; it also involves the graphic arts and full coordination with all the departments. It is worth mentioning that the department’s scope has expanded to include State collections that are not on permanent loan in the Louvre but are part of its patrimonial responsibility; a noteworthy example is the Campana collection. Another case falls within our competence: it concerns the collections of antiquities that once belonged to the Musée Guimet, which were transferred to the Louvre’s patrimonial responsibility in 1948, when the Musée Guimet became the Musée National des Arts Asiatiques. The department’s inventory reviews are quite separate from the decennial inventory reviews of the in situ collections, which are carried out by respective departments. The SRDAI carries out historical investigations into every transfer of the Louvre’s collections in France and abroad, which have regularly taken place ever since the Musée du Louvre was established; this work is therefore multi-faceted. It involves historical and archival research to identify the many sources of information relating to the transfers of works and archaeological objects by the Louvre to other institutions. The documents attesting to the movements of works are sometimes lacking in information; for example, they may take the form of a letter sent by the curator of a regional museum to their counterpart in the Louvre that acknowledges the receipt of the transfer of a lot of objects. Once this investigation is completed another phase will commence. The methods used to identify works that undergo inventory review To identify the works discovered in various historical documents attesting to the transfer of collections, it is necessary to visit the locations concerned. The research required to identify works takes three forms. Firstly, the history of the movements of the collections in institutions and towns or cities must be elucidated; hence, often works that were sent in the nineteenth century or beginning of the twentieth century to a municipal museum were then transferred—in the framework of museum restructuring—to another museum in the same town or city. For example, the Egyptian objects from the site of Antinoöpolis that were transferred at the beginning of the twentieth century to the Musée St Jean d’Angers are now in the Musée Pincée, and the same type of collections from Antinoöpolis that were sent to the Musée d’Histoire Naturelle in Perpignan are now held in the Musée Hyacinthe Rigaud. Our enquiries have sometimes revealed that the works were even retransferred to another town or city. La Rochelle retransferred works to La Roche-surYon, Cahors to Agen, Tournus to Roanne, and so on. Lastly, a museum’s collections (necessarily including the long-term loans) may have been temporarily moved to another site if the museum was closed for refurbishment. Sometimes, when works were returned to the museum, certain were “overlooked” and remained in the temporary institution. This is why tracking all the movements of works—sometimes for a period of more than 150 years—is a particularly revealing research project that enriches our knowledge of the history of the national collections on French territory. In the framework of our mission to identify objects, the second area of research focuses on the study of the markings and numbers associated with the objects. If a label or number present on a work can be identified with a series of known Louvre markings, it is necessarily part of the Louvre collections. To enrich our knowledge of markings that are specifically associated with the Louvre, we have started compiling a database that is shared by the different departments; all this information 71 Introductions will eventually be recorded. To date, we have compiled an initial catalogue of markings and numbers for the three departments of antiquities. We are also preparing a catalogue of the marks of the institutions where works were on loan, which are often present on works loaned by the Louvre. In any case, in the framework of the in situ departmental inventory reviews, they are systematically verified and photographed. Lastly, we frequently have to identify unmarked works: in archaeology, in particular, the artefacts transferred to various museums were sometimes stereotypical, which enables us to “recognize” certain types of object. Research on single artefacts involves documentary and iconographic investigations, carried out after the in situ verification procedures, in the departments’ scientific records, in order to locate works discovered in a regional museum that can perhaps be attributed to or connected with a specific Louvre collection. In 2011 these studies were carried out on French territory on archaeological transfers to Vannes, Lons-le-Saunier, and Lyon (Musée des Beaux-Arts and Musée des Confluences). The verification of transfers outside France was conducted in all American museums that were recipients of long-term loans of antiquities (Metropolitan Museum of Art in New York, Getty Museum in Los Angeles, Peabody Museum in Cambridge, Fine Arts Museum in Boston, Museum of Science in Buffalo and Philadelphia University Museum), and in certain German museums (Wallraf-Richartz Museum in Cologne and the Archaeological Department of the University of Marburg). Lastly, in the framework of the Louvre’s long-term loans in French museums, comprehensive inventory reviews were carried out in the Musée National de Céramique in Sèvres. Note that this project will be finalized in 2012. Finally, an in-depth study of all the long-term loans of antiquities and Islamic art in Nantes was completed in 2011. The study and publication of the verified works All of the verified works are described in summarized scientific articles in the verification descriptions in the PICO database. This provides a good opportunity to carry out a specific study of the materials, production techniques, dating and archaeological provenances of each archaeological artefact. Every study includes a bibliography and comparative bibliography. Therefore, in 2011 over 1,200 works were studied. Furthermore, in preparation for the publication of the researched and verified collections, the department has completed the multidisciplinary study of the mummies from Antinoöpolis (see the 2010 Bulletin de la Recherche) and pursued its specific studies of textile coiffures from Antinoöpolis and leather footwear. All of these studies will feature in the monographic publication (2013) the department is preparing on the ensemble of 4,000 artefacts from Antinoöpolis, which have been localized and verified in over seventy French and European institutions. Post-verification historical and legal research The legal and patrimonial decisions that need to be taken after the finalization of this verification procedure (regularization of loan documentation, property transfers, inscriptions in the Louvre’s inventory of objects that only had a dig number, etc.) have led us to conduct historical research into the circumstances of the collections’ acquisitions and the contexts in which objects were transferred to French regional institutions or abroad. In 2011 archival research on the status of works from Antinoöpolis was completed. In 2012 a summary report of this study will be finalized. This major project has enabled us to develop an indexation tool for archives selected in the CONSULTO database, which comprises the digitized document and indexes it according to proper nouns, place names, dates and so on. 72 Direction de la Politique des publics Service études et Recherche de la direction de la Politique des publics et de l’Éducation artistique L a direction de la Politique des publics et de l’Éducation artistique conduit un programme annuel d’études sur les publics et leurs pratiques, et un programme de recherche triennal qui vise à approfondir ou explorer des thèmes importants pour le développement des publics et pour l’évaluation des actions conduites en leur faveur. Le programme des années 2009-2011 était structuré autour de trois thèmes de recherche, développés conjointement entre le service Études et Recherche et des organismes d’enseignement et de recherche : la recherche sur les formes de médiation et les aides à la visite ; la recherche sur les publics « réels » et « virtuels » et leurs usages ; la recherche sur la valeur sociale, culturelle et économique du Louvre et des musées. Deux axes de recherche inscrits à ce programme ont particulièrement fait l’objet, en 2011, d’une valorisation de leurs résultats, en France et au niveau international (monde académique, professionnels de la culture, Commission européenne) : la recherche sur les pratiques « réelles » et « virtuelles » du Louvre, et la recherche sur les relations entre les musées et les municipalités en Europe, financée par l’Union européenne. Un nouvel axe de recherche a été développé en 2011, qui vise à approfondir la thématique – inédite au plan académique en France – de la générosité individuelle envers les institutions culturelles. Il a été inauguré en partenariat avec l’université Paris I Panthéon Sorbonne (Sophie Rieunier, maître de conférences, Institut d’administration des entreprises de Paris) et l’université de Brest (Bertrand Urien, professeur des universités, IAE de Brest). Cet axe vient compléter et approfondir un programme d’études conduit par le service Études et Recherche en partenariat avec la direction du Développement et du Mécénat (étude préalable à la création du Cercle des jeunes mécènes ; étude projective sur le don des particuliers ; étude exploratoire qualitative auprès des donateurs des Trois Grâces de Lucas Cranach l’Ancien). Les orientations de ce nouvel axe de recherche, qui a fait l’objet d’un article et d’une publication, seront complétées et validées par une enquête de terrain quantitative en 2012. Parallèlement, l’année 2012 sera consacrée à l’élaboration du programme de recherche sur les publics et leurs comportements, pour les années 2013-2015. A. Krebs The DPPEA conducts an annual programme of research on audiences and their behaviour, as well as a three-year research programme that aims to deepen or explore topics important to audience development and the evaluation of activities undertaken for the audience’s benefit. The programme for the years 2009–11 was organized around three research topics, developed jointly between the Studies and Research Department and other teaching and research institutions: research on the forms of mediation and visitor aids; research on the habits of “real” and “virtual” audiences; and research on the social, cultural and economic value of the Louvre and of museums in general. In 2011 the results of two particular research areas included in this programme were disseminated, both in France and internationally (academics, professionals in cultural fields, the European Commission). These research areas were the “real” and “virtual” activities of the Louvre, and the relationship between museums and municipalities in Europe, financed by the European Union. In 2011 a new area of research was developed which aims to explore a topic not previously addressed in France at the academic level, that of individual donations to cultural institutions. It was initiated in partnership with the University of Paris I – Panthéon Sorbonne (Sophie Rieunier, lecturer, IAE Paris) and the University of Brest (Bertrand Urien, professor, IAE Brest). This research complements and deepens a programme carried out by the Studies and Research Department in partnership with the Development and Sponsorship Department (a preliminary study with the view of creating a Young Patrons Circle; a predictive study of cultural donations by individuals; an exploratory qualitative study of the donors for the Three Graces by Lucas Cranach the Elder). The focus of this new field of research, which was the subject of a research article and a publication, will be complemented and validated by quantitative studies during 2012. At the same time, the focus for the year 2012 will be on the development of the audience behaviour research programme for 2013–15. 73 Antiquités orientales Antiquités égyptiennes Antiquités grecques, étrusques et romaines Sculptures Objets d’art Peintures Arts graphiques histoire du louvre musée national eugène Delacroix Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies Service du Récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam Service Études et recherche de la Direction de la politique des publics et de l’éducation artistique Travaux de recherche Travaux de recherche Antiquités orientales ŒUVRES La collection de tablettes « proto-élamites » au musée du Louvre (publication et réédition des textes) Projet suivi par Béatrice André-Salvini et Jacob Dahl (université d’Oxford) 76 L’écriture fut inventée vers le milieu du IVe millénaire avant J.-C. dans le sud de l’Iraq, d’où elle se diffusa rapidement vers le nord de l’Iraq et la Syrie et peut-être au-delà, et vers l’Iran. Les premiers exemples connus, de simples enveloppes d’argile contenant des jetons de comptabilité et portant des empreintes de ces calculi, ainsi que des tablettes couvertes de signes numériques, sont les précurseurs des véritables signes d’écriture représentant des objets et des idées, comme de l’écriture phonétique ultérieure. En Iran, ces premières attestations de la proto-écriture ne furent pas remplacées par des formes plus avancées de l’écriture proto-cunéiforme, mais par un système d’écriture iranien indigène. Bien que les inventeurs de ce système d’écriture, traditionnellement appelé proto-élamite (vers 3300-3000 avant J.-C.), aient adopté à la fois l’idée de l’écriture et plusieurs éléments du système de leurs voisins de Mésopotamie, ainsi que quelquesuns de ses signes, il évolua de façon complètement distincte. Cependant, le proto-élamite disparut aussi vite qu’il était apparu, sans laisser de trace notable sur les débuts de l’histoire de l’Iran. Des tablettes d’argile portant cette écriture ont été retrouvées principalement à Suse. Elles proviennent des fouilles menées par les missions archéologiques françaises, dirigées par le fondateur de la Délégation en Perse, Jacques de Morgan, puis par son successeur Roland de Mecquenem, au début du xxe siècle. La collection fut répartie entre le musée de Téhéran et le musée du Louvre. Un grand nombre de ces textes furent publiés en autographie et en photographie par le père Vincent Scheil – le déchiffreur du « Code des lois de Hammurabi » –, puis par Mecquenem lui-même dans la série des « Mémoires de la Délégation en Perse », devenus « Mémoires de la Délégation archéologique en Iran » (abrégés MDP), entre 1905 et 1949. Malgré la remarquable étude de Piero Meriggi La scrittura proto-elamica1, l’interprétation fondamentale de ce système d’écriture reste à faire. Le proto-élamite est le dernier système d’écriture du ProcheOrient ancien comportant un nombre important de documents qui soit encore indéchiffré. Sur environ mille sept cents textes retrouvés, plus de mille cent sont conservés au Louvre ; certains d’entre eux comportent plusieurs centaines de notations. De nouveaux textes ont été récemment découverts en Iran, à Tepe Sofalin, au nord du plateau Iranien, non loin de Téhéran (province de Veramin). Tous les textes proto-élamites sont de nature administrative, à l’exception de deux d’entre eux qui sont peutêtre des textes métrologiques-mathématiques (MDP 17, 328 : Louvre, Sb 22483 ; MDP 26, 362 : Musée national d’Iran) ; il est possible que l’absence de textes scolaires, qui constituent un trait essentiel de l’écriture en Mésopotamie depuis ses origines, ait contribué à la disparition de ce système d’écriture, en rendant impossible une standardisation de ses signes. Le contenu de certains textes peut être établi sur la base de parallèles avec les premiers textes mésopotamiens, ainsi que par une observation du fonctionnement propre à ce système proto-élamite, comme par exemple les rapports de proportion entre les produits énumérés2. Le proto-élamite nous offre une rare opportunité d’étudier les premiers développements et la diffusion d’une écriture. Au cours de sa brève existence, il semble que ses utilisateurs aient inventé un syllabaire pour écrire les noms de personnes3. Cependant, contrairement aux modèles habituels et compréhensibles de l’invention d’une écriture et de son développement4, la majorité des valeurs syllabiques paraissent avoir été inventées simplement pour cette finalité, et donc le syllabaire ne semble pas s’être développé de façon organique, à partir de logogrammes : voir par exemple les signes nos 4 et 218b dans Meriggi5. Comme pour toutes les tentatives de déchiffrement d’une écriture, la création de copies fiables des originaux (autographies) est une condition préalable pour réussir6. Malheureusement, dans l’editio princeps de ces textes – une grande majorité d’entre eux furent publiés par Vincent Scheil dans MDP VI (Paris, 1905), XVII (1923), XXVI (1935), et par Roland de Mecquenem, MDP XXXI (1949) –, les inscriptions sur les tranches ou le revers des tablettes furent souvent négligées et les signes ne furent pas toujours copiés avec un œil suffisamment exercé à repérer des différences graphiques minimes qui, dans bien des cas, se sont révélées indiquer également des différences sémantiques. Un exemple significatif est la tablette MDP 17, 081 + 347 (Sb 22232 + 22502, fragments joints par Piero Meriggi7). Ce texte est un compte de quantités de différents types de céréales (?) pour 10 plus 1 (?) employés. Un produit céréalier décrit par deux variantes graphiques du signe numéroté 50k par Meriggi (cité ensuite M50k) est répertorié dans le résumé du compte par une variante encore différente du même signe, ce qui laisse penser qu’il s’agit de simples variantes graphiques et non sémantiques. Les autres attestations des mêmes signes confirment cette observation (par exemple MDP XVII, 36). Alors que les variantes de M50 sont très semblables, il est plus surprenant de constater que des signes listés comme différents, par exemple M309a et M246m, sont en fait de simples variantes graphiques8. Cependant, là où les variantes du signe M50 étaient le résultat du manque de cohérence d’un scribe ou d’un petit nombre de scribes contemporains les uns des autres, les textes où l’on trouve les signes M309a et M246m sont distants dans le temps : M309a apparaît dans les textes attribués au niveau 16a de l’Acropole de Suse et M246m dans les textes attribués au niveau 14b, un peu plus récent9. Antiquités orientales Tablette en écriture proto-élamite, Suse (Iran), fouilles Roland de Mecquenem, fin du IVe millénaire avant J.-C., terre crue, département des Antiquités orientales (Sb 22273 et Sb 22502) Signes proto-élamites et leurs variantes, selon la numérotation de P. Meriggi Une nouvelle liste des signes doit donc chercher à les regrouper selon une classification sémantique plutôt que de se fonder simplement sur des ressemblances graphiques, ce qui fut le cas pour la majorité des listes de signes publiées jusqu’à maintenant10. Le projet en cours a pour but d’éditer les tablettes restées non publiées et les fragments conservés au Louvre (environ cent vingt-cinq), et de rééditer toutes les tablettes déjà publiées. Elles seront toutes illustrées, et des transcriptions digitales collationnées seront effectuées. Enfin, une nouvelle liste de signes sera établie. Un catalogue complet des textes et des transcriptions préliminaires ont été préparés et, en 2011, la mise en images des tablettes proto-élamites du Louvre a débuté. Pour ce faire, il a été décidé d’utiliser une méthode combi- Autographie par J. Dahl de la tablette en écriture proto-élamite nant un scanner normal plat pour une prise de vue rapide et normalisée de tous les objets, et une prise d’images par « camera-dôme » pour une reproduction de très grande qualité des 77 Travaux de recherche surfaces scellées ou abîmées et des objets importants11. Cette méthode, bien rodée pour la prise de vue d’objets, est plus efficace qu’une prise de vue en 3D, mais elle permet également au chercheur de reproduire virtuellement l’aspect de l’objet qu’il souhaite étudier. Elle a cependant le désavantage de créer des fichiers très lourds qui ne peuvent être mis en ligne facilement ; elle demeure donc un outil bien adapté à la recherche et doit être limitée, pour le moment, à la mise en images de surfaces difficiles ou d’objets importants. Le matériel digital qui sera produit grâce à l’utilisation de cette méthode pour mettre en images les tablettes proto-élamites du Louvre sera mis en ligne sur la page web du projet Cuneiform Digital Library Initiative (CDLI : <http://cdli.ucla.edu>), un programme de coopération international visant à rendre disponibles la forme et le contenu des sources textuelles de l’Antiquité syro-mésopotamienne et iranienne, pour les spécialistes et les lecteurs avertis. Un lien sera établi avec le site du Louvre. Notre souhait est que la mise en ligne du corpus entier des textes proto-élamites fasse progresser le déchiffrement de cette écriture. Les tablettes inédites et la liste des signes seront également publiées dans un livre. B. André-Salvini et J. L. Dahl 1. Meriggi (P.), La scrittura proto-elamica, 3 vol., Rome, Accademia nazionale dei Lincei, 1971-1974. 2. Pour un état de la question, voir Englund (R. K.), « The State of Decipherment of Proto-Elamite », dans Houston (S. D.), dir., The First Writing: Script Invention as History and Process, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 100-149, et Dahl (J. L.), « Early Writing in Iran, a Reappraisal », Iran, 47, 2009, p. 23-31. 3. Voir déjà Meriggi, op. cit., Parte Ia: La scrittura e il contenuto dei testi, 1971, p. 172-184 ; et récemment Dahl, loc. cit., p. 24-25. 4. Voir par exemple Gelb (I. J.), A Study of Writing: The Foundations of Grammatology, Chicago, University of Chicago Press, 1952. 5. Meriggi, op. cit., Parte IIa: Catalogo dei segni, 1974. 6. Voir Coe (M. D.), Breaking the Maya Code, Londres, Thames and Hudson, 3e éd., 2011, p. 257. 7. Meriggi, op. cit., Parte IIIa: Testi, 1974, 64 Ec 1 = B 81 + 347. 8. Voir Dahl (J. L.), « Animal Husbandry in Susa during the Proto-Elamite Period », Studi Micenei ed Egeo-Anatolici, 47, 2005, p. 81-134. 9. Pour la chronologie relative de l’époque proto-élamite, voir Dahl (J. L.), Petrie (C. A.) et Potts (D. T.), « Chronological Parameters of the Earliest Writing System in Iran », dans Petrie (C. A.), dir., Ancient Iran and its Neighbours: Local Developments and Long-Range Interactions in the 4th Millennium BC, sous presse. 10. Pour une approche dans cette direction, voir Meriggi, op. cit., Parte IIa: Catalogo dei segni, 1974. 11. Le camera-dôme est une partie d’un équipement photographique spécialisé consistant en un dôme équipé en lumière LED (dans ce cas, soixante-seize spots), avec un appareil photographique fixé au sommet. Un matériel informatique et un logiciel spéciaux permettent d’effectuer des prises de vue automatiques avec des expositions lumineuses individualisées. Un logiciel de traitement crée un modèle virtuel de l’objet partout où l’utilisateur peut mouvoir la lumière à sa surface (voir Earl (G.) et al., « Reflectance Transformation Imaging Systems for Ancient Documentary Artefacts » [Electronic Visualisation and the Arts (EVA 2011)] <http://ewic.bcs.org/content/ConWebDoc/40587>). 78 Proto-Elamite is the last remaining undeciphered writing system from the Ancient Near East with a substantial amount of textual material (we estimate a total of around 1,700 texts, with more than 1,100 of these kept in the Musée du Louvre; some of the texts have hundreds of entries). New texts have recently been unearthed at Tepe Sofalin in the Veramin province of Iran, close to Teheran. The content of all proto-Elamite texts is administrative, except for two possibly metro-mathematical texts (MDP 17, 328 [Sb 22483] and MDP 26, 362 [National Museum of Iran]), and it is possible that the lack of school texts, an essential feature of writing in Mesopotamia from the earliest periods, contributed to the collapse of the writing system by impeding standardization. Based on parallels with early Mesopotamian texts as well as internal arguments, such as ratios between products, the content of some texts is known.1 The proto-Elamite writing system offers us an unusual opportunity for studying the early development and spread of writing. In the course of its brief use, the practitioners of proto-Elamite seem to have invented a syllabary to write personal names.2 However, contrary to standard models of understanding script invention and development,3 a majority of the signs with syllabic values seem to have been invented solely for that purpose and the syllabary therefore appears not to have grown organically from logograms: see for example signs number 4 and 218b in P. Meriggi, La scrittura Proto-Elamica. IIa:catalogo dei segni, 1974. As with all other script decipherments the creation of reliable facsimiles of the originals is a prerequisite for a successful endeavor.4 Unfortunately, in the original publications (a vast majority of the texts were published in Vincent Scheil, Mémoires de la Délégation en Perse nos 6 [Paris, 1905], 17 [Paris, 1923], Mémoires de la Mission Archéologique en Perse 26 with Supplement [Paris, 1935], and Roland de Mecquenem, Mémoires de la Mission Archéologique en Iran 31 [Paris, 1949]) inscriptions on edges or backsides of tablets were often left out, and signs were not always copied with an eye to the minute graphical differences, which in many cases have been shown to represent semantic differences as well. MDP 17, 081 + 347 (Sb 22232+22502 Ec 1 = B 81 + 347) is a case in point.5 That text counts amounts of different types of cereals (?) for ten plus one (?) officials. In this text a cereal product described with two graphical variants of the sign given number 50k by Meriggi (in the following M50k, etc.) are summarized by yet a different variant of the same sign, suggesting that all are mere graphical and not semantical variants. The remaining occurrences of the same signs (for example MDP 17, 36) support this observation. Whereas the variants of M50 are very similar, it may be more surprising to find that the signs M309a and M246m, for example, are in fact also mere graphical variants.6 However, whereas the variants of M50 were the result of the inconsistency of one or at most a few contemporary scribes, the texts where M309a and M246m are found are separated by some length of time (M309a is found in texts ascribed to Susa Acropolis Level 16a and M246m in texts ascribed to level 14b).7 A new sign list should therefore seek to group signs according to semantic classification rather than being based purely on graphical similarities as has been the case with a majority of the previously published sign lists.8 The current project aims at publishing the remaining unpublished tablets and fragments kept in the Louvre (around 125), and to re-edit all of the previously published tablets. In this process all of the tablets will be imaged, and collated digital transliterations will be produced. Finally, a new sign list will be published. A complete catalogue and preliminary transliterations have been prepared, and in 2011 we began imaging the proto-Elamite tablets in the Louvre. For that purpose we decided to use a combined method of regular flatbed scanning for expedient and standardized capture of all objects, and “camera-dome” capture for extremely high-quality capture of sealed or deteriorating surfaces as well as high-impact objects.9 This well-tested method for capture of ancient objects is more cost-efficient than 3D capture, but also allows the scholar to reproduce virtually the way he would study the physical object in the collection. This data capture method, however, has the disadvantage of creating very large files which cannot be displayed well online with current technology; it remains, therefore, a tool particularly well suited for researchers and is best limited to difficult surfaces or high-impact objects only. The digital material that we produce will be placed online through the web pages of the Cuneiform Digital Library Initiative (CDLI see http://cdli.ucla.edu), a collaborative international project aimed at making the form and content of the ancient inscribed records of Syro-Mesopotamia and Iran available to both specialists and informal learners. The CDLI will link to the website of the Louvre. It is our hope that by making the entire corpus available online we will advance the decipherment of proto-Elamite. Antiquités orientales 1. Robert K. Englund, “The State of Decipherment of Proto-Elamite”, in Stephen D. Houston, ed., The First Writing: Script Invention as History and Process (Cambridge: Cambridge University Press, 2004), pp. 100–49 and Jacob L. Dahl, “Early Writing in Iran, a Reappraisal”, Iran 47, 2009, pp. 23–31. 2. Piero Meriggi, La scrittura Proto-Elamica. Parte Ia: La scrittura e il contenuto dei testi (Rome: Accademia nazionale dei Lincei, 1971), pp.172–84, and more recently, Dahl, “Early Writing in Iran”, pp. 24–25. 3. Ignace J. Gelb, A Study of Writing: the Foundations of Grammatology (Chicago: University of Chicago Press, 1952). 4. Michael D. Coe, Breaking the Maya Code (New York: Thames & Hudson, 2011), p. 257. 5. Joined by P. Meriggi, Parte IIIa: Testi, 1974, p. 64. 6. Jacob L. Dahl, “Animal Husbandry in Susa during the Proto-Elamite Period,” Studi Micenei ed Egeo-Anatolici 47, 2005, pp. 81–134) 7. For the chronology related to the Proto-Elamite period, see Jacob L. Dahl, C. A. Petrie, and D. T. Potts, “Chronological Parameters of the Earliest Writing System in Iran”, in C. A. Petrie, ed., Ancient Iran and its Neighbours: Local Developments and Long-Range Interactions in the 4th Millennium bc, forthcoming. 8. For an attempt on this direction, see Meriggi, Parte IIIa. 9. A camera-dome is a piece of specialized camera equipment consisting of a dome fitted with a number of LED lights (in our case, 76) and a fixed camera at the top. Special hardware and software allows for automatized capture with individual exposures of the light. Post-processing software creates a virtual model of the object where the light can be moved across the surface by the user (see Earl, G., et al., “Reflectance Transformation Imaging Systems for Ancient Documentation Artefacts”, Electronic Visualisation and the Arts (EVA 2011) <http://ewic.bcs.org/content/ ConWebDoc/40587>. Ebih-Il, nu-banda : contribution de la sculpture inscrite aux questions historiques et chronologiques du royaume de Mari au IIIe millénaire Projet suivi par Sophie Cluzan et Camille Lecompte (chercheur à l’université de Heidelberg) Ebih-Il : premiers résultats et perspectives À la suite de nos récentes recherches sur la statue d’Ebih-Il, nous avons exposé de nouveaux résultats relatifs à son histoire et à ses caractéristiques techniques, artistiques, iconographiques et philologiques (voir RML 2010, p. 182). Nos études ont été présentées dans le cadre d’un colloque international qui sera publié dans la revue Syria1, dans une monographie de la collection « Solo2 » ainsi que dans une exposition dossier3. Cette recherche a constitué le premier temps d’un programme plus vaste consacré à l’apport de la sculpture de Mari aux questions historiques et chronologiques soulevées par la ville du IIIe millénaire et sa région. Nouvelles données épigraphiques sur la statue d’Ebih-Il L’inscription de la statue d’Ebih-Il mentionne successivement l’objet offert, c’est-à-dire la statue, le nom du dédicataire, son titre administratif, désigné en sumérien par le terme nu-banda, la divinité à laquelle l’objet est dédié et le verbe « offrir ». Selon l’interprétation que l’on fait de la séquence de signes qui le transcrit, EN.TI-Il, émergent deux lectures possibles du nom du personnage. Une première lecture en Ebih-Il, « Ebih est dieu », se rapporterait à la montagne Ebih, à l’est de la Mésopotamie, tandis qu’une seconde interprétation en Yiddin-Il, un nom sémitique, s’avérerait cohérente avec la culture dans laquelle Mari était alors ancrée. La lecture en Ebih-Il semble néanmoins pouvoir être conservée puisque la graphie de cette montagne était connue des textes scolaires mésopotamiens également en usage à Mari. La charge de nu-banda (retranscrit selon les codes assyriologiques nu-banda 3 ) correspondait notamment à une fonction de commandement militaire et administrative. François Thureau-Dangin4 avait proposé de voir dans le nu-banda un intendant, ce que nous ne pouvons plus retenir aujourd’hui, le palais de Mari étant apparemment dirigé par un dignitaire dit ugula. En outre, la documentation mésopotamienne de l’époque indique que cette charge pouvait englober la gestion du patrimoine religieux, la collecte des offrandes sacrificielles, les distributions de tenures, le rationnement du personnel des temples, mais aussi un rôle plus strictement religieux. Statue vouée par Ebih-Il, nu-banda, à la déesse Ishtar Virile, albâtre, lapislazuli, coquille, bitume, Mari, temple d’Ishtar, Transition Dynastique archaïque – Akkad, vers 2330 – 2250 avant J.-C., département des Antiquités orientales (AO 17551) 79 Travaux de recherche Détail au dos de l’inscription de la statue d’Ebih-Il Relevé de l’inscription, par Camille Lecompte Ces attestations démontrent la probable polyvalence du nubanda et confirment qu’un tel dignitaire pouvait recevoir des responsabilités de premier plan au sein des cités. À Mari, lors de la période dite des Shakkanakku (xxiiie siècle – 1810), cette charge aurait par ailleurs pu désigner le prince héritier5, ce qui conforterait l’idée d’une position prééminente. Il est donc envisageable qu’Ebih-Il ait appartenu aux élites les plus significatives du royaume, proches ou membres de la famille royale, ce qu’on lie volontiers aux caractéristiques de sa statue. Les divers textes et inscriptions de Mari attestent l’existence d’autres nu-banda de rang vraisemblablement inférieur : d’une autre inscription lapidaire malheureusement fragmentaire est connu un certain Kin-Uri ; dans les textes administratifs publiés par Dominique Charpin sont énumérés des nu-banda anonymes dont la charge semble être plus simplement celle d’administrateurs et de chefs de divers services, par exemple responsables des murailles6, enfin, dans une archive récemment éditée par Antoine Cavigneaux, est nommé I-ku-I-šar, nu-banda7. 80 Une iconographie au service de l’expression d’un statut L’iconographie de la statue d’Ebih-Il associe position assise et mains jointes, selon une combinaison inhabituelle dans la statuaire mésopotamienne de l’époque. Assise dans le temple, lieu de la présence divine, cette effigie semble rompre le code comportemental de la hiérarchie tel que l’expriment les monuments qui rassemblent en une même iconographie l’humain et le divin. Cette rupture d’une norme où la position assise exprime la préséance est ici de surcroît appuyée par le geste du nu-banda : traditionnelles dans la statuaire votive humaine en pied, les mains jointes enroulées n’ont que très rarement été associées à la position assise8. À Mari, en dehors d’Ebih-Il, seule une statue inscrite au nom d’un roi de la ville, Iku-Šamaš, adopte cette même double posture, un caractère exceptionnel qui traduit l’appartenance de Mari à cette tendance générale observée dans la sculpture mésopotamienne en ronde-bosse. Enfin, les bas-reliefs mésopotamiens de l’époque la réservant aux êtres divins, la spécificité de cette attitude est évidente. Par la singularité de son effigie, Ebih-Il indique qu’il occupait une position très particulière dans l’ordre hiérarchique de la cité, s’octroyant une posture royale ou divine jusque dans le temple de la divinité. Les qualités matérielles, techniques et artistiques de sa statue renforcent l’impression d’un statut prééminent. Matériaux exceptionnels et dextérité de l’artiste ont été mis au service d’une image sensible et inspirée, où se lisent l’éveil et le plaisir que suscite l’échange avec le monde divin, apanage des élites. Comme le montrent certains textes, la qualité du don offert par le dédicataire augmente la joie de la divinité et conditionne l’établissement de ce lien privilégié et exclusif. Iconographie et caractéristiques artistiques invitent donc à confirmer l’appréciation que suggèrent les textes relatifs à la charge de nu-banda. Membre de la très haute élite, Ebih-Il jouissait d’une position de préséance munie de vraies prérogatives, jusqu’à rejoindre l’espace divin dans une position de partage avec les dieux. L’histoire de son effigie, restaurée dans l’Antiquité pour pouvoir être maintenue avec toute son aura dans le temple9, le confirme. Posture et fonction Les interrogations suscitées par le choix d’une posture exceptionnelle nous ont conduites à proposer de relier celui-ci à la fonction qu’exerçait Ebih-Il. Les incertitudes quant aux charges du nu-banda dans le cadre des structures politico-administratives de Mari nous ont permis d’avancer une hypothèse qui rende compte des spécificités de cette statue dans sa relation au divin comme aux autres personnages du temple. Dans cette proposition, qui repose sur l’adoption d’une chronologie basse pour la destruction de Mari – c’est-à-dire par Naram-Sîn d’Akkad plutôt que par son aïeul Sargon –, Ebih-Il aurait occupé la plus haute charge de l’État au cours d’une période de troubles consécutive au premier passage des troupes de l’empire, sous Sargon. La présence de cette statue dans le temple d’Ishtar Virile, divinité dont le lien à la guerre et au pouvoir semble devoir se confirmer, pourrait appuyer cette hypothèse. On notera toutefois que cette proposition repose sur l’idée que cette effigie était placée à l’origine dans le lieu saint de ce temple et qu’elle y était mise en présence de statues d’autres membres de la société. Ce présupposé, dont nous avons discuté, sera prochainement réévalué à la lumière de l’étude globale du contexte archéologique de ce secteur et de l’ensemble des données matérielles et épigraphiques disponibles10. Ebih-Il et la chronologie de Mari La situation chronologique d’Ebih-Il demeure d’autant plus difficile à déterminer avec précision qu’il subsiste une incertitude sur la datation de la destruction de Mari et, par là, de la lignée royale connue dans les inscriptions. Nous avons déjà évoqué dans nos précédentes études la possibilité qu’Ebih-Il ait vécu plus tard que ne le laisse penser la reconstitution chronologique généralement admise par les philologues, et notamment au début de l’ère ak- Antiquités orientales Statue du roi Ishgi-Mari, vouée à la déesse Ishtar Virile, calcaire, Mari, temple d’Ishtar, Transition Dynastique archaïque – Akkad, vers 2330-2250 avant J.-C., musée d’Alep Réparation antique de la statue d’Ebih-Il, reconstitution Sophie Cluzan, dessin Élise Devidal kadienne. Depuis l’article de Biga et Archi11, on estime en effet, en dépit des profondes incertitudes qui planent sur la succession des événements politiques, que la ville d’Ebla fut détruite par Mari à la fin du Dynastique archaïque (vers 2350 avant J.-C.), tandis que Mari aurait connu le même sort du fait de Sargon quelques années plus tard ; de cette reconstitution, il découlerait qu’Ebih-Il aurait servi sous les derniers rois de Mari, juste avant la fin brutale de la cité syrienne. Mais, dans la mesure où la destruction de Mari peut également être attribuée au petit-fils de Sargon, Naram-Sin, nous ne pouvons exclure que le nu-banda Ebih-Il ait vécu à une date postérieure et ait été contemporain de Naram-Sin, voire ait connu les souverains akkadiens. Nous voudrions ici brièvement suggérer quelques nouveaux éléments de réflexion qui, bien qu’extérieurs à Ebih-Il, sont susceptibles d’éclaircir la position chronologique de ce dernier. La présence, dans les inscriptions de la statue vouée à Iku-Šamaš et dans celle d’Išqi-Mari, du titre sumérien dit ensi2-gal d’Enlil, divinité tutélaire de Nippur, laisse penser que les deux rois se seraient succédé dans un intervalle plus proche qu’on ne l’estime en général et à une période tardive dans le Dynastique archaïque. Ce titre religieux n’est en effet attesté dans les titulatures des souverains de Mésopotamie méridionale que dans des inscriptions de Lugalzagesi et de Sargon, tandis que les souverains de la première dynastie de Lagaš se disent quant à eux, logiquement, ensi2-gal de Ningirsu12. Il se pourrait que les règnes d’Iku-Šamaš et Išqi-Mari d’une part et ceux de Lugal-zagesi et Sargon aient été contemporains les uns des autres, laissant donc ouverte la possibilité qu’Ebih-Il ait vécu au début de l’ère sargonique. Nouvelles perspectives de recherche Nous avons discuté des hypothèses qu’autorisait la présence d’un signe13 incisé à l’endroit du nombril d’Ebih-Il, ainsi que de sa possible cohérence avec le nom du personnage et l’idiosyncrasie de sa statue. Cependant, la question de savoir à quel moment ce signe a été incisé reste posée et fera l’objet d’une réévaluation. Contemporain de la mise en œuvre de la statue, il pourrait être une affirmation par Ebih-Il de ses origines étrangères. Postérieur, il pourrait être l’écho d’un changement d’appréciation du personnage, consécutif à un revers de fortune ou à sa disparition, selon une tradition que d’autres statues mésopotamiennes sembleraient attester. Cette question est intimement liée à la problématique du contexte de la découverte de la statue, dont on rappellera ici qu’il est également celui de la statue du roi Ishgi-Mari. 81 Travaux de recherche Nos recherches sur la statue d’Ebih-Il se poursuivront par ailleurs à la lumière des données que livrera l’étude des autres statues des temples de Mari. Nos travaux se porteront dans un premier temps sur la statue du roi Ishgi-Mari, qui partage avec Ebih-Il un certain nombre de caractéristiques. Dans cette étude, en vertu des nouveaux éléments issus de nos recherches, l’ensemble de la statuaire en provenance du temple d’Ishtar Virile retiendra spécifiquement notre attention. D’autre part, l’une des perspectives que l’on souhaiterait prolonger résiderait dans l’étude de la chronologie à travers la comparaison plus détaillée des formulaires, c’est-à-dire des expressions standardisées, employés dans les inscriptions lapidaires de Mari14. Si l’on peut désormais proposer de nouvelles séquences en vertu de l’homogénéité de ces mêmes formulaires, notamment une succession rapprochée des rois Iku-Šamaš, Iku-Šamagan et Išqi-Mari, la statue d’Ebih-Il, qui se distingue par certaines particularités philologiques, légitime de définir ce personnage en un contexte historique propre. S. Cluzan et C. Lecompte 1. « Le nu-banda Ebih-Il, nouvelles perspectives historiques », dans Actes du colloque « Mari, ni ouest ni est », à paraître dans un numéro spécial de la revue Syria, 2012, 55 p. 2. Ebih-Il, Paris, musée du Louvre éditions et Somogy (Solo), 2011. 3. « Ebih-Il, nu-banda », Actualités du département des Antiquités orientales, 18, décembre 2011 – 20 janvier 2013, exposition accompagnée d’un feuillet de 8 pages. Un article publié dans la revue Grande Galerie, no 18, en décembre 2011, présente également ces nouveaux éléments. 4. Thureau-Dangin (F.), « Inscriptions votives sur des statuettes de Mari », Revue d’assyriologie, 31, 1934, p. 137-144, ici p. 143 F. 5. Durand (J.-M.), « La situation historique des Šakkanakku : nouvelle approche », MARI, 4, 1985, p. 147-172, ici p. 151, note 27. 6. Charpin (D.), « Tablettes présargoniques de Mari », MARI, 5, 1987, p. 65-127, ici p. 79, texte 20. 7. Cavigneaux (A.), « Nouveaux textes de Mari, ville II (Campagnes de 1998 à 2007) », dans Actes du colloque « Mari, ni ouest ni est », op. cit. : texte 6. 8. Nos recherches sur la statuaire mésopotamienne présargonique ont démontré ce point. 9. Cluzan (S.) et Lecompte (C.), dans Ebih-Il, op. cit., p. 12-13. 10. Nous avons en effet indiqué que cette statue avait été retrouvée dans un espace dont le lien au temple n’est pas assuré. L’intégralité du secteur et du temple lui-même sera reprise dans une étude à paraître (Jean-Claude Margueron et Sophie Cluzan). 11. Archi (A.) et Biga (G. M.), « A Victory over Mari and the Fall of Ebla », Journal of Cuneiform Studies, 55, 2003, p. 1-44. 12. Frayne (D. R.), The Royal Inscriptions of Mesopotamia Early Periods: Presargonic Period (2700-2350 BC), Toronto, University of Toronto Press, 2008, p. 435, E1. 14. 20. 1, col. i, lignes 15-16, et Frayne (D. R.), The Royal Inscriptions of Mesopotamia Early Periods: Sargonic and Gutian Periods (2334-2113), Toronto, University of Toronto Press, 1993, p. 10, E2. 1. 1. 1, l. 10-11. 13. Ce substantif est pris ici dans son acception générale, ne sous-entendant pas de relation à l’écriture. 14. Ces perspectives furent notamment présentées lors du séminaire d’Histoire et d’Archéologie des mondes orientaux (SHAMO) : Camille Lecompte, « Lugal.dingir.kalam et les inscriptions votives de Mari », le 15 février 2012. 82 Recent research on the statue of Ebih-Il from Mari has focused on the artistic, iconographic and material qualities of the statue as well as its inscription. The results have led the authors to reconsider the place of that individual within the social, political and historical context of the kingdom of Mari during the controversial transition period between the Archaic Dynasty and Akkad. The position he occupied has been clarified with reference to contemporaneous Mesopotamian texts, and his name has been the subject of debate. The iconography of the statue was also compared to Syro-Mesopotamian works generally, which made it possible to affirm its exceptional character. All these new data have led the authors to inquire into the chronological place Ebih-Il may have occupied. A late date—the start of the Akkad period—is being proposed on the basis of his iconography and the post he occupied. This hypothesis relies on the data provided by other lapidary inscriptions from Mari. A research program will pursue all these chronological and historical debates. Le costume royal mésopotamien dans les collections du musée du Louvre Projet suivi par Ariane Thomas Entendu comme l’ensemble des éléments susceptibles d’être portés, le costume est un objet quotidien indispensable à tous1. En outre, il témoigne souvent du statut de celui qui le porte et peut à ce titre représenter un moyen d’expression de son pouvoir. En fait, le costume véhicule de manière réfléchie ou subliminale une multitude de discours sur les personnes, les sociétés dans lesquelles elles évoluent et leur époque. Il s’agit donc d’une question fondamentale pour mieux connaître l’ancienne Mésopotamie, tant d’un point de vue pratique, s’agissant de l’apparence concrète des Mésopotamiens, que de manière plus théorique, concernant les usages et les significations implicites ou explicites qui lui étaient associés. Le sujet prend en outre une résonance particulière dans la mesure où les productions textiles, qui sont une des composantes majeures de l’habillement, étaient l’un des fondements de l’économie locale mésopotamienne. L’importance du costume en général et sa place essentielle dans l’économie et l’univers palatial de l’ancienne Mésopotamie en font un sujet extrêmement vaste, à la fois très documenté et mal connu. En effet, les sources iconographiques et épigraphiques évoquent abondamment le costume mésopotamien, mais de manière fragmentaire, souvent partielle et difficile à interpréter. Par ailleurs, la conjugaison du temps et du climat a conduit à la perte irrémédiable de la quasi-totalité des attestations matérielles de ce costume. Seuls de très rares vestiges ont été retrouvés, car le climat mésopotamien se prête mal à la conservation des matériaux organiques tels que les textiles ou le cuir, qui constituaient la majeure partie des pièces du costume. En outre, hormis certains vestiges d’importance souvent mineure, la plupart des bijoux et des autres éléments de la parure ont eux aussi disparu, emportés en butin ou fondus. C’est néanmoins par la réunion des trois sources documentaires que sont les textes antiques, les vestiges matériels et les monuments figurés que nous avons pu dresser un aperçu général et le plus complet possible de ce qui s’est porté dans la sphère royale en Mésopotamie pendant près de deux mille ans, entre l’avènement de la dynastie d’Akkad et la chute de l’Empire néobabylonien (vers 2340 – 539 avant J.-C.). La confrontation de ces documents complémentaires a permis de déterminer, dans la mesure du possible, non seulement ce qui pouvait faire partie du costume royal en Mésopotamie mais aussi la façon dont se présentaient les pièces vestimentaires, la manière dont elles pouvaient être faites, l’identité de ceux qui les portaient, à quels Antiquités orientales moments et dans quelles circonstances. La mise en œuvre de tableaux récapitulant les données recueillies a également permis d’identifier certaines combinaisons des différentes pièces de la garde-robe royale mésopotamienne. Nous avons par ailleurs essayé de comprendre les usages et les significations implicites du costume royal mésopotamien, en nous appuyant tout particulièrement sur les mentions écrites à ce sujet. En dépit de certaines lacunes comblées par le recours à d’autres œuvres, la très riche collection mésopotamienne du département des Antiquités orientales a constitué le socle fondamental en matière d’iconographie qui nous a permis de mener à bien cette synthèse inédite sur le costume royal dans l’ancienne Mésopotamie. A. Thomas 1. Les premières études ont été menées dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’université Paris IV Sorbonne, rendue en octobre 2011 et soutenue le 12 janvier 2012. The rich Mesopotamian collection of the Department of Near Eastern Antiquities was the basis for a comprehensive study—the subject of a doctoral thesis—of the clothing worn in Mesopotamian royal circles between approximately 2340 and 539 bc. This work proceeded by gathering together, as much as possible, figurative monuments, ancient texts, and material vestiges relating to the royal costume of ancient Mesopotamia. La glyptique du IIIe millénaire Projet suivi par Françoise Demange Le fonds de glyptique du département des Antiquités orientales regroupe plus de quatre mille cachets, sceaux cylindres et empreintes antiques dont les dates s’échelonnent du VIe millénaire avant J.-C. à la période de l’Empire sassanide (224-639 après J.-C.). À côté des séries de sceaux découvertes lors des fouilles menées en Orient par des missions archéologiques françaises et qui ont fait l’objet de publications récentes, tout un pan de la collection est formé de documents qui ont été achetés, légués ou donnés, depuis le milieu du xixe siècle. Le catalogue Delaporte les répertorie jusqu’en 1920. Depuis, ces acquisitions ont été publiées souvent isolément, tandis que d’autres sont restées inédites. Le catalogue raisonné qui regroupe ces mille huit cents documents est en préparation et offre l’occasion de mener des recherches sur l’iconographie des sceaux. Ces recherches, qui s’appuient sur les acquis récents de l’archéologie, s’inscrivent dans l’évolution de l’interprétation proposée pour ces motifs, en particulier à la fin du IIIe millénaire, et tendent à souligner l’importance de la signification propitiatoire de l’imagerie, où mythes, idéologie politique, mais aussi croyances populaires apparaissent étroitement mêlés. Ce travail débouchera aussi sur une étude plus spécifique des matériaux des sceaux à l’époque d’Agadé en collaboration avec le C2RMF en 2012. F. Demange The glyptic collection of the Department of Near Eastern Antiquities contains more than 4,000 ancient seals—cylinders and imprints—with dates ranging from the sixth millennium bc to the time of the Sassanid Empire (ad 224–639). Alongside the previously published seals discovered during excavations conducted in the Orient before 1939, an entire section of the collection consists of documents purchased, bequeathed or donated since the mid-nineteenth century. The catalogue raisonné in preparation gathers together these acquisitions, often published alone or never previously published. Les collections du IIIe et du début du IIe millénaire liées au monde transélamite et à la civilisation de l’Oxus au département des Antiquités orientales Projet suivi par Agnès Benoit Le catalogue des antiquités du monde transélamite et de la civilisation de l’Oxus est un chantier de longue durée puisqu’il implique l’étude de près de cinq cents pièces. Il est en cours depuis plusieurs années : la sélection des œuvres concernées est terminée et chacune d’elles est pourvue de sa fiche technique. L’année 2011 a été consacrée au choix du mode de classement le plus pertinent. Après que plusieurs pistes ont été explorées, l’organisation retenue est celle d’un classement typologique, car c’est l’approche qui soulève le moins de problèmes. En effet, de nombreuses pièces étant sans provenance précise, il serait délicat d’avoir pour premiers cadres de rangement des attributions géographiques ou chronologiques, qui ne peuvent apparaître qu’au terme d’une étude comparée avec du matériel pourvu d’un contexte. Les objets seront subdivisés selon les groupes suivants : les sceaux qui représentent l’ensemble le plus important, les objets liés à la toilette et aux soins du corps, les parures, la statuaire, les récipients, les armes, les supports circulaires et les trompettes, avec pour chacun des sous-rubriques, pour une période s’étendant de 2600 à 1700 avant J.-C. Des réflexions thématiques très variées sur la mythologie, sur les espèces animales privilégiées dans l’iconographie, sur la chasse, sur l’importance de certains matériaux, sur l’intérêt qui commence alors à se manifester pour la beauté physique et le souci de l’apparence, etc., viendront interrompre le cours un peu monotone et énumératif des descriptions d’œuvres et proposer une compréhension plus synthétique d’un territoire géographique dont les cultures et les civilisations restent encore d’un abord assez confidentiel. A. Benoit The catalogue of antiquities from the trans-Elamite world and the Oxus civilization includes nearly five hundred pieces. The organizational system selected is typological classification, since that approach elicits the fewest problems. In fact, since many pieces are without precise provenance, it would be a tricky matter to have geographical or chronological attributions as the initial classification categories, since they can emerge only at the end of a comparative study with material for which a context is supplied. The objects, covering a period between 2600 and 1700 bc, will be subdivided into the following groups: seals, which represent the largest set; hygiene or toiletry articles; jewellery; statuary; receptacles; weapons; circular stands; and trumpets. Each group will also have subdivisions. Thematic considerations will facilitate a more synthetic understanding of a geographical territory whose cultures and civilizations are still relatively inaccessible. 83 Travaux de recherche Étude et publication des collections du département des Antiquités orientales liées au culte de Jupiter d’Héliopolis (Baalbek, Liban) Projet suivi par Nicolas Bel Dans le cadre de la préparation du nouveau parcours muséographique consacré à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER), un réexamen global de la documentation concernant les représentations des divinités héliopolitaines a été entrepris (voir RML 2010, p. 22, 179). Le corpus comprend une trentaine d’œuvres : figurines de bronze, parfois doré, autels en calcaire ou en marbre, plaquettes votives en plomb, stèles ou rondes-bosses, intailles. Si l’importance du sanctuaire d’Héliopolis (Baalbek, Liban) a largement dépassé les frontières des provinces orientales de l’empire, les objets héliopolitains du Louvre proviennent uniquement des régions libanaises (et d’Antioche-sur-l’Oronte pour un autel). Leur étude semble confirmer une grande cohérence dans les repré- sentations : l’iconographie en usage durant l’époque impériale a été préalablement stabilisée. Les axes de la recherche en cours sont les suivants : confirmation du caractère superficiel de l’influence égyptienne sur le culte héliopolitain ; détermination des éléments iconographiques indigènes, dans le contexte ethnique et politique de la Beqaa romaine ; enfin, constitution du socle astronomique et astrologique sur lequel s’appuie le culte à partir du iie siècle après J.-C. Une publication consacrée au « bronze Sursock » (AO 19534), la plus célèbre des représentations de Jupiter d’Héliopolis, est prévue dans la collection « Solo » en 2012. N. Bel Within the context of preparing the new rooms devoted to the Eastern Mediterranean zone of the Roman Empire, a comprehensive study has been conducted on the set of objects linked to the cult of Heliopolis (Baalbek, Lebanon) housed at the Louvre. These objects, all from Lebanese regions, make it possible to shed light on the iconographic complexity of the representations and on the importance of astrology in the theology of the sanctuary. A publication in the Solo series is planned for September 2012. MATÉRIAUX ET TECHNIQUES La polychromie des ivoires d’Arslan Tash (Syrie) Projet suivi par Élisabeth Fontan, et Marie Albéric et Ina Reiche (C2RMF et Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale, UMR 8220 CNRS – Université Pierre et Marie Curie) 84 Au cours de l’étude des ivoires d’Arslan Tash, une attention particulière a été apportée à la polychromie. Elle consiste en incrustations colorées, dorure et peinture. Une première étude, ponctuelle, a été effectuée en 2006 au C2RMF par Sandrine Pagès. Il était demandé de préciser la composition de l’incrustation dans l’œil du sphinx AO 11497 et d’élucider l’origine de la couche violette apparaissant en dessous ou à la place de la feuille d’or sur la plaquette représentant la vache léchant son veau AO 11452. Les analyses par microsonde Raman ont attesté la présence de bleu égyptien dans l’incrustation, mais elles n’ont pu déterminer la nature de la couche violette, qui n’est pas une préparation comparable au bol arménien utilisé plus tard. L’analyse de la dorure par fluorescence X a montré qu’il s’agissait d’or pur. À la suite de l’examen, sous divers grossissements et en lumière UV, de l’ensemble des ivoires d’Arslan Tash en vue de la publication du catalogue, un programme de recherche a été établi pour confirmer ou préciser les observations suivantes. Des zones de couleur rouge apparaissent sur un certain nombre d’ivoires, essentiellement les plaquettes à décor végétal – fourrés de papyrus, frises de lotus – ou géométrique – tresses, frises de losanges… –, ainsi que sur le disque ailé conservé au musée d’Alep. Il a été remarqué que, dans les zones colorées en rouge, la surface de l’ivoire est altérée, comme gercée, sans doute sous l’effet du pigment ou du liant. Ce qui permet de supposer que certaines zones non colorées mais présentant le même état de surface étaient à l’origine peintes. C’est le cas notamment du triple cadre des dames à la fenêtre. De plus, une couleur brun verdâtre est nettement visible sur les têtes de lion, sur les babines, le mufle et au-dessus des yeux. Une série de quatorze objets du Louvre a été analysée par le C2RMF en 2010 sous la direction d’Ina Reiche, Katharina Müller et Dounia Large. L’origine de la couleur violette a pu être déterminée par spectrocolorimétrie : elle est due à la présence d’or colloïdal probablement formé par une altération, mais le processus n’est pas totalement expliqué. Sur les zones colorées ont été mises en évidence des traces de cuivre et de fer, les pigments à base de cuivre donnant du bleu ou du vert, ceux à base de fer une gamme de couleurs allant du jaune ou rouge. Ponctuellement, de l’hématite a été détectée, indiquant la couleur rouge. Les premiers résultats ont été présentés à l’International ArBoCo Workshop intitulé « Vers une meilleure compréhension et préservation des matériaux osseux archéologiques et historiques », qui s’est tenu au C2RMF du 1er au 3 décembre 20101. En 2011, une seconde tranche d’analyses portant sur huit objets a été effectuée pour compléter ces résultats. Les ivoires ont été observés à la loupe binoculaire et en photographie UV et analysés par spectroscopie, diffraction et radiographie X. Il a été constaté que, de façon systématique, l’aspect « gercé » de la surface était dû à la présence d’un pigment, comme on a pu le vérifier sur le triple cadre des dames à la fenêtre. Il n’a pas été possible de déterminer si cette altération était causée par le pigment ou s’il s’agissait d’une préparation permettant une meilleure adhérence de la couleur. Parallèlement, grâce à la coopération de nos collègues du Badisches Landesmuseum à Karlsruhe, Clemens Lichter, conservateur des Antiquités, et Andrea Wähning, restauratrice, une série d’analyses portant sur douze ivoires a été effectuée pour confirmer les indices de la polychromie. Les travaux ont été menés Antiquités orientales Clous de fondation néo-sumériens comportant des traces de tissu Projet suivi par Ariane Thomas, en collaboration avec : au C2RMF1, Noëlle Timbart (conservateur), Dominique Robcis (chef de travaux d’art) et Jean Marsac (responsable des radiographies) ; au musée du Quai Branly, Christophe Moulhérat (chargé d’analyses des collections et référent textile) ; Christine Pariselle (restauratrice) Tête de lion en ronde-bosse, Arslan Tash (Syrie), viiie siècle avant J.-C., département des Antiquités orientales (AO 11490) en collaboration avec Rolf Simon à la ligne de fluorescence X du synchrotron ANKA de Karlsruhe. Les cartographies X ont notamment permis de révéler des traces de cuivre sur des zones proches des sourcils sur la tête de lion du Badische Landesmuseum, indiquant la présence probable d’un pigment à base de cuivre sur des zones plus larges que celles visibles à l’œil nu. La synthèse des résultats obtenus est en cours, ainsi que leur interprétation dans le contexte archéologique. Des analyses supplémentaires, à la fois sur d’autres objets ou par d’autres techniques, toujours non invasives, permettant notamment la mise en évidence de traces de noir, viendront enrichir ces données. É. Fontan 1. Voir Fontan (É.) et Reiche (I.), « Les ivoires d’Arslan Tash (Syrie) d’après une étude de la collection du musée du Louvre : mise en œuvre du matériau, traces de polychromie et de dorure, état de conservation », Archéosciences, revue d’archéométrie, 35, 2011, p. 283-295 ; voir aussi RML 2010, p. 19-20. For the study of ivories from Arslan Tash, particular attention was given to polychromy, which consists of coloured incrustations, gilt and paint. Analyses were conducted at the C2RMF on twenty-four works from the Louvre collection, using spectroscopy, diffraction and X-radiography. They revealed the presence of traces of copper and iron: the copper-base pigments produce blue or green, those with an iron base give a spectrum of colours ranging from yellow to red. Here and there hematite was detected, indicating the colour red. It was observed that the “chapped” appearance of the surface is systematically due to the presence of a pigment like that which is presumed to have been used for the triple frame of the women at the window. The analysis of the gilt by X-ray fluorescence showed that it was pure gold. As for the violet colour that appears at the site of the gilt, spectrocolorimetry determined that it is due to the presence of colloidal gold, probably formed by decomposition. But the process is not completely explained. At the same time, analyses dealing with twelve ivories from the Badisches Landesmuseum were conducted via X-ray fluorescence imaging by the ANKA synchrotron in Karlsruhe. A summary of the results obtained is underway, along with their interpretation within the archaeological context. Une étude a été entreprise entre octobre et décembre 2010 sur un clou de fondation néo-sumérien (AO 76) ; elle devrait se développer dans le cadre d’une recherche sur les textiles. Des radiographies ont permis de documenter la manière dont le clou avait été fait et de proposer des hypothèses concernant son aspect d’origine. Une analyse approfondie à la loupe binoculaire, à l’aide de l’appareil vidéomicroscope numérique 3D Hirox ainsi qu’avec une caméra Dino Lite, a permis d’identifier des restes de feuille d’or et d’examiner en détail les différents vestiges visibles à la surface de l’œuvre, à savoir tant des restes de textile minéralisé qu’une couche énigmatique pouvant éventuellement correspondre à une matière décomposée ou à un produit qui était peut-être appliqué sur le tissu, comme en témoignent certains textes mésopotamiens. Cet objet fait partie d’un ensemble de dix clous de même type conservés dans la collection du département et très comparables à une trentaine d’autres exemplaires dans le monde. Toutefois, seul un autre clou de la collection a conservé des traces notables de textile. À ce stade, le projet consiste dans un premier temps à établir précisément la nature du textile et tout ce qui pourra être réuni à son sujet grâce au dossier d’imagerie scientifique déjà constitué et à l’analyse en cours d’un microprélèvement par Christophe Moulhérat, spécialiste des textiles antiques. Il s’agira ensuite d’étendre les examens et analyses effectués à l’ensemble des clous, en s’attachant particulièrement aux deux exemplaires ayant davantage conservé leur état de surface. Une collaboration avec le laboratoire IPANEMA (Institut photonique d’analyse non destructive européen des matériaux anciens) permettrait d’étudier plus en détail ces textiles minéralisés, voire de détecter des restes non minéralisés. S’agissant de la couche dite énigmatique, certaines hypothèses formulées à l’appui de l’étude historique pourraient être vérifiées en laboratoire. Parallèlement à cette étude, une restauration légère devrait permettre de passiver ponctuellement les points de corrosion active présents sur certains clous, sans en altérer la surface. A. Thomas 1. Pour rappel, le C2RMF, le musée du Quai Branly et le laboratoire IPANEMA sont membres du Labex Patrima. In collaboration with the C2RMF teams, Christophe Moulhérat, analyses manager of the textile reference collections at the Musée du Quai Branly, and Christine Pariselle, restorer, an ongoing study of a metal neoSumerian foundation nail has already made it possible to better understand the production technique and some of the marks visible on the surface. A thorough study extending to nails from the same set, which have also preserved more or less mineralized traces of organic material, should lead to a determination of the exact nature of these vestiges. 85 Travaux de recherche Antiquités égyptiennes ŒUVRES Nouvelles découvertes sur un chef-d’œuvre du département égyptien du Louvre, la « tête Salt » Projet suivi par Christophe Barbotin 86 Le buste connu comme la « tête Salt » (N 2289), d’après le nom du consul d’Angleterre en Égypte Henry Salt, dont Champollion fit acheter la collection par le Louvre en 1826, a toujours été une œuvre mystérieuse du fait de sa très grande singularité : en calcaire peint, il représente un homme aux cheveux ras, grandeur nature, au visage extrêmement osseux et dissymétrique, légèrement tourné vers la gauche, avec une découpe arrondie au niveau de la poitrine. D’abord daté de l’Ancien Empire, il fut ensuite rattaché à l’époque amarnienne (xive siècle avant J.-C.) par Müller Feldmann dans un article paru en 1938, datation peu ou prou retenue jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, force est de reconnaître que ce parti, fondé sur un certain nombre de comparaisons de détails, se heurte au fait qu’aucune œuvre amarnienne ne lui est comparable dans sa globalité. La découpe arrondie soulève elle-même d’embarrassantes interrogations car elle demeure sans exemple dans l’Égypte ancienne, où est née pourtant la forme plastique du buste en tant que telle. Une étude a donc été entreprise pour vérifier l’authenticité de la sculpture, en étroite collaboration avec le C2RMF. Son démontage a ainsi permis de mettre en évidence un tenon arasé, preuve qu’elle a été conçue dès l’origine comme un élément de complément ou de restauration pour une statue assise, d’après l’absence d’appui dorsal. La découverte d’un voile de calcite répandu sur l’ensemble de la surface de l’œuvre, tenon excepté, mais sous la peinture, a permis d’établir qu’elle avait été restaurée dans l’Antiquité, à l’époque ptolémaïque d’après la composition du mortier, dont il subsiste des traces sur la surface de pose et dans le trou d’agrafe percé en haut du dos. Tout cela écarte définitivement l’hypothèse d’une contrefaçon du xixe siècle, d’autant que l’analyse de la pierre a montré que celle-ci provenait de Moyenne-Égypte. Tête d’homme, dite « tête Salt », vue de face, département des Antiquités Tête d’homme, dite « tête Salt », vue de dos égyptiennes (N 2289) Antiquités égyptiennes Statue de Montouhotep, vue de face, département des Antiquités égyptiennes Statue de Montouhotep, vue de dos (A 123) Reste donc à proposer une datation. L’hypothèse amarnienne ou post-amarnienne se heurte à plusieurs obstacles. D’abord, la taille naturelle de la tête, que l’on a beaucoup de mal à insérer dans un corpus de statues privées, lequel est singulièrement réduit sous le règne d’Akhenaton ; à cette époque, en effet, la statuaire privée disparaît presque complètement au profit de l’omniprésence de la famille royale induite par la religion d’Aton. Ensuite, la prééminence totale de la structure osseuse, qui détermine l’identité de ce chef-d’œuvre et lui donne un aspect brut très éloigné des canons de douceur et de souplesse caractéristiques de l’art amarnien, excepté le cas particulier des colosses de Karnak ; on peut même dire que ce critère détonne dans l’ensemble de la production statuaire du Nouvel Empire, où les visages, lorsqu’ils sont individualisés, ce qui est moins fréquent qu’à d’autres époques, sont déterminés par le jeu des chairs et non par l’architecture osseuse. C’est assurément cette caractéristique essentielle qui doit servir de fil directeur pour localiser le véritable ovni qu’est la tête de Salt dans la galaxie égyptienne. Si l’on se reporte à l’Ancien Empire, on trouve de nombreux cas de visages individualisés, dont l’un des plus célèbres est sans doute le buste du prince Ânkhhaf du musée de Boston, datant de la IVe dynastie, ou la statue du prince Hémiounou du musée de Hildesheim, de la même époque (xxvie siècle avant J.-C.). Le premier partage même avec la tête du Louvre le dessin naturaliste de l’implantation des cheveux, dont les golfes au-dessus des tempes sont caractéristiques de la physiologie masculine. Mais, dans un cas comme dans l’autre, point de charpente osseuse aussi puissante. Le même constat peut être dressé pour la statuaire du Ier millénaire. Les visages caractérisés y sont certes nombreux, mais tous se concentrent sur le jeu des chairs afin de rendre des visages de vieillards. Il suffit de comparer la fameuse « tête verte de Berlin » (iiie siècle avant J.-C.), chef-d’œuvre incontesté de cette veine, avec le schéma simple et presque brutal de la tête Salt pour mesurer toute la différence qui les sépare. Le dernier champ de comparaison possible demeure donc le Moyen Empire (xxe-xviiie siècle avant J.-C.). L’argument du lobe des oreilles percé, qui impliquerait l’usage de boucles d’oreilles, ne peut être retenu a priori pour exclure cette période puisque plusieurs cas de rondes-bosses ou de bas-reliefs de la XIIe et de la XIIIe dynastie présentent ce phénomène, plus ou moins accentué il est vrai. On constate alors que le caractère fondamental de la charpente osseuse dans la construction du visage constitue une caractéristique essentielle de l’art de cette époque, surtout à la fin de la XIIe dynastie et à la XIIIe dynastie (xixe-xviiie siècles avant J.-C.). Sésostris III, souvent représenté comme un homme âgé dans le souci de traduire l’idéogramme du sage (dans l’esprit égyptien, le sage est nécessairement vieux), présente sur un colosse du musée du Caire (CG 42 011) un visage carré, avec une mâchoire dessinée en angle droit et le menton placé bas sous la bouche, comme sur la tête Salt, l’arête supérieure de ce carré rendue par la ligne accentuée des arcades sourcilières. En revanche, les oreilles très décollées, car vues selon un point de vue qui leur est propre, sont une particularité de style que l’on 87 Travaux de recherche Statue de Montouhotep, détail de l’arrière de la tête et du modelé de la nuque 88 ne retrouve pas sur la tête Salt. Dans le domaine privé, c’est certainement la statue de Iouy Louvre E 32640, de la XIIIe dynastie, qui s’apparente le plus à notre mystérieux personnage, bien que l’échelle en soit nettement plus réduite. Son visage montre une charpente osseuse si puissante qu’elle détermine totalement la physionomie de l’œuvre : de structure verticale, avec les pommettes si saillantes qu’elles semblent crever la peau, un menton énorme et des yeux fortement dissymétriques, comme sur la tête Salt, mais avec des oreilles décollées selon la mode du temps. Or cette œuvre s’inscrit dans un courant stylistique très représenté à la fin du Moyen Empire, aussi bien en ronde-bosse qu’en bas-relief. La tête Salt comporte en outre une caractéristique anatomique très rare : les muscles du cou ont été rendus avec la plus grande attention, ceux de l’avant et surtout ceux de l’arrière, lesquels sont très rarement figurés dans l’art égyptien. Plusieurs exemples sont certes attestés dans l’art amarnien, notamment sur le célèbre buste de Néfertiti de Berlin, mais leur forme longiligne est très différente de l’aspect fort et puissant que l’on observe sur la tête Salt. Or un parallèle exact peut être reconnu sur la nuque d’une statue du chancelier Montouhotep au Louvre, A 123. Provenant de Karnak, elle fait partie d’un groupe de figures de ce puissant personnage du règne de Sésostris Ier trouvées dans le temple de Karnak (xxe siècle avant J.-C.). Un modelé identique des muscles postérieurs vient d’ailleurs d’être identifié par Dietrich Wildung sur un buste de ce même chancelier Montouhotep, dit « buste Buffalo », actuellement en dépôt de longue durée au musée de Berlin (communication personnelle de Dietrich Wildung, 4 avril 2012). D’autre part, on observe que les muscles antérieurs du cou sont également indiqués sur la statue A 123, ce qui correspond à une habitude attestée dans plusieurs bas-reliefs de l’époque, tandis que les oreilles demeurent plaquées aux tempes, comme sur la tête Salt. Cette convergence remarquable en appelle d’autres : on sait, par d’indubitables précisions archéologiques, que plusieurs rondes-bosses du chancelier sont restées visibles extraordinairement longtemps, entre mille trois cents et mille neuf cents ans pour la statue CG 42045 par exemple, à comparer avec les deux mille ans qu’aurait duré la tête Salt restaurée à l’époque ptolémaïque, si on la rattache à la XIIe dynastie. Malheureusement toutes acéphales, sauf la statue Louvre A 123, dont l’état d’usure ne permet plus de comparaison pour le visage, elles présentent un très haut degré de naturalisme qui se manifeste dans le rendu de l’adiposité du corps et même dans l’attitude puisque deux d’entre elles présentent le chancelier assis sur ses cuisses, dans une posture dissymétrique totalement inconnue auparavant et fort peu usitée par la suite (Le Caire, CG 42044 et 42045). L’attribution de la tête Salt au chancelier Montouhotep constituerait donc une hypothèse solide, s’il n’y avait l’image que nous en livre sa stèle du Caire (CG 20539), où il arbore un nez long et courbe fort différent du profil de la tête du Louvre. Cet argument doit cependant être relativisé par le fait qu’un autre relief de ce même personnage le montre dépourvu de caractéristique nasale digne d’être remarquée (fausse porte, Boston, 1980.73). En conclusion, les deux seules périodes au sein desquelles il convient de rattacher la tête Salt sont soit le début de la XIIe dynastie, sous le règne de Sésostris Ier (fin du xxe siècle avant J.-C.), ce qui inciterait fortement à y reconnaître une effigie du chancelier Montouhotep, soit la fin de cette même dynastie ou le début de la suivante (xixe-xviiie siècles avant J.-C.). Ch. Barbotin Since 1826 the Louvre has held a limestone bust known as the “Salt head”, extraordinary for its style and workmanship, which has always been the object of great uncertainty, especially regarding the date of its creation. A thorough study was therefore conducted in 2011 in collaboration with the C2RMF, whose analyses demonstrated that it was originally an element designed to complement or serve in the restoration of a seated statue, and, moreover, that it was repainted and integrated into a statue during the Ptolemaic period. Long dated to the Old Kingdom, this work is now ascribed to the Amarna or post-Amarna period. Nevertheless, its natural size and very bony appearance do not tally with the style of that period, or indeed, with the New Kingdom generally. The Middle Kingdom certainly provides the closest parallels to these characteristics, especially the end of the Twelfth and the Thirteenth Dynasty. But one very rare anatomical detail, the presence of the posterior muscles of the neck, rendered by a large and powerful volume at the nape, has only two parallels, on statues of the chancellor Montouhotep, a leading figure from the reign of Senusret I. Montouhotep is notable for the extraordinary number of effigies, in a very naturalistic style, that he left behind. It is therefore possible that the Salt head, a Middle Kingdom work, reveals the traits of that prestigious dignitary. Les collections lithiques prédynastiques Projet suivi par Raphaël Angevin Dans la continuité des recherches effectuées en 2010 dans le cadre du récolement des collections lithiques du département des Antiquités égyptiennes (voir RML 2010, p. 29), les actions engagées au cours de l’année 2011 nous ont permis de poursuivre notre enquête autour du viatique funéraire des nécropoles protodynastiques d’Oumm el-Gaab et d’Abou Rawach, en étroite collaboration avec les équipes déjà impliquées dans la publication monographique de ces ensembles (intégration des travaux sur les industries lithiques d’Abou Rawach dans l’ouvrage publié sous la direction de Yann Tristant, Macquarie University, Sydney, et IFAO). En appuyant notre démarche sur une évaluation critique de la documentation disponible (publications et archives de fouilles d’Émile Amélineau, William Matthew Flinders Petrie et Pierre Montet) et sur une analyse exhaustive des mobiliers archéologiques, une partie au moins des assemblages d’origine des tombes royales d’Abydos et des mastabas des « élites » thinites d’Abou Rawach a pu être recons- Antiquités égyptiennes tituée. À cet égard, l’étude du matériel actuellement conservé au Musée historique de Châteaudun (Oumm el-Gaab) et au sein de l’Institut d’égyptologie de l’université de Strasbourg (Abou Rawach) a permis de compléter les observations déjà effectuées sur les objets en silex du musée du Louvre. Une mission scientifique auprès de l’IFAO devrait permettre de compléter l’examen des collections provenant de ces deux sites, à travers l’inventaire et l’étude du mobilier actuellement conservé au Musée égyptien du Caire. R. Angevin Studies following the inventory review of the lithic collections (Rech. au Louvre 2010, p. 29) have made it possible to conduct inquiries into the funerary rites of the Protodynastic necropolises of Umm el-Qaab and Abu Rawash, in close collaboration with the teams already involved in studying these sets of objects. In cross-checking the existing documentation against our own analysis of the furnishings, it was possible to reconstitute a portion of the original assemblages from the royal tombs of Abydos and from the mastabas of the Thinite “elites” of Abu Rawash. Les faïences de Qantir Projet suivi par Élisabeth Delange et Cécile Lantrain Une fois reconstitué le puzzle de plusieurs centaines de fragments de tuiles en faïence aux noms de Séthi Ier, un premier article intitulé « Hypothèses sur la mise en œuvre des portes de Qantir » faisait état d’observations techniques1. Pour présenter dans les espaces muséographiques cet ensemble exceptionnel, il était souhaitable d’approcher davantage de la réalité archéologique, en reformulant les questions posées : quel est le nombre de portes suggéré par les séquences, quelle est la composition des montants, quelle est la place des bandes étoilées, quel(s) est (sont) éventuellement le(s) programme(s) iconographique(s) du (des) linteau(x) ? La confrontation matérielle et épigraphique, grâce au regard neuf de Cécile Lantrain, conservateur stagiaire de l’INP, a en effet apporté de nouvelles propositions intéressantes. Quelques signes hiéroglyphiques épars peuvent être intégrés à des séquences nominales supplémentaires, montrant une diversité plus grande que ce que l’on aurait été tenté d’imaginer dans un souci de symétrie. Les dimensions des cadrats s’avèrent être en corrélation avec les différentes largeurs de briques, déterminant ainsi au moins cinq types standard. Pour corriger la perspective et aligner les cartouches, il est envisagé – parmi plusieurs hypothèses – que les montants aient pu être disposés par ordre décroissant, les plus larges étant situés à l’intérieur. Cette étude permet, en outre, d’approcher des dimensions classiques des portes égyptiennes, évaluées à environ 2,60 m de hauteur. É. Delange 1. Couton (N.), Delange (É.) et Nisole (S.), « Hypothèses sur la mise en œuvre des portes de Qantir », Grafma, 7/8, 2003-2004, p. 20-59. Culture matérielle méroïtique et post-méroïtique Projet suivi par Élisabeth David Depuis 2010, l’ensemble de la documentation relative à la culture matérielle du chantier de Mouweis (Soudan), ouvert par le musée du Louvre en 2007, est regroupé (voir RML 2010, p. 36). Il s’agit de gérer un grand nombre d’objets, deux mille quatre cent onze à ce jour, enregistrés dans une base de données progressivement améliorée. Celle-ci permet à présent d’étudier efficacement les principales séries archéologiques, d’époque méroïtique essentiellement (iiie siècle avant – ive siècle après J.-C.), notamment les figurines animales (qui se comptent par centaines), figurines humaines, fusaïoles, anneaux d’archer, scellements et fragments de décor peint des bâtiments officiels. Ce matériel constitue, avec la céramique et l’outillage lithique, l’écrasante majorité des témoignages de la culture matérielle issus des fouilles. Par son importance numérique, il est comparable au matériel conservé dans les départements archéologiques d’un musée, et susceptible de jouer le même rôle scientifique (taxinomie et typologie). Ces artefacts sont le plus souvent fragmentaires et rarement très spectaculaires – ce sont pour beaucoup des objets de la vie quotidienne –, en général mal représentés dans les publications. En conséquence, leur étude nécessite de nombreuses recherches bibliographiques et iconographiques dans une littérature très éparpillée et sur Internet. Il s’est ainsi constitué progressivement au département des Antiquités égyptiennes une documentation papier et électronique portant sur les séries susmentionnées ainsi que sur des objets plus rares – en particulier en verre ou en faïence, source de questionnements sur les échanges et les influences culturelles. Des échantillons de faïence ont ainsi été confiés pour analyse au C2RMF, pour détermination d’éventuels particularismes locaux. La question technologique est aussi à l’œuvre dans l’étude des figurines d’argile, dont nous essayons de reconstituer le mode de fabrication, qu’il s’agisse de figurines humaines ou animales. Enfin, le matériel d’époque funj (xvie-xviiie siècle), issu des couches supérieures de la fouille et domaine quasi inconnu en archéologie soudanaise, est étudié à l’aide de parallèles ethnologiques. É. David In 2007 the Musée du Louvre opened an excavation site in Muweis. Some 2,411 objects—which, along with ceramics and stone tools, constitute the bulk of the evidence of material culture that resulted from the excavations—have now been entered into a database. Studying that material required bibliographic and iconographic research, which made it possible for the department to establish a collection of reference documents on Meroitic civilization. Les ostraca de Deir el-Médina Projet suivi par Pierre Grandet, chargé de mission In order to display this extraordinary set of several hundred fragments of faience tiles with the names of Seti I in exhibition spaces, it seemed preferable to get closer to archaeological reality. A material and epigraphic comparison of each of the pieces produced interesting new proposals that allow us to envision a reassembly program and to approximate the classic dimensions of Egyptian doors, estimated at about 260 cm high. Les cent soixante-douze ostraca hiératiques – documents sur pierre ou sur tesson de poterie – provenant de Deir el-Médina, acquis en 1994 et 2007, ayant appartenu à l’égyptologue Alexandre Varille, sont en cours d’étude en vue de leur publication (voir RML 2010, p. 33). 89 Travaux de recherche En 2011, un effort particulier s’est attaché aux documents littéraires. Outre l’étude de nouveaux ostraca du lot, la comparaison de la plupart des ostraca littéraires identifiés avec les versions de référence qui en ont déjà été publiées a pu être effectuée. Ainsi ont été mises en évidence les versions d’œuvres littéraires connues telles que Kémyt (E 32964, E 32965, E 32966), enseignement d’Amenemhat Ier (E 32951, E 32971, E 33037), hymne à la crue du Nil (E 32890, E 32893, E 32901, E 32929, E 32960, E 33000, E 33001, E 33016), satire des métiers (E 32896, E 32906, E 32930, E 32998, E 33014, E 33020, E 33040), enseignement d’un homme à son fils (E 33032), lettre satirique du papyrus Anastasi I (E 32922). Les attributions ainsi effectuées ont pour résultat d’enrichir nos connaissances sur la littérature égyptienne et de mettre en valeur ces acquisitions récentes du musée du Louvre. Ce fut aussi l’occasion de préparer, pour une publication anticipée dans un volume d’hommages à Jean Yoyotte, l’objet E 32928, qui contient une source inédite du paragraphe VII de l’enseignement d’Hordjédef. Parmi les ostraca figurés méritant une mention particulière, citons l’ostracon E 33007, qui porte le dessin presque effacé du dieu Réshep, fragment probable d’une scène représentant la « triade » Réshep, Qadesh, Min, connue par exemple par la stèle Louvre C 86. P. Grandet The 172 hieratic ostraca (documents on stone or potsherd) from Deir el-Medina, acquired in 1994 and 2007, belonged to the Egyptologist Alexandre Varille and are now being studied in view of their publication (Rech. Louvre 2010, p. 33). The year 2011 was devoted primarily to the literary documents and their connections to other versions of reference that have already been published. The attributions it was possible to make have enriched our knowledge of Egyptian literature and have increased the value of the Louvre’s recent acquisitions. CONTEXTE ET PROVENANCE L’église de l’archange Michel du monastère copte de Baouit Projet suivi par Dominique Bénazeth 90 En 1900, un pensionnaire de l’IFAO, Jean Clédat, identifia le site de Baouit et découvrit l’église nord en même temps que l’église sud (voir RML 2010, p. 36). Des graffitis relevés in situ nous apprennent que l’église nord était dédiée à l’archange Michel. Ses vestiges sont situés au cœur d’une colline archéologique de 40 hectares. Les deux églises furent fouillées rapidement par Émile Chassinat, directeur de l’Institut, et Charles Palanque au printemps 1902. Les sculptures en bois et en calcaire, aussitôt extraites, furent alors partagées entre l’Égypte et la France. Les caisses prirent le chemin du Musée égyptien du Caire et du musée du Louvre. Dans son article sur Baouit pour le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Clédat traite des deux églises et les confond. Malgré ses incohérences, ce texte est le seul témoignage sur l’église nord d’un archéologue présent au moment des fouilles. Les clichés qu’il possédait échurent en partie au Centre Gabriel-Millet de l’École pratique des hautes études et en partie au musée du Louvre (donation Mallet, 1986). La publication, réservée à Chassinat, commence par un volume sur l’église sud. La partie concernant l’autre église n’a jamais vu le jour, mais l’ébauche en est conservée au Centre d’égyptologie François-Daumas de l’université Paul-Valéry à Montpellier. Le dossier, retrouvé en 2005 et confié à la section copte du Louvre en vue de sa publication, contient des photographies légendées, un plan et des relevés épigraphiques. Les antiquités de l’église nord attribuées aux musées du Caire et de Paris n’ont pas connu un meilleur sort sur le plan éditorial. Bien qu’elles aient été exposées, leur provenance précise s’est très vite perdue dans l’ensemble de Baouit. Au Caire, les antiquités ont été transférées au Musée copte, dont les catalogues sont encore largement inédits. Au Louvre, les caisses ne furent pas ouvertes tout de suite et l’inventaire de la salle de Baouit, en 1932, ne distingue déjà plus ce qui vient de l’église Chapiteau, département des Antiquités égyptiennes (E 27656) nord. Les catalogues de Marie-Hélène Rutschowscaya sur les bois et les peintures coptes ne précisent pas toujours cette provenance, révélée après coup par le dossier Chassinat. Enfin, et pour la même raison, la présentation de la salle de Baouit en 1997 n’a pas donné à l’église nord la place qui lui revenait. L’étude du matériel conservé au musée du Louvre devient dès lors une source inespérée. Identifications, raccords, analyses, restaurations et montages photographiques ont été programmés afin de rassembler les informations sur l’église. En retour, la connaissance des œuvres bénéficie grandement de ces circonstances, tout comme l’histoire des collections (photographies des caisses vidées dans une réserve, lors de la Première Guerre mondiale ; restaurations en 1928 ; présentation Antiquités égyptiennes Proposition de reconstitution de la chaire, modélisation A. Savy, Th. Magnaudet (ENSA-PVS) au public l’année suivante). Des ensembles avaient été remontés, tel le vantail de porte décoré de rinceaux sculptés. D’autres furent dispersés et c’est au sein d’une réserve pharaonique que le couronnement d’une colonne en bois était rangé, retourné, parmi des socles de statues. Vingt-deux pièces d’un écran en bois sculpté, démonté pour le transport, ont été reconnues récemment. Les remarques d’un spécialiste sur le travail du bois et les modes d’assemblage éclairent les pratiques de menuiserie et révèlent un rare mobilier d’église copte pour une période aussi ancienne (ixe siècle). Quant aux bois peints, une fois rassemblés ceux qui provenaient de l’église nord, leur interprétation comme décor de plafond à caissons a pu être envisagée. En 2002, la reprise des fouilles à Baouit fut décidée par l’IFAO, en association avec le musée du Louvre et avec l’autorisation du Conseil suprême des antiquités de l’Égypte. La direction du chantier me fut confiée de 2003 à 2007. Une prospection géophysique a révélé un ensemble monumental de même orientation : à 34 mètres de l’église nord se trouve l’église sud, elle-même longée par la grande église D. L’église nord, complètement ensablée, fut identifiée dès le début de la première campagne (2003). La refouiller allait permettre d’en compléter la documentation et de la publier. Le bâtiment, remblayé en 1903, fut vidé progressivement. Le matériel retiré est étonnamment nombreux et varié. Le plan de l’édifice (20 5 12,50 m) a été levé. Puis des sondages ont mis en évidence des structures sous-jacentes au sol de l’église. Après le dégagement total, le relevé et la photographie du monument, les éléments architecturaux, les éclats de peintures murales et les vestiges archéologiques y ont été redéposés. L’église nord a été de nouveau tapissée d’une épaisse couche de sable protecteur. De belles boiseries trouvées en 2007 ont été acheminées au Musée copte du Caire. Ces nouvelles recherches archéologiques sont indissolublement liées à l’étude des fouilles anciennes. Le dossier Chassinat donne une vision du monument, alors conservé à hauteur des linteaux de porte, avec des détails de la construction et de la décoration aujourd’hui disparus. Le bâtiment a beaucoup souffert lors des premières fouilles et de l’extraction des sculptures. Nous l’avons retrouvé presque arasé. Nos travaux ont permis d’observer les matériaux et le mode de construction. Le dallage en calcaire est apparu et les cives de couleur prises dans leurs cadres de plâtre donnent une idée des fenêtres perdues. Les éclats de peinture fournissent la gamme des couleurs, absentes des photographies anciennes. La superposition des enduits indique les phases de réfection, laissant entrevoir une histoire du monument. Le dessin reproduit le décor mur par mur ainsi que des vues en perspective. Des maquettes numériques donnent une idée de ce qu’était l’ambiance de l’église au temps de son utilisation et d’autres modélisations proposent des hypothèses sur les parties hautes et sur la couverture, qui nous sont inconnues. Ces restitutions simulent l’état de l’église à l’époque où elle était en service, entre le viiie et le xe siècle après J.-C. Plus qu’un simple rapport des fouilles effectuées de 2003 à 2007, la monographie entreprise s’est fixé pour but de rassembler toute la documentation. La première partie concerne l’archéologie et la documentation des fouilles. Puis vient l’étude du monument. Sur le plan architectural, l’église nord se distingue par l’unité de son sanctuaire, qui n’est pas subdivisé en trois chapelles. Contrairement à ce que l’on observe d’habitude, il n’est pas surélevé. Son autel est l’un des derniers exemples connus en forme de table. Une barrière, transition entre le chancel et le templon, empêche l’accès direct au sanctuaire, ce qui constitue une particularité. Unique aussi est la présence d’une niche dans le mur de chevet, laquelle est décentrée vers le nord. Le caractère exceptionnel de l’église réside dans la concentration des boiseries qui y ont été retrouvées (plus de quatre cents sculptures architecturales, panneaux peints et fragments de mobilier). Des vestiges de cloisons et une chaire sont les plus anciens restes relativement conséquents de ces boiseries liturgiques qui ont connu un fort développement aux époques postérieures et donnent tout leur cachet aux églises coptes. Le décor peint sur les murs et sur les colonnes obéit à l’organisation spatiale dictée par un programme iconographique. De saints personnages de l’Église et de la communauté monastique sont représentés sur les murs, avec le Christ, la Vierge, les anges et les prophètes. Ce programme est l’un des premiers que l’on puisse reconstituer, bien qu’incomplètement, précédant les cycles mieux connus des couvents de Saint-Antoine et du Ouadi Natroun. Enfin, les inscriptions apportent le témoignage de leurs auteurs, contemporains de la période d’activité de l’église. Ces textes alimentent le corpus relatif au monastère de Baouit et son répertoire onomastique et prosopographique. L’abbé Ména est le membre le plus important du couvent qui soit portraituré dans l’église (l’icône du Louvre en provient). En annexe de la monographie sont placées des considérations sur la conservation et la restauration du monument et des objets, des analyses scientifiques effectuées spécialement, l’étude technique du vantail et de l’écran cités plus haut. Cette publication sera assurée par l’IFAO, dans la série des « Mémoires de l’IFAO ». D. Bénazeth Principaux partenaires de la recherche IFAO : fouilles 2003-2007 ; laboratoire de datation par le radiocarbone ; service des publications Centre d’égyptologie François-Daumas de l’université Paul-Valéry, Montpellier : archives Émile Chassinat Centre Gabriel-Millet de l’École pratique des hautes études, Paris : archives Jean Clédat André Del et Olivier Bouet (École nationale supérieure d’architecture Paris Val-de-Seine, EVCAU) : modélisations 3D, en convention avec le musée du Louvre 2006-2010 Monique Dupéron (UMR 7207 – CR2P, Paléobiodiversité et Paléoenvi- 91 Travaux de recherche ronnements, université Pierre-et-Marie-Curie, Paris) : identification d’essences de bois conservés au Louvre Sandrine Pagès-Camagna (C2RMF) : analyse de pigments sur des bois polychromes conservés au Louvre Mark Van Strydonck (Institut royal du patrimoine artistique, Bruxelles) : datation au radiocarbone de bois conservés au Louvre The Church of the Archangel Michael was discovered in 1900 in the Coptic monastery of Bawit and was excavated by the IFAO in Cairo. The resumption of the excavations in association with the Musée du Louvre, and the rediscovery of archives from the previous excavations, shed new light on this heretofore unpublished monument. It has been possible to recover the identity of the wood and limestone sculptures granted to the Louvre. The study concerns the archival collection on the one hand and, on the other, the church, its architecture, decor, furnishings and inscriptions. A monograph collecting all these data will be published by the IFAO. Modélisation bayésienne d’une chronologie absolue pour la XVIIIe dynastie de l’Égypte ancienne à partir d’œuvres mises au jour à Deir el-Médina et conservées au Louvre Projet suivi par Anita Quilès, Geneviève PierratBonnefois, Guillemette Andreu-Lanoë, C. Moreau Partenaires : Laboratoire de mesure du carbone 14, CEA Saclay, université Paris VII Diderot, laboratoire AstroParticules&Cosmologie APC, université Paris VII Diderot, musée du Louvre 92 Afin de construire une chronologie absolue de la XVIIIe dynastie de l’Égypte ancienne, une centaine de datations radiocarbone ont été effectuées par le Laboratoire de mesure du carbone 14 du CEA à Saclay (Anita Quilès) sur deux séries d’objets conservés au musée du Louvre (voir RML 2010, p. 35). Ces analyses ont été faites sur des échantillons organiques de courte durée de vie (textiles, plantes, brindilles) attribués par leurs contextes archéologiques à des périodes ou règnes précis de l’histoire de l’Égypte ancienne. La première étude a porté sur dix-neuf vanneries retrouvées par Bernard Bruyère en 1937 et 1938 dans des tombes du cimetière Est de Deir el-Médina et arrivées au musée du Louvre par voie de partage de fouilles en 1939. Le cimetière Est de Deir el-Médina, dont on sait aujourd’hui qu’il a recueilli les inhumations d’une population sans doute différente de celle qui anima l’agglomération de la communauté d’artisans au service de la vallée des Rois, a livré aux fouilleurs des enterrements à même le sable, sans caveau aménagé, entourés d’un mobilier funéraire sommaire, composé de paniers remplis et bien conservés. Ces paniers contenaient du linge, de la nourriture ou encore de petits vases. L’analyse du matériel archéologique retrouvé dans ces tombes montre que ces tombes furent utilisées durant le début de la XVIIIe dynastie, et plus particulièrement pendant le règne de Thoutmosis III. Puisqu’il n’est pas possible de savoir si ces objets étaient fabriqués pour les enterrements ou si ces paniers avaient servi au défunt durant sa vie, une incertitude archéologique d’une à deux générations a été posée entre la datation des vanneries et celle des phases d’enterrement auxquelles elles sont associées. Soixante-dixhuit mesures sur des échantillons de palme et d’alfa ont amené à proposer une chronologie d’occupation des tombes de ce cimetière, allant de 1550 à 1400 cal BC. Sept bouquets de fleurs découverts dans la tombe de Sennefer à Deir el-Médina ont également été analysés. La découverte en 1928 par Bernard Bruyère de cette tombe, installée quant à elle dans la nécropole de l’Ouest, qui était réservée aux artisans de la vallée des Rois, a permis une contextualisation historique et archéologique très précieuse des objets qui y furent mis au jour, avant d’être en partie accordés à la France lors du partage de fouilles de 1930. Le matériel archéologique présent dans la tombe (sarcophages, scarabées, ouchebtis...) détaille trois phases d’enterrement : celle de Sennefer, celle de Néfertiti, sans doute son épouse, et celle d’un enfant. Le style du cercueil de Sennefer, celui du pectoral du défunt, tout comme un ouchebti retrouvé dans cette tombe, sont typiques de la période post-amarnienne. Quarante-sept datations radiocarbone sur des brindilles et des feuilles ont permis de modéliser une densité d’âge pour la fabrication de ces bouquets, qui date précisément les funérailles d’une des trois personnes. De fait, une phase d’enterrement se tint dans la tombe de Sennefer entre 1358 et 1312 cal BC, correspondant à une période historique comprise entre les débuts des règnes de Toutankhamon et de Horemheb, ce qui confirme parfaitement la datation « postamarnienne » attribuée au mobilier de Sennefer. Par une approche statistique, de nature bayésienne, l’ensemble de ces datations a été combiné à la succession connue des rois de la XVIIIe dynastie et à la durée de leurs règnes. Des datations lunaires et sothiaques ont par ailleurs été incorporées comme a priori au modèle, pour contraindre les densités d’âge radiocarbone par ces informations issues de données archéologiques. En outre, les équations sothiaques apportent des termini ante et post quos quant au début et à la fin de cette dynastie. Le modèle proposé établit une chronologie absolue de la XVIIIe dynastie de l’Égypte, combinant des données astrophysiques et archéologiques, à des mesures physiques ; un intervalle d’âge a finalement été modélisé pour le début de chaque règne de cette dynastie. A. Quilès Two radiocarbon studies were performed on organic material samples held in the Department of Egyptian Antiquities, archaeologically attributed to precise periods: flower bouquets found inside Sennefer’s tomb (Tutankhamun-Horemheb) and basketries from the tombs of the eastern cemetery of Deir el-Medineh (Hatshepsut and Thutmoses III). These studies enabled us to determine temporal densities for the accession dates of Thutmoses III and Tutankhamun. Then, astrophysical equations attested in texts were recalculated using an innovative approach. They allowed us to achieve anchor points for the reign of Thutmoses III and to deduce termini post and ante quos for the Eighteenth Dynasty. We defined probability distributions for each king’s reign length, according to present Egyptological knowledge. The application of these relationships to the simulated ages for Thutmoses III and Tutankhamun allowed the simulation of a temporal density for the accession date of each king. In a truly innovative multidisciplinary approach, which opens the way to finer studies on Egyptian chronology, we obtained rooted results in the combination of radiocarbon Bayesian modelling and astrophysical equations. Antiquités égyptiennes Datation radiocarbone des tissus votifs du Gebel el-Zeit conservés au musée du Louvre Projet suivi par Guillemette Andreu-Lanoë, Anita Quilès, C. Moreau Partenaires : Laboratoire de mesure du carbone 14, CEA Saclay ; université Paris VII Diderot En 1986, le musée du Louvre obtenait par voie de partage de fouilles un lot très appréciable des découvertes faites par l’IFAO sur le site du Gebel el-Zeit. Figurines féminines, vanneries miniatures, vases, pots, outils, tous ces objets sont autant de témoignages de la vie quotidienne, de l’activité et des pratiques cultuelles de ces groupes d’hommes qui, chaque année, partaient en expédition pour chercher la galène sur les bords de la mer Rouge. Trente-cinq tissus votifs en lin ont été datés par analyse radiocarbone. Les résultats ont été calibrés à l’aide du logiciel OxCal 4.1 sous Intcal09 et s’étendent sur une période allant du début de la Deuxième Période intermédiaire à la fin de la XVIIIe dynastie. Dans un premier temps, nous avons organisé ces résultats suivant des groupes déterminés à partir des âges calibrés. Pour chaque tissu, nous avons proposé des termini ante et post quem en rapport avec des événements historiques importants, qui ont été validés par des tests statistiques de type bayésien. Nos analyses viennent ainsi confirmer les datations proposées par les archéologues. Dans leur publication, ces derniers1 détaillent les deux sites miniers identifiés au Gebel elZeit : la découverte, l’organisation de ces sites et l’analyse des objets retrouvés ont montré une activité sur le site 1 entre le règne d’Amenemhat III et Ramsès II et sur le site 2 entre 1800 et 1500 avant J.-C. Ces limites chronologiques sont en parfaite adéquation avec les datations radiocarbone. Par ailleurs, la forte représentativité d’objets archéologiques attribués à une période allant de la Deuxième Période intermédiaire au début du Nouvel Empire se retrouve dans les résultats radiocarbone, puisque trente-trois des trente-cinq datations sont antérieures au règne d’Amenhotep III. G. Andreu-Lanoë et A. Quilès 1. Castel (G.), Soukiassian (G.) et Pouit (G.), avec la collaboration de Gout (J.-F.), Leyval (D.) et Lévy (P.), Gebel el-Zeit. I. Les mines de galène (Égypte, IIe millénaire av. J.-C.), Le Caire, IFAO (FIFAO, 35), 1989. Thirty-five votive textiles, given to the Louvre by the Egyptian government in 1986 after excavations by IFAO on the site of Gebel el-Zeit and now part of the collection in the Department of Egyptian Antiquities, were analysed by radiocarbon dating. The radiocarbon dates were calibrated by OxCal 4.1 Software, using the IntCal09 calibration curve. The results give us a period that extends from the beginning of the Second Intermediate Period until the end of the Eighteenth Dynasty, which were then divided into groups based on results. The relevance of these groups was subsequently tested using a statistical Bayesian approach. The archaeological sequences thus deduced were constrained according to historical events, in order to propose termini ante and post quem for each textile. Programme sur les faïences de Méditerranée orientale Projet suivi par Geneviève Pierrat-Bonnefois Il s’agit d’un projet de recherche transversal, commun au département des Antiquités égyptiennes et au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (voir RML 2010, p. 35). Pour le département des Antiquités égyptiennes, le propos est de mener à partir d’une sélection d’objets de même provenance et de même datation des recherches sur les groupes de productions en analysant les aspects de ces faïences, avec en corollaire l’intention d’avancer sur le problème des faïences «gréco-saïtes», nombreuses dans nos collections. La confrontation des analyses effectuées au C2RMF et des études permet de réattribuer la production de ces faïences à des ateliers de l’île de Rhodes, alors qu’on les attribuait auparavant à l’Égypte. L’année 2011 a vu s’enrichir le dossier grâce à des échanges, portant en particulier sur le site de Naukratis, cité égyptienne et emporion grec, fouillée à la fin du xixe siècle. Là furent découvertes des figurines et des amulettes en faïence du même type que celles mises au jour à Rhodes et à Carthage. Le projet du British Museum intitulé « Naukratis: The Greeks in Egypt » (Alexandra Villings) se trouve donc étroitement lié à la problématique de ce programme. La participation de Geneviève Pierrat-Bonnefois au « Naukratis Workshop » tenu au British Museum les 16 et 17 décembre 2011, avec une présentation et une discussion sur les scarabées de Naukratis conservés au Louvre, a mis en évidence la nécessité de reprendre les attributions et les provenances de ce matériel. Des contacts ont été pris avec le British Museum Laboratory (Andrew Meek) pour envisager une collaboration avec le C2RMF sur le même sujet. Cette étude croise également celle des recherches sur les archives des fouilles de Rhodes (Anne Coulié, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines), qui s’enrichit grâce aux échanges directs entre spécialistes1. G. Pierrat-Bonnefois 1. Voir infra, « Vases orientalisants du style de “la chèvre sauvage” », p. 106. The plan is to conduct research on a selection of faience with the same provenance and dating to the same period by analysing their constitutive elements, while also making progress on the question of “Greco-Saite” faience. A comparison between the analyses done at the C2RMF and this research allows us to attribute the production of this faience to workshops on the Island of Rhodes. The British Museum Research Project titled “Naukratis: The Greeks in Egypt” (A. Villings) is closely linked to the problematic of this program. Contacts have been established with the British Museum Laboratory (A. Meek) to consider a collaboration with the C2RMF on the same subject. 93 Travaux de recherche MUSÉES ET COLLECTIONS Les dossiers d’antiquaires de l’égyptologue Jacques Jean Clère Projet suivi par Patricia Rigault Entre les années 1940 et 1989, l’égyptologue Jacques Jean Clère (1906-1989) constitua des dossiers sur les objets égyptiens repérés dans le commerce chez de nombreux antiquaires en France et en Égypte. Il s’agit principalement de stèles, reliefs, statues, figurines funéraires. Ces dossiers se présentent sous la forme de classeurs organisés chronologiquement. Ils comportent des descriptions des objets, des photographies, des dessins, les copies des textes hiéroglyphiques, les commentaires éventuels de Clère et parfois des échanges de correspondance avec d’autres égyptologues. Donnés par sa veuve, Mme I. Clère, au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre en 1995, ils constituent une documentation d’un intérêt majeur. Ces dossiers sont en cours de numérisation et font l’objet d’un enregistrement dans une base de données dans laquelle figurent un descriptif de chaque monument, le nom de l’antiquaire ou des antiquaires chez lesquels il a été vu, la date où il a été vu, les textes hiéroglyphiques, avec, le cas échéant, les noms et titres des personnages cités. P. Rigault Between the 1940s and 1989, the Egyptologist J. J. Clère (1906–1989) collected documentation on Egyptian objects identified in the shops of many antiquarians in France and Egypt. The great interest of these materials, which Clère’s widow donated to the department, prompted us to establish a database and to digitize the documents. Constitution d’un catalogue des étiquettes et des marquages des œuvres de la collection du département des Antiquités égyptiennes Projet suivi par Catherine Bridonneau et Sylvie Guichard Le nombre important et la variété des étiquettes et des marques relevées sur les œuvres lors du récolement décennal ont fait apparaître la nécessité d’en dresser un répertoire. La présence de ces marquages est souvent le seul moyen permettant d’identifier l’origine d’un objet, son historique ainsi que sa date d’entrée dans la collection. Par leurs caractéristiques, nous pouvons classer ces étiquettes en plusieurs catégories : étiquettes des anciennes collections acquises par le musée depuis le début du xixe siècle (collection Edme Durand, collection Henry Salt, collection Bernardino Drovetti, collection Giovanni Anastasi, etc.) ; étiquettes propres aux musées ayant transféré une partie de leur collection au département des Antiquités égyptiennes (le cabinet des Médailles de la BnF, le musée Guimet) ; étiquettes et marques des objets issus de fouilles archéologiques (fouilles d’Auguste Mariette au Sérapéum, fouilles de Pierre Montet à Tanis et à Tôd, etc.). Les étiquettes de présentation dans les salles d’exposition peuvent se révéler d’une grande importance. Des « gommettes » très spécifiques posées par Champollion sur les objets présentés dans le musée Charles X en 1827 ont été, en effet, très utiles pour tenter une reconstitution du Musée égyptien lors de sa création. L’étude, le classement et des photographies de ces différents marquages aboutiront à la création d’un fichier illustré qui sera mis à disposition du département. C. Bridonneau et S. Guichard The large number and variety of the labels and marks identified on works during the ten-yearly inventory review made it apparent that a repertoire needed to be established. The presence of these markings is often the only means that allow us to identify an object’s origin, history, and the date when it entered the collection. By studying, classifying and photographing these different markings, we will be able to create an illustrated file, which will be made available to the department. 94 Antiquités grecques, étrusques et romaines Antiquités grecques, étrusques et romaines ŒUVRES Bilan de quinze ans de recherche sur la polychromie des terres cuites grecques Projet suivi par Violaine Jeammet, en partenariat avec le C2RMF (Brigitte Bourgeois et Sandrine Pagès-Camagna) Les premiers regards scientifiques portés sur la polychromie remontent au dernier quart du xixe siècle – époque de la prise de conscience du caractère fondamentalement polychrome de la sculpture grecque. Cette approche fut en revanche, à quelques exceptions près, négligée pour la petite plastique en argile, tandis que la polychromie antique, souvent bien mieux conservée sur les figurines, a même pu être volontairement cachée à partir de 1950 par divers jutages dans un souci d’homogénéisation de la surface. L’étude de la couleur sur les marbres, qui connut un véritable engouement depuis 1980, a attiré l’attention sur ces questions. Ainsi, depuis 1995, le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, avec le C2RMF – et en particulier Brigitte Bourgeois, auteur d’une méthode de repérage et d’analyse des restes de couleurs sur les marbres de Délos à l’aide d’un vidéo microscope –, étudie-t-il les pigments et la stratigraphie des couches polychromes sur les figurines en terre cuite des débuts de l’époque hellénistique (ive-iiie siècles avant J.-C.). La mise en couleur de ces figurines est désormais bien repérée, avec une couche préparatoire à la pose de diverses couches colorées (pigments naturels minéraux et organiques, pigment synthétique). Les pigments étaient utilisés purs, broyés et appliqués directement sur la préparation. Diverses nuances de couleurs, parfois très subtiles, pouvaient aussi être obtenues par superposition de couches ou par mélange de pigments ; certaines laques ont été utilisées en glacis superficiels. Cette étude de la stratigraphie, magnifiée grâce au vidéo-microscope, a également permis de révéler la présence de repeints antiques sur des figurines du Louvre, sans que l’on puisse réellement en connaître les motivations. Un premier bilan a été présenté par Brigitte Bourgeois en 2003 lors du colloque associé à l’exposition « Tanagra. Mythe et archéologie » qui s’était tenue au Louvre1. La publication du colloque de 2007 sur les arts de couleurs2 a permis de confronter différentes pratiques artisanales (en particulier marbre, fresque, coroplathie) et de poser la question de pratiques similaires voire identiques d’une technique à l’autre : ainsi des couches grises qui se présentent parfois sur les plus belles figurines de Myrina entre la terre et la préparation, ou entre la préparation et la première couche polychrome, et que l’on retrouve fréquemment sur les fresques de Grèce du Nord ; ainsi du blanc de plomb, jusqu’alors considéré comme un élément Groupe de la Dame en bleu, La Dame en bleu, vers 330-300 avant J.-C., Tanagra, La Dame en bleu, traces de brunissage sur la feuille d’or, vidéomicroscope département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNB 907) (X175) 95 Travaux de recherche Danseuse voilée, détail du violet Danseuse voilée, 400-350 avant J.-C., Tanagra, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNB 495) 96 moderne, et qui est spécifiquement utilisé pour produire un effet optique plus lumineux avec le rose de garance. Il apparaît de la sorte que les artistes n’utilisaient pas les matériaux de manière hasardeuse, mais qu’ils avaient au contraire une connaissance très précise de leurs propriétés. Depuis 2008, deux axes de recherche ont été approfondis : 1. Identification de certains matériaux, en particulier les verts et violets. Le violet se révèle être, non pas de la pourpre, mais une laque obtenue à partir du broyage d’un lichen (l’orseille, déjà signalée par Pline l’Ancien). Le vert est d’origine différente selon les aires géographiques : verts de malachite et de conichalcite pour Athènes, la Béotie, la Macédoine et la Cyrénaïque, un vert de fer pour Myrina3. 2. Autres traitements de surface, en particulier métalliques (dorure et étamage). La feuille d’or (pur à 99 %) est d’une extrême minceur (moins de 1 µ) et se prête, grâce au polissage à l’agate, à toutes sortes de jeux de brillance, d’ombre et de lumière4. Ces études permettent de tirer les premières conclusions suivantes : – meilleure compréhension des gestes de l’artisan, qui maîtrise parfaitement les matériaux qu’il utilise ; – constat de pratiques artisanales d’une excellente qualité, y compris pour les matériaux les plus humbles ; – vraisemblable répartition des tâches, avec des artisans spécialisés itinérants. Le département étend ses recherches sur la polychromie des figurines aux époques archaïque et classique. Un programme d’étude est en cours sur la Béotie (9e éphorie, musée de Thèbes) avec l’équivalent du CNRS en Grèce (KERA, Ormylia) et sur les collections du Musée national archéologique à Athènes. Une réflexion doit être menée sur les possibilités de rendre de manière beaucoup plus subtile la palette chromatique et ses nuances, grâce à une image de synthèse de haute qualité. Enfin, le département étend son étude sur la polychromie mate aux autres pans de la collection en argile et à d’autres supports : la plastique étrusque, la céramique grecque, l’étude des traitements de surface métalliques (dorure et étamage) sur argile et sur bois. Au terme de ce premier bilan, présenté au conseil scientifique du 10 mars 2011, il importe d’insister sur l’excellence de l’artisanat dans l’Antiquité et sur la continuité entre les techniques antiques et modernes. V. Jeammet 1. Voir Tanagras. De l’objet de collection à l’objet archéologique, sous la dir. de Jeammet (V.), assistée de Becq (J.), Paris, musée du Louvre éditions et A. et J. Picard, 2007. 2. Peinture et couleur dans le monde grec antique, actes de colloque (Paris, musée du Louvre, 10 et 27 mars 2004), sous la dir. de Descamps-Lequime (S.), Paris, musée du Louvre éditions , et Milan, 5 Continents, 2007. 3. Résultats publiés par Sandrine Pagès-Camagna dans la version anglaise du catalogue de l’exposition « Tanagra. Mythe et archéologie » : Figurines for Life and Eternity: The Musée du Louvre’s Collection of Greek Figurines (Valence, Centro Cultural Bancaja, 2010), sous la dir. de Jeammet (V.), Valence, Fundación Bancaja, 2010. 4. Voir Bourgeois (B.), Jeammet (V.) et Pagès-Camagna (S.), actes du colloque international « Les arts de la couleur en Grèce ancienne », Athènes, École française d’Athènes, 23-26 avril 2009, à paraître. Antiquités grecques, étrusques et romaines Recherches sur les ateliers céramiques à Athènes au ive siècle avant J.-C. Projet suivi par Violaine Jeammet L’étude des ateliers attiques, amorcée en 2009-2010, donne lieu à sur des cours de spécialité à l’École du Louvre et des présentations à des colloques. La réflexion s’est centrée cette année sur la typologie particulière des « figurines vases », et plus spécifiquement des vases et figurines en forme de tête, selon une double perspective économique et sociale : clientèle et fonction. L’étude a ainsi permis de dégager qu’il existait bien une production de vases plastiques destinée spécifiquement aux Athéniens, et non pas seulement à l’exportation : elle se résume à quelques typologies précises reliées aux mondes divin (Aphrodite et Dionysos) ainsi que féminin (mariage avec les dédicaces faites à la Nymphe) ou enfantin (fête athénienne des Anthestéries pour les enfants âgés de trois ans). La réflexion entreprise sur l’étonnante catégorie de figurines féminines réduites à une simple tête, pour l’instant limitée à l’Attique et à la Béotie mais qui doit être géographiquement élargie et étendue au genre masculin, nous ramène également à ces deux divinités majeures du ive siècle, qui régissent les principes vitaux de l’être humain et dont l’image de l’épiphanie pourrait avoir été symboliquement et rituellement utilisée lors des passages essentiels de l’existence (adolescence, mariage, mort). V. Jeammet Atelier du Groupe de Berlin, Lécythe plastique attique : Léda et le cygne, vers 375-350 avant J.-C., département des Antiquités grecques, étrusques et This year the study adopted a two-fold economic and social approach and focused on the particular typology of the “Figurine Vases” and more specifically, on the head-shaped vases and figurines. The study highlighted the important role played by Aphrodite and Dionysus in the rites of passage in Attic and Boeotian society in the fourth century bc. romaines (CA 1131) Techniques des bronzes grecs et romains : histoire des restaurations anciennes Projet suivi par Sophie Descamps, en partenariat avec le C2RMF (Benoît Mille) Léda et le cygne, peinture verte sur le manteau appliqué sur une sous-couche jaune avec une large bande rose, grains de malachite en surface The department and the C2RMF have been carrying out a major study into the use of polychrome on Greek figurines for more than fifteen years. An initial assessment (2003), which had revealed the presence of antique repaints, was followed by an analysis of the practises of craftsmen working in different mediums, especially in the application and the preferential use of pigments to achieve specific effects (2007). The study recently focused on the identification of greens and violets as well as metallic surface treatments, particularly gilding. L’étude, dans le cadre de la collaboration entre le département et le C2RMF sur les techniques des bronzes grecs et romains, de la grande statuette de l’« Enfant à la bulle » (Br 17), qui avait conduit à une publication commune en 20081, a connu un nouveau développement afin de déterminer plus précisément la nature des interventions survenues sur le bronze entre 1809 et 1820. Cette nouvelle recherche a fait l’objet d’une communication de Sophie Descamps (« The Child with the Bulla from the Louvre: The History of Reconstruction and Restoration of an Ancient Bronze ») à la journée d’étude « Restoring Ancient Bronzes in the Nineteenth Century » organisée à la Villa Getty à Los Angeles le 6 mai 2011, en lien avec la présentation des travaux menés sur l’« Apollon Saettante » découvert à Pompéi en 1817-1818 et prêté au musée Getty par le Musée archéologique national de Naples. Il s’agissait de confronter les méthodes de restauration des grands bronzes antiques élaborées 97 Travaux de recherche dans la première moitié du xixe siècle en Italie et à Paris. Cette journée d’étude sera publiée en ligne par le musée Getty. S. Descamps 1. Descamps-Lequime (S.), Mille (B.) et Robcis (D.), « L’Enfant à la bulle. Histoire moderne d’un bronze antique », Technè, 27-28, 2008. Within the framework of the collaboration between the department and the C2RMF, the study of the techniques of Greek and Roman bronzes introduced a new development: the precise identification of the type of interventions carried out on bronze works between 1809 and 1820. Sculptures grecques et romaines : campagne d’analyse des marbres et publications parues en 2011 Projet suivi par Ludovic Laugier, Jean-Luc Martinez, Daniel Roger, en partenariat avec l’université Paris VI Pierre-etMarie-Curie (Annie et Philippe Blanc, Marc de Rafelis) En partenariat avec l’université Paris VI, département de géologie sédimentaire, laboratoire de biominéralisation et paléoenvironnement, plusieurs campagnes d’analyses ont été menées en 2011. Dans le cadre de l’exposition « Au royaume d’Alexandre. La Macédoine antique », l’origine du marbre de trente-cinq œuvres a été étudiée, permettant de mieux comprendre en particulier les ateliers de sculpture funéraire. Cette campagne a fait l’objet d’une communication lors du colloque international Asmosia X, les 21-26 mai 2012, à Rome. Dans le cadre de l’exposition sur la collection Borghèse, qui s’est tenue à Rome, à la Villa Borghèse, du 10 décembre 2011 au 9 avril 2012, le matériau du « Galate blessé » Ma 324 a été déterminé, en collaboration avec l’équipe de Rome dirigée par Donato Attanasio, ce qui a permis d’éliminer l’hypothèse pourtant avancée d’une production en albâtre et d’identifier une production en marbre de Turquie (carrière de Göktepe). Dans le cadre de la préparation d’une exposition sur Gabies à Rome, dix statues des collections du Louvre ont aussi fait l’objet de différenciations entre marbres antiques et modernes. Selon la même problématique, des prélèvements ont permis de mieux distinguer les phases de restauration anciennes de la « Minerve Craufurd », acquise cette année. Au total, cinquante prélèvements ont été étudiés, par analyses croisées (cathodoluminescence, pétrographie, granulométrie, isotopes stables). À l’occasion de plusieurs expositions importantes, l’équipe scientifique du département a considérablement renouvelé en 2011 la connaissance des sculptures grecques et romaines du Louvre en publiant des notices complètes de plus de cent cinquante œuvres : vingt-trois portraits romains et sculptures idéales ayant appartenu au cardinal de Richelieu (Jean-Luc Martinez), cinquante-six autres de la collection Borghèse (Marie-Lou Fabréga-Dubert et Jean-Luc Martinez) et quatre-vingtun sculptures et fragments d’architecture provenant de Macédoine (Marianne Hamiaux et Ludovic Laugier). J.-L. Martinez et L. Laugier 98 The various exhibitions that were held in 2011 enabled us to gain a greater insight into the Louvre’s collection of Greek and Roman sculptures and led to the publication of extensive entries on over 150 works. In partnership with Université Paris VI (Pierre-et-Marie-Curie, department of sedimentary geology, laboratory of biomineralisation and paleoenvironments), several analysis programmes were conducted on the marbles to determine their origins, and to distinguish between antique and modern marble works. The findings of these studies will be presented at ASMOSIA X in June 2012, in Rome, and at a forthcoming exhibition on Gabii in Rome. Céramique grecque : travaux et publications sur la collection du Louvre Projet suivi par Anne Coulié, Martine Denoyelle, Alexandra Kardianou, Nassi Malagardis, Sophie Marmois, Sophie Padel et Marie-Christine Villanueva Puig L’année 2011 a vu paraître l’important volume consacré à la collection du Louvre de vases grecs de la cité de Paestum1. Martine Denoyelle y publie soixante-trois vases tout en faisant le point sur le contexte archéologique des découvertes, les questions de datation et d’attribution à des peintres et des ateliers. On signalera également la parution prochaine par Anne Coulié, aux éditions Picard, d’un manuel sur la céramique grecque aux époques géométrique et orientalisante. Près de quatre-vingts vases du Louvre des périodes hautes y sont étudiés. Nassi Malagardis a fait paraître en 2011 un article consacré aux scènes de danse satyrique dans lequel est reprise l’étude de l’amphore du Louvre E 827. Marie-Christine Villanueva Puig a publié huit vases attiques des collections du Louvre provenant de Macédoine à l’occasion de la récente exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique2 ». Plusieurs autres publications consacrées à la céramique grecque du Louvre dans le Corpus Vasorum Antiquorum sont en préparation. On signalera les avancées significatives de deux d’entre elles en 2011. La recherche conduite par Alexandra Kardianou sur les lécythes attiques à fond blanc (environ soixante vases) a profité des échanges survenus lors de la journée d’étude sur la polychromie mate et les lécythes à fond blanc, organisée au musée du Louvre le 18 mars 20113. Les résultats des analyses effectuées au C2RMF sur la composition des fonds blancs et de la polychromie seront intégrés dans le CVA, dont le manuscrit pourrait être remis en 2013. En 2011, la couverture photographique de cette série complexe a été enrichie par des photographies numériques et des « déroulés », illustrant une trentaine de ces vases. La préparation du volume consacré par Sophie Padel aux amphores à panse attiques à figures noires suit le rythme des restaurations. Ce corpus cohérent et complet d’environ quatre-vingt-dix amphores du vie siècle avant J.-C. est inédit pour plus d’un tiers. L’essentiel, publié dans les années 1920, nécessite une mise à jour de l’illustration et de la documentation. Le classement adopté est chronologique à l’intérieur d’un classement par types (type B, type C, type A, types incertains). En 2011, quatre vases ont été restaurés et quatre notices, rédigées. La campagne de dessins, échelonnée sur trois ans, a commencé en 2012 avec vingt profils. La remise du manuscrit pourrait avoir lieu en 2016. A. Coulié Antiquités grecques, étrusques et romaines 1. Voir infra, « Publications ». 2. Voir Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique, catalogue de l’exposition (Paris, musée du Louvre, 13 octobre 2011 – 16 janvier 2012), sous la dir. de Descamps-Lequime (S.), assistée de Charatzopoulou (K.), Paris, musée du Louvre éditions et Somogy, 2011. 3. Voir infra, « Journées d’étude ». 2011 saw the publication of many articles and works on Greek ceramics, such as Martine Denoyelle’s volume on the Louvre’s collection of Greek vases from the city of Paestum. Anne Coulié’s manual La Céramique grecque aux époques géométrique et orientalisante (XIe-VIe siècle) is due to be published by Éditions Picard (manuscript submitted in 2011). Several other publications on Greek ceramics in the Louvre in the CVA (Corpus Vasorum Antiquorum) are also being prepared on topics such as the white-ground lekythoi by Alexandra Kardianou and Attic round-bellied black-figure amphorae by Sophie Padel. Collections épigraphiques : trois catalogues en préparation Projet suivi par Jean-Luc Martinez (musée du Louvre), Marianne Hamiaux (musée du Louvre) et Michèle Brunet (université Lumière Lyon 2) (inscriptions grecques) ; Françoise Gaultier (musée du Louvre), Laurent Haumesser (musée du Louvre) et Dominique Briquel (université Paris IV, CNRS, ENS) (inscriptions étrusques et italiques) ; Daniel Roger (musée du Louvre), Agnès Scherer (musée du Louvre) et Marianne Hamiaux (musée du Louvre) (inscriptions latines) Michèle Brunet, professeur à l’université Lumière Lyon 2, a poursuivi en 2011 la préparation du catalogue des inscriptions grecques du musée du Louvre. Elle y a consacré son séminaire d’épigraphie et a présenté aux États-Unis, le 5 janvier 2011, à l’occasion du colloque qui s’est tenu à San Antonio, le projet d’édition en ligne. Avec les équipes du Louvre, elle a déposé fin 2011 auprès de l’Agence nationale de la recherche le projet d’édition « papier » et en ligne du catalogue des inscriptions grecques du musée (projet 2012-2016). De même, le travail de recensement, de relevé et d’étude des inscriptions étrusques et italiques s’est poursuivi cette année. Dominique Briquel, professeur émérite, qui en est chargé, y a consacré son séminaire à l’École pratique des hautes études et a fait paraître en 2011 un important article dans les Mélanges en l’honneur de Giovanni Colonna sur l’inscription du Louvre mentionnant « Laucie Mezentie ». La rédaction du catalogue raisonné est en cours et la remise de manuscrit est prévue à la fin de l’année 2012. L’étude des inscriptions latines du musée du Louvre (plus de mille deux cents numéros) a considérablement avancé en 2011 grâce au don au département d’une importante documentation remise par Noël Duval. Directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines de 1968 à 1975, Noël Duval avait réuni des travaux universitaires inédits faisant la synthèse sur des pans entiers de la collection, tel le cimetière des Officiales. En complétant ainsi la documentation, les grandes lignes d’un futur catalogue peuvent être précisées. Parfois connues – dans un état meilleur ou plus complet qu’aujourd’hui – depuis la Renaissance, où elles sont dessinées par des artistes ou des érudits, telle l’inscription de Petronius Melior Ma 1466, ces épigraphies sont presque toutes publiées depuis le xixe siècle dans le Corpus Inscriptionum Latinarum. En conséquence, les spécialistes ont eu tendance à délaisser les objets pour leur préférer les retranscriptions ainsi disponibles. Or celles-ci, au gré de publications dispersées, ont souvent été remises en cause et discutées. Un nouveau catalogue, outre qu’il permettra de publier les quelques inscriptions inédites, fera le point sur les fautes de lecture anciennes et sur les différentes retranscriptions possibles et permettra de préparer une galerie des inscriptions latines au musée. J.-L. Martinez et D. Roger In 2011, Michèle Brunet, professor at Université Lyon 2, continued her work on the catalogue of the Musée du Louvre’s Greek inscriptions. At the end of 2011, in collaboration with the Louvre, she submitted her paper format and online publication project to the ANR for the catalogue of the museum’s Greek inscriptions (project runs from 2012 to 2016). Similarly, in 2011, Dominique Briquel, professor emeritus continued the work of recording, copying and studying Etruscan and Italic inscriptions. The study of the Musée du Louvre’s Latin inscriptions (more than 1,200 examples) considerably progressed in 2011 thanks to the donation to the department of significant documentation by Noël Duval, the department’s director from 1968 to 1975. HISTOIRE DE LA RÉCEPTION DE L’ANTIQUITÉ CLASSIQUE Collections d’antiques des xviie et xviiie siècles en France et en Italie : à propos des collections Richelieu et Borghèse Projet suivi par Jean-Martinez et Marie-Lou Fabréga-Dubert Les deux expositions ouvertes en 2011 (« Richelieu à Richelieu », Orléans et Tours, musées des Beaux-Arts, et Richelieu, musée municipal, 12 mars – 13 juin 2011, et « I Borghese e l’antico », Rome, Galleria Borghese, 7 décembre 2011 – 9 avril 2012) et les catalogues qui les ont accompagnées ont constitué une étape importante pour la valorisation de ce programme de recherche qui prépare à terme la publication des sculptures romaines idéales du musée du Louvre. Bénéficiant d’une vaste campagne de restauration et de longues recherches en archives, les antiques des collections Richelieu et Borghèse parvenues au Louvre sont désormais mieux connues matériellement, et ce en raison notamment de la mise en valeur de leur contexte décoratif pour les demeures où elles ont figuré. Le travail d’identification des sculptures a encore progressé. Pour la collection Richelieu, on signalera la redécouverte du « Marius » (Louvre, Ma 4820), de la « Servilie » (LL 204, en dépôt à Compiègne), du 99 Travaux de recherche buste d’« Épaminondas » (Louvre, MR 424), d’« Hercule jeune » (Louvre, MR 520), de « Scipion Nasica » (château de Richelieu) ou de la tête d’un « Marc Aurèle » (collection particulière). Pour la collection Borghèse, il faut signaler la redécouverte au Louvre, en réserve, des quatre pieds en forme de sirène du lit de l’« Hermaphrodite endormi », des corbeilles de fruits couronnant les « Cornupie » de la salle du Gladiateur ou de l’« Hermaphrodite debout » ithyphallique (Louvre, MR 221). Il faut également saluer l’énorme travail de publication des sculptures des jardins Borghèse, fruit de longues recherches d’Alberta Campitelli assistée d’Angela Napoletano et de Sandro Santolini. La reconstitution des modes de présentation des xviie et xviiie siècles a permis par ailleurs de mieux comprendre l’interprétation, voire la transformation de certaines sculptures et de recomposer ainsi des moments de l’histoire du goût pour l’antique. On en donnera quelques exemples significatifs. La réunion des quatre termes des saisons ornant la demi-lune des jardins de Richelieu a permis par exemple d’apprécier l’ajout des attributs modernes et l’ordre de la composition d’origine. De même, on comprend mieux les identifications anciennes et les transformations en pendants en étudiant les regroupements anciens : « Plotille et Faustine » par exemple dans la cour d’honneur du château de Richelieu, les médaillons à masque de Gorgone de l’escalier de Richelieu ou les triades de statuettes qui en décoraient les niches, comme les paires artificielles formées par les statues d’Alexandre Sévère ou de Germanicus du grand salon de Richelieu conformément à une réécriture de l’histoire romaine caractéristique du xviie siècle. De même, on comprend mieux désormais les restaurations anciennes et l’état de conservation du « Jupiter » MR 252 et du « Pan » MR 313, autrefois exposés à l’air libre sous le portique de la Villa Borghèse, ou l’utilisation au sein de triades placées très en hauteur dans le salon de Mariano Rossi de statues colossales comme le « Pertinax » MR 322. Plusieurs autres œuvres Borghèse ont ainsi retrouvé le sens qu’elles avaient aux xviie et xviiie siècles : le « Faune » MR 189 artificiellement penché en avant devient un Narcisse se mirant, le relief des « Trois Cités » est découpé selon le cadre moderne du mur qu’il ornait, le « Pollux » MR 324 recomposé à cette occasion prend tout son sens quand il retrouve sa présentation d’origine mettant en valeur son profil droit. Ce sont donc bien des modes de présentation, des angles de vue qui ont pu être reconstitués et qui fournissent pour le château de Richelieu comme pour la Villa Borghèse une ample matière qu’il faudra exploiter pour mieux caractériser à partir d’exemples concrets la manière dont les antiques ont été regardées et mises en scène à l’âge classique. Ces deux expositions ont notamment révélé de fortes différences, attendues mais qui restent méconnues, des modes de présentation des xviie et xviiie siècles. J.-L. Martinez The two exhibitions held in 2011 (Richelieu à Richelieu and I Borghese e l’antico) and their accompanying catalogues were a major step in highlighting this research programme, which will eventually lead to the publication of the Musée du Louvre’s ideal Roman sculptures. An extensive restoration campaign and lengthy archive research have augmented the researchers’ material knowledge of the antiquities in the Richelieu and Borghese collections that entered the Louvre; this is largely due to the focus on the decorative context in the residences in which they were displayed. 100 Catalogues de vente d’antiques au xixe siècle : étude des collections et du marché de l’art Projet suivi par Néguine Mathieux et Martine Denoyelle (INHA) De très nombreuses œuvres conservées au département ont été acquises au xixe siècle et au début du xxe siècle lors de ventes aux enchères parisiennes, que ce soit directement par le musée ou par l’intermédiaire de collectionneurs et de marchands qui les ont ensuite transmises au Louvre, par vente, don ou legs. Les catalogues de vente, dont l’édition a été de plus en plus soignée au cours du xixe siècle et qui offrent souvent une publication précise des objets, parfois agrémentée de photographies, permettent de mieux connaître l’état des œuvres avant leur acquisition et leur provenance précise. Associés aux minutes dressées par les commissaires-priseurs lors de la vente, qui recensent de manière systématique le nom des acheteurs et le prix d’adjudication, ils constituent une source très importante pour l’étude des collections. Le dépouillement de ces archives inédites, conservées aux Archives de la Ville de Paris, permet en effet de retracer la provenance et le parcours d’objets à l’histoire mouvementée depuis leur sortie de fouilles, mais aussi de répertorier des collectionneurs d’antiques fréquentant les salles des ventes et des acteurs du marché de l’art méconnus autrement. N. Mathieux et M. Denoyelle A great many works held in the department were acquired in the nineteenth century and at the beginning of the twentieth century at Parisian auctions, either directly by the museum or by collectors and dealers, who then sold, donated or bequeathed the works to the Louvre. The in-depth analysis of the sales catalogues and the records of the auctioneers during the sales elucidate the state of the works before their acquisition and their precise provenance, and provide an excellent reference for the study of the collections. Les collections d’antiques du marquis Campana Projet suivi par Catherine Metzger et Françoise Gaultier (orfèvrerie) ; Violaine Jeammet, Daniel Roger et Néguine Mathieux (plaques Campana) ; Paolo Nadalini (INHA) ; Laurent Haumesser et Françoise Gaultier (collection étrusque) ; Ludovic Laugier (marbres) Ce programme de recherche a connu divers développements en 2011. Plusieurs publications et communications plus ou moins liées aux festivités organisées à l’occasion de l’anniversaire de l’unité italienne ont fait le point sur l’histoire de la collection Campana. Signalons l’article de Françoise Gaultier « La dispersion de la collection Campana dans les années de l’unification politique de l’Italie » (en italien), la communication de Laurent Haumesser « Les Étrusques à Paris : la collection Campana entre Rome et le Louvre » (en allemand), ou encore l’article de Paolo Nadalini « L’acquisition du musée Campana et ses implications dans la recherche archéologique du Second Empire ». Antiquités grecques, étrusques et romaines Par ailleurs, les recherches menées à l’occasion de l’exposition « Gli Etruschi dall’Arno al Tevere. Le collezioni del Louvre a Cortona » ont permis de retracer l’histoire de plusieurs pièces provenant de la région et de préciser les modes d’enrichissement de la collection du marquis Campana et les liens entretenus par celui-ci avec les fouilleurs et les collectionneurs locaux. Les restaurations entreprises dans le cadre de l’exposition nous ont également permis d’approfondir notre connaissance des pratiques de restauration au xixe siècle, en particulier sur la col- lection de bucchero, dont l’étude devrait se poursuivre dans les prochaines années. F. Gaultier In 2011, several publications and presentations focused on the history of the Campana collection. Furthermore, the research conducted for the exhibition Gli Etruschi dall’Arno al Tevere. Le collezioni del Louvre a Cortona retraced the history of several items from the region and identified the means by which the Marquis Campana enriched his collection and his links with local excavators and collectors. CONTEXTE ET PROVENANCE Méditerranée occidentale (Italie-Tunisie) La peinture romaine du Louvre : point sur la collection de peintures campaniennes Projet suivi par Daniel Roger et Delphine Burlot (INHA) C’est à Vincent Tran Tam Tinh que l’on doit le premier catalogue des peintures romaines du Louvre, publié en 1974 sous l’impulsion de Noël Duval, alors directeur du département des Antiquités grecques et romaines. L’ouvrage, en noir et blanc, n’avait pu bénéficier d’une campagne de restauration préalable. La bibliographie sur laquelle s’appuyaient les notices était alors en langue allemande et, dans une moindre mesure, italienne. Si la collection n’a pas significativement crû en nombre, elle s’est beaucoup améliorée sur le plan de son état de conservation, grâce à un effort soutenu du musée, année après année, pour procéder à une restauration complète des quelque cent panneaux qui la composent. En s’appuyant sur les travaux d’une petite collectivité dynamique de chercheurs français et italiens, la restauration bénéficie aujourd’hui d’une approche plus concrète et de données de terrain plus accessibles. Ces avancées justifient une nouvelle publication de la collection. Un tiers de cette collection provient de Campanie et est passé par le musée de Portici. Connues depuis longtemps, ces peintures ont fait l’objet de nombreuses études qui les attribuent à une période chronologique précise et les replacent parfois dans un site bien identifié. En 2011, la rédaction, pour la collection « Solo », d’un manuscrit sur les peintures de praedia de Julia Felix, à Pompéi, a montré qu’il était même possible de reconstituer le décor d’une manière détaillée. Lorsque le contexte de découverte est connu, la recherche actuelle tend à situer les panneaux détachés des murs antiques dans l’ensemble du décor quand on peut le reconstituer. Les panneaux issus de la villa de P. Fannius Synistor, étudiés à l’occasion de la publication du colloque « Les fresques de Boscoreale : perspectives actuelles » organisé en 2010 à Mariemont (Belgique), sont les témoins d’une organisation, non seulement du décor, mais de l’ensemble de l’habitat, typique d’un moment de l’histoire de l’art et de la société du monde romain. En revanche, les premiers travaux de restauration des panneaux issus de la collection Campana, qui représentent aussi un tiers de la collection, ont rendu évidente la difficulté de proposer des datations absolument fiables dans cette partie du Fragment de peinture murale : Génie ailé, fin du ier siècle avant J.-C., Boscoreale, péristyle de la villa de Fannius Synistor, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNB 613 – P 23) 101 Travaux de recherche perspectives actuelles, actes du colloque de Mariemont (21-23 avril 2010), sous la dir. de Verbanck (A.), à paraître. Roger (D.), « Entrer dans la villa de Publius Fannius Synistor : les décors du Louvre », dans Les Fresques de Boscoreale : perspectives actuelles, actes du colloque de Mariemont (21-23 avril 2010), sous la dir. de Verbanck (A.), à paraître. A new catalogue is being prepared to replace the Louvre’s catalogue of Roman paintings published in 1974. This work will be based on the latest research on decorative schemes from the Roman era and on data provided by the comprehensive restoration of the collection. Apart from the stylistic and archaeological analyses, the modern history of these works will serve as a guide for their presentation. The catalogue will, in fact, be set out according to the various phases of the collection’s compilation. Les productions de la cité étrusque de Cerveteri : « De Cerveteri au Louvre : la peinture étrusque et son contexte » Projet suivi par Françoise Gaultier et Laurent Haumesser Fragment de peinture murale : Clio, muse de l’Histoire, 62-79 après J.-C., Pompéi, villa de Julia Felix, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (P 5) fonds. Retrouver les provenances précises, qui nous manquent ici dans l’immense majorité des cas, se heurte également à de nombreux obstacles. C’est pourquoi, contrairement au classement géographique adopté dans l’ouvrage de Vincent Tran Tam Tinh, le nouveau catalogue présentera les œuvres dans l’ordre de leur entrée dans la collection. L’histoire de l’enrichissement du fonds de peintures romaines, qui reflète bien sûr l’histoire du goût moderne pour ces objets, y sera abordée. Les faux, pastiches et recompositions y trouveront donc leur place. Parfois mouvementée, la vie moderne des fresques romaines est aussi une question d’histoire de l’art, comme l’ont montré les tribulations de scènes dionysiaques d’Herculanum ou la dispersion des fresques de la villa de Fannius Synistor. D. Roger et D. Burlot Bibliographie Burlot (D.), « Restauration et présentation des peintures murales d’Her- Site majeur d’Étrurie, d’où provient une grande partie de la collection étrusque du Louvre, dont ses principaux chefs-d’œuvre (sarcophage des Époux, plaques Campana), la cité de Cerveteri fait l’objet d’un programme ambitieux de recherche (voir RML 2010, p. 46). Mené en collaboration avec le Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR-ISCIMA), qui, dans le cadre d’une convention avec la Surintendance aux Antiquités de l’Étrurie méridionale, est chargé des fouilles du centre urbain, ce projet a pour objet de faire le point sur l’histoire des fouilles au xixe siècle et sur les productions artisanales de la cité de Cerveteri. En 2011, Françoise Gaultier et Laurent Haumesser ont poursuivi leurs travaux de recherche aussi bien dans le domaine de l’histoire des découvertes et des collections que dans celui de la restauration et des analyses. Une attention particulière a été portée de ce point de vue aux terres cuites architecturales ainsi qu’aux pithoï et aux braseros en impasto, l’une des productions caractéristiques de Cerveteri à l’époque archaïque. Différentes missions menées à Rome (musée de la Villa Giulia, Musée grégorien étrusque), à Londres (British Museum) et à Copenhague (Ny Carlsberg Glyptotek) ont permis de renforcer les liens avec les principales institutions liées au patrimoine archéologique cérétain ; ces dernières seront appelées à collaborer au projet d’exposition qui sera centrée sur Cerveteri et se tiendra au Louvre-Lens à la fin de l’année 2013 et au début de l’année 2014. F. Gaultier et L. Haumesser culanum et de Pompéi au Louvre », Histoire de l’art, 68, 2011, p. 45-54. Roger (D.), « D’un empire à l’autre, les tribulations des premières fresques exhumées d’Herculanum. Une récente acquisition du musée du Louvre », La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 20113, p. 20-32. Burlot (D.) et Roger (D.), Les Muses des Praedia de Julia Felix. Découverte et restauration, Paris, musée du Louvre éditions et Somogy (Solo), à paraître. Mathieux (N.) et Roger (D.), « À la recherche des panneaux manquants 102 de la villa de P. Fannius Synistor », dans Les Fresques de Boscoreale : In 2011, F. Gaultier and L. Haumesser continued their research studies on the history of discoveries and of the collections, as well as on restoration and analyses. In this perspective, particular attention was paid to architectural terracotta as well as to the pithoi and braseros in impasto, one of Cerveteri’s typical productions in the archaic period. The main European institutions involved with the archaeological heritage of Cerveteri will collaborate on the exhibition devoted to Cerveteri, which will be held at Louvre-Lens at the end of 2013 and the beginning of 2014. Antiquités grecques, étrusques et romaines Œuvres provenant de l’Étrurie intérieure conservées dans les collections du Louvre Projet suivi par Françoise Gaultier, Laurent Haumesser et Katerina Chatziefremidou, en partenariat avec le Museo dell’Accademia Etrusca e della Città di Cortona (MAEC) L’exposition « Gli Etruschi dall’Arno al Tevere. Le collezioni del Louvre a Cortona » s’est tenue au MAEC à Cortone du 5 mars au 31 juillet 20111. Elle a permis de mettre en lumière la partie de la collection provenant de l’Étrurie intérieure (entre Fiesole et Faléries). Dans le prolongement de cette exposition, il a été possible d’identifier plusieurs séries de pièces caractéristiques de la région ou en provenant, et de reconstituer leur histoire. C’est le cas notamment d’un brasero en bronze, qui fait l’objet d’une restauration fondamentale en 2012, d’un cratère à figures rouges provenant de la collection de Luigi Dei, et de la tête en bronze provenant de Fiesole, pour laquelle il a été possible d’identifier de nouveaux fonds d’archives. De même, les recherches qui se sont poursuivies sur le dépôt votif de Falterona, dont plusieurs statuettes sont conservées au Louvre, ont permis de mieux comprendre le contexte archéologique de nombreuses pièces et de préciser l’histoire de leur dispersion et leur localisation actuelle. F. Gaultier et L. Haumesser 1. Voir infra, « Expositions ». As a complement to the exhibition Gli Etruschi dall’Arno al Tevere. Le collezioni del Louvre a Cortona, which highlighted the articles in the Louvre collection that originated from inner Etruria (between Fiesole and Falerii), several sets of items characteristic of or originating from the region were identified, and their history was retraced. Histoire de l’archéologie française en Tunisie : les collections lapidaires romaines du Bardo et du Louvre Projet suivi par Jean-Luc Martinez, Danièle Braunstein, Agnès Scherer et Sophie Saint-Amans, en partenariat avec le Musée national du Bardo (Taher Ghalia) et en collaboration avec l’INHA (Martine Poulain et Martine Denoyelle), l’université Paris IV Sorbonne (François Baratte et Nathalie de Chaisemartin) le Centre interdisciplinaire de conservation et de restauration du patrimoine à Marseille (Vincent Mercurio) et le soutien financier de l’Institut français de coopération à Tunis Fruit d’une convention signée en novembre 2009 entre l’Institut national du patrimoine à Tunis et le musée du Louvre pour accompagner la rénovation du musée du Bardo, ce programme de recherche en cours vise à établir le catalogue des sculptures romaines découvertes en Tunisie conservées dans les deux institutions. Ce travail nécessite le dépouillement des archives et des publications anciennes, permettant de reconstituer l’histoire de ces deux collections. Après le bilan sanitaire et le récolement entrepris en 2010 (voir RML 2010, p. 47), le musée du Louvre a mis en place en 2011 un vaste chantier-école de restauration des sculptures du Bardo dans la perspective de la création d’un atelier de restauration des collections lapidaires de Tunisie. Encadrés par Danièle Braunstein au rythme d’une mission par mois et par Jean-Luc Martinez qui a défini la programmation scientifique de la campagne, huit élèves stagiaires issus des écoles des Beaux-Arts de Tunis et Nabeul, spécialité « Sculpture », ont été recrutés pour préparer les œuvres qui doivent être exposées dans la salle de Carthage. Malgré le report de la campagne au mois de mars en raison des événements politiques, ce chantier-école a été l’occasion d’une étude attentive de vingt et une sculptures du Bardo provenant essentiellement de Carthage. À cette occasion, une recherche sur les fonds d’archives conservés en France (fonds Poinssot à l’INHA par Sophie Saint-Amans, arrivée cette année dans l’équipe scientifique du Louvre) et l’étude des œuvres du Louvre provenant du même site de Carthage ont permis de comprendre l’évolution de l’état de conservation de ces sculptures et de reconstituer les étapes de leur redécouverte et de leur restauration au début du xxe siècle. Un projet d’exposition, conçu avec la direction du musée du Bardo et en collaboration avec l’INHA, a été imaginé en 2011 pour mettre en valeur les pièces d’archives identifiées (photographies des salles, discours de Paul Gauckler de 1899, photographies des découvertes à Carthage en 1904-1905…) et ce moment particulier de l’histoire des deux musées : le Bardo a ouvert ses portes en 1882 et réaménagé sa salle de Carthage après les découvertes des fouilles conduites en 1904-1905, tandis que le musée du Louvre ouvrait dans le même temps, en 1895, un Musée africain qui rassemblait les découvertes plus anciennes faites sur les mêmes sites. Ce sera l’occasion de faire un point sur cette histoire partagée. Quinze œuvres conservées au Louvre pourront évoquer cette histoire de l’archéologie française en Tunisie : don de la collection Marchant, missions scientifiques subventionnées par l’Académie des inscriptions et belles-lettres et le ministère de l’Instruction publique (missions d’Antoine Héron de Villefosse ou de Joseph Letaille), dons du bey de Tunis ou du ministère de la Marine. J.-L. Martinez In 2011, after the general assessment and inventory review undertaken in 2010 (see Rech. Louvre, 2010, p. 47), the Musée du Louvre implemented a vast study programme for the restoration of the Bardo sculptures, with a view to creating a restoration workshop for Tunisian lapidary collections. This study programme provided the opportunity for the close study of twenty-one Bardo sculptures that mainly originate from Carthage. Research conducted in the archives held in France and the study of the Louvre works originating from the same site of Carthage provided information about changes in the state of preservation of these sculptures, and enabled the reconstitution of the stages of their rediscovery and their restoration at the beginning of the twentieth century. An exhibition project conceived with the management of the Bardo Museum in collaboration with the INHA will provide an excellent opportunity to assess this shared history. 103 Travaux de recherche Méditerranée orientale (Grèce–Turquie) L’archéologie de la Grèce du Nord : bilan et perspectives Projet suivi par Sophie Descamps 104 L’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique », présentée au musée du Louvre (hall Napoléon) du 13 octobre 2011 au 16 janvier 2012, a permis de faire le point sur l’ensemble des œuvres de Grèce du Nord conservées au département. Ces œuvres ont été restaurées dans leur très grande majorité. À la lumière des données liées aux fouilles récentes conduites en Macédoine, elles ont été au centre de nouvelles études typologiques, stylistiques et chronologiques et ont été commentées de manière approfondie, aussi bien dans les textes introduisant les différents chapitres que dans les notices développées du catalogue. Les documents d’archives susceptibles d’apporter des renseignements sur le contexte des trouvailles ont été dépouillés afin de préciser les provenances et d’identifier des ensembles. À l’exception de quelques rares objets très incomplets ou dont le lieu de découverte demeurait peu assuré, toutes les œuvres de la Macédoine antique conservées au département, dont plusieurs en réserve, figurent ainsi dans le catalogue et ont été présentées dans l’exposition aux côtés des œuvres prêtées par les éphories et les musées grecs, offrant à la communauté scientifique nationale et internationale de nouveaux éléments de comparaison pour les recherches à venir et la possibilité de mesurer l’ampleur de la collection du Louvre, une ampleur qu’explique le rôle pionnier joué par les Français, au xixe siècle et au début du xxe siècle, dans la découverte archéologique de la Grèce du Nord, région alors peu explorée. Durant la première moitié du xixe siècle, la Macédoine ne bénéficiait pas encore d’une archéologie raisonnée. Les découvertes demeuraient aléatoires. Les œuvres entrées au musée du Louvre de 1817 à 1843 témoignent ainsi du caractère fortuit d’acquisitions qui étaient liées à la présence en Grèce du Nord de quelques érudits ou officiers de marine et surtout à celle des consuls en poste à Salonique, tels Esprit Marie Cousinéry ou Louis Félix Jacques Despréaux de Saint-Sauveur. Ces derniers ont repéré notamment, au cours de leurs missions, les œuvres antiques remployées dans des constructions modernes. Les provenances étaient alors au mieux fondées sur la tradition orale ou sur quelque rapport de témoins oculaires au moment de la mise au jour des œuvres, sans connaissance ni étude précise des contextes. L’approche archéologique change radicalement dans la seconde moitié du xixe siècle. Les œuvres acquises par le musée en 1863, à la suite de la mission scientifique de Léon Heuzey et d’Honoré Daumet menée sous l’égide de Napoléon III, sont les premières à avoir été accompagnées de dessins, de relevés et de commentaires précis sur les fouilles. L’exposition a permis de faire connaître l’ensemble de ces découvertes, ainsi que d’identifier et de confirmer l’origine de plusieurs œuvres en s’appuyant non seulement sur quelques notes manuscrites d’Heuzey et sur la publication exemplaire des deux savants, datée de 1876, mais également sur plusieurs dessins inédits de Daumet, déposés en 1912 à la bibliothèque de l’Institut de France. L’étude des deux tombes « macédoniennes », à façade et à portes de marbre, de Korinos près de Pydna et de Palatitza, celle des fragments architecturaux de l’aile nord et de l’aile est Portrait colossal de l’empereur Caracalla, vers 214 après J.-C., Philippes, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 996) du palais royal d’Aigai, capitale dynastique du royaume de Macédoine, ont pu être ainsi renouvelées et complétées. Ont notamment été retrouvés les fragments d’enduits peints ramassés dans les sépultures – fragment à décor de faux marbre du dromos de la tombe de Korinos, fragment du sol et de l’une des parois de la tombe de Palatitza – ou encore deux appliques de bronze d’une porte du palais d’Aigai. Les fragments d’enduits peints ont été étudiés par le C2RMF. Le début du xxe siècle a été marqué, quant à lui, par les fouilles du Service archéologique de l’armée d’Orient, institué Antiquités grecques, étrusques et romaines Antéfixes du palais royal d’Aigai, vers 315-310 avant J.-C., département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (CA 6222, 6234, S 7215, 7213, 7214, CA 6221, 6223) en mai 1916 par le général Maurice Sarrail afin de préserver de la destruction et d’étudier les vestiges susceptibles d’être mis au jour fortuitement par les garnisons basées dans les environs de Thessalonique. Le service comptait alors parmi ses collaborateurs des militaires qui, dans la vie civile, étaient archéologues – anciens membres de l’École française d’Athènes –, historiens – tel l’archiviste paléographe Léon Rey –, architectes et peintre. Il bénéficiait de l’aide des sections géographique, photographique et aéronautique de l’armée. Plusieurs sépultures ont été mises au jour entre 1916 et 1918 : la tombe « de la Maternité » à Thessalonique ; une tombe « macédonienne » sous tumulus à Kavakli (proche d’Agios Athanasios) ; des sarcophages à Zeitenlik/Stavroupolis ; quatre-vingt-deux tombes de la nécropole de Karabournaki ; les tombes de la nécropole de Bohémitsa/Axioupolis. Les marques d’invention, affectées par site et par tombe aux œuvres recueillies, témoignent de la rigueur des explorations, qui furent particulièrement remarquables à Zeitenlik et Karabournaki. Le mobilier funéraire, rassemblé dans la maison de fouilles de l’armée à Thessalonique, a été catalogué par Léon Rey avant son envoi partiel à Paris en 1917 et 1919. Les antiquités demeurées en Grèce appartiennent aujourd’hui aux collections de l’actuel Musée archéologique de Thessalonique. Les marques d’invention, mais également quelques documents du reportage photographique effectué à l’ouverture des tombes ou encore les aquarelles et les relevés à l’encre des œuvres exhumées, exécutés par le peintre Jean Lambert et déposés en 1924 à la bibliothèque de l’Institut de France, ont permis d’identifier plusieurs vases conservés dans les réserves respectives du Louvre et du Musée archéologique de Thessalonique. Ce travail n’est pas achevé. Les tapuscrits inédits de Léon Rey, généreusement confiés au Louvre par son fils Jean-Gabriel Rey à l’occasion de la préparation de l’exposition, apportent des données nouvelles sur la répartition du mobilier funéraire entre les deux musées. Ils sont accompagnés de photographies et de descriptions qui permettront d’identifier d’autres offrandes déposées à l’origine dans les sépultures de Karabournaki. S. Descamps entries of the catalogue. The archive documents that provide information on the context of the finds were examined in great detail in order to determine the provenances and identify the ensembles. The exhibition In the Kingdom of Alexander the Great: Ancient Macedonia (see “Exhibitions” section) provided an opportunity to study all the works from northern Greece held in the department, which, for the most part, were restored for this event. In light of the data relating to recent excavations carried out in Macedonia, they were subjected to new typological, stylistic and chronological studies and were described in detail, both in the introductory texts for each chapter and in the comprehensive The restoration and study of the Louvre’s Dipylon vases continued (craters A 552 and A 522). The current European interest in Dipylon vases should eventually lead to the establishment of scientifc and technical partnerships with Germany and Greece. Vases géométriques attiques du style du Dipylon Projet suivi par Anne Coulié La restauration et l’étude des vases du Dipylon se poursuivent. La phase finale de la restauration du cratère monumental A 552, retenu dans la sélection des œuvres destinées à être exposées à Lens et présenté à la commission des restaurations, a permis de corriger le profil fautif du vase, dont le diamètre a perdu 8 cm. Le cratère a été remonté sur une coque en résine et a bénéficié d’un montage sur mesure, conçu dans les ateliers du Louvre. Par ailleurs, le cratère A 522 a été dérestauré, comme prévu, en amont de la restauration finale qui prévoit en 2012 le remontage des fragments sur une coque en résine et l’association de la vasque avec le pied jointif, inédit, recomposé en 2010. Au cours du récolement consacré en 2011 aux vases du Dipylon (deux cent cinquante-quatre fiches et un lot de sept cent quarante fragments), de nouveaux fragments jointifs ont pu être associés au cratère A 522. L’intérêt que suscitent actuellement les vases du Dipylon, dont les fragments sont disséminés dans plusieurs pays européens, devrait conduire à la création de partenariats scientifiques et techniques avec l’Allemagne (université de Göttingen), l’Autriche (université de Graz) et la Grèce (Musée national archéologique à Athènes). Le recours à des numérisations 3D, qui s’imposent sur ce dossier et qui ne peuvent plus être menées au C2RMF, rend très souhaitable un partenariat technique avec l’Allemagne. A. Coulié 105 Travaux de recherche Vases orientalisants du style de « la chèvre sauvage » Projet suivi par Anne Coulié et Sophie Padel, en partenariat avec le C2RMF Trouvée essentiellement à Rhodes, la belle collection de vases archaïques de la Grèce de l’Est conservés au musée du Louvre, dont les différents styles de la chèvre sauvage sont le fleuron, nécessite une nouvelle publication. Trois axes sont privilégiés : l’étude des archives des fouilles, la révision des chronologies et la définition des ateliers. Amorcée en 2010 en partenariat avec le C2RMF, la réalisation d’un site interactif de recherche intégrant l’image 3D a bien avancé. La partie informatique est pratiquement terminée grâce au travail de David Kolin, assisté de deux stagiaires, Guillaume Blaise et Yann Ledudal. La conception du site, dont l’accès est pour le moment protégé, est clairement hiérarchisée, avec une page d’accueil instructive et bien illustrée, un mode de recherche simple par images et un mode de recherche avancé, comprenant de nombreuses rubriques correspondant aux différents champs de chaque fiche (numéro d’inventaire, lieu de découverte, dimensions…). Enfin, un accès réservé à des scientifiques ou à des administrateurs permet de faire évoluer la base en ajoutant de nouveaux vases ou fragments au corpus ou encore de nouveaux points sur les cartes de diffusion. Quant aux images, une cinquantaine de vases ont pu être reconstruits, grâce à l’utilisation d’une caméra allemande très performante (la caméra Breuckmann), récemment prêtée au C2RMF. Après tant d’autres campagnes de numérisation, celle menée pendant une dizaine de jours en octobre 2010 fut assurément la plus productive. La qualité des images 3D, bien meilleure pour les modèles acquis avec la caméra Breuckmann, laisse pourtant encore à désirer lorsque le décor est dense, comme c’est le cas pour l’œnochoé Lévy. Bien que la qualité des images soit censée progresser d’elle-même en raison des améliorations constantes dont font l’objet les logiciels du navigateur Mozilla, utilisé pour le site, il a fallu dans bien des cas recourir à des images en 2D pour remplacer les reconstructions manquantes et compléter celle dont la lisibilité est insuffisante. L’alimentation de la base a également bien avancé. Des fiches techniques sur les vases du corpus et des textes présentant dans la page d’accueil l’histoire des fouilles et un bilan sur les centres de production ont été rédigés, avec l’assistance de Sophie Padel. Cette dernière est en outre chargée d’établir une liste unifiée de tous les objets de la collection Salzmann conservés au musée du Louvre. Des contacts ont déjà été pris avec Geneviève Pierrat-Bonnefois au département des Antiquités égyptiennes. Les notices seront complétées en 2012, ainsi que différentes synthèses. Les données archéométriques devront inclure les analyses d’argile effectuées au C2RMF (par Anne Bouquillon) depuis 2008. En 2011, quinze prélèvements supplémentaires ont été effectués sur du matériel rhodien ou apparenté : cinq plats de la Doride de l’Est, six vases géométriques considérés comme rhodiens, et quatre vases archaïques rhodo-chypriotes ou rhodo-ioniens. Ce travail pourra être mis à profit à l’occasion d’un colloque et d’une exposition, dont une étape est programmée au Louvre en 2014. A. Coulié et S. Padel 106 This study aims to present the collection of archaic vases from Eastern Greece on a collaborative research site hosted by the C2RMF, which includes 3D images. The study focuses on three main areas: the study of excavation archives, a chronological review, and the identification of workshops. New clay analyses carried out by A. Bouquillon and her team in 2011 on fifteen Rhodian (or related) vases complement the programme consecrated to Eastern Greek ceramics started in 2008. Alongside various overviews of the history of ecavations and production workshops, an overview of clay analyses will be presented on the site. This work will be highlighted in the framework of a seminar and exhibition on Rhodes between 2013 and 2015. La céramique orientalisante thasienne Projet suivi par Anne Coulié En vue de la publication dans la collection des Études thasiennes de l’École française d’Athènes des vases orientalisants de « style mélien », une seconde et dernière campagne de dessalement a été menée en 2011. Quant aux analyses d’argile effectuées en 2009 et 2010 et dont la synthèse reste à faire, elles permettent de mieux comprendre la part respective des productions de la métropole, importées sur le site, et des productions locales qui s’en inspirent. L’origine d’un groupe de style grec-oriental, majoritairement retrouvé à Thasos, reste complexe à interpréter. A. Coulié In preparation for the publication of the “Orientalizing” vases in the “Melian style” in the École Française d’Athènes’ collection Études thasiennes, a second and final desalination programme was carried out in 2011. The clay analyses carried out in 2009 and 2010, for which an overview has yet to be written, have elucidated the respective roles of the metropolis’s productions that were imported to the site, and the local productions they inspired. The origins of a group in the Eastern Greek style, found for the most part at Thasos, remain difficult to ascertain. Histoire des fouilles conduites sur le site d’Éléonte en Turquie par l’armée d’Orient (1915 et 1920-1923) Projet suivi par Alexandra Kardianou Les objets archéologiques conservés au Louvre forment un corpus important : deux cent quarante-deux objets découverts lors de la première campagne de 1915 de l’armée d’Orient, mille dix-sept objets issus des trois autres campagnes qui se sont échelonnées de 1920 à 1923. Par ailleurs, trois cents objets sont conservés au Musée archéologique d’Istanbul. Ces objets sont représentatifs de nombreuses techniques d’exécution (terres cuites, céramiques, bronzes, marbres, verres) et forment un ensemble riche d’informations sur les pratiques funéraires. Les sources documentaires sont de plusieurs natures : un rapport très complet de la première campagne de fouille (publié dans le Bulletin de correspondance hellénique de 1915), huit rap- Antiquités grecques, étrusques et romaines ports de l’état-major du corps d’occupation de Constantinople (rédigés tout au long des campagnes entre 1920 et 1923) enrichis de notes supplémentaires, de plans, de dessins et d’une couverture photographique complète des deux dernières campagnes, et, enfin, des pièces d’archives conservées aux Archives des musées de France. Cet ensemble constitue un témoignage précieux et irremplaçable : – sur le plan archéologique, car il s’agit de la nécropole d’une colonie athénienne installée dès le viie siècle avant J.-C. et jusqu’au iie siècle après J.-C. ; – sur le plan historique, car il s’agit d’un témoignage sur les fouilles menées par l’armée d’Orient durant la première Guerre mondiale et au sortir de ce conflit dans les Balkans ; – sur le plan de la méthode d’exécution des fouilles, fouilles d’une qualité et d’une rigueur scientifique rares. L’objectif premier est de localiser les objets, de les replacer dans leur contexte en reconstituant les assemblages des sept cent soixante-cinq tombes et de les répertorier dans une base de données. Il convient, parallèlement, d’établir une politique de sauvegarde des ressources documentaires en procédant à la restauration et à la numérisation de la couverture photographique et des rapports de la campagne des fouilles de 19221923. Cette démarche, entreprise en 2008, se poursuit jusqu’en 2012. Nous pourrons ensuite envisager une publication, une exposition dossier ou encore une exposition virtuelle avec reconstitution de la nécropole en 3D. En 2011, le travail s’est concentré sur la localisation et la recontextualisation des objets issus de la première campagne (1915). Par ailleurs, l’ensemble des vases, à l’exception de ceux exposés, ont été conditionnés et rassemblés dans une même réserve dans le cadre du chantier des collections des salles d’étude Campana. A. Kardianou Archaeological objects excavated during the four campaigns carried out on the Eleonte Necropolis (Turkey) by the Armée d’Orient at the beginning of the twentieth century constitute a corpus of almost 1,500 objects; the corpus is representative of the materials and techniques used and provides information about the Athenian colony’s funerary practices between the seventh century bc and the second century ad. The programme began with the collection and storage of the archive documents. 2011 was consecrated to the localization and recontextualisation of the objects discovered during the first campaign (1915). La production des cités de Smyrne et Myrina (Turquie) Projet suivi par Jean-Luc Martinez, Isabelle Hasselin, Ludovic Laugier et Néguine Mathieux Pour ce programme en cours, on signalera les articles et communications que Néguine Mathieux a consacrés en 2011 aux ateliers coroplathiques de Myrina, à la production particulière des figurines décorées du motif du raisin, mais aussi au bilan qu’elle a pu dresser des nouvelles données archéologiques sur la fouille conduite à Myrina par Salomon Reinach et Edmond Pottier de 1880 à 1882. Pour Smyrne, il faut noter l’article de Ludovic Laugier sur les récentes découvertes effectuées lors des fouilles de l’agora et les articles et communications faites par Isabelle Hasselin en 2011 consacrés aux terres cuites de Smyrne conservées au Louvre et à Istanbul dans le cadre de la publication qu’elle prépare pour 2013. J.-L. Martinez In relation to this current programme it is worth mentioning Néguine Mathieux’s 2011 articles and presentations on Myrina’s coroplath workshops, specifically on the production of figurines decorated with the grape motif, and also the assessment she made of the new archaeological data on the excavations carried out at Myrina by Salomon Reinach and Edmond Pottier between 1880 and 1882. On the subject of Smyrna, most noteworthy are Ludovic Laugier’s article on the recent discoveries made during the Agora excavations and Isabelle Hasselin’s articles and presentations in 2011 on the Smyrnan terracotta held in the Louvre and at Istanbul, in the framework of the publication she is preparing for 2013. Les mosaïques romaines de la cité d’Antioche sur l’Oronte (Turquie) Projet suivi par Cécile Giroire Parallèlement à la fin de la campagne de restauration menée sur les huit mosaïques d’Antioche presentées à partir de septembre 2012 dans les nouveaux espaces muséographiques dédiés à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER), l’étude des archives s’est poursuivie à l’occasion d’une mission à l’université de Princeton (20-26 juillet 2011) : la documentation ancienne concernant les dix mosaïques conservées au Louvre, qui se compose de pièces écrites (carnets et rapports de fouilles notamment), de photographies et de documents graphiques (plans et relevés), a été rassemblée et doit maintenant être analysée pour préciser le contexte archéologique des mosaïques. Elle s’avère très inégale suivant les secteurs de fouilles et donnera donc des résultats très variables. Cette étude devra être complétée, dans un second temps, par le repérage du matériel archéologique – conservé au musée de Princeton – et des monnaies – à la Firestone Library – issus des mêmes secteurs de fouilles, étape qui nécessite une collaboration étroite avec les équipes des deux institutions. La journée d’étude des 10 et 11 décembre 2012 à l’auditorium du Louvre permettra de faire un point d’avancée sur ces recherches. C. Giroire At the same time as the restoration campaign carried out on the mosaics of Antioch (Rech Louvre, 2010, pp. 192–94), which will be incorporated in 2012 into the new exhibition spaces dedicated to the East Mediterranean in the Roman Empire, research continued to determine the archaeological contexts of ten mosaics held in the Louvre. This study will be complemented by the identification of archaeological material (held in the museum at Princeton University) and coins (at the Firestone Library) that were excavated in the same digs—a phase that will require close collaboration with the staff of both institutions. The study day scheduled for 10 and 11 December 2012 in the Louvre’s auditorium will provide an excellent opportunity to discover the latest findings of this research. 107 Travaux de recherche Sculptures ŒUVRES Les médaillons de plâtre de Pierre Jean David d’Angers Projet suivi par Isabelle Leroy-Jay-Lemaistre et Béatrice Tupinier-Barrillon Pierre Jean David (1788-1856), dit David d’Angers, est l’auteur de plus de cent cinquante médaillons représentant ses contemporains, particulièrement de la génération romantique. Il a signé aussi des portraits rétrospectifs historiques, des portraits familiaux et des médailles politiques, dont il faisait toujours fondre au moins trois exemplaires en bronze : un exemplaire pour lui-même (sa collection est aujourd’hui au Louvre), un pour le musée d’Angers et un pour la personne représentée. David modèle à main nue les personnages à la cire sur des ardoises (première étape du médaillon). « Je poursuis toujours ma galerie des grands hommes… On me voit avec ma petite ardoise, courant comme si j’allais voir de près l’immortalité. » C’est ensuite à partir de modèles en plâtre que ses bronzes sont fondus, grâce à la technique de la fonte au sable. Le département des Sculptures conserve deux fonds de médaillons en plâtre du sculpteur jamais publiés, dont l’étude a été entreprise en 2011. Un fonds de cent dix-huit médaillons provient de l’atelier du fondeur et ami du sculpteur Louis Richard. Il a été acquis en 1921 auprès de son petit-fils Georges Liard, avec trois cires sur ardoise et cinq médaillons en bronze (seules ces huit œuvres ont été alors inventoriées et publiées). Ces plâtres, de qualité remarquable, ont été directement moulés sur les cires de David d’Angers et ont servi au fondeur pour exécuter les médaillons en bronze. Certains médaillons étaient probablement destinés à la présentation dans l’atelier. Ils montrent de subtiles patines à effet de bronze ou de marbre, qui ont été révélées par une récente restauration. Les médaillons restaurés ont été conditionnés dans un médailler acquis à cet effet. Ils avaient été photographiés en 2009, avant qu’une restauration ne soit envisagée. N’ayant pas été portés sur l’inventaire lors de leur 108 Vue générale des médaillons de plâtre de David d’Angers avant reconditionnement dans un nouveau médailler acquisition, car acquis – d’après le comité du 21 janvier 1921 – « pour les collections du Moulage », les médaillons ont été inscrits rétrospectivement sur le registre des entrées de 1921. Ils portent ainsi les numéros ENT 1921.1 à ENT 1921.119. Ces médaillons sont inédits. Le second fonds de cent quarante-trois médaillons en plâtre, déposé au musée de la Monnaie de 1913 à 2001, reste largement à étudier. Leur date d’entrée et leur provenance sont encore inconnues (leur entrée remonte au moins au Second Empire). Des recherches d’archives sont à mener notamment au musée d’Angers et aux Archives des musées nationaux. Certains médaillons ayant été cassés, une restauration devra être effectuée, après un Pierre Jean David d’Angers, Médaillon de Jacques Louis Pierre Jean David d’Angers, Médaillon d’Honoré de Pierre Jean David d’Angers, Médaillon du général David, département des Sculptures (ENT 1913.135) Balzac, département des Sculptures (ENT 1921.005) Kléber, département des Sculptures (ENT 1921.064) Sculptures léger dépoussiérage. Tous ces médaillons ont été photographiés. Une liste sommaire a été publiée lors du retour de dépôt dans le catalogue des nouvelles acquisitions 1996-2001. Ces plâtres conservés comme matériau d’étude et souvent considérés à tort comme des moulages se révèlent plus intéressants qu’il n’y paraissait alors. Le fonds du cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France, dévoilé récemment lors d’une exposition, aiguise l’intérêt des historiens d’art pour les plâtres de David d’Angers. Cette étude permet de procéder à une comparaison avec les différents fonds de médaillons en plâtre du Louvre, du musée des Monuments français (dont le fonds Geoffroy-Dechaume), du musée d’Angers et du cabinet des Médailles. Elle peut déboucher sur un certain nombre de définitions, celles de « plâtre original », de « plâtre de référence » et de « tirage de diffusion ». L’aboutissement de ce travail de recherche permettra une meilleure connaissance de la collection, grâce notamment à la création d’une base de données. B. Tupinier-Barrillon Pierre Jean David (1788–1856), known as David d’Angers, created many medallions that were widely disseminated in bronze. David handmodelled figures in wax on slate. The bronzes were then sand cast from plaster models. The Department of Sculptures has a collection of previously unpublished plaster medallions. A collection of 118 medallions originated in the workshop of the founder Louis Richard; they were acquired in 1921 from the founder Liard. These plaster pieces were directly moulded from the waxes of David d’Angers and were used by the founders to cast the bronzes. Their subtly patinated surfaces were revealed by a recent restoration. The second collection of 143 medallions, deposited in the Musée de la Monnaie between 1913 and 2001, mainly remains to be studied. These plasters, which were originally conserved for study purposes, are more interesting than initially believed. The study has enabled a comparison with the various collections of plaster medallions in the Louvre, the Musée des Monuments Français, the Musée d’Angers, and the BNF. This work will culminate in the creation of a database. ARTISTES ET ATELIERS Sculptures souabes gothiques tardives (vers 1450-1530) des musées de France Projet suivi par Sophie Guillot de Suduiraut Le programme de recherche sur les sculptures souabes est destiné à mettre en valeur l’étude des sculptures médiévales allemandes des musées de France et à préparer la publication d’un catalogue raisonné en 2014-2015 (voir RML 2010, p. 55-56). Le programme s’inscrit dans le cadre du réseau « Sculptures médiévales des musées de France », créé en 2003 pour faciliter les échanges scientifiques entre conservateurs et promouvoir la recherche sur les collections. Les recherches stylistiques sont associées à l’analyse technique des œuvres, laquelle s’inscrit dans le cadre d’un programme du C2RMF portant sur l’étude du bois des sculptures, de leur structure et de leur polychromie. En 2011, la poursuite des travaux a notamment mené à deux découvertes. Une Sainte Barbe (Paris, Petit Palais) a retrouvé son identité stylistique. Des rapprochements précis ont été faits avec des œuvres souabes des années 1460-1470 attribuées à l’atelier ou à l’entourage d’un sculpteur d’Ulm, Jörg Stein. L’analyse stylistique, confortée par l’étude technique détaillée de la Sainte Barbe, nous a donné la conviction que cette sculpture provenait du même retable qu’une Vierge à l’Enfant et des figures de saints du musée d’Aix-la-Chapelle. Un essai de reconstitution a permis d’imaginer l’emplacement d’origine des cinq sculptures dans la caisse du retable. Une autre Sainte Barbe souabe datable des années 1460-1470 (Albi, musée Toulouse-Lautrec) a pu être associée à une Vierge à l’Enfant (Zurich) et à un Saint Jean (Munich) de même style, nous incitant à proposer l’hypothèse de l’appartenance originelle des trois sculptures à un même retable. S. Guillot de Suduiraut Two important discoveries were made in 2011: a sculpture of St Barbe (Petit Palais, Paris) was linked with Swabian works from 1460–70, attributed to the studio or entourage of a sculptor from Ulm, Jörg Stein. Stylistic and technical studies connected the work with a Virgin and Child and figures of saints from the Musée d’Aix-la-Chapelle. A reconstitution provided an idea of the original positions of the five sculptures in the altarpiece frame. Another Swabian St Barbe dating from 1460–70 (Musée Toulouse-Lautrec, Albi) was connected with a Virgin and Child (Zürich) and a St John (Munich) in the same style. The three sculptures may originate from the same altarpiece. Sculptures florentines du Quattrocento Projet suivi par Marc Bormand Au cours de l’année 2011, le projet de l’exposition consacrée à la sculpture florentine de 1400 à 1460 qui doit se tenir à Florence au Palazzo Strozzi (21 mars – 18 août 2013) puis au Louvre dans le hall Napoléon (19 septembre 2013 – 9 janvier 2014) a progressé sur différents plans, et ce en étroite concertation avec la co-commissaire de l’exposition, Beatrice Paolozzi Strozzi (voir RML 2010, p. 58). La liste des œuvres, réparties en dix sections thématiques, a été affinée à la faveur des nombreuses rencontres entre commissaires organisées à Paris comme à Florence et grâce aux discussions menées avec les futurs auteurs du catalogue. De nombreux contacts avec les prêteurs pressentis, souvent directs, ont permis de conforter les prêts importants. 109 Travaux de recherche En effet, l’année 2011 a permis de fixer la liste des auteurs des vingt-quatre essais qui approfondiront les thématiques des dix sections de l’exposition, historiens d’art liés aux musées ou à l’université, et qui rédigeront les notices scientifiques des cent quarante-cinq œuvres présentées. S’il est prévu que la plus grande partie des notices portent sur une œuvre unique, certains groupes d’œuvres feront l’objet d’une notice plus étendue. Les essais, confiés majoritairement à des auteurs italiens et français, doivent permettre de donner des points de vue affirmés sur des ensembles d’œuvres présents dans l’exposition, en les replaçant dans leur contexte économique, social, culturel et stylistique (par exemple sur le monument équestre, l’usage du bronze ou la sculpture monumentale) ; ou de fournir des analyses sur le contexte des œuvres présentées (par exemple l’humanisme civique, les hôpitaux et les institutions de charité). M. Bormand During 2011, various advances were made with the exhibition project consecrated to Florentine sculpture between 1400 and 1460 (Florence, at the Palazzo Strozzi, from 21 March to 18 August 2013; in the Louvre’s Hall Napoléon from 19 September 2013 to 9 January 2014), in close collaboration with the exhibition’s co-curator, Beatrice Paolozzi Strozzi. Groups of works will be presented in their economic, social, cultural and stylistic contexts (for example, for an equestrian monument: the use of bronze and monumental sculpture), and will tackle issues of civic humanism, hospitals and charitable institutions. Recherches sur Jean Antoine Houdon Projet suivi par Guilhem Scherf Les recherches sur le sculpteur Jean Antoine Houdon (17411828), l’un des artistes français les plus importants du xviiie siècle, entreprises afin de rédiger le catalogue raisonné des œuvres conservées au musée du Louvre (à présent publié1) se poursuivent dans un but élargi : meilleure connaissance des techniques d’élaboration des sculptures grâce à l’étude des matériaux (bronze, terre cuite, plâtre), approfondissement de l’étude de l’œuvre de l’artiste (voir RML 2010, p. 59). En 2011, des travaux ont été engagés, dans le cadre des commémorations du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, afin d’analyser le rôle de Houdon dans la création posthume du portrait de l’écrivain et dans sa diffusion, en particulier à l’époque révolutionnaire. Houdon a sculpté, à partir du masque mortuaire de Rousseau qu’il eut le privilège d’exécuter quelques instants après sa mort, un portrait qui a servi de nouveau prototype – y compris par l’estampe – et s’est substitué aux autres images du philosophe. Sous la Révolution, l’artiste, se targuant d’un « droit à l’image », a voulu s’imposer comme l’unique créateur d’un monument en l’honneur de Jean-Jacques Rousseau décidé par l’Assemblée nationale. Les recherches entreprises ont été en partie publiées dans le catalogue d’une exposition organisée au début de l’année 2012 par le musée de la Révolution française à Vizille, « JeanJacques Rousseau et son image sculptée, 1778-1798 ». G. Scherf 1. Scherf (G.), Houdon. Statues, portraits sculptés, Paris, musée du Louvre éditions et Somogy, 2006. After the publication of the catalogue raisonné of the Louvre’s works, research continued on the fabrication techniques for Houdon’s sculptures and his oeuvre. In 2011, for the tercentenary of the birth of Jean-Jacques Rousseau, work was commenced to analyse Houdon’s role in the posthumous creation of the writer’s portrait and its dissemination, as Houdon’s portrait replaced other images of the philosopher. The research work undertaken was partly published in the catalogue for an exhibition organized by the Musée de la Révolution Française in Vizille (Jean-Jacques Rousseau et son image sculptée 1778-1798) at the beginning of 2012. MATÉRIAUX ET TECHNIQUES Les bronzes français Projet suivi par Geneviève Bresc-Bautier 110 Durant l’année 2011, David Bourgarit a poursuivi au C2RMF les analyses des sculptures en bronze (voir RML 2010, p. 58). Ces analyses n’ont concerné qu’un petit nombre des œuvres du Louvre qui avaient déjà fait l’objet de radiographies et de prélèvements à la suite de l’exposition sur les bronzes français en 2009. Mais il s’est révélé indispensable d’agir sur les nouvelles traces d’oxydation apparues sur le gisant accoudé du prince de Carpi, attribué à Giovan Francesco Rustici. L’observation et la restauration de l’œuvre par Emmanuel Plé et les analyses de David Bourgarit ont permis de préciser la nature de l’alliage (un cuivre peu allié), la répartition des dorures et la technique de mise en forme et de ciselure. De nouvelles collaborations sont venues élargir le corpus : à Versailles, un programme de constat d’état et d’analyses rapides a été engagé (David Bourgarit, Alexandre Maral, Antoine Amarger) ; David Bourgarit a procédé à l’analyse de la plupart des bronzes du château de Fontainebleau, dont ceux de Primatice, la Diane de Prieur, divers bustes, le Gladiateur combattant attribué à Hubert Lesueur, les deux statues attribuées à Vinaccia, des mascarons de fontaine attribués à Francesco Bordoni. Enfin, à la suite de l’exposition sur la sculpture champenoise tenue à Troyes, l’interrogation qui portait sur deux statuettes (évêque et saint Pierre) du trésor de la cathédrale de Troyes a été résolue. Alors que plusieurs historiens d’art y voyaient la main du Maître de Chaource, le plus grand sculpteur des années 1500 en Champagne et Lorraine, l’analyse a montré qu’elles étaient faites d’un laiton de composition analogue à celle des productions mosanes et plus précisément des statuettes de Renier van Thienen. Il faut désormais entériner l’hypothèse de l’importation d’une œuvre mosane, chandelier monumental ou lutrin, orné de statuettes, qui participe à la forte influence nordique décelable dans la sculpture champenoise au xvie siècle. En parallèle, le programme s’est poursuivi aux États-Unis avec Francesca Bewer à Harvard et Jane Basset au J. Paul Getty à Los Sculptures Angeles. Celle-ci a procédé à l’analyse des bronzes de Houdon, dont ceux du Louvre en collaboration avec Guilhem Scherf. Afin de faire connaître les recherches des années 2008-2011, une journée d’actualité de la recherche au Louvre, suivie de deux jours de conférences au C2RMF, a eu lieu en juin 2012. En 2011, le comité scientifique (Francesca Bewer, David Bourgarit, Geneviève Bresc, Philippe Malgouyres, Guilhem Scherf) a préparé cette confrontation d’expériences entre spécialistes venus des États-Unis, d’Allemagne, d’Angleterre, de Hollande ou de Suède. G. Bresc-Bautier During 2011, David Bourgarit continued his analyses of bronze sculptures at the C2RMF. The corpus of works was expanded through new collaborations: at Versailles, Fontainebleau and Troyes (following the exhibition on sculpture from the Champagne region). At the same time, the programme continued in the United States, with Francesca Bewer’s work at Harvard and Jane Basset at the J. Paul Getty in Los Angeles. The latter analysed Houdon’s bronzes, including those in the Louvre in collaboration with G. Scherf. In order to disseminate the research work from 2008–11, several events were scheduled for June 2012: a day devoted to current research work in the Louvre, followed by two days of conferences at the C2RMF. MUSÉES ET COLLECTIONS Le fonds photographique des antiquaires Demotte Projet suivi par Pierre-Yves Le Pogam et Christine Vivet-Peclet Georges-Joseph Demotte et Lucien, son fils, sont deux grands antiquaires qui ont exercé leurs activités durant le premier tiers du xxe siècle dans leurs galeries de Paris et de New York (voir RML 2010, p. 59). Georges-Joseph (1877-1923) s’établit comme antiquaire à Paris au début du xxe siècle. Il développe progressivement son commerce et se spécialise en particulier dans les arts de l’Islam et la sculpture médiévale. Il épouse en 1899 Semha Lucie Stora, qui appartient à une grande famille d’antiquaires parisiens. Ils ont un fils, Lucien (1906-1934), qui, à l’âge de dix-sept ans, va succéder à son père à la mort de ce dernier, laquelle survient accidentellement le 8 septembre 1923 lors d’une partie de chasse. Lucien va continuer de faire prospérer l’entreprise familiale, mais il décède brutalement en 1934. Le fonds de commerce parisien est alors racheté par un autre marchand d’art, la galerie Andrée Macé. Outre les œuvres, la galerie entre alors en possession d’un fonds de plaques de verre qui sera donné au département des Sculptures du musée du Louvre en 1978. Les deux mille quatre cents plaques de verre qui forment le fonds ont été inventoriées, analysées, et constituent désormais une base de données partagée avec le Metropolitan Museum of Art à New York. Ce recensement de l’ensemble des photographies s’est accompagné de l’étude des personnalités de Georges-Joseph et Lucien Demotte et du fonctionnement de leurs galeries. Parallèlement, les œuvres présentes dans leurs fonds ont pu être pour partie identifiées et leur historique reconstitué. Les antiquaires et leurs activités Il a été procédé au dépouillement des pièces d’archives et des articles de presse concernant les différents procès qui ont terni les dernières années d’activité de Georges-Joseph Demotte, mais qui témoignent aussi de son attachement aux musées, auxquels il a prodigué de nombreux dons. Une partie de ces documents est conservée au département des Sculptures ainsi que dans les Archives des musées nationaux et dans celles de la Ville de Paris. Les traces de l’activité des antiquaires ont été relevées, en particulier, à travers les annonces ou les publicités parues dans la presse spécialisée. Il a également été procédé à la recherche systématique des ouvrages qu’ils ont publiés, puisqu’ils se sont lancés dans les années 1920 dans une activité d’éditeur d’art. Georges-Joseph a notamment fait paraître entre 1919 et 1921 le catalogue en trois volumes des acquisitions du Louvre depuis 19141. Lucien fut quant à lui directeur de la revue internationale Formes, de 1929 à sa mort en 1934. Une autre facette de leur activité est illustrée par un jeu de photographies représentant des vues des salles du musée de Sculpture comparée à Paris dans les années 1920-1930, au palais du Trocadéro (actuel musée des Monuments français). En effet, il semble que Georges-Joseph Demotte ait parfois fait procéder au moulage des œuvres passées dans sa galerie. Certains de ces moulages ont par la suite été donnés au musée de Sculpture comparée, en 1924 (onze moulages), puis en 1934 (une trentaine de moulages), pour y être exposés. Un travail de reconnaissance de ces œuvres est en cours, avec la collaboration de Christine Lancestremère, conservateur au musée des Monuments français. D’autres moulages se trouvent encore de nos jours à la galerie Andrée Macé, héritière commerciale du fonds Demotte, et sont également en cours d’étude. Les œuvres du département des Sculptures du musée du Louvre Il a été procédé au dépouillement systématique des catalogues de musées possédant des collections de sculptures (le Louvre, mais aussi les musées anglais et les musées américains), complété par la consultation des sites Internet de ces institutions. Un début de dépouillement des catalogues de vente et des catalogues des grands collectionneurs a également été engagé. Toutes ces opérations ont amené à l’identification de nombreuses œuvres. En 1905 et 1914, Georges-Joseph Demotte a vendu au Louvre, par l’intermédiaire des Amis du Louvre, une série de sculptures médiévales provenant de Notre-Dame-de-laCouldre à Parthenay (R.F. 1607, R.F. 1608 a, R.F. 1609 a), qui ont subi de lourdes restaurations sans doute lorsqu’elles se trouvaient entre ses mains. Ces falsifications ont causé un énorme scandale en 1923 et jeté le discrédit sur l’ensemble des œuvres acquises auprès de l’antiquaire, et en particulier sur deux figures de lansquenets acquises par le département en 1909 (R.F. 1483 a et b). Un nouvel examen de ces sculptures permet d’y voir en réalité des œuvres authentiques bien que 111 Travaux de recherche Sud de la France (?), Christ, fin du xiie et xxe siècle, Fonds Demotte Sud de la France (?), Christ, fin du xiie et xxe siècle, département des Sculptures (R.F. 2768) 112 restaurées. L’étude de l’ensemble des plaques photographiques de l’antiquaire témoigne en général de la haute qualité et du grand intérêt des œuvres passées dans ses galeries. Ainsi, un grand Christ figurant parmi ses photographies a été identifié par Pierre-Yves Le Pogam comme celui de la collection Des Courrières, donné au Louvre en 1956 (R.F. 2768) et considéré depuis lors comme un pastiche. Un nouvel examen de cette œuvre effectué par Dominique Faunières en 2007 a permis de le reconsidérer. Si la tête et les bras sont des ajouts modernes, le corps est une œuvre authentique, de la fin du xiie siècle, qui conserve encore une partie de sa polychromie originale. Dans certains cas, il a été possible grâce aux photographies de compléter l’historique des œuvres. C’est le cas pour un ange portant un phylactère (R.F. 4434) pour lequel il existe deux photographies dans le fonds. Il a été acquis par le département des Sculptures en 1993. Une partie de son historique était alors connue, mais on perdait sa trace entre 1898 et 1938, moment où, comme en témoignent les photographies, il se trouvait chez l’antiquaire. Il en va de même pour une statuette de Vierge assise en pierre polychromée entrée en 1995 au musée, acquise dans le commerce d’art parisien et donnée par la Société des Amis du Louvre (R.F. 4511), qui est illustrée dans le fonds Demotte par une photographie. Elle a fait partie de plusieurs collections et c’est lors de la vente publique de la dernière d’entre elles, en 1907, que Demotte en a fait l’acquisition, comme l’attestent les annotations portées sur le catalogue de cette vente conservé au département. Grâce à l’étude des photographies, d’autres œuvres du département ont égale- ment retrouvé leur « identité Demotte ». Il s’agit en particulier d’une Vierge de Calvaire de la fin du xve siècle, du sud-ouest de la France, acquise en 1943 (R.F. 2554), et d’un relief de la Charité, du sculpteur lorrain Jean Richier, donné en 2001 par la Société des Amis du Louvre (R.F. 4676). Les œuvres d’autres musées Plus largement, à ce jour, il a été possible de retrouver la localisation actuelle d’un tiers des sculptures reproduites dans le fonds dans de nombreuses collections publiques françaises et étrangères ou lors d’un passage en vente publique. C’est le cas de cinq têtes qui ornaient la façade d’une maison de Metz, retirées de celle-ci en 1913 au moment où Demotte en fit l’acquisition. Quatre d’entre elles sont aujourd’hui exposées au musée de la Cour-d’Or à Metz, la cinquième depuis 1983 au Boston Museum of Fine Arts (inv. 1983.39). Une sixième tête, qui faisait partie du décor de la même maison, et qui représente un soldat barbu, était connue uniquement par une gravure ancienne. Elle est visible sur deux photographies appartenant à l’antiquaire. La localisation actuelle de cette œuvre n’a cependant pas encore été déterminée. Il semble d’ailleurs que Demotte, comme beaucoup de ses confrères d’alors, n’ait que rarement indiqué la provenance des œuvres à ses acheteurs potentiels. Parfois même, il a pu procéder à la dispersion d’ensembles. Ainsi, il a fait don, entre 1922 et 1923, de quatre reliefs romans italiens d’un même ensemble à quatre musées américains différents. Il s’agit des reliefs représentant sainte Daria (Glencairn Museum, Academy of the New Sculptures possible de s’interroger sur le goût des amateurs au début du xxe siècle et sur le développement de la connaissance de l’art médiéval à travers la réception de ces œuvres par les historiens d’art de l’époque. C. Vivet-Peclet 1. Les Accroissements des musées nationaux : recueil annuel, publié par les soins de Rivière (H.), 3 vol., Paris et New York, Demotte, 1919-1921 ; vol. I-II : Le Musée du Louvre depuis 1914 : dons, legs et acquisitions, préface de Louis Barthou ; vol. III : Le Musée du Louvre en 1920 : dons, legs et acquisitions. A comprehensive inventory was compiled and an analysis made of the collection of the antique dealers Georges-Joseph and Lucien Demotte. It consists of a database that is shared with the Metropolitan Museum of Art in New York. A study of the personalities of the two antique dealers was carried out, particularly via the systematic examination of written sources from the period, such as newspapers and archives. This study elucidated the various aspects of their activities. At the same time, work carried out to better comprehend the works revealed the “Demotte identity” on numerous works, both in the Department of Sculptures and in other institutions. There are plans to expand the project through diffusion on the Internet and by incorporating other areas of the antique dealers’ collection (decorative arts, Islamic art, paintings, etc.). The works in this collection also provide an insight into the history of the taste of connoisseurs and the appreciation of the works by contemporary art historians. Le fonds de plaques de verre Demotte, Fonds Demotte, département des Sculptures Le musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir Church, Bryn Athyn, inv. 09.SP.125), saint Prosper (Brooklyn, The Brooklyn Museum, inv. 23.25), saint Chrysanthe (The Detroit Institute of Arts, inv. 22.145) et l’ange Gabriel (Princeton University Art Museum, inv. y4). Enfin l’étude des archives présentes au département permet de témoigner du passage chez Demotte d’œuvres prestigieuses. C’est le cas de deux œuvres qui ont appartenu au prince Antoine d’Orléans, duc de Montpensier. Georges-Joseph a en effet pris soin de photographier l’attestation de vente, signée par le prince en 1920, par laquelle il cédait à l’antiquaire le très beau relief en marbre de la Vierge à l’Enfant de Benedetto da Maiano désormais au Metropolitan Museum of Art à New York (inv. 41.190.137) et la non moins célèbre Vierge en émail dite de la Bataille présentée désormais au musée de Burgos (inv. E00909). La recherche se poursuit dans le but de proposer un outil aux institutions susceptibles de conserver des sculptures passées chez ces antiquaires. Il est également envisagé d’élargir ce projet à l’ensemble des œuvres présentes dans leurs galeries. Ainsi, une première étude menée sur les ivoires médiévaux, présents en beaucoup moins grand nombre que les sculptures (environ cinquante ivoires pour deux mille sculptures), montre cependant une grande variété d’œuvres de qualité qui sont conservées de nos jours dans de nombreux musées (Paris, musée de Cluny ; Paris, musée du Louvre ; Londres, Victoria and Albert Museum ; New York, Metropolitan Museum of Art, the Cloisters). Enfin, à travers une critique d’authenticité des objets qui ont constitué le fonds de commerce de ces deux antiquaires, il est Projet suivi par Béatrice de Chancel-Bardelot, Jean-Marie Guillouët et Pierre-Yves Labord (INHA), Geneviève Bresc-Bautier et Angèle Dequier (département des Sculptures) Le programme associe des personnels du département « Études et recherche » de l’INHA, des personnels de la bibliothèque de l’INHA et des personnels du musée du Louvre, au service de plusieurs objectifs : – produire une base de données des œuvres passées par le musée des Monuments français entre 1795 et 1816, qu’elles soient aujourd’hui conservées en France ou à l’étranger, dans le patrimoine public (musées, monuments), ou qu’elles soient non localisées ou détruites ; le travail en cours (mille trois cent dix notices actuellement, à terme trois à cinq mille notices) bénéficie des fichiers papier et de la documentation réunie depuis de longues années par le département des Sculptures du Louvre ; des dépouillements ont été menés en 2011 au centre de documentation de la conservation des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris, sur les œuvres aujourd’hui conservées dans les églises de Paris ; des prises de vue dans les églises de Paris et en bibliothèque ont commencé fin 2011 ; – permettre une synergie entre les différentes approches du musée des Monuments français, par l’organisation de journées d’étude et d’un colloque. Le programme a accueilli en 2011 plusieurs stagiaires (universités Paris I et Paris IV, INP et université de Pérouse), qui 113 Travaux de recherche ont contribué à la base de données des œuvres passées par le musée des Monuments français et à l’organisation de la première journée d’étude. Le travail comporte également un volet iconographique dont l’étude a été faite en 2011. Des numérisations d’ouvrages liés au musée des Monuments français (catalogues et descriptions illustrées) sont aussi à l’étude. B. de Chancel-Bardelot The research programme conducted by the Musée du Louvre and the INHA’s Department of Studies and Research, from 2010 to 2014, is pursuing two goals: the Musée des Monuments Français is producing and compiling an online database of past works, which have been conserved, have not yet been located, or are lost; study days and a seminar have been organized to create synergy between the different approaches of the Musée des Monuments Français. 114 Objets d’art Objets d’art CHANTIER DES COLLECTIONS Les décors de lambris du xviiie siècle Projet suivi par Frédéric Dassas Le programme de recherche sur les lambris du xviiie siècle est étroitement lié au projet de rénovation des salles du xviiie siècle et aux travaux de restauration entrepris à cette occasion. Il a pour vocation d’aboutir à la publication du catalogue de cette partie de la collection. Les lambris du xviiie siècle conservés au Louvre Deux premiers ensembles provenant des hôtels Le Bas de Montargis et Dangé sont entrés au Louvre en 1898, au moment de la vente par l’État de ces hôtels qui abritaient jusqu’alors le siège du gouvernement militaire de Paris. Une partie des décors de l’hôtel Dangé a été utilisée, complétée et transformée pour servir de cadre à la collection Isaac de Camondo dans l’aile Mollien du Louvre, au moment de sa présentation en 1914 ; restés en place depuis, ces décors ont été démontés au moment des travaux du Grand Louvre en 1995. Jusqu’en 2005, le musée a présenté dans les salles du département des Objets d’art consacrées au xviiie siècle les fragments de décors d’architecture suivants : – un trumeau de miroir et deux encadrements de niches de l’hôtel Le Bas de Montargis, place Vendôme à Paris, décors exécutés vers 1705-1707 par Jules Hardouin-Mansart pour son gendre Claude Le Bas de Montargis ; Cabinet de l’hôtel Dangé, état avant démontage en 1898 – trois trumeaux de miroirs, deux encadrements de portes et un décor de bibliothèque provenant de l’hôtel Dangé, place Vendôme, décors exécutés vers 1750 à l’intention de François Balthazar Dangé, fermier général ; ces deux premiers ensembles sont entrés au Louvre en 1898, au moment de la vente par l’État de ces deux hôtels, qui abritaient jusqu’alors le siège du gouvernement militaire de Paris ; – le décor du grand salon du château d’Abondant (Eure-etLoir), exécuté en 1747-1750 par François Simon Houlié pour le marquis de Sourches ; ce décor, donné au Louvre en 1989 par les laboratoires Lafon, avait été remonté en 1994 ; son caractère exceptionnel repose sur le fait qu’il est toujours accompagné d’une partie de son mobilier ; – un ensemble d’éléments provenant de la grande chambre du duc de Chevreuse à l’hôtel de Luynes, rue Saint-Dominique à Paris, décors exécutés en 1766-1767 pour le duc de Chevreuse, gouverneur de Paris, sous la direction de Pierre Louis Moreau-Desproux ; ce décor fut légué au Louvre en 1962 par Mme Pierre Lebaudy. Par ailleurs, le musée conservait dans ses réserves un nombre assez important de fragments à l’identification incertaine, réputés provenir des hôtels Le Bas de Montargis ou Dangé, ou entrés au Louvre avec l’ensemble du legs Lebaudy. Grande chambre de l’hôtel de Chevreuse, état avant démontage, vers 1904 115 Travaux de recherche Salon d’assemblée de l’hôtel Dangé, état avant démontage en 1898 L’élaboration du projet de présentation des lambris La reprise de l’étude de ces ensembles décoratifs a été rendue impérative par le lancement de la réflexion sur le cadre architectural des futures salles xviiie siècle du département. Le travail a porté dans un premier temps sur l’identification des fragments conservés en réserve et la détermination de leur provenance exacte. Il a ensuite été nécessaire de faire une distinction entre les parties anciennes et les nombreux compléments des xixe et xxe siècles qui accompagnaient les différents éléments. La confrontation des résultats de l’enquête conduite sur les œuvres avec les informations livrées par les sources et les photographies anciennes a permis de définir le cadre général du projet de présentation de ces œuvres : restitution intégrale de quatre pièces pour lesquelles la richesse des décors subsistants et le degré de sûreté des informations livrées par la documentation le permettaient (salon d’assemblée, cabinet et cabinet en bibliothèque de l’hôtel Dangé, grande chambre de l’hôtel de Chevreuse), reprise et intégration des fragments dans un cadre architectural nouveau pour les pièces dont il n’était pas possible de proposer une restitution fiable (chambre de l’hôtel Dangé, éléments de l’hôtel Le Bas de Montargis). À ce stade, les lambris du salon du château d’Abondant, pour lesquels ce même travail avait été entrepris en 1994 au moment de l’installation du décor dans les salles du musée, n’appelaient pas de remarque particulière. L’intégration des pièces ainsi définies dans leur volume et dans leur organisation au sein des espaces de l’aile nord de la cour Carrée, de sorte que soient respectées la cohérence de l’articulation entre les séquences, la logique des circulations et celle de la disposition de chaque décor, a constitué la contrainte majeure à partir de laquelle s’est construit le parcours muséographique des futures salles. Une fois celui-ci défini, il a été possible de mettre au point le détail de chaque projet de restauration. 116 Les travaux de restauration des lambris Le programme de restauration a été établi en 2011. Les interventions ont porté sur les menuiseries (remise aux dimensions d’un grand nombre d’éléments qui avaient été augmentés ou diminués, restitution des assemblages), sur les décors sculptés, sur les décors peints (remise au jour des polychromies anciennes, restauration des scènes figurées) et sur les dorures : les dorures anciennes avaient en effet été la plupart du temps recouvertes de médiocres dorures à la mixtion ou d’une épaisse couche de peinture. Ce travail a permis de retrouver les dorures originales et le décor de faux marbre qui ornaient encore l’un des trumeaux de l’hôtel Le Bas de Montargis demeuré dans les réserves depuis son entrée au musée, ainsi que les fonds bleu vif des panneaux du cabinet de l’hôtel Dangé. Le dégagement des scènes peintes représentant des jeux d’enfants du même ensemble, lourdement repeintes au xixe siècle, compte parmi les autres heureuses surprises de l’année écoulée. Parallèlement, un travail minutieux de restitution des parties lacunaires a été entrepris, limité dans le cas du cabinet de l’hôtel Dangé aux seules croisées et à quelques éléments de lambris bas, parfois plus important, comme dans celui du cabinet en bibliothèque du même hôtel, dont plusieurs parcloses et un trumeau de miroir avaient disparu depuis le démontage de la fin du xixe siècle. La restitution du cadre architectural et décoratif Au-delà des seuls panneaux de lambris, l’étude des données historiques a permis de proposer des solutions de restitution cohérentes des éléments disparus mais intégralement constitutifs du cadre décoratif originel : parquets, corniches, plafonds, cheminées, meubles d’étoffe. S’il était irréaliste de tenter de restituer le satin blanc broché et rebrodé de figures chinoises de la grande chambre du duc de Chevreuse, le salon d’assemblée de l’hôtel Dangé retrouvera un damas vert susceptible d’évoquer celui mentionné lors de l’inventaire de 1778, et le cabinet voisin des rideaux de damas à bandes bleues et blanches conformes à la description de la pièce en 1772. Les rideaux de soie peinte et rebrodée du grand salon d’Abondant seront exécutés en conformité avec le fragment de rideau ancien provenant de la pièce et qui est conservé au département. Des enrichissements récents Enfin, la collection de lambris du département s’est récemment enrichie de deux ensembles peints à décor d’arabesques de très grande qualité : les éléments de porte et parcloses provenant du second cabinet turc du comte d’Artois dans son appartement du château de Versailles, dépôt du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et un ensemble de panneaux réputés provenir de l’hôtel Guimard, don de la famille Guerrand-Hermès en 2011. Les résultats de leur étude viendront abonder ceux déjà réunis lors de celle des autres décors. F. Dassas The renovation of the eighteenth-century galleries of the Department of Decorative Arts is an opportunity for a thorough study of the historic panelling kept in the Louvre. This panelling, displayed only in part previously or held in the storerooms, has been systematically studied to restore the former arrangements of the decor. The initial results of the research have contributed toward defining the museographical context for the forthcoming eighteenth-century rooms of the Department of Decorative Arts. Objets d’art ŒUVRES Chypre médiévale Projet suivi par Jannic Durand L’exposition « Chypre médiévale », inscrite dans le cadre des manifestations culturelles organisées dans plusieurs capitales de l’Union européenne à l’occasion de la présidence chypriote de l’Union au second semestre 2012, se propose de retracer l’histoire artistique contrastée de Chypre au Moyen Âge depuis le ive siècle, date du triomphe de la religion chrétienne dans l’Empire romain, jusqu’à la conquête de l’île par les Turcs en 1571. Elle est la première exposition sur ce sujet présentée au musée du Louvre, et la première en France depuis plus de vingt ans. La période médiévale s’inscrit dans une histoire complexe : l’île, riche province de l’Empire byzantin jusqu’au viie siècle, devient de 688 jusqu’au xe siècle une sorte de « port franc » dans le cadre de la lutte entre Arabes et Byzantins ; en 965, elle redevient pleinement byzantine pour deux siècles ; conquise par Richard Cœur de Lion en 1191, avec la troisième croisade, elle échoit, dès 1192, aux Lusignan ; ils y fondent un royaume, cédé en 1489 aux Vénitiens, qui contrôlent l’île jusqu’à la conquête turque de 1571. L’exposition proposera donc des éclairages successifs sur chacune de ces grandes périodes, en s’interrogeant sur les éléments les plus significatifs, en replaçant les différentes manifestations et échanges artistiques dans leur contexte protobyzantin, arabo-byzantin, byzantin, latin puis gothique et vénitien. Elle rassemblera des œuvres d’une dizaine de musées chypriotes, des collections de l’évêché de Nicosie et de plusieurs autres, dont certaines inédites. S’y ajouteront aussi des prêts extérieurs ponctuels importants provenant des collections publiques françaises, italiennes, américaines ou britanniques. La première section, dédiée à la basilique paléochrétienne, à son décor et à son mobilier, s’achèvera sur la présentation du trésor de Lamboussa-Lapithos, enfoui lors des premiers raids arabes du viie siècle. Un fragment de colonnette à inscription arabe, des lampes de terre cuite, quelques sceaux et un évangile grec du ixe siècle (BnF) provenant de Chypre tenteront alors d’individualiser les « siècles obscurs » qui ont suivi, nonobstant les liens demeurés vivaces de l’Église chypriote avec Constantinople. Atelier chypriote, Icône de saint Nicolas du Toit, xiiie siècle, Kakopétria, église Saint-Nicolas de Icône de saint Mamas, Achélia (près de Paphos), église Saint- Stégi, Nicosie, Musée byzantin de la fondation de l’archevêque Makarios III (BMIAM.007) Georges, musée byzantin de l’Évêché 117 Travaux de recherche appartenant aux deux communautés et connaît un essor spectaculaire du xiiie au xve siècle, mêlant décor courtois, héraldique ou animalier et traditions techniques héritées de Byzance. La dernière section montrera que Chypre sous domination vénitienne, dernier bastion chrétien en Méditerranée orientale après la chute de Constantinople et la prise de Rhodes, se caractérise surtout par une politique de constructions défensives, tandis que la peinture d’icônes hésite entre innovations à l’italienne et traditions orthodoxes, indépendamment du problème des commanditaires et de la multiplicité des communautés chrétiennes réfugiées sur l’île. Enfin, un « dossier » du département des Sculptures consacré à Camille Enlart (1862-1927) et Chypre, ainsi qu’une journée d’étude organisée à l’auditorium sur Chypre byzantine (23 novembre) attireront en parallèle l’attention sur l’architecture et le décor monumental, et sur l’apport de la recherche et des découvertes archéologiques récentes. J. Durand The exhibition, complemented by a “dossier” from the Department of Sculptures on Camille Enlart and by a day-long workshop on Byzantine Cyprus at the Auditorium, will offer an opportunity to investigate anew the particularities of medieval art in Cyprus. Based on a selection of works and recent archaeological discoveries, this inquiry will be organized around the major historical divisions—from the fourth century to the Turkish conquest— placing the different events and artistic exchanges within their Proto-Byzantine, Arabo-Byzantine, Byzantine, Latin and then Gothic and Venetian contexts. Les émaux médiévaux méridionaux Projet suivi par Élisabeth Antoine Saint Démétrios, fin du xiie – début du xiiie siècle, Chypre, Kellia, église Saint- Antoine, musée du monastère de Kykkos (E 807) 118 La troisième section portera sur l’Église byzantine chypriote du xe au xiie siècle. Le Saint Démétrios provenant de l’église de Kellia permettra d’évoquer la peinture monumentale. Des icônes poseront la question des liens avec l’art constantinopolitain de l’époque et celle de la plus ou moins grande autonomie artistique de l’île. L’exposition offrira aussi l’occasion de s’interroger à nouveau sur un groupe de manuscrits byzantins attribué à Chypre, sur la question du cuivre et de son usage à Chypre à la période byzantine moyenne, sur l’existence d’ateliers de taille de stéatite sur l’île à la lumière des fouilles récentes. Enfin, céramiques importées et vernaculaires illustreront concrètement jusqu’à l’aube du xiiie siècle l’appartenance de Chypre à une vaste zone économique privilégiée. Documents et manuscrits enluminés, monnaies, objets importés, dalles funéraires et fragments d’architectures gothiques manifesteront la rupture introduite par la conquête latine et le règne des Lusignan. La confrontation du manuscrit des Assises de Jérusalem (Venise, Marciana) et de sa traduction grecque à Chypre (Paris, Grec 1390) rendra sensible la coexistence de deux sociétés, grecque et latine, apparemment distinctes. Cependant, plusieurs icônes qui opèrent une synthèse originale entre traditions grecque et latine devraient nuancer ce constat, tout comme la céramique profane, qui s’adresse à une large clientèle L’année 2011 a été marquée par l’achèvement du second volume du Corpus des émaux méridionaux : L’Apogée, 1190-12151, fruit du travail mené par une équipe internationale (musée du Louvre, musée de Cluny, musée de Limoges, Metropolitan Museum of Art, Ermitage, Art Institute de Chicago, Nationalmuseet de Stockholm, universités d’Oslo et de León) sous la direction d’Élisabeth Antoine et Danielle Gaborit-Chopin. L’ouvrage, longuement attendu par la communauté scientifique, constitue un outil de travail indispensable et un ouvrage de référence dans le domaine de l’art médiéval2. Sa sortie, en juillet 2011, a été marquée par l’organisation de deux journées d’étude sur les émaux médiévaux (23 et 24 septembre), l’une, en collaboration avec l’École du Louvre, rassemblant les chercheurs dans ce domaine, l’autre, à l’auditorium du Louvre, destinée à un plus large public. Avec l’organisation de ces deux journées, le Louvre a renoué avec la tradition des rencontres annuelles sur les émaux médiévaux organisées jusqu’en 1997 par le British Museum, et se pose en tête d’un nouveau réseau sur les émaux médiévaux. Des rencontres de ce réseau « Émaux médiévaux » seront désormais organisées tous les deux ans par le Louvre et le musée des Beaux-Arts de Limoges. É. Antoine 1. Musée du Louvre éditions et Comité des travaux historiques et scientifiques. 2. Sur le contenu du volume et de ses huit cent cinquante-neuf notices, voir RML 2010, p. 62-63. Objets d’art The year 2011 marked the completion of the second volume of the Corpus des Emaux méridionaux: L’Apogée, 1190–1215, with the aid of an international team headed by Elisabeth Antoine and Danielle GaboritChopin. The book constitutes an indispensable working tool and reference work for the field of medieval art. Two day-long workshops on medieval enamels (23 and 24 September) followed its publication. The Louvre thus revived the tradition of annual meetings on medieval enamels, which were held by the British Museum until 1997. Meetings of this “medieval enamels” network will henceforth take place every other year, organized by the Louvre and the Musée des Beaux-Arts of Limoges. cinquante-sept images), à l’exception des ivoires du début du xvie siècle, qui seront versés en 2012 (voir RML 2010, p. 65). La base est consultable gratuitement à l’adresse suivante : http://www.gothicivories.courtauld.ac.uk/. Une proposition de communication par Élisabeth Antoine et Juliette Levy portant sur le Christ à la colonne de la collection Martin Le Roy (acquis en octobre 2011) et les retables en ivoire parisiens a été sélectionnée pour le colloque sur les ivoires gothiques organisé par le Courtauld Institute et le Victoria and Albert Museum en mars 2012. É. Antoine Les ivoires gothiques Active participation in the Gothic Ivories Project, spearheaded by the Courtauld Institute of Art, continued in 2011, with almost the entire collection of Gothic ivories from the department (198 works, 557 images) being entered into the database (http://www.gothicivories.courtauld.ac.uk/), with the exception of ivories from the early sixteenth century, which will be entered in 2012. A proposal for a paper by Elisabeth Antoine and Juliette Levy-Hinstin on the Martin Le Roy Christ at the Column (acquired in October 2011) and on Parisian ivory retables has been selected for the Gothic ivories conference planned by the Courtauld Institute and the Victoria and Albert Museum for March 2012. Projet suivi par Élisabeth Antoine La participation au « Gothic Ivories Project » conduit par le Courtauld Institute of Art s’est poursuivie activement durant l’année 2011, qui a vu l’intégration dans la base du même nom de pratiquement toute la collection d’ivoires gothiques du département (cent quatre-vingt-dix-huit œuvres, cinq cent artistes et ateliers Les bronzes padouans Projet suivi par Philippe Malgouyres La collection des bronzes italiens de la Renaissance du musée du Louvre est importante et riche, mais son dernier catalogue, non illustré, remonte à 1904, si bien qu’elle est à la fois célèbre et méconnue. J’ai choisi de privilégier dans un premier temps les œuvres antérieures aux années 1530. Les travaux de 2011 ont surtout concerné les objets les plus anciens (xive – milieu du xve siècle) : médailles de Pisanello et Matteo de’ Pasti, œuvres de Filarete, Alberti…. Ce travail de longue haleine, outre ses aspects traditionnels (remise à niveau bibliographique dans ce domaine qui fait l’objet de constantes publications), souhaite aussi introduire d’autres approches dans le catalogage, en particulier autour de la question des multiples. Il semble que l’on ait accordé une attention insuffisante à ce problème et nous souhaitons nous attacher à comprendre, pour les objets de notre collection, les rapports qu’ils entretiennent avec les autres exemplaires connus (multiples originaux, surmoulages, copies, etc.). Ce travail ne peut s’effectuer que par une connaissance directe des autres exemplaires concernés, car il se fonde sur un certain nombre de constats techniques et un système de mesure extrêmement précis. La campagne de 2011 a permis de réévaluer la collection du Louvre, inévitablement parfois de manière négative (je pense à Pisanello), et abouti à quelques belles découvertes (Filarete). Ph. Malgouyres The Louvre’s collection of Italian bronzes of the Renaissance is large and rich, but its last catalogue—not illustrated—dates back to 1904. The collection is both famous and little known. I have chosen to first of all privilege bronzes prior to the 1530s. In 2011 work focused especially on the most ancient objects (fourteenth–mid-fifteenth century): medals by Pisanello and Matteo de’ Pasti, works by Filarete and Alberti. This painstaking work is also intended to introduce different approaches to cataloguing, particularly on the question of multiples. MATéRIAUX et TECHNIQUES Les céramiques de Bernard Palissy et de ses continuateurs Projet suivi par Françoise Barbe La réunion du groupe de travail « Palissy », rassemblant conservateurs, restaurateurs, scientifiques du laboratoire du C2RMF et un certain nombre d’autres spécialistes, s’est tenue au Musée national de la Renaissance à Écouen en décembre 2011 (voir RML 2010, p. 66). La recherche s’est poursuivie principalement sur le groupe de plats et de vases à l’imitation des « rustiques figulines » de Bernard Palissy – pièces dont le lieu et la date de fabrication restent toujours mystérieux. La création d’une base 119 Travaux de recherche de données réunissant le corpus d’œuvres conservées dans les collections publiques et un glossaire destiné à repérer les différents animaux, végétaux et fossiles moulés, devrait permettre à terme d’identifier dans cette production des regroupements correspondant peut-être à différents ateliers. Les prochaines analyses d’œuvres auront lieu au C2RMF en 2012. F. Barbe The “Palissy” working group, composed of curators, restorers and scientists from the C2RMF laboratory and other specialists met at the Musée National de la Renaissance at Ecouen in December 2011. Research continued on the group of plates and vases in imitation of Bernard Palissy’s “rustic figurines”—pieces whose date and place of manufacture remain mysterious. The creation of a database bringing together the corpus of works held in public collections and a glossary to identify the different modelled animals, plants and fossils ought eventually to allow us to specify groups within that body of work, possibly corresponding to different workshops. The next analyses of works will take place at the C2RMF in 2012. Les verres émaillés vénitiens l’armoire attribuée à Hugues Sambin (OA 6869) et les résultats permettent de conclure que la polychromie actuelle est d’origine, ainsi que, probablement, le vernis. Par ailleurs, des prélèvements ont été effectués sur neuf meubles en noyer pour permettre des analyses au carbone 14 destinées à vérifier l’authenticité de certains meubles ou parties de meubles. Un autre élément mobilier de la Renaissance a fait l’objet d’une étude avec le C2MRF dans la perspective de sa restauration pour un prêt à l’exposition Renaissance du Louvre-Lens en 2012 : il s’agit d’un panneau marqueté italien du premier quart du xvie siècle. A. Bos The year 2011 marked the beginning of collaboration with the C2RMF on a project to study and analyse furniture at the Louvre from the late Middle Ages and Renaissance. Samples of gilt and polychromy were taken from the armoire attributed to Hugues Sambin (OA 6869), and the results allow us to conclude that the present-day polychromy is original, as, most likely, is the varnish. In addition, samples were taken from nine pieces of walnut furniture, so that carbon-14 analyses could verify the authenticity of certain of these pieces (or parts of them). Projet suivi par Françoise Barbe Le projet, lancé en 2009 par Isabelle Biron (C2RMF), Marco Verità (Laboratoire d’analyses des matériaux antiques, Venise) et Rosa Barovier (chercheur indépendant, Venise), s’est poursuivi par une seconde phase d’analyse en octobre 2011 : dix-huit verres émaillés dits vénitiens des collections du musée du Louvre ont été étudiés à l’aide du système d’analyse AGLAE (voir RML 2010, p. 66). Au total, vingt-cinq verres du Louvre (coupes sur pied, aiguières et gourdes) en verre translucide incolore ou bleu ont désormais été analysés. Les résultats ont été présentés lors du colloque « The Renaissance Workshop: The Materials and Techniques of Renaissance Art » organisé par le British Museum les 10 et 11 mai 2012. F. Barbe The project launched in 2009 by Isabelle Biron (C2RMF), Marco Verità (LAMA, Venice), and Rosa Barovier (independent researcher, Venice) has continued, with a second phase of analyses in October 2011: eighteen pieces of what is called “Venetian” enamelled glass from the collections of the Louvre were studied with AGLAE. In all, twenty-five pieces from the Louvre (footed goblets, ewers and flasks) in colourless or blue translucent glass have now been analysed. The results were presented at the conference titled The Renaissance Workshop: The Materials and Techniques of Renaissance Art, held by the British Museum on 10 and 11 May 2012. Le mobilier de menuiserie et les débuts de l’ébénisterie (fin du xve siècle – milieu du xviie siècle) Projet suivi par Agnès Bos 120 L’année 2011 a marqué le début de la collaboration avec le C2RMF sur le projet d’étude et d’analyse du mobilier de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance du musée du Louvre (voir RML 2010, p. 66). Pour ce qui est des analyses, des prélèvements de dorure et de polychromie ont été effectués sur Le mobilier Boulle Programme suivi par Frédéric Dassas Le programme de recherche sur le mobilier Boulle s’est poursuivi en 2011 avec la tenue d’une première journée d’étude organisée le 1er février en collaboration avec le C2RMF (voir RML 2010, p. 63-65). La première partie de la séance était orientée autour des questions de caractérisation des matériaux et des techniques de mise en œuvre et a donné lieu à des communications des différents chercheurs associés : C2RMF, laboratoire Valectra (fondation EDF), Laboratoire d’expertise du bois et de datation par dendrochronologie. La seconde partie de la réunion a permis de faire le point sur la validation des protocoles de restauration en cours de définition. La tenue du 5 au 7 mai au Bayerisches Nationalmuseum à Munich du colloque « Furniture in Boulle-Technique: Conservation, Science, History », a été l’occasion d’une double communication par Agnès Mathieu-Daudé, conservateur responsable de la filière « Arts décoratifs » au C2RMF, et par Frédéric Dassas, sur le programme de restauration et les premiers éléments nouveaux relatifs aux questions de datation et d’attribution. La question plus particulière de l’étude du mobilier « néo-Boulle » du xviiie siècle a fait l’objet d’une communication au colloque « Vraiment faux », qui s’est tenu à Paris, Drouot-Montaigne, le 21 septembre. Au printemps s’est achevée la troisième année du cycle de cours consacré au mobilier Boulle à l’École du Louvre ; cette dernière année portait essentiellement sur la place du mobilier Boulle dans les collections de la seconde moitié du xviiie siècle. F. Dassas Historical research and restoration studies on Boulle furniture have continued, resulting in the first papers announcing the results within the context of the workshops held at the Louvre and at two conferences. The first was devoted entirely to the restoration of Boulle furniture with marquetry decoration (Bayerisches Nationalmuseum, Munich, 5–7 May). The second, about copies and counterfeits, dealt specifically with Boulle furniture of the eighteenth century (Drouot-Montaigne, Paris, 21 September). Peintures Peintures ŒUVRES Corpus des peintures britanniques, germaniques, espagnoles, scandinaves, suisses, russes et diverses Projet suivi par Élisabeth Foucart-Walter Ce nouveau catalogue fait suite aux volumes réactualisés de l’école italienne (paru en 2007) et des écoles flamande et hollandaise (paru en 2009), lesquels remplaçaient les catalogues de 1979 et 1981 (dans celui de 1981, toutes les écoles faisant l’objet du présent travail étaient traitées conjointement avec l’Italie) (voir RML 2010, p. 71). L’ouvrage est conçu de la même manière, soit, pour chaque peinture, une notice illustrée pourvue d’un historique approfondi et d’une sélection des principales références bibliographiques, avec, dans certains cas, le renfort de quelques lignes de commentaire iconographique, voire stylistique. Les tableaux catalogués sont ici au nombre de cinq cent trentecinq. En vue d’une publication prévue initialement en 2003, les notices avaient été préparées sur un mode infiniment plus sommaire (historiques abrégés et de ce fait incomplets) ; elles ont été revues et mises à jour, comme on l’a fait pour les vo- lumes de 2007 et de 2009, tout spécialement sur le plan des historiques, qui ont été singulièrement complétés et améliorés grâce aux nouveaux instruments de recherche que constituent les bases informatisées Getty (dépouillement des ventes anciennes régulièrement enrichi, sous la direction de Burton Fredericksen) et Lugt (catalogues de vente antérieurs à 1900, accessibles en ligne). Un important jeu d’index (noms d’artistes, titres des œuvres, enfin provenances : commanditaires, collectionneurs, marchands et donateurs) assure à l’ouvrage sa fonction tant attendue d’instrument de recherche. Ainsi conçu, ce catalogue sera à même, comme les deux précédents, d’intéresser particulièrement l’historien des collections, du marché de l’art et des fluctuations du goût. Au fil des notices, l’on pourra se féliciter de la découverte de tel ou tel pedigree prestigieux jusque là méconnu, ou bien regretter que l’origine flatteuse assignée à Hans Holbein, dit Holbein le Jeune (1497-1498 – 1543), Portrait de Nicolas Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682), La Sainte Famille, dite La Vierge de Kratzer (vers 1486 – après 1550), astronome du roi d’Angleterre Henri VIII, 1528, Séville, vers 1665-1670, département des Peintures (INV. 930) département des Peintures (INV. 1343) 121 Travaux de recherche This new catalogue (comprising 535 entries)—which follows the volume dedicated to the Italian School (2007) and to that of the Flemish and Dutch Schools (2009)—takes the same form as the two preceding volumes, i.e. each painting has an illustrated entry, including the detailed provenance and a selection of the main biographical references. The provenances are especially complete thanks to the latest research tools—the Getty and Lugt computer databases. The volume includes specific indexes (particularly those relating to provenances: patrons, collectors, dealers and donors), ensuring that the volume fulfils its role as a research tool, particularly in relation to the history of the collections and changing tastes and styles. Recensement de la peinture française du xvie siècle Projet suivi par Cécile Scailliérez Christen Schjellerup Købke (1810-1848), Marchand de cigares à la porte nord de la citadelle de Copenhague, 1830, département des Peintures (R.F. 1996-1) certains tableaux ait dû être sévèrement révisée, ou constater encore que tout amateur, marchand ou conservateur, même avisé, peut s’être laissé abuser, preuve que l’art de la collection est fait de bonnes surprises, de faux espoirs comme d’amères déconvenues. Le Catalogue des peintures britanniques, germaniques, espagnoles, scandinaves, suisses, russes et diverses, par Élisabeth Foucart-Walter, Olivier Meslay, avec la participation de Guillaume Faroult et Dominique Thiébaut, Paris, musée du Louvre éditions et Gallimard, paraîtra fin 2012 – début 2013. É. Foucart-Walter 122 Jean Pothier (?), Crucifixion, 1544, France, collection particulière 2011 constitue une étape importante pour ce chantier qui est passé du projet à la réalité, de l’enregistrement occasionnel à l’enquête systématique, grâce au mécénat de la société japonaise Kinoshita (voir RML 2010, p. 73). Celle-ci finance le travail à temps partiel d’une documentaliste scientifique, Clara Marsal, chargée de la mise en forme systématique des données et de la correspondance avec les institutions propriétaires des œuvres recensées. Cette base de données est désormais hébergée sur le portail Agorha de l’INHA, ce qui signifie qu’elle adopte les modalités de saisie documentaire communes à toutes les bases de données de ce site et bénéficie d’un partenariat avec la Médiathèque du patrimoine, et qu’elle sera, progressivement, publiée en ligne. Contrairement aux bases consacrées au recensement de l’art italien (Retif) et ibérique (BAILA) conservé sur le sol français, le recensement de la peinture française prendra en compte, à terme, les œuvres conservées dans les collections étrangères, pour servir son ambition de poser les bases solides d’une véritable étude de la peinture Peintures xvie siècle, mais les éléments néerlandais rencontrés en cours de route sous une étiquette française hypothétique alimentent désormais une base de données annexe, pour l’instant conçue comme un rebut, mais qui pourrait ultérieurement constituer en soi un répertoire de la peinture néerlandaise du xvie siècle conservée en France. C. Scailliérez Jean Pothier (?), Saint Pierre et saint Jean guérissant les malades, verrière (baie no 8), Brienne-le-Château (Aube), église Saint-Pierre et Saint-Paul française de François Ier à Henri IV. L’enquête est actuellement prioritairement menée sur le territoire français mais comporte déjà, par analogies, quelques œuvres de musées étrangers. Le programme de 2011 porte principalement sur deux régions, la Champagne et la Bourgogne, soit huit départements, et une convention de partenariat avec la Drac de ChampagneArdenne est à l’étude pour en assurer la réalisation optimale et l’accompagner d’une campagne de restauration qui pourrait aboutir, dans plusieurs années, à une exposition sur la peinture champenoise du xvie siècle. Le champ d’investigation est celui de la peinture française du The database, which is hosted on the INHA’s AGORHA portal, lists sixteenth-century French works. It will eventually include works held in French institutions and those in collections abroad, with the goal of providing a solid foundation for an in-depth study of French painting from François I to Henri IV. The 2011 programme focused on two regions of France: Champagne and Burgundy. The Dutch works revealed during this project, which were hypothetically labelled as French, were entered into a database that may eventually constitute an inventory of sixteenth-century Dutch paintings held in French establishments. This research project is sponsored by the Japanese company Kinoshita. Jean Pothier (?), Présentation au Temple, 1550, Greenville, Bob Jones University Museum ARTISTES ET ATELIERS Giotto e compagni Projet suivi par Dominique Thiébaut Loin de vouloir apparaître comme une rétrospective du grand maître florentin, cette exposition « Giotto e compagni » (salle de la Chapelle, 17 avril – 15 juillet 2013) s’est fixé pour but de mieux faire connaître l’admirable séquence des œuvres du peintre et de son cercle immédiat conservées dans les collections publiques françaises, pour la plupart de qualité éminente et représentatives de l’évolution de son art comme de sa diversité (voir RML 2010, p. 72) : citons les trois grands panneaux du Louvre, Saint François recevant les stigmates, la monumentale croix peinte, actuellement en cours de restauration, et la Crucifixion acquise en 1999, mais aussi le Saint Jean l’évangéliste et le Saint Laurent de Chaalis ainsi que la Crucifixion de Strasbourg. En marge des questions d’attribution, de datation ou de reconstitution de polyptyques qui se posent inévitablement pour les productions de cette époque, seront abordées diverses thématiques : l’organisation de l’atelier du maître ; la typologie des panneaux « giottesques » et leur destination, objets de récentes découvertes ; les réseaux, franciscains notamment, sur lesquels s’est appuyé Giotto à travers toute l’Italie ; la réception de son art et l’émergence d’écoles régionales, car, fait remarquable, cette omniprésence du génie florentin dans la Péninsule n’a pas entraîné une uniformisation du langage mais au contraire stimulé l’éclosion de centres artistiques dotés d’une identité propre. Un relief particulier sera donné au foyer napolitain, dont bon nombre de productions ont gagné la France dès le xive siècle, en particulier le comté de Provence – alors entre les mains des rois angevins –, autorisant ainsi une connaissance précoce des nouveautés giottesques dans notre pays. D. Thiébaut This exhibition aims to introduce the public to the admirable series of works by the Florentine painter and his immediate entourage held in French public collections, works of extraordinary quality that represent the developments and diversity of his art. Aside from the necessary issues of attribution, dating and the reconstitution of ensembles, various themes will be tackled such as the organization of the master’s studio, the typology and destination of his panel paintings, the networks—especially Franciscan—he depended on throughout Italy, and the appreciation of his art, particularly in Naples, where the Court had close ties with France. 123 Travaux de recherche Rubens et l’Europe Projet suivi par Blaise Ducos L’Europe, à l’époque de Rubens, est essentiellement une vision idéale. Le continent est en guerre (guerre entre les grandes maisons régnantes, mais aussi suites et soubresauts des guerres de religion de la Renaissance), les rivalités économiques sont exacerbées alors même que le déclin de l’Espagne est consommé. En réalité, il existe plusieurs visions concurrentes de l’Europe, et Rubens a clairement opté pour le monde habsbourgeois et la défense de la foi catholique post-tridentine. Ses efforts pour la concorde et la paix entre l’Angleterre et l’Espagne ne doivent pas faire oublier son parti pris. Le propos de l’exposition qui se tiendra au Louvre-Lens en 2013 est de suivre la carrière de Rubens, depuis ses premiers pas à Anvers, à travers l’Europe (voir RML 2010, p. 74). Le panorama exhaustif étant impossible, et d’ailleurs largement brossé par le passé, il s’agit bien plutôt de réunir les pièces essentielles de dossiers majeurs : Rubens et la république des lettres, Rubens diplomate habsbourgeois, les pompes baroques, l’émotion religieuse – ou, moins connus, la poésie et le recueillement chez Rubens, la rivalité avec les autres grands artistes… Donner une idée de la variété de la production rubénienne ne suffit pas, même si c’est une nécessité : il faut montrer que Rubens est l’homme de toutes les partialités, autant que de toutes les splendeurs : sa foi est exclusive, son talent, qu’il aurait voulu (et qu’il clama) universel, est circonscrit (si l’on ose dire) à la peinture et au dessin ; il tenta de pallier ces manques (par rapport à un Michel-Ange, son grand exemple) par l’organisation d’un atelier suractif, comme par la captation de jeunes talents (Van Dyck, Georg Petel, Lucas Fayd’herbe…) ; sa passion italienne, enfin, n’en cache pas moins un enracinement germanique (et pas seulement flamand). B. Ducos The exhibition Rubens et l’Europe is intended to follow Rubens’s European peregrinations, while tackling some essential issues. Although Rubens was one of the greatest painters of the seventeenth century, his complex nature is sometimes not fully appreciated: he was a Flemish Catholic with German roots, who was passionate about Italian culture and was above all a servant of the Hapsburg dynasty. After Brussels and Antwerp, Madrid dominated Rubens’s conception of Europe. His incursions into English and French territory were done via Italian or Catholic networks, or via the alliances between the great powers of the times. Vélasquez Projet suivi par Guillaume Kientz 124 Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune exposition en France n’a jamais été consacrée au plus grand peintre de l’école espagnole, Diego Vélasquez. Si le musée du Louvre ne peut se prévaloir de compter dans ses collections des œuvres incontestables du maître, nombre de tableaux y sont entrés sous cette flatteuse attribution. Aujourd’hui rattachées à d’autres écoles ou déclassées au rang de productions d’atelier, ces œuvres disent néanmoins beaucoup sur la fortune critique et la perception de la peinture de Vélasquez au fil des siècles et posent toujours l’épineuse question de l’atelier et de l’entourage du peintre de Philippe IV. Dans le cadre de la politique de recherche du département des Peintures, en collaboration avec le C2RMF et en prévision de l’organisation d’une exposition monographique en 2015, des journées d’étude sont en préparation pour tenter de mieux comprendre les trois portraits royaux du Louvre (INV. 941, MI 898, R.F. 1941-31), aujourd’hui refusés au maître par la critique, et le Philippe IV en chasseur (INV. 979) déposé à Castres, un tableau sans doute plus problématique mais aussi plus prometteur (gageons qu’une future restauration ménagera quelque espoir). D’autres œuvres, comme les célèbres Petits cavaliers (INV. 943) ou le Portrait de femme attribué à Juan Bautista Martinez del Mazo (R.F. 2037), gendre du peintre, prendront également place au cœur de ces journées. Celles-ci permettront ainsi de nourrir la préparation de l’exposition Vélasquez de 2015, qui entend aborder les principaux problèmes d’attribution et de datation du corpus en restituant le contexte pictural du déroulement de la carrière du peintre. G. Kientz Even if the Louvre does not possess an unquestionable work by Velazquez, the three royal portraits that belong to the museum collection raise the issue of the painter’s studio and entourage. Study days focusing on Velazquez and velazquezian corpus are being planned, as a result of the monographic exhibition scheduled for 2015, and in the framework of the Department of Paintings research policy. Hubert Robert Projet suivi par Guillaume Faroult et Christophe Leribault Homme des Lumières, sociable et curieux de tout, Hubert Robert (1733-1808) entreprit un remarquable itinéraire artistique qui le conduisit de Rome à la cour de France, pour laquelle il conçut des décors spectaculaires, comme peintre mais aussi comme paysagiste. Ces réalisations lui assurèrent une célébrité européenne et nombre de commandes jusqu’en Russie. Mémorialiste de Paris et de la Révolution, dont il fut un témoin privilégié, Hubert Robert acheva sa carrière en conservateur attentif et engagé du tout récent musée du Louvre. Esprit visionnaire, cet artiste prolifique embrassa les genres distincts du paysage poétique, des vues urbaines exactes ou mêlées de caprices, des études archéologiques et de remarquables réalisations dans le domaine des jardins paysagers ainsi que des décors palatiaux. C’est un peu de la brillante diversité de ce créateur singulier que l’exposition prévue en 2017 dans les Galeries nationales du Grand Palais et à la National Gallery of Art à Washington voudrait rendre compte en mettant en regard sa production (peintures, dessins, projets de décor ou de jardins) avec les œuvres exemplaires de ses contemporains (Piranèse, Pannini, Clérisseau ou l’ébéniste Georges Jacob et surtout Fragonard). Une équipe de chercheurs a été mise en place au sein des deux institutions qui portent le projet : le musée du Louvre et la National Gallery à Washington, où le commissariat de l’exposition sera assuré par deux conservatrices américaines, Margaret Morgan Grasselli et Yuriko Jackall. Ces deux institutions ont engagé un programme de missions afin d’exami- Peintures ner les œuvres d’Hubert Robert dispersées de par le monde et d’opérer un tri nécessaire à travers une production prolifique tant en toiles décoratives qu’en dessins. Au Louvre même, Catherine Voiriot a pris en charge les recherches liées à l’étude biographique de l’artiste. Son travail dans divers centres d’archives a déjà permis de préciser certains aspects de la vie et de la carrière fascinante de « Robert des ruines ». G. Faroult et Ch. Leribault A monographic exhibition project consecrated to the landscape painter Hubert Robert (1733–1808) is a joint project between the Musée du Louvre and the National Gallery of Art, Washington. A team of researchers and members of both institutions are locating the works (paintings and drawings) of this painter, which are dispersed in public collections around the world, with the aim of analysing his extensive oeuvre, and reconstituting dispersed ensembles. The study will culminate in an exhibition in both institutions in 2017 and will provide an analysis of Hubert Robert’s works and those of his confrères: Piranesi, Pannini, Clérisseau, Fragonard and the cabinetmaker G. Jacobs. MUSÉEs ET COLLECTIONS Réseau Louis-Philippe Projet suivi par Guillaume Kientz Moment majeur de l’histoire de la peinture espagnole au Louvre, la galerie espagnole du roi Louis Philippe (dispersée à Londres en 1853) n’est plus représentée aujourd’hui dans les collections du musée que par un tableau du Greco (Le Christ en Croix entre deux donateurs, R.F. 1713), acquis en 1908. Considérant que le Louvre, et la France à travers lui, a joué un rôle pionnier et déterminant dans la diffusion et l’appréciation de l’art espagnol hors d’Espagne, marquant l’histoire du goût et inspirant des générations d’artistes, il nous a paru nécessaire de chercher à maintenir la mémoire du « musée espagnol » au sein du palais qui l’avait accueilli. C’est ainsi qu’est né le projet de fédérer par un réseau l’ensemble des collections qui conservent actuellement des œuvres ayant appartenu à cette galerie afin d’en maintenir le souvenir, d’en perpétuer l’existence et de continuer à enrichir sa connaissance. Encore embryonnaire, ce projet a pour ambition de réviser et de tenir à jour l’important travail jadis effectué par Jeannine Baticle et Cristina Marinas (Paris, 1981) et de donner une existence virtuelle mais réelle à cette galerie grâce à un site Internet ou à un autre média qui reste à définir. C’est aussi l’occasion de mettre en place un réseau d’institutions et de chercheurs concernés par ce grand moment de l’histoire du goût et de l’histoire patrimoniale en général. G. Kientz Since its dispersion in London in 1853, the Spanish gallery of LouisPhilippe (1838–1848)—the golden age of Spanish painting in the Louvre— no longer exists. In order to ensure that our research continues on this significant point in our patrimonial history and the history of the European vogue for Spanish painting, we are proposing to bring together—through a network of researchers and institutions—all the collections containing works that once belonged to this ephemeral “Spanish museum”. Le revers des tableaux et des dessins Projet suivi par Vincent Pomarède À l’automne 2011, le salon « Paris Tableau », organisé par un consortium de marchands d’art parisiens, est venu conforter l’importance scientifique et médiatique d’un sujet auquel le département des Peintures s’intéresse depuis de longues années : le revers des tableaux et des dessins. Ayant suscité plusieurs projets de recherche concomitants, l’étude approfondie de la face cachée des tableaux, qui apporte souvent de nombreuses informations fort passionnantes pour la connaissance de leur processus de création, de leur histoire ou de leurs restaurations, doit être pérennisée. La nécessité de fédérer des initiatives multiples et trop diversifiées s’impose donc aujourd’hui. Dans cet esprit, le musée du Louvre prépare la constitution d’un dossier sur le sujet, destiné aux projets éligibles dans le cadre du Labex Patrima ; conçu en partenariat avec le C2RMF et l’INHA, ce projet de recherche impliquerait également le château de Versailles et le musée d’Orsay. Sans préjuger des discussions à venir avec les différents partenaires qui valideront l’orientation définitive, la démarche adoptée dans le cadre de ce projet impliquant plusieurs partenaires institutionnels pourrait être la suivante : recensement systématique des informations portées au revers des tableaux du xixe siècle conservés au Louvre, à Orsay et à Versailles ; constitution d’une base de données traitant de toutes les informations collectées ; élaboration d’un classement détaillé des matériaux utilisés et de la nature de leur mise en œuvre ; croisement des informations ainsi collectées et classées avec les connaissances déjà acquises concernant les artistes, les marchands, les fabricants et les collectionneurs ; mise en place d’une typologie définitive concernant les informations susceptibles de se trouver au revers d’une œuvre. Au terme de cette recherche, le département des Peintures du musée du Louvre envisage une publication complète, accompagnée sans doute d’une exposition présentant au public les enjeux d’une telle recherche et de son apport pour l’histoire de l’art et du goût. V. Pomarède The project focuses on the in-depth study of the backs of nineteenthcentury paintings held in the Louvre, Orsay and Versailles. It will enable us to synthesize the numerous research projects carried out on the subject and will provide a precise idea of the dealers, manufacturers, collectors and artists of this period and their relationships. At the end of this research, the Department of Paintings is planning a comprehensive publication, perhaps complemented by an exhibition dossier that introduces the public to the issues involved in this research and its contribution to the history of art and styles. 125 Travaux de recherche Arts graphiques ARTISTES ET ATELIERS 2011, année vasarienne Projet suivi par Louis Frank Le cinquième centenaire de Giorgio Vasari, né le 30 juillet 1511 à Arezzo, fut l’occasion de réunir en un faisceau convergent l’ensemble des recherches récemment engagées au Louvre sur l’artiste et sur l’écrivain. La nécessité d’un nouvel établissement du texte de cette référence constante des études sur l’art de la Renaissance italienne que sont les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes, suivant la stricte leçon des deux éditions princeps de 1550 et de 1568, celle d’une traduction qui soit en accord avec la lettre et la conceptualité de l’entreprise vasarienne, celle, enfin, d’une confrontation systématique des données transmises par les Vies à la lumière de la documentation historique, elle-même révisée selon les critères philologiques les plus rigoureux, nous sont apparues dans le cours de travaux sur l’inventaire des dessins toscans de la première moitié du xvie siècle conservés au Louvre. Elles se sont cristallisées sous la forme d’un projet éditorial – des Giorgio Vasari (1511-1574), Pallas Athéna dans la forge de Vulcain, départe- 126 ment des Arts graphiques (INV. 2161 ro) volumes correspondant à des Vies individuelles, dans leurs deux versions d’origine, transcrites, traduites en regard et annotées – associé aux expositions du musée. Ainsi ont été publiées, avec l’assistance de Stefania Tullio Cataldo, chargée de recherche au département des Arts graphiques, les biographies de Polidoro da Caravaggio et Maturino Fiorentino (Milan, Officina Libraria, 2007) et d’Andrea Mantegna (Milan, Officina Libraria, 2008). La Vie de Léonard de Vinci, qui nous occupe aujourd’hui, présente des difficultés considérables, tant sur le plan de l’établissement du texte que sur celui de l’annotation. Le commentaire se heurte, en effet, aux dimensions de la bibliographie et à la complexité des jugements et des enjeux critiques qui touchent à l’œuvre de Léonard. Son but consiste essentiellement à mettre le texte vasarien en rapport avec les connaissances positivement établies sur les œuvres et les données de la tradition qui les documente. Mais cette tradition, particulièrement riche concernant Léonard, puisqu’elle enveloppe l’immense continent des manuscrits de l’artiste, demeure fort inégale quant à la qualité de son traitement philologique et requiert un travail de révision et de retranscription systématique à partir des originaux. Effectué sur le texte de la Vie, ce même travail de vérification a permis de revenir sur une altération délibérément introduite par les principaux éditeurs modernes, et qui engage l’interprétation de la nature des Études de draperies monochromes sur toile de lin dont le Louvre conserve six exemplaires. À la leçon du texte, « medaglie di figure di terra » (« des médaillons de figures de terre »), fut en effet fréquemment substituée cette autre : « modegli di figure di terra » (« des modèles de figures de terre »). Le rétablissement de la version d’origine, impliquant que l’artiste ait eu recours, avant d’y ajuster des étoffes imprégnées de terre humide, à des éléments en relief modelés sur champ plat, plutôt qu’à un modèle tridimensionnel intégral, permet de rendre compte de certaines des caractéristiques formelles de la série des draperies, et ouvre des perspectives sur l’économie des matériaux et de l’espace dans l’atelier de Verrocchio. De nouveaux examens de laboratoire ont été engagés sur la base de ces réflexions par Bruno Mottin au C2RMF. Le travail effectué sur la tradition documentaire en vue de l’annotation du passage de la Vie décrivant le carton de la Sainte Anne de Léonard a servi de point de départ à la rédaction des seize notices relatives aux mêmes documents dont Vincent Delieuvin nous a confié l’étude dans le catalogue de l’exposition que le département des Peintures a consacrée en 2012 au tableau restauré1. Il a bénéficié, en retour, des échanges et des approfondissements suscités par les découvertes très novatrices de l’entreprise. Les études effectuées en vue de l’édition des Vies se sont également concrétisées sous la forme d’un cycle de conférences organisé à l’auditorium du Louvre, en collaboration avec Monica Preti, et dont on trouvera le compte rendu général en son lieu2. Notre contribution à ce cycle, intitulée « Giorgio Vasari : la Vie de Arts graphiques Léonard de Vinci », avait pour objet, dans la perspective générale du programme, de montrer comment l’extraordinaire portrait littéraire que Vasari traça de Léonard offrait, jusque dans sa négativité apparente, l’une des expressions les plus accomplies de la structure conceptuelle et problématique des Vies selon leurs multiples dimensions critiques, historiques, politiques et sociales, telles que les études récentes dans le domaine de l’histoire de la littérature italienne les ont mises en évidence3. L’hommage à l’auteur des Vies devait être enfin l’occasion de présenter à un public souvent tributaire encore des jugements défavorables de l’ancienne critique à l’égard de celui qui fut l’un des représentants les plus officiels de la maniera, l’œuvre d’un artiste pour lequel le dessin constituait, sur le plan théorique et pratique, le principe premier de tout acte créateur. C’est ainsi que fut organisée l’exposition « Giorgio Vasari. Dessins du Louvre4 ». La richesse des fonds du Louvre en feuilles vasariennes – près d’une centaine – remonte à l’acquisition par Colbert, en 1671, de la collection Jabach, origine de l’actuel cabinet des Dessins. Elle offre l’avantage d’illustrer la quasi-totalité du développement de l’activité artistique de Vasari depuis la fin des années 1530 (Déposition de Camaldoli, INV. 2094) jusqu’aux ultimes chantiers des fresques de la Sala Regia du Vatican et de la coupole de la cathédrale de Florence, ainsi que de représenter non seulement toutes les formes de cette activité (grands retables et tableaux de dévotion, cycles apologétiques et historiques monumentaux, peinture mythologique, allégories religieuses et profanes, ornement, architecture – grâce aux deux élévations pour la chapelle Del Monte à la basilique romaine de San Pietro in Montorio), mais encore l’ensemble des modes et des techniques du dessin vasarien : ouvrages de présentation parfaitement achevés, études plus ou moins cursives, usages différenciés de la plume, de l’encre brune et du lavis, choix du papier bleu à la mode vénitienne, carton à la pierre noire, très rare sanguine. Ce matériau fut ordonné selon un plan diachronique presque pur, où les phases de l’évolution correspondent aux différentes étapes d’une carrière étroitement liée aux vicissitudes de l’histoire toscane et romaine de l’époque. Le catalogue de l’exposition, rédigé en collaboration avec Stefania Tullio Cataldo, reflète l’état présent des connaissances sur Vasari peintre et dessinateur5. Il a permis de constater, à propos des feuilles jugées originales auxquelles son format limitait l’exposition, la valeur fondamentale des acquis du volume de l’Inventaire général des dessins toscans du Louvre consacré par Catherine Monbeig Goguel, en 1972, à Vasari et son temps. Ont été intégrées les découvertes récentes, telles que l’identification par Florian Härb du carton de la Charité (INV. 2081) comme préparatoire à l’une des peintures de la voûte de la chapelle Del Monte. Demeurent ouvertes les discussions relatives à certaines attributions difficiles (Bacchanale, INV. 2157 ; Présentation de la Vierge au Temple, INV. 2081), à la participation possible des collaborateurs du maître ainsi qu’à de probables interventions ultérieures décelables sur certaines feuilles. L. Frank 1. La Sainte Anne. L’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, Paris, musée du Louvre éditions, et Milan, Officina Libraria, 2012. 2. « Giorgio Vasari. Histoire et création littéraire », 26 septembre – 24 octobre 2011. 3. Pozzi (M.) et Mattioda (E.), Giorgio Vasari storico e critico, Florence, Olschki, 2006. 4. Salles Mollien, 10 novembre 2011 – 6 février 2012. 5. Giorgio Vasari, Paris, musée du Louvre éditions, et Milan, 5 Continents, 2011. The 500th anniversary of Giorgio Vasari’s birth provided an opportunity to bring together all the Louvre’s research on the artist and author in one body of work. We therefore continued the research relating to the publication of the third volume of our new edition and annotated French translation of Le Vite de’ più eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani… devoted to the life of Leonardo da Vinci. This research has enabled us to review an alteration (medaglie di figure di terra replaced by modegli di figure di terra) introduced by modern editors, which relates to the interpretation of the famous series of drapery studies. This research also led to a series of lectures in the Louvre’s Auditorium (Giorgio Vasari: histoire et création littéraire). The homage to the author of the Lives of the Artists finally provided an opportunity to present the work of an artist—for whom drawing was the primary element in any act of creation and who was one of the most eminent representatives of the maniera—to a general public whose perception of Vasari is coloured by many years of negative criticism (exhibition Giorgio Vasari. Dessins du Louvre, Salles Mollien, 10 November 2011–6 February 2012). Luca Penni, dessinateur et peintre de l’école de Fontainebleau Projet suivi par Dominique Cordellier Léonard de Vinci, Étude de draperie, département des Arts graphiques (RF 41905) Parmi les artistes italiens de Fontainebleau actifs sous François Ier et Henri II, Luca Penni n’est pas une personnalité 127 Travaux de recherche inconnue (voir RML 2010, p. 80-81). Son œuvre a toutefois moins retenu l’attention que ceux de Rosso Fiorentino, Francesco Primaticcio ou Niccolò dell’Abbate et n’a pas vraiment fait l’objet d’un examen systématique. La recherche entreprise à son endroit ne vise pas tant à reprendre les dépouillements d’archives qu’à établir un catalogue plus étoffé et plus pertinent de son œuvre dessiné et peint. Elle vise aussi à mieux définir les contours du corpus de gravures inspirées de ses inventions. La première tâche a été d’élaborer, sur la base de la documentation réunie avec le concours de Michèle Gardon, responsable de la documentation du département des Arts graphiques, une chronologie fine de son activité. La seconde a été de soumettre à un examen critique les anciens catalogues des estampes, notamment celui publié par Gioconda Albricci en 1982. Ce travail, favorisé par une bonne collaboration avec les responsables de la réserve du département des Estampes de la BnF, a permis de retrancher une trentaine de pièces à son œuvre et d’en ajouter un nombre équivalent, dues tant à des aquafortistes de Fontainebleau qu’à des burinistes des PaysBas. La recherche sur les dessins a révélé un aspect nouveau de l’activité de l’artiste : celle de dessinateur de médailles. Enfin, les avancées concernant la reconstitution de l’œuvre peint ont été présentées dans le cadre d’un colloque organisé par l’université de Genève. D. Cordellier The research on Luca Penni, a painter and draughtsman of the Fontainebleau school, aims to better define the scope of the corpus of drawings, paintings and engravings of his own works. The first task was to draw up a detailed chronology of his artistic activities. The second step involved the critical examination of the catalogue of prints, compiled by G. Albricci in 1982. This part of the project, which was facilitated by the Réserve du Département des Estampes of the Bibliothèque Nationale de France, enabled the researchers to discount around thirty works attributed to his oeuvre and add an equivalent number. The research on the drawings Luca Penni, Reine devant un roi, tenant un crâne, département des Arts graphiques (RF 41214) revealed Penni’s activity as a designer of medals. The progress made with the reconstitution of his oeuvre of paintings was presented during an international seminar in Geneva. ŒUVRES Dessins et gravures allemands de l’école du Danube Projet suivi par Hélène Grollemund 128 Le département des Arts graphiques ne conserve que peu de dessins d’Albrecht Altdorfer, mais un très riche fonds d’estampes à la collection Rothschild, qui couvre la majeure partie de la production gravée de cet artiste. Les recherches entreprises portent tout d’abord sur les œuvres de ce maître, tête de file de ce qu’il est convenu d’appeler l’école du Danube, dénomination qui cependant ne repose que sur des similitudes stylistiques constatées entre des artistes d’origine diverse et ne travaillant pas dans les mêmes ateliers, même si leur production se situe dans une vaste région allant de l’Allemagne du Sud au nord de l’Autriche. Les feuilles d’Erhard Altdorfer et de Wolf Huber sont également étudiées, tout comme celles d’artistes gravitant autour d’Altdorfer ou de Huber (Hans Leu le Jeune, Hans Mielich, Georg Lemberger, etc.). L’examen des œuvres permet de réévaluer et préciser leur attribution, certaines devant être exclues du corpus des artistes. Il permettra en outre d’inscrire cette recherche dans une étude plus large de l’école du Danube dans les collections publiques françaises, incluant aussi bien les arts graphiques que les peintures et prenant en compte les œuvres sculptées (Maître I. P., Hans Leinberger, etc.), et d’en proposer un répertoire. Cette étude prendra aussi en considération les productions d’artistes qui, par leurs innovations stylistiques, ont influencé cet art particulier des régions cisalpines (Lucas Cranach, Jörg Breu). Des partenariats restent à instaurer avec des institutions françaises et étrangères. H. Grollemund The study of the prints and drawings by the artists of the Danube school in the Department of Prints and Drawings aims to re-evaluate them and is intended to serve as the basis for an inventory of these works in French museums, enriched by paintings and sculptures. Arts graphiques Giulio Romano, dessins du Louvre Projet suivi par Laura Angelucci et Roberta Serra Le très riche fonds de dessins classés au Louvre sous le nom de Giulio Pippi, dit Giulio Romano (Rome, 1492 ou 1499 – Mantoue, 1546), compte plus de cinq cents feuilles. Cet ensemble, assez composite, comprend des études originales ou attribuées à l’artiste, des feuilles de son entourage et de nombreuses copies. Une première étude de la totalité des dessins nous a permis d’isoler une cinquantaine d’œuvres qui seront présentées à l’automne 2012 dans une exposition consacrée à Giulio Romano1, visant à parcourir la carrière multiforme de l’artiste – peintre, architecte, mais surtout excellent dessinateur – depuis ses débuts à Rome, aux côtés de Raphaël, jusqu’aux années d’activité à Mantoue, à la cour de Frédéric II Gonzague. Dans le catalogue qui accompagnera cette exposition, nous publierons une partie des recherches qui nous ont amenées à identifier la destination de certaines feuilles, jusqu’à présent négligées par les spécialistes, et à reconnaître des dessins originaux de Giulio Romano parmi les copies conservées au Louvre. C’est ainsi qu’une Allégorie de la Justice (INV. 3692) a retrouvé son statut d’étude préparatoire pour l’une des figures peintes au plafond de la salle d’Attilio Regolo, dans l’appartement du Jardin secret du Palazzo Te, à Mantoue. L. Angelucci et R. Serra 1. Salles Mollien, 8 octobre 2012 – 14 janvier 2013. The very rich collection of drawings attributed to Giulio Pippi (known as Giulio Romano) in the Louvre comprises more than five hundred sheets, consisting of original studies and those attributed to the artist, drawings by artists in his circle, and many copies. An initial study of all the drawings has enabled us to select around fifty works that will be exhibited in the autumn of 2012 (Salles Mollien, October 2012–January 2013). The results of this research, which have enabled us to identify the destination of certain sheets that have been overlooked by the specialists and Giulio Romano’s original drawings amongst the copies in the Louvre, will be presented in the exhibition catalogue. Dessins français du xvie siècle Projet suivi par Dominique Cordellier Depuis plusieurs années, le département des Arts graphiques poursuit une enquête méthodique sur les dessins exécutés en France au xvie siècle. Cette recherche, qui s’inscrit dans la suite des études de Louis Dimier (1865-1943) et de Sylvie Béguin (1919-2010), vise à retrouver, répertorier et identifier les dessins qui ont été exécutés sur le territoire de la France actuelle entre l’avènement de François Ier et la mort d’Henri IV, quels que soient le lieu d’origine des artistes (France, Italie, Pays-Bas…) ou leur métier (peintre, graveur, sculpteur…). Les objectifs de cette recherche sont multiples. Il s’agit naturellement d’affiner la connaissance d’un domaine encore trop négligé, mais aussi, de façon toute pratique, de réunir les éléments nécessaires à l’établissement du catalogue raisonné des dessins du Louvre, de collecter les éléments nécessaires à la préparation d’expositions temporaires et de créer les conditions de savoir favorables à la réalisation d’acquisitions pour le musée. Les recherches conduites en 2011 ont ainsi abouti à l’acquisition de feuilles de Baptiste Pellerin et de Nicolas Moillon et à l’enrichissement des données relatives à Luca Penni et à Jean Cousin, qui feront l’objet d’expositions respectivement en 2012 et 2013. Elles ont aussi apporté des éléments nouveaux à certaines manifestations telles que l’exposition sur les armures maniéristes au musée de l’Armée, les journées d’étude sur Jean Cousin le Père et Jean Cousin le Fils au Louvre et à l’INHA ou encore le colloque annuel de l’université de Genève sur la peinture française du xvie siècle. En 2011, comme en 2010, plusieurs collections extérieures au Louvre ont été examinées de façon systématique, notamment celles de Rennes, d’Angers, de Stockholm et de Düsseldorf. Les pièces nouvellement identifiées à cette occasion ont été, encore une fois, assez nombreuses et concernent des artistes tant de la première école de Fontainebleau (Primatice, Penni, Thiry) que de la seconde (Dubois, Fréminet, Bordoni, Dumée). À Stockholm, l’identification de relevés de décors du château de Fontainebleau a permis de rétablir une lecture précise et ordonnée des sujets de la voûte de la galerie de Diane peinte par Ambroise Dubois et aujourd’hui détruite. Il a en outre été possible d’enrichir le catalogue des dessins du maître de Nicolas Poussin, Quentin Varin, et de porter à quatre le nombre de feuilles connues de sa main. D. Cordellier For several years, the Department of Prints and Drawings has been conducting a methodical study of the drawings produced in the sixteenth century in France in order to locate, record and identify drawings executed in the territory of present-day France between the birth of François I and the death of Henri IV; the study includes works by artists of all nationalities (French, Italian, Flemish, Dutch, etc.) and from every métier (painters, engravers, sculptors, etc.). The project aims to assemble all the necessary elements for the compilation of a catalogue raisonné of the Louvre’s drawings and for the preparation of temporary exhibitions, and to acquire knowledge that will facilitate the museum’s future acquisitions. Dessins génois du xvie au xviiie siècle Projet suivi par Federica Mancini L’étude du fons des dessins génois a débuté en 2004 avec une recherche des feuilles du xviie siècle repérées dans les collections publiques françaises ; puis un travail plus pointu a été mené entre 2007 et 2010 autour de l’œuvre graphique de Luca Cambiaso dans le fonds du Louvre. Dès 2011, ce travail d’étude est devenu systématique pour tout l’ensemble génois de la collection, chronologiquement défini entre 1524, année de la naissance de la République génoise, jusqu’à sa fin en 1797. Entre ces deux dates naît à Gênes une véritable école locale. Le fonds des Arts graphiques contient environ six cents dessins, selon un premier recensement qui s’appuie sur le classement traditionnel du fonds ainsi que sur la révision des nombreuses attributions. À ceux-ci s’ajoutent une centaine de feuilles qui doivent être rejetées. La recherche sur cet ensemble est conduite en le considérant comme un corpus unique, eu égard aux enjeux et aux rapports entre les maîtres, mais aussi en tenant compte de l’individualité de chaque artiste et de chaque dessin. Cette étude devrait se poursuivre pendant cinq ans et aboutir à un inventaire raisonné. Avant cette échéance, l’avancement de la recherche sera visible à travers des accrochages dans la salle d’actualité des Arts graphiques, comme celui prévu en 2013 sur les plafonds baroques. Afin de maîtriser de manière correcte et approfondie le style des artistes et les influences réciproques entre les maîtres locaux et les représentants des autres écoles actifs dans la même 129 Travaux de recherche ville, la recherche s’est appuyée depuis des années sur l’étude directe d’un grand nombre d’œuvres graphiques conservées aux cabinets des dessins du Palazzo Rosso à Gênes, des Offices à Florence, et du Metropolitan Museum à New York. Il reste des œuvres très importantes à étudier, notamment à l’Instituto Nazionale della Grafica à Rome, au cabinet des Dessins du Kunstmuseum de Düsseldorf et du Jack Blanton Museum of Art à Austin (autrefois collection Suida Manning). Les œuvres graphiques étudiées étant souvent destinées à des tableaux ou à des fresques, une mise à jour des connaissances de l’œuvre peint in situ nécessite depuis des années des déplacements à Gênes et dans la région de la Ligurie, car beaucoup de réalisations restent encore très peu publiées et mal reproduites. F. Mancini The research that has been conducted for several years on the collection of Genoese drawings (from the sixteenth to the eighteenth century) has become systematic and aims to study all the works, which number around six hundred and date from 1530 to the end of the eighteenth century. Although an exhibition in 1985 highlighted this significant collection and the need to conduct a methodical study of this school, no such research had been carried out. The research will be conducted over a five-year period in order to ensure that it can be completed in a precise and detailed manner. Les dessins bolonais du Louvre Projet suivi par Catherine Loisel Après la publication en 2004 du Catalogue des dessins de Ludovico, Agostino, Annibale Carracci, Catherine Loisel mène actuellement des recherches en vue de la sortie du second volume du catalogue des dessins bolonais du Louvre (voir RML 2010, p. 81). Cette publication de travaux entrepris il y a vingt ans sur la collection du Louvre mettra en évidence l’importance des collections bolonaises en France depuis le xviie siècle. Compte tenu du nombre de dessins existants, les copies d’après les peintures et les dessins ont été éliminées et seuls seront présentés, pour chacun des artistes d’Émilie entre 1580 et 1720, les dessins autographes ou attribuables avec vraisemblance. La sortie de l’ouvrage est prévue pour 2013. C. Loisel Following the publication of the catalogue of drawings by Ludovico, Agostino and Annibale Carracci (2004), Catherine Loisel is currently carrying out research in preparation for the publication of the second volume of the catalogue of Bolognese drawings in the Louvre. This publication of twenty years of research on the Louvre collection will highlight the scale of the Bolognese collections in France since the seventeenth century. Given the number of drawings, the copies after the paintings and drawings have been eliminated, and only autograph drawings or those that are in all likelihood the work of the Emilian artists (1580–1720) will be presented. The work is scheduled for publication in 2012. Inventaire des dessins d’Antoine Jean Gros Projet suivi par Laura Angelucci Le fonds de dessins d’Antoine Jean Gros (1771-1835) conservé au Louvre comprend deux carnets de voyage comptant chacun soixante pages dessinées recto et verso, pour un total de plus de deux cents feuilles dessinées (R.F. 29955 et R.F. 29956), quatorze études libres (de INV. 27023 à INV. 27027, R.F. 28, R.F. 418, R.F. 790, R.F. 2015, R.F. 27935, R.F. 34522, R.F. 44332, R.F. 44333, R.F. 52105) et deux lettres autographes adressées de Milan à sa mère et au général Bonaparte le 6 décembre 1796 et le 13 novembre 1797 (A 999 et A 1000). Les deux albums, comme la plupart des feuilles libres et les deux missives, sont à rattacher au séjour italien du peintre, entre mai 1793 et juin 1800. Une enquête d’ordre iconographique a permis de repérer les sources artistiques des nombreux dessins qui se sont avérés être des copies d’après des antiques et des peintures que l’artiste vit à cette époque, quand, demeurant principalement à Gênes, il étudia aussi à Florence et voyagea beaucoup entre Milan, Bologne, Modène, Rome et Pérouse. Grace à l’étude conjointe des sources visuelles, biographiques et documentaires, plusieurs esquisses et études ont pu être rattachées aux peintures, perdues ou jamais exécutées, sur lesquelles Gros travaillait dans cette dernière décennie du siècle : mis à part les esquisses, très connues, pour l’Écusson de la République (1794, perdu), des dessins ont pu être mis en relation avec Et in Arcadia ego (perdu), Young auprès du cadavre de sa fille morte (1793, perdu), le Portrait de Stanislas Malackouski (1993, perdu), la Mort de Timophane (1798, jamais exécuté). L’étude systématique du fonds débouchera sur la rédaction du catalogue raisonné des dessins de l’artiste conservés au Louvre. L. Angelucci The collection of drawings by Antoine-Jean Gros in the Louvre comprises two travel diaries, fourteen spontaneous studies and two signed letters. Most of the drawings, like the two letters, date from the painter’s stay in Italy between May 1793 and June 1800. An iconographic study has identified the artistic sources of many drawings which have been found to be copies after antique works and paintings that the artist studied during this period; he mainly lived in Genoa, and also studied in Florence and travelled between Milan, Bologna, Modena, Rome and Perugia. Many sketches have been linked to paintings that are lost or were never executed—but documented in various sources—on which Gros was working in the last decade of the eighteenth century. HISTOIRE DU GOÛT La collection de dessins italiens de Pierre Crozat Projet suivi par Bernadette Py 130 Édition critique des notes de l’expert Pierre Jean Mariette portées sur son exemplaire du catalogue de la vente qu’il avait dirigée en 1741 (conservé au Victoria and Albert Museum à Londres) (voir RML 2010, p. 83). Ces notes inédites, entièrement retrans- Arts graphiques crites, livrent des informations capitales sur les acheteurs des lots et parfois sur leur contenu, et permettent de retrouver la provenance de nombre de ces feuilles aujourd’hui dispersées. B. Py This project involves the publication of a critical edition of the notes by Pierre-Jean Mariette, relating to the sale catalogue that he had compiled in 1741 (held in the Victoria and Albert Museum in London). The previously unpublished notes, which have been entirely reproduced, provide essential information on the purchasers of the lots and sometimes on their content, and facilitate the identification of the provenance of many of these sheets, which are now dispersed. Histoire des montages de dessins Projet suivi par Irène Jullier Parapher, timbrer, inscrire à l’inventaire, monter : les dessins conservés au département des Arts graphiques portent les traces de ces différents gestes, qui constituent autant d’indices pour écrire l’histoire administrative du cabinet des Dessins. Les paraphes et les timbres apposés sur les papiers d’œuvre ont répondu à des logiques diverses, qu’il convient aujourd’hui de décrypter : acquisition d’un ensemble de dessins pour le roi, récolement, nationalisation des collections… De même, les différents numéros inscrits au verso des feuilles témoignent des changements de parti sur la manière d’inventorier les dessins (numérotation des dessins selon leur attribution, par école puis nom d’artiste ; affectation d’un numéro d’ordre lors de l’entrée des œuvres dans la collection). Enfin, l’histoire des montages, démontages, remontages reste à faire : elle révèle notamment une conscience aiguë et précoce de la nécessité de conditionner les dessins en vue de leur bonne conservation, de standardiser les formats de leurs supports, de permettre une présentation des œuvres au public. Prolongement des recherches menées par Lina Propeck, le projet vise à développer l’histoire du cabinet des Dessins, sur un plan tant théorique (inaliénabilité des œuvres, récolement, logiques d’inventaire et de classement) que matériel (intervenants, prestataires, fournisseurs, montages, restaurations). Les résultats provisoires de cette recherche en cours, régulièrement actualisés, sont mis à la disposition des chercheurs depuis avril 2012 sur le serveur interne du Louvre. I. Jullier The drawings in the Department of Prints and Drawings bear the traces of various procedures—they have been initialled, stamped, recorded in the inventory and mounted—which provide information on the administrative history of the Cabinet des Dessins. MUSÉES ET COLLECTIONS Les marques de collection de dessins et d’estampes Projet suivi par Laurence Lhinares En 2011, la poursuite de l’enquête concernant les marques de collections de dessins et d’estampes a permis, au fil des mois, d’enrichir de nouvelles notices la base de données www. marquesdecollections.fr (voir RML 2010, p. 79). Deux cent cinquante-neuf nouvelles marques ont été répertoriées et cent vingt marques déjà répertoriées dans les ouvrages de Lugt ont été mises à jour. De plus, soixante-huit corrections ont été effectuées dans les notices. Les marques de certains grands musées sont enfin entrées dans ce répertoire, ainsi le musée d’Art et d’Histoire de SaintDenis, le Musée lorrain à Nancy ou le musée de Brou à Bourgen-Bresse. De nouvelles marques de grands collectionneurs ont été ajoutées, parmi elles, celles de Germain Seligman, de Jean Cantacuzène ou de Jacques Rech. D’importantes mises à jour ont été faites sur des notices, entre autres celle du monteur Glomy et celles de l’amateur Lempereur ou de la collection Coccapani. Un travail spécifique à été consacré aux cachets d’atelier, notamment ceux de William Bouguereau, Pierre Bonnard, Alexandre Cabanel, François Chifflart, Léon Comerre, Camille Corot, Léon Lhermitte, Roderick O’Conor… Ces recherches ont abouti à l’exposition « Le Cachet d’atelier, une marque pour mémoire », présentée en mars 2011. Quant à celles concernant les marques apposées sur les dessins d’Eugène Delacroix, elles ont été mises à la disposition du lecteur dans le Bulletin de la Société des Amis du musée national Eugène Delacroix (no 9, 2011). Au musée du Louvre, Laurence Lhinares est chargée des recherches et de la rédaction des notices. À la fondation Custodia, sous la direction de Ger Luijten, quatre personnes travaillent à cette entreprise : Rhea Blok (conservateur), Peter Fuhring (conseiller scientifique), Marie-Claire Nathan (documentaliste) et Claire Lagarde (coordination éditoriale). L. Lhinares In 2011 the continuation of the study of the collectors’ marks on drawings and prints has enabled new entries to be added over the course of the year to the www.marquesdecollections.fr database. The marks of certain major museums and those of leading collectors (Germain Seligman, Jean Cantacuzène and Jacques Rech) have finally been incorporated into this inventory. A separate study was made of the atelier stamps, which led to the exhibition Le cachet d’atelier, une marque pour mémoire presented in March 2011. The entries on the marks on the drawings by Eugène Delacroix were published in the Bulletin de la Société des Amis du musée national Eugène Delacroix (no. 9, 2011). 131 Travaux de recherche Histoire du Louvre Le Nôtre et les Tuileries Projet suivi par Dominique Larpin, architecte en chef chargé du jardin des Tuileries, Pierre Bonnaure et Sébastien Ciret, unité Jardin, Sophie Picot-Bocquillon et Guillaume Fonkenell, section Histoire du Louvre En 2011, l’agence de Dominique Larpin, architecte en chef chargé du jardin des Tuileries, l’unité Jardin du Louvre et la section Histoire du Louvre ont travaillé à rassembler la documentation existante sur André Le Nôtre, sa famille et le jardin des Tuileries. Cette documentation est destinée à servir de socle commun à plusieurs projets : – le schéma directeur du jardin des Tuileries, mis en œuvre par Dominique Larpin et dont une première version a été remise en septembre 2011 ; l’objectif de ce schéma est de fournir un parti d’intervention sur le jardin et un plan général qui coordonne les travaux d’entretien et de restauration à effectuer dans les années à venir ; outre le travail documentaire, l’étude s’appuie sur un constat d’état des lieux et sur un diagnostic de l’état de conservation des éléments constitutifs du jardin ; – la commémoration de la naissance d’André Le Nôtre, qui aura lieu dans le jardin en 2013 ; le Premier jardinier de Louis XIV entretenait en effet avec les Tuileries des liens particuliers : son grand-père fut l’un des jardiniers appelés par Catherine de Médicis pour s’occuper du jardin lors de sa fondation ; par sa marraine, il est lié à la figure d’André Mollet, qui contribua à remodeler les jardins du Louvre et des Tuileries pour Henri IV et Louis XIII ; enfin, il disposa d’une demeure située au cœur du jardin, où il se retira dans les dernières années de sa vie ; – la préparation d’une exposition sur le jardin des Tuileries, qui se tiendra aux États-Unis (Atlanta, Portland et Toledo) à la fin de l’année 2013 et au début de l’année 2014. L’agence de Dominique Larpin a travaillé plus particulièrement sur l’identification des différentes strates historiques présentes dans le jardin. Pour cela, elle a réuni l’ensemble des plans anciens existants, sur lesquels elle s’est livrée à un travail de mise à l’échelle et de superposition afin de discerner les per- manences et les évolutions et d’aboutir à une véritable critique d’authenticité de ce que nous pouvons voir aujourd’hui. L’unité Jardin et la section Histoire du Louvre ont formalisé un premier répertoire de toutes les sources iconographiques connues sur le jardin des Tuileries, à partir de recherches sur les bases en ligne et de dépouillements inédits, en particulier dans le fonds de l’agence en chef du Louvre (Archives nationales, 64AJ). Enfin, la section Histoire du Louvre a effectué des dépouillements dans les minutes parisiennes du règne d’Henri IV et de Louis XIII. Ces recherches ont permis de préciser les informations existantes sur l’état ancien du jardin des Tuileries, mais aussi d’apporter de nouveaux documents sur la création du jardin actuellement appelé « jardin de l’Infante ». Les premiers apports de cette recherche sont les suivants. Le jardin des Tuileries tel que nous le connaissons aujourd’hui est en grande partie un jardin du xixe siècle construit sur une trame remontant à l’intervention majeure d’André Le Nôtre. L’étude de Dominique Larpin a permis de mieux comprendre ses éléments constitutifs et de les dater, tout en constatant la permanence des trames anciennes. La forme exacte du jardin de Le Nôtre nous échappe encore en grande partie et ne peut plus être abordée que par restitution. Un travail général a été effectué dans ce sens à l’aide d’une modélisation virtuelle faite par Grégoire Valayer. La disposition de la maison d’André Le Nôtre a pu être précisée en croisant son inventaire après décès, des plans anciens et un dessin d’Israël Silvestre. Le travail doit se poursuivre avec la transcription et l’édition des documents anciens trouvés en 2011. G. Fonkenell François d’Orbay, Palais Louvre, jardin des Tuileries et rues adjacentes : projet d’adduction d’eau (d’Arcueil et de la pompe de la Samaritaine), 1694, Archives nationales, 132 NIII Seine 622 Histoire du Louvre As a contribution to the management plan for the Jardin des Tuileries, to the commemoration in 2013 of the birth of André Le Nôtre, and to an exhibition in the United States in late 2013–14, the existing documentation on Le Nôtre, his family and the Tuileries has been assembled and analysed by the various participants in these projects. The agency of Dominique Larpin, chief architect in charge of the Jardin des Tuileries, has worked to identify the different historical strata, while the Louvre’s garden unit and its history branch have formalized a first repertoire of the known iconographic sources. This research, complemented by analyses of the notarial deeds for Paris from the reigns of Henri IV and Louis XIII, tends to confirm the fundamental nineteenth-century legacy to be found in the presentday gardens, built on André Le Nôtre’s design, from which it was possible to specify the physical layout of the house. Only a reconstruction could evoke the gardens as they were conceived by Louis XIV’s chief architect, so a virtual model was built by Gérard Valayer. Plan des permanences du jardin de Catherine de Médicis dans le plan du jardin dessiné par Le Nôtre : plan du château des Tuileries et son jardin, Jacques Androuet du Cerceau, 1579 (en rouge) ; plan dit « Le Nôtre », 1666, et plan d’arpentage manuscrit, BN 1672 (en bleu) Restitution du fer à cheval et du grand octogone du jardin des Tuileries, vers 1690, par G. Valayer 133 Travaux de recherche Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies Environnement climatique : le cas du Rembrandt du Mas-d’Agenais Projet suivi par Joëlle Le Roux Le prêt du Christ en Croix de Rembrandt, conservé dans la collégiale Saint-Vincent du Mas-d’Agenais, a revêtu un caractère singulier à plus d’un titre. Outre la qualité exceptionnelle de l’œuvre, son emprunt a nécessité l’élaboration et la mise en œuvre de conditions environnementales très particulières au cours de l’exposition présentée au musée du Louvre dans le hall Napoléon. Ce panneau sur bois, dont les traverses sont bloquées, est en effet conservé dans un environnement stable dont la température est basse, et le taux d’humidité relative compris entre 70 et 75 %. Habituellement, dans les espaces dévolus aux expositions temporaires, l’humidité relative s’établit autour de 50 à 55 %. Pour éviter tout risque d’altération du support ou de la couche picturale, un protocole adapté a été conçu, en collaboration avec le prêteur et le restaurateur chargé du suivi de cette peinture dans la collégiale, ainsi qu’avec le département de conservation préventive du C2RMF, qui se chargeait du convoiement de l’œuvre. Le parti retenu a consisté à présenter le tableau dans une vitrine équipée d’un tiroir technique contenant du gel de silice, après un travail préalable avec la direction Architecture Muséographie Technique (DAMT) pour améliorer l’étanchéité de la vitrine. L’œuvre en provenance du Mas-d’Agenais a fait une première étape dans les ateliers de restauration du C2RMF, dans un atelier spécialement conditionné à une humidité relative de 70 % et à une température de 19 °C. Les conditions de température dans les salles du musée dans lesquelles se déroulait l’exposition ont été quant à elles légèrement abaissées, autour de 20 °C, afin de réduire le risque de développement de microorganismes, car la forte teneur en eau de l’air de l’intérieur de la vitrine, associée à la température élevée, entraîne un risque de germination des spores naturellement présentes dans l’air. Dans le même ordre d’idées, il a également semblé prudent de proposer une humidité relative moins élevée soit environ 65 % d’humidité relative. Pour assurer la stabilité environnementale de la vitrine au moyen d’un sorbant, différents paramètres ont été pris en compte : volume à traiter, volume et choix du sorbant, surface de contact avec l’air à traiter, étanchéité du volume à la vapeur d’eau, dispositif de brassage de l’air, nature des matériaux constitutifs de la vitrine, volume de l’œuvre par rapport à celle de la vitrine, et enfin variations climatiques à l’extérieur de la vitrine. Un enregistreur climatique radio a été installé dans la vitrine et des relevés hebdomadaires ont été effectués pour vérifier l’efficacité du dispositif. Enfin, une inspection visuelle de l’œuvre a été faite à intervalles réguliers par un restaurateur au cours de l’exposition afin de contrôler l’apparition éventuelle de moisissures. Un tel dispositif a permis de maintenir une hygrométrie très stable pendant toute la durée de l’exposition et de restituer l’œuvre à son propriétaire dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles elle était arrivée. J. Le Roux The loan of Rembrandt’s Christ on the Cross, held in the collegiate church of Le Mas d’Agenais, has taken on an unusual aspect. In particular, it has required that a special protocol be developed to ensure the stability of the ambient environment of the work, which is usually kept under conditions (temperature and relative humidity) very different from those of exhibition rooms, and, at the same time, to avoid any appearance of mould in a space which has a relative humidity of about 65%. Vitrine étanche conçue pour présenter le Rembrandt du Mas-d’Agenais dans l’exposition « Rembrandt et 134 la figure du Christ », musée du Louvre, hall Napoléon Délégation à la conservation préventive Adoption d’une norme européenne sur l’emballage des biens culturels : EN 15946 – Conservation des biens culturels – Principes d’emballage pour le transport Projet suivi par Anne de Wallens La normalisation dans le domaine de l’emballage et du transport des biens culturels s’inscrit dans le cadre plus large de la normalisation européenne consacrée à la conservation des biens culturels (normalisation de la terminologie et des méthodes d’essai, d’analyse, d’interventions à mettre en œuvre pour la conservation du patrimoine culturel meuble et immeuble). Les recherches effectuées par le musée du Louvre et le C2RMF depuis le milieu des années 1990, qui s’inscrivaient dans la continuité des études dont le colloque « Art in Transit » (Londres, The National Gallery, octobre 1991) a dressé le bilan, ont servi de socle à l’élaboration d’une première norme destinée à définir des principes d’emballage pour le transport. Cette norme prend également en compte les bonnes pratiques des différents acteurs au plan européen, qui concourent à la conservation et la sécurité des biens culturels lors de leur déplacement. Une norme européenne est un document de référence résultant du consensus des acteurs concernés, dans le cadre des procédures du système européen de normalisation, qui ne s’impose pas comme un texte réglementaire. Elle est publiée comme norme nationale par chacun des trente et un membres du Comité européen de normalisation (CEN). La validité d’une norme européenne fait l’objet d’un examen tous les cinq ans, et n’est de ce fait jamais figée. Dans un contexte d’échanges croissants et eu égard à la diversité des partenaires impliqués, les différents acteurs œuvrant dans le domaine du patrimoine culturel européen se devaient de coordonner leurs réflexions et leurs méthodes de travail afin d’harmoniser leur démarche, de parler le même langage, de faciliter leurs relations ainsi que les échanges de biens culturels en Europe, le tout en prenant en compte les dernières recherches effectuées dans ce domaine. La norme EN 15946 répond à la volonté d’améliorer les conditions de conservation des biens culturels, en particulier lorsque les risques auxquels ils sont exposés sont accrus, ce qui est le cas lors de tout mouvement, emballage ou transport. Cette norme s’adresse à tous ceux qui ont affaire d’une façon ou d’une autre au patrimoine culturel : institutions culturelles, galeries, antiquaires, commissaires-priseurs, transporteurs, assureurs, collectivités territoriales, fondations, entreprises, etc. Elle a été rédigée par un large éventail de professionnels (régisseurs, restaurateurs, gestionnaires de collections, ingénieurs, transporteurs spécialisés, assureurs), issus de nombreux pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Suède), sous la présidence de la déléguée à la Conservation préventive et à la Coordination des régies. Publiée en septembre 2011, cette norme recense tous les facteurs à prendre en compte pour le choix du mode et des matériaux d’emballage. Elle énumère les étapes essentielles du processus, précise l’ordre dans lequel il convient de procéder, définit le rôle et la responsabilité des différentes personnes impliquées (propriétaire de l’objet, destinataire, emballeur, restaurateur, convoyeur). Elle propose également trois annexes informatives : une annexe sur les solutions d’emballage en fonction des risques encourus, un modèle de formulaire relatif aux informations à communiquer à l’emballeur, une liste des critères de sélection des gants pour la manipulation des objets. Une norme complémentaire, consacrée au transport, est en cours d’élaboration. A. de Wallens The research done by various European institutions since the mid1990s, including the Louvre and the C2RMF, has served as a basis for developing a European standard for the packing of cultural goods. This research has contributed toward their conservation and safety as they are being transported. This reference document, the fruit of a broad consensus, is part of a tendency toward increasing exchanges and can now be shared by those involved with cultural heritage. 135 Travaux de recherche Service du récolement des dépôts antiques et des arts de l’Islam Étude archivistique et analyse historique sur les modes d’acquisition et le statut juridique des produits de fouilles d’Antinoé Projet suivi par Yannick Lintz Magali Coudert et Catherine Graindorge 136 Enjeux de l’étude L’un des objectifs du SRDAI est de constituer une documentation inédite sur l’ensemble des dépôts d’antiques effectués par l’État, et en particulier le musée du Louvre, en France et à l’étranger depuis le milieu du xixe siècle. Il s’agit notamment, dans le cadre de régularisations de situations juridiques de ces dépôts après le récolement, d’étudier plus particulièrement les contextes historiques et juridiques d’acquisition et d’envoi de ces œuvres. Pour les contextes d’acquisition, l’enjeu est de comprendre le cadre juridique de l’époque, les rôles des divers acteurs publics et privés en rapport avec cette acquisition et les modes de financement en amont des fouilles dans les recherches concernant les collections archéologiques par exemple. Pour l’étude des contextes d’envoi, nous tentons de reconstituer, de manière relativement précise, la politique de l’État à l’époque concernée par le dépôt, les acteurs engagés dans ce projet du côté du Louvre, notamment dans le choix des œuvres envoyées, et les enjeux du musée dépositaire bénéficiaire de ces dépôts. Ces recherches doivent permettre de mieux comprendre, par exemple, si certains envois anciens peuvent être considérés comme des dons de l’État ou au contraire constituent clairement des dépôts. Depuis 2010, l’accent a été mis sur l’étude des collections égyptiennes d’Antinoé site fouillé par une équipe française à la fin du xixe siècle et dans le premier quart du xxe siècle. En effet, l’État, par le truchement du ministère de l’Instruction publique, a distribué, à partir de 1901, des milliers d’œuvres coptes provenant d’Antinoé. Les fouilles ont été menées entre 1895 et 1911 par l’archéologue français Albert Gayet, grâce au soutien de différents mécènes privés et de l’État. Le principal mécène, Émile Guimet, devint directeur du musée Guimet à Paris en 1888 et fut chargé par l’État de coordonner ces distributions dans les musées essentiellement français, mais aussi allemands et italiens. Ces collections ne furent donc pas affectées au Louvre, mais le musée en obtint la responsabilité patrimoniale, comme pour la collection Campana. Près de cinq mille œuvres ont été réparties dans plus de soixante villes en France. Elles sont considérées comme des dépôts dont le récolement est assuré par le service. Lot de tissus coptes d’Antinoé envoyé par le musée Guimet à Lyon au début du Détail des indications manuscrites sur l’emballage original. xxe siècle, dans son emballage d’origine en 2010 au moment du récolement Méthode Durant les différentes missions de récolement, plusieurs questions se sont fait jour sur le statut de ces collections. C’est ainsi qu’à la demande de la Direction des musées de France et de la section copte du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, une étude a été entreprise par le SRDAI, parallèlement au récolement, pour éclaircir l’historique de cette collection et le statut juridique des œuvres arrivées d’Égypte et immédiatement distribuées par Émile Guimet dans le cadre du musée Guimet, missionné par le ministère de l’Instruction publique ou à titre personnel. Par conséquent, le SRDAI a effectué une étude archivistique la plus exhaustive possible afin d’identifier les documents permettant d’analyser les contextes d’acquisition et d’envoi des collections d’Antinoé en région. Service du récolement L’étude se concentre sur quelques points essentiels : qui a financé les fouilles d’Albert Gayet et quel était le cadre législatif entourant la pratique des fouilles et l’exportation des produits de fouilles en Égypte ? quelles ont été les modalités d’envoi et de distribution des objets en région ? Pour répondre à ces questions, l’ouvrage de Florence Calament La Révélation d’Antinoé par Albert Gayet : histoire, archéologie, muséographie1, qui permet une meilleure connaissance du site et de l’histoire des fouilles (déroulé des campagnes archéologiques, pratique de partage des fouilles…), a servi de référence initiale. Le repérage systématique de fonds d’archives complémentaires à ceux identifiés par Florence Calament a été entrepris, suivi du dépouillement de l’ensemble des fonds concernés en fonction des questions posées précédemment. Ont donc été vues les Archives nationales (cotes F17 et F21), les archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères, les Archives des musées nationaux, les archives du Service des musées de France, les archives du musée Guimet, les archives de la bibliothèque de l’Institut de France, les archives du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, les archives municipales et départementales des soixante et une villes françaises concernées par les envois d’Antinoé. Cela représente près de six mille documents consultés. Cette recherche archivistique a nécessité la conception d’une base de données, la base Consulto, permettant un meilleur tri de l’information étant donné la quantité d’archives à traiter et la valeur inégale des informations contenues dans ces sources. Résultats L’analyse des documents a permis d’identifier le contexte des fouilles et des envois et de dégager une typologie des modes d’acquisition en fonction des modes de financement des fouilles. En ce qui concerne la législation en Égypte au moment où se déroulèrent les campagnes d’Antinoé, le régime appliqué était celui du partage des fouilles : l’administration du service des Antiquités pour le gouvernement égyptien et le fouilleur procédaient ensemble au partage des objets en deux lots d’égale valeur. À l’arrivée à Paris, le commanditaire ou l’organisme financeur des fouilles disposait donc librement du produit des fouilles attribué lors du partage. Ce commanditaire était soit le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (pour quelques campagnes de fouilles seulement), soit des souscripteurs privés, dont le plus important était Émile Guimet. L’analyse systématique des documents d’archives permet de clarifier les procédures adoptées par l’administration à partir de 1901, date de la mise en place administrative et politique de la distribution, et les modalités de répartition des collections issues des fouilles d’Albert Gayet. Cependant, certains cas restent ambigus : la mention « Don Guimet » que l’on retrouve dans plusieurs inventaires ou courriers pour qualifier l’envoi d’un objet peut s’appliquer aussi bien à un don personnel du mécène qu’à un dépôt du musée Guimet, et donc de l’État. Il est d’ailleurs quelquefois difficile, lors du récolement, de distinguer les objets donnés des objets déposés par l’État aux mêmes dates. Il s’avère également complexe de définir un statut juridique pour des pièces appartenant à des lots envoyés dans une même ville et dans une seule institution dépositaire mais qui ont été transportées par la suite dans différents lieux de cette ville sans qu’aucun document officiel d’attribution ne permette aujourd’hui d’en restituer le mouvement. L’analyse et la synthèse de ce dépouillement feront l’objet d’un rapport administratif en 2012 et d’un article scientifique dans l’ouvrage que prépare le service pour début 2013 sur les envois d’Antinoé. S. Kervran 1. 2 vol., Le Caire, IFAO, 2005. As part of its study of the history of the compilation of the Louvre’s collections and the means of acquiring the deposited objects, the office responsible for the inventory review of permanent deposits has been conducting archive research and historical analyses of the collections— resulting from excavations conducted at Antinoöpolis between 1895 and 1914—that the French State transferred to regional institutions. The study identified the legislative framework of the excavations in Egypt, the financers of the campaigns, and the means by which objects were sent to regions. Several sources were consulted (reference works and archives), which established the typology of the acquisition means in relation to the financing of the excavations, although it is difficult to ascertain the legal status of the objects—were they donated or deposited? This study has legal, administrative and historical dimensions and is a major development in the history of the Louvre’s regional deposits. L’apport scientifique du récolement des fragments de vases grecs dans les musées américains Projet suivi par Christine Walter et Marie-Josée Castor L’idée que nous nous faisons de l’archéologie au xixe siècle est bien souvent très en deçà de la réalité, s’agissant notamment du devenir du vase grec après sa découverte. Nous attribuons souvent aux vases grecs un destin exemplaire, dans l’intégrité de leur forme, à l’abri de tout démantèlement, dans une institution muséale ou dans une collection privée. Mais il en fut bien souvent autrement. Ainsi, de nombreux fragments de la collection Campana du musée du Louvre peuvent être rapprochés d’autres pièces conservées dans les musées américains, italiens, allemands ou hollandais. Les raisons de la dispersion des vases et de leurs fragments sont diverses. Tout d’abord, certains des objets destinés à être livrés à Napoléon III lors de l’achat de la collection Campana ont pris d’autres chemins que celui de Paris. Des œuvres ont en effet été extraites de la collection avant leur départ de Rome puis écoulées auprès de différents collectionneurs. Par ailleurs, Campana se serait procuré auprès d’autres collectionneurs ou marchands des fragments destinés à combler les lacunes des vases sortis de ses propres fouilles, effectuées en Étrurie de 1832 à 1857. Au xxe siècle, le projet consistant à réintégrer les disjecta membra dans leurs pièces maîtresses fut véritablement une affaire de connaisseurs. La première personne qui s’y consacra fut sir John Beazley (1885-1970), qui, dans ses publications céramologiques, s’efforça de signaler les rapprochements qu’il repérait. De même, le Metropolitan Museum à New York a bénéficié – à la suite des recherches menées sans relâche pendant plus de quarante ans par son conservateur Dietrich von Bothmer (élève de Beazley) – d’un nombre important de dépôts de fragments « Campana » en provenance du Louvre afin de com- 137 Travaux de recherche pléter des œuvres de ses collections. En échange, le musée du Louvre recevait d’autres fragments lui permettant de compléter ses propres vases. Les soixante-dix-sept fragments déposés pendant près de quarante ans (de 1968 à 1989) ont donc été replacés dans leurs vases d’origine et ces opérations ont considérablement enrichi la recherche scientifique. Toutefois, d’un simple point de vue administratif, un problème se pose : il est souvent difficile aujourd’hui de repérer ces fragments dans l’œuvre qu’ils ont réintégrée. L’envoi de tessons souvent inédits et n’ayant pu faire l’objet de fiches informatisées a considérablement compliqué la traçabilité de ces œuvres, propriété pourtant inaliénable des collections françaises. Le récolement effectué en 2011 aura donc permis de faire un bilan utile, sur le plan scientifique et administratif. Ch. Walter In 2011, the inventory review of seventy-seven fragments of Greek vases, which the Louvre loaned to the Metropolitan Museum of Art between 1968 and 1989, has clarified the traceability of these exchanges, which, in the scientific spirit of the times, were carried out on the initiative of Dietrich Von Bothmer, Beazley’s pupil and curator at the Met, with the objective of reconstituting the Greek vases. Bilan historique et archéologique des œuvres antiques et des arts de l’Islam déposées par le Louvre et l’État à Nantes entre 1863 et 1952 Projet suivi par Marie-Josée Castor 138 Le récolement effectué par le SRDAI à Nantes durant toute l’année 2010 a permis d’aboutir en 2011 à une synthèse conséquente sur l’histoire et le destin des différents envois d’antiques et des arts de l’Islam de l’État vers la ville. Pour identifier et localiser précisément l’ensemble des œuvres à récoler, une recherche archivistique et documentaire a été menée afin de comprendre précisément la succession des envois, leurs destinations dans les musées de la ville et les contextes de circulation des collections au gré de l’évolution des institutions muséales nantaises. Nantes figure en effet parmi les grandes métropoles régionales qui ont eu droit dès 1801, dans le cadre du décret Chaptal, à l’envoi d’un nombre important de tableaux. La présence de la ville sur la liste des bénéficiaires en 1863 d’un envoi Campana de plus d’une centaine d’œuvres antiques confirme la volonté de l’État d’encourager le développement des collections muséales de la ville dès le xixe siècle. Cette dynamique s’est poursuivie durant le premier quart du xxe siècle. Le tout début du siècle a ainsi vu l’arrivée de nombreuses collections (1901 pour un lot de tissus coptes, 1905 pour des faïences d’art islamique, 1908 pour un nouvel envoi de tissus coptes). Selon les archives conservées, la création de l’école régionale des Beaux-Arts en 1904 ne serait pas étrangère à ces mouvements. Son directeur de l’époque, Emmanuel Fougerat, souhaitait en effet constituer une collection d’œuvres susceptibles d’appuyer l’enseignement des arts industriels, et le ministère de l’Instruction publique répondit à ce vœu. Les années 1922 et 1924, qui virent la création officielle du musée des Arts décoratifs dans le château des ducs de Bretagne, furent également propices aux dépôts antiques. Il s’agissait alors de dépôts provenant du Louvre, et proposés directement par les conservateurs (Edmond Pottier en 1922 pour la céramique antique et Charles Boreux pour l’Égypte). À partir de la Seconde Guerre mondiale, ces collections ont connu de nombreuses vicissitudes (mise en caisses, changements de locaux dans le château et hors du château). Aujourd’hui, alors que la quasitotalité des œuvres sont conservées au musée départemental Dobrée, une étude précise de traçabilité historique a pu être effectuée lors du récolement. M.-J. Castor The inventory review of transfers of antiquities and Islamic art objects by the State and the Louvre, which was carried out by the SRDAI in Nantes throughout 2010, resulted in a significant overview in 2011. Archive and documentary research was carried out to elucidate the precise order of the transfers, their final destinations in the city’s museums and the subsequent movements of these collections as the museums of Nantes developed. Les dépôts du Louvre au Musée national de la céramique à Sèvres : de la reconstitution de l’histoire des envois au récolement des œuvres Projet suivi par Anne-Laure Goisnard et Caroline Tsagouris Le récolement du Louvre dans les musées nationaux est l’occasion de clarifier l’histoire des collections nationales. Le récolement effectué en 2011 par l’ensemble des départements au Musée national de la céramique à Sèvres a permis d’expérimenter les modalités de ce nouveau chantier. Le rapport de synthèse sera finalisé en 2012. L’histoire des dépôts du Louvre au musée national de la Céramique concerne peu d’œuvres, qui relèvent essentiellement du domaine des Objets d’art (auxquels on peut associer les objets d’art islamique) et de celui des antiques (Orient et Égypte). Le récolement et les recherches des documents historiques liés aux dépôts ont ainsi permis de comprendre l’évolution de la politique de dépôts du Louvre à Sèvres. Les premières collections qui rejoignent Sèvres en 1829, peu de temps après son ouverture, sont des collections du musée royal, qui ne sont plus aujourd’hui dans les domaines de responsabilité du Louvre (porcelaines de Chine, du Japon et poteries mexicaines). Il faut attendre la fin du xixe siècle pour assister à l’envoi de quelques majoliques de la collection Campana. L’insistance du conservateur d’alors, Jules François Félix Husson, dit Fleury, dit Champfleury, pour obtenir du Louvre des « doubles » des missions archéologiques en Orient, ne sera pas vraiment suivie d’effet. Seul un dépôt de deux briques assyriennes est repéré en 1878. Au xxe siècle, outre l’envoi de vases de Sèvres en 1901, lors de la création du Mobilier national et d’une répartition des collections entre le Louvre et ce dernier, les dépôts les plus significatifs ont lieu entre 1910 et 1956. Une circonstance favorise alors ce rapprochement. En 1934, le musée de Sèvres est rattaché au département des Objets d’art Service du récolement du musée du Louvre, et par là-même à une politique globale d’acquisitions pour les musées nationaux. Pierre Verlet, qui en 1945 a sous sa responsabilité les collections d’objets d’art, procède à une réorganisation des collections entre le Louvre, Cluny, Sèvres et Limoges. Enfin, le récolement des dépôts de céramiques byzantines du xive siècle permet de revoir les responsabilités de différents départements sur ces œuvres (inventaire OA du département des Objets d’art, arrêté de dépôt du département des Antiquités égyptiennes et contexte du nouveau département de Byzance et des Chrétientés d’Orient). A.-L. Goisnard The inventory review of the Louvre’s permanent deposits at the Musée National de la Céramique brought to light in a precise manner the context of the Louvre’s transfers of its collections to Sèvres. It concerns, in particular, Decorative Arts, Islamic Art, and several archaeological works. The deposits, which are limited in quantity, reveal the precise choices of lots chosen to complete the acquisitions of the Musée National de la Céramique. These Louvre transfers took place mainly between 1910 and 1956. La base de données du récolement des dépôts (PICO) Outil géré par Anne-Laure Goisnard La base de données du SRDAI compte à ce jour plus de vingtdeux mille notices des œuvres récolées depuis 1998 dans près de deux cent quarante institutions en France et à l’étranger. Elles concernent les envois de l’État et les dépôts en région, à l’étranger et dans les musées nationaux des trois départements antiques (département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, département des Antiquités égyptiennes, département des Antiquités orientales) et du département des Arts de l’Islam du musée du Louvre, et les dépôts dans les musées nationaux du département des Arts graphiques. Composée de trois volets, la base de données PICO fournit des informations de type administratif, historique, scientifique, bibliographique, ainsi qu’une couverture photographique d’au moins une image par objet. Cette base, actualisée deux fois par an en fonction de l’avancement du récolement, est ouverte à la consultation, en interne au musée du Louvre, sur demande. Personne à contacter : [email protected]. A.-L. Goisnard The PICO database contains more than 22,000 records of the Louvre’s long-term loans in France and abroad. Each entry provides historical and scientific information about the works, and is illustrated with one or several photos. The database can be accessed via Intranet with an access code. 139 Travaux de recherche Service Études et Recherche de la direction de la Politique des publics et de l’Éducation artistique Recherche sur les relations entre les musées et les municipalités en Europe Partenariat Louvre – Centre d’économie de la Sorbonne – université Paris I Sorbonne (groupement d’analyse politique financé par l’Union européenne) Synthèse des principaux résultats À la suite de l’étude menée en 2005 sur l’impact économique du Louvre, qui a fait l’objet d’une publication par Xavier Greffe, professeur d’économie à la Sorbonne, dans la revue The Journal of Arts, Management, Law and Society1, la recherche sur les relations entre les musées et les municipalités en Europe s’est attachée à étudier l’importance des musées dans la vie économique et sociale de leurs territoires (voir RML 2010, p. 96). Elle visait à conduire une analyse comparative en France, en Angleterre, et dans un pays en phase d’entrée dans l’Union européenne, la Croatie, afin d’étudier leurs situations respectives dans des contextes territoriaux, sociaux et politiques européens différenciés. Cette première approche d’étude a été suivie de plusieurs consultations auprès de professionnels des musées, d’experts et de professionnels des collectivités territoriales. Elle a permis, ensuite, la réalisation de quatorze études de cas, et la mise en œuvre d’une enquête quantitative en ligne, effectuée auprès d’un échantillon de deux cent cinquante musées et collectivités territoriales en Europe. 140 Des liens étroits mais limités entre musées et municipalités L’un des premiers résultats de l’enquête fut de constater que, même si les musées européens ne dépendent pas administrativement des collectivités locales, ils entretiennent pratiquement tous des relations suivies avec leurs municipalités. Des diverses situations municipales étudiées, qu’elles soient locales (Anvers, Barcelone, Bilbao, Dunkerque, Lyon, Paris, Rouen, Split, Venise) ou nationales (Allemagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Portugal, Suède), il ressort que l’engagement des municipalités est déterminant pour ce qui est des financements mais aussi des partenariats en faveur des populations vivant sur le territoire. Dans ce contexte, les musées, quels que soient leur taille ou leur statut, voient, pour beaucoup d’entre eux, leurs marges de manœuvre réduite par un modèle de soutien financier annualisé. Cet agenda ne leur permet pas d’introduire – avec un design pluriannuel et de moyen terme indispensable pour la conduite de leurs projets – la souplesse, la réactivité et le temps nécessaires pour atteindre leurs objectifs, consolider leur politique d’acquisitions, développer des projets culturels durables ou encore mettre en place d’éventuelles actions correctives. L’enquête montre ainsi que les municipalités craignent de n’être perçues que comme de simples « financeurs », tandis que de nombreux musées accordent à leurs partenaires municipaux un rôle d’apporteurs d’argent au cas par cas, et estiment que, bien souvent, leurs municipalités les ignorent. Dans l’enquête, les musées ont d’ailleurs été très nombreux à souhaiter une évolution de leur modèle de gestion et l’instauration de relations de moyen terme avec les municipalités correspondantes. L’attente d’un élargissement des missions et du rôle des musées sur leurs territoires Dans cette perspective, les attentes des musées et celles des municipalités trouvent de nombreux points de convergence, sans que les missions des musées fassent pourtant l’objet d’une réflexion réellement approfondie et partagée sur leur rôle à l’égard des territoires. Autant les musées semblent compétents pour ce qui est du développement et du suivi de leurs activités les plus traditionnelles (accueil des visiteurs, activités pour les scolaires, élargissement à certaines catégories de publics), autant ils sont encore nombreux à sous-estimer la place qu’ils peuvent occuper en matière de cohésion sociale, de bien-être des populations, d’augmentation des compétences locales et de développement de partenariats avec d’autres secteurs d’activité ou d’autres acteurs territoriaux, que ceux-ci appartiennent au champ social ou économique. Leur contribution au déploiement « durable » des territoires, sur le plan économique et social et sur le plan environnemental, représente un axe de développement majeur pour les musées, mais ils sont souvent démunis et ne disposent pas toujours des moyens et des indicateurs qui leur permettraient de valoriser ces dimensions. S’ils sont capables de bien accueillir leurs visiteurs, de mettre en place des activités en faveur de publics cibles et de certaines catégories sociales, telles les personnes en situation de handicap, ils développent encore peu de relations professionnelles et d’activités intersectorielles avec les entreprises locales et leurs salariés comme avec les autres secteurs professionnels publics et privés situés sur leur territoire (transport, formation continue, emploi, loisir, santé, etc.). S’agissant de l’innovation, s’ils sont parfaitement conscients du rôle des technologies de l’information et de la communication pour ce qui est de l’ouverture à de nouveaux publics, ils peinent toutefois à exploiter au mieux leur potentiel en matière de droit de propriété intellectuelle, de création de nouveaux produits et de services, et de valorisation de leur patrimoine immatériel, au bénéfice de leur territoire. Une amélioration du dialogue de gestion à travers une réflexion approfondie sur le rôle des musées et sur les indicateurs de suivi Dans l’enquête, la manière dont les musées et les municipalités envisagent le rôle des indicateurs – entendus ici comme instruments de dialogue de gestion et systèmes d’information sur Direction de la Politique des publics les missions, les objectifs et les responsabilités respectives des musées et des collectivités territoriales – est très significative : les musées disposent aujourd’hui de données assez précises sur leur action éducative, et sur leurs activités et événements culturels. Ils se déclarent, en revanche, beaucoup plus démunis pour analyser les conséquences de leurs politiques du point de vue social, leurs effets sur l’individu et la collectivité, sur la cohésion et la diversité, sur l’ouverture à de nouvelles communautés vivant sur leur territoire, sur les apprentissages et la formation, et, d’un point de vue général, sur la création de valeur économique et sociale. Les musées sous-estiment en particulier le potentiel de valeur, notamment économique, et de créativité, qui peut être issu des références artistiques offertes par leurs collections et par l’expertise de leurs équipes. Aujourd’hui, les ressources artistiques et culturelles bénéficient peu aux habitants et aux entreprises locales, au-delà des domaines et des secteurs traditionnellement attachés aux musées (artistes plasticiens, mode ou design). En revanche, les municipalités ont des demandes beaucoup plus fortes et beaucoup plus précises concernant le rôle des musées en matière de bien-être social et d’activité économique. Musées et municipalités s’accordent d’ailleurs à déplorer le manque d’outils permettant de mesurer la contribution des musées au bien-être social et au développement économique de leurs territoires, et à souhaiter disposer des indicateurs correspondants. Valorisation des résultats de la recherche Les résultats de la recherche sont disponibles en ligne. Le rapport et ses annexes, comportant quatorze études de cas, sont accessibles, en français et en anglais, sur le site de la Commission européenne : http://ec.europa.eu/culture/ news/20110829_en.htm. La recherche a également fait l’objet de deux présentations en 2011 : – présentation des résultats aux représentants des vingt-sept États membres de l’Union européenne (Working Group of Member States Experts on Cultural Diversity, Intercultural Dialogue and Accessible and Inclusive Culture), Bruxelles, 8 mars 2011 ; – présentation des résultats dans le cadre de la conférence internationale « The Arts in Times of Crisis: British and French Perspectives », organisée conjointement par le centre de recherche « Civilisations et identités culturelles comparées » – université de Cergy-Pontoise et le Centre for Cultural Policy Studies de l’université de Warwick (Royaume-Uni), Cergy-Pontoise et Paris, 15-16 décembre 2011. A. Krebs 1. Greffe (X.), « The Economic Impact of The Louvre », The Journal of Arts, Management, Law and Society, XLI, 2011. Following the 2005 study of the economic impact of the Louvre, which was published in The Journal of Arts Management, Law and Society (volume 41, 2011), research on the relations between museums and municipalities in Europe (financed by the European Union and jointly directed by the Louvre’s Studies and Research Department and the Centre d’Economie de la Sorbonne) has focused on studying the significance of museums in the economic and social life of their communities. A comparative analysis of the state of relations between various museums and their municipalities across Europe was used to study situations in differentiated geographical, social and political contexts. Following a literature review, consultations were carried out with professionals in cultural fields, researchers and experts, followed by the implementation of fourteen case studies in various European cities, regions and countries, and by a quantitative survey conducted with a sample of 250 museums and local authorities in Europe. This research has highlighted areas of convergence or divergence between municipalities and museums; through it we have been able to identify the expectations of museums and municipalities respectively with regard to issues of governance and development in their communities. The results point both to synergies and differences concerning the goals of the museums and the mutual expectations of the partners. The research also opens up discussion of the types of contractual relation and innovation that would enable museums to strengthen their role as drivers of cultural, social and economic development within their communities. Recherche sur la générosité des particuliers Partenariat Louvre – université Paris I Panthéon Sorbonne (IAE, Paris) – université de Brest (IAE, Brest) Le don et le legs aux institutions culturelles constituent un champ de recherche important et inédit en France, permettant d’explorer et de comprendre les motivations et les freins à la générosité des particuliers envers les institutions culturelles, et plus spécifiquement, envers le musée du Louvre. Les études préalablement conduites par le Louvre, et les travaux sur la générosité, notamment conduits dans le champ académique anglo-américain, montrent la pertinence d’approfondir la connaissance des variables qui président au don et au legs dans le champ particulier de la culture et des musées. Les travaux de l’année 2011 ont plus particulièrement porté sur le legs aux institutions culturelles, à travers une revue de la littérature académique et une exploration des caractéristiques sociales et psychographiques des testateurs. Ces travaux permettent d’appréhender les mécanismes du don et du legs aux institutions culturelles et l’importance de leur potentiel en matière de collecte : – article de recherche sur le legs aux institutions culturelles (« Generativity as an Explanatory Factor in the Concept of Bequests »), soumis et accepté par le comité scientifique de la conférence internationale de l’Association internationale pour le management des arts et de la culture, Anvers, 4-6 juillet 2011 ; – rédaction, avec les deux coauteurs, Sophie Rieunier et Bertrand Urien, d’un chapitre d’ouvrage, « Le legs aux organismes culturels », dans Le Consommateur âgé, à paraître aux éditions De Boeck, Bruxelles, 2012. A. Krebs Individual gifts and bequests to cultural institutions are a relatively unexplored area of research in France. This research project has investigated the motivations and disincentives of individual donations to cultural institutions, and to the Louvre more specifically. The literature review and the initial studies completed show the importance of expanding our understanding of the explanatory variables (the social and psychographic characteristics) that influence the making of gifts and bequests in the arts, including to museums. 141 Travaux de recherche Recherche sur les pratiques « réelles » et « virtuelles » du Louvre Partenariat Louvre – École des hautes études commerciales (HEC), Paris Valorisation des résultats de la recherche Présentation des résultats de la recherche (voir RML 2010, p. 95) dans le cadre des Rencontres numériques 2011, « Médiation et numérique dans les équipements culturels », organisées par le ministère de la Culture et de la Communication, secrétariat général, service de la Coordination des politiques culturelles et de l’innovation, Paris, 3-4 mai 2011. Article de recherche soumis et accepté par le comité scientifique de la conférence internationale de l’Association internationale pour le management des arts et de la culture, Anvers, 4-6 juillet 2011. L’article présenté, « Analysing Two Modes of Access to Art Museum: The Real/Virtual Orientation Scale », doit être soumis pour publication au sein d’une revue à comité de lecture en 2012. Présentation des résultats de la recherche dans le cadre d’un séminaire professionnel international organisé par l’université de Kent (Royaume-Uni), School of Art, Bruxelles, 20-21 juillet 2011. Présentation des résultats de la recherche dans le cadre d’une invitation de la Commission européenne, direction générale Éducation et Culture, à l’European Culture Forum 2011, Bruxelles, 20-21 octobre 2011. A. Krebs The purpose of this research project was to analyse the complementary relation between visits to the Louvre itself and visits to its website as well as the possibilities for substitution of one by the other. Qualitative and quantitative methodology was used to explore the positioning of the museum and its website in respondents’ attitudes and behaviours, and the variables that determine these. In particular, the results of the quantitative phase have helped generate a multi-item scale to display the relationships between real and virtual visits and the individual determinants of variations shown on this scale. 142 Fouilles et prospections archéologiques Fouilles et prospections archéologiques Antiquités orientales Travaux 2011 de la mission archéologique de Tulul el-Far, Tell Taouil et Tell el-Kharaze (Syrie) : recherches toponymiques et analyse stratigraphique Projet suivi par Sophie Cluzan Un arrêt momentané mis à profit Inaugurée en 2007, la mission archéologique franco-syrienne des sites de Tulul el-Far a conduit trois campagnes sur le terrain, jusqu’en 2009. En 2010, la partie française a mené une campagne d’étude sur Tulul el-Far et la partie syrienne une extension de l’opération archéologique ouverte en 2009 au Tell Taouil. En 2011, la situation du pays a contraint la mission à un arrêt momentané de ses travaux de terrain, un temps de relâche mis à profit par la partie française pour compléter le traitement de la documentation recueillie depuis 2007 et commencer l’analyse des résultats. De son côté, la partie syrienne a entrepris une campagne d’étude du matériel recueilli lors des deux premières années de travail au Tell Taouil. Une collaboration qui se poursuit En dépit d’un éloignement forcé et autant que les conditions le permettaient, la collaboration avec nos partenaires syriens s’est poursuivie. Les recherches ont été conduites en partenariat avec Ahmad Ferzat-Taraqji, directeur adjoint des fouilles à la Direction générale des Antiquités (DGAMS) et codirecteur de la mission, et Qasem al-Mohammed, directeur des fouilles de la circonscription de Der’a (DGAMS). Ce dernier a participé aux recherches conjointes que nous consacrons aux sources anciennes relatives à la géographie et à l’occupation de l’oasis 144 de Damas. Les sites du Far étant situés sur les routes reliant le Sinaï à Damas puis Homs et de là à la Méditerranée, l’Euphrate ou l’Anatolie, et l’oasis de Damas ayant été de tout temps un point majeur de ralliement sur ces voies, la géographie historique de la région constitue un axe important de nos travaux. À terme, cette étude nous conduira à proposer un tableau de la région de l’oasis de Damas à différentes périodes, sur lequel nous pourrions adosser un programme de prospections régionales. Cette recherche est menée par Qasem al-Mohammed pour les périodes hellénistique et romaine et par Sophie Cluzan pour les périodes anciennes et récentes1. Parallèlement, en 2011, la partie française (Sophie Cluzan et Nicolas Benoit) a entrepris la recomposition stratigraphique d’une partie de la fouille de Tulul el-Far et l’attribution consécutive du matériel aux différentes phases. Par ailleurs, le traitement général des données – base de données, traitement graphique des journaux de chantier, classement des photos – a été poursuivi par Norbeil Aouici, Christine Lorre, Virginia Verardi, Nicolas Benoit2 et nous-même. Enfin, avec Élise Devidal, chargée des relevés et des plans de la mission, nous avons effectué un important travail graphique sur les différents chantiers. Recherches toponymiques En 2011, le programme de recherche sur les sources textuelles relatives à la région de Damas s’est concentré sur la vallée du fleuve qui arrose les sites du Far, le Nahr el-A’ouaj. Nous présentons ici les résultats préliminaires du travail que l’auteur a entrepris sur les textes de l’Ancien Testament et sur les sources des xviiie et xixe siècles. Formant la limite méridionale de l’oasis de Damas, le Nahr el-A’ouaj coule d’ouest en est depuis les pentes du mont Hermon (Djebel Sheikh), où il se forme par la convergence de divers cours d’eau, jusqu’au lac d’el-Hijaneh en bordure de la steppe au sud-est de Damas. Longeant les flancs méridionaux des sites du Far, le Nahr el-A’ouaj et sa vallée ont été amplement décrits par les voyageurs européens présents dans la région dès les années 1720 et autour des années 1850. Particulièrement intéressants pour notre propos sont les récits et études de voyageurs tels que Josiah Porter et Edward Robinson, publiés respectivement en 1855 et 18563. Le premier assimile le Nahr el-A’aouaj au fleuve Parpar (ou Vue du Nahr el-A’ouaj au printemps montrant l’aspect bouillonnant de ses eaux Antiquités orientales Exemple de coupe analytique : chantier A, aa’ Pharpar) de l’Ancien Testament (2 Rois, XII, 5) et le second attribue ce rapprochement au révérend Vere Monro4. Selon le récit du Livre des Rois, Parpar serait le second des deux fleuves de Damas, ce toponyme désignant vraisemblablement l’intégralité de l’oasis plutôt que la ville stricto sensu. D’après Porter et Robinson, le premier des fleuves mentionnés par la Bible, l’Abana (ou Amana), correspondrait à l’actuel Barada, le Chrysorrhoas d’auteurs antiques tels que Strabon ou Pline. Dans sa description de la vallée de l’A’ouaj, Robinson remarque que l’on y trouve de nombreux tells, qu’il interprète comme les restes d’anciens villages dont les édifices, faits de briques, détruits puis reconstruits au fil des ans, auraient haussé le niveau. En dépit de sa pertinence, cette mention d’une topographie reflétant les anciennes actions anthropiques le long de l’A’ouaj reste trop allusive pour que l’on puisse y reconnaître les sites qui nous occupent. Néanmoins, étant donné la superficie5 et la localisation de l’ensemble du Far, vraisemblablement à la jonction d’une route nord-sud avec l’axe est-ouest que matérialise l’A’ouaj, il ne fait pas de doute que Robinson y sera passé et l’aura remarqué. Objet d’un large consensus, l’équivalence proposée entre le fleuve Parpar et l’actuel Nahr el-A’ouaj n’en a pas moins suscité de nombreux commentaires, ouvrant la voie à d’autres hypothèses. Certains auteurs proposèrent ainsi de rapprocher le Parpar du Wadi Barbar, l’un des nombreux petits cours d’eau du mont Hermon, dont les eaux forment l’A’ouaj en aval. Enfin, dans le premier guide pour voyageurs édité par Baedeker6, George Adam Smith assimile le Parpar au Wadi Sabirani, l’un des tributaires de l’A’ouaj, ce qu’il fait reporter par le cartographe J. G. Bartholomew sur la carte détaillée des environs de Damas de son atlas de 19157. Aujourd’hui, l’opinion générale s’accorde sur la proposition de Vere Monro et le Nahr el-A’ouaj est traditionnellement identifié au Parpar ou Pharpar de la Bible, correspondance que les sites du Far pourraient venir appuyer. Il est en effet particulièrement intéressant de rapprocher le nom actuel des sites, Tulul el-Far (les tells du Far), de celui de Parpar ou Pharpar de l’Ancien Testament, passé à Farfar dans la Vulgate8, un lien que la proximité des langues sémitiques de la zone pourrait expliquer. En arabe, farfar (رفرف ) est un verbe quadrili- tère, dont la signification, « agiter », « secouer » ou « battre des ailes », répond à la nature exubérante du fleuve, notamment au printemps, lorsqu’il se gonfle de la fonte des neiges du Djebel Sheikh et prend un aspect jaillissant et bouillonnant, sortant de son lit pour créer de nombreux petits bras tortueux (a’ouaj en arabe). Les notions de jaillissement et de bouillonnement étant par ailleurs transcrites en arabe par la racine trilitère far (راف ) (fwr), le nom de la région du Far peut avoir été dérivé soit par raccourcissement du schème quadrilitère, soit par référence au verbe « bouillonner et jaillir ». Les verbes farfar et far rendant tous deux compte des caractéristiques hydrologiques de l’A’ouaj9 et se rapprochant phonétiquement du nom biblique, Pharpar ou Parpar, l’idée d’une assimilation ou d’une réinterprétation10 de ce toponyme au cours de l’histoire constitue une première hypothèse sur laquelle articuler nos travaux. Dans une perspective diachronique, notre recherche s’attachera à retrouver le nom que cette vallée a pu prendre au temps du royaume d’Aram11 ou plus anciennement encore aux époques des archives d’Ebla, de Mari et d’Ugarit. Enfin, les noms anciens des sites continueront d’être recherchés12. Analyse stratigraphique : le chantier A En 2011, la partie française a centré ses études stratigraphiques sur le chantier A de Tulul el-Far, plus particulièrement sur la relation entre le bâtiment circulaire 1 et les constructions de la portion occidentale du secteur. Les sols d’occupation des bâtiments ayant été atteints et la fouille ayant permis d’y prélever des types céramiques autorisant des rapprochements avec les productions de Syrie et de Palestine, cette zone test permettait de dégager une séquence chronologique à laquelle adosser la datation de constructions adjacentes. Le système d’enregistrement de la mission suit un modèle mis au point par plusieurs équipes françaises et quelque peu modifié par nos soins. Cette méthode allie documentation graphique et textuelle et permet d’obtenir un enregistrement à la fois très complet et détaché de tout processus d’interprétation au moment de la collecte de l’information. Notre premier rapport de fouille, en 2007, ayant déjà fait une large place à l’explication de cette méthodologie, nous n’en rappelons ici que l’élément central : l’attribution à chacune des opérations 145 Fouilles et prospections archéologiques Fragment de marmite de type holemouth jâr, dessin Hélène David-Cuny de terrain d’un numéro. Chaque opération est reportée sur un plan à l’échelle, munie des indications topographiques qui lui sont liées et, le cas échéant, des restes découverts : constructions, aménagements, matériel exceptionnel, etc. Un catalogue décrit les opérations, de leurs perspectives à leurs résultats. Le matériel recueilli pendant un travail en porte le numéro et pourra ainsi être replacé topographiquement et stratigraphiquement. À cette documentation, nous avons adossé une documentation photographique du travail en cours. Conservant la mémoire de tout ce que la fouille a enlevé ou détruit dans sa progression, cette méthode permet de reconstituer ultérieurement le terrain tel qu’il était ainsi que le travail accompli. Les couches et les niveaux sont établis sur la base de ces informations graphiques couplées aux notes répertoriées dans le catalogue des opérations. Le matériel trouve automatiquement sa place grâce au numéro qui le relie à son opération. Les éléments de cette chaîne opératoire permettent d’éviter l’écueil d’une documentation qui ne serait utilisable que par ses auteurs. Ils pallient la destruction progressive des restes à laquelle l’archéologie procède pour reconstituer l’histoire. En conséquence, ils garantissent à nos partenaires syriens la conservation des traces matérielles de l’histoire du site dont ils ont la responsabilité et dont ils nous confient l’exploitation scientifique. 146 Coupe analytique de la construction circulaire 1 et du locus 15 La coupe analytique montre le résultat du travail de recomposition du secteur du grand bâtiment circulaire 1. Sur cette coupe, chaque opération a été reportée à l’échelle ainsi que les restes progressivement dégagés. Effectuée par Sophie Cluzan et Nicolas Benoit, puis mise au net par Élise Devidal, cette première reconstitution a par ailleurs servi de test d’évaluation de notre système13. La stratigraphie du secteur comprend deux phases de construction. La plus récente, la phase 1, est représentée par le locus 15. Sur son sol d’occupation, le sol A6, la céramique recueillie ne contenait pas de types particuliers, où domine la production commune et grossière. On y remarquera toutefois la présence de types que les références à la Palestine permettent de dater du Bronze ancien III. On notera ainsi un bord de marmite relevant d’une série largement diffusée en Palestine. La seconde phase, la phase 2, est illustrée par le grand bâtiment circulaire 1, défini par le mur curviligne A7 dont la section méridionale a été largement entamée par le creusement plus récent d’une tombe. Ce bâtiment a lui-même connu deux occupations, chacune représentée par un sol. Le plus récent, le sol A12, était directement situé sous le mur A12 de la phase 1, ce qui indique que les remaniements du tissu de l’occupa- tion furent rapides dans ce secteur, sans période d’abandon. Principalement reconnu dans la partie méridionale de la construction, le sol A12 était en terre battue, irrégulier et mal conservé. La céramique et le matériel qui y reposaient étaient relativement pauvres, contenant des productions communes et grossières. À cette même phase chronologique appartient le sol le plus ancien de cette construction, le sol A2. Retrouvé à divers endroits, ce sol irrégulier de terre battue était jonché de nombreux fragments de céramique, dont on retiendra plus particulièrement un bord de marmite du type connu en Palestine sous le nom de holemouth jar. Cette série se caractérise par une panse globulaire à ovoïde dont le sommet est décoré à l’extérieur de signes imprimés, tels que des marques en forme de croissant de lune, de petites impressions circulaires disposées de diverses manières, etc. Par leur irrégularité et l’aspect discontinu de leur positionnement, ces impressions s’apparentent plus à des marques ou des signes qu’à des décors. Le travail de reconstitution stratigraphique et d’attribution du matériel aux différentes phases du secteur montre donc une occupation continue, dans une succession relativement rapide. Cette période du Bronze ancien III marque l’abandon du site de Tulul el-Far. On se souviendra toutefois que les types céramiques sur lesquels se fonde notre périodisation actuelle sont attestés dès le Bronze ancien II en Palestine. En 2012, il conviendra donc de reprendre la question de la datation des deux dernières phases de construction de ce secteur à la lumière de coupes analytiques d’autres secteurs et de l’analyse de leurs céramiques. Cette partie de l’analyse devrait bénéficier de la collaboration d’Ali Othman, archéologue de la DGAMS, actuellement conservateur stagiaire à l’INP14. Perspectives Si l’année 2012 ne voit pas la reprise des travaux sur le terrain, la poursuite du traitement de la documentation, la réalisation et la mise au net de coupes analytiques resteront les priorités de la mission. Parallèlement, un article de synthèse est en cours de rédaction, qui paraîtra dans la revue Syria. Enfin, l’année 2012 verra la présentation du dossier de renouvellement de permis de fouille que la mission a constitué durant les mois de l’automne 2011 à la demande de la DGAMS, le précédent quinquennal étant arrivé à échéance. S. Cluzan 1. Nicolas Benoit et Camille Lecompte (chercheur à l’université de Heidelberg) participeront à ce travail, respectivement pour les périodes hellénistiques et les IIIe et IIe millénaires avant notre ère. 2. Il convient de saluer le travail accompli par l’ensemble des membres de la mission, qui assurent cet engagement dans le cadre de leur travail au département des Antiquités orientales : Norbeil Aouici, régisseur au département des Antiquités orientales, chargée du traitement du matériel de la mission, et Nicolas Benoit, chargé de la coordination des travaux topographiques, du classement et du traitement de la base des images de la mission, lequel participe aux travaux stratigraphiques et au suivi des plans. Christine Lorre est conservateur du Patrimoine au musée de Saint-Germain-en-Laye et membre de la mission. Virginia Verardi est conservateur stagiaire du Patrimoine et chargée de chantier pour la mission. Ce travail fut aussi l’occasion de poursuivre la formation de deux de nos étudiantes, Mathilde Jean et Vérène Chalendar, dont le stage de plusieurs mois a été plus particulièrement suivi par Nicolas Benoit. 3. Porter (J.), Five Years in Damascus, Londres, John Murray, II, 1855 ; Robinson (E.), Later Biblical Researches in Palestine and in the Adjacent Regions, Londres, John Murray, 1856. Antiquités orientales 9. On soulignera que l’attribution de la racine arabe far à l’eau bouillonnante de sources montagneuses ne serait pas un cas isolé. Une oasis d’Algérie visitée par Ibn Khaldoun en octobre 1378 et citée dans son autobiographie porte aujourd’hui encore le nom de Farfar, par référence aux nombreuses sources qui y sourdent. 10. La langue arabe ignore le son p. 11. Sous réserve des résultats de futures recherches, on remarquera qu’en hébreu, par signifie le taureau. Cette langue ne connaît pas le phénomène de redoublement de la racine, tel qu’on le perçoit dans le toponyme Parpar, toutefois, l’assimilation bien connue entre le taureau et l’eau que déverse le dieu de l’Orage, dont il est l’animal attribut, pourrait fournir l’indice d’un lien à l’eau jaillissante. 12. Rappelons que les sites ont encore été occupés à la période romaine et, semble-til, byzantine et que les noms qu’ils portaient à ces époques ont dû être conservés. Ils pourraient servir de point de départ pour remonter la chronologie de ces toponymes. 13. Le résultat de la mise au Plan du chantier A : le segment de droite aa’ indique l’emplacement de l’une des coupes analytiques net étant très convaincant, la mission s’oriente vers un traitement similaire de l’en4. Monro (Rev. V.), A Summer Ramble in Syria: With a Tartar Trip from semble des coupes analytiques, travail qui sera confié à Élise Devidal et Aleppo to Stamboul, Londres, Richard Bentley, 1835. doit commencer dès 2012 si les conditions de la mission le permettent. 5. 80 hectares. 14. Ainsi que des travaux bibliographiques que devrait mener Mathilde 6. Baedeker (K.), Palestine et Syrie. Manuel du voyageur, Leipzig, Baedeker, Jean, étudiante en master de l’université Paris I dans le cadre de notre 1882. mission. 7. Smith (G. A.), Atlas of the Historical Geography of the Holy Land, Londres, Hodder et Stoughton, 1915. 8. Dans le Grand Dictionnaire géographique et critique de 1737, Antoine Because the excavation projects of 2011 were impeded by the general Augustin Bruzen de la Martinière indique que Farfar est une des deux situation of the country, our team focused its work on the study of the rivières de la région de Damas, dont le nom est écrit Pharphar dans la results obtained over the previous years. In particular, its principal task was Vulgate et Parpar ou Pharpar en hébreu. Il précise que les noms des to continue to elaborate the plans and sections of the different excavation rivières de l’Ancien Testament n’ont pas laissé de traces, rendant incersectors and to begin the stratigraphic analysis. Parallel to that work and to taine la localisation de l’une et de l’autre. Le nom des tells, Far, de notre the processing of the documentation, a research project on the ancient mission pourrait constituer l’indice permettant de lier les données de sources was conducted in an attempt to elucidate the toponymic questions l’Ancien Testament à la géographie moderne. raised by all three tells of our mission. 147 Fouilles et prospections archéologiques Antiquités égyptiennes Les fouilles du département des Antiquités égyptiennes à Saqqara (Égypte), saison 2011 Projet suivi par Guillemette Andreu-Lanoë et Michel Baud † 148 Cette campagne a été une saison courte, en raison de l’interdiction de fouiller touchant l’ensemble du site de Saqqara après les déprédations qui ont immédiatement suivi la révolution du 25 janvier. Le ministère d’État aux Antiquités ne souhaitait pas, à juste titre, que de nouveaux dégagements soient entrepris, la question de la sécurité des objets mis au jour se posant avec acuité en cette période troublée. L’objectif majeur de la mission, qui s’est déroulée du 1er au 21 octobre, était avant tout une remise en ordre de la concession. Si une visite effectuée au mois de juin avait montré que certains puits avaient été ouverts, les dalles de béton fermant les accès ayant été fracturées et les grilles métalliques sous-jacentes arrachées, il n’avait pas été possible, faute des autorisations adéquates, de pénétrer dans la concession pour conduire un inventaire plus poussé des dégâts ni, surtout, d’examiner le magasin de fouille, apparemment en bon état. Sa porte métallique cadenassée, malgré le démontage de l’emmurement de brique destiné à la protéger, masquait pourtant une triste réalité : découragés par la solidité de la porte, les voleurs avaient pris un chemin plus aisé, celui de la toiture. Le résultat de leur action est un pillage aux allures de ravage, tout ayant été inspecté, les rayonnages vidés, les boîtes ouvertes, les sachets déchirés, puis les objets jugés inintéressants jetés pêle-mêle, piétinés, brisés. Il a fallu une semaine de patient labeur à une bonne partie de l’équipe pour dégager la pièce, objet après objet, depuis l’entrée jusqu’au mur du fond, puis deux semaines pour en faire le tri et l’inventaire, avant de les reconditionner et de les ranger à nouveau. Deux séries ont particulièrement souffert, poteries d’une part, dont les exemplaires les plus complets ont été recollés, et masques funéraires d’autre part, consolidés avec un mélange d’argile et d’acrylique pour les pièces en terre qui pouvaient être sauvées ; certains cartonnages de momies, en trop mauvais état, n’ont pu être reconstitués et ont été reconditionnés à l’état de fragments. La liste des objets disparus est malheureusement assez longue, petites poteries ou amulettes en faïence, faciles à revendre sous le manteau. Quant aux puits, si une demi-douzaine d’ouvertures ont été fracturées, un seul en fin de compte a été véritablement visité. Il mène à une longue galerie (A) qui contenait plusieurs sarcophages et qui a servi, en outre, de magasin à la mission pour entreposer céramique et corps humains. Les sarcophages ont été ouverts pour en inspecter le contenu, mais ils n’ont pas été endommagés, pas plus que le reste de ce « magasin » des profondeurs n’a été bousculé : la frénésie est restée cantonnée à la surface… Cette saison d’après-pillage ne s’est pas limitée à une remise en ordre de la concession ; ce temps de pose obligé a aussi été mis à profit pour progresser dans l’aménagement du site, l’étude du matériel et la finalisation des plans. L’aménagement du site a d’abord consisté à mieux protéger les puits sensibles, qui ont été carrément comblés pour deux d’entre eux, dont celui conduisant à la galerie déjà évoquée. À la demande de l’inspectorat de Saqqara, nous avons poursuivi l’enlèvement, au bulldozer, des grands tas de déblais accumulés à l’est de la concession ; ce faisant, nous avons également procédé à l’élargissement du chemin voisin menant à la chaussée d’Ounas, qui permet aussi l’accès au tombeau des Deux frères et aux hypogées du côté sud. Il nous est apparu que le mastaba d’Akhethetep, situé du côté nord, pouvait lui aussi bénéficier de ce réaménagement. Son accès sud, visible depuis la chaussée, a donc été élargi en reculant, non sans difficultés, les murets modernes étagés qui retiennent, du côté sud-est du mastaba, une masse de couches archéologiques non encore fouillées. Reclassement et reconditionnement des objets du magasin pillé Élargissement de l’accès au sud du mastaba d’Akhethetep Antiquités égyptiennes Le terre-plein nord de la chaussée, large de plus de 7 mètres, a ensuite été débarrassé du sable qui le recouvrait sur une portion de 25 mètres de longueur, redonnant une unité architecturale à la chaussée et à son puissant soubassement. Les blocs de fondation du mur nord de la chaussée, enfin rendus visibles, ont été relevés, et, compte tenu des incohérences et des lacunes entre les divers plans, il a été décidé de reprendre entièrement le plan du monument, dallage compris, sur une portion de 110 mètres de longueur. Des relevés complémentaires, en élévation cette fois, ont été entrepris pour mieux comprendre la relation entre le mastaba d’Akhethetep, les tombeaux voisins de l’ouest, La chaussée d’Ounas et son terre-plein nord nettoyé ; le mastaba d’Akhethetep se trouve à droite la chaussée d’Ounas et les hypogées méridionaux. Ces derniers, dont l’étage supérieur (le troisième) est à peu près inconnu et ne figure sur aucun plan, ont enfin été cartographiés, mais ce travail demeure partiel en raison de leur fort degré d’ensablement. Ces structures en couloir, longues de 7 à 12 mètres et parallèles entre elles, ont été retaillées pour inclure de nombreuses niches et faire communiquer les couloirs d’origine entre eux, donnant à l’ensemble une allure de catacombe qui pourrait être un aménagement en relation avec le monastère Saint-Jérémie, situé juste au sud. La fouille des niveaux coptes de la partie occidentale de la concession effectuée la saison dernière (voir le rapport de 2010) a été poursuivie cette année par des opérations de postfouille, examens stratigraphiques, ordonnancement des plans par phase et mise à jour de la base de données des unités stratigraphiques dans le système d’information archéologique Syslat. En marge de ce travail, il nous a paru intéressant d’étendre notre entreprise cartographique, de manière schématique, aux restes coptes éparpillés sur l’ensemble de la zone, à commencer par le monastère Saint-Jérémie lui-même, dont les éléments remarquables encore visibles (la fouille date du début du xxe siècle) ont été géoréférencés. Plutôt qu’un monastère et ses dépendances, il se dessine, sur un périmètre de 18 hectares, un vaste ensemble urbain. La concession du Louvre correspond ainsi à la partie nord-orientale, topographiquement la plus haute, d’un établissement qui, placé au nord et en contrebas du monastère, s’étire le long de la chaussée d’Ounas. Celle-ci, même largement détruite et ensablée, représentait encore un axe de circulation en cette seconde moitié du Ier millénaire, comme l’atteste la proximité du niveau des couches de cette époque avec celui de la chaussée. Le matériel céramique étudié cette année a été presque exclusivement celui des niveaux coptes fouillés l’an dernier, dont le volume fut considérable. Un nombre important de raccords ont été effectués pour le matériel provenant d’un dépotoir en Comblement d’un puits et déblayage de déblais au bulldozer 149 Fouilles et prospections archéologiques puits, comprenant de nombreux vases de transport, stockage et cuisson ; beaucoup ont été dessinés en raison de leur bon état de conservation. Neuf monnaies en bronze, fortement corrodées, ont été nettoyées par traitement chimique puis mécanique. Les activités de restauration ont cependant été presque entièrement absorbées par le sauvetage du magasin, tout comme celles de documentation. G. Andreu-Lanoë et M. Baud † Remerciements Pour leur disponibilité et leur aide dans ce contexte de crise, nous remercions particulièrement Mohamed Ismaïl, directeur des missions étrangères au ministère d’État aux Antiquités, Kamel Wahid, directeur du site de Saqqara, Mohamed Youssef, inspecteur en chef à Saqqara, et Yasser M. Abd el-Fatah, notre inspecteur pour la saison. L’équipe, réduite cette année, était constituée de Guillemette Andreu-Lanoë (conservateur général, Louvre, département des Antiquités égyptiennes, directeur de la mission), Michel Baud† (archéologue, Louvre, codirecteur), Sophie Duberson (restauratrice, Louvre), Hélène Guichard (conservateur en chef, Louvre), Christiane Hochstrasser-Petit (dessinatrice), Sophie Labbé-Toutée (chargée d’études documentaires, Louvre), Guy Lecuyot (céramologue, CNRS, UMR 8546, Paris) et Christophe Requi (archéologue, Inrap, Montauban). Le raïs Rafaat Ahmed Chahat a dirigé une équipe d’une trentaine d’ouvriers. Due to the present political circumstances and according to the recommendations of the Permanent Committee of the Ministry of State for Antiquities, season 2011 was mostly limited to conservation, site protection and management. A large part of the team’s activities was dedicated to putting things in order after the acts of vandalism which occurred in the early days of the Revolution, when our storeroom was severely wrecked and several shafts opened. As for the site management, a better access to the mastaba of Akhethetep was designed and a part of the north side of Unas causeway was also cleaned. Old Kingdom structures, such as the terraced rows of rock-cut tombs on the south side of the causeway (the upper one of which seems not to be mentioned in the literature), could also be mapped, as well as the prominent features of the Coptic remains over a zone of 18 ha which includes the monastery of St Jeremiah. This mapping project is a further step towards a detailed plan of this complex area, aiming at better understanding the relationship between the Louvre concession and this part of the Saqqara site. Post-excavation work within the concession included the checking of the Coptic stratigraphy and the analysis and drawing of the pottery from this period. Travaux dans la tombe de Merenptah (Égypte), novembre 2011 Projet suivi par Christophe Barbotin et Sylvie Guichard La tombe de Merenptah, fils et successeur de Ramsès II (vallée des Rois, no 8), n’a jamais fait l’objet d’une publication exhaustive. Le comblement de cette lacune constituait l’un des deux buts du programme engagé par le Louvre dans ce monument depuis 2002, avec la fouille archéologique achevée en 20081. Grâce à l’effort financier exceptionnel consenti en 2011 par le musée, il a été possible de faire intervenir sur le site une équipe de cinq ingénieurs de l’Institut géographique national sous la direction et la responsabilité de Marc Pierrot-Deseilli- 150 Plan de la tombe gny (Laure Chandelier, Isabelle Cléry, Daniel Schelstraete et Nicolas Nony), qui se sont chargés du relevé photogrammétrique complet du monument, procédé qui servira de support au redressement des photographies de l’ensemble des parois décorées de la tombe. Or ces photographies, rabattues sur un plan strictement orthogonal, sont indispensables à l’établissement du dessin du décor, lequel deviendra ainsi accessible à l’ensemble des chercheurs dans le cadre de la publication à venir. La prise de données sur le terrain, entièrement mise Sylvie Guichard effectuant les relevés des montants de grès Antiquités égyptiennes Carte sanitaire d’une paroi Un montant de grès en œuvre et achevée en novembre 2011 malgré la brièveté du temps imparti (une dizaine de jours), est actuellement en cours de traitement, le résultat final devant être livré dans le courant de l’année 2012. Parallèlement, et toujours grâce au crédit exceptionnel débloqué pour cette mission, l’architecte Pierre Brudieux a terminé le plan au sol de la tombe, entrepris par Nadine Moeller les années précédentes, et pris toutes les cotes nécessaires à l’établissement des coupes et des élévations, ce qui devrait être achevé dans le courant de l’année 2012. Ainsi, la saison de novembre 2011 aura permis de collecter tous les éléments nécessaires à la publication définitive, sur le plan tant architectural que décoratif. C’est également lors de cette dernière saison que Sylvie Guichard, ingénieur d’études au DAE, a entrepris l’étude des blocs de grès issus des chambranles de portes qui scandaient régulièrement la descenderie. Rappelons que les portes initiales, taillées dans la roche calcaire de la montagne, avaient été abattues par les maîtres d’œuvre de Merenptah eux-mêmes vers l’an 8 du règne pour permettre la descente des énormes sarcophages au fond de la tombe. Elles furent remplacées par des montants de grès dont plusieurs fragments de taille et d’importance diverses ont été retrouvés dans la tombe par nos prédécesseurs et par nous-mêmes. Sylvie Guichard a donc commencé à relever les inscriptions au calque et à prendre toutes les dimensions et photographies nécessaires. Cette documentation préalable, qui devrait être achevée lors de la mission de novembre 2012, permettra d’établir d’éventuels raccords entre les fragments et, le cas échéant, de remonter une ou plusieurs portes, ce qui améliorerait grandement la lisibilité architecturale de la descenderie. Cette phase de remontage, qui s’inscrit dans le cadre de la mise en valeur du monument à laquelle le Louvre s’est engagé vis-à-vis des autorités égyptiennes, devrait intervenir lors de la saison de novembre 2013. Enfin, les travaux de restauration proprement dits se sont poursuivis avec le concours du restaurateur français Jérôme Dattée et de la restauratrice espagnole Gemma Torra, assistés d’ouvriers égyptiens spécialisés. Ils ont poursuivi le nettoyage des parois de la tombe, qui étaient encore maculées de restes de terre de fouille, ce qui en gêne la lecture, et se sont employés à les consolider au moyen de solins appropriés. C’est ainsi qu’ont été traitées quatre des sept annexes (Ka, Kb, Jc, Jd) ainsi que la salle axiale K. Parallèlement à cette œuvre de conservation, des cartes précises de l’état sanitaire de ces parois ont été dressées par la restauratrice Kusi Colonna Preti, sous la responsabilité de Jérôme Dattée. La mission de novembre 2011 aura donc été particulièrement fructueuse puisqu’elle a permis de récolter l’essentiel des données fondamentales sans lesquelles la publication de ce chef-d’œuvre de l’architecture funéraire du Nouvel Empire demeurerait impossible. Ch. Barbotin 1. Voir Barbotin (Ch.) et Guichard (S.), « Les fouilles du Louvre dans la tombe de Merenptah », dans RML 2010, p. 112-114. In 2011 the Louvre’s mission inside the tomb of Pharaoh Merenptah (Valley of the Kings, no. 8) was the beneficiary of special funding, thanks to which it was able to implement the fundamental activities that will allow the mission to be made public. A five-member team from the IGN arrived at the site to oversee the photogrammetric survey, an indispensable basis for producing orthogonal photographs and hence facsimiles of the decor. The arrival of an architect also allowed us to complete the plans, sections, and elevations of the tomb. At the same time, a study of the sandstone door frames on passage shafts was undertaken in view of possibly remounting the doors, and the restoration work on the walls continued. 151 Fouilles et prospections archéologiques Les fouilles du département des Antiquités égyptiennes à Mouweis (Soudan), saison 2011 Projet suivi par Michel Baud † Cette cinquième campagne de fouille, qui s’est déroulée du 19 janvier au 11 mars 2011, a eu pour objectif principal l’achèvement des sondages en cours ; il s’agissait en effet de clore une première tranche de travaux, dédiée depuis 2007 à l’évaluation globale de ce grand site urbain d’époque méroïtique, tant dans son organisation interne que dans les principales phases de son histoire. En centre-ville, nos quatre principaux sondages (A, J, M et N) ont donc été poursuivis et menés à terme, à l’exception du temple annexe (J), qui nécessitera une saison supplémentaire pour terminer la fouille et engager la restauration de l’édifice. La fouille du palais (A) s’est achevée par le dégagement de sa partie sud-est. A été mise au jour, du côté oriental, une imposante travée de magasins, chacun long de près de 11 mètres et large de 2,20 m à 3,30 m. Des sols ont enfin pu être identifiés, ce qui démontre que le premier niveau ne se réduit pas à une plateforme de fondation à caissons, comme on l’a cru initialement, mais qu’il comportait aussi des espaces fonctionnels. L’absence de communication entre les pièces, démontrée par l’absence de toute porte, témoigne de l’existence d’une desserte par l’étage. La rareté des traces d’activité sur les sols dégagés reste cependant étrange, en particulier pour des espaces a priori destinés au stockage, ce qui implique de nombreux mouvements d’entrée et de sortie. Dans plusieurs de ces pièces, on a noté le creusement ultérieur de tranchées le long des murs, laissées ouvertes, sans doute un travail d’assainissement consé- 152 Mouweis, vue du côté oriental du palais et sa travée de magasins cutif à des problèmes d’infiltration d’eau ; cette hypothèse est d’autant plus vraisemblable que les constructeurs ont mis en œuvre, dans cette même partie sud-est de l’édifice et elle seule, des fondations sur petites plaques de grès noir. Dans la partie nord du palais, enfin, nous avons réexaminé un curieux alignement de petites pièces, en pratiquant des tests jusqu’aux fondations ; cet ensemble nous paraît devoir être à présent interprété comme une série de caissons destinés à soutenir une rampe ou un escalier intérieur s’ouvrant sur le mur extérieur nord du bâtiment. Au nord du palais, la fouille du temple annexe (J) s’est poursuivie par la mise au jour du tiers oriental du bâtiment, traversant du sud au nord, sur une longueur de 17 mètres, le vestibule, la salle d’offrandes et l’une des trois pièces de ce que l’on a coutume d’appeler le « sanctuaire tripartite », caractéristique des temples méroïtiques de modèle pharaonique. La pièce orientale de cet ensemble triple est ici près de deux fois plus profonde que le naos central, avec une longueur de 5,85 m, pour une largeur similaire de 2,70 m. Elle n’a en fait rien d’un sanctuaire, avec ses quatre grandes jarres de stockage fichées dans le sol près des murs et ses trois fosses dépotoirs centrales. Celles-ci ont accueilli, en particulier, de la céramique brisée, comme ces bols à lèvre retroussée ou ces coupes rouges à paroi droite, bien connus dans un contexte cultuel. On peut donc supposer que la vaisselle du temple était stockée là, et peutêtre des préparations alimentaires simples réalisées sur place, Antiquités égyptiennes Mouweis, maison du méroïtique ancien de phase 2 Mouweis, partie orientale du temple mineur, vue dans l’axe du bâtiment pour le culte quotidien si l’on en juge par le contexte. En dehors de la céramique, le matériel cultuel entreposé devait être assez varié, comme le montre la découverte d’un petit Osiris en bronze, fixé à l’origine sur un socle en bois ; d’autres pièces de mobilier en bois ne sont plus identifiées que par quelques clous en fer. Les découvertes de cette année apportent donc un témoignage discordant sur l’identification systématique de ce type de pièce, jouxtant le naos, comme un sanctuaire, interprétation dont on doit reconnaître qu’elle n’est que rarement validée par des critères objectifs. Le temple a connu un événement dramatique au cours de son histoire, à savoir l’écroulement de tout son mur oriental et d’une partie du mur septentrional. La fouille en a révélé des indices concordants : couches extérieures de débris, reprises dans la maçonnerie du mur et doublage de ce dernier par un mur extérieur de confortement, avec ajout d’un bastion à l’angle nord-est, assez profondément fondé. La couche de débris se limitant presque exclusivement à des éclats d’enduit, il est clair que les briques du mur écroulé, complètes ou cassées, ont été systématiquement récupérées pour la reconstruction ; le mur de doublage comporte aussi des briques de corniche en remploi. La céramique retrouvée en quantité dans les espaces fouillés étant datée, pour l’essentiel, du iie siècle après J.-C., on en déduit que l’accident a dû se produire peu après l’érection du bâtiment, fixée, grâce à des inscriptions, au milieu du ier siècle. D’après les mêmes témoignages matériels, le fonctionnement du temple a cessé vers le milieu du iiie siècle. Un autre sondage de centre-ville (N), à l’ouest du temple, a fortuitement révélé l’angle sud-est d’un grand bâtiment de brique crue que le magnétomètre n’avait pas détecté, sans doute en raison de la nature de son matériau et de sa faible hauteur de conservation. Ce mur (NF22) est pourtant large de 1,25 m environ, module des grands édifices officiels. Sa section orientale a été suivie, depuis l’angle sud, sur une longueur de 13 mètres, distance après laquelle il n’en reste plus rien – au moins sur les 2,50 m supplémentaires testés. À cet endroit, en revanche, on rencontre une couche de démolition composée de petits cassons de brique cuite mêlés à des fragments d’enduits peints (majoritairement en jaune, avec quelques éclats en rouge ou bleu), ce qui indique la présence d’une porte décorée, malheureusement entièrement ravagée. Dans ce même test, mais réduit à un plus petit périmètre (5 5 5 mètres), ainsi que dans le sondage occidental voisin (M, de 9 5 8 mètres), nous avons partiellement conduit la fouille jusqu’à l’argile vierge, afin d’examiner les niveaux antérieurs au centre-ville du ier siècle après J.-C. Deux phases de maisons ont été mises au jour ; elles sont datées par la céramique de la période du méroïtique ancien, soit des iiie-iie siècles avant J.-C. Le petit périmètre fouillé n’a pas permis d’exhumer des bâtiments complets, mais le sondage M a livré la partie sud d’une maison avec ce qui semble être un mur d’enclos. La bonne préservation des structures de la seconde phase (jusqu’à neuf assises de briques) et l’épaisse couche de démolition qui scelle ces ensembles indiquent un abandon complet de ces habitats, sans l’habituelle réutilisation des briques crues. Cette importante rupture dans l’histoire de la zone est marquée, au sondage N, par l’érection du grand édifice déjà évoqué, et, en M, par une surface percée de trous de poteaux et de fosses dépotoirs. Dans le quartier nord-est, enfin, celui des fours de potiers et des habitats voisins, le sondage pratiqué l’an dernier (Ka) a été élargi pour pouvoir dégager entièrement le four rectangulaire partiellement mis au jour, avec ses deux fosses d’accès. Ce four, qui paraît d’inspiration romaine, est long de 5,50 m et large de 3,30 m ; il comporte sept arches d’une portée de 1,40 m environ et d’une hauteur de 80 cm. Un mur intérieur très épais, érigé dans un second temps, témoigne d’une forte réduction de sa capacité, peut-être consécutive à un accident interne. Le matériau de construction de ce mur, la brique vitrifiée, ainsi que d’autres exemplaires surcuits aux formes torturées trouvés dans les déblais indiquent que la structure a bien servi à 153 Fouilles et prospections archéologiques Mouweis, four rectangulaire de briquetiers 154 la cuisson des briques. Cet usage n’a pas été exclusif, comme le montrent des vases eux aussi surcuits, à l’exemple de ces « jarres burma » sans col accumulées dans une des fosses d’accès. Le four, qui date vraisemblablement du ier siècle après J.-C. et qui a pu fonctionner assez longtemps, disparaît ensuite sous des couches de rejets artisanaux d’une épaisseur de 1 mètre, dont certaines doivent être en relation avec des fours voisins, fonctionnant au iie siècle. La zone est ensuite occupée par des maisons, en trois phases successives du iiie siècle jusqu’à l’époque post-méroïtique – soit peut-être aussi tard que le ve ou le vie siècle. Ces datations, qui demeurent provisoires, sont obtenues par le croisement de l’analyse de la poterie et de mesures carbone 14 sur charbons de bois, celles-ci effectuées par le Laboratoire de mesure du carbone 14 du CEA à Saclay. La fin du royaume de Méroé, que l’on date traditionnellement de la première moitié du ive siècle, ne semble donc pas avoir affecté ce quartier d’habitat, contrairement au centre-ville. En marge de la fouille et en complément de celle-ci, nous avons poursuivi le programme de carottages entrepris pour définir, sur l’ensemble du site, l’épaisseur et la nature des couches archéologiques. Vingt-sept nouveaux tests ont été effectués, comme précédemment, à l’aide d’une tarière manuelle prélevant des cylindres de 7 cm de diamètre, pour une profondeur cumulée de 44 mètres. Nous avons surtout cherché cette année à préciser les limites de la ville, dont la correspondance avec les contours actuels du site, ceinturé par les cultures, n’est pas garantie. Dans les champs qui jouxtent le site, des couches anthropiques ont été rencontrées seulement des côtés nord et est, mais toujours aux abords immédiats de la limite actuelle, à bonne profondeur et sur une faible épaisseur, indiquant qu’il s’agit de zones marginales, probablement de simples épandages extra-urbains. On peut donc considérer que les 16 hectares actuels couvrent assez bien l’étendue de la ville antique. D’autres tests, effectués en centre-ville, ont rencontré d’épais niveaux de briques cuites éparses, témoignant de couches de démolition de bâtiments officiels dont les contours avaient déjà été plus ou moins clairement définis par magnétomètre ; l’un d’eux est certainement le temple principal, aux abords duquel un balayage de surface (Q), guidé par les résultats de deux carottages, a livré un épais niveau de démolition de briques cuites, que l’on peut supposer en relation avec le pylône d’entrée ou une enceinte. Au sein de la colline ouest, en revanche, ce sont plusieurs niveaux livrant des briques crues qui ont été traversés, confirmant l’identification de cette zone comme un quartier d’habitat aux phases nombreuses. L’épaisseur des couches y est la plus importante du site, avec 4,10 m. Sauf exceptions, comme l’Osiris en bronze déjà mentionné, ou un morceau de corne d’une statue de bélier en grès, ou encore un fragment d’ostracon en méroïtique cursif, les objets découverts cette saison accroissent surtout les séries archéologiques en cours de documentation. L’outillage lithique, si souvent négligé, a fait l’objet d’une typologie détaillée qui a été élaborée, dans un premier temps, à l’aide du grand nombre de pièces intactes issues du sondage Ka. Les scellements d’argile ont été dessinés et analysés dans le détail, en particulier grâce à des empreintes sur plastiline qui ont permis d’étudier les supports, comme les vanneries, ainsi que les ficelles et cordelettes de fermeture. Quant aux très nombreuses figurines animales, Antiquités égyptiennes nous avons avancé sur la question de la détermination des espèces, compliquée par l’état fragmentaire du matériel, ainsi que sur les modes de fabrication. Il est ainsi apparu que le pis des vaches, façonné à part, pouvait être fixé au moyen d’un bâtonnet fiché sous le ventre. Il est clair que les bovinés dominent la collection de manière écrasante, résultat que l’on peut mettre en correspondance avec le matériel osseux : le bœuf constitue 95 % des plus de trois mille os des niveaux du méroïtique ancien étudiés cette année. L’âge d’abattage avancé, généralement supérieur à quatre ans, indique sans doute que l’usage alimentaire était second par rapport au travail ou à la reproduction. Les couches fouillées ont essentiellement révélé les parties du squelette riches en viande, épaule et cuisse, c’est-àdire indicatives de lieux de consommation et non d’abattage. L’un de ces contextes, une impressionnante accumulation d’os de bœuf dans une maison de phase 2 du sondage N, a néanmoins livré quelques pièces de girafe, surprenante exception à la monotonie de la consommation carnée locale. M. Baud † Remerciements Nous avons bénéficié, comme chaque année, du soutien de la National Corporation for Antiquities and Museums du Soudan, particulièrement de Hassan Hussein Idriss, son directeur général, du Dr Salah ed-Din Mohamed Ahmed, directeur des fouilles, et du Dr Abdelrahman Ali, directeur des musées. L’appui logistique de la section archéologique française (Sfdas) nous a aussi été précieux, pour lequel nous remercions son directeur, Claude Rilly. Christophe Moreau, directeur du Laboratoire de mesure du carbone 14 du CEA Saclay, et Anita Quilès, doctorante dans ce laboratoire, ont procédé à une douzaine de mesures pour nous permettre de mieux caler la chronologie du site, programme qui sera poursuivi dans l’avenir. L’équipe 2011 était constituée de Michel Baud† (directeur, responsable de la section Nubie-Soudan, musée du Louvre), Dobieslawa Baginska (céramologue, musée de Poznań), Nathalie Blaser (céramologue stagiaire, université de Lausanne), Olivier Cabon (photographe), Louis Chaix (archéozoologue), Élisabeth David (chargée d’études documentaires, musée du Louvre), Élise Devidal (archéologue et dessinatrice), Marie Evina (céramologue, doctorante à l’université de Poitiers), Dominique Gemehl (archéologue, Inrap), Marc Maillot (archéologue, doctorant à l’université Paris IV Sorbonne), Loïc Mazou (céramologue, doctorant à l’université de Poitiers) et Aurélie Schenk (archéologue, codirecteur). La National Corporation for Antiquities and Museums était représentée sur le terrain par l’inspecteur Zarouk Bakri Mohammed ; le raïs Osman Amheida a dirigé une équipe d’environ soixante-dix ouvriers. The 2011 season was devoted to the completion of the sounding under way, both in the central city and in the north-east quadrant, in order to conclude a first section of the project devoted to an overall approach to the site, both its structure and its history. At palace A, it seems apparent that some rooms of the compartmentalized coffer were used as storage space with access via the upper floor. At temple J, the east room of the socalled tripartite sanctuary turned out to be a service space, contradicting the sacred interpretation usually given of that room. A major accident had damaged the building, probably in the second century ad, and the entire east wall had collapsed. It was then rebuilt, ensuring the functionality of the building until the mid-third century, at which date it was abandoned. West of the temple, another large building was partially identified in the N sounding. A depth test, also conducted in the neighbouring M sounding, revealed two phases of houses from the ancient Meroitic (third to second centuries bc). North-east of the city, excavation was completed of a large rectangular kiln, apparently of Roman influence: dating to the first century ad, it was used to bake bricks. The zone was occupied by artisans until the second century, then became residential, probably until the fifth century. The chronology is in the process of being clarified with the aid of carbon-14 analyses. Progress has also been made studying the material culture, particularly the clay seals and animal figurines, of which the steer is by far the dominant example, which agrees with the conclusions of the archaeozoological analysis. 155 Acquisitions Restaurations ESPACES MUSéOGRAPHIQUES Vie des collections Vie des collections Acquisitions Antiquités grecques, étrusques et romaines Idole néolithique Thessalie, vallée de Serres (Grèce) Transition entre le Néolithique ancien et le Néolithique moyen, VIe millénaire avant J.-C. Argile, traces de blanc et de violet. H. conservée 10 cm ; l. 7 cm ; ép. 5,35 cm Partie inférieure manquante ; traces d’arrachement, en particulier au niveau de l’abdomen ; présence d’épaufrures (tête et sein gauche) ; cou cassé et recollé ; concrétions Achat, ancienne collection Yves Béquignon Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1342) 158 Fragmentaire, la figurine conserve pourtant des proportions relativement importantes : complète, elle devait mesurer une quinzaine de centimètres et se présenter les jambes croisées devant elle en position assise, comme le montre l’évasement du fessier. La figurine appartient à la catégorie des idoles stéatopyges de l’époque néolithique, ainsi que l’indique le faciès : la tête tout en longueur avec les yeux en oblique rendus par une simple incision à l’outil, les bras en moignons qui reposent sous une poitrine très évasée, la largeur des hanches et l’importance du fessier. L’ensemble a été obtenu à main levée et quelques traits d’outils achèvent de rendre le modelé. Ces éléments distinctifs permettraient de situer la figurine à la transition entre le Néolithique ancien et le Néolithique moyen (6000-5000 avant J.-C.), vers 5800 avant J.-C. Fait remarquable pour cette catégorie d’œuvres, la présence en quantité relativement importante de taches violettes, qu’il conviendra de faire analyser pour en comprendre la nature. Elles se trouvent de manière significative sur la partie basse du dos, sur l’épaule droite, sous le sein droit et à hauteur de la hanche droite. En dessous et au revers du bras gauche comme sous la hanche gauche, on note aussi ponctuellement des amas de blanc qui pourraient évoquer la préparation, support à la couleur si fréquente sur les figurines d’époque historique. Si certaines figurines néolithiques étaient en effet peintes à base d’ocre, le violet, exceptionnel, qui évoque la pourpre (et dont l’usage est attesté dans le monde égéen dès l’époque minoenne), semble plutôt résulter de l’enfouissement. La présence de ce violet intrigue. Sa mise en évidence modifierait la valeur prêtée aux figurines. Les recherches conduites au département à l’occasion de la demande de certificat d’exportation ont permis de retrouver l’origine et la publication précoce, dès 1932, de la figurine. Cela constitue, pour des objets archéologiques présents sur le marché de l’art, une exception notable, qui a rendu possible l’acquisition de cette œuvre exceptionnelle, sans paral- lèle dans les collections françaises. Elle appartenait en effet à l’ancienne collection de M. Yves Béquignon, ancien membre de l’École française d’Athènes (promotion 1923-1926), professeur à l’université de Strasbourg, qui fouilla entre 1930 et 1955 en Thessalie, notamment dans la vallée de Serres. Il acquit la statuette en 1932 dans la région d’Orman Magoula (au nord de Palaiokastro, non loin de Pharsale, Thessalie), auprès d’un paysan, et la publia, ainsi qu’une photographie, dans le rapport qu’il rédigea à la suite d’une prospection de terrain, pour les « Études thessaliennes » parues dans le Bulletin de correspondance hellénique de 1932 : « Le site n’a pas été fouillé, les maisons d’habitations rendraient ce travail difficile, mais quelques sondages pourraient être fructueux. Un habitant nous a en effet montré [….] une statuette en terre cuite haute de 10,5 cm ; Idole néolithique, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1342) Acquisitions la base, brisée, manque ; la figurine devait se tenir assise sur les jambes croisées ; elle porte les mains, grossièrement indiquées par des traits, sous les deux seins, selon le geste ordinaire ; on notera le cou très haut, ce nez qui fait sur le visage, à peine modelé, une forte saillie ; la stéatopygie est très accentuée ; la terre est brun clair, et couverte d’une sorte d’engobe dont il reste quelques traces. […] cette figurine appartient au groupe des statuettes stéatopyges... de Thessalie… comme Sesklo ou dans le voisinage, Tsangli1. » Ce type de statuette est tout particulièrement attesté en Thessalie et appartient à la civilisation néolithique, connue pour le nord de la Grèce par les fouilles conduites sur les sites des villages de Sesklo et de Dimini. Ces figurines stéatopyges, liées à l’évocation de la vie et du monde féminin, se retrouvent également en Macédoine, dans les îles et en Crète. Fait notable en Thessalie, elles ne semblent pas avoir été spécialement retrouvées en contexte funéraire mais plutôt domestique, et dans les espaces culinaires, souvent apparemment brisées, ce qui exclurait une représentation divine. Dans l’exposition consacrée à la civilisation néolithique qui s’est tenue à la fondation Goulandris à Athènes en 1996, la spécialiste de la question, Christina Marangou, évoque des pratiques magiques (apotropaïques) et les met en rapport avec des activités cultuelles domestiques familières. Cette figurine, exceptionnelle par sa taille, son état de conservation, la présence de pigments en surface, mais aussi par sa publication précoce et la connaissance que nous avons grâce à cela de sa provenance précise, est désormais l’une des œuvres les plus anciennes du département, voire du musée. Elle rejoint une collection d’une centaine d’objets en argile conservés en réserve car très fragmentaires, rassemblant têtes et corps de statuettes et vaisselle miniature appartenant au Néolithique ancien. Elle permettra ainsi dès 2012 d’exposer une sélection d’œuvres néolithiques à l’entrée de la Galerie préclassique, reculant de plus de deux millénaires la présentation de l’archéologie du monde égéen au Louvre. V. Jeammet Figurine plate béotienne « à bec d’oiseau » Béotie, vers 560-550 avant J.-C. Argile orangée vernissée. H. 16 cm ; l. 6,4 cm ; ép. 3,5 cm Entière, arrachement sur le nez Don ; ancienne collection Yves Béquignon Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1343) Cette statuette appartient à la catégorie bien répertoriée des figurines dites « plates » (pappades), ou « planches ». Le mode de fabrication consiste en effet à mettre en forme une simple feuille d’argile élargie à la base à laquelle ont été adjointes deux protubérances pour les bras, et un cône formant la tête ; le pincement de l’argile entre les doigts détermine le nez en « museau de souris » ou en « bec d’oiseau ». Assises ou debout, le cou plus ou moins allongé et souvent encadré de longues tresses, ces figurines sont presque toujours coiffées d’un polos, sorte de chapeau bas, qui pourrait les assimiler à des déesses ou des prêtresses. Leur décoration, parfois très élaborée, est obtenue par le « vernis noir » utilisé par les peintres de vases qui œuvraient aussi à l’élaboration de ces statuettes, à une époque où la distinction n’existait pas entre fabricants de vases et de figurines. La couleur de l’argile, la présence, en particulier, dans le cou au revers d’un éclatement provoqué par un noyau de chaux, le décor noirâtre virant au rouge sont des indices techniques propres à la Béotie, pour une catégorie d’objets fabriqués dans Bibliographie Béquignon (Y.), « Études thessaliennes », Bulletin de correspondance hellénique, 1932, p. 119-120. Jeammet (V.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 56. 1. Béquignon (Y.), « Études thessaliennes », Bulletin de correspondance hellénique, 1932, p. 119-120. This figurine belongs to the steatopygian idols of the Neolithic period, which were characterized by an elongated head, slanted eyes, stubby arms and protruding buttocks. These elements permit the figure to be dated between the Early and the Middle Neolithic periods (6000–5800 bc). The purple spots are a rare feature: they need to be analysed to determine their composition. This figurine was part of the collection of Yves Béquignon, former member of the Ecole française d’Athènes (1923–26) and professor at the University of Strasbourg, who excavated in Thessaly between 1930 and 1955. He acquired the statuette from a farmer in 1932 in the region of Orman Magoula (north of Palaiokastro, not far from Pharsalus, Thessaly) and published it in the Bulletin de Correspondance Hellénique of 1932, pp. 119–20. Figurine plate béotienne « à bec d’oiseau », département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1343) 159 Vie des collections la première moitié du vie siècle dans toute la Grèce continentale (Athènes, Argos, Corinthe, Béotie, etc.) et adoptant des formules diverses (visage modelé schématique, visage humain moulé) et différents décors (vernissé puis mat). Production caractéristique et particulièrement abondante de la Béotie archaïque, ces figurines semblent surtout avoir accompagné les défunts et sont, avec les figures de cavaliers, l’un des ex-voto préférés des Béotiens, avant l’invention et la diffusion des tanagras deux siècles plus tard. Ces objets, modestes et abondants, encore sur le marché de l’art actuel, valent surtout en tant que reflets de la piété la plus populaire. Le musée du Louvre en conservait déjà dix-sept exemplaires, dont sept à visage schématique. La statuette de la collection Béquignon viendrait donc s’ajouter à un ensemble riche mais où ce type précis (bec d’oiseau, simple décor vernissé linéaire, polos sans volute) n’était pas encore représenté. Elle vaut également pour son origine – la collection d’un archéologue –, tandis que le reste de la collection, acquis au xixe siècle, l’a été auprès de marchands. V. Jeammet Bibliographie Jeammet (V.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 7. This flat statuette belongs to the well-known category of pappades figures executed during the sixth century bc on the Greek mainland. Their production involved modelling a sheet of clay that tapered at the top, with two protuberances being added for the arms and a cone for the head. These figures, which often accompanied the bodies of the dead, were produced in large quantities and were among the favourite ex-votos of the Boeotians. As such they are witnesses of the most popular form of piety. This statuette joins a collection that is already quite rich, but that lacked a specimen of this particular type. de Sparte, où il l’attribue au Peintre de la chasse1. Les trois nouveaux fragments acquis par le professeur Jucker en Suisse en 1975 et donnés par son épouse Mme Ines Jucker appartiennent sans doute possible au vase du Louvre. Le principal fragment recomposé de huit morceaux complète le décor du médaillon de la coupe et restitue la scène de combat de deux hoplites séparés par un aigle ainsi que les deux lions affrontés de la prédelle. Les deux fragments de la lèvre sont jointifs et complètent le haut de la partie gauche de la coupe. Ces raccords avaient été mentionnés par Erika Kunze-Götte dans son ouvrage Archaische Keramik aus Olympia2. Ils permettent de rappeler, comme l’ont déjà fait Dietrich von Bothmer à propos de fragments aujourd’hui à New York3 ou Brigitte Bourgeois, Martine Denoyelle et Christine Merlin à propos d’un vase de Toulouse4, l’histoire complexe de la dispersion des fragments de céramique ayant appartenu à la collection Campana. On rappellera en effet que Campana vendit en décembre 1860 une partie de sa collection au South Kensington Museum à Londres, puis, en mars 1861, sept cent soixante-dix-sept antiquités au gouvernement russe (dont cinq cent dix-neuf vases) avant de céder à Napoléon III le reste de sa collection en mai 1861. On sait moins que ces amis avaient mis de côté soixante-dixsept vases vendus dès 1863 à la Belgique et qu’en 1871 encore Campana vendait à Florence plusieurs caisses de fragments de vases. Il n’est donc guère étonnant de voir réapparaître sur le marché de l’art des fragments de vases se raccordant avec des objets aquis par la France auprès du marquis Campana. J.-L. Martinez et A. Coulié Bibliographie Pottier (E.), Vases antiques du Louvre, II, Paris, Hachette, 1901, p. 64, no E 671 (fragment KLc 22). Pottier (E.), Corpus Vasorum Antiquorum. France. Musée du Louvre, fascicule 1, Paris, Champion, 1923, III, Dc, p. 4, no 9 et pl. 3 (deux fragments de E 671 recollés : Cp 10491 + KLc 22). Stibbe (C. M.), Lakonische Vasenmaler des sechsten Jahrhunderts v. Chr., Fragments d’une coupe laconienne Laconie, vers 560-550 avant J.-C. Argile, production de la région de Sparte. D. estimé 15,5 cm ; l. fragment principal 7 cm Don Mme Ines Jucker Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1344) 160 Ces trois fragments (l’un recollé de huit morceaux formant la moitié droite du médaillon d’une coupe et deux fragments de la lèvre) complètent une coupe laconienne du Louvre (E 671) acquise en 1861 avec la collection du marquis Campana. La partie gauche de cette coupe, ellemême entrée au Louvre sous forme de deux fragments signalés dans les catalogues de 1901 et 1923, avait été partiellement reconstituée au musée au xxe siècle et fut publiée en 1972 par Conrad Michael Stibbe dans son ouvrage sur la céramique archaïque Fragments d’une coupe laconienne, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1344), extérieur et intérieur Acquisitions Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1972, p. 36, fig. 40, et p. 135-136, pl. 71, no 214. Kunze-Götte (E.), Archaische Keramik aus Olympia, Berlin, W. de Gruyter, 2000, p. 70, note 204. Coulié (A.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 7. 1. Stibbe (C. M.), Lakonische Vasenmaler des sechsten Jahrhunderts v. Chr., Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1972, no 214, pl. 71. 2. Kunze-Götte (E.), Archaische Keramik aus Olympia, Berlin, W. de Gruyter, 2000, p. 70, note 204 (mention des fragments donnés en 2011). 3. Bothmer (D. von), « Les vases de la collection Campana. Un exemple de collaboration avec le Metropolitan Museum », La Revue du Louvre et des musées de France, 1977, p. 213-221. 4. Bourgeois (B.), Denoyelle (M.) et Merlin (C.), « La restauration d’une coupe de Macron (début du ve siècle av. J.-C.) du musée Saint-Raymond à Toulouse », La Revue du Louvre et des musées de France, 1994, p. 66-69. Les représentations de membres isolés (jambes, bras), de parties du corps (visage, sein) ou d’organes (yeux, oreilles, sexe masculin ou féminin, utérus, viscères…), offertes par les fidèles aux dieux dans l’espoir ou en remerciement d’une guérison, sont également bien attestées à l’époque et très nombreuses dans les collections du musée. Il est en revanche exceptionnel de voir les deux types de représentation se mêler et d’observer sur des figures humaines de tels détails anatomiques : ceux-ci prennent alors la forme d’une amande anatomique insérée sur l’abdomen – et non pas sous la forme réaliste d’un écorché moderne –, où sont figurés les différents organes, des poumons aux intestins. On connaît ainsi quelques statuettes de dimensions plus modestes (une vingtaine de centimètres), dont un exemplaire entré au Louvre avec la collection Durand (ED 2097). Les représentations de grande taille sont quant à elles extrêmement rares, et moins complètes ou moins bien conservées : il s’agit donc ici d’une pièce à bien des égards unique, qui offre These three fragments donated to the museum by Mme Ines Jucker complete a fragmentary Laconian drinking cup in the Louvre (E 671) that was acquired in 1861 with the collection of the Marquis Campana. They reconstitute a combat between two hoplites and the eagle of the main scene, as well as the two facing lions of the predella. The possibility of this completion was mentioned by Erika Kunze-Götte in her book Archaische Keramik aus Olympia, Berlin, 2000, p. 70, note 204. It is a chapter in the complex history of the dispersion of the Greek ceramic fragments from the Campana collection before and after its purchase by the French State. Buste votif de jeune homme Étrurie, iiie-iie siècle avant J.-C. Argile. H. 68 cm ; l. 32 cm Acquis par préemption en vente publique à Cheverny, juin 2011 Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1341) Cette pièce étonnante, qui a d’ores et déjà trouvé sa place dans les salles étrusques du musée, provient de la collection d’un médecin français, Pierre Decouflé. Ce dernier, qui l’avait acquise sur le marché parisien autour de 1960, fut le premier à la publier, dans des notices parues dans des revues médicales, avant de lui consacrer une étude plus ambitieuse en 1964. L’intérêt du médecin s’explique bien évidemment par la particularité du traitement des organes, apparents sur l’abdomen, qui fait l’intérêt exceptionnel de la pièce et lui vaut d’être citée depuis dans les principales publications consacrées aux terres cuites anatomiques étrusques. Le buste est dit provenir de Canino, un site voisin de la grande cité étrusque de Vulci, à une centaine de kilomètres au nord de Rome ; il pourrait s’agir plus précisément du sanctuaire découvert et fouillé dans les années 1950 à Tessennano, à côté de Canino, d’où proviennent de nombreuses terres cuites votives conservées en Italie et à Stockholm, dont plusieurs représentations anatomiques. Le buste en lui-même, par sa qualité et sa conservation, ne manque évidemment pas d’intérêt et vient heureusement compléter la collection des figures votives étrusques du département. Il appartient à la grande production des représentations humaines (statues grandeur nature, bustes ou têtes) qui caractérisent les sanctuaires d’Italie centrale entre le ive et le ier siècle avant J.-C. Ces pièces étaient le plus souvent fabriquées en série, mais parfois aussi, comme dans ce cas, exécutées sur commande. Buste votif de jeune homme, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1341) 161 Vie des collections un témoignage remarquable sur les sanctuaires et l’artisanat étrusques de l’époque, et constitue plus largement un document d’un intérêt majeur sur les connaissances anatomiques et la médecine dans le monde antique. L. Haumesser Bibliographie Decouflé (P.), « Sur un mannequin anatomique étrusque (note préliminaire) », Bulletin de la Société médicale française, vol. V, no 2, 1960, p. 157. Decouflé (P.), « Introduction à l’étude des mannequins anatomiques : l’incision du corps humain dans la plastique archaïque », Semaine des hôpitaux de Paris, 20 décembre 1961, p. 3608-3620, ici p. 3611, fig. 2. Tabanelli (M.), Gli ex-voto poliviscerali etruschi e romani, Florence, L. S. Olschki, 1962, p. 35, fig. 7. Decouflé (P.), La Notion d’ex-voto anatomique chez les Étrusco-Romains. Analyse et synthèse, Bruxelles, Latomus, 1964, p. 29, 32, pl. XV-XVII. Sörling (S.), « A Collection of Votive Terracottas from Tessennano (Vulci) », dans Museum of Mediterranean and Near Eastern Antiquities: Medelhavmuseet, Stockholm, Medelhavsmuseet, 1994, p. 47-54, p. 52-53. Bartoloni (G.) et Benedettini (M. G.), Veio: Il deposito votivo di comunità (Scavi 1889-2005), Rome, G. Bretschneider, 2011, p. 493-497, ici p. 494, note 206. Haumesser (L.), « Un ex-voto anatomique exceptionnel », Grande Galerie. Le journal du Louvre, 17, septembre-novembre 2011, p. 8. Haumesser (L.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 56. The acquisition of this votive bust that once belonged to the French physician Paul Decouflé is a further enrichment of the museum’s collection of Etruscan anatomical terracotta. This special piece probably came from a shrine near the city of Vulci, north of Rome. It is noteworthy for its large size and the depiction of the internal organs directly on the abdomen. This bust was an offering to the gods to effect a cure or give thanks for one. Very few examples of this kind of depiction have survived, and none is as complete or in such good condition. It is a valuable document of the religious practices of the Etruscans, as well as of anatomical knowledge in Antiquity. It is already on display in the Etruscan rooms of the museum. Athéna, dite Minerve avec le géant ou Athéna Craufurd Rome (?) ier ou iie siècle après J.-C. ; restauration du xviiie siècle Marbre et bronze. H. 88 cm ; l. 48 cm Achat, ancienne collection Quintin Craufurd Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1340) 162 Cette acquisition prestigieuse fait revenir au Louvre l’une des pièces majeures de la collection d’antiques de Quintin Craufurd (1743-1819), saisie à Paris dans son hôtel du 12, rue de Clichy, à la Révolution. Ce noble écossais, intime de MarieAntoinette, compromis dans la fuite de Varennes car il avait fourni la voiture qui avait permis à la famille royale de quitter Paris, fut compté au nombre des immigrés. À ce titre, ses biens furent saisis. Huit statuettes de cette collection, dont cette Minerve avec le géant, furent présentées de 1800 à 1815 au Louvre et furent alors abondamment publiées et reproduites. La statue est mentionnée dans les Notices du musée dès 1800 et reproduite par de nombreuses gravures dans les ouvrages de Legrand en 1803, dans le « Petit-Radel » en 1807 et dans le Bins de Saint-Victor paru en 1821, puis chez Clarac, et encore chez Reinach en 1897. L’histoire méconnue de cette saisie est pourtant bien documentée grâce à des sources d’archives abondantes. Nous disposons notamment de l’inventaire des biens de Craufurd, dressé au moment de la saisie par les commissaires Boizot et Jollain le 22 vendémiaire de l’an II (octobre 1793)1. On retrouve la trace de ces sculptures grâce aux registres du dépôt de Nesle2. Enfin, le volume V de l’inventaire du Louvre de 18103 fournit de précieux renseignements sur l’exposition de ces sculptures au Louvre. Restituée à son propriétaire en 1815, la collection est dispersée le 20 novembre 1820 au cours d’une vente publique connue par un catalogue. Plusieurs œuvres passent alors dans des collections prestigieuses, notamment l’Éros, acquis par Ingres, aujourd’hui à Montauban, ou l’un des Faunes, passé par la collection Pourtalès et conservé au musée du Cinquantenaire à Bruxelles. C’est à l’occasion de l’exposition « Ingres et l’Antique » qu’un premier bilan de cette dispersion a pu être dressé. On avait cependant perdu la trace de la Minerve avec le géant depuis la vente de 1820, puisque les publications postérieures ne faisaient que reprendre les ouvrages de l’époque napoléonienne, perpétuant le souvenir glorieux de la réunion de cette collection au Louvre jusqu’à la fin du xixe siècle. L’apparition de la statuette de Minerve sur le marché de l’art parisien en octobre 2010 fut donc une heureuse surprise, qui vint récompenser un lent et patient travail de recherches sur les antiques en France aux xviiie et xixe siècles. L’antique, très restauré, est un souvenir caractéristique du « grand tour » que le noble écossais accomplit au début des années 1780 après son retour de Manille, où il s’était enrichi comme directeur de la Compagnie des Indes. La Minerve reproduit une variante de l’Athéna Parthénos de Phidias, connue par d’autres répliques conservées à Copenhague et à Saint-Pétersbourg : elles se caractérisent notamment par le péplos ceinturé haut sous les seins et les proportions menues du buste. L’association avec le géant (Encelade ?) est connue par des images de gigantomachie (au Louvre par exemple, sur l’amphore de Milo) et par des documents (une intaille à Munich ou un petit groupe en ivoire de Paestum) qui semblent diffuser une composition du iie siècle avant J.-C. La statuette Craufurd en serait le seul exemplaire parvenu jusqu’à nous en sculpture. Témoignage exceptionnel du « grand tour », pièce insigne d’une collection d’antiques parisienne constituée dans les années 1780, sculpture admirée du musée Napoléon, la Minerve avec le géant de la collection Craufurd trouvera toute sa place dans les salles qui évoqueront en 2013 le goût pour l’antique de la fin du xviiie siècle aux côtés des antiques des collections Brissac, d’Orsay ou Dufourny. J.-L. Martinez Bibliographie [Visconti (E. Q.)], Notice des statues, bustes, bas-reliefs et autres objets composant la Galerie des Antiques du Musée Central des Arts, Paris, Impr. des Sciences et Arts, [1800], no 138. Legrand (A.), Galerie des Antiques, Paris, A. A. Renouard, 1803, no 138, pl. 64. Schweighaeuser (J. G.), Les Monuments Antiques du musée Napoléon, Paris, Impr. de Vve Panckoucke, 1804 [1807], I, pl. 12. Catalogue de la vente des Objets d’art ayant appartenu au cabinet de feu Acquisitions M. Quintin Craufurd, 20 novembre 1820 en son hôtel parisien 21 rue d’Anjou-Saint-Honoré, Paris, 1820. Bins de Saint-Victor (J. B. M.), Musée des Antiques dessiné et gravé par P. Bouillon, Paris, Didot, [1821], III, pl. 3 (no 2). Clarac (C. O. F. J.-B., comte de), Musée de sculpture antique et moderne, Paris, Impr. royale[-impériale], 1826-1853, pl. 462 E, no 848 B. Reinach (S.), Répertoire de la statuaire grecque et romaine, I, Paris, Librairie Ernest Leroux, 1897, p. 231. Martinez (J.-L.), Les Antiques du musée Napoléon. Édition illustrée et commentée des volumes V et VI de l’inventaire du Louvre de 1810, Paris, Réunion des musées nationaux, 2004, p. 125, no 200. Martinez (J.-L.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 20102011, avril 2012-2, p. 56. 1. A. N., F 17* 1036A, pièce 299, publié dans Tuetey (L.), Procès-verbaux de la Commission des Monuments, Paris, N. Charavay, 1903, II, p. 197-201. 2. Registre de réception du dépôt de Nesle, A. N., F 17* 372, fo 223 par J.-B. P. Le Brun « Crampfort. Emigré », 27 germinal – 30 prairial an II (avril-mai 1794), et Registre des objets réservés pour le Louvre au dépôt de Nesle, A. N., F 17* 373, 24 thermidor an II (août 1794) : 4 sculptures (Faunes, Amour, Minerve). 3. Archives des Musées nationaux, *1DD 20, publié et commenté par mes soins en 2004. This prestigious acquisition brings back to the Louvre one of the outstanding pieces of the collection of antiquities that belonged to Quintin Craufurd (1743–1819), a Scottish nobleman who was close to Marie-Antoinette and involved in the Flight to Varennes. His collection in his townhouse at 12 rue de Clichy was confiscated for the Louvre during the Revolution. Eight statuettes from this collection, including this Minerva with a Giant, were displayed in the Louvre from 1800 to 1815 and often published and illustrated. It was returned to its owner in 1815, but the collection was subsequently dispersed. This much-restored antiquity is one of the typical souvenirs of the Grand Tour that the Scot undertook at the beginning of the 1780s, after his return from Manila, where he had made a fortune as director of the British East India Company. The Minerva reproduces a variation of Phidias’s Athena Parthenos, which is known from several replicas. The association with the giant (Enceladus?) is known from documents (an intaglio in Munich and a small ivory group from Paestum) that seem to reproduce a composition from the second century bc. Athéna, dite Minerve avec le géant ou Athéna Craufurd, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 1340) 163 Vie des collections Arts de l’Islam Tapis de prière Kelekian Iran, vers 1560 Laine sur trame et chaîne de soie, nœuds asymétrique (8 400 par dm2), fil de métal (argent doré). H. 1,60 m ; l. 1,10 m Probablement palais de Topkapi (selon le catalogue de l’exposition de Munich, 1910) ; collection Kelekian, Istanbul, présenté à Paris à l’exposition de 1903 ; collection Brauer, Florence ; collection Julius Böhler, Munich ; collection Bacri Frères, Paris ; The Textile Gallery, Londres ; collection particulière, Turin ; achat Département des Arts de l’Islam (MAO 2234) Le tapis Kelekian vient rehausser de façon splendide un ensemble déjà remarquable mais curieusement bien dépourvu de tapis de prière. La pièce fut abondamment publiée dès sa première présentation au public lors de la grande exposition parisienne de 1903 (pavillon de Marsan), puis à nouveau montrée lors de la non moins fameuse exposition de Munich en 1910. Elle ne fut plus vue ensuite pendant des dizaines d’années, alors qu’elle était en main privée, et continua pourtant d’être publiée. Cette acquisition permet de faire entrer dans nos collections un tapis iranien de la première moitié du xvie siècle. Noué très densément de fils de laine sur chaîne et trame de soie, le tapis est broché de fils de fines lamelles d’argent doré enroulées sur une âme de soie. Il ne compte pas moins de treize couleurs. La technique, la palette et le répertoire permettent de le rattacher à un groupe qui doit son nom à un fameux tapis offert au Victoria and Albert Museum par George Salting. Parmi ces pièces, qui n’étaient pas destinées à l’exportation, il semble qu’une seule soit arrivée en Europe, en Espagne ; photographié vers 1860 dans la salle capitulaire de la cathédrale de Palencia, ce tapis (aujourd’hui au musée d’Art islamique au Caire) est identifiable dans un inventaire de 1649 où sont spécialement notées ses « letras arabigas ». Comme lui, le tapis Kelekian semble une véritable livrée d’écriture : médaillons circulaires aux inscriptions anguleuses, longues inscriptions coraniques en cursive et petits cartouches en amande enfermant une partie des quatre-vingt-dix-neuf « beaux noms de Dieu ». Enfin, un vertigineux décor tournoyant de tchi et hatayi, à l’exclusion de tout autre, contribue à ancrer ce tapis dans l’esthétique de la première moitié du xvie siècle. Le tapis apparaît comme une méditation sur la porte (bab), métaphore du seuil si chère aux tendances spiritualistes de l’islam à l’apogée de son second classicisme. S. Makariou This Iranian prayer rug from the first half of the sixteenth century marks a first in our collections. With hand-knotted wool on the warp and a silk weft, it is brocaded with fine silver-gilt strips wound around a silk core and presents no less than thirteen colours. The technique, colour scheme and repertory relate it to a group that owes its name to a famous rug donated to the Victoria and Albert Museum by George Salting. The carpet appears as a meditation on the Gate (bab), a metaphor for the threshold, a popular spiritual motif in Islam at the culmination of its second classical period. 164 Tapis de prière Kelekian, Iran, vers 1560, département des Arts de l’Islam (MAO 2234) Plaque de revêtement architectural Ouzbékistan, Samarkand, vers 1360 Pâte argileuse, décor gougé et moulé sous glaçures colorées et opacifiées. H. 55 cm ; L. 39 cm ; ép. 7,5 cm Achat Département des Arts de l’Islam (MAO 2235) Cette grande plaque de céramique au puissant relief s’orne d’une niche trilobée cintrée compartimentant un décor végétal couvrant, turquoise en son centre et bleu lavande à l’extrados. L’encadrement blanc est appuyé, en partie basse, sur un simple bandeau manganèse pâle. On a ainsi, à l’exception notable du bleu de cobalt, la palette la plus riche que l’on puisse trouver dans le très beau décor architectural moulé du début de l’époque timuride. Le répertoire est à peine marqué par les motifs issus d’œuvres chinoises, ce qui nous conduit à proposer une datation assez précoce, vers 1360. Cette plaque cintrée appartenait à la zone de transition d’une coupole. La technique et la palette sont caractéristiques de l’Asie centrale. Les premiers jalons en sont des fragments provenant d’une madrasa de Samarkand, datée par une inscription de fondation de 1322 (Londres, Victoria and Albert Museum). Acquisitions influence from Chinese designs, which would argue for an early dating, around 1360. The greatest concentration of this kind of decoration was found at Samarkand, at the necropolis of the Shah-i Zindeh. This remarkable production did not last long, between 1322 and 1386 at the latest, date of the tomb of Amin Zadeh at the Shah-i Zindeh. Plaquette de coffret (?) ou de petit mobilier Iran, 2e tiers ou milieu du xviiie siècle Ivoire, décor sculpté ; revers : ivoire peint. H. 23,5 cm ; l. 13 cm Don de M. J. Polain, 2011 Département des Arts de l’Islam (MAO 2236) Plaque de revêtement architectural, Ouzbékistan, Samarkand, vers 1360, département des Arts de l’Islam (MAO 2235) Cette technique est parfaitement maîtrisée dans le khanat de Tchagatay, pour le mausolée de Bayan Quli khan (1348-1358) à Boukhara (district de Fathabad). La plus forte concentration de décors de ce type se situe à Samarkand, dans la nécropole du Shah-i Zindeh. Les premiers d’entre eux ont été acquis en Europe en 1893 ; on peut rapprocher ce décor du très bel ensemble présenté au musée des Beaux-Arts de Lyon et issu de la mission Charles Eugène Ujfalvy de Mezökövesd (18411904), qui y fit un long séjour entre 1877 et 1880. La collecte était facilitée par l’état de nombreux édifices ayant subi des séismes répétés, comme le déplorait Schuyller à propos du Shah-i Zindeh en 1877 : « une de ces mosquées a un dôme en forme de melons dont les carreaux sont presque tous tombés. Autrefois les murs qui longent l’escalier étaient couverts de mosaïque de céramique mais la plupart des carreaux sont tombés et on peut en ramasser par terre en grande quantité ». En 1930, Ella Maillart, qui visite le site, témoigne du même état de délabrement et précise que des murs « ont perdu leur plaque d’émail ». À Samarkand, sur les quarante édifices repérables dans la nécropole, seuls seize sont encore debout. Cette remarquable production est limitée dans le temps et se déploie entre 1322 et, au plus tard, 1386, date du tombeau d’Amin Zadeh au Shah-i Zindeh. S. Makariou This large ceramic plaque in high relief was part of the transition zone of a dome. It is decorated with an arched trilobe niche framing an all-over plant decoration, turquoise in the middle and lavender-blue at the extrados. The white frame rests at the bottom on a simple band of pale manganese. Except for the conspicuous lack of cobalt blue, this is the richest colour scheme on a moulded architectural decoration from the beginning of the Timurid period. The ornamental repertory displays little Sur un fond de paysage, cette plaque d’ivoire présente un cavalier au galop, se retournant. Il peut s’agir d’un élément de coffret ou, plus vraisemblablement, d’un panneau de petit meuble (cabinet ou petite porte, par exemple). En effet, la plaque présente sur la face et le revers une feuillure sur trois côtés, ce qui peut signifier que le panneau a été coupé dans la partie haute ; de fines bandes d’ivoire en quart de rond (dont une seule subsiste) étaient posées sur ces feuillures et assemblées par de petites chevilles d’ivoire. Au pied de l’arbre à droite apparaissent les vestiges d’une signature en caractères arabes ; ils n’ont pu être lus de façon convaincante. Le personnage semble porter le haut bonnet échancré des jeunes pages (ghulam) que l’on voit dans les portraits de Fath ‘Ali Shah ; les arbres traités par accumulation de petites masses globulaires, qui ne rendent guère la structure des branchages sous-jacents, évoquent très exactement les éléments de paysage des peintures du règne de Nadir Shah, ce qui permet de situer l’œuvre vers 1730-1750. Le revers présente une partie de paysage vallonné avec quelques roseaux au premier plan et quelques arbustes d’une facture plus légère. S. Makariou This ivory plaque (part of a casket or small piece of furniture) shows a galloping horseman against a landscape background. There is an illegible signature in Arabic script at the foot of the tree on the right. The figure seems to be wearing the high indented hat of the young pages (ghulam) in the portraits of Fath ‘Ali Shah. The trees were treated as small juxtaposed globular masses, recalling the landscapes in the paintings from the reign of Nadir Shah, which would permit a dating of this work to around 1730–50. Plaquette de coffret (?) ou de petit mobilier, Iran, 2e tiers ou milieu du xviiie siècle, département des Arts de l’Islam (MAO 2236) 165 Vie des collections Ahdname ottoman relatif aux relations de la Sublime Porte avec Raguse Turquie, Istanbul, chancellerie du palais de Topkapi, 1604 (1013 de l’hégire) Calligraphie (couleurs à l’eau, encres noire et or sur papier). H. 2,15 m ; l. 0,47 m Collection Rouen des Mallet, intendant pour Raguse et la Croatie (1808), puis, par héritage, dans la famille de son beau-fils, le baron Alexandre Forth-Rouen (m. 1886) ; acquis en vente publique Département des Arts de l’Islam (MAO 2237) Magnifique exemple de l’art de la calligraphie impériale ottomane, ce firman (ou acte de la chancellerie du palais) est couronné de la tughra – ou chiffre – du sultan Murad IV. Les grands chefs-d’œuvre de la calligraphie ottomane sont particulièrement rares ; ils sont, au xvie siècle, beaucoup moins ornés. Le xviie marque incontestablement l’apogée de ces monuments de la calligraphie, tant par l’usage abondant de l’or et le soin apporté à l’ornement des boucles de la tughra que par le développement très esthétique d’une calligraphie de chancellerie divani, réputée infalsifiable du fait de l’intrication des boucles déliées de l’écriture et de la courbe suivie par la ligne. S’y ajoute l’apport des ornemanistes, étroitement liés au reste de la création ottomane. Ce très bel exemple, bien documenté, fut déchiffré dès 1880 par l’École nationale des langues orientales, comme l’indique une traduction manuscrite conservée dans les archives de la famille. S. Makariou A magnificent specimen of imperial Ottoman calligraphy, this firman (an official document from the palace chancery) is topped by the tughra— or cipher—of Sultan Murad IV. The seventeenth century was undeniably the heyday of these calligraphic masterpieces, as much for the abundant use of gold, as for the care taken in executing the looped ornamentation of the tughra and the very aesthetic development of the divani chancery script. Also noteworthy is the contribution of the ornamentalists, who were closely involved in the other creations of Ottoman art. This very fine and well-documented specimen was deciphered at the École Nationale des Langues Orientales in 1880. Plumier à décor gul-i bulbul (« rose et rossignol ») Iran, 2nde moitié du xixe siècle Papier laqué ; couleurs à l’eau ; or sous couches de vernis coloré. L. 18 cm ; l. 5 cm Don Mme Ursula Baumeister Département des Arts de l’Islam (MAO 2239) 166 Délicat exemple du style gul-i bulbul (« rose et rossignol ») qui se développa en Iran à partir du xviiie siècle sous les règnes de Zand puis des Afsharides et se prolongea tout au long du xixe siècle, le décor de ce plumier se compose d’une végétation naturaliste, touffue, où viennent nicher des rossignols. La diffusion de ce thème, issu de la tradition poétique persane, est particulièrement large à la période qajare, où il orne essentiellement de fragiles œuvres de papier mâché, peint et laqué : reliures, plumiers, boîtes à miroir et plus rarement coffrets. La pièce, de jolie facture, est un exemple très classique de ce décor de branches de noisetier, de roses et de rossignols. Le thème lit- Ahdname ottoman relatif aux relations de la Sublime Porte avec Raguse, Turquie, Istanbul, chancellerie du palais de Topkapi, 1604 (1013 de l’hégire), département des Arts de l’Islam (MAO 2237) Acquisitions Plumier à décor gul-i bulbul (« rose et rossignol »), Iran, 2nde moitié du xixe siècle, département des Arts de l’Islam (MAO 2239) téraire que fait résonner cet objet connaît des développements importants en Turquie ; en Inde, il s’enrichit de variantes, dont le gul-i wilayat, où paraissent, outre les roses et les noisetiers habituels, des coings et, à côté du rossignol, le martin-pêcheur au plumage coloré de bleu. Les teintes de ces objets laqués sont d’ailleurs plus froides que ne le laissent penser les vernis jaunis qui les altèrent le plus souvent. Le gul-i bulbul, thème amoureux, suscite de nombreux échos dans la poésie persane dite sabk-i hindi (« style précieux indien »), par exemple sous la plume du poète Mirza Razi Danish (m. 1665), qui l’aborde dans plusieurs de ses ghazals : Le printemps des rencontres et les tourments de la jeunesse Étaient la trille du rossignol et l’exhalaison de la rose. C’est bien sûr par ce truchement indo-persan que le thème fut diffusé en Europe, où il inspira notamment, de manière distanciée, Oscar Wilde (The Rose and the Nightingale, 1888) peu de temps après que notre plumier a été fait. L’objet rehausse enfin un ensemble de laque jusqu’alors restreint à une dizaine de pièces. S. Makariou This pencil case is a delicate example of the gul-i bulbul (rose and nightingale) style that developed in Iran starting in the eighteenth century under the reigns of the Zands and then of the Afsharids, lasting through the nineteenth century. The decoration includes luxuriant, naturalistic plant motifs with nightingales. This motif drawn from Persian poetry was particularly widespread during the Qajar period, where it decorated, above all, delicate works made of papier mâché that were painted and lacquered. This nicely done piece is a very classic example of the walnut and rose branch decor with nightingales. It is a welcome addition to the department’s otherwise small collection of lacquers. Cette coupe à vin, taillée dans un jade d’un vert soutenu, dialogue parfaitement avec une pièce des collections royales, la coupe de jade à décor floral MR 199. Elles furent toutes deux incrustées d’or, celui-ci ne subsistant plus aujourd’hui qu’à l’état de traces. Les deux pièces partagent un profil assez similaire, inspiré par les formes de la porcelaine chinoise à une époque où les liens étaient étroits entre le sultanat timuride d’Asie centrale et l’empire Ming. En revanche, leur décor diffère profondément. Sous une inscription poétique persane faisant allusion au vin, la coupe des collections royales porte un décor de feuilles en éventail et de fleurs dites hatayi (d’inspiration chinoise) naissant harmonieusement de la boucle formée par l’entrecroisement de deux tiges. La coupe offerte au musée porte un décor d’une rigoureuse géométrie évoquant un entrelacs métallique. Les rinceaux parfaitement circulaires forment un axe ornemental vertical qui donne naissance, de part et d’autre, à une composition où se superposent, horizontalement, des cartouches et des croisillons animés de palmettes bifides étirées. La différence de vocabulaire ornemental entre les deux coupes nous oriente vers deux sources d’inspiration distinctes : dans le premier cas, les modèles sont issus du décor des marges des manuscrits, tandis que le second bol commande immédiatement des rapprochements avec l’art du métal incrusté, qui connaissait alors ses derniers jours. C’est avec un groupe de hanaps ornés de la sorte, pour beaucoup Coupe à décor floral Asie centrale, xve siècle Jade gravé ; trace d’incrustation d’or. H. 7,5 cm ; D. 13,3 cm Don de M. Karim Khan en mémoire de sa fille Zareh Khan Département des Arts de l’Islam (MAO 2241) Coupe à décor floral, Asie centrale, xve siècle, département des Arts de l’Islam (MAO 2241) 167 Vie des collections produits à Herat, que les comparaisons sont les plus probantes. Le jade fut une matière investie tout particulièrement par les descendants de Tamerlan, qui l’acquéraient dans la région de Kashgar. S. Makariou This deep green jade wine cup is a perfect complement to another piece in our collections: a jade wine cup with a flower decor (MR 199). Both pieces have a similar shape that was inspired by Chinese porcelain, but their respective decoration is quite different. The cup that was recently donated presents a strictly geometric decoration reminiscent of interlaced metal designs, as in the art of metal inlays, which was then on the decline. In particular, it recalls a group of goblets that some scholars believe to have been produced in Herat. The other cup displays a decor of fan-shaped leaves and flowers of the hatayi type. Jade was a material highly valued by the descendants of Tamerlane, who acquired it in the region around Kashgar. Tapis de prière ou tapis d’été Inde ou Iran, xviie siècle Velours de soie et fils de métal. H. 1,82 m ; l. 1,15 m Ancienne collection Kelekian1 ; collection F. Spuhler, Berlin ; don de M. Karim Khan en souvenir de sa fille Zareh Khan Département des Arts de l’Islam (MAO 2240) Ce velours ou tapis d’été pouvait être destiné à la prière, comme le laisse penser le décor axé de l’ensemble, et cela bien qu’aucune niche n’y apparaisse. La Tapis de prière ou tapis d’été, Inde ou Iran, xviie siècle, département des Arts de l’Islam (MAO 2240) zone d’usure centrale vient cependant corroborer cette hypothèse. Le décor consiste en la superposition de deux réseaux. L’un, sous-jacent, composé de croix et d’étoiles, est 1. Publié dans Migeon (G.), Étoffes et tapis d’Orient et de Venise, la collection Kelekian, Paris, Librairie centrale des beaux-arts, 1908, pl. 58. connu depuis de longs siècles dans le monde islamique (notamment dans le décor mural) ; il se rapproche des décors de This velvet or summer rug may have been intended for prayer, as the certains tapis figurés sur des miniatures du début du xviie siècle 168 comme à travers le décor de pietra dura des grands édifices moghols de la première moitié du xviie siècle. Le réseau de surface est végétal et se compose de demi-palmettes et de boutons floraux. Le motif de l’iris, très reconnaissable, y prédomine. Il est fréquent dans l’art moghol et dans celui de l’Iran safavide. Malgré sa fragilité, cette œuvre connue de longue date est un témoignage rare des délicats tapis d’été produits en Iran – notamment à Kerman – et en Inde. La superposition de ces réseaux géométriques et floraux trouve des comparaisons avec quelques tapis représentés dans des peintures de manuscrits, probablement des tapis d’été dont la fragilité a accéléré la disparition. S. Makariou symmetrical decor suggests and the worn part in the middle seems to confirm. The decoration features a superimposition of two patterns: underneath, a cross and star pattern, and—at the surface—half-palmettes and buds. The easily recognizable iris motif predominates. This piece is a rare specimen of the delicate summer rugs produced in Iran—particularly at Kerman—and in India, the fragility of which hastened their loss. Acquisitions Sculptures Simon Challe (Paris, 1719 – 1765) Vierge de l’Immaculée Conception 1764 Marbre. H. 75 cm ; l. 31 cm ; pr. 24 cm Sur la plinthe, devant : « challe. 1764. VIRGO VIRGINUM » Paris, monastère des Dames de la Visitation-Sainte-Marie, rue des Fossés-Saint-Jacques ; musée des Monuments français, 1794 Achat, 2011, Paris, commerce d’art Département des Sculptures (R.F. 2011-2) Le musée du Louvre s’est enrichi d’une œuvre rare, la Vierge de l’Immaculée Conception de Simon Challe. Le sculpteur est aujourd’hui méconnu, car il mourut à l’âge de quarante-six ans, alors que sa carrière prenait un bel essor. Premier prix de Rome en 1743, à Rome de 1744 à 1752, il fut reçu à l’Académie en 1756 et exposa régulièrement au Salon. Attiré par l’art religieux, il participa à l’un des décors parisiens les plus ambitieux, celui de l’église Saint-Roch (statue de saint Grégoire en pierre, in situ). La statuette acquise par le Louvre fait partie de cet art religieux qui a établi la renommée de Challe en son temps. Il exposa le modèle au Salon de 1759 : « Un modèle d’une Vierge avec les symboles attribués à la Conception ». Le marbre est mentionné en 1794 au musée des Monuments français comme provenant du monastère des Dames de la VisitationSainte-Marie, rue des Fossés-Saint-Jacques : en mars 1794 (le 17 ventôse an II), Alexandre Lenoir enregistre dans un « État des objets entrés dans le dépôt du Musée des monuments français1 », sous la provenance « Dames Sainte-Marie, rue StJacques », « Une petite Vierge de marbre blanc, exécutée par Challe ». Le 19 thermidor an II (16 août 1794), dans son projet de catalogue du dépôt provisoire des Petits-Augustins présenté à la Commission temporaire des arts, il en précise les dimensions : « Challe. De Sainte-Marie. Une Vierge en marbre blanc, de 2 pieds 3 pouces [= 73,1 cm]2 ». Ces dimensions coïncident avec celles de notre statuette. L’œuvre est ensuite présente dans les catalogues du musée en l’an IV (no 261) et en l’an V (no 335). Elle disparaît ensuite de la documentation, manifestement vendue. On perd ensuite sa trace jusqu’à sa réapparition sur le marché de l’art parisien en 1992. Le sujet de la sculpture, l’Immaculée Conception, est célébré depuis le concile de Trente par les théologiens dans le contexte de la guerre contre les protestants. Si on trouve dans la Vierge un reflet de la douceur suave du style de Falconet, directeur des travaux de Saint-Roch, il faut aussi souligner la beauté de la composition conçue par Challe, où la simplicité de l’effet principal – les mains croisées, les paupières mi-closes – contraste avec l’exubérance de la draperie, particulièrement au revers. L’achat de cette œuvre par le Louvre permet de combler une lacune. Le département des Sculptures est en effet pauvre en sculptures religieuses du xviiie siècle, un aspect de notre patrimoine qui a particulièrement souffert du vandalisme révolutionnaire. La Vierge de Challe permet maintenant de représenter avec éclat ce moment de l’histoire culturelle que fut l’épanouissement de l’art chrétien à Paris durant le troisième quart du xviiie siècle. G. Scherf 1. Archives du musée des Monuments français, t. II, 1794, p. 129. 2. Ibid., p. 194. Simon Challe, Vierge de l’Immaculée Conception, 1764, département des Sculptures (R.F. 2011-2) Bibliographie Scherf (G.), « Simon Challe. Une redécouverte : la Vierge de l’Immaculée Conception », Grande Galerie, no 17, septembre-octobre-novembre 2011, p. 12. This Virgin of the Immaculate Conception was among the religious works that made for Challe’s fame during his lifetime. Challe, a little-known sculptor today, was received at the Académie in 1758, participated in the decoration of the Church of Saint-Roch and exhibited regularly at the Salon, in particular in 1759, when he presented the modello for this figure of the Virgin. The marble version is mentioned at the Musée des Monuments Français in 1794 as coming from the monastery of the Dames de la Visitation Sainte-Marie and its size corresponds to this acquisition. Challe’s figure of the Virgin is a splendid example of the Christian art that prospered in Paris during the third quarter of the eighteenth century. 169 Vie des collections Objets d’art Deux figures d’applique : apôtres Ouest de la France, 2e quart du xiie siècle Bronze doré. H. 14 cm (OA 12379-1) et 14,2 cm (OA 12379-2) Ancienne collection Spitzer ; Victor Martin Le Roy ; acquis de la famille Marquet de Vasselot, septembre 2011 Département des Objets d’art (OA 12379-1 et OA 12379-2) Christ à la colonne Paris, vers 1300-1320 Ivoire d’éléphant. H. 22 cm ; l. 6 cm Ancienne collection Micheli ; Victor Martin Le Roy ; acquis de la famille Marquet de Vasselot, septembre 2011 Département des Objets d’art (OA 12380) En vertu de la loi du 21 juillet 2011 autorisant les maisons de vente aux enchères à négocier des ventes de gré à gré, le musée du Louvre a pu acquérir trois œuvres médiévales insignes avant la dispersion d’une partie de l’ancienne collection Martin Le Roy par ses héritiers, la famille Marquet de Vasselot. Les deux figures d’apôtres, d’une éblouissante qualité d’exécution, appartenaient visiblement au même ensemble qu’un apôtre entré dans les collections du Louvre un siècle plus tôt, lors du legs de Charles Piet-Lataudrie en 1909. Ces deux apôtres avaient été achetés par Victor Martin Le Roy à la vente Spitzer en 1893 et furent présentés lors de l’Exposition universelle de 1900. Les trois statuettes aujourd’hui réunies sont donc les seuls vestiges connus d’un collège apostolique en bronze qui ornait un devant d’autel, un retable ou une grande châsse, où ils encadraient un Christ en majesté ou une Crucifixion, comme l’indiquent leurs regards convergents. Les statuettes, à la puissante stylisation romane, se caractérisent par le dynamisme de leur pose, la vivacité de leur gestuelle et la complexité de leurs drapés serrés aux rythmes variés. Les têtes triangulaires, traitées en ronde-bosse, qui semblent comme projetées en avant et dévorées par le regard intense de deux yeux énormes et globuleux, confèrent à ces statuettes une présence exceptionnelle. La rareté de ce groupe d’apôtres tient également à sa précocité ; proches stylistiquement du vitrail de l’Ascension de la cathédrale du Mans, exécuté vers 1120, ainsi que d’un Christ de bronze conservé à Angers (deuxième quart ou vers le milieu du xiie siècle), ils peuvent être situés dans le second quart du xiie siècle et attribués à des bronziers travaillant dans l’ouest de la France. Ils forment désormais, avec leur compagnon retrouvé, un ensemble patrimonial sans équivalent dans le domaine des bronzes romans, dont très peu peuvent être attribués à la France. 170 Quant au rarissime Christ à la colonne, il faisait très vraisemblablement partie du même groupe de la Flagellation que la statuette de bourreau conservée au Louvre provenant de l’ancienne collection Charles Mège. Le Christ est figuré le buste de face, les poignets liés à la colonne, un long perizonium lui couvrant en grande partie les jambes, depuis les hanches jusqu’au genou. Sa tête penchée, de trois quarts, exprime avec noblesse la douleur subie pendant ce supplice humiliant. La figure mince, taillée avec élégance, le buste menu du Christ, le long perizonium aux plis à becs emboîtés sur un côté, très lisse sur l’autre côté, la chevelure abondante traitée en larges boucles profondément ciselées, sont caractéristiques du style Deux figures d’applique : apôtres, département des Objets d’art (OA 12379-1 et OA 12379-2) des meilleurs ivoiriers parisiens au début du xive siècle. La statuette du Christ partage avec celle du bourreau un même sens de la plasticité des volumes et du mouvement dans l’espace, ainsi qu’un traitement stylistique similaire : boucles épaisses de la chevelure, drapé asymétrique, en plis emboîtés du côté gauche, tombant en pans lisses moulant la cuisse du côté droit. La statuette du bourreau est légèrement plus basse que celle du Christ, ce qui est conforme à l’iconographie médiévale, où le Christ est toujours plus majestueux que ses bourreaux, aux traits grimaçants et caricaturaux. La figuration de la Flagellation, qui oppose la beauté souffrante d’un Christ élégant à la laideur de ses bourreaux, était alors à la mode, ainsi qu’en témoignent des retables de la Passion, tel celui de la Sainte-Chapelle conservé au Louvre, ou plusieurs œuvres de dévotion, comme les Heures de Jeanne d’Évreux1 ou celles de Jeanne de Navarre2. Notre scène de la Flagellation, plutôt qu’un élément d’un retable d’ivoire de la Passion, semble avoir formé une de ces images de dévotion, présentée isolée à l’intérieur d’un « tabernacle » de bois doré ou d’orfèvrerie. Le regroupement du Christ à la colonne et d’un de ses bourreaux a donc permis de reconstituer l’un des rares vestiges de ces « images » d’ivoire enfermées dans des tabernacles, fréquemment mentionnées dans les inventaires princiers, mais pratiquement toutes détruites. Ce témoignage très rare d’une forme d’art des ivoiriers parisiens portée à son plus haut niveau de qualité pour des commandes de grand prestige présente par ailleurs un double lien avec le musée du Louvre par son passage dans la collection Acquisitions Christ à la colonne, département des Objets d’art (OA 12380) Saint Jean l’Évangéliste, département des Objets d’art (OA 12373) Micheli, fondeur au Louvre (m. 1895), puis dans la collection Marquet de Vasselot, gendre et héritier de Martin Le Roy, qui fut conservateur du département des Objets d’art. É. Antoine Saint Jean l’Évangéliste 1. Jean Pucelle, vers 1324-1328, New York, The Metropolitan Museum of Art, The Cloisters Collection, inv. 54.1.2. 2. Jean Le Noir, vers 1336-1340, Paris, BnF, Nouv. Acq. Lat. 3145, fo 125 vo. The Louvre was able to acquire three works of medieval art from the former collection of Martin Le Roy sold by his heirs, the Marquet de Vasselot family. The two figures of apostles clearly belong to the same series as an apostle that was acquired by the Louvre through the Piet-Lataudrie bequest in 1909. These three statuettes are all that remain of a bronze group of apostles that flanked a Christ in Majesty or a Crucifixion, as suggested by their converging gazes. This group of apostles has been attributed to bronzesmiths active in the west of France and may be dated to around the second quarter of the twelfth century. It is a unique group among the extant Romanesque bronzes, very few of which can be traced back to French craftsmen. The Christ at the Column was probably part of a Flagellation group, of which the figure of the torturer is also preserved at the Louvre (formerly in the Charles Mège collection). Both figures display a similar plasticity in the treatment of the volumes, a same movement in space, as well as a same stylistic handling. Their reunion enables us to reconstitute one of the few remaining ivory “images” produced by Parisian ivory carvers that were kept in tabernacles and often mentioned in princely inventories, but almost all of which have been lost. Espagne (Castille), 1550-1570 Ivoire d’éléphant, rehauts d’or. H. 25 cm ; l. 10 cm ; pr. 7 cm Acquis en vente publique à Paris, hôtel Drouot, mars 2011 Département des Objets d’art (OA 12373) Cette figure aujourd’hui isolée de l’apôtre Jean appartenait sans aucun doute à un groupe montrant la Crucifixion, qui pouvait compter, outre le Christ en Croix et la Vierge, de nombreux autres personnages. Par son style, cette statuette se rattache à la sculpture espagnole du troisième quart du xvie siècle, plus particulièrement à celle de la Castille. Cette région était encore dominée au milieu du siècle par les ateliers de Felipe Bigarny, Juan de Juni et Alonso Berruguete. Malgré de grandes différences formelles, ces artistes, un Français, un Bourguignon et un Espagnol formé en Italie, partagent un même style pathétique accentué par l’animation des draperies. Ce maniérisme expressionniste est progressivement tempéré dans la seconde moitié du xvie siècle par un intérêt croissant pour les formes antiques. C’est dans ce contexte que se place cette image, que l’on peut globalement rapprocher d’œuvres de Juan de Ancheta, actif en Castille entre 1565 et 1590, ou de Gregorio Vigarny Pardo, qui meurt à Tolède en 1552. Cependant, le sculpteur encore anonyme de notre statuette possède une personnalité distincte et tranchée ; la grande qualité de l’œuvre, le traitement idiosyncrasique des draperies devraient permettre d’identifier un jour cet ivoirier. La question de la 171 Vie des collections sculpture en ivoire ibérique du xvie siècle est particulièrement complexe : peu d’œuvres sont conservées, moins encore sont documentées. L’ouverture de routes commerciales maritimes vers l’Orient entraîna une production considérable d’ivoires religieux dans des ateliers du sud de la Chine. Les productions strictement espagnoles sont donc fort rares. Ici, le manteau du saint est rehaussé d’or, un type d’enrichissement tout à fait caractéristique du monde ibérique, justement présent sur les ivoires dit « coloniaux » importés depuis Manille. P. Malgouyres This solitary figure of St John the Evangelist was very likely part of a Crucifixion group that would have included several other figures in addition to Christ on the Cross and Mary. The style of this statuette has affinities with Spanish sculpture of the third quarter of the sixteenth century. The as yet unidentified sculptor of this figurine is characterized by a marked and distinct personality. The high quality of the work should make it possible to eventually identify this ivory carver. Spanish ivories are very rare, unlike those that were imported from the Philippines for the European market. Here the apostle’s mantle has been touched up with gold, a type of adornment typical of the Iberian world and that can be seen on the socalled “colonial” ivories. Paire de flambeaux en bronze doré France, xviiie siècle Bronze doré. H. 37 cm Don M. Claude Sère, 2011 Département des Objets d’art (OA 12372 a-b) On sait combien l’orfèvrerie française d’Ancien Régime est rare, pour avoir été détruite par des ordonnances royales répétées du xvie siècle à la Révolution. Ces fontes, massives sous Louis XIV, n’épargnèrent pas l’orfèvrerie royale, le roi ayant voulu montrer personnellement l’exemple du sacrifice qu’il demandait à l’ensemble du royaume. On perdrait donc totalement le souvenir d’une période particulièrement faste de l’orfèvrerie si des dessins et des tapisseries n’illustraient les plus belles créations du mobilier d’argent antérieur à 1690 et si des fontes de bronze ne restituaient certains des modèles les plus fameux des grands orfèvres du règne de Louis XIV. C’est le cas de cette paire de flambeaux, dont les modèles initiaux, fondus en argent doré, furent livrés le 24 janvier 1708 par l’orfèvre Nicolas Delaunay et décrits par le journal du Garde-Meuble au sein d’un ensemble de flambeaux destinés à la chambre du roi à Versailles : « deux autres [flambeaux d’argent vermeil doré] représentans chacun une figure d’homme assis sur un vaze tenant de ses deux mains une corne d’abondance sur laquelle est posée la bobesche, portés sur un pied pareil au précédent [rond, ciselés autour d’un entrelacs avec roses], gravés de même [des armes du roy, trois couronnes] » et « deux autres représentans chacun une figure de femme assise sur un vaze, tenant de ses deux mains une corne d’abondance sur laquelle est posée la bobesche, portés sur un pied pareil au précédent, gravés de même1 ». Ce sont là précisément les modèles des flambeaux offerts au Louvre. Il est d’usage d’en attribuer l’invention au sculpteur Corneille van Clève, beau-frère de Nicolas Delaunay, avec lequel l’orfèvre semble avoir souvent collaboré pour la réalisation d’œuvres en ronde-bosse qu’il convient de considérer comme des sculptures de métal précieux, et non comme de simples accessoires mobiliers. En 1708 encore, les flambeaux de Nicolas Delaunay traduisent ce goût pour la plasticité qui caractérisa le mobilier d’argent d’avant 1690. Il est vrai que l’orfèvre, formé par le grand Claude I Ballin, avait été l’un des fournisseurs de cette orfèvrerie si célèbre en son temps et si vite détruite2. La duplication des modèles de Van Clève et Delaunay par des fontes de bronze est bien la preuve de leur succès, prolongé probablement tout au long du xviiie siècle. M. Bimbenet-Privat 1. Cité dans Carlier (Y.), « Remarques sur quelques pièces de l’argenterie royale sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1991 [1992], p. 144. 2. Quand Versailles était meublé d’argent, catalogue de l’exposition (Château de Versailles, 2007-2008), sous la dir. de Arminjon (C.), Paris, Réunion des musées nationaux, 2007. Due to the almost complete loss of French gold and silver from the Ancien Régime, bronzes remain as the sole witnesses of the precious metalwork from the reign of Louis XIV. This is the case with this pair of light sconces composed of male and female figures carrying a cornucopia. The silver-gilt models for these pieces were submitted in 1708 by the goldsmith Nicolas Delaunay for the King’s Chamber at Versailles. The invention of this design is usually attributed to the sculptor Corneille Van Clève, Nicolas Delaunay’s brother-in-law, with whom the goldsmith often seems to have worked on pieces in the round. The sconces display the taste for plasticity that characterized the king’s silver, which was melted down in 1690. Trained in the workshop of Claude I Ballin, Nicolas Delaunay had been one of the main suppliers of this silverware. The duplication of Van Clève and Delaunay’s models in bronze is proof of their success, which probably lasted throughout the eighteenth century. 172 Paire de flambeaux en bronze doré, département des Objets d’art (OA 12372 a-b) Acquisitions Éléments de lambris : double porte et dessus-de-porte, trumeau de miroir, deux parcloses et fenêtre garnie de volets de miroirs Vers 1770-1780 Bois sculpté peint et doré. Porte : H. 3,15 m ; l. 1,20 m. Trumeau : H. 2 m ; l. 0,75 m. Parcloses : H. 2,40 m ; l. 0,25 m. Fenêtre : H. 3 m ; l. 1,30 m Hôtel de Mlle Guimard (?) ; ancienne collection Jacques Doucet ; collection Guerrand-Hermès ; donation Gerrand-Hermès, 2011 Département des Objets d’art (OA 12375) Quatre fauteuils Vers 1720-1730 Bois naturel et cannage. H. 99 cm ; l. 65 cm Château de Voré (Orne) ; donation Guerrand-Hermès, 2011 Département des Objets d’art (OA 12376 - 1 à 4) Paire de bras de lumière à figure de perroquets Vers 1740-1750 Bronze doré. H. 47 cm ; l. 30 cm ; pr. 20 cm Château de Voré (Orne) ; donation Guerrand-Hermès, 2011 Département des Objets d’art (OA 12377 - 1 et 2) de sirènes adossées à un vase qui somme la composition et le motif sous le médaillon d’un vase entouré de sirènes dont la queue se termine en rinceaux, doit être rapproché de planches gravées composées par Juste Nathan Boucher, fils de François Boucher, pour un recueil intitulé Premier cahier d’arabesques (n. d.). Taraval, qui a aussi contribué aux décors de l’hôtel de la Guimard, pourrait être l’auteur des jolies saynètes en médaillon agrémentant les portes. Ces boiseries, qui comprennent une double porte, des parcloses, une croisée dont les volets intérieurs se déploient en autant de petits miroirs en vis-à-vis d’un trumeau de miroir, permettront de recréer un petit cabinet qui accueillera des meubles rares de marchands merciers. La donation comporte par ailleurs quatre fauteuils cannés, faisant partie d’un ensemble mis en place et resté depuis le xviiie siècle au château de Voré, dans l’Orne. Ce château avait été racheté en 1749, avec son mobilier, par le philosophe Helvétius, après avoir appartenu à Louis Fagon, intendant des Finances. Le style de ces sièges traités en bois naturel, ornés de subtils reliefs et cannés, correspond à une mode importée de Hollande et d’Angleterre à la fin du règne de Louis XIV, et qui connut un vif succès dans les années 1720-1730. Ces sièges à Paire de chenets à décor de branches florales Vers 1740-1750 Bronze doré. H. 35 cm ; l. 33 cm Château de Voré (Orne) ; donation Guerrand-Hermès, 2011 Département des Objets d’art (OA 12378 - 1 et 2) À l’occasion du chantier de rénovation des salles du mobilier du xviiie siècle, les enfants de Mme Aline Guerrand-Hermès ont souhaité faire une importante donation en mémoire de leur mère. La donation compte d’abord un très rare ensemble de lambris qui devaient garnir une petite pièce d’un luxe raffiné, comme on en voyait à Paris dans les années 1770-1780 chez les amateurs les plus exigeants, tels que le duc d’Aumont ou la duchesse de Mazarin. Il manquait précisément au Louvre un exemple de ces décors alliant les talents de l’ornemaniste, du peintre, du sculpteur et du doreur, caractéristiques du style arabesque qui se développa sous le règne de Louis XVI. Du fait de leur préciosité, de tels décors ont suscité très tôt la convoitise de fins amateurs, ce qui a contribué à les préserver hors de leur contexte initial : il n’est guère surprenant de retrouver nos boiseries au début du xxe siècle chez un amateur aussi averti que Jacques Doucet, qui, avec l’architecte Louis Parent, les avait placées dans son hôtel particulier parisien. D’autres décors aussi évocateurs ont trouvé refuge dans de grands musées étrangers : le Victoria and Albert Museum à Londres s’est rendu acquéreur du petit cabinet de l’hôtel Mégret de Sérilly, et le Metropolitan Museum à New York abrite dans une très belle suite de period rooms françaises le ravissant boudoir de l’hôtel d’Aumont. Roger Portalis est le premier à avoir attiré l’attention sur ces lambris donnés au Louvre, auxquels il attribue une provenance remarquable : l’hôtel construit par Claude Nicolas Ledoux à la chaussée d’Antin en 1770 pour Marie-Madeleine Guimard, disparu lors des démolitions effectuées au moment des travaux d’aménagement des abords de l’Opéra Garnier. Une provenance non confirmée par les sources d’archives en l’état actuel de nos connaissances, mais pleinement justifiée par le style et la qualité du décor. La sculpture très fouillée et la dorure sont d’une qualité exceptionnelle. Les ornements des portes sont attribués à Jean-Jacques Forty, qui travailla sous la direction de Ledoux. Le dessin des panneaux supérieurs, en particulier l’élégant motif Élément de lambris provenant de l’hôtel de Mlle Guimard (?), département des Objets d’art (OA 12375) 173 Vie des collections Bras de lumière à figures de perroquets, département des Objets d’art (OA 12377) Fauteuil d’une série de quatre provenant du château de Voré, département des Objets d’art (OA 12376 - 1 à 4) assise très basse, avec un dossier légèrement incliné, ont une vraie élégance. Ils rejoignent au Louvre les merveilleux panneaux peints par Oudry pour le grand salon du même château, acquis en 2002 grâce au mécénat de PGA Holding et à la générosité de Nicole et Pierre Guénant. La donation se complète de beaux bronzes dorés rocaille, dont une paire de bras de lumière d’un modèle remarquable dit « aux perroquets ». Deux sculpteurs décorateurs sont connus pour avoir exécuté ce type de luminaire : Charles Cressent et Jacques Caffiéri. Bien que les mentions relevées dans les ventes de Cressent et dans l’inventaire après décès de Caffiéri ne soient pas assez précises pour permettre d’identifier leurs créations respectives, certains détails stylistiques ou techniques, en l’espèce, incitent à attribuer ce modèle à ce dernier. Les chenets à tiges florales également inclus dans la donation contribueront à la réinstallation de l’une des plus parfaites period rooms abritées au Louvre : ils viendront en effet garnir la cheminée du grand salon du château d’Abondant, en parfait accord avec les boiseries peintes et les étoffes, qui reprennent les mêmes motifs dans des tonalités subtiles. M. Bascou The museum has recently been enriched by a major gift made by the 174 children of Aline Guerrand-Hermès in memory of their mother. This highly refined woodwork probably comes from the townhouse of Marie-Madeleine Guimard at La Chaussée d’Antin. It is a perfect example of the arabesque style that developed under the reign of Louis XVI and that called on the combined skills of ornamentalists, painters, sculptors and gilders. This set includes a double door, parcloses and a window with interior shutters fitted with small mirrors opposite a trumeau. These pieces permit the reconstitution of a complete small cabinet that will be furnished with prestigious furniture from the marchands-merciers. The natural wood armchairs decorated with fine reliefs and caning from the Château de Voré, correspond to a fashion that was imported from the Netherlands and England at the end of the reign of Louis XIV, which became very popular in the 1720s and 30s. The gilt bronze sconces with parakeet Chenets à décor de branches florales, département des Objets d’art (OA 12378) figures are comparable to the rocaille designs of Caffiéri. The andirons with flower stems that were also part of this donation will adorn the fireplace of the main salon of the Château d’Abondant, one of the most beautiful period rooms in the Louvre. Robert Joseph Auguste (Mons, 1723 – 1805) Deux terrines du service de George III Argent. H. 35 cm ; l. 51 cm ; pr. 42 cm ; poids 9,200 kg Achat, octobre 2011 Département des Objets d’art (OA 12381-12382) Deux terrines en argent, pièces maîtresses du service confectionné par Robert Joseph Auguste pour George III d’Angleterre, électeur puis roi de Hanovre (1738-1820), sont entrées dans les collections du musée en octobre 2011. À l’instar des œuvres livrées par François Thomas Germain à la cour de Portugal ou par Jacques Roëttiers à Catherine II de Russie, elles témoignent de la place de premier plan dont bénéficia l’orfèvrerie parisienne au sein des cours européennes tout au long du xviiie siècle. Ce service célèbre, dont toutes les pièces sont gravées au chiffre de George III (initiales GR entrelacées sur le chiffre III, le tout sous la couronne royale anglaise), a fait l’objet en 2007 d’une étude minutieuse1 de Lorenz Seelig, dont nous nous contenterons de rappeler les points principaux. Le projet remonte au début des années 1770, lorsque George III exprima le souhait Acquisitions de doter son palais de Herrenhausen d’une vaisselle assez nombreuse pour satisfaire aux exigences du « service à la française » dont le cérémonial avait alors gagné toutes les cours d’Europe. La commande devait être initialement confiée au meilleur des orfèvres de Hanovre, Frantz Peter Bunsen (vers 1725 – 1795), mais George III semble ne s’être satisfait ni des projets de Bunsen, ni d’une première proposition de style rocaille émanant de France en 1772. Des dessins des frères Würth Robert Joseph Auguste, Terrines du service de George III, département des Objets d’art (OA 12381-12382) envoyés de Vienne, de Luigi Valadier de Rome, ne reçurent pas davantage l’adhésion du roi. C’est finalement en 1776 que interprété avec puissance et élégance. Pour autant, les terrines Robert Joseph Auguste emporta la commande, quand les desconservent des éléments narratifs issus de la période rocaille, sins de ses « principales pièces » reçurent l’assentiment du roi, à la ici les corps potelés des deux enfants enlacés, un motif très suite d’un long processus de négociations financières. La corresplastique, fréquent chez Auguste, qui fut modeleur-ciseleur à pondance échangée montre aussi que les variantes proposées par ses débuts. Rappelons que ce grand orfèvre formé dans l’atelier l’orfèvre permettaient à son commanditaire de prendre sa part des Roëttiers semble avoir lui-même modelé un grand nombre dans le projet. Les premières pièces arrivèrent à Hanovre dans de ses créations6. Si ses œuvres pour la cour de France ont leurs coffrets de cuir à la fin de l’année 1777. En parallèle, le presque entièrement disparu, on a conservé la plupart de ses chambellan de Hanovre faisait copier les créations d’Auguste par grands services destinés aux souverains étrangers ou à leurs diBunsen2 au titre de Hanovre, bien moins coûteux. Méfiant, Auplomates : ceux d’Otto Bloehme, l’ambassadeur de Danemark (1771), du comte de Creutz, ambassadeur de Gustave III de guste n’expédia les pièces du service les plus imposantes (pots à Suède (1775-1776), du duc de Cadaval ou de la tsarine Catheoille et terrines) qu’en 17803. Le reste du service fut expédié prorine II (1778-1785). Tous montrent que l’évolution stylistique gressivement entre l’été 1782 et l’été 1786. Il est vrai que l’orfèvre d’Auguste n’a pas été linéaire, mais qu’au contraire l’orfèvre poursuivait en parallèle d’importantes livraisons destinées à la est resté longtemps fidèle aux enseignements de sa jeunesse. tsarine Catherine II, en particulier celle du service dit « de MosÀ la fin des années 1770, la tsarine Catherine II lui retournait cou », qui l’occupa jusqu’en 17834. À cette époque, Auguste pouses dessins en déplorant qu’ils fussent « si chargés de figures vait porter chaque année à la marque plus de 4 000 marcs d’ard’animaux et de figures humaines et d’ornements comme l’on gent (soit 1 tonne). D’après l’inventaire rédigé en 1789, le service en voit partout7 ». Avec le service de Hanovre, Auguste atteint de Paris permettait d’accueillir soixante-douze convives et pesait plus de 400 kg. L’ensemble représentait une valeur considérable, donc un remarquable point d’équilibre entre l’animation des encore augmentée par le montant des « façons » demandées par figures et la rigueur des ornements. Auguste et par les taxes d’exportation qu’il avait avancées. Fleurons du service, les deux terrines portent gravés sur leur panse et leur doublure les chiffres 1 et 2 signalant leur rang5. Leurs présentoirs ovales, fixés par un solide écrou, sont portés par quatre pieds moulurés qui les rehaussent, témoignant de la fonction très théâtrale de ces vaisselles d’entrées conçues pour rester sur la table jusqu’au dessert. Bordés d’un tore de laurier, ces présentoirs sont ornés de motifs de canaux repoussés et ciselés sur fond amati laissant quatre rosaces en réserve. La partie centrale, légèrement rehaussée, est garnie d’un rang de grosses perles. Les terrines, de forme oblongue, sont portées sur un pied ovale rehaussé par une forte moulure et ciselé d’une frise de piastres, et, sous la panse, d’un rang de grosses perles. Elles sont ornées au centre de chaque face d’un médaillon ovale d’où naissent d’amples rinceaux de feuillages s’achevant par les corps enlacés de deux enfants en ronde-bosse qui forment les anses. Les couvercles profilés en gorge sont repoussés et ciselés de canaux rayonnants et sommés d’un culot de feuilles d’acanthe et d’une grande prise en forme de graine. Le vocabulaire ornemental (piastres, perles, canaux, acanthes, rinceaux, Robert Joseph Auguste, Assiettes du service de George III, département des rosaces) désigne sans conteste un répertoire néoclassique, ici Objets d’art (OA 12371) 175 Vie des collections Complétant trente-cinq pièces déjà entrées dans les collections, dont douze assiettes8 (OA 12371) offertes en janvier 2011 par M. et Mme Pierre Guénant, cette acquisition va permettre de présenter, pour la première fois au Louvre, une table dressée historique et cohérente qui constituera en 2013 l’un des temps forts de la rénovation des salles du mobilier du xviiie siècle. M. Bimbenet-Privat 1. Seelig (L.), Münchner Jahrbuch der bildenden Kunst, LVIII, 2007, p. 141207 ; version anglaise résumée dans The Silver Society of Canada Journal, XIII, 2010, p. 44-91. 2. Acquis en 2003 par lord Rothschild pour Waddesdon Manor. 3. Les deux terrines du Louvre sont d’ailleurs marquées du poinçon d’exportation en vigueur de 1780 à 1782. Détail des autres poinçons : maître parisien RJA pour Robert Joseph Auguste, reçu maître en 1757 ; jurande P couronné pour 1778-1779 (terrines et plateaux) et R couronné pour 1780-1781 (doublures) ; charge et décharge de Fouache pour 1775-1780 (terrines et plateaux) et de Clavel pour 1780-1782 (doublures) ; nouveau charançon, pour les gros ouvrages importés des pays contractants à partir de 1893. 4. Lopato (M.), « Neues über die Gouvernement-Service Zarin Katharinas II. von Russland », dans Studien zur europaïschen Goldschmiedekunst des 14. bis 20. Jahrhunderts. Festschrift für Helmut Seling zum 80. Geburtstag am 12 Februar 2001, Munich, Hirmer, 2001, p. 307-312. 5. Le chiffre I (romain) pour la terrine 12381 ; le chiffre 2 (arabe) pour la terrine 12382. 6. Le Corbeiller (C.), « Robert Joseph Auguste, Silversmith – and Sculptor ? », Metropolitan Museum Journal, 31, 1996, p. 211-218. 7. Réau (L.), « Correspondance artistique de Grimm avec Catherine II », Archives de l’Art français, XVII, 1932, p. 89. 8. Robert Joseph Auguste, Douze assiettes, 1783-1784, argent, D. 25 cm. In October 2011, the Louvre acquired two silver terrines, major pieces from the table service executed by Robert Joseph Auguste for King George III of England, Elector and then King of Hanover (1738–1820). The history of this famous table service was recently published by Lorenz Seelig (“Münchner Jahrbuch der bildenden Kunst”, vol. LVIII, 2007, pp. 141–207; in The Silver Society of Canada Journal, vol. 13, 2010, pp. 44–91). This royal commission was initially to be entrusted to the best goldsmith in Hanover, Frantz Peter Bunsen (c. 1725–1795), but finally went to Robert Joseph Auguste in 1776 after lengthy financial negotiations. The largest pieces of the collection— tureens and terrines—were finished in 1780, but the service as a whole only in 1786. These two monumental terrines created in the midst of Neoclassicism contain narrative motifs such as the chubby figures of the two intertwined children, a very three-dimensional motif that Auguste was to use often from the end of the 1750s on. They demonstrate the pre-eminence of Parisian goldsmiths at European courts throughout the eighteenth century. Completing the thirty-five pieces that were already in the Louvre, this acquisition will make it possible to present a historic and coherent table setting that is sure to be one of the highlights of the renovated eighteenth-century furniture rooms in 2013. Cuvette « Verdun », département des Objets d’art (OA 12374) qui vient ainsi rejoindre une paire de vases parfaitement assortis, légués au musée par Charles Seguin en 1908 (OA 6238). Mentionné dans les registres de Sèvres dès 1754, ce modèle de vase à fleurs dit « cuvette Verdun », au profil galbé et à anses en feuilles d’acanthe, porte le nom d’un des premiers actionnaires de la manufacture, Jean-François Verdun de Monchiroux. Le subtil décor dit « à mosaïque » – semis régulier de pois, or ou vert, et de cercles pointillés bleu ou rouge sur fond blanc –, complété ici d’un paysage dans une réserve ovale, est une nouveauté à la date de 1768. Ces fonds à mosaïque ont connu un franc succès à Sèvres, où ils ont été fréquemment utilisés pour agrémenter des services de table – service Sartine, services pour le duc de Choiseul, pour la cour de Russie, pour le comte d’Artois –, des déjeuners, des objets de toilette. Ces cuvettes Verdun constituent l’application la plus précoce de ce mode de décor sur des vases d’ornement. Heureusement réunies au Louvre, ces trois pièces, de même forme – respectivement en deuxième grandeur (celle du centre) et troisième grandeur (celles des côtés) – et présentant le même décor, étaient sans doute dès l’origine destinées à une garniture. On ne connaît qu’une seule autre garniture comparable, qui a figuré dans la collection d’Anatole Demidoff, dispersée en 1870 avec le contenu de sa villa de San Donato. Ces porcelaines étant dépourvues de sigles d’artistes, l’identification du peintre ou du doreur reste hypothétique. Guillaume Seret avance prudemment le nom de Jean Bouchet, remarqué pour ses compositions de paysages en miniature durant les années 1757 à 1793 où il travailla à la manufacture de Sèvres1. M. Bascou 1. Article à paraître dans la Revue des musées de France. Cuvette « Verdun » Manufacture royale de Sèvres 1768 Porcelaine tendre. H. 13,5 cm ; L. 26,5 cm ; l. 13 cm Acquis en vente publique, Paris, hôtel Drouot, 20 avril 2011 Département des Objets d’art (OA 12374) 176 C’est à un chercheur assidu et fin connaisseur de la production de la manufacture de Sèvres au xviiie siècle, Guillaume Seret, que le Louvre est redevable de l’acquisition en vente publique d’un beau vase à fleurs en porcelaine tendre, daté de 1768, This fragile porcelain vase with floral designs joins a set of two matching vases that were bequeathed to the museum in 1908 (inv. OA 6238). Already mentioned in the registers of the Sèvres manufactory in 1754, this design was known as the “Verdun bowl”, after one of the main shareholders of the manufactory, Jean-François Verdun de Monchiroux. The subtle “mosaic” decor—a regular pattern of gold or green dots, and blue and red circles on a white ground—completed here with a landscape in an oval reserve, was a novelty in 1768 and became very popular. The identification of the painter and gilder remain hypothetical: Guillaume Seret suggests Jean Bouchet, who was active at Sèvres between 1757 and 1793 and was known for his miniature landscape compositions. Acquisitions Peintures Attribué à Jean Malouel (Gueldre, vers 1370-1375 – Dijon, 1415) Le Christ de pitié soutenu par saint Jean l’Évangéliste et deux anges en présence de la Vierge Vers 1405-1410 Bois (noyer). H. 102,5 cm ; l. 77,5 cm (avec le cadre d’origine) Mentionné à la cure de Vic-le-Comte en 1952 ; présent dans une dépendance du presbytère de Vic-le-Comte jusqu’en janvier 1985 ; acquis à cette date par un brocanteur du Puy-deDôme ; tableau classé « Trésor national » ; acquis par l’État (arrêté ministériel du 4 janvier 2012) pour le musée du Louvre grâce au mécénat du Groupe AXA par les dispositions relatives aux Trésors nationaux Département des Peintures (R.F. 2012-1) La redécouverte de ce Christ de pitié, demeuré inédit jusqu’à son entrée au musée grâce au mécénat du Groupe AXA, constitue un événement majeur dans le domaine de la peinture française des premières années du xve siècle, en raison de la qualité admirable du tableau, mais aussi de l’extrême rareté des productions de cette époque, peu épargnées par les destructions de toute sorte. Une transaction exceptionnelle a été signée entre l’État, le vendeur et la commune de Vic-le Comte (Puy-de-Dôme) afin de balayer tout risque futur de revendication de cette œuvre au statut juridique incertain, la première mention certaine de sa présence dans cette localité ne remontant qu’à 1952. Loin d’illustrer un moment précis de Attribué à Jean Malouel, Le Christ de pitié soutenu par saint Jean l’Évangéliste en présence de la Vierge et de la Passion, cette image du Christ mort deux anges, département des Peintures (R.F. 2012-1) délicatement soutenu par saint Jean l’Évangéliste et deux anges en présence par Claus Sluter à la chartreuse de Champmol, demeurent le de la Vierge est une vision mystique d’un Christ de douleur seul témoignage certain de son activité, l’impressionnante offert à la vénération du fidèle. Les inventaires princiers et les Vierge à l’Enfant entourée d’anges sur toile de Berlin était seule, objets de cette époque qui nous sont parvenus, toutes techaux côtés de la « Grande Pietà ronde », à rallier jusqu’à ce jour niques confondues, attestent la faveur dans laquelle étaient la plupart des suffrages autour de son nom. tenues autour de 1400 ces représentations de la « Pitié Nostre En dépit de similitudes manifestes, le nouveau Christ de pitié Seigneur ». L’une des plus illustres représentations de ce thème, n’est pas pour autant une réplique fidèle de cette dernière : ses la « Grande Pietà ronde » du Louvre, offre sur les plans iconoproportions, d’autant plus imposantes que le panneau a été graphique, physionomique et stylistique une parenté si frapcoupé dans la partie inférieure, sa composition monumentale, pante avec le panneau trouvé à Vic que l’on songe d’emblée à l’importance donnée au cadre, laissent penser à un retable fixe, un même auteur. Or les spécialistes s’accordent à voir dans ce dressé sur un autel, plus qu’à une œuvre de dévotion privée, tondo, qui porte au revers les armes du duc de Bourgogne, Phiaisément transportable ; la facture se fait plus sensuelle pour lippe le Hardi, et associe la Trinité au Christ de douleur, pleuré suggérer notamment la douceur du magnifique linceul blanc, par saint Jean, la Vierge et des anges, une commande du prince l’expression du sentiment religieux a gagné en subtilité et en à l’artiste qui devint en 1397 son peintre en titre et demeura, intériorité. Quant au luxe des matériaux employés et au rafaprès sa mort (1404), celui du duc Jean sans Peur : Jean Mafinement des techniques décoratives mises en œuvre, ils relouel, originaire de Gueldre, présent dès 1396 à Paris au service flètent cet engouement des princes français pour les objets préde la reine Isabeau de Bavière. Si la polychromie et la dorure, cieux. Or le plus fastueux d’entre eux, Jean de Berry, mécène appliquées de 1402 à 1404 sur le célèbre Puits de Moïse sculpté 177 Vie des collections à partir de 1405, comme on sait, des neveux de Malouel, les trois frères Limbourg, avait des liens très forts avec l’Auvergne, et donc avec la capitale du comté, Vic, où précisément a réapparu le Christ du Louvre. De son père, Jean le Bon, il avait reçu cette contrée en apanage et pris pour seconde femme en 1389 Jeanne de Boulogne et d’Auvergne, la fille du comte Jean II (m. 1404). Espérons que de futures recherches viendront confirmer l’hypothèse, fort tentante à nos yeux, d’une commande, autour des années 1405-1410, du duc et de sa jeune épouse pour la chapelle castrale du château de Vic. Quoi qu’il en soit, le panneau nouvellement acquis par le Louvre est sans conteste l’une des créations les plus belles et les plus inspirées qui aient vu le jour à l’époque du « gothique international ». D. Thiébaut Bibliographie Thiébaut (D.), avec la collaboration de Salmon (D.), Un Christ de pitié attribué à Jean Malouel, Paris, musée du Louvre éditions et Somogy, 2012. Following an exceptional transaction between the State, the seller and the commune of Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme), the museum was able to acquire—thanks to the generosity of the AXA Group—a masterpiece of French painting from the very early years of the fifteenth century; the discovery of the work constitutes a major event, as few works have survived from this period. Obviously, we owe this mystical vision of a sorrowful Christ to the painter of the Large Round Pietà in the Louvre, who, in all likelihood, was Jean Malouel, the uncle of the Limbourg brothers. An artist who came from Guelders, he is documented in Paris in 1396 as being in the service of Queen Isabeau of Bavaria, and a year later he became the court painter of Philip the Bold, Duke of Burgundy. Despite being very similar, the new painting is not a replica of the tondo: this richer, more monumental and also more internalized version on the theme of “Pitié Nostre Seigneur”, which was very much in vogue around 1400, may have been commissioned c. 1405–10 by the ostentatious Jean de Berry to decorate the old chapel of the Château de Vic, which was the principal residence of the counts of Auvergne for three centuries. Bartolomeo Vivarini (Murano, vers 1430 – après 1491) La Vierge allaitant l’Enfant Vers 1450-1455 Bois (peuplier). H. 55,5 cm ; l. 37,6 cm France, collection particulière ; vente, Neuilly-sur-Seine, étude Antoine Aguttes, 20 juin 2006, no 12 (sous le nom de Bartolomeo Vivarini) ; acquis à cette vente par la galerie Sarti, Paris ; Jean-François Costa, Grasse, 2007 ; don de Jean-François Costa au musée du Louvre, 2011 Département des Peintures (R.F. 2011-51) Bartolomeo Vivarini, La Vierge allaitant l’Enfant, département des Peintures (R.F. 2011-51) réclament encore des créations d’Antonio, son frère aîné, Bartolomeo affiche en revanche son adhésion au style plastique et illusionniste mis au point à Padoue durant les années 1440 par Donatello et le jeune Mantegna dans les plis nerveux et serrés du voile, le traitement en fort raccourci du sein de la Vierge, des mains, des pieds et surtout de l’auréole de l’Enfant, montrée comme un disque de métal resplendissant. D. Thiébaut Bibliographie Thiébaut (D.), « Un chef-d’œuvre de Bartolomeo Vivarini entre au Louvre », La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 2011-5, p. 10-12. 178 Grâce à la générosité du regretté Jean-François Costa, le musée possède désormais l’un des témoignages les plus précoces et les plus séduisants de la prolifique carrière de Bartolomeo Vivarini, sensiblement antérieur au grand Saint Jean de Capistran, entré au Louvre en 1863, qui porte la signature de l’artiste et la date 1459. Le thème, très populaire en Orient, de la Vierge allaitant et l’inscription « NIGRA SVM SED FOR…MOSA », tirée du Cantique des Cantiques, sur le nimbe de Marie, désignent peut-être ce tableau comme une transposition « moderne » de l’une des nombreuses icônes grecques présentes au xve siècle dans la lagune, et dont certaines figuraient des personnages aux carnations sombres. Si les proportions élancées de la Vierge, les lignes sinueuses, les visages doux et arrondis se Donated to the Louvre by Jean-François Costa (†), this Madonna Nursing the Child is probably one of the Venetian master’s first autonomous works, painted around or shortly after 1450. Although echoes of his elder brother Antonio’s graceful and elegant style are still visible, the effects of perspective, especially perceptible in the Child’s halo which has been radically foreshortened so that it resembles a metal disc, and the veil’s ruffled folds, reflect the young Venetian’s early adoption of the plastic and illusionist style developed by Donatello and the young Mantegna at Padua in the preceding decade. Acquisitions Lucas Cranach, dit l’Ancien (Kronach, 1472 – Weimar, 1553) Les Trois Grâces 1531 Huile sur bois (hêtre). H. 36,6 cm ; l. 24,4 cm Signalé par Friedländer et Rosenberg en 1932 dans la collection de la veuve du marchand Jacques Seligmann à Paris ; tableau classé « Trésor national » ; acquis par l’État (arrêté ministériel du 4 février 2011) d’une collection particulière grâce au mécénat prévu par les dispositions relatives aux Trésors nationaux, avec un complément fourni par une souscription publique lancée en novembre 2010 (mécénat principal du groupe Mazars et soutien de plus de sept mille donateurs, parmi lesquels il faut citer les contributions exceptionnelles de Lionel et Ariane Sauvage, Philippe Forestier, Didier Coigny, Éric de Haynin de Bry, François Hemmelmann, Jacques Garaïalde, de la Fondation Gandur pour l’art, du conseil d’administration de la Société des Amis du Louvre, de l’Académie des beaux-arts, et des entreprises Pylônes, PrimAudit International, SCOR SE, Laboratoire Luis Godinho, Hugau Gestion et STVA) Département des Peintures (R.F. 2011-1) Signé en bas à droite, au-dessus de la ligne du sol, du serpent ailé tenant dans sa gueule un anneau – la fameuse marque de Cranach – et daté de 1531, cet étonnant tableau des Trois Grâces nous est parvenu dans un état de conservation exceptionnel. Il vient apporter une note éclatante à l’ensemble plus que respectable de peintures de cet artiste majeur de la Renaissance allemande déjà conservé au Louvre. Cranach portraitiste est ainsi représenté au musée par trois effigies, et non des moindres : Jean Frédéric le Magnanime, le futur prince électeur de Saxe, également de 1531, Caspar von Köckeritz, un seigneur saxon proche de Luther, qui lui dédia en 1530 sa traduction en allemand d’un psaume de la Bible, enfin l’émouvante Magdalena Luther, la fille bien-aimée du Réformateur, sans doute Lucas Cranach l’Ancien, Les Trois Grâces, département des Peintures (R.F. 2011-1) un portrait posthume, vers 1542. L’un des registres les plus singuliers de l’art Grâces est subtilement rehaussée par un jeu de voiles transpade Cranach, celui d’un monde étrange de figures dénudées, rents, mais les figures du Louvre portent également de sompdont participent avec quelle séduction et raffinement nos Trois tueux colliers assez clinquants ; la femme au centre est même Grâces, était déjà illustré par l’élégante Vénus dans un paysage coiffée d’un plaisant chapeau rouge agrémenté de plumes de 1529, à laquelle s’ajoute l’énigmatique Âge d’argent de 1535. blanches (de cygne ou d’oie), fort habilement rendues. En On citera en outre le petit portrait de Frédéric III le Sage, l’une quoi elle rappelle la Vénus dans un paysage de 1529, qui arbore des soixante versions de l’effigie de l’électeur de Saxe sorties de elle aussi un merveilleux chapeau rouge, mais plus sobre, sans l’atelier de Cranach en 1532, qui mérite estime, ainsi que les plumes. La chevelure de la figure de gauche est savamment deux volets d’un retable, Saint Pierre et Saint Paul, également de arrangée, retenue par un cordon noir, tandis que la figure de l’atelier, provenant de la récupération artistique en Allemagne. droite a les cheveux libres, tombant en très fines ondulations. Le motif des Trois Grâces reste rare dans l’œuvre de Cranach, À remarquer la charmante désinvolture de cette dernière, qui ainsi que l’attestent les deux seules compositions autographes replie la jambe en arrière en se tenant le pied, ce qui l’oblige sur ce thème : le tableau acquis par le Louvre et celui du musée à s’appuyer sur sa compagne du centre. On retrouve une de Kansas City (1535). Sur l’un et l’autre, la nudité des Trois 179 Vie des collections connaissait fort bien ce personnage cultivé puisqu’il avait peint son portrait en 1502-1503, ainsi que celui de son épouse (tous deux conservés à Winterthur, Sammlung Oskar Reinhart), l’exlibris de Cuspinian reprenant d’ailleurs, en gravure, le portrait de Cranach. Dans le contexte humaniste et savant de Wittenberg, une telle signification qui s’applique bien au tableau du Louvre ne saurait étonner. Tout comme Luther le faisait de son côté en traduisant la Bible en allemand, Cranach germanise à plaisir les sujets tirés des textes antiques pour conférer aux images véhiculées par la tradition un pouvoir nouveau, ce dont témoigne à merveille le chef-d’œuvre inespéré qui vient d’entrer au Louvre. É. Foucart-Walter Bibliographie Friedländer (M. J.) et Rosenberg (J.), Die Gemälde von Lucas Cranach, Berlin, s. n., 1932, no 205, p. 68, non repr. Friedländer (M. J.) et Rosenberg (J.), Les Peintures de Lucas Cranach, Paris, Flammarion, 1978, no 250, p. 123, repr. Foucart-Walter (É.), Lucas Cranach l’Ancien, Les Trois Grâces, Paris, musée du Louvre éditions et Somogy (Solo), 2011. Lucas Cranach l’Ancien, Les Trois Grâces, détail de la signature 180 telle posture dans deux autres compositions cranachiennes : l’une des trois déesses du Jugement de Pâris (1530) au musée de Karlsruhe adopte la même position instable, tout comme l’Ève d’Adam et Ève (Hans Cranach ?, fils de Lucas l’Ancien ; vers 1530-1533) du musée de Linköping (Suède). Suivant la tradition iconographique qui veut que l’une des Grâces soit souvent représentée de dos, Cranach dévisse quasiment le cou de la Grâce de gauche pour que l’on puisse voir son visage, prenant ainsi des libertés extrêmement audacieuses avec l’anatomie dont on aurait seul cru capable un certain monsieur Ingres, quelque trois siècles plus tard. Un autre tableau cranachien, longtemps conservé dans une collection particulière de Cambridge (Grande-Bretagne), mérite d’être mentionné dans ce contexte iconographique : il s’agit d’un travail de l’atelier de Cranach qui dérive d’une étude originale du maître sur papier pour les seules têtes des trois jeunes filles (conservée au musée de Truro, en Cornouailles), laquelle a dû être transférée par report sur le panneau anglais, tout comme un autre tableau aujourd’hui non localisé. Cela prouve que cette composition a été diffusée par l’atelier de Cranach, ce qui n’est pas le cas de nos Trois Grâces et pas davantage de leurs cousines de Kansas City. Ajoutons enfin que les « Grâces » issues de la fabrique de l’artiste, notamment celles de Cambridge, n’en sont peut-être même pas, car la femme de droite tient une pomme d’or, comme s’il s’agissait des trois déesses du jugement de Pâris, ce qui n’étonnera guère de la part d’un Cranach qui jonglait avec les différents registres de représentations mythologiques. Chez Cranach, les Trois Grâces véritables, empruntées au répertoire de l’Antiquité (elles se nomment Aglaé, Euphrosyne et Thalie), loin d’être une incitation aux plaisirs sensuels, sont à interpréter dans un sens d’élévation morale et chrétienne : elles se voient conférer des vertus de générosité et d’amour d’autrui qui sont à mettre en relation avec une devise latine : « Je donne, je reçois et je renvoie », tirée de Sénèque (De beneficiis). Cette devise accompagne effectivement une représentation des Trois Grâces jouant à la balle dans l’ex-libris (bois gravé anonyme, vers 1510) de l’humaniste bâlois Johannes Cuspinian. Or, Cranach Signed at the bottom on the right, above the line of the ground with the winged serpent holding a ring in its mouth—Cranarch’s famous mark— and dating from 1531, this painting of The Three Graces has survived in an excellent state of conservation. This is a rare theme for Cranach; it is seen in only one other known autograph work, which is held in the Museum of Kansas City (1535). In both works, the nudity of the Three Graces is subtly enhanced by an interplay of transparent veils, but the figures in the Louvre painting are also wearing sumptuous necklaces, and the woman in the centre is even sporting a fine red hat. Following the iconographic tradition of representing one of the Graces with her back to the viewer, Cranach has literally twisted the neck of the Grace on the left so that we can see her face—taking incredible liberties with anatomy three centuries before Ingres. Far from advocating sensual pleasure, in Cranach’s work the Three Graces should be interpreted in the sense of Christian, moral elevation. This interpretation, which easily applies to the Louvre painting, is consistent with Wittenberg’s humanistic and learned culture. Like Luther, who translated the Bible into German, Cranach readily Germanized themes drawn from classical texts to give traditional images a new power, vividly demonstrated by this masterpiece that has recently entered the Louvre. Frère Juan Bautista Maíno (Pastrana, 1581 – Madrid, 1649) Les Larmes de saint Pierre Vers 1612 Huile sur toile. H. 141 cm ; l. 109 cm Décrit par Palomino dans l’église du couvent de San Pedro Mártir de Tolède ; décrit par Ponz au même endroit ; décrit par Ceán Bermúdez au même endroit ; sans doute sorti du couvent au moment des lois de desmaortización de Mendizábal (1835-1836) ; Barcelone, collection particulière ; achat à Londres (Emmanuel Moatti), 9 juin 2011 Département des Peintures (R.F. 2011-58) Probablement exécuté à Tolède vers 1612 au retour de l’artiste de Rome (1605-1610), le tableau est décrit à droite du chœur de San Pedro Mártir, église du couvent de Tolède dans lequel Maíno prononça ses vœux de dominicain la même année. Stylistiquement très proche du grand polyptyque dit des Quatre Pâques (Madrid, Prado, P-3227, P-886, P-5080, P-3018, P-3212, P-3128, P-3225, P-3226, P-3130, P-3129) exécuté pour le même Acquisitions lieu, le tableau fut sans doute le « morceau de présentation » qui permit au peintre d’emporter la commande du retable. L’iconographie pénitente de saint Pierre, développée après le concile de Trente pour encourager à la confession, aurait été introduite en Espagne par Greco, mais Maíno semble être l’un des premiers à avoir traité le thème en figure entière. L’épisode représenté est relaté par les Évangiles (Mt, XXVI, 69-75 ; Mc, XIV, 66-72 ; Lc, XXII, 51-61 ; Jn, XVIII, 16-27) et correspond au moment où le premier apôtre prend conscience de sa trahison après le chant du coq, selon ce que Jésus lui avait prédit. L’âge avancé du saint pourrait aussi évoquer certaines traditions qui racontent que Pierre, tout au long de sa vie, ne pouvait voir ni entendre un coq sans plonger aussitôt dans un profond remords et verser des larmes. La formule utilisée par Maíno a été largement commentée pour ses relations avec la première version du Saint Matthieu et l’ange de Caravage (1602, Berlin, Kaiser-Friedrich Museum, supposé détruit en 1945) pour la chapelle Contrarelli de Saint-Louis-des-Français à Rome. On connaît en outre l’existence d’un Saint Pierre pénitent de Caravage (perdu) qui a peut-être influencé le jeune peintre espagnol. Si l’idée des jambes croisées peut en effet avoir été inspirée par Caravage, l’invention des larges mains enserrées autour du genou doit être mise au crédit de Maíno, avec un certain succès auprès de ses contemporains – Luis Tristán (Poznań, musée des Beaux-Arts, Inv. Mo 1876 ; Madrid, Juan Bautista Maíno, Les Larmes de saint Pierre, département des Peintures (R.F. 2011-58) Palais royal, inv. 10010255), Vélasquez (Madrid, collection Villar Mir) –, voire chez des artistes de passage comme Claude Vignon – Lavastrie, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 2005, no 43, p. 198-201. Cantal, église paroissiale, Cl. MH 2009. De Herrera a Velázquez: El primer naturalismo en Sevilla, catalogue de l’exArtiste rare, Maino était absent des collections publiques position (Séville, Hospital de los Venerables ; Bilbao, Museo de Bellas françaises. L’entrée au Louvre d’une de ses œuvres les plus imArtes, 2005-2006), Séville, Focus Abengoa, 2005, p. 192. portantes permet de renforcer avec éclat le groupe des caravaGregori (M.), « Tre “cartelli” per tre mostre caravaggesche », Paragone. gesques espagnols, aux côtés de Ribera et de Tristan, et d’enrichir Arte, LVI, 3, série 64, 2005, p. 7-9. le panorama que le musée peut offrir du caravagisme européen. Caravaggio: Originale und Kopien im Spiegel der Forschung, catalogue de G. Kientz l’exposition (Düsseldorf, Museum Kunst-Palast, 2006-2007), Ostfildern, Hatje Cantz, 2006, p. 134-136. Bibliographie Ceán Bermúdez (J. A.), Diccionario histórico de los mas ilustres profesores de las bellas artes en España, Madrid, Impr. de la Viuda de Ibarra, 1800, III, p. 100. Palomino de Castro y Velasco (A. A.), El museo pictorico y escala optica (1715-1724), Madrid, M. Aguilar, 1947, p. 869. Ponz Piquer (A.), Voyage en Espagne, ou Lettres qui donnent des nouvelles des choses les plus appréciables et dignes d’être sues (1772-1794), Madrid, Ibarra, 1947, I, p. 77. Caravaggio y la pintura realista europea, catalogue de l’exposition (Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 2005-2006), Barcelone, Milicua (J.), dans Juan Bautisto Maíno, catalogue de l’exposition (Madrid, Museo del Prado, 2009-2010), Madrid, Museo del Prado, 2009, no 12, p. 106-109. The principal exponent of Caravaggism in Spain, in 1611 Juan Bautista Maíno settled in Toledo, a rich artistic and cultural centre, which was influenced and stimulated by the presence of El Greco (d. 1614). Painted c. 1612, St Peter in Tears is a key work that contributes to our knowledge and understanding of the diffusion of Caravaggio’s formulas and style in the Iberian Peninsula. One of Maíno’s rare works, this painting now complements those by Ribera and Tristán already in the Louvre’s collections, thereby enriching the range of European and Spanish Caravaggesque works. 181 Vie des collections Jean Le Clerc (Nancy, vers 1585-1587 – 1632) La Résurrection de Lazare Huile sur toile. H. 85 cm ; l. 128 cm Apparu à Londres sur le marché de l’art en 1987 (historique antérieur inconnu) ; Londres, Christie’s, Important Old Masters Pictures, 10 juillet 1987, no 146 ; New York, Richard L. Feigen & Co., 2010. Achat Département des Peintures (R.F. 2011-57) Collaborateur de Carlo Saraceni à Rome, notamment au palais du Quirinal, puis à Venise au palais des Doges, Jean Le Clerc revint dans sa Lorraine natale en 1622. Saraceni, « duquel il avait si bien pris la manière, qu’il avait fait des tableaux qui ont passé pour être de la main de son maître », écrit Félibien, marque en effet sa peinture, dont le caravagisme adouci se marie au coloris vénitien. Ses œuvres, dont la plus célèbre est le Concert nocturne de la Pinacothèque de Munich, si proche des créations de son ami Jacques Callot, se trouvent essentiellement dans l’est de la France (Nancy, Langres). Datable de sa période vénitienne, La Résurrection de Lazare est le premier tableau de l’artiste à entrer au Louvre, où il rejoint son compatriote Claude Deruet et le plus célèbre des Lorrains, Georges de La Tour. Il avait été présenté en 1992, au musée des BeauxArts de Nancy, lors de l’exposition « L’Art en Lorraine au temps de Jacques Callot ». S. Laveissière Jean Le Clerc, La Résurrection de Lazare, département des Peintures (R.F. 2011-57) Jean Le Clerc, Carlo Saraceni’s collaborator in Rome and Venice, introduced a toned-down version of Caravaggism in Lorraine. The Resurrection of Lazurus is the first painting by the artist to enter the Louvre. Louis Cretey (Lyon, entre 1630 et 1637 – Rome ?, après 1702 ou 1708) Déborah exhortant Barak à combattre les armées de Sisara Louis Cretey, Déborah exhortant Barak à combattre les armées de Sisara, département des Peintures (R.F. 2011-63) Huile sur toile. H. 104 cm ; l. 139,5 cm Vente Chenu-Scrive-Bérard, hôtel des ventes Lyon-Presqu’île, 19 octobre 2003, no 7 ; galerie Michel Descours, Lyon ; acquis par dation en paiement d’impôts en 2011 Département des Peintures (R.F. 2011-63) 182 Originaire de Lyon, Louis Cretey est un artiste au style original, parfois excentrique et souvent surprenant ; grand coloriste, aimant manier une touche libre et très empâtée, il a partagé sa carrière entre sa ville natale et l’Italie, particulièrement Rome et Parme. Très appréciée des collectionneurs italiens, comme le comte Francesco Maria Carpegna ou le cardinal Giuseppe Renato Imperiali, l’œuvre de Cretey est aujourd’hui encore très présente dans les collections publiques de Rome, mais c’est à Lyon et dans sa région que l’on peut surtout admirer ses peintures décoratives ou religieuses, telles que La Route d’Emmaüs de l’église Sainte-Blandine, les tableaux du château de Sassenage près de Grenoble ou les monumentales et dramatiques compositions du réfectoire de l’abbaye de Saint-Pierre-les-Nonnains à Lyon, actuel musée des Beaux-Arts de Lyon. Entré au Louvre par dation en 2011, en provenance de la collection de l’un des meilleurs amateurs et connaisseurs de l’œuvre de Louis Cretey, le tableau date de la période lyonnaise la plus féconde de l’artiste, entre 1680 et 1696. Son sujet est longtemps demeuré énigmatique : on a cru y voir « Marie Madeleine au tombeau du Christ », iconographie aujourd’hui Acquisitions rejetée. Le catalogue de la belle et complète exposition organisée à Lyon par Aude Henry-Gobet (« Louis Cretey. Un visionnaire entre Lyon et Rome », Lyon, musée des Beaux-arts, 23 octobre 2010 – 24 janvier 2011, no P.29) a proposé quant à lui le thème d’Énée et la sibylle de Cumes, traité par le peintre durant la même période pour les décors du château de Sassenage près de Grenoble. C’est pendant l’exposition, lors d’une journée d’étude autour de l’œuvre de Cretey, que Jean-Christophe Stuccilli a proposé d’y reconnaître l’épisode du « jugement de Déborah », ou plus précisément « Déborah exhortant Barak à combattre les armées de Sisara ». Le sujet est tiré du chapitre IV du Livre des Juges. Première prophétesse d’Israël, Déborah jugeait Israël sous un palmier dans les montagnes d’Éphraïm, entre Rama et Béthel, et le peuple « montait vers elle » pour obtenir justice. Les Israélites subissaient alors la pression des Cananéens, menés par Sisara, qui s’efforçaient de les réduire en esclavage ou simplement de les chasser du pays. Déborah ordonna à Barak, chef de clan de Nephtali, de rassembler dix mille hommes sur le mont Tabor et d’engager le combat. Elle lui prédit également qu’il ne pourrait revendiquer la victoire, mais que les honneurs reviendraient à une femme (Yaël). Le combat s’engagea au pied du mont Tabor et Barak l’emporta contre le chef ennemi Sisara. Celui-ci périt misérablement au cours de sa fuite par la main de Yaël. Le tableau acquis par le Louvre apparaît comme une synthèse séduisante de la manière si personnelle de Cretey, qui appréciait les contrastes de lumière et d’ombres, les raccourcis et les déformations anatomiques et aimait par-dessus tout les compositions originales, voire décalées, et les sujets rares, voire énigmatiques ; ici, l’étrangeté de la scène repose sur la sensualité de la belle et lumineuse figure féminine allongée autant que sur la présence rugueuse et virile de ce guerrier exhibant sa jambe nue et sur l’animation de l’arrière-plan de la composition. Longtemps confondues avec des œuvres rococo, ses compositions picturales incarnent au contraire l’un des aspects les plus créatifs du baroque européen. V. Pomarède Jean-François de Troy (Paris, 1679 – Rome, 1752) Le Déjeuner d’huîtres (esquisse) Huile sur toile. H. 58,2 cm ; l. 38,9 cm La composition s’inscrit dans un chantournement correspondant au tableau définitif Signé en bas à droite : « DE TROY / 1735 » Inscription ancienne au revers de la toile : « Bon à exécuter » Legs de Mme Henri Bourrut Lacouture Département des Peintures (R.F. 2011-51) Léguée par Mme Bourrut Lacouture, cette esquisse joliment brossée et conservée sur sa toile et son châssis d’origine permet d’évoquer le Déjeuner d’huîtres de Jean-François de Troy, l’un des plus beaux tableaux français du xviiie siècle. C’est également une invitation à se pencher sur les pratiques gastronomiques et leur représentation, qui était de mode dans les résidences royales à la fin des années 1730, signe d’un renouveau de l’iconographie monarchique. Signée et datée 1735 dans la bande sombre qui délimite le contour chantourné de la composition future, l’esquisse porte au revers l’inscription « Bon à exécuter » apposée par la Direction des Bâtiments du roi, commanditaire du tableau. Avec pour pendant le Déjeuner de jambon de Nicolas Lancret, ce tableau était destiné à orner la salle à manger des Petits Appartements de Louis XV à Versailles, l’un des premiers exemples d’une The painting dates from the artist’s most productive period in Lyon, between 1680 and 1696. For a long time the work’s precise theme remained a mystery. Considered the pendant of Christ and the Pilgrims at Emmaus (private collection, Lyon), it was initially entitled Mary Magdalene at Christ’s Tomb, but this iconography has now been rejected. In the catalogue for the exhibition on Cretey’s oeuvre in Lyon (Louis Cretey : Un visionnaire entre Lyon et Rome, Musée des Beaux-Arts, Lyon, 23 October 2010–24 January 2011) the work was given the title Aeneas and the Sibyl of Cumae, a theme that was tackled by the painter during this period in his work for the decorative schemes in the Château de Sassenage near Grenoble. Despite the inconclusiveness of the iconography, the painting is an attractive synthesis of Cretey’s highly personal style of painting: he enjoyed rendering contrasts of light and shade, foreshortening and anatomical distortions and, above all, liked original—even atypical— compositions, and rare, enigmatic themes. The unorthodox nature of the scene in the present work stems from the sensuality of the beautiful and luminous reclining female figure, the presence of the rugged and virile soldier, who is displaying his leg, and the composition’s animated background. His pictorial compositions, which have long been considered as Rococo works, do in fact embody one of the most creative aspects of the European Baroque. Jean-François de Troy, Le Déjeuner d’huîtres (esquisse), département des Peintures (R.F. 2011-51) 183 Vie des collections pièce spécialement réservée à cet usage, bâtie en 1735. Les deux tableaux prenaient place dans des boiseries peintes en vernis vert clair. L’usage de cette salle à manger fut de courte durée puisqu’elle fut déplacée en 1738. Un doute subsiste sur la localisation exacte des tableaux de Déjeuner après cette date. En 1784, leur existence est attestée au magasin de la Surintendance. Saisis à la Révolution, accordés en 1817 au duc d’Orléans, futur roi Louis-Philippe, les deux tableaux seront achetés par son fils le duc d’Aumale, ce qui explique leur présence actuelle au château de Chantilly. L’esquisse restitue quelque peu l’ambiance festive qui devait régner dans les Petits Appartements lorsque Louis XV faisait bombance avec quelques-uns de ses compagnons de chasse. On retrouve là l’incomparable maîtrise avec laquelle De Troy, créateur à succès de « Tableaux de mode », décrivit les mœurs aristocratiques de son temps. Le petit tableau provient de la collection d’Antoine Dubois, architecte de Napoléon III, parent du peintre Victor Schnetz et propriétaire depuis 1853 du château de Bity à Sarran (Corrèze). Par héritages successifs, il était parvenu à Mme Henri Bourrut Lacouture, qui le légua au Louvre par testament le 31 janvier 2001 en fidélité à son lointain parent. Ancienne présidente de l’Association de l’aide aux familles, elle habitait depuis 1945 à Clermont-Ferrand, où elle décéda en 2003. M.-C. Sahut This sketch, which was executed for the decorative scheme of the dining room in Louis XV’s Petits Appartements at Versailles (held in the Musée Condé, Chantilly) and was bequeathed to the Louvre by Mme Bourrut-Lacouture, evokes the period’s aristocratic manners. Signed and dated, the painting is still on the original canvas and stretcher and bears the old inscription “Bon à executer” (Approved for execution) on the back, written by the Direction des Bâtiments du Roi, which commissioned the work. Le peintre écossais Gavin Hamilton, qui accomplit l’essentiel de sa carrière à Rome, où il s’installa après 1756, est un pionnier du mouvement néoclassique européen. Tout en développant une activité de premier plan d’archéologue et de marchand d’œuvres d’art, il produisit, à destination d’une clientèle britannique, un petit nombre de grandes toiles illustrant des sujets antiques. Son œuvre la plus célèbre dans ce domaine est un cycle de six vastes tableaux inspirés de L’Iliade d’Homère et peints à Rome pour différents commanditaires britanniques entre 1758 et 1780 environ. Cette série connut un succès considérable dans toute l’Europe grâce aux gravures qu’il fit exécuter par Domenico Cunego (vers 1725 – 1803) à Rome entre 1764 et 1778 d’après cinq des peintures du cycle. Au cours des années 1770, il caressa le projet d’exécuter un nouvel ensemble de six peintures illustrant un autre épisode mythologique lié à la guerre de Troie, l’histoire des amours du prince troyen Pâris et d’Hélène, reine de Sparte. Il destinait ce cycle au décor d’une galerie à Lansdowne House, la vaste demeure que William Petty-Fitzmaurice (1737-1805), comte de Shelburne, venait de faire aménager à Londres par Robert Adam. En 1772, il avait d’ailleurs vendu à ce collectionneur une statue antique, fortement restaurée, représentant le héros Pâris, qu’il avait découverte lors de fouilles à Tivoli. Cette statue en marbre est aujourd’hui conservée au Louvre au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MNE 946). Le projet de décor consacré à l’histoire de Pâris et Hélène est ainsi mentionné dans la correspondance de l’artiste dès 1772, mais c’est véritablement à partir de 1777 et jusqu’en 1780 que Gavin Hamilton se montre le plus pressant envers lord Shelburne, malheureusement sans succès. En 1780, il annonce même qu’il a achevé cinq des six esquisses liées à cet ensemble. La vaste toile désormais au Louvre (pour laquelle on connaît au moins deux esquisses peintes) est sans doute l’unique peinture exécutée en lien avec ce projet avorté. Demeurée dans l’atelier de l’artiste, elle passa en vente à Londres après sa mort en 1799 et vient de réapparaître. Gavin Hamilton (Murdierston House, Écosse, 1723 – Rome, 1798) Vénus unissant Hélène à Pâris 184 Vers 1777-1780 Huile sur toile. H. 211 cm ; l. 259 cm Tableau probablement tableau présenté à la vente Christie’s, Londres, les 10 et 11 mai 1799 (« Pictures of the late Tho.s Gainsborough… »), no 125 (« Hamilton at Rome. Venus presenting Helen to Paris, a composition of great taste and elegance ») ; sans doute présenté à nouveau à la vente Christie’s, Londres, les 2 et 3 juillet 1799 (« The property of Paul Benfield… likewise an assemblage of cabinet pictures… »), no 101 (« Hamilton. Venus presenting Helen to Paris, a capital picture »), acheté par Ralph Payne, Baron Lavington (1739-1807) pour 39,18 livres ; peut-être la « very large » peinture représentant la « réconciliation de Pâris et Hélène » dont le dépôt est proposé par Mrs. Trotter of Dreghorn à la National Gallery à Édimbourg en 1879 (communication écrite de Brendan Cassidy, 3 avril 2011) ; vente Doyle, New York, 22 octobre 2008, no 2003 (« École française, xviiie siècle ») ; acquis auprès de la galerie Alessandra di Castro, Rome, 2011 Département des Peintures (R.F. 2011-56) Gavin Hamilton, Vénus unissant Hélène à Pâris, département des Peintures (R.F. 2011-56) Acquisitions En 1782-1784, Hamilton exécuta pour le décor du Casino de la villa Borghèse à Rome, dans la Sala di Paride ed Elena, une seconde version de la composition qui nous intéresse mais dans un format différent, encore plus monumental (306 5 259 cm), et avec d’importantes variantes de détail (dans l’architecture du fond, dans les attitudes et les costumes de Vénus et Hélène, etc.). Cette peinture est actuellement conservée au Museo di Roma. En 1789, Jacques Louis David (1748-1825) exposa au Salon à Paris un tableau représentant les amours de Pâris et Hélène (Paris, musée du Louvre). Commandé par le frère du roi de France, le comte d’Artois (1757-1836), il semble qu’il s’agisse d’une variation réduite et concentrée de la vaste composition mûrie par Hamilton au cours des années 1770 et que le peintre français a pu découvrir au cours de son second séjour à Rome en 1784-1785. G. Faroult The Scottish painter Gavin Hamilton, who spent most of his career in Rome, where he settled after 1756, was a pioneer of the European Neoclassical movement. In addition to his work as an archaeologist and art dealer, he produced a small number of large canvases on antique themes for a British clientele. In the 1770s, he planned to produce a set of six paintings illustrating the love story of the Prince of Troy, Paris, and the beautiful Helen for the vast residence that William Petty-Fitzmaurice, Earl of Shelburne, had recently commissioned Robert Adam to refurbish in London. The project is mentioned in the artist’s correspondence in 1772, but it was only in the years 1777–80 that Gavin Hamilton really began to press Lord Shelburne for a commitment to the project, unfortunately to no avail. In 1780, he even announced that he had completed five of the six sketches linked to this ensemble. The vast canvas that is now in the Louvre is probably the only painting that was produced for this aborted project. Having remained in the artist’s studio, it was sold in London after his death in 1799 and has recently reappeared. In 1789, Jacques-Louis David exhibited a painting representing Les Amours de Pâris et Hélène (Musée du Louvre, Paris) at the Salon in Paris, which seems to be a smaller and more compact version of the vast composition that was developed by Hamilton in the 1770s. Pierre Paul Prud’hon, Le Monument du pape Clément XIV par Canova, département des Peintures (R.F. 2011-54) Pierre Paul Prud’hon (Cluny, 1758 – Paris, 1823) Le Monument du pape Clément XIV par Canova 1787 Huile sur toile. H. 90,5 cm ; l. 60 cm Collection Carlo Virgilio ; achat Département des Peintures (R.F. 2011-54) Prud’hon et Canova ont souvent été comparés : contemporains l’un de l’autre, le sculpteur de l’Amour et Psyché et le peintre de Psyché enlevée par les zéphyrs, chefs-d’œuvre du néoclassicisme au Louvre, se sont connus à Rome. David verra en Prud’hon « un Canova en peinture » et, sur sa tombe, Quatremère de Quincy dira qu’il « avait contracté une liaison intime avec le célèbre Canova » et leur reconnaîtra en commun « cette grâce indéfinissable […], cette sorte d’ingénuité, de modestie native, vertu qui s’ignore elle-même, et se plaît à être ignorée ». Canova aurait offert au peintre son appui et son atelier. Commencé en 1783, inauguré en 1787 à l’église des SaintsApôtres à Rome, le monument du pape Clément XIV par Canova était d’une nouveauté révolutionnaire : il « fut pour la sculpture ce que Les Horaces avaient été pour la peinture » (Louis Hautecœur). Dans ce manifeste du néoclassicisme pictural, peint à Rome au même moment (1784-1785), les figures de Sabine et de Camille pourraient se souvenir de la Tempérance et de la Mansuétude du monument sculpté. Soucieux de diffuser une image fidèle et sensible de son premier grand ouvrage public, Canova entreprit aussitôt de le faire graver par Pietro Maria Vitali. Insatisfait du premier essai, il fit recommencer la gravure sur un « second cuivre, c’est-àdire celui qui sera fait d’après le tableau de Prud’hon », note-t-il dans son livre de comptes. De fait, la planche correspond en tout point au modèle peint. Ce n’est pas une grisaille, mais une vue « au naturel » qui rend compte des couleurs des différents marbres, des nuances de lumière dont dépend l’effet de la sculpture. Si l’estampe parue en 1788 ne mentionne que les noms du sculpteur et du graveur, c’est que Prud’hon ne tenait pas, à l’aube d’une carrière qu’il voulait éclatante comme peintre d’histoire, que son nom parût pour la première fois au public en tant que traducteur d’un autre artiste. Rare exemple de ses débuts, le tableau de Prud’hon, très récemment reconnu, n’en témoigne pas moins d’un art accompli, d’une étonnante force plastique sensible sous les apparences de la douceur. Nourri de l’antique et des maîtres, Prud’hon conserve intact un sentiment de la grâce qui lui est propre, et réussit, pour informer le burin d’un graveur chevronné, à faire passer en peinture la puissance et les plus subtiles nuances d’un immense sculpteur. S. Laveissière 185 Vie des collections Often compared, Prud’hon and Canova met in Rome. The monument for the tomb of Pope Clement XIV in Santi Apolstoli (1783– 87)—the Neoclassical sculptor’s first major public work—is contemporary to the Oath of the Horatii by David (1784). Keen to disseminate a faithful and detailed image of his work, Canova commissioned Pietro Maria Vitali to make an engraving of it “after the painting by Prud’hon”. This painting has been recently identified and incorporated into the Louvre’s collection. Entourage de Jean-Baptiste Camille Corot (Paris, 1796 – 1875) Paysage de campagne romaine Huile sur carton. H. 24 cm ; l. 31 cm Legs de Mme Joseph Gros, née Somers, 3 février 2011 Département des Peintures (R.F. 2011-52) Étrangement considéré, au moment de Entourage de Jean-Baptiste Camille Corot, Paysage de campagne romaine, département des Peintures sa libéralité, comme devant être situé (R.F. 2011-52) dans « l’entourage de Corot » et daté vers Johann Heinrich Carl Reinhold (1788–1825) and, more particularly, the 1810 – rappelons que le peintre de VilleDutch artist Anton Sminck Pitloo (1780–1837); it is reminiscent of a much d’Avray, âgé seulement de quatorze ans à cette date, n’imagimore accomplished painting by Pitloo, entitled The Castle and Village on the nait alors même pas devenir artiste –, ce paysage possède de Island of Ischia, in the Museo di Capodimonte Napoli. réelles qualités techniques. Savamment construit, il combine de multiples effets de perspective avec des jeux maîtrisés d’ombres et de lumière. Ainsi le banal mur qui bouche la partie gauche de la composition estLa donation Forbes aux American Friends of the Louvre il puissamment éclairé, tandis que l’escarpement dominé par une modeste maison qui occupe la partie droite est laissé dans La famille Forbes a consenti en 2011 une exceptionnelle donala pénombre ; la partie inférieure est savamment organisée à tion de douze œuvres d’art britanniques (huit peintures catapartir de plans successifs, de plus en plus éloignés de gauche loguées ici, ainsi que quatre œuvres graphiques) en faveur des à droite, combinant des zones d’ombre et de lumière, tandis American Friends of the Louvre et en l’honneur de son présique la partie supérieure est constituée d’une vaste perspective dent (ou Chairman) Christopher Forbes. Ce dernier, depuis le lumineuse mettant en scène une ville, des bois et des plaines, début des années 1970, a su en effet constituer l’une des plus des montagnes élevées et un ciel animé par quelques nuages. importantes collections d’œuvres d’art britannique spécifiqueL’univers poétique et le réalisme topographique de cette ment orientées vers le xixe siècle, de la fin de l’époque georœuvre évoquent bien sûr ces études d’après nature peintes en gienne jusqu’à la fin du règne de la reine Victoria. Les AmeItalie comme autant de gammes exécutées par les paysagistes rican Friends of the Louvre ont accordé le dépôt à long terme devant la beauté des points de vue découverts dans les camdes douze œuvres au musée du Louvre. pagnes de la Péninsule. La référence à Corot entraîne naturelleLes œuvres de la donation viennent très opportunément ment à donner la nationalité française à l’auteur de cette jolie conforter la politique d’acquisitions du département des Peinvue, mais la technique et la mise en place de la composition tures dans ce domaine. évoquent également certaines esquisses de l’Allemand Johann Heinrich Carl Reinhold (1788-1825) et, davantage encore, du Bibliographie Néerlandais Anton Sminck Pitloo (1780-1837) ; on songe ainsi à Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. une toile de ce dernier, bien plus achevée, intitulée Le Château Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, et le village sur l’île d’Ischia de la Galerie des beaux-arts de Naples. musée du Louvre, juin-septembre 2011. Cette étude ayant été signée et datée – ces inscriptions étant In 2011, the Forbes family agreed to make the exceptional donation of malheureusement en partie effacées –, nul doute qu’une protwelve British works of art (eight paintings and four works on paper, all chaine analyse en macrophotographie menée par le C2RMF catalogued in this bulletin) to the American Friends of the Louvre and in nous permettra d’en savoir davantage quant à son attribution. honour of its chairman, Christopher Forbes. Since the early 1970s, Forbes has V. Pomarède The topographic realism and poetic nature of this work are, of course, 186 evocative of the studies from life that were painted in Italy at the time. The clear influence of Corot naturally leads one to attribute this fine landscape to a French artist, but the technique and the arrangement of the composition are also evocative of certain sketches by the German artist in fact compiled one of the biggest collections of British works of art, which specifically focuses on the nineteenth century, from the end of the Georgian era to the end of Queen Victoria’s reign. The American Friends of the Louvre have agreed to loan twelve works to the Louvre on a long-term basis. The very timely donation of the works has consolidated the acquisition policy of the Department of Paintings in this area. Acquisitions George Morland (Londres, 1763 – 1804) Campement de bohémiens 1791 Huile sur toile. H. 59 cm ; l. 73 cm Signé et daté en bas à gauche : « G. Morland 1791. » Sir Walter Gilbey (1831-1914), négociant importateur en vin et philanthrope, Elsenham Hall, Essex (cité dans sa collection en 1897 ; voir Richardson 1897) ; sir Charles S. Hamilton (cité dans sa collection en 1906 ; voir Baily 1906). – Vente, Dallas, Heritage Galleries & Auctioneers, 8 mai 2008, no 79 ; collection Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-7) George Morland, ivrogne notoire et déplorable gestionnaire, fut une figure haute en couleur. Sa production, apparemment facile et abondante, connut une singulière faveur dans les années 1790-1800. Ses tableaux représentant des bohémiens furent nombreux. L’œuvre, signée et datée de 1791, est aussi parfaitement représentative de la technique « de chic » de l’artiste, peinte au fil du pinceau. Touche et thématique doivent certainement beaucoup aux derniers paysages de Gainsborough ainsi qu’aux tableaux flamands et hollandais (Hobbema ou Van Ostade), dont la vogue était croissante à l’époque. G. Faroult Bibliographie Richardson (R.), George Morland Pictures: Their Present Possessors, with George Morland, Campement de bohémiens, département des Peintures (D.L. 2011-7) much sought-after in the years 1790–1800. Many of these featured Bohemians. This work, signed and dated 1791, is also a perfect example of the artist’s technique of working from memory, executed with fluid brushstrokes. The painting style and theme certainly owe much to Gainsborough’s last landscapes and Flemish and Dutch paintings (Hobbema and Van Ostade), which became increasingly popular at the time. Details of the Collections, Londres, E. Stock, 1897, n 10, p. 21. o Baily (J. T. H.), George Morland: A Biographical Essay, with a Catalogue of the Engraved Pictures, Londres, Otto, 1906, p. 115. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 1. George Morland, who was a notorious drunkard and incapable of managing his own affairs, was a very colourful character. Gifted with extraordinary facility, he painted a great number of pictures, which were Francis Danby (Common, Wexford, Irlande, 1793 – Exmouth, Devon, 1861) Le Christ marchant sur les eaux 1826 Huile sur toile. H. 148 cm ; l. 221 cm Exposé à la Royal Academy, Londres, 1826, no 305. – Probablement vente, Londres, Christie’s, 11 juin 1831, no 118 (« Christ Walking on the Sea, with beautiful effect of Moon and Lamp-light, – the well known and capital Picture ») ; Joseph Strutt (1765-1844), philanthrope, Derby. – Vente, Londres, Sotheby’s, 22 mars 1972, no 27. – Galerie J. S. Maas & Co, Londres. – Vente, Londres, Sotheby’s, 23 novembre 1977, no 70 ; Christopher Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-1) Francis Danby, Le Christ marchant sur les eaux, département des Peintures (D.L. 2011-1) À la suite de Turner (17751851), le peintre d’origine irlandaise Francis Danby, fut, avec John Martin (17891854), le principal créateur de vastes paysages fantastiques qui connurent à partir des années 1820 un succès reten- 187 Vie des collections tissant. On sait que l’artiste a été également très impressionné par les descriptions du Radeau de la Méduse de Géricault (17911824) à l’occasion de son exposition à Londres en 1820. Ainsi Danby atteignit-il la renommée en présentant à la Royal Academy de spectaculaires représentations de désastres maritimes ou de grandes scènes de cataclysmes bibliques. Le Christ marchant sur les eaux, exposé à la Royal Academy en 1826, appartient à la veine sacrée de l’artiste, qui peignit aussi plusieurs scènes de l’Apocalypse vers la fin des années 1820. La célèbre scène du Christ marchant sur les eaux à la rencontre des apôtres embarqués (Mt, XIV, 22-33) est ici représentée dans une atmosphère nocturne qui conforte la dimension fantastique de l’épisode. La toile exprime également l’ascendant de l’art de Rembrandt (1606-1669), dont Danby avait pu admirer à Londres au cours des mêmes années un tableau traitant un sujet proche, Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée (1633, autrefois conservé à Boston, Isabella Stewart Gardner Museum). G. Faroult Cette peinture précisément datée de la fin de la carrière de Ward se rattache au pan véritablement mystique de sa création. Délaissant les sujets animaliers qui avaient assuré son succès au début du siècle, Ward aborda, après son départ de Londres en 1830, des thèmes religieux parfois mêlés d’allégories complexes. Il illustre ici de façon assez conventionnelle les Évangiles en figurant sous la forme d’une colombe l’Esprit de Dieu descendant vers le Christ tandis que saint Jean Baptiste désigne le Sauveur aux fidèles. Le trait appuyé, le chromatisme restreint et terreux, les lourdes proportions des figures, enfin, rappellent l’œuvre de William Blake (1757-1827), que Ward admirait. D’après C. Reginald Grundy, premier biographe de l’artiste en 1909, le tableau aurait servi de modèle pour un vitrail de l’église St. John Church à Hoxton (diocèse de Londres), aujourd’hui détruit ou déposé. G. Faroult Bibliographie Adams (E.), Francis Danby: Varieties of Poetic Landscape, New Haven et Londres, Yale University Press, 1973, no 162, p. 194. Francis Danby, 1793-1861, catalogue de l’exposition (City of Bristol Museum and Art Gallery ; Londres, Tate Gallery, 1988-1989), par Greenacre (F.), Londres, Tate Gallery, 1988, p. 31, 167. Virtue Rewarded: Victorian Paintings from the Forbes Magazine Collection, catalogue de l’exposition (Louisville, The JB Speed Art Museum ; Memphis, Memphis Gallery and Gardens ; Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Institute ; Naples, Naples Performing Art Center Galleries ; Palm Beach, Society for the Four Arts, 1988), par Casteras (S. P.), Louisville, The JB Speed Art Museum, 1988, no 36, p. 58. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 3. The Irish painter Francis Danby was—together with John Martin (1789–1854)—the principal creator of vast fantastical landscapes, which achieved remarkable success in the 1820s. Danby achieved critical success when he exhibited spectacular representations of disasters at sea and large depictions of biblical cataclysms at the Royal Academy. Christ Walking on the Sea, exhibited at the Royal Academy in 1826, is one of the artist’s religious works; toward the end of the 1820s he also represented several scenes from the Apocalypse. The canvas reflects the rising influence of Rembrandt, whose art Danby was able to admire in a painting on a similar theme (Christ in the Storm on the Sea of Galilee) in London at the time. James Ward (Londres, 1769 – Cheshunt, 1859) Le Baptême du Christ 188 1841 Huile sur toile. H. 150 cm ; l. 67 cm Signé et daté en bas à droite : « J. Ward RA. 1841 » Sans doute exposé par Ward à la Royal Academy, Londres, 1850, no 357 (« The Baptism. And Jesus, when he was baptised, went up straightway out of the water, etc. – St. Mathew, III, 16 », sans dimensions). – Vente, Londres, Christie’s, 17 décembre 1976, no 86 ; collection Forbes ; vente The Forbes Collection, Londres, Christie’s, 20 février 2003, no 154 ; non vendu ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-6) James Ward, Le Baptême du Christ, département des Peintures (D.L. 2011-6) Acquisitions Bibliographie Grundy (C. R.), James Ward R. A.: His Life and Works with a Catalogue of His Engravings and Pictures, Londres, Otto, 1909, p. 38. Nygren (E. J.), The Art of James Ward, R. A. (1769-1859), Ann Arbor, University Microfilms International, 1976, p. 258 et xxii, fig. 258. Beckett (O.), The Life and Work of James Ward, R. A., 1769-1859: The Forgotten Genius, Sussex, Book Guild, 1995, p. 148, 188. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 5. This painting, which dates from the end of Ward’s career, is one of his deeply mystical works. Abandoning animal themes, which had ensured his success at the beginning of the century, after his departure from London in 1830, Ward tackled religious subjects that were sometimes combined with complex allegories. This painting is quite a conventional representation of the Gospels, in which the Holy Spirit is depicted as a dove descending upon Christ, while St John the Baptist points out the Saviour to the faithful. The accentuated brushwork, the restrained, earthy colouring, and the heavy proportions of the figures are reminiscent of the oeuvre of William Blake (1757–1827), whom Ward greatly admired. C. Reginald Grundy, who wrote the first biography of the artist in 1909, believed that the painting served as a model for a stained-glass window in St John’s Church in Hoxton (diocese of London), which has now been destroyed or removed. William Mulready (Ennis, Irlande, 1786 – Londres, 1863) Instruis l’enfant 1841, retouché par l’artiste vers 1851-1853 Huile sur bois. H. 66 cm ; l. 79 cm Peint pour Thomas Baring (1799-1873), banquier et homme politique, Londres ; exposé à la Royal Academy, Londres, 1841, no 109 (« Train up a child in the way he should go, and when he is old he will not depart from it ») ; Exposition universelle de 1855, Paris, no 895 ; présenté à l’exposition « Art Treasures of the United Kingdom », Manchester, 1857, no 356 – ? Vente, Londres, Christie’s, 8 juin 1882. – Ralph Brockleband (1803-1892), directeur de compagnie maritime à Liverpool, Childwall Hall, près de Liverpool (déjà dans sa collection en 1886, selon une étiquette collée au revers du tableau, le tableau est alors prêté par lui à la Grand Loan Exhibition of Pictures, Liverpool, Walker Art Gallery, 1886, no 742) ; sa vente après décès, Londres, Christie’s, 29 avril 1893, no 95 ; acquis par Agnew pour « R. Brocklebank », soit son fils, Ralph (même prénom que son père) Brocklebank (1839-1921), Haughton Hall, Cheshire ; sa vente après décès, Londres, Christie’s, 7 juillet 1922, no 95 ; Sampson. – John Emsley ; sa vente, Londres, Sotheby’s, 6 juin 1945, no 123, Mitchell ; John A. Avery, Londres ; sa vente, Londres, Sotheby’s, 27 novembre 1984, no 15 ; collection Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-4) William Mulready, Instruis l’enfant, département des Peintures (D.L. 2011-4) des années 1830, sous l’emprise notamment des maîtres italiens de la Renaissance. L’influence de Mulready sera profonde sur les jeunes préraphaélites qui comptèrent parmi ses élèves à la Royal Academy dans les années 1840. Cette peinture fut exposée avec grand succès à Paris lors de l’Exposition universelle de 1855. G. Faroult Bibliographie La Peinture romantique anglaise et les préraphaélites, catalogue de l’exposition (Paris, Petit Palais, 1972), sous la dir. de Clark (K.), Paris, Les Presses artistiques, 1972, no 201, n. p. Heleniak (K. M.), William Mulready, New Haven et Londres, Yale University Press, 1980, p. 98-103, no 154, p. 215-216. William Mulready, 1786-1863, catalogue de l’exposition (Londres, Victoria and Albert Museum ; Dublin, National Gallery of Ireland ; Belfast, Ulster Museum, 1986-1987), par Pointon (M.), Londres, Victoria and Albert Museum, 1986, no 112 p. 121-126. Virtue Rewarded: Victorian Paintings from the Forbes Magazine Collection, catalogue de l’exposition (Louisville, The JB Speed Art Museum ; Memphis, Memphis Gallery and Gardens ; Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Institute ; Naples, Naples Performing Art Center Galleries ; Palm Beach, Society for the Four Arts, 1988), par Casteras (S. P.), Louisville, The JB Speed Art Museum, 1988, no 21, p. 41. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 6. Le peintre d’origine irlandaise William Mulready se fit une spécialité des scènes rurales sentimentales et plus encore des scènes d’éducation enfantine. Le titre est une citation biblique : « Instruis l’enfant de la voie à suivre et, devenu vieux, il ne s’en détournera pas » (Pr, XXII, 6). L’artiste tenait ce tableau pour son chef-d’œuvre. Il fut peint en 1841 pour le collectionneur Thomas Baring (1799-1873), dont la famille avait été très engagée dans les activités de l’East India Company. Le peintre représente ainsi des « lascars », des marins indiens employés par la compagnie, auxquels le jeune enfant au centre de la toile apprend à porter secours. La gamme chromatique intense est typique de l’inflexion que connut l’art anglais à partir de la fin The Irish painter William Mulready specialized in depicting sentimental rural scenes, especially scenes representing the upbringing of children. The title is a quotation from the Bible: “Train up a child in the way he should go; and when he is old he will not depart from it”(Proverbs, 22:6). The artist considered this work as his masterpiece. It was painted in 1841 for the collector Thomas Baring, whose family played a principal role in the British East India Company. Hence, the painter depicts three lascars, who were Indian sailors employed by the company; the young child in the centre of the painting is being encouraged to practise charity toward them. The intense chromatic range is typical of the reorientation of English art at the end of the 1830s, which was particularly affected by the Italian Renaissance masters. Mulready strongly influenced the young Pre-Raphaelites, 189 Vie des collections who were among his pupils at the Royal Academy in the 1840s. This painting achieved great success when it was exhibited at the Exposition Universelle in Paris in 1855. Frederick (dit William) Clarkson Stanfield (Sunderland, 1793 – Londres, 1867) Les troupes françaises franchissant la Magra Sarzana, avec les montagnes de Carrare dans le lointain, en 1796 1847 Huile sur toile. H. 152 cm ; l. 321 cm Collection de George Egerton, 2nd Earl of Ellesmere (1823-1862) ; exposé à la Royal Academy, Londres, 1847, no 74 ; Exposition universelle de 1855, Paris, no 940 ; présenté à l’exposition « Art Treasures of the United Kingdom », Manchester, 1857, no 343. – Vente, Londres, Christie’s, 28 novembre 2000, no 31 ; collection Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-2) Frederick (dit William) Clarkson Stanfield, Les troupes françaises franchissant la Magra Sarzana, avec les montagnes de Carrare dans le lointain, en 1796, département des Peintures (D.L. 2011-2) Sensiblement plus jeune que le grand Turner et d’une renommée bien moindre que la sienne, Clarkson Stanfield compta néanmoins parmi les paysagistes les plus appréciés de sa génération. Dans cette grande peinture, exécutée pour George Egerton, 2nd Earl of Ellesmere (1823-1862), et exposée à la Royal Academy en 1847, l’artiste combine l’exploration des sites les plus pittoresques de l’Italie avec l’exploitation de la fascination que la geste napoléonienne exerçait sur ses contemporains. En effet, on retrouve, au premier plan de cette spectaculaire représentation de la chaîne des Apennins à l’approche de l’orage, des soldats français qui illustrent un épisode de la campagne d’Italie, premier triomphe du jeune général Bonaparte (1769-1821). G. Faroult John Rogers Herbert (Maldon, Essex, 1810 – Kilburn, Londres, 1890) Le Sauveur serviteur de ses parents à Nazareth 1851 Huile sur toile. H. 54 cm ; l. 70 cm Signé et daté en bas à droite : « I. R. Herbert. R. A. London 1851. » Vente, Londres, Philipps, 12 juillet 1988, no 146 ; acquis par Christopher Forbes ; collection Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-8) Après sa conversion au catholicisme en 1840, John Rogers Herbert produisit des peintures à sujets religieux d’inspiration très personnelle où les influences de son ami William Dyce (1806- Bibliographie Monkhouse (W. C.), article « Stanfield, Clarkson », dans Dictionary of National Biography, sous la dir. de Stephen (L.), LIII, Smith-Stanger, Londres, Smith, Elder & Co., 1898, p. 477. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 7. Significantly younger than the great Turner and much less well known, Clarkson Stanfield was nevertheless one of the most popular landscapists of his generation. In this large picture, painted for George Egerton, second Earl of Ellesmere (1823–1862) and exhibited at the Royal Academy in 1847, the artist has combined the exploration of the most picturesque sites in Italy with the contemporary fascination for Napoleon’s military exploits. French soldiers can indeed be seen in the foreground of this spectacular representation of the Apennine Range with an approaching storm; they illustrate an episode from the Italian campaign, the first military triumph of the young General Bonaparte (1769–1821). John Rogers Herbert, Le Sauveur serviteur de ses parents à Nazareth, départe- 190 ment des Peintures (D.L. 2011-8) Acquisitions 1864) et des peintres allemands nazaréens sont très sensibles. La peinture de la donation Forbes est une répétition réduite et avec variantes d’une grande peinture présentée à la Royal Academy en 1847, Notre Sauveur serviteur de ses parents (no 130, localisation actuelle inconnue). Herbert effectua plusieurs répétitions de cette toile avec des variantes, dont une datée de 1856 (The Guildhall Art Gallery) et une autre de 1860 (anciennement conservée dans la collection Forbes). Le succès de la composition fut réel et son impact fut considérable sur les productions des jeunes préraphaélites, notamment sur une œuvre célèbre de John Everett Millais (1829-1869), Le Christ dans la maison de ses parents (1850, Londres, Tate). G. Faroult Bibliographie Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 10. After his conversion to Catholicism in 1840, Herbert produced religious paintings based on very personal sources of inspiration, which are strongly influenced by his friend William Dyce (1806–1864) and the German Nazarene painters. The painting in the Forbes donation is a smaller version, with various differences, of a large painting that was exhibited at the Royal Academy in 1847, entitled Our Saviour Subject to His Parents at Nazareth (no. 130, current location unknown). Herbert produced several alternative works that differed in some respects from this canvas, one of which dates from 1856 (Guildhall Art Gallery), and the other from 1860 (formerly held in the Forbes collection). The composition achieved real success and it had a considerable impact on the works of the young Pre-Raphaelites, particularly on a famous work by John Everett Millais (1829–1869), Christ in the House of His Parents (1850, Tate Gallery, London). Edward Lear (Holloway, Londres, 1812 – San Remo, 1888) Vue de Taormine en Sicile avec l’Etna dans le lointain Vers 1847-1852 Huile sur toile. H. 51 cm ; l. 82 cm Probablement peint pour le Rev. Charles M. Church (1823-1915), professeur de théologie. – Vente, New York, Sotheby’s, 24 mai 1984, no 5 ; collection Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-5) Infatigable voyageur, Edward Lear compta, à partir des années 1840, parmi les principaux peintres des paysages du bassin méditerranéen et du Proche-Orient. Cette vue idéalisée du site de Taormine en Sicile, avec les ruines du théâtre antique et l’Etna dans le fond, a été manifestement exécutée à la suite du second voyage de l’artiste sur place en 1847. On en connaît au moins une esquisse peinte et plusieurs dessins préparatoires, certains exécutés sur le motif et datés du 29 juin 1847. Sur l’un d’eux apparaît le nom du probable commanditaire de la toile définitive, Charles Church, ultérieur compagnon de voyage de l’artiste. La peinture adopte le format et le dispositif en vue plongeante repris par plusieurs vues d’Italie exécutées par le peintre en 1852, à une époque où l’ascendant sur Lear du peintre préraphaélite William Holman Hunt (1827-1910) est particulièrement important. G. Faroult Bibliographie Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 9. Edward Lear, Vue de Taormine en Sicile avec l’Etna dans le lointain, département des Peintures (D.L. 2011-5) 191 Vie des collections From the 1840s onwards, Edward Lear, who was an inveterate traveller, was one of the main landscape painters in the Mediterranean Basin and the Middle East. This idealized view of the Taormina site in Sicily, with the ruins of the Greek theatre and Mount Etna in the background, was obviously executed after the artist’s second voyage to the site in 1847. There are at least one known painted sketch and several preparatory drawings of the view, some of which were drawn from nature and date from 29 June 1847. One of the works bears the name of the probable patron of the final painting, Charles Church, who later became the artist’s travelling companion. The painting’s format and bird’s-eye view are the same as those used by the artist in several views of Italy executed in 1852, at a time when the influence of the Pre-Raphaelite painter William Holman Hunt (1827–1910) on Lear was particularly strong. no 429, 2007). Il existait une autre vue par Lewis de cette même artère cairote prise sous un angle différent et peinte à l’huile dans un format vertical, signée et datée de 1876 (cat. Fine Art Society Ltd., Londres, Recent Acquisitions, 3-28 novembre 1969, no 71 ; cette œuvre est à présent détruite). G. Faroult Bibliographie John Frederick Lewis R. A., 1805-1876, catalogue de l’exposition (Newcastle-upon-Tyne, Laing Art Gallery, 1971), par Green (R.), Newcastle-upon-Tyne, Laing Art Gallery, 1971, p. 25. Forbes (C.), The Royal Academy (1837-1901) Revisited: Victorian Paintings from the Forbes Magazine Collection, [New York], Forbes, [1975], no 40, p. 96-97. Ackerman (G.), Les Orientalistes de l’école britannique, Paris, ACR, 1991, John Frederick Lewis (Londres, 1805 – Walton-on-Thames, 1876) La Rue et la mosquée al-Ghouri au Caire Vers 1876 Huile et aquarelle sur papier marouflé sur bois. H. 76 cm ; l. 103 cm Inscription au revers du panneau, difficilement lisible : « 16 [?] Gooreh [?] JF. » Sans doute exposé à la Royal Academy, Londres, 1877, no 454 (« The Street and mosque of the Goreyah, Cairo (unfinished) », sans indication de format ni de dimensions). – Mrs. Patrick Wall ; sa vente, Londres, Christie’s, 13 octobre 1967, no 61. – John A. Cooling. – Vente, Londres, Sotheby’s, 23 juin 1971, no 76 ; collection Forbes ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes aux American Friends of the Louvre, 2011 ; dépôt des American Friends of the Louvre au musée, 2011 Département des Peintures (D.L. 2011-3) 192 p. 200. Life, Legend, Landscape: Victorian Drawings & Watercolours, catalogue de l’exposition (Londres, The Courtauld Gallery, 2011), par Selborne (J.), Londres, The Courtauld Gallery, 2011, p. 80-82. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, no 12. Lewis was certainly the greatest Orientalist painter of the Victorian era. He lived in Cairo from 1841 to 1851. After his return to London, he specialized in depicting scenes of daily life in Egypt, strongly inspired by his long stay in the country. At the end of his career, Lewis produced several representations of this view of the Qasaba, the central axis of medieval Cairo, with a specific focus on the architectural complex of Sultan Qansuh Ghawri, the last Mameluke sultan. Part of the Forbes donation, the painting, whose unconstrained technique betrays its state of incompletion, is probably the one that was exhibited posthumously at the Royal Academy in 1877. The particularly skilled use of perspective, the varied and intense colouring and the perfectly rendered representation of the crowd that is thronging in this narrow street, make this painting one of Lewis’s most ambitious works. Lewis est certainement le plus grand peintre orientaliste de l’ère victorienne. Il séjourna au Caire de 1841 à 1851. Après son retour à Londres, il se fit une spécialité des représentations de scènes de la vie quotidienne égyptienne fortement inspirées par son long séjour. À la fin de sa carrière, Lewis a représenté plusieurs fois cet angle de la Qasaba, la grande artère du vieux Caire, avec en point de mire le complexe architectural du sultan Qansuh Ghawri, dernier sultan mamlouk. Le tableau de la donation Forbes, à la technique très libre qui trahit l’inachèvement, est sans doute celui qui fut présenté à titre posthume à la Royal Academy en 1877. Le traitement particulièrement soigné de la perspective tout comme le chromatisme varié et intense ainsi que la représentation parfaitement maîtrisée de la foule qui se presse dans cette rue étroite font de cette peinture l’une des réalisations les plus ambitieuses de Lewis. On connaît au moins deux dessins de Lewis en relation avec le panneau D.L. 2011-3 : un dessin au crayon rehaussé à l’aquarelle et à la gouache, qui adopte un cadrage plus large (37 5 54 cm, Londres, Courtauld Gallery, D.1952.RW.3051, daté vers 18411851), exécuté pendant le séjour de l’artiste au Caire, et un autre dessin plus tardif, au crayon rehaussé à la gouache et au fusain, très proche de la composition finale du D.L. 2011-3 (29 5 40 cm, Birmingham Museum and Art Gallery, John Frederick Lewis, La Rue et la mosquée al-Ghouri au Caire, département des Peintures (D.L. 2011-3) Acquisitions Arts graphiques Anonyme italien Deucalion et Pyrrha repeuplant la terre Italie du Nord, vers 1600 Plume et encre brune, lavis brun, sur une esquisse à la sanguine. H. 21,3 cm ; l. 31,5 cm Vente Paris, hôtel Drouot (Oger & Dumont), 1er mars 1993, no 66 (« École italienne, xvie siècle ») ; acquis à cette vente par D. Jones ; don de M. David Jones Département des Arts graphiques (R.F. 54 902) Selon le mythe grec, Deucalion, fils de Prométhée, et sa femme Pyrrha furent les seuls humains à survivre au déluge qui avait dévasté la terre et anéanti la race humaine. Réfugiés sur le mont Parnasse, ils consultèrent l’oracle de Thémis, qui conseilla aux époux âgés de jeter derrière leur dos les « os de leur grande mère » – « os » qu’ils interprètent comme les pierres, le squelette de la terre. Des pierres ainsi abandonnées naquit une nouvelle race humaine, celle des héros. Le dessin fait partie d’une série de trois feuilles identifiées, de forme et de technique analogues, représentant des sujets mythologiques et vraisemblablement destinées au décor d’une frise peinte. Un second dessin de la même main, conservé à l’Albertina à Vienne et représentant Jupiter et Sémélé, a été attribué à l’artiste bourguignon Louis Brandin, actif à Rome et dans le Piémont ; même si cette attribution ne peut être maintenue, elle semble bien indiquer le milieu et la période dans lesquels il convient de chercher le dessinateur anonyme : il était vraisemblablement actif en Italie du Nord, entre Milan et Turin, au début du xviie siècle. C. van Tuyll van Serooskerken Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange (Castel Caprese, 1473 – Rome, 1564) Deux études d’un homme nu pris dans un mouvement ascendant (recto) ; Esquisses d’un homme nu et un fragment d’une étude de tête d’homme (verso) Pierre noire et sanguine. H. 14,5 cm ; l. 5,3 cm Marque C, non identifiée (Lugt 474) ; sir John Charles Robinson (18241913) (Lugt 1433) ; sa vente, Londres, Christie’s, 12-14 mai 1902, lot 212, comme Michel-Ange ; François Flameng (1856-1923) ; sa vente, Paris, hôtel Drouot, 26-27 mai 1919, lot 44, comme Michel-Ange ; collection privée, France. – Achat après avoir été retenu sur le territoire national au titre de Trésor national. – Commission consultative des trésors nationaux, 21 mars 2008 Acquis au titre de Trésor national Département des Arts graphiques (R.F. 54 923) Déjà fortement convoités par les collectionneurs du vivant de l’artiste, la grande majorité des dessins de Michel-Ange actuellement connus se trouvent depuis longtemps dans les collections publiques ; rares sont les occasions qui s’offrent aux musées d’acquérir encore des études authentiques de la main du maître. Ce fut le cas avec ce petit dessin, fragment d’une feuille plus importante dessinée sur les deux faces, qui réapparut récemment dans une collection particulière française et qui, en 2011, put être acquis pour le Louvre au titre de Trésor national. Après être passé par différentes collections britanniques au xixe siècle, le feuillet fut acquis en 1902 par le peintre François Flameng (1856-1923) et répertorié l’année suivante par Bernard Berenson, grand expert de l’œuvre du maître, dans son corpus des dessins florentins. Après la vente Bibliographie de la collection Flameng en 1919, le dessin fut perdu de vue, Van Tuyll (C.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. jusqu’à son identification en 2007 par Véronique Burnod et Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 12, repr. Paul Joannides. C’est à ces derniers auteurs que l’on doit le rapprochement avec un autre dessin de Michel-Ange, celui-ci This interesting sheet depicts the couple Deucalion and Pyrrha after the conservé au British Museum à Londres, qui a dû faire partie à deluge, repeopling the earth by throwing stones over their shoulders as the l’origine de la même feuille, d’où notre dessin a été découpé à oracle had instructed them to do. The anonymous draughtsman seems to have worked in Northern Italy at the beginning of the seventeenth century. une date inconnue. Le recto du dessin acquis par le Louvre montre deux études à la pierre noire d’une figure masculine nue, tournée vers sa droite, bras ouverts, dans un mouvement ascendant. D’importants repentirs, principalement dans les jambes des deux figures, montrent que l’artiste a cherché la solution la plus adéquate. La même figure réapparaît dans le fragment du British Museum ; dans les deux cas, des hachures de sanguine se superposent aux esquisses à la pierre noire, ce qui laisse penser que la feuille d’origine comprenait une étude plus importante à la sanguine, dont il ne reste que ces traces. Au verso du fragment du Louvre, nous retrouvons deux légères esquisses à la pierre noire d’une figure masculine, ainsi qu’une partie d’une tête plus grande, dessinée à la sanguine et due peut-être à un assistant du maître. Berenson avait associé le dessin du Louvre au Jugement dernier que Michel-Ange peiAnonyme italien, Deucalion et Pyrrha repeuplant la terre, département des Arts graphiques (R.F. 54 902) 193 Vie des collections de sa taille modeste, le dessin récemment acquis permet d’appréhender la conception de la figure humaine telle que Michel-Ange l’a élaborée dans sa vieillesse. C. van Tuyll van Serooskerken Bibliographie Berenson (B.), The Drawings of the Florentine Painters, Londres, John Murray, 1903, no 1542. Joannides (P.) et Burnod (V.), « A Drawing by Michelangelo Reappears », Master Drawings, XLV (2007), 2, p. 236-240. Cordellier (D.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 2012-13, p. 62-66. A small, double-sided sheet with studies by Michelangelo was acquired in 2011, after having been declared a “Trésor National”. It is a fragment of a larger sheet, of which another part survives in the British Museum, as P. Joannides and V. Burnod ascertained, and was acquired in 1902 by the French painter François Flameng (1856–1923). The sketches in black chalk on both recto and verso show a nude male figure, turning to his right and broadly gesturing as he seems to move upward. The red chalk fragment of a male head on the verso may be by another hand, perhaps an assistant of the master. The main figure sketches cannot as yet be connected with a known composition by Michelangelo, but Joannides and Burnod propose a date late in the artist’s career, c. 1555–60. While the Louvre is rich in drawings by the artist from the earlier periods of his activity, his last decades are less well represented; this singular acquisition is therefore all the more welcome. 194 Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange, Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange, Deux études d’un homme nu pris dans un Esquisses d’un homme nu et un fragment d’une mouvement ascendant, département des Arts étude de tête d’homme, département des Arts graphiques (R.F. 54 923 ro) graphiques (R.F. 54 923 vo) gnit entre 1536 et 1541 dans la chapelle Sixtine, tandis que Johannes Wilde préférait une datation plus tardive, vers la fin des années 1540, pour l’esquisse du British Museum. Pour Burnod et Joannides, la feuille du Louvre pourrait être plus tardive encore et appartenir à la dernière décennie de l’activité de l’artiste. Les comparaisons les plus probantes se font effectivement avec des études de cette période, telles que celles de Londres pour Le Christ chassant les marchands du Temple, dessinées vers 1555-1560. Notre figure ne peut pas être associée de façon convaincante à une œuvre connue de Michel-Ange, mais tout porte à croire que le dessin appartient, avec celui de Londres, aux recherches pour une composition religieuse des dernières années du maître. Ce point renforce l’intérêt de la feuille pour le musée : tandis que Michel-Ange y est singulièrement bien représenté avec des dessins de la période juvénile et de sa première maturité, le musée ne possède que très peu de dessins postérieurs à 1530, période où l’œuvre du maître acquit une nouvelle puissance et une gravité morale qui influencèrent profondément l’art de la Contre-Réforme. En dépit Baptiste Pellerin (documenté à Étampes en 1542 – Paris, 1575) Pantagruel et ses compagnons dans l’Isle Sonante et dans l’Ile de Condemnation et cinq « drôleries » d’inspiration rabelaisienne Sept dessins à la plume et encre brune, lavis d’encre brune, tracé préparatoire à la pierre noire, papier beige filigrané (B majuscule sommé d’une fleur, proche d’un type relevé en France entre 1551 et 1569). H. 21 à 21,9 cm ; l. 29,4 à 30,3 cm Pièces collées au verso, faites de papiers de remploi portant des écritures anciennes Acquis chez Éric Turquin SAS en 2011 Département des Arts graphiques (R.F. 54 797 à R.F. 54 803) Deux des dessins de cette série de sept « drôleries » sans doute destinée à la reproduction par l’estampe illustrent L’Isle Sonante, un texte publié sous le nom de François Rabelais en 1562, neuf ans après sa mort, et qui a été repris en 1564 au début du Cinquiesme livre de Pantagruel : l’un représente Pantagruel et ses compagnons dans l’Isle Sonante (une scène de satire des institutions et des pratiques monastiques ; R.F. 54 797), l’autre la corruption d’un Chats fourrez (c’est à dire d’un magistrat cruel et véreux) dans l’Isle de Condemnation (R.F. 54 798). Le texte qui les inspire semble avoir été rédigé à partir de brouillons Acquisitions Baptiste Pellerin, Pantagruel et ses compagnons dans l’Isle Sonante, départe- Baptiste Pellerin, La corruption d’un Chats fourrez dans l’Isle de Condemnation, ment des Arts graphiques (R.F. 54 797) département des Arts graphiques (R.F. 54 798) Baptiste Pellerin, Le Ouy-dire , département des Arts graphiques (R.F. 54 799) Baptiste Pellerin, L’Odieuse vérité, département des Arts graphiques (R.F. 54 800) Baptiste Pellerin, La divine Charité et la démoniaque Avarice, département des Baptiste Pellerin, Le bon géant, département des Arts graphiques (R.F. 54 802) Arts graphiques (R.F. 54 801) de Rabelais correspondant à des parties retranchées du Quart livre. Les autres dessins de cet ensemble, où l’on reconnaît des figures rabelaisiennes comme le Ouy-dire (R.F. 54 799), l’Odieuse vérité (R.F. 54 800), la divine Charité et la démoniaque Avarice (R.F. 54 801) et le bon géant (R.F. 54 802), ne semblent pas trouver de correspondances précises dans le 195 Vie des collections Baptiste Pellerin, Quatre figures allégoriques autour d’une sphère mêlant tous les animaux, département des Arts graphiques (R.F. 54 803) corpus des textes rabelaisiens conservés. L’auteur des dessins, Baptiste Pellerin, est un peintre et enlumineur actif à Paris et dans ses environs entre 1548 et 1575, qui a donné beaucoup de dessins non seulement pour les fêtes éphémères, le vitrail, la tapisserie et l’orfèvrerie, mais aussi et surtout pour la gravure. Ses dessins, identifiés durant les dernières décennies, ont souvent été considérés comme de la main de son principal graveur, Étienne Delaune. D. Cordellier Bibliographie Cordellier (D.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 61, repr. Two drawings from this series, which was probably destined for multiple reproduction as prints, illustrate L’Isle Sonante, a text published under the name of François Rabelais, nine years after his death, and reprinted in 1564 at the beginning of the Cinquiesme livre de Pantagruel. The text seems to have been compiled from drafts by Rabelais that correspond with portions of text that were omitted from the Quart livre. The other five drawings do not seem to have any direct link with the corpus of conserved Rabelaisian texts. Baptiste Pellerin, a painter and illuminator who was active in Paris and the surrounding area between 1548 and 1575, produced many drawings for festival decorations, stained-glass windows, tapestries, goldwork and, above all, engravings. His drawings, which have been identified in recent decades, have often been considered to be the work of his principal engraver, Etienne Delaune. Baptiste Pellerin (documenté à Étampes en 1542 – Paris, 1575) Frontispice de l’Isle Sonante Plume et encre brune, tracé préparatoire à la pierre noire, papier beige. H. 23,9 cm ; l. 16,3 cm Don manuel de Jean-Luc Baroni Département des Art graphiques (R.F. 54 899) 196 En apprenant que le Louvre venait d’acquérir une rare suite de dessins illustrant L’Isle Sonante publiée sous le nom de François Rabelais en 1562 et sachant qu’un dessin en sa possession en formait le frontispice, M. Jean-Luc Baroni a généreusement décidé d’offrir celui-ci au musée du Louvre. La feuille montre, Baptiste Pellerin, Frontispice de l’Isle Sonante, département des Art graphiques (R.F. 54 899) dessinés avec une imagination digne des bois gravés des Songes drolatiques de Pantagruel (Paris, 1565), des monstres dévots et trompeurs gravissant des degrés vers une colonne qui porte, outre les perchoirs des clergaux, monagaux, prêtregaux, abbegaux, évesgaux, cardingaux et autres volatiles cléricaux imaginés par Rabelais, une sphère dominée par la tiare du papegaut, dont bien des maux procèdent. La scène, manifestement critique à l’égard des hiérarchies de l’Église catholique (dont elle dépeint les démons), se passe au milieu de fournaises infernales. Provenant d’une ancienne collection française, la feuille était sur le marché de l’art depuis 1995 (cat. Colnaghi, Londres, 1995, no 1, comme « School of Fontainebleau, 16th Century »). D. Cordellier Bibliographie Cordellier (D.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 10, repr. When M. J-L Baroni discovered that the Louvre had acquired a rare set of drawings that illustrate L’Isle Sonante, he offered the museum a drawing in his possession, which served as the frontispiece. The scene, which is obviously critical of the hierarchy in the Catholic Church (whose evil spirits are depicted), is set in the fires of hell. Originating from an old French collection, the sheet has been in the French art market since 1995 (Colnaghi catalogue, London, 1995, no. 1, described as a work of the “School of Fontainebleau, 16th Century”). Acquisitions Nicolas Moillon (documenté à Paris en 1605 – Paris, 1619) Une femme agenouillée auprès d’une figure ailée, dans un paysage Plume, encre noire et encre brune, lavis brun et gris. H. 19,3 cm ; l. 15,9 cm Inscription en bas au milieu, à la plume et encre noire : « Nicolas Moillon 1598 ». Marque en bas à droite. Inscriptions au verso Vente publique en Allemagne ; Didier Aaron & Cie ; acquis chez Didier Aaron & Cie en partie grâce au don de la Société du Salon du dessin ; commission des acquisitions du 7 avril 2011 Département des Arts graphiques (R.F. 54 901) Apparue en vente publique, chez Léo Spik, le 7 octobre 2010, acquise à cette occasion par la galerie Didier Aaron, puis achetée auprès de celle-ci par le Louvre en partie grâce à un don de la Société du Salon du dessin, cette feuille est, avec une Diane découvrant la grossesse de Callisto (1608 ; Paris, Louvre, INV 21967) et un Paysage (1616 ; Paris, Bibliothèque nationale de France, B6 rés. fol.), l’un des trois dessins sûrement identifiés aujourd’hui d’un peintre français mal connu, Nicolas Moillon. Originaire de Rocroi, dans les Ardennes, cet artiste, de confession protestante, a fait, dans le Paris d’Henri IV, une carrière de maître peintre, non sans avoir eu accès aux commandes royales. Il est le père de deux autres artistes plus fameux, Isaac et Louise Moillon. Le style de son dessin apparaît ici fortement marqué par le maniérisme international des années 1590, notamment par le style praguois de Hans von Aachen. Le sujet de cette étude, qui ne représente probablement pas Agar et l’ange, comme on l’a cru parfois, n’est pas identifié. D. Cordellier Bibliographie Cordellier (D.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Sold at public auction at Léo Spik on 7 October 2010, and acquired at the time by the Galerie Didier Aaron, and then purchased from the latter by the Louvre, thanks in part to a donation made by the Société du Salon du Dessin, this sheet—together with a Diane découvrant la grossesse de Callisto (Musée du Louvre, inventory no. 21967) and a Paysage (Bibliothèque Nationale de France, B6 rés. fol.)—is one of three drawings that are definitely the work of a little known French painter, Nicolas Moillon. The father of Louise and Isaac Moillon, the Protestant artist pursued a career as a maître-peintre in Paris during the reign of Henri IV. The style of the present drawing is strongly influenced by the international mannerism of the 1590s, particularly the Praguean style of Hans von Aachen. Nicolas de Largillierre (Paris, 1656 – Paris, 1746) Portrait d’homme et études de main Vers 1700 Pierre noire, rehauts de blanc. H. 27,8 cm ; l. 21,8 cm Galerie Paul Prouté, Paris ; collection Thierry et Christine de Chirée, Avignon ; vente Aguttes, Paris, hôtel Drouot, 30 mars 2011, no 531, acquis par préemption Département des Arts graphiques (R.F. 54 900) Si les magnifiques portraits peints de Largillierre sont innombrables, son œuvre dessiné a quasiment disparu, hormis quelques académies d’hommes, exercices académiques encore conservés à l’École nationale des beaux-arts. Dezallier d’Argenville signalait déjà de son vivant le caractère « peu commun » de ses dessins, tout en vantant la vivacité de ses études de « têtes négligées, formées par des ovales ». Sur la base de l’unique feuille d’études de portraits en rapport direct avec un tableau (Boston, Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 60, repr. Nicolas Moillon, Une femme agenouillée auprès d’une figure ailée, dans un Nicolas de Largillierre, Portrait d’homme et études de main, département des paysage, département des Arts graphiques (R.F. 54 901) Arts graphiques (R.F. 54 900) 197 Vie des collections collection Horvitz), Dominique Brême, spécialiste de l’artiste, a pu rendre sa paternité à ce dessin présenté dans l’exposition rétrospective de 2003-2004 au musée Jacquemart-André. Le département des Arts graphiques ne possédait de l’artiste qu’une étude à l’huile sur papier plus proche de l’esquisse peinte que du dessin. L’entrée de cette feuille très enlevée permettra non seulement de mieux représenter dans les collections nationales un des artistes les plus importants de sa génération, mais aussi de contribuer à la reconstitution progressive de son œuvre dessiné. Ch. Leribault Bibliographie Nicolas de Largillierre, catalogue de l’exposition (Paris, musée Jacquemart-André, 2003-2004), Paris, Culture espaces, 2003, no 34, repr. Leribault (Ch.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 63, repr. While Largillierre produced numerous magnificent painted portraits, his oeuvre of drawings has practically disappeared, apart from several académies (male nudes) held in the Ecole Nationale des Beaux-Arts, Paris. On the basis of the style known as portrait study that is directly related to a particular painting (Horvitz collection, Boston), this additional sheet was attributed to the artist. The work’s incorporation in the Louvre’s collections is a step towards the progressive reconstitution of his oeuvre of drawings. François André Vincent (Paris, 1746 – Paris, 1816) Recueil de caricatures Vers 1805-1810 Plume et encre brune. H. 16,9 ; l. 20,3 cm (reliure) Album factice contenant vingt-cinq caricatures à la plume, et deux à l’eauforte, traces de dessins retirés sur les folios suivants. Reliure du xixe siècle, sur le dos : « DAVID – PORTRAITS A LA PLUME ». Sur la page de titre : « Portraits à la plume faits par David, pendant les séances de l’Institut, recueillis et donnés par M. Sivard de Beaulieu, administrateur des monnaies à Paris ». Recueil constitué par M. Sivard de Beaulieu, vers 1820-1830 ; galerie Paul Prouté, Paris, 1968, catalogue Primatice comme J. L. David, no 53, p. 21-22 ; collection privée, Turin ; Libreria Pregliasco, Turin, catalogue 2010, comme J. L. David, no 66, p. 74, recueil présenté au Salon du livre ancien à Paris, Grand Palais, avril 2011 ; acquis de « Libreria Pregliasco – Libreria Philobiblon » commission du 9 juin 2011 Département des Arts graphiques (R.F. 54 903 à R.F. 54 922) 198 Au nombre des talents multiples de Vincent figure celui de la caricature. Il l’a pratiquée avec brio à Rome, laissant de nombreuses charges à la sanguine de ses condisciples de l’Académie de France, parfois sur des feuilles de très grand format. Plus tard et plus discrètement, il s’y adonna de nouveau, notamment sur les bancs de l’Institut pour y tromper son ennui, comme nombre d’autres artistes. Les vingt-cinq petits croquis à l’encre que vient d’acquérir le Louvre en témoignent. Leur rassemblement dans un album factice, où sont intercalées deux eauxfortes (R.F. 54 905 bis et R.F. 54 913 bis), remonte aux années 1820. Traditionnellement attribué à David, cet ensemble a été rendu à Vincent par Jean-Pierre Cuzin. On y retrouve les physionomies bien connues de l’astronome Lalande ainsi que d’autres scientifiques comme Laplace et le minéralogiste Sage. L’album renferme également de savoureuses caricatures d’artistes tels Jean-Guillaume Moitte et Carle Vernet, d’archéologues comme Visconti et Quatremère de Quincy ou d’hommes de lettres comme l’abbé Morellet et Jean-Baptiste Suard. Ch. Leribault François André Vincent, Portraits-charges de Jean-Guillaume Moitte (en haut) et d’Ennius Quirinus Visconti (en bas), département des Arts graphiques (R.F. 24 906 et R.F. 24 910) Acquisitions Vincent produced brilliant caricatures during his period as a pensionnaire at the Académie de France in Rome; occasionally, these were executed on very large format sheets. Later in his career—and rather more discreetly—he resumed his caricatures out of boredom, particularly during sessions at the Institute, as attested by twenty-five ink sketches. Traditionally attributed to David, this ensemble was perhaps attributed to Vincent by Jean-Pierre Cuzin. Lazaro Galdiano à Madrid, aux Disparates suivants : Disparate conocido (« Atrocité connue »), Disparate puntual (« Atrocité ponctuelle »), Disparate de bestia (« Atrocité de bête »), Disparate de tontos (« Atrocité d’idiot »). Lors de la première édition de ces planches, réalisée en 1877 à Paris, des sous-titres en espagnol et en français furent gravés sur les cuivres, soit respectivement : ¡Que Guerero! (« Quel guerrier ! »), Una Reina del Circo (« Une reine du cirque »), Otras Leyes por el Pueblo (« Autres lois pour le peuple ») et Lluvia de toros (« Pluie de taureaux »). Francisco de Goya y Lucientes (Fuendetodos, 1746 – Bordeaux, 1828) Disparate conocido : Quel guerrier ! Une œuvre universelle En octobre 1862, la Calcografía Nacional espagnole acquit l’ensemble des cuivres de Francisco de Goya formant la série des Desastres de la guerra ainsi que dix-huit cuivres connus des Disparates. Deux ans plus tard, la première édition des dixhuit planches des Disparates était réalisée par la prestigieuse institution espagnole. En 1877, les quatre cuivres acquis récemment par le musée du Louvre, et jusqu’alors inédits, étaient imprimés à Paris par la revue L’Art. On sait que le peintre Eugenio Lucas fut propriétaire de ces cuivres, qu’il acquit sans doute lors de l’expertise à laquelle il procéda des Pinturas negras de Goya, aujourd’hui conservées au musée du Prado. Le fait est que, depuis 1870, les cuivres ne quittèrent pas le sol français. Il aurait été étonnant que ces quatre œuvres majeures de l’histoire de la gravure moderne, dont on retrouve une résonance jusque dans l’œuvre d’Odilon Redon, rejoignent la série des autres cuivres de Goya conservés à Madrid. Tel est sans doute le destin des œuvres universelles : celui du partage, celui de leur diffusion. Et, puisque l’un des plus grands poètes français nous y invite, rappelons-nous que Baudelaire plaça Goya, dans Les Phares, entre Puget, Watteau et Delacroix. P. Torres Plaque de cuivre gravée. H. 24 cm ; l. 35 cm Disparate de bestia : Autres lois pour le peuple Plaque de cuivre gravée. H. 24 cm ; l. 35 cm Disparate de tontos : Pluie de taureaux Plaque de cuivre gravée. H. 24 cm ; l. 35 cm Disparate puntual : Une reine du cirque Plaque de cuivre gravée. H. 24 cm ; l. 35 cm Eugenio Lucas Velazquez ; Paul Leroy, Paris ; vente Leroy, 1907 ; Sagot-Le Garrec ; collection particulière, France ; don de la Société des Amis du Louvre, 2011 Département des Arts graphiques, Chalcographie du Louvre (INV 11440 à 11443) Vraisemblablement gravée entre 1819 et 1824, la série inachevée et connue sous le titre des Disparates soulève de nombreux problèmes d’interprétation. À commencer par le titre lui-même : disparate provient du verbe espagnol disparatar, qui signifie, selon le Dictionnaire académique de la langue espagnole, « dire ou faire quelque chose en dépit de la raison ou des règles ». On entend par disparate « sottise, folie, déraison, atrocité ». Ce titre donné à la série gravée fait référence à la planche 43, sans doute la plus célèbre, des Caprices de Goya : « Le Sommeil de la raison engendre des monstres ». La première édition madrilène de ces planches reçut pour titre les Proverbes. Or nous connaissons quatorze épreuves d’état des Disparates, épreuves portant une mention manuscrite autographe de Goya qui donne pour titre à chacune de ces planches le substantif Disparate, suivi d’un complément. Ainsi, les quatre cuivres de Goya acquis par les Amis du Louvre correspondent, selon les épreuves Francisco de Goya y Lucientes, Disparate conocido : Quel guerrier !, département des Arts graphiques, Chalcographie du d’état conservées au musée Louvre (INV 11440) 199 Vie des collections Francisco de Goya y Lucientes, Disparate de bestia [Autres lois pour le peuple], Disparate de tontos [Pluie de taureaux] et Disparate puntual [Une reine du cirque], département des Arts graphiques, Chalcographie du Louvre (INV 11441 à 11443) Bibliographie Torres (P.), « Quatre Disparates de Francisco Goya entrent à la Chalcographie », La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 2012-1, p. 16-19. The Disparates (from the Spanish disparatar: to say or do something 200 contrary to reason or rules) were probably engraved between 1819 and 1824. We know of fourteen different proofs for this uncompleted series, bearing the inscribed mention by Goya of the title for each of the plates— the noun “Disparate”, followed by a complementary word or words. The four copper plates by Goya, acquired by the Société des Amis du Louvre, are entitled Disparate conocido, Disparate puntual, Disparate de Bestia, Disparate de Tontos. When these plates were first published in Paris in 1877, Spanish and French subtitles were engraved on the copper plates, as follows: Que Guerero ! Una Reina del Circo, Otras Leyes por el Pueblo and Lluvia de toros. These four major works in the history of modern engraving, whose influence extends to the work of Odilon Redon, arrived in France in 1870. They have recently been incorporated into the Louvre’s collections thanks to the generous gift of the Société des Amis du Louvre. Acquisitions Benoît, mais son interprétation reste incertaine : le repos de ce soldat est-il mérité ou trahit-il le renoncement à ses idéaux ? Ch. Leribault Bibliographie Europa 1789: Aufklärung, Verklärung, Verfall, catalogue de l’exposition (Hambourg, Kunsthalle, 1989), Cologne, DuMont, no 501. Benoît (J.), Philippe Auguste Hennequin, 1762-1833, Paris, Arthéna, 1994, no D.134, repr. Visions of Antiquity: Neoclassical Figure Drawings, catalogue de l’exposition (Los Angeles County Museum of art ; Philadelphia Museum of Art ; Minneapolis Institute of Arts, 1993-1994), Los Angeles, LACMA, no 53, repr. Leribault (Ch.), dans La Revue des musées de France. Revue du Louvre. Acquisitions 2010-2011, avril 2012-2, p. 79, repr. A complex character, Hennequin took an active part in the Revolution in Lyon and Paris, where he was sentenced to life in prison. Eventually, however, he was pardoned and even won the first prize at the Salon of 1799. His often obscure allegorical compositions, in which autobiographical elements are combined with enigmatic references, are made even more striking by an incisive style of drawing. Indeed, there is some uncertainty as to the meaning behind this drawing: is the soldier’s rest well deserved or does it betray the abandonment of his ideals? Philippe Auguste Hennequin, Composition allégorique : Mars désarmé, département des Arts graphiques (R.F. 54 796) Philippe Auguste Hennequin (Lyon, 1762 – Leuze-en-Hainaut, Belgique, 1833) Composition allégorique : Mars désarmé 1805 Plume et encre brune, lavis d’aquarelle. H. 66 cm ; l. 54 cm Signé et daté en bas à gauche : « phi. aug. hennequin l’an 14 ». Timbre sec ovale, en bas à droite : « A (?) B » Collection André Martin ; galerie des Chevau-Légers, Versailles, vente du 10 novembre 1974, no 28 ; hôtel des ventes du Faubourg-Saint-Honoré, Paris, 30 mars 1980, no 49 ; galerie Aaron, Paris ; Shepherd Gallery, New York, expositions en 1984 et 1986 ; Sotheby’s, New York, 16 février 1995, no 200 ; Shepherd Gallery, New York, en 1996 ; acquis chez Christie’s, New York, vente du 26 janvier 2011, no 306 ; décision du 31 janvier 2011 Département des Arts graphiques (R.F. 54 796) Personnalité complexe, voire velléitaire, Hennequin pourrait figurer dans la liste des artistes maudits si la fin de sa carrière en Belgique, principalement comme portraitiste, n’avait pris une tournure plus rangée que ses débuts fracassants. Il prit une part active à la Révolution à Lyon, cité qu’il dut fuir après le 9-Thermidor. Condamné à la prison à vie pour avoir participé, à Paris, à la conjuration des Égaux contre le Directoire, il finit néanmoins par être gracié et remporta même le premier prix du Salon de 1799 avec son immense Triomphe du peuple français au 10 août, dont il ne subsiste plus que des fragments. Ses compositions allégoriques souvent obscures, où la part de l’autobiographie se mêle à des références énigmatiques, sont rendues d’autant plus singulières par un graphisme aigu. Alors que Lyon n’a jamais négligé de compléter son important fonds de dessins de ce fils prodigue, le Louvre n’en possédait pas d’aussi caractéristique. Ce dessin de grand format figure en bonne place dans le catalogue raisonné de l’artiste par Jérémie Richard Westall (Reepham, Norwich, 1765 – Londres, 1836) Scène dans un camp militaire 1797 Pierre noire, encre, aquarelle et rehauts de blanc sur papier ; monogrammé et daté en bas gauche : « R.W. 97 [?] ». H. 20 cm ; l. 26 cm Vente Christie’s, Londres, 9 novembre 1993, no 15, repr. ; vente Christie’s South Kensington, Londres, 23 mars 2005, no 81, repr. ; The Fine Art Society, Londres ; famille Forbes, New York et Londres, Old Battersea House ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes, dépôt des American Friends of the Louvre Département des Arts graphiques Surtout connu de nos jours pour ses portraits de lord Byron, Westall fut élu membre associé à la Royal Academy en 1792, puis académicien en 1794, et poursuivit une carrière de peintre d’histoire. Mais c’est surtout en tant qu’illustrateur prolifique Richard Westall, Scène dans un camp militaire, département des Arts graphiques 201 Vie des collections qu’il conquit sa renommée en son temps. Il participa notamment à la grande entreprise de la Shakespeare Gallery de John Boydell. Le Louvre a acquis sa première œuvre de Westall en 2010, une vision hallucinée inspirée de Milton, L’Enfant Jésus chassant les dieux de l’Égypte (R.F. 54 775), qui rappelle le tribut de l’artiste envers Füssli (voir RML 2010, p. 165). Le sujet précis de cette aquarelle de plus petite taille n’a pu être encore déterminé, bien qu’il évoque les nombreuses scènes militaires du théâtre shakespearien. Il illustre en tout cas la veine historiciste de Westall et offre un jalon intéressant dans l’émergence du goût pour les thèmes médiévaux et Renaissance. Ch. Leribault Bibliographie Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, repr. Well known today for his portraits of Lord Byron, Westall is most famous for his prolific illustrations. Although this watercolour is evocative of the many military scenes in Shakespeare’s plays, the work’s precise theme has not yet been identified. Francis Danby (Wexford, Irlande, 1793 – Exmouth, Devon, 1861) Rivage au clair de lune Vers 1825 Encre et lavis brun sur papier. H. 11 cm ; l. 18 cm Vente Christie’s South Kensington, Londres, 23 mars 2005, no 77 ; The Fine Art Society, Londres ; famille Forbes, New York et Londres, Old Battersea House ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes, dépôt des American Friends of the Louvre Département des Arts graphiques Ce petit dessin s’inspire des thèmes de Claude Lorrain volontiers abordés par Danby, qui affectionnait particulièrement les scènes nocturnes en bord de mer. Il se rapproche de lavis comparables tel Le Fantôme de Patrocle apparaissant à Achille, datant de 1825-1829, conservé au Fitzwilliam Museum à Cambridge. Cette feuille est la première de l’artiste à entrer dans une collection publique française et complète la donation de la grande toile représentant le Christ marchant sur les eaux, dont l’aspect spectaculaire ne doit pas masquer le caractère méditatif, au même titre que ce dessin. Ch. Leribault 202 Francis Danby, Rivage au clair de lune, département des Arts graphiques Bibliographie Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, repr. This small meditative drawing was inspired by Claude Lorrain’s themes, which Danby readily adopted in his work; he particularly enjoyed depicting nocturnal seaside scenes. Thomas Webster (Londres, 1800 – Cranbrook, Kent, 1886) Le Chœur de village 1848 Crayon, aquarelle et rehauts de blanc et de gomme arabique sur papier. H. 58 cm ; l. 89 cm Signé et daté en bas à gauche : « T. Webster 1848 » Vente Christie’s, Londres, 12 juin 1973, no 238 ; famille Forbes, New York et Londres, Old Battersea House [vente Forbes, Christie’s, Londres, 20 février 2003, no 45, repr., invendu] ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes, dépôt des American Friends of the Louvre Département des Arts graphiques Cette aquarelle est la reprise d’une peinture à l’huile exécutée par Webster en 1847 (Londres, Victoria and Albert Museum) qui compte parmi les plus importants succès de l’artiste. Dans la suite de William Mulready, Webster se fit une spécialité des scènes de genre moralisantes. Il fut particulièrement apprécié de Charles Dickens, qui lui commanda d’ailleurs un tableau. Le Chœur de village illustre un récit de l’écrivain américain Washington Irving (1782-1859), « Le Jour de Noël », extrait du Livre de croquis de Geoffrey Crayon (1820), son recueil de nouvelles le plus célèbre. L’auteur y porte un regard souvent amusé sur les mœurs de l’Angleterre. Comme nous l’a aimablement signalé notre collègue Guillaume Faroult, qui a plus particulièrement étudié les œuvres de la donation Forbes, Webster fait écho à un passage pittoresque du récit : « L’orchestre était placé dans une petite galerie et offrait le regroupement le plus singulier de têtes entassées les unes audessus des autres. Parmi elles, je remarquai particulièrement celle du tailleur de la commune, un pâle personnage, au front et au menton fuyants, qui jouait de la clarinette et semblait avoir effilé ses traits sous cet effort intense. Tel autre, trapu et rond comme une baudruche, s’éreintait sur une basse de viole, plié en deux au point de ne plus offrir aux regards qu’un crâne chauve, rond comme un œuf d’autruche. Parmi les chanteuses, quelques jolis visages auxquels l’air frais du matin avait prêté une teinte rose et vive […] ; regroupés ça et là autour d’une même partition, ils offraient comme des grappes de physionomies hétéroclites qui rappelaient les chapelets de chérubins que l’on distingue parfois sur les tombeaux de campagne. » La première version de la composition a été exécutée pour le grand collectionneur John Sheepshank, qui donna l’ensemble de sa collection de peintures modernes britanniques au musée de Kensington (Victoria and Albert Museum). Présenté à la Royal Academy en 1847, le tableau fut ensuite accroché avec le même succès à Paris lors de l’Exposition universelle de 1855. Fort représentative du goût victorien, cette grande aquarelle, qui a figuré dans plusieurs expositions importantes, vient étoffer les collections britanniques du Louvre, où cette veine des scènes de genre très abouties est quasiment absente. Ch. Leribault Acquisitions Bibliographie The Art and Mind of Victorian England: Paintings from the Forbes Magazine Collection, catalogue de l’exposition (Minneapolis, University Gallery, University of Minnesota, 1974), Minneapolis, University of Minnesota, 1974, no 44. The Royal Academy (1837-1901) Revisited: Victorian Paintings from the Forbes Magazine Collection, catalogue de l’exposition (New York, The Metropolitan Museum of Art ; Princeton, The Art Museum, Princeton University ; Atlanta, The High Museum of Art ; Cincinnati Art Museum ; Louisville, Kentucky, The Allen House, 1975-1976), par Forbes (C.), Princeton (N. J.), Art Museum, Princeton University, no 68. Victorian Childhood, catalogue de Thomas Webster, Le Chœur de village, département des Arts graphiques l’exposition (New Haven, Yale Centre for British Art ; Portland, Oregon, Portland Art Museum ; New York, The Forbes Magazine Galleries, 1986-1987), New York, Abrams, 1986, pl. 33 A Brush with the Millennium: Aspects of Christian Art over Two Centuries, catalogue de l’exposition (Chichester, The Bishop’s Palace, 2000), Londres, 2000, no 4. Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, repr. Faroult (G.) et Leribault (Ch.), « La donation Forbes : panorama de la peinture anglaise », Grande Galerie, 16, juin-août 2011, p. 15, repr. This watercolour is a replica of an oil painting executed by Webster in 1847 (Victoria and Albert Museum, London), which is one of the artist’s most successful works. The Village Choir illustrates a story by the American author Washington Irving (1783–1859), entitled Christmas Day from his famous collection of stories and essays The Sketch-Book of Geoffrey Crayon, Gent (1820). Very representative of Victorian tastes, this large watercolour has filled a major gap in the Louvre’s collection of British artworks, which contains almost no examples of accomplished genre scenes. Edward William John Hopley (1816 – 1869) Uncas, jeune Indien Delaware, surpris dans la forêt près de son feu de camp Vers 1850 Aquarelle et gouache sur papier marouflé sur toile fixée sur bois. H. 62 cm ; l. 45 cm H. S. Brice, esquire ; vente Sotheby’s Sussex, 24 juillet 1990, no 909 ; The Fine Art Society, Londres ; famille Forbes, New York et Londres, Old Battersea House ; don de la famille Forbes en l’honneur de Christopher Forbes, dépôt des American Friends of the Louvre Département des Arts graphiques Médecin de formation, Hopley s’orienta vers la peinture de genre, exposant à la British Institution à partir de 1845, puis à la Royal Academy en 1851. Il est l’auteur d’un système trigonométrique Edward William John Hopley, Uncas, jeune Indien Delaware, surpris dans la forêt près de son feu de camp, département des Arts graphiques de mesure des visages à l’usage des artistes. Mais, plus que l’œuvre d’un artiste relativement peu connu, c’est surtout un grand sujet américain qui fait son entrée au Louvre. Cette aquarelle est, en 203 Vie des collections effet, une illustration du célèbre roman de James Fenimore Cooper Le Dernier des Mohicans, publié à New York en 1826. Uncas, ou Cerf agile, en est la figure, qui donna son titre au récit. Le jeune héros, sur le physique athlétique duquel l’écrivain insiste, est représenté au cœur de la forêt, cette nature sauvage qui participe tant à la fascination nouvelle des Américains pour leur propre pays. Ch. Leribault Bibliographie Faroult (G.), « La donation Forbes aux American Friends of the Louvre. Une collection britannique présentée au Louvre », Tableau du mois, 181, musée du Louvre, juin-septembre 2011, repr. This addition to the Louvre’s collection, an illustration of the novel by James Fennimore Cooper, The Last of the Mohicans (published in 1826), is not just a work by a relatively unknown artist—it is, above all, representative of a major American theme. The hero, Uncas, is represented in the heart of the forest—the wilderness that played a major role in Americans’ fascination with their own country. Peter Doig (Édimbourg, 1959) Pelican Island 2011 Papier japon Kawanaka appliqué sur une feuille de Somerset White 250 g. H. 52,5 cm ; l. 28 cm ; plaque : H. 30,2 cm ; l. 20,1 cm Commande de la Chalcographie en 2011 Département des Arts graphiques, Chalcographie du Louvre (INV 11444 C) Peter Doig est sans conteste l’un des peintres vivants les plus respectés. Il se forme dans différentes écoles d’art à Londres et vit successivement en Grande-Bretagne, au Canada et à Trinidad. En France, son œuvre est révélée grâce à une importante rétrospective au Carré d’art à Nîmes en 2003-2004, dont on retiendra le très grand format d’une barque fine, évoluant sur l’eau, sur toute la longueur du tableau, et son occupant aux cheveux longs, à la présence étrange, presque animale, pris dans un océan de bleus intenses. Cette relation sans équivoque à une nature onirique, vaste et sauvage transparaît très clairement dans la présentation des œuvres de Peter Doig, dessins et peintures, réunies dans l’exposition itinérante consacrée à son travail au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 2008. Ici encore, les paysages peints dès 1990 explosent en de somptueux effets de lavis, suivant une rigoureuse partition des éléments : l’eau, ses reflets, le ciel, le coucher de soleil, la Voie lactée, les flocons de neige, l’horizon, la courbe d’un chemin… L’artiste est familier des pratiques de la gravure, explorant des techniques très diverses et s’adonnant tantôt à la représentation très réaliste de paysages, tantôt à des impressions atmosphériques, comme c’est le cas pour la gravure exécutée pour le Louvre. Il propose alors une vue très minimale, mi-aérienne mi-aquatique, turquoise et claire, en seulement quelques traits, estompés au premier plan, sur la partie droite. P. Guelaud 204 Peter Doig, who trained in various London art schools, is without doubt one of the most respected living artists. His depictions of vast, wild and dreamlike landscapes attest to his unequivocal relationship with Peter Doig, Pelican Island, département des Arts graphiques, Chalcographie du Louvre (INV 11444 C) nature. The artist is very familiar with the techniques of engraving, which he explores extensively in his work; he produces both very realistic representations of landscapes and atmospheric impressions, as is the case in the engraving executed for the Louvre. With just a few lines, stumped in the foreground on the right-hand side, he has produced a very minimal, semi-aerial and semi-aquatic, light and turquoise scene. Dove Allouche (Paris, 1972) Surplomb 2010 Héliogravure. H. 39 cm ; l. 26 cm Département des Arts graphiques, Chalcographie du Louvre (INV 11436) Dove Allouche est diplômé de l’École nationale d’art de CergyPontoise (1997). Sa série présentée à la galerie Gaudel à Stampa en 2008 et à la fondation d’entreprise Ricard en 2009 s’articule en deux ensembles photographiques (trente-six cibachromes Surplombs II) et dessins à la mine de plomb (Surplombs I) inspirés de l’observation de la chute du Salto Angel, au sud du Venezuela. Afin de cadrer l’aplomb de la chute, Dove Allouche a effectué plusieurs vols selon différentes trajectoires et photographié au moteur, à la vitesse de trois images par seconde, la partie supé- Acquisitions rieure de la chute d’eau. Ce travail fait écho à une pièce de 1977 de l’artiste américain Walter De Maria, Vertical Earth Kilometer. Du cadrage extrêmement serré et aérien de Surplomb ne subsiste que l’écume bouillonnante, où la part de vide donne désormais l’illusion d’une montée vaporeuse vers le ciel. L’intérêt de la commande chalcographique passée à Dove Allouche réside dans la transposition gravée d’un motif déjà exploité photographiquement et en dessin, sans jamais perdre de vue le rendu esthétique d’une vision en négatif, noir et blanc. Cette imbrication des médiums, la lenteur et le caractère répétitif du processus fondent la spécificité du travail de Dove Allouche. L’artiste s’intéresse autant à la verticalité des sommets qu’au monde souterrain ou aquatique. La série Surplombs a pour pendant une série postérieure, Black Smokers, des dessins sur papier exécutés d’après les prises de vue de missions océanographiques effectuées à une profondeur de 3 000 à 10 000 mètres. La gravure exécutée à l’atelier de Saint-Priex permet d’ajouter une héliogravure au fonds de la Chalcographie et est représentative du travail de l’artiste. P. Guelaud Dove Allouche exhibited his series Surplombs in the Galerie Gaudel de Stampa in 2008 and at the Fondation d’Entreprise Ricard in 2009; the series consisted of two photographic ensembles and lead pencil drawings inspired by his observation of the Salto Angel (Angel Falls) in south Venezuela. The work commissioned from Dove Allouche is particularly interesting, as it is an engraved transposition of a motif that has already been represented in photographs and drawings, while retaining the aesthetic effect of a view in negative, in black and white. The artist’s work focuses both on the verticality of the summits and the subterranean and aquatic worlds. Marc Desgrandchamps (Salanches, 1960) Mnémosyne pop 2011 Gravure à l’eau forte sur plaque de cuivre. H. 76 cm ; l. 56 cm Département des Arts graphiques, Chalcographie du Louvre (INV 11445) Après avoir effectué ses études aux Beaux-Arts à Paris (19781981), ce peintre et graveur vit et travaille à Lyon. Peintre de la transparence, de l’évanescence, des « fantômes liquides » : ces qualificatifs reviennent souvent sous la plume des critiques d’art, qui reconnaissent en lui un peintre à la démarche particulièrement inventive et spectaculaire. Desgrandchamps peint des figures au travers desquelles on entrevoit que le minéral, les arbres, les autres, les objets continuent à exister. Cette gravure propose des figures féminines de face et de dos, des silhouettes étranges aux corps sans visage. L’axe vertical de l’arbre fait un angle avec un bras tendu et cadre ainsi les deux femmes serrées l’une contre l’autre. Au premier plan, une femme de dos avance d’un pas ferme. L’artiste mélange ainsi deux registres sur la même planche, celui du réel quotidien et celui de l’apparition fantomatique. M.-L. Bernadac Marc Desgrandchamps, a painter of evanescence and “liquid phantoms”, creates figures through which can be seen rocks, trees, objects and other elements, underlining their existence in a common continuum. This engraving depicts female figures seen from the front and back—strange silhouettes of faceless bodies. The tree’s vertical axis forms an angle with an extended arm and frames the two female forms that stand close together. In the foreground, a woman seen from the back is resolutely moving forward. The artist has combined two registers in the same plate—that of daily reality with a ghostly apparition. Dove Allouche, Surplomb, département des Arts graphiques, Chalcographie Marc Desgrandchamps, Mnémosyne pop, département des Arts graphiques, du Louvre (INV 11436) Chalcographie du Louvre (INV 11445) 205 Vie des collections Histoire du Louvre Philibert Delorme (Lyon, 1514 – Paris, 1570) Arcade ionique du palais des Tuileries Pierres du Bassin parisien. H. 9,80 m ; L. 6,30 m ; l. 1,80 m Réservé par l’État lors de la démolition de 1883 et déposé à l’école des Ponts et Chaussées de 1883 à 2009 Département des Sculptures, pour la section Histoire du Louvre (R.F. 2011-03) Cette arcade est l’un des vestiges du palais des Tuileries, construit par Philibert Delorme pour la reine Catherine de Médicis à partir de 1564. Le somptueux édifice, qui ne fut jamais habité par son commanditaire, était implanté à l’écart du cœur de la capitale, dans un quartier de tuiliers. Après son incendie lors de la Commune en 1871, l’État décida en 1882 d’en raser les ruines tout en conservant les plus beaux éléments, comme cette arcade du promenoir sur jardin. Ce vestige témoigne de l’art de l’architecte, à la fois savant en géométrie (par le tracé de la volute de l’ordre ionique) et connaisseur de l’Antiquité (avec la restitution d’après Vitruve des moulures à la base du fût). Le fût de la colonne n’est pas monolithe, faute d’approvisionnement suffisant, mais composé de plusieurs tambours alternativement cannelés et ornés de symboles pour mettre en valeur la structure de la construction au lieu de chercher à la dissimuler. Par cette formule sans précédent antique, Delorme affirme contribuer à l’élaboration de modèles typiquement français. Enfin, l’architecture est un portrait crypté de l’occupante des lieux : le choix du ionique, perçu comme féminin, rendait hommage à la reine. Les symboles qui ornent les bagues évoquent le deuil de la souveraine après la mort violente de son époux Henri II (miroir brisé et plumes coupées), mais également la fermeté de son gouvernement (massues croisées). Un proliférant décor végétal, particulièrement adapté à un vis-à-vis avec un jardin, vient encore enrichir cette architecture, témoignage exceptionnel de l’art de la Renaissance française et triomphe de la sculpture ornementale et symbolique. S. Picot-Boquillon Bibliographie Fonkenell (G.), « Une arcade du palais des Tuileries dans la cour Marly », La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 2011-5, p. 13-15. (voir « Espaces muséographiques ») This arcade reassembled in 2011 in the Cour de Marly comes from the covered walk at the garden of the Palais des Tuileries, built starting in 1564 by Philibert Delorme for Catherine de’ Medici and destroyed during the Commune of 1871. This historic vestige displays the inventiveness and erudition of an architect who wanted to create a modern French architecture. To this end—and in the service of a political subtext—he played artfully with the Ionic order—then perceived as feminine—as well as with the vegetal and symbolic ornamentation of the drums and decorative rings that make up the columns. Victor Chavet (Pourcieux, 1822 – Le Creusot, 1906) Portrait de Giovanni Francesco Romanelli 1855 Huile sur bois. H. 41 cm ; l. 26 cm Signé en haut à droite : « V. ch. » Vente publique, Paris, Drouot Richelieu, 24 juin 2005, repr. p. 85 ; don manuel par M. Christian Adrien Département des Peintures, pour la section Histoire du Louvre (R.F. 2011.60) Philibert Delorme, Arcade ionique du palais des Tuileries, département des 206 Sculptures, pour la section Histoire du Louvre (R.F. 2011-03) En 1851, à l’occasion de la restauration de la galerie d’Apollon, chef-d’œuvre du règne de Louis XIV, la décision fut prise d’insérer des portraits tissés par la manufacture des Gobelins dans les cadres sur les trumeaux restés vides. Il fallut attendre 1854 pour que fût arrêté le programme définitif, composé de vingthuit pièces : quatre portraits de souverains marquants pour l’histoire du Louvre et vingt-quatre figures d’artistes ayant participé à son architecture ou à sa décoration. Le portrait de Romanelli, dont la conception fut confiée au peintre Victor Chavet, fut le premier à être commandé et cette esquisse se situe donc aux débuts de la création du programme de tapisserie. Elle servit au carton en grand, mesurant 2,15 m Acquisitions de hauteur, aujourd’hui conservé au musée de la Chartreuse à Douai et modèle pour la tapisserie désormais en place dans la galerie. Dans l’esquisse, Victor Chavet travailla uniquement sur la composition et la place du personnage, laissant vide l’arrière-plan, qui est occupé, dans la version finale, par une vue des appartements d’Anne d’Autriche décorés par Romanelli entre 1655 et 1657. Comme nous ne connaissons aucun portrait d’époque de Romanelli, Chavet se livra à une recréation. Parmi la vingtaine d’artistes à fournir des modèles, Victor Chavet fut le plus sollicité, avec le portrait de François Ier d’après Titien, celui de Le Nôtre, et une monumentale évocation du Louvre de Napoléon III, dont le modèle à grandeur est présenté dans les salles Histoire du Louvre. S. Picot-Bocquillon For the renovation of the Galerie d’Apollon, Victor Chavet submitted four tapestry cartoons out of the twenty-eight that were planned in the definitive programme of 1854, which was devoted to the main rulers and artists who had worked at the Louvre. This oil sketch on wood was a preparatory study for the final cartoon and depicts Romanelli, who painted the decoration of the apartment of Anne of Austria at the Palais du Louvre between 1655 and 1657. Since there was no known portrait of the Italian artist done during his lifetime, Chavet executed a recreation. Victor Chavet, Portrait de Giovanni Francesco Romanelli, 1855, département des Peintures, pour la section Histoire du Louvre (R.F. 2011.60) 207 Vie des collections Musée national Eugène Delacroix Francisco José de Goya y Lucientes (Fuentodos, 1746 – Bordeaux, 1828) « Quien mas rendido? » [Qui est plus esclave ?] 1799 Eau-forte et aquatinte. H. 19,5 cm ; l. 14 cm Planche 27 des Caprices, publié en volume en très petit nombre en 1799 ; 5e état (probablement 1857) ; galerie Paul Prouté S. A., Paris ; don de la Société des Amis du musée Eugène Delacroix Musée Eugène Delacroix (MD 2011-3) Delacroix a repris ce motif de couple sur la grande esquisse peinte acquise cette année (voir page ci-contre, MD 2011-1). Outre l’intérêt iconographique et pédagogique de pouvoir exposer cette estampe à proximité, rappelons que le catalogue de la vente après décès de Delacroix mentionne la présence, rue de Furstenberg, de six planches des Caprices, « épreuves modernes ». Mais, bien avant de pouvoir en acquérir des gravures, Delacroix adolescent avait pu admirer des toiles du maître espagnol chez ses amis Guillemardet, qui avaient dans leur salon le fameux portrait de leur père, à présent au Louvre. Dans une des lettres à Laurent Matheron, biographe de Goya, acquises récemment par le musée, Delacroix le rappelle et insiste sur l’importance des Caprices de Goya, « son chef-d’œuvre ». Outre la toile du musée Delacroix, deux dessins de l’artiste s’inspirent de la même planche 27 : l’un est conservé au Fogg Art Museum à Cambridge et l’autre autrefois dans la collection Alfassa. Ch. Leribault Francisco José de Goya y Lucientes, « Quien mas rendido? », musée Eugène 208 Delacroix (MD 2011-3) Delacroix took up this motif of a couple in the large painted sketch that was also acquired this year (see below). Apart from the iconographical and pedagogical interest of displaying this engraving near it, we should recall that the catalogue of the posthumous Delacroix sale mentions the presence in the rue de Furstenberg apartment of six plates from Goya’s Los Caprichos, described as “modern prints”. Anonyme Caricature de Mlle George Vers 1821 Lithographie. H. 26 cm ; l. 21 cm Don de la galerie Prouté S. A., Paris Musée Eugène Delacroix (MD 2011-6) Delacroix fit ses premières armes de dessinateur comme caricaturiste dans le journal Le Miroir, avec des planches critiquant le régime de Charles X. Cette charge contre la grande tragédienne Mlle George (1787-1867) est rendue particulièrement acide par l’insertion en guise de légende de l’alexandrin tiré de Phèdre, rôle dans lequel elle triompha : « Soleil, je te viens voir pour la dernière fois ! » La lithographie fut considérée de la main de Delacroix, mais elle a été rejetée par Adolphe Moreau puis par Loys Delteil du catalogue de l’œuvre gravé du maître. Les efforts du musée pour constituer un ensemble le plus complet possible de gravures de l’artiste n’auraient pas porté priori- Anonyme, Caricature de Mlle George, musée Eugène Delacroix (MD 2011-6) Acquisitions tairement sur cette pièce, mais sa rareté et son intérêt dans un tel fonds rendent cette donation particulièrement bienvenue. Ch. Leribault Bibliographie Delteil (L.), Le Peintre-graveur illustré. III. Ingres & Delacroix, Paris, chez l’auteur, 1908, 4e section, no 9, repr. Delacroix began his career as a caricaturist. This caricature of the famous tragic actress Mlle George (1787–1867) was once considered to be from the artist’s hand, but has been rejected from the catalogue of his engraved works. The gift of this very rare print is still an interesting addition to the museum’s print collection. Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 – Paris, 1863) Étude de reliures, veste orientale et figures d’après Goya Vers 1824-1827 Huile sur toile. H. 50 cm ; l. 61 cm Vente de l’atelier d’Eugène Delacroix, hôtel Drouot, Paris, 17-29 février 1864, partie probablement du lot no 221 ; acquis par Philippe Burty, exécuteur testamentaire de l’artiste ; vente Burty, 2 mars 1891, no 7 ; acquis par Paul-Arthur Cheramy ; vente Cheramy, 5 mai 1908, no 188 ; acquis par Florine Langweil ; par descendance : collection André et Berthe Noufflard, puis Henriette Guy-Loë ; vente publique, étude Beaussant-Lefèvre, hôtel Drouot, Paris, 10 décembre 2003, no 64, repr. ; galerie Jean-François Heim, Paris ; Conseil artistique du 12 janvier 2011 Musée Eugène Delacroix (MD 2011-1) Alors qu’il s’attelait, dans les années 1824-1827, à d’immenses compositions remplies d’accessoires, comme la Scène des massacres de Scio et la Mort de Sardanapale, l’artiste brossa rapidement ces diverses études d’après deux couvertures d’évangéliaires, une veste orientale et des figures tirées d’une gravure de Goya. On reconnaît en effet, rapidement esquissé en bas à gauche de la toile, le couple de la planche 27 des Caprices de Goya (voir page ci-contre, MD 2011-3). Le pan de veste grecque (koutougouni) qui figure à droite nous ramène aux sujets philhellènes en vogue depuis le soulèvement de la Grèce. Sans doute s’agitil d’un de ces éléments de costume qu’avec des armes ou des instruments de musique les artistes se prêtaient d’un atelier à l’autre. Le peintre et sculpteur Jules Robert Auguste, qui avait voyagé en Grèce, en Asie Mineure et en Égypte, fut l’un des principaux pourvoyeurs de ce type d’accessoires au bénéfice de Delacroix et de Bonington. C’est d’une autre source que relèvent, enfin, les deux études de reliures, conservées à la Bibliothèque nationale de France, alors Bibliothèque royale, que Delacroix fréquenta toute sa vie. Grâce à l’érudition de Jannic Durand, on sait à présent qu’il s’agit de deux reliures carolingiennes provenant du trésor de la cathédrale de Metz et saisies à la Révolution : Évangiles de Drogon, Metz, 845-855 (Ms. Lat. 9388), et Évangiles de Metz, vers 860-870 (Ms. Latin 9383). Les études sont peutêtre en rapport avec la grande toile de Delacroix détruite en 1871, représentant « Justinien composant ses Institutes ». L’absence de lien entre les différents motifs rapidement esquissés qui se chevauchent laisse penser que la toile devait se trouver à portée de pinceau dans un coin de l’atelier du maître. Seuls les unissent le brio de la touche, le rendu chatoyant des matières et de la lumière, souligné par un jeu d’incisions griffonnées dans les empâtements : une ivresse picturale qui justifiait le recours à une toile de cette taille pour un exercice d’ordinaire réservé à de plus petits formats. Oubliée mais non détruite, cette planche d’essais suivit les déménagements de l’artiste jusqu’à sa mort. Cette émouvante étude a désormais retrouvé sa place dans l’atelier de Delacroix, vibrant témoignage de l’élaboration fiévreuse de ses chefs-d’œuvre. Ch. Leribault Bibliographie Delacroix, la naissance d’un nouveau romantisme, catalogue de l’exposition (Rouen, musée des Beaux-Arts, 1998), par Pétry (C.), Johnson (L.), Barthélémy (J.) et al., Paris, Réunion des musées nationaux, 1988, no 51, repr. Eugène Delacroix, Étude de reliures, veste orientale et figures d’après Goya, musée Eugène Delacroix (MD 2011-1) 209 Vie des collections Johnson (L.), The Paintings of Eugène Delacroix, Oxford, Clarendon Press, 1981, I, p. 184, nos L 34 et L 37, comme perdue ; II, pl. 145 (croquis de Robaut) ; VII, 4e supplément, 2002, p. 6, pl. 3. Goya graveur, catalogue de l’exposition (Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, 2008), sous la dir. de Assante di Panzillo (M.) et André-Deconchat (S.), Paris, Paris-Musées, 2008, p. 95, repr. Leribault (Ch.), « Paris. Musée national Eugène Delacroix. Une exceptionnelle esquisse de Delacroix », La Revue des musées de France, 20115, p. 16-18, repr. Peintre et illustrateur oublié des débuts du romantisme, Gillot Saint-Evre est représenté au Louvre par un tableau, acquis au Salon de 1833, Jeanne d’Arc, devant Charles VII, répond aux prélats qui l’interrogent. L’artiste exploite la même veine médiévale dans cette grande lithographie inspirée du roman à succès de Walter Scott Quentin Durward. Les rares épreuves de cette planche non éditée portent toutes de curieux croquis dans les marges inférieures. Delacroix procéda de manière identique, exactement au même moment, dans les marges du Combat du Giaour (1827) et dans les planches du Faust (1827-1828), sans que l’on sache qui des deux en eut l’idée. Ch. Leribault In 1824–27, while he was working on large compositions full of accessories, such as the Scene from the Massacres at Chios and the Death of Sardanapalus, the artist quickly brushed several studies of the covers of two Carolingian evangeliaries from the Cathedral treasury in Metz (preserved in the Bibliothèque Nationale since the Revolution), a Greek vest (Koutougouni) and figures drawn from a Goya engraving (plate 27 of Los Caprichos). The lack of connection between the various juxtaposed motifs suggests that the canvas was within easy reach in his studio. Forgotten, but not destroyed, this sheet of studies followed the artist in his various changes of residence until his death. Gillot Saint-Evre, a now-forgotten painter and illustrator from the early days of Romanticism, took his inspiration for this work from Sir Walter Scott’s bestselling novel Quentin Durward. The few known prints of this unpublished plate all contain strange sketches in the bottom margins. Delacroix worked in the same manner during this same period, in the margins of the Combat of the Giaour and his engravings for Faust. Gillot Saint-Evre (Boult-sur-Suippe, 1791 – Paris, 1858) Louis XI et Isabelle de Croye, scène de Quentin Durward Newton Fielding (Londres, 1799 – Paris, 1856) Oiseaux au bord d’un étang 1828 Lithographie. H. 42 cm ; l. 39 cm Signé et daté en bas à gauche dans le sujet : « G. Saint Evre / 1828 » ; inscription en bas au milieu dans les croquis : « home Sweet home – Colin » Galerie Terrades, Paris (Antoine Cahen, cat. IX, 2010, no 34, repr.) ; don de la Société des Amis du musée Eugène Delacroix Musée Eugène Delacroix (MD 2011-5) 1832 Aquarelle vernissée, plume et encre noire. H. 13,2 cm ; L. 22,7 cm Signé et daté en bas vers la droite : « Newton Fielding 1832 » Inscription calligraphiée sur le montage ancien : « Fielding – offert par Mr le comte de Faucigny » ; vente Millon & Associés, hôtel Drouot, Paris, 8 décembre 2010, no 171, repr. ; don de la Société des Amis du musée Eugène Delacroix Musée Eugène Delacroix (MD 2011-4) L’acquisition en 2009 des portraits croisés de Thales Fielding par Delacroix et de Delacroix par Thales Fielding a été l’occasion de revenir sur cette fratrie d’artistes britanniques installés à Paris, Thales et Newton Fielding, souvent cités dans le journal et la correspondance de Delacroix. Thales, avec qui Delacroix partagea un temps un atelier, rentra à Londres en 1825, mais Newton resta plus longtemps à Paris, où il publia avec un certain succès des recueils de lithographies à sujets animaliers. En 1827, il devint maître de dessin chez le duc d’Orléans. De retour en Angleterre en 1833, sa carrière ne prit pas l’essor espéré et il revint en France en 1855, où il mourut dans la misère, aidé financièrement par Delacroix. Le catalogue de la vente Delacroix en 1864 ne comporte pas moins de vingt-sept aquarelles des deux frères (lot no 669). Cette aquarelle à sujet d’oiseaux est typique de la production de Newton Fielding, dont le musée conservait le portrait présumé peint par Delacroix, mais jusqu’à présent aucune œuvre. Ch. Leribault Thales and Newton Fielding were close friends of Delacroix, who painted their portraits (preserved in the museum) and often mentioned them in his Journal and correspondence. Newton Fielding successfully published lithographic albums of animal illustrations in Paris before becoming drawing master for the Duke of Orléans in 1827. Back in Paris toward the end of his life, he lived in poverty, but was financially assisted by Delacroix. The catalogue of the Delacroix sale of 1864 mentions no less than twenty-seven watercolours by the Fielding brothers. Gillot Saint-Evre, Louis XI et Isabelle de Croye, scène de Quentin Durward, musée 210 Eugène Delacroix (MD 2011-5) Acquisitions Newton Fielding, Oiseaux au bord d’un étang, musée Eugène Delacroix (MD 2011-4) Pierre Joseph Dedreux-Dorcy (Paris, 1789 – Bellevue, 1874) Portrait du comte Charles de Mornay Vers 1835 Huile sur toile. H. 32 cm ; l. 24 cm Château de Montchevreuil, Oise ; galerie Orsay, Paris ; don de la Société des Amis du musée Eugène Delacroix Musée Eugène Delacroix (MD 2011-2) C’est à l’initiative du comte de Mornay (1813-1878), ambassadeur en mission auprès du sultan du Maroc en 1832, que Delacroix dut d’embarquer pour ce voyage qui révolutionna son inspiration. À défaut du portrait peint qu’a laissé Delacroix du diplomate, conservé dans l’ancienne collection Paul Mellon (et de celui, détruit, le représentant chez lui en compagnie du prince Demidoff), ce portrait inédit par Dedreux-Dorcy vient parfaitement compléter le fonds du musée. S’il ne possède aucune toile inspirée par ce séjour au Maghreb, le musée conserve le magnifique ensemble des objets – armes, céramiques, costumes et instruments de musique – que Delacroix en a rapportés. Le marchand chez qui ce portrait a été acquis en possédait deux versions, l’une, de grand format, portant la signature de Dedreux-Dorcy, mais aucune indication sur le modèle, l’autre – celle en réduction à présent au musée – non signée mais munie d’une étiquette ancienne au verso donnant le nom du comte de Mornay. Oncle du peintre de chevaux Alfred de Dreux, Dedreux-Dorcy fut le grand ami et confident de Géricault, qu’il assista lors de ses derniers instants. Ch. Leribault Pierre Joseph Dedreux-Dorcy, Portrait du comte Charles de Mornay, musée Eugène Delacroix (MD 2011-2) At the prompting of the Count of Mornay (1813–1878), then a diplomatic envoy to the Sultan of Morocco in 1832, Delacroix crossed the Mediterranean to visit this unknown land. This unpublished portrait of the count by Dedreux-Dorcy, Géricault’s closest friend, is a perfect addition to the museum’s collection of objects that the artist brought back from his trip to the Maghreb. 211 Vie des collections Restaurations Antiquités orientales Restauration d’un texte littéraire sumérien (« Lamentation sur la ruine d’Ur ») Projet suivi par Béatrice André-Salvini Restauration : Anne Liégey (responsable de la restauration des tablettes cunéiformes) Les quatre-vingt-dix-huit textes littéraires sumériens recueillis et publiés en autographie en 1930 par Henri de Genouillac dans la série des Textes cunéiformes du Louvre (TCL, XV et XVI), font actuellement l’objet d’un programme de conservation préventive et de restauration, réalisé selon le protocole mis en place au Louvre afin de respecter l’aspect et les caractéristiques matérielles de l’objet1. La grande tablette TCL XVI : 402 représente un cas particulier en raison de sa taille, de sa fragilité, de son caractère fragmentaire et de son écriture minuscule, fine et soignée. Le texte qui la recouvre est réparti en quatre cent trente-cinq lignes et six colonnes (trois sur la face et trois sur le revers) et il constitue un exemplaire remarquable d’une composition littéraire se rattachant au genre des lamentations liturgiques sur la chute des grandes cités et des empires, composées dans les années suivant l’événement et devenues œuvres d’écoles et de bibliothèques. Le contexte de sa rédaction est le suivant : la ville d’Ur, capitale de l’Empire sumérien d’Ur III, tomba aux mains de conquérants venus de l’est, les Élamites, en la vingt-quatrième année (2004 avant J.-C. selon la chronologie moyenne) du règne d’Ibbi-Sin, cinquième souverain de la dynastie fondée par Ur-Namma un siècle auparavant. La chute de la ville sonna le glas de la civilisation sumérienne, qui sur- vécut pourtant dans les mémoires comme un « modèle », et ce jusqu’au début de notre ère. La tablette, en terre crue, constituée de vingt-cinq fragments de différentes tailles, était particulièrement fragile. Elle avait déjà fait l’objet de plusieurs interventions entre le début du xxe siècle, moment de sa découverte fortuite, et 1993. Les différents éléments avaient été recollés une première fois au moyen d’une résine peu adhérente, dont il restait quelques témoins, puis de gomme laque, résine plus forte mais devenue brune et cassante avec le temps. Aucun manque n’avait été comblé et certains collages étaient en ressaut. De plus, l’ensemble de la surface avait été recouvert d’une fine couche de vernis qui emprisonnait des restes de terre d’enfouissement, des cristaux de sels et empâtait les signes, particulièrement au revers. En jaunissant, le vernis masquait la couleur de la terre crue. Pour retrouver la lisibilité du texte, le vernis de surface a été éliminé sous loupe binoculaire à fort grossissement. Cette opération a permis de nettoyer la tablette et d’extraire les sels solubles présents en surface sous forme de cristaux dans le creux des signes ou d’une fine « croûte » enrobant plusieurs lignes. Les collages fragiles ou en ressaut ont été démontés. Puis les fragments ont été recollés au moyen d’une résine stable et réversible. Enfin, l’ensemble des manques a été comblé pour assurer une tenue structurelle et retrouver une lisibilité formelle. Aujourd’hui, la tablette a retrouvé sa couleur d’origine, certains fragments ont été replacés, et l’on peut apprécier la précision de l’écriture, ce qui facilite les collations et de nouvelles lectures3, particulièrement utiles en raison de son caractère fragmentaire et de la nécessité de comparer le texte aux duplicatas provenant d’autres ateliers de scribes. B. André-Salvini et A. Liégey 1. Voir RML 2010, p. 20-21, 181. 2. Genouillac (H. de), Textes cunéiformes. XVI. Textes religieux sumériens du Louvre, II, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1930, no 40, pl. LXXXII à XCVII. 3. Voir, en dernier lieu, Samet (N.), « The Ur Lament Tablets: Some Joins and New Readings », Nouvelles assyriologiques brèves et utilitaires, 2010, no 3, note 63, p. 72 (collations effectuées avant la fin de la restauration de la tablette). « Lamentation sur la ruine d’Ur », pays de Sumer (Mésopotamie, Irak actuel), époque paléo-babylonienne, début du IIe millénaire avant J.-C., terre crue, départe- 212 ment des Antiquités orientales (AO 6446) : face et revers avant restauration The large literary tablet TCL XVI: 40, a copy of the Lamentation over the Destruction of Ur, presented particular restoration issues because of its size, fragility and fragmentary character, and because of its minuscule, fine and careful writing. Restaurations The tablet, made of unbaked clay, consists of twenty-five fragments of different sizes. It had already undergone several restorations between its chance discovery in the early twentieth century and the year 1993, but it remained especially fragile. To restore the legibility of the text, the surface varnish was eliminated under a high-power binocular magnifier. That operation made it possible to clean the tablet and to extract the soluble salts forming crystals in the cuneiform cavities and a fine “crust” coating several lines. Where the joins were fragile or jagged, the adhesive was removed. Then the fragments were rejoined with a stable and reversible resin. Finally, « Lamentation sur la ruine d’Ur » : face et revers après restauration all the losses were filled in to assure structural cohesiveness. En 1993 et 2000, il a fait l’objet de nouvelles interventions The tablet returned to its original colour. Some fragments were reposipar Michel Bourbon, qui visaient à renforcer sa structure, à tioned, and it is now possible to appreciate fully the precision of the writéliminer les bouchages très débordants et à le purger des coming, which facilitates collations and new readings. Restauration d’un relief de Ninive (vers 645-640 avant J.-C.) Projet suivi par Élisabeth Fontan Restauratrice : Christine Pariselle Ce fragment de bas-relief (AO 22202) provient du palais du roi assyrien Assurbanipal à Ninive (Irak). Il constituait les deux registres inférieurs d’un orthostate qui décorait les murs d’une salle, nommée « G », consacrée à l’illustration d’une des campagnes contre l’Élam. Il apparaît sur le dessin exécuté sur le site par William Boutcher en 1854 au cours des fouilles anglaises, mais il a été laissé sur place après sa mise au jour. Il a été acquis dans la seconde moitié du xixe siècle par le collectionneur Louis de Clercq dans des circonstances inconnues et fut publié en 1890 dans le tome IV du catalogue de cette collection (no 24, pl. XXII). Il est entré au Louvre en 1967 grâce au don du comte et de la comtesse Henri de Boisgelin. Ce relief est sculpté dans de l’albâtre gypseux, appelé aussi « marbre de Mossoul », très sensible aux intempéries car soluble dans l’eau, ce qui explique son état fragmentaire et l’altération, très prononcée dans certaines zones, de sa surface. blements en plâtre résultant d’une première restauration. Ces interventions ont consisté en une complète dérestauration, avec désolidarisation des dix-sept fragments et leur remontage sur un nouveau support en polypropylène à structure alvéolaire (« nid d’abeilles »). Il avait alors été choisi de ne pas boucher les lacunes et les joints de fracture, à l’exception de la consolidation des bords particulièrement fragiles de quelques fissures, cette restauration de type archéologique donnant un caractère documentaire à l’œuvre. En vue de l’exposition au Louvre-Lens, où ce relief sera présenté en dehors de tout contexte, il a été décidé de reprendre la restauration dans un style illusionniste pour donner plus de cohérence à la scène et améliorer sa lisibilité. Les bouchages des joints de fracture et des lacunes ont été effectués en léger retrait au moyen d’un mortier teinté dans la masse avec des pigments. Ce mortier est constitué d’un mélange de liants à action hydraulique, de poudre de pierre et de sable, liés au moyen d’une émulsion acrylique. Les retouches colorées ont été faites à l’aquarelle et au crayon pastel. É. Fontan This relief from the palace of Ashurbanipal in Nineveh was the object of an archaeological restoration performed by Michel Bourbon between 1993 and 2000. The previous gap-fill was eliminated, and the fragments were remounted on a honeycomb support; the lacunae and fissures were not filled in. In 2011, in anticipation of its display at the Louvre-Lens, Christine Pariselle completed an illusionist aesthetic reintegration to improve legibility. 213 Vie des collections Fragment de bas-relief : convoi de déportés et barques sur un canal, Ninive, Fragment de bas-relief : convoi de déportés et barques sur un canal : après palais d’Assurbanipal, vers 850 avant J.-C., albâtre, département des Anti- restauration quités orientales (AO 22202) : avant restauration Restaurations d’œuvres d’époque romaine : le cas de deux portraits chypriotes peints Projet suivi par Nicolas Bel Restauration et analyses : C2RMF unique dans la série des portraits provenant de Chypre. Datés du début de l’époque impériale, ils ont conservé une polychromie abondante, et des réfections plus ou moins anciennes sont perceptibles. Avant leur présentation dans les salles de l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER), il était intéressant de profiter de leur nettoyage pour étudier de plus près les différents matériaux utilisés pour la polychromie et tenter de dresser une chronologie de ces réfections. Grâce au prélè- Deux portraits chypriotes (une tête masculine, N 1477, une tête féminine, N 1086), légués par Emmanuel Guillaume-Rey au Louvre en 1860-1862, retiennent l’attention par leur caractère Tête d’homme imberbe et tête de femme voilée, début de l’époque romaine impériale, Chypre, calcaire peint, département des Antiquités orientales 214 (N 1086 et N 1477) : avant restauration Tête d’homme imberbe et tête de femme voilée : après restauration Restaurations vement d’échantillons de matière picturale (Sandrine PagèsCamagna, C2RMF, UMR 171 : examen sous loupe binoculaire, microspectrométrie Raman, tests microchimiques, microscopie électronique à balayage) et d’échantillons de pierre (Yvan Coquinot, C2RMF, UMR 171 : examen pétrographique en microscopie optique, détermination de la composition chimique par accélérateur de particules AGLAE), ainsi qu’à l’aide de photographies sous lumière ultraviolette, il a été possible de reconstituer une histoire très similaire pour ces deux œuvres, selon six séquences successives, dont une réutilisation dans l’Antiquité tardive ou au Moyen Âge. Leur nettoyage, effectué dans les ateliers du C2RMF, a fait réapparaître l’intensité des coloris, notamment pour les yeux de la tête masculine. N. Bel Two Cypriot portraits from the Louvre (a male head, N 1477, and a female head, N 1086) are unusual for the remnants of polychromy they display. Prior to their restoration and forthcoming public exhibition, an indepth study was conducted with the C2RMF on the polychromatic materials used and on the chronology of the different repairs, by means of Raman microspectrometry, microchemical tests, electron microscopic scans, a petrographical examination by optical microscope, and a chemical composition analysis via an AGLAE particle accelerator. Restaurations d’œuvres d’époque romaine : le cas d’un portrait monumental d’Agrippine la Jeune Portrait d’Agrippine la Jeune, ier siècle après J.-C., Rwad (île d’Arados, Syrie), marbre, département des Antiquités orientales (AO 4863) : avant restauration Projet suivi par Nicolas Bel Restauration : Christine Pariselle Le portrait d’Agrippine en marbre (AO 4863) fut découvert à Rwad (île d’Arados, sur la côte syrienne) lors de la mission en Phénicie d’Ernest Renan (1860-1861). Si la monumentalité de l’œuvre et la complexité de la représentation de la chevelure ne faisaient pas de doute, la finesse du visage et les détails en très faible relief étaient masqués par une couche de concrétions brunes, complétée au xixe siècle ou au début du xxe par un badigeon ocre destiné à réduire les contrastes de couleurs. En vue de sa présentation dans les salles de l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER), l’œuvre fut confiée à Christine Pariselle, restauratrice, pour une étude préalable, un nettoyage et une préparation au soclage. L’étude n’a pas mis en évidence de couches polychromes antiques ; elle a en revanche permis de relever de nombreux détails sur la fabrication de la sculpture (traces de râpe, de ciseau, de gradine, de deux trépans distincts). Les surfaces encrassées ont été nettoyées par gommage, mais l’élimination des concrétions n’a pu être effectuée qu’à l’aide d’un appareil à ultrasons, tant elles adhéraient au marbre. Enfin, l’ancienne semelle en plâtre a été retirée et remplacée par une semelle en résine. N. Bel A monumental portrait in marble of Agrippina Minor (AO 4863) was restored before its public exhibition. It suffered from a heavy accumulation of dust and a thick sheet of concretions over half the face. The restoration made it possible to identify many details regarding the production of the sculpture (marks from a rasp, chisel and gradine, and from two distinct drills) and to eliminate the concretions by means of an ultrasound machine. Portrait d’Agrippine la Jeune : après restauration 215 Vie des collections Antiquités égyptiennes Conservation-restauration en vue d’une nouvelle présentation au public : les collections de l’Égypte romaine du Louvre Projet suivi par Sophie Duberson (restauratrice) et Florence Gombert-Meurice (conservateur) Analyses et restaurations au C2RMF sous la direction de Noëlle Timbart (conservateur), en collaboration avec Florence Gombert-Meurice. Restaurations : Isaure d’Avout-Greck, Anne Courcelles, Patricia Dal Pra, Geneviève Delalande, Carole Fierle, Daniel Ibled, Manuel Leroux, Régina Moreira. Analyses et photographies : Elsa Lambert (photographie), Juliette Langlois (cire), Éric Laval (microfluorescence), Manuel Leroux (bronzes), Sandrine PagèsCamagna (polychromie) Restaurations au département : Laure Cadot, Sophie Duberson (coordination des restaurations des sculptures et des céramiques), Juliette Dupin, Madeleine Fabre, Dominique Faunières, Laure de Guiran, Cécile Lapeyrie, Christine Pariselle, Olivier Tavoso, Frédérique Vincent 216 À l’automne 2012, une nouvelle section consacrée aux provinces orientales de l’Empire romain dite « Orient méditerranéen dans l’Empire romain » (OMER) ouvre ses portes autour de la cour Visconti. Elle rassemble les collections relevant de l’Égypte, de la Syrie et de l’Asie Mineure à l’époque romaine réparties aujourd’hui au sein des trois départements antiques (Antiquités orientales, Antiquités grecques, étrusques et romaines et Antiquités égyptiennes). En 1997, la galerie d’art funéraire présentait une sélection de portraits peints, de masques en stuc, de linceuls et de stèles égyptiennes de la période. Ce sont désormais plus de six cent quatre-vingts pièces qui sont exposées, incluant des figurines de terre cuite, des statues, des inscriptions, des vêtements, des bijoux et de la vaisselle de faïence, de métal et de terre cuite ainsi que de la verrerie. Ce projet muséographique s’est accompagné d’un important programme de conservation-restauration, lancé en 2009, qui devait assurer la conservation des œuvres dans les futurs espaces en adoptant des partis pris muséographiques et faire le bilan de l’état de conservation des collections tout en améliorant leur lisibilité. Une climatisation performante (miniclimat) est mise en place dans les vitrines conservant des matériaux organiques. Un diagnostic établi à partir de l’examen de l’ensemble des œuvres a permis de répertorier les altérations nécessitant des interventions de conservation curative et de stabiliser le caractère évolutif de certaines d’entre elles. L’extraction des sels solubles (sulfates) par bain a, par exemple, été proposée pour quelques figurines en terre cuite particulièrement fragiles (statue d’Harpocrate, E 29771). Une campagne de constat d’état et de dépoussiérage des portraits peints a mis en évidence la sensibilité d’un portrait de jeune femme memphite de la collection Laborde, peint à la détrempe, dont la couche picturale extrêmement fine a été refixée en respectant son aspect mat. Dans l’ensemble, il est cependant rapidement apparu que les collections étaient dans un état de conservation satisfaisant. La lisibilité des œuvres était en revanche souvent amoindrie par l’empoussièrement ou par les interventions dont elles avaient fait l’objet par le passé. Le programme était complexe à mener, en raison du nombre important de pièces et de la diversité des matériaux et des techniques représentés (pierre, plâtre, terre cuite, textile, métal, faïence). Les interventions se sont déroulées dans les réserves du département ou dans les ateliers du C2RMF. Notre démarche a consisté à homogénéiser l’état de la collection en considérant à la fois sa confrontation à venir avec les œuvres des autres départements et le caractère unique de chacune d’elles. On a fait le plus souvent le choix d’interventions minimalistes, mais la salissure accumulée sur la surface des œuvres depuis leur entrée dans le musée a le plus souvent été éliminée selon des niveaux de nettoyage définis avec Guillemette Andreu-Lanoë. Les vestiges de restaurations anciennes, tels que les bouchages et les retouches, n’ont été retirés que s’ils empêchaient une lecture correcte des œuvres. En revanche, les marquages vieillissants, les vestiges de plâtre de scellement ou de systèmes d’accrochage inutiles ont été systématiquement éliminés. Les interventions de conservation et de restauration des céramiques et des sculptures ont été consignées dans une base de données collective créée à cet effet afin de garder en mémoire l’histoire matérielle de chaque pièce et de la campagne dans son ensemble comme un moment de l’histoire commune des œuvres. Les matériaux et les techniques utilisés ont été étudiés et analysés au C2RMF. Les prélèvements faits sur les stèles polychromes ont par exemple permis d’identifier la nature des pigments. Certains se sont révélés étrangers à la tradition égyptienne, mais sont attestés dans la production romaine (stèle N 333). De même, l’analyse du liant de la couche picturale du panneau du Dioscure E 10815 a permis d’établir qu’il n’y avait pas trace d’usage de cire et de proposer un dégagement avec une méthode adaptée. Trois interventions fondamentales ont été plus poussées que les autres, l’une sur l’inscription en grec signée d’un certain Arrien provenant de la patte avant gauche du sphinx de Giza (C 126), une autre sur une peinture sur bois représentant un Dioscure (MND 193 – E 10815) et la dernière, toujours en cours, sur un linceul et un masque plastron provenant probablement de la nécropole d’Hermopolis (Touna el-Gebel) acquis en 2000 (E 32634 A et B). Restauration de l’inscription poétique de la patte avant gauche du sphinx de Giza L’inscription provenant de la patte avant gauche du sphinx de Giza court sur plusieurs blocs de restauration du parement du monument à l’époque romaine. Il s’agit d’un texte poétique témoignant de l’interprétation grecque de ce célèbre monument égyptien. Cette inscription fut mise au jour en 1818 par le capitaine Gianbattista Caviglia (1770-1845) alors qu’il désensablait le sphinx ; elle est entrée au Louvre avec la collection Henri Salt en 1826. Restaurations L’instabilité des assises supérieures du monument, la fragilisation des joints et la lourdeur de sa présentation nous décidèrent pour une intervention complexe de démontage, de consolidation au silicate d’éthyle puis de remontage sur une structure métallique moderne. Cette dernière opération devait considérablement améliorer la présentation de l’œuvre en redonnant une forme naturelle au fragment (correction de la courbe et du fruit du mur par rapport au montage préexistant). Au début de l’intervention, nous pensions nous référer à un dessin de J. A. Letronne exécuté à partir d’un fac-similé de Caviglia et à un relevé de Caviglia lui-même. Toutefois, la confrontation des documents anciens avec l’œuvre fit apparaître qu’aucun de ces dessins ne pouvait être utilisé comme modèle d’assemblage – même si ces deux documents sont des témoignages essentiels pour la restitution de la totalité du texte, aujourd’hui en partie disparu. Les proportions des pierres ainsi que l’agencement du texte n’y sont en effet pas reportés de manière exacte. Finalement, c’est un trait de contour préparatoire correspondant à la « page » ménagée sur la surface par le Inscription métrique gravée sur une phalange de la patte avant gauche du sphinx de Giza, iie siècle après lapicide pour son inscription qui a servi J.-C., Giza (Égypte), calcaire, département des Antiquités égyptiennes (N 277 – C 126) : avant et après d’indice pour le remontage. L’alignement restauration vertical de ce trait gravé, visible sur trois assises différentes, a permis de retrouver un agencement logique conforme à la disposition d’origine des blocs. Sainte-Croix (L. de), « Fouilles de A. Mariette au grand Sphinx de GiL’assemblage final a été effectué sans jointoyer les blocs à zeh », Revue archéologique, X, 2, Paris, 1854, p. 717. proprement parler mais en les maintenant en place au moyen Bernand (É.), Inscriptions métriques de l’Égypte gréco-romaine. Recherches de semelles en résine patinées en surface afin de privilégier sur la poésie épigrammatique des Grecs en Égypte, Paris, Les Belles la réversibilité du montage. La présentation est visuellement Lettres, 1969, no 129, p. 509-519, pl. 88. allégée par la structure métallique évidée à l’emplacement des Bernand (É.), Inscriptions grecques d’Égypte et de Nubie au musée du Louvre, blocs manquants. Paris, CNRS, 1992, no 36, p. 89-90, pl. 27. L’œuvre est présentée dans une vitrine de la section consaZivie-Coche (Ch.), Sphinx ! Le Père la terreur, Paris, Noêsis, 1997, p. 135-136. crée aux cultes mettant en valeur la question de l’interpretatio Les Empereurs du Nil, catalogue de l’exposition (Tongres, Musée gallograecae et les nouvelles pratiques dans l’Égypte romaine. romain ; Valenciennes, musée des Beaux-Arts ; Lyon, musée de la Civilisation gallo-romaine ; Amsterdam, musée Allard Pierson, 2000- Bibliographie Clarac (F. de), Musée de sculpture antique et moderne, ou Description historique et graphique du Louvre et de toutes ses parties, II, 2, Paris, Imprimerie royale, 1841, no 496, p. 898, pl. LVII. 2001), sous la dir. de Willems (H.) et Clarysse (W.), Louvain, Peeters, 2000, no 31, p. 159-160. Usick (P.) et Manley (D.), The Sphinx Revealed: A Forgotten Record of Pioneering Excavations, Londres, British Museum Press, 2007, p. 9, 13, 42. Vyse (R. W. H.), Operations Carried on at the Pyramids of Gizeh in 1837, Appendix, Londres, J. Weale, 1842, III, p. 118, pl. E. Letronne (A. J.), Recueil des inscriptions grecques et latines de l’Égypte étudiées dans leur rapport avec l’Histoire politique, l’Administration intérieure, les Institutions civiles et religieuses de ce pays depuis la conquête d’Alexandre jusqu’à celle des Arabes, II, Paris, Imprimerie royale, 1848, no 541, p. 480-486. Rougé (E. de), Notice des monuments exposés dans la galerie d’antiquités égyptiennes (salle du rez-de-chaussée) au musée du Louvre, Paris, Vinchon, 1852, no 126, p. 98. La restauration d’un fragment de panneau représentant l’un des Dioscures Cette restauration avait pour objectif d’améliorer la lisibilité de ce rare témoin de la peinture sur bois datée du iie siècle de notre ère, inscrite sur les inventaires du département en 1900 (à la suite d’un achat de Georges Bénédite au Caire en 1899) et presque immédiatement « cédée » (mot inscrit sur l’inventaire) au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines en raison de son style gréco-romain1. 217 Vie des collections Panneau représentant un Dioscure, début du iie siècle après J.-C., oasis du Fayoum ?, bois de saule peint à la détrempe, feuille d’or, département des Antiquités égyptiennes (E 10815 – MND 193) : avant restauration 218 Panneau représentant un Dioscure : après restauration Après un contrôle du support et son nettoyage au revers qui permit de supprimer les colles débordantes autour des fissures, il fut convenu, avec le restaurateur de la couche picturale, de décrasser l’œuvre en limitant le plus possible nos interventions : notre objectif était de mieux comprendre les zones les moins homogènes de l’œuvre et de l’alléger de ce qui nuisait le plus à sa compréhension. Une photographie infrarouge ancienne montrait que le panneau était autrefois encastré dans un support en bois sur lequel les contours disparus du dieu avaient été redessinés de manière assez imaginative. Entre cette photographie et l’époque actuelle, rien n’était plus documenté avant 1998, date à laquelle le Laboratoire de recherche des musées de France avait fait des photographies scientifiques et caractérisé la nature du support, qui se révéla être du saule. Une analyse du liant, effectuée par Norman Muller (Princeton University) sous la responsabilité de Marie-France Aubert (alors conservateur au département) en 2005, avait conclu que le panneau était peint à l’œuf. L’analyse produite par le C2RMF en 2011 a confirmé l’absence de liant à la cire. L’image composite infrarouge fausse couleur révélait de nombreux repeints et laissait présager la complexité de l’intervention. Le dépoussiérage du panneau fit aussi rapidement comprendre qu’il fallait dégager une couche qui le couvrait intégralement, sans doute de l’acétate polyvinylique en émulsion, visible sur la photographie de fluorescence UV, et que nous n’avions pas su interpréter jusqu’alors. Elle fut retirée mécaniquement. La facture de la couche picturale originale de l’œuvre, légère et maîtrisée, contrastait avec les repeints grossiers. Cela nous décida à retirer ces derniers à deux endroits où ils formaient une masse particulièrement disgracieuse : sur la jupe et sur la cassure centrale allant du milieu du buste jusqu’à la main gauche du dieu. Le dégagement de la taille du dieu fit disparaître la ligne de contour noire qui en soulignait faussement la silhouette et rendait peu compréhensible le positionnement de l’épée (?) – à gauche –, dont la lame, repeinte à son extrémité, semblait se perdre mollement derrière le dos. La lacune aujourd’hui visible (sans mastic) a été légèrement colorée à l’aquarelle afin de maintenir une continuité visuelle et de donner au poignard une forme plus repérable. Il est en outre devenu plus facile de restituer la silhouette du dieu, dont la taille devait suivre des contours conformes à ceux d’une cuirasse à écailles. Notre objectif principal étant d’améliorer la lisibilité, tous les anciens repeints et mastics de restauration n’ont cependant pas été ôtés. Ainsi, en l’absence d’étude plus poussée, le repeint sur la main gauche du dieu, en partie couverte de mastic, a été conservé ; il est peut-être, en l’état, le seul témoin de ce qui a été observé à l’époque de la restauration. Nous avons toutefois été amenés, de manière très ponctuelle, à retoucher les anciens repeints de restauration quand leur couleur avait considérablement viré (le jaune doré de la cuirasse était par exemple devenu vert). C’est dans la partie inférieure de l’œuvre, entre les jambes du dieu, que la situation était la plus confuse. On y distinguait à peine un sabot, qui avait permis à Vincent Rondot d’identifier notre dieu militaire nimbé à l’un des Dioscures accompagné de son cheval. Si la photographie infrarouge ancienne montrait, d’après nous, que le manteau du dieu partait à l’oblique entre ses jambes et qu’il y avait peut-être le départ d’une jambe Restaurations postérieure de cheval, la photographie infrarouge récente et celles en lumière rasante révélaient une immense lacune. Il fut cependant décidé de retirer les repeints, de couleur pourpre sous la jupe et noirs entre les mollets et autour du sabot du cheval, qui alourdissaient considérablement l’œuvre. Dans l’ensemble, le nettoyage de cette partie permit de mieux comprendre l’histoire de l’œuvre et d’en saisir les contours antiques. Près du mollet gauche du dieu, dans de petites lacunes où le bois ne présentait plus aucune trace de préparation antique, des vestiges de couleur pourpre gardaient le souvenir d’un badigeon moderne ; le même phénomène s’observait sur une plus Panneau représentant un Dioscure : grande échelle sur les lacunes photo ancienne sous infrarouge du bord senestre au niveau de la hanche du dieu (conservées en l’état). Ces restes de badigeon furent purifiés, car ils étaient désormais plus nets que les repeints environnants et induisaient en erreur. Sous la jupe du dieu, un repeint, de couleur pourpre également, qui raidissait le volant inférieur, s’éliminait aisément avec un solvant aqueux – à l’inverse des autres couches de peinture de même couleur, qui résistaient parfaitement dans la même zone2. Son élimination mit en valeur une couche de peinture rose originale qui, d’après l’ancienne photographie infrarouge, semblait être un repli du manteau, ce dernier étant rabattu sur l’épaule droite du dieu (voir son départ oblique indiqué par un trait de dorure sur l’épaule). Le repeint sombre posé de façon uniforme faisait donc ressortir la figure, mais trahissait sans doute l’œuvre originale3. Entre les mollets et autour du sabot présumé du cheval, l’observation au microscope indiquait que la couche noire hétérogène formait un amalgame de crasse mélangée à d’anciens repeints, qui, une fois retirés, ont mis en évidence des restes de polychromie rose conservés à côté du mollet gauche du dieu, vestiges probables du manteau qui descendait bas à cet endroit (à en juger par la photographie infrarouge ancienne). Les contours de la jambe droite sont apparus plus nets, bien que très usés dans l’intérieur de la cuisse. L’intervention a néanmoins confirmé ce que nous avions supposé : très peu de peinture originale était conservé. Au fur et à mesure du nettoyage, mené sur plusieurs jours avec des temps de réflexion et d’observation sous loupe binoculaire, nous avons pourtant eu la joie de discerner d’infimes traces de peinture noire originale (?) qui semblaient dessiner des traits discontinus sous et sur le présumé sabot (dont il ne restait presque plus rien de lisible après retrait du repeint noir). Nous avons choisi de rejoindre ces points, pour un essai, par des retouches légères et réversibles à l’eau afin de rendre les Panneau représentant un Dioscure : Panneau représentant un Dioscure : photo sous fluorescence UV photo sous lumière rasante 219 Vie des collections lignes que nous pensions distinguer plus évidentes. Nous avons observé, dans un second temps, qu’elles concordaient très exactement avec des lignes visibles sur la photographie infrarouge : elles dessinaient la partie inférieure du sabot et esquissaient la courbe de la jambe postérieure du cheval (?), une courbe que le repeint avait totalement occultée. Nous avons donc conservé nos retouches afin de rendre plus lisibles ces formes presque disparues. Néanmoins, nous n’avons pas souligné ce que nous interprétons comme le bord partant à l’oblique du manteau, car, malgré ce que nous avons observé sur la photographie infrarouge, nous n’avons rien vu sur l’œuvre permettant d’aller aussi loin, même si, avant le dégagement de la zone, l’ancien repeint de restauration l’évoquait par une ligne noire Panneau représentant un Dioscure : accentuée traversant le molen cours de restauration let droit du dieu – suivant un goût pour le contraste déjà observé sur le buste et sous la jupe du dieu. Afin d’harmoniser l’ensemble, nous avons fait de petites retouches à l’aquarelle pour fermer les zones où seule la couche de préparation de la peinture était conservée. À ce stade, les repeints de restauration les plus appuyés et les plus discordants ont été retirés, mais une étude plus poussée de la polychromie – celles du manteau, de la jupe, ou de la préparation – serait utile pour intervenir plus avant. L’opération, à cet égard, reste dans l’esprit de l’ensemble des restaurations effectuées pour l’ouverture des nouvelles salles de l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain : se limiter aux restaurations nécessaires à la conservation immédiate et à la bonne compréhension des œuvres, ménager l’avenir et parfois ouvrir des pistes de recherche. Nous espérons que le visiteur, en découvrant cette œuvre dans les salles, pourra pleinement savourer le moment rare de voir une peinture sur bois d’époque romaine non funéraire, sans doute destinée à un sanctuaire et qui, grâce aux multiples carrés d’or qui y étaient disposés, encore visibles de nos jours, avait sans doute une aura particulière. Nous espérons que la restauration l’aidera à en mieux saisir la finesse. F. Gombert-Meurice et S. Duberton Bibliographie Héron de Villefosse (A.), et Michon (É.), « Musée du Louvre. Département des Antiquités grecques et romaines. Acquisitions de l’année 1900 », Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1900, no 172, p. 369. Reinach (S.), Répertoire de peintures grecques et romaines, Paris, Leroux, 220 1922, no 4, p. 407. Frel (J.), « Book Reviews: E. Coche de la Ferté, Les portraits romanoégyptiens du Louvre, Paris, 1952 », Archiv Orientální, XXIII, Prague, 1955, p. 313. Parlasca (K.), Mumienporträts und verwandte Denkmäler, Wiesbaden, Steiner, 1966, p. 60, note 9, p. 258, Taf. 21, 1. Sorries (R.), Das Malibu-Triptychon: ein Totengedenkbild aus dem römischen Ägypten und verwandte Werke der spätantiken Tafelmalerei, Dettelbach, Röll, 2003, no 32, p. 142-143. Sorries (R.), « Kaiserzeitliche Votivgemälde aus Ägypten [Chronique] », Chronique d’Égypte, LXXIX, 157/158, Bruxelles, 2004, p. 327. Rondot (V.), Derniers visages des dieux d’Égypte, à paraître. 1. Nous avons travaillé avec le concours de M. Daniel Roger, conservateur dans ce département. La restauration ayant eu lieu dans les ateliers de restauration des pièces archéologiques au C2RMF, nous nous sommes souvent réunis avec Mme Noëlle Timbart pour fixer des orientations. Nous avons en outre été amenés à travailler sur l’œuvre dans les ateliers de peinture du C2RMF, où Mme Clarysse Delmas a assuré notre accueil. 2. Peinture originale ou repeints de restauration plus anciens produits avec une autre technique de retouche ? L’analyse n’est pas faite. 3. Il faut d’ailleurs noter que la peinture pourpre à gauche du dieu et le noir encore présent autour du poignard du dieu, qui appuient sur les contrastes, sont certainement aussi des repeints de restauration, plus anciens encore, que nous n’avons pas retirés faute d’une étude de polychromie plus poussée et craignant d’endommager trop sérieusement l’aspect général de l’œuvre sans retrouver pour autant de peinture originale. In the autumn of 2012, a new area devoted to the eastern provinces of the Roman Empire, OMER, will be created around the Cour Visconti and will bring together the collections relating to Egypt, Syria and Asia Minor during the Roman period, which are currently housed in three departments of antiquities (Near Eastern Antiquities, Greek, Etruscan, and Roman Antiquities and Egyptian Antiquities). This project was accompanied by a major programme of conservation and restoration, launched in 2009, to ensure the conservation of the works in the future areas by setting aside special galleries, and to assess the state of conservation of the collections, while improving their legibility. The programme was difficult to carry out because of the large number of works and the diversity of the materials and techniques represented (stone, plaster, terracotta, textiles, metal and pottery). The interventions were carried out in the department’s reserve collections and the C2RMF’s workshops. Our approach was to homogenize the collection’s condition by taking into account the comparisons that will be made with the works from other departments and each work’s unique quality. Three critical interventions were carried out in more depth than the others: one on the Greek inscription signed by a certain Arrianus, originating from the front left paw of the Sphinx of Giza (C 126), another on a painting on wood representing a Dioscure (MND 193 - E 10815), and the third and last is an ongoing intervention on a shroud and a plastron that probably originate from the necropolis of Hermopolis (Tuna el-Gebel) and were acquired in 2000 (E 32634 A and B). Restaurations Antiquités grecques, étrusques et romaines Las Incantadas, restauration des éléments de sculpture architecturale de l’agora de Thessalonique Projet suivi par Daniel Roger et Ludovic Laugier Étude préalable (mars 2009) : Bruno Perdu (restaurateur) Restauration (janvier 2010 – septembre 2011) : Bruno Perdu Microscopie optique et électronique à balayage pour stratigraphie sur échantillons ; spectrométrie : Olivier Bobin (Centre d’innovation et de recherche pour l’analyse et le marquage) Étude de la provenance des marbres (2011) : Annie et Philippe Blanc (université Paris VI Pierre-et-Marie-Curie, département de géologie sédimentaire, laboratoire de biominéralisation et paléoenvironnement) Chapiteaux corinthiens (Ma 1395 à Ma 1399) ; éléments de frises à godrons (Ma 1400 et Ma 1401) ; fragment d’architrave (Ma 1404) ; piliers (Ma 1391 à Ma 1394) On appelle traditionnellement Las Incantadas, « Les Enchantées », les piliers sculptés du musée du Louvre provenant de Thessalonique. L’expression est espagnole car le portique auquel appartenaient ces piliers se situait dans le ghetto juif de Thessalonique, dont la population était principalement constituée d’Espagnols ayant fui les persécutions des Habsbourg pour trouver refuge dans différentes villes de l’Empire ottoman. L’emplacement précis du portique des Incantadas, dans le ghetto juif de Thessalonique, ravagé par l’incendie de la ville en 1917, a pu être déterminé par Aristotelis Mentzos en 1997. Dans le plan de la cité à l’époque impériale, ce secteur correspondait à un complexe de thermes côtoyant l’agora. Le portique à piliers sculptés décorait soit le côté sud de la partie méridionale de l’agora, soit la palestre des thermes. Le portique, nettement plus haut que le reste du péristyle avec son étage à pilastres, devait appartenir à une façade monumentale. La construction de ce complexe étant postérieure à celle de l’agora romaine, la palestre doit dater de la deuxième décade du iiie siècle de notre ère, sous la dynastie des Sévères. Le style des figures en relief des piliers s’accorde avec cette datation. Les piliers sont connus et régulièrement décrits par les voyageurs depuis le xviie siècle. Parmi de multiples témoignages, il faut citer les dessins exécutés lors de la mission du marquis Pilier sculpté, face B : Victoire tenant une guirlande, marbre de Thasos, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 1391) : avant restauration Victoire tenant une guirlande : après restauration 221 Vie des collections 222 L’état des éléments d’architecture de Thessalonique avant leur restauration témoignait de la longue histoire des Incantadas. Les piliers présentent des mutilations que Paul Perdrizet, dans une publication de 1930, attribuait au vandalisme des chrétiens puis des musulmans. Miller écrit dans sa correspondance que « les janissaires s’amus[aient] à tirer dessus ». Ainsi, la disparition des visages de Léda et d’Aura pourrait ne pas être purement accidentelle. Plus généralement manquent les deux bras d’Ariane, de Léda, du Dioscure et de la Victoire, le bras gauche d’Aura, ainsi que les bras droits de la Ménade, de Dionysos et de Ganymède, dont la jambe droite est également perdue. Outre les accessoires que les personnages, telle la Victoire, pouvaient avoir en main, de nombreux détails ont été amputés : la tête de l’aigle du groupe de Ganymède, le protomé de cheval qui accompagne le Dioscure, la panthère parèdre de Dionysos, la tête et les bras de Léda qui tend son manteau. Outre ces grandes lacunes, les épaufruPilier sculpté, face A : Dionysos, marbre de Thasos, Pilier sculpté, face B : Enlèvement de Ganymède, res du marbre sont innombrables, ainsi département des Antiquités grecques, étrusques marbre de Thasos, département des Antiquités que les impacts. Sur les piliers de la Méet romaines (Ma 1393) : avant restauration grecques, étrusques et romaines (Ma 1394) : avant nade et de la Victoire (Ma 1391), d’Ariane restauration et du Dioscure (Ma 1392) et de Léda et Ganymède (Ma 1394), on observe d’importantes fissures qui Gravier d’Otières, en 1686, les Voyages de Paul Lucas (Amstersuivent le lit du marbre, mais il ne s’agit pas de défauts strucdam, 1714), la Description of the East and Some Other Countries turels : pas de ligne de fracture, ni de veine déliquescente. Le de Richard Pocoke (Londres, 1755), les Antiquities of Athens de seul véritable problème de structure rencontré se trouve sur le James Stuart et Nicholas Revett (Londres, 1794), le Voyage en chapiteau corinthien Ma 1396, où une très large fracture avec Macédoine d’Esprit Marie Cousinéry avec un dessin de Louis déplacement s’ouvre depuis la base quasiment jusqu’à l’abaque. François Cassas (Paris, 1831), et les Travels in Northern Greece de Connaissant les nombreux incendies dont a souffert ThesWilliam Martin Leake (Londres, 1835). salonique, on pouvait craindre, au vu de la très grande hétéroEn 1864, Emmanuel Miller, envoyé en Grèce du Nord par Nagénéité de l’aspect de surface des piliers, que ces derniers ne se poléon III et le comte de Nieuwerkerke pour collecter des sculpsoient trouvés dans les flammes, exposés à de fortes chaleurs. tures et des inscriptions, reçut l’ordre de faire transporter à Paris Ainsi, par endroits, la surface du marbre est partie par petites le portique des Incantadas. Avec l’accord des autorités turques, plaques, ce qui laissait redouter un risque de desquamation. Miller fit démonter le portique pour expédier à Paris cinq chapiFinalement, le marbre ne présente pas les altérations consécuteaux corinthiens, deux parties de la frise à godrons, un fragtives au feu. L’épiderme du marbre, s’il était très localement ment des fasces de l’architrave et les piliers sculptés de l’étage, écaillé, est encore tout à fait solidaire du cœur des blocs. où sont représentés une Ménade et une Victoire, Dionysos et Mais, surtout, typiques des monuments longuement expoAura (la brise), Ariane et un Dioscure, Léda et l’enlèvement de sés à l’extérieur, des croûtes noires s’étaient formées dans les Ganymède. Miller n’eut pas les moyens d’expédier tout l’entacreux des sculptures et sur les zones où la surface est érodée du blement ni les cinq colonnes monolithes en marbre cipolin. fait du ruissellement des eaux de pluie. L’épaisseur en était très Le portique est présenté au Louvre à partir du tout début du variable, allant jusqu’à un dépôt de plus de 1 mm d’épaisseur. xxe siècle, sous la forme d’une reconstitution partielle de son éléL’aspect localement très noir nous a poussés à supposer une vation, salle Daru. Depuis 1983, les piliers sont exposés seuls dans stratigraphie où les matières minérales alternaient avec des la salle d’Auguste (salle 27). L’exposition du Louvre « Au royaume couches carbonées chargées de suie. De plus, par prudence et d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » (octobre 2011 – bien que les piliers aient été exposés durant plusieurs siècles janvier 2012) a été l’occasion de présenter de nouveau tous les aux intempéries, le restaurateur a cherché à vérifier à chaque éléments rapportés par Miller, après une restauration spectacuétape que des indices de polychromie ancienne ne se troulaire qui a complètement renouvelé leur perception. Avec l’achèvaient pas piégés sous les croûtes noires. À cette fin, des échanvement du projet de réaménagement global des salles étrusques tillons ont été observés tout au long de l’opération. et romaines, dans quelques années, ces éléments devront être rePar ailleurs, plus superficiellement, de larges taches jaunes montés dans la cour du Sphinx, en fonction des données acquises s’apparentaient à ce que les restaurateurs ont l’habitude d’obà la lumière de l’exposition et de la restauration. Restaurations Dionysos, marbre de Thasos : après restauration Enlèvement de Ganymède : après restauration server sur les marbres anciens de la collection du Louvre. Elles résultaient de l’application de produits cireux utilisés jadis pour rehausser l’éclat des marbres antiques. Mais, sur les piliers des Incantadas, leur rôle était aussi d’atténuer les contrastes entre le marbre « propre » et leszones sombres. Elles se trouvaient ainsi sur les parties saillantes, plus blanches (torse de Dionysos, hanche de la Ménade...). L’encrassement et l’empoussièrement des piliers, inhérents à des œuvres exposées depuis le xixe siècle, contribuaient également à rendre ces reliefs moins lisibles. Quant aux chapiteaux, deux d’entre eux ont été gardés durant quelques années dans une cour du Louvre, à ciel ouvert, et se sont colorés en profondeur d’oxydes de cuivre. Le travail de restauration s’est donc limité à la surface du marbre, particulièrement à son nettoyage. Trois méthodes ont été testées : un nettoyage aqueux à base de compresses imprégnées de carbonate d’ammonium (30 g/l), d’EDTA (25 g/l) en solution dans de l’eau déminéralisée ; un nettoyage au microsablage à l’oxyde d’aluminium (29 µm) ; un nettoyage au laser Nd Yag (1064 nm) en mode Q-switch, testé à différentes fréquences et énergies d’impulsion. Malgré de longs temps de pose (jusqu’à 48 heures), la méthode aqueuse n’a pas permis de nettoyer les zones noires. Ces dernières étaient bien éliminées au laser ; le marbre apparaissait légèrement jaunâtre. Au microsablage, le marbre devenait blanc tout en gardant sa patine ancienne. Comme pour le test au laser, on a vérifié à la loupe binoculaire Zeiss 4x, 30 cm, que l’épiderme n’était pas érodé par cette méthode. 223 Vie des collections Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, ces tests ont montré que les salissures et les croûtes noires n’étaient pas indurées dans l’épiderme de la pierre, ni très adhérentes. La couleur naturelle du marbre n’a pas disparu, mais nulle trace de polychromie n’a pu être mise en évidence, malgré des fantômes de tracés, peut-être des restes de pigments imprégnés dans la pierre, notamment sur la queue de l’aigle du groupe de Ganymède. Il aurait été logique de voir les piliers revêtir un aspect différent des autres éléments architecturaux, dans la mesure où, si l’ensemble provient de carrières thasiennes, les piliers ont été sculptés dans le marbre du cap Vathy, alors que les chapiteaux, avec les restes de l’entablement, ont été taillés dans le marbre de la carrière d’Aliki. En fait, la différence qui frappe est celle que l’on observe entre les deux chapiteaux exposés durant plusieurs décennies dans une cour du musée et les trois autres restés à l’abri. Les premiers se sont déminéralisés tout en se chargeant d’oxydes de cuivre verts, devenant saccharoïdes. Une fois les oxydes éliminés par de nombreuses poses de compresses, l’aspect très blanc contraste avec la belle patine jaune des chapiteaux gardés à l’intérieur après leur arrivée de Thessalonique. La même déminéralisation s’observe sur le petit fragment de frise à godrons. D. Roger Bibliographie Perdrizet (P.) « L’Incantada de Salonique », Monuments Piot, 31, 1930, p. 51-90. Guerrini (L.), « Las Incantadas di Salonico », Archeologia Classica, 13, 1961, p. 40-70, pl. XIII-XXX. Laugier (L.) et Sève (M.), « Colonnade de l’Incantada », dans Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique, catalogue de l’exposition (Paris, musée du Louvre, 2011-2012), Paris, musée du Louvre éditions et Somogy, 2011, p. 576-588. In 1865 the members of Emmanuel Miller’s mission returned from Thessaloniki with decorative architectural elements which had stood in the city’s Jewish district and were given the Spanish name of Las Incantadas. Until 2010 they still had a black deposit—which was sometimes very thick—in the hollow areas, resulting from runoff water and atmospheric pollution. In addition to the layers of museum dust, attempts had been made to harmonize the elements by applying an oily patina on the light areas of the carved pillars. A restoration procedure, which mainly consisted of cleaning with micro sandblasting, indicated that despite the thickness and extent of these deposits they had not penetrated the surface of the marble and were easily removed. No trace of polychrome was found despite constant surveillance of the work under binocular magnifier and numerous examinations. Sept ans d’études et de restauration des peintures d’époque romaine du musée du Louvre Projet suivi par Daniel Roger et Delphine Burlot (INHA) Étude préalable (2009) : Delphine Burlot Restauration : Delphine Burlot et Céline Maujaret (C2RMF) 224 Les peintures dont il est ici question sont en réalité des fragments de fresques murales détachés à l’époque moderne des murs de bâtiments décorés par des artisans romains. En revanche, les masques funéraires dits « peintures du Fayoum », dont la plupart figurent dans les inventaires du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, sont en fait conservés au département des Antiquités égyptiennes. Si, lors de l’exécution des fresques, les pigments sont déposés directement sur l’enduit frais avec lequel ils se solidifient (carbonatation), les couleurs a tempera des masques égyptiens sont mêlées à un liant (le jaune d’œuf par exemple) qui les maintient après séchage. De taille modeste, la collection du Louvre compte une centaine de fresques, dont un tiers proviennent d’Herculanum et de Pompéi. En effet, entre la fin du xviiie siècle et 1825, plus d’une trentaine de fragments sont arrivés, soit directement par don royal, soit indirectement par achat du prestigieux musée des rois de Naples à Portici. Par ailleurs, pour moitié, le fonds du Louvre s’est accru en 1863, avec la collection Campana. Il s’agit d’œuvres réputées provenir de Rome et de ses environs. Enfin, les quelque 20 % restants sont arrivés au musée par la voie d’achat ponctuels, de dons, ou de dépôts d’autres musées, comme le musée Guimet, en 1965. La collection de peintures romaines du Louvre a été publiée en un catalogue noir et blanc en 1974, préalablement à toute restauration. Depuis, si la collection a presque complètement quitté les salles du musée, la connaissance que nous en avons a été enrichie de nombreuses restaurations et analyses. L’objectif du département est de publier un nouveau catalogue, qui fasse état de l’importante documentation existant sur les fresques et qui les montre après restauration, en détail et en couleurs. De 2000 à 2011, à une exception près, toutes les œuvres issues du musée de Portici ont été restaurées. La situation matérielle de cet ensemble présentait en effet l’avantage d’être assez bien connue grâce à la vaste collection du Musée archéologique national de Naples, héritier de Portici. La restauration a permis de retrouver le même système de dépose et de constater que le support d’ardoise posé au xviiie siècle subsistait dans la grande majorité des cas. Ce n’est que dans les années 1930 que l’installation de la galerie des mosaïques et des peintures (salle romaine 30) a conduit à ôter des fragments exposés le caisson en bois hérité de Portici. La plupart des vernis dont certaines peintures napolitaines furent recouvertes au xviiie siècle (le vernis Moriconi, puis celui posé par Camillo Paderni) furent souvent éliminés au Louvre. Mais des dégâts ponctuels sont à déplorer : sur les panneaux P 18 (« Léda ») et P 13 (« La Musicienne »), la couche picturale s’est décollée et est partie en écailles, avant qu’un refixage ne stabilise la situation en 2007. Au Louvre, dans les années 1930, une mauvaise interprétation de la ganôsis prônée par Vitruve a conduit à l’application d’un vernis à base de cire et de paraffine, qui laisse un voile blanc sur la couche picturale (comme sur les fragments d’« Apollon et les Muses » des praedia de Julia Felix) et est parfois très difficile à éliminer (sur la « Scène mystique » P 1, une action mécanique a été nécessaire). Les restaurations ont confirmé qu’à Naples, les lacunes sur les œuvres n’étaient pas repeintes. Les repeints, extensifs, très visibles et altérés, ont été effectués au Louvre, au xixe siècle et Restaurations jusque dans les années 1930, comme sur le « Prêtre » (P 14). Parfois, ils ont été ôtés ultérieurement, laissant voir les lacunes qui les ont justifiés : « L’Été » (P 17), très repeint avant 1909, a été dérestauré en 1959 par M. Bousquet, qui en a aussi démonté le support ancien. La situation matérielle des fragments issus de la collection Campana est complètement différente et exige une approche plus complexe. Contrairement aux fresques de Pompéi et d’Herculanum, nous ne disposons là d’aucun contexte, sauf très rares exceptions (ainsi les fresques de la tombe de Patrôn). Les provenances indiquées dans la collection Campana – dans les environs de Rome – sont souvent sujettes à caution. La datation est incertaine et il n’est pas possible de reconnaître le style d’une époque ou la manière Fragment de peinture murale : scène mystique ?, milieu du ier siècle après J.-C., Pompéi, département des d’ateliers locaux. Ainsi, une série de panAntiquités grecques, étrusques et romaines (CC 69 – P 1) : avant restauration neaux (P 53 et P 69 à P 73), attribuée à une maison du iie siècle découverte sous les thermes de Caracalla, se révèle à l’examen très proche de certaines peintures issues de la villa Farnésine. Des analyses et examens plus poussés vont être effectués pour explorer cette possibilité. La diversité des supports peut être un indice d’une certaine hétérogénéité des provenances. Il semble que les fragments mis au jour par le marquis Campana aient été fixés sur des toiles grossières tendues sur des cadres de bois. À l’avantage de la légèreté, ce choix associe le défaut d’une mauvaise adhérence, mais aussi la volonté, répandue au milieu du xixe siècle, de traiter les fragments de fresque comme de la peinture de chevalet. Ainsi, quand un panneau présente un autre support, il est possible que, issu du commerce, il provienne de sites éloignés du Latium. Par Fragment de peinture murale : scène mystique : après restauration exemple, la restauration du grand « Candélabre » (P 45) a montré qu’il était fixé sur ardoise, une technique napolitaine pour une œuvre dont le repeints du fond, effectués à des époques différentes, n’allait pas style ne déparerait pas en Campanie. La recherche de pouzzolane de soi, même s’il apparaît comme la solution la plus simple pour dans le mortier donnera sans doute des éléments de réponse. établir la cartographie des fragments originaux. L’approche doit Mais c’est dans les ateliers de restauration du marquis Campaêtre plus nuancée et conjuguer différentes méthodes (analyses na que se sont perpétuées les transformations qui nous rendent de mortiers, imagerie scientifique, dégagements partiels...). le plus perplexes. Comme ils l’ont fait pour les plaques de terre La présence de repeints d’époques différentes, de vernis succuite architecturales dites « plaques Campana », les restaurateurs cessifs, sur un enduit hétérogène, rend la lecture de la couche ont largement complété les fragments à leur disposition, par des picturale parfois très difficile. Nous savons que nous nous sifragments d’autres peintures et au moyen de plâtre repeint. À la tuons entre le faux complet – comme dans le cas de la « Femme radiographie, le panneau ressemble à un puzzle dont il est diffidans un rinceau » (P 50), imitée d’une plaque Campana – et cile de dire quels fragments sont d’origine. De plus, la technique la fresque antique non retouchée – représentée dans de nomde dépose est différente de celle mise au point par Canart à Naples breux petits fragments, tel P 84 – en passant par l’antique très au xviiie siècle : les fouilleurs du marquis Campana encollaient les restauré et recomposé – on peut citer les « Biches affrontées » (P 43). La dérestauration complète n’est pas une solution : elle fresques sur un textile avant de les séparer du mur. La souplesse mène, comme ce fut le cas pour le « Couple enlacé » (P 40), à de ce tissu a produit des fissures dans l’enduit, qui paraît encore une œuvre complètement antique mais très effacée et presque plus fragmentaire. La restauration en cours des « Trois hommes illisible. L’objectif doit être beaucoup plus conservatoire et se armés de lances » (P 44) a montré qu’un dégagement de tous les 225 Vie des collections limiter parfois à une étude permettant d’évaluer dans quelle proportion l’œuvre antique est conservée. C’est ce que l’on a préféré faire pour le « Banquet funéraire » (P 36). Les peintures qui ne proviennent ni des collections du roi de Naples ni de celles du marquis Campana sont très souvent des pièces antiques intactes : en 1903, notamment, quatre panneaux de la villa campanienne de Fannius Synistor sont venus doter le musée des grandes compositions sorties d’une fouille récente qui lui manquaient. Mais d’autres peintures sont précieuses pour l’histoire de l’archéologie, et bien sûr pour celle de la perception de l’Antiquité. Les toutes premières peintures à avoir été accueillies par le Museum correspondent au don de Séroux d’Agincourt en 1802 (P 74 à P 79 et P 82). Qu’elles aient pu être considérées comme antiques plus de soixante ans après la découverte d’Herculanum nous laisse pantois, mais leur importance historique justifiera la restauration qu’exige leur très mauvais état. Il en va de même pour de petits fragments venus du musée de Cluny en 1887, inspirés par les frises d’erotes de la maison des Vettii à Pompéi (MNC 879 et 880), ou de la peinture égyptisante P 57 peinte par Guerra entre 1750 et 1761 sur un fragment de décor romain. Bien que les œuvres du Louvre, notamment celles qui viennent de Naples, soient publiées depuis le milieu du xviiie siècle, la recherche permet encore de progresser tant dans la connaissance de leur contexte antique – comme l’a montré l’étude d’« Apollon et les Muses » des praedia de Julia Felix – que dans la reconstitution de leur parcours moderne – c’est le cas pour les « Scènes dionysiaques » d’Herculanum P 27 et P 28. De même, malgré les limites légales, bien légitimes, mises aujourd’hui au commerce des biens culturels, l’enrichissement de la collection reste possible. Ainsi, le Louvre a pu acheter, en 2007, l’un des panneaux des « Scènes dionysiaques » d’Herculanum (MNC 1321), perdu de vue à la suite d’une vente ancienne. Par ailleurs, des dépôts d’autres musées peuvent venir compléter la présentation d’ensembles archéologiques. D. Roger Bibliographie Tran Tam Tinh (V.), Catalogue des peintures romaines (Latium et Campanie) du musée du Louvre, Paris, Éditions des musées nationaux, 1974. Roger (D.), [Notices pour « Apollon et les Muses » des praedia de Julia Felix], dans De Pompéi à Malmaison. Les Antiques de Joséphine, catalogue de l’exposition (château de Malmaison, 2008-2009), Paris, Réunion des musées nationaux, 2008, p. 150-169. Burlot (D.), « Restauration et présentation des peintures murales d’Herculanum et de Pompéi au Louvre », Histoire de l’art, 68, 2011, p. 45-54. Roger (D.), « D’un empire à l’autre, les tribulations des premières fresques exhumées d’Herculanum. Une récente acquisition du mu- number of fakes and ancient pastiches attest to the history of the taste for these works, for which an interest was shown since the middle of the 18th century. Conservation préventive des figurines en terre cuite : bilan d’un chantier des collections Projet suivi par Violaine Jeammet Restauration : équipe constituée sous la direction de Marie-Christine Nollinger-Lanteri, avec Hélène Bluzat, Christine Devos, Pascale Klein, Bénédicte Massiot, Christine Merlin, Véronique Picur, Hughes Terrien, Véronique Tréluyer Chantier mis en place et suivi par la Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies (Anne de Wallens, Lucie Cuquemelle). Ce chantier est issu de la volonté de replacer dans les réserves enterrées la très importante collection de figurines, lampes et reliefs grecs et romains du département, ainsi que ses vases et figurines étrusques, afin de libérer les salles d’étude Campana transformées en réserves temporaires depuis 2002 dans le cadre d’un plan de protection des collections face aux risques de crue ; y a été adjointe la série de vases et de figurines provenant d’Éléonte. Cette décision devait être compatible avec le plan d’évacuation en cas de crue. Il a donc été décidé de conditionner l’ensemble des œuvres dans des tessonniers sur roulettes (97 %) et le reste en caisses gerbables ou caisses écrins. Treize mille quatre cent treize objets ont été conditionnés par des restaurateurs avec des matériaux stables dans le temps après constat d’état et intervention d’urgence pour les objets les plus menacés (soit 15 % de consolidation sur les treize mille quatre cent soixante-six œuvres constatées). Cette opération a été l’occasion de mener le plus important bilan jamais effectué sur cette collection tout en affinant le classement (géographique, typologique et iconographique), préparant ainsi le récolement qui doit prendre place dans les trois années à venir. Le bilan global de l’état de conservation a mis en évidence la présence récurrente et préoccupante de sels affectant certaines séries (en particulier celles provenant d’Égypte et de Tunisie). Ce constat débouche naturellement en 2012 sur une étude portant sur l’élimination des sels et la consolidation d’œuvres polychromes en argile. V. Jeammet sée du Louvre », La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 20113, p. 20-32. Burlot (D.) et Roger (D.), Les Muses des Praedia de Julia Felix. Découverte et restauration, Paris, musée du Louvre éditions et Somogy (Solo), 2012. 226 The Louvre’s collection of Roman frescoes, which comprises around one hundred works, is mainly composed of works stemming from the collection of the kings of Naples and that of the Marquis Campana. After 1863, the collection was enriched with donations, purchases and permanent deposits from other museums. In the light of a forthcoming catalogue raisonné of the Louvre’s collection of Roman paintings, these varied origins need to be considered, as they have a profound impact on the problems highlighted by the restoration and study. The fragments that were added in the nineteenth century generally require de-restoration, sometimes inoppurtune. A small This project involves the transfer of the very large collection of Greek and Roman figurines, lamps and reliefs, and Etruscan vases and figurines to the underground storage areas, in order to empty the Campana study rooms, which had been transformed into temporary storage areas. The transfer process had to meet the requirements of the evacuation plans in the event of flooding. It was therefore decided to pack the vast majority (97%) of the works in specially designed cabinets on wheels with drawers and the remainder in stackable cabinets and cases. The general condition of the preservation of the items highlighted the troublesome problem of the recurrent presence of salts that affect certain lots (particularly those from Egypt and Tunisia). In 2012 this discovery naturally culminated in a study focusing on desalination and the consolidation of polychrome clay works. Restaurations Figurines en terre cuite : avant condition- Figurines en terre cuite : après reconditionnement nement Une redécouverte scientifique liée à la restauration des plombs Projet suivi par Sophie Descamps Restauration : Laboratoire Arc’antique, Nantes Depuis la restauration en 1842 de l’Apollon de Piombino (Br 2), grande statuette de bronze aujourd’hui considérée comme un pastiche archaïsant vraisemblablement exécuté au ier siècle avant J.-C. pour une clientèle romaine, une question demeurait sans réponse. Jean-Joseph Dubois, alors sous-conservateur des Antiquités du Louvre, avait fait part de la découverte à l’intérieur du bronze, au cours de l’intervention, d’une lamelle de plomb inscrite, dont trois fragments avaient pu être préservés. L’inscription lacunaire avait été interprétée et publiée comme donnant les noms mutilés de deux sculpteurs grecs, l’un de Rhodes, l’autre de Tyr, dont l’activité est attestée par ailleurs à la fin de l’époque hellénistique. Le conservateur avait cependant dû défendre sa bonne foi auprès de la communauté scientifique car des détracteurs l’avaient accusé d’avoir fabriqué l’inscription de toutes pièces et de s’être rendu coupable de mystificaApollon, ier siècle avant J.- C., trouvé tion. Les fragments de plomb dans la mer près de Piombino, bronavaient par la suite été déclaze, département des Antiquités grecrés perdus. Or le pointage des ques, étrusques et romaines (Br 2) Fragment de lamelle de plomb portant une inscription quelque six cent vingt-cinq objets en plomb du département, avant leur restauration au laboratoire Arc’antique à Nantes, a permis de les identifier (Corinne Jouys-Barbelin), grâce aux dessins qui en avaient été donnés par Jean Antoine Letronne dans la publication de 18451. Leur étude a été confiée à Nathan Badoud (École française d’Athènes). S. Descamps 1. Letronne (J. A.), « Explication d’une inscription grecque trouvée à l’intérieur d’une statue antique de bronze », Mémoires de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, XV, 1845. The registration of the department’s 625 lead objects, before their restoration in the Arc’Antique laboratory in Nantes, enabled the staff to identify fragments of an inscription discovered during the restoration of the Piombino Apollo in 1842; the inscription had been interpreted and published as bearing the damaged names of two Greek sculptors, one of whom came from Rhodes, and the other from Tyre, who were active at the end of the Hellenistic period. The study of these fragments has been entrusted to Nathan Badoud (Ecole Française d’Athènes). 227 Vie des collections Plaquette à décor de cortège dionysiaque, département des Antiquités Plaquette à décor de cortège dionysiaque : après restauration grecques, étrusques et romaines (MND 1866) : avant restauration Un bilan sanitaire de la collection d’os et d’ivoires Redécouverte de deux tissus attiques exceptionnels Projet suivi par Cécile Giroire Étude préalable (2006) : Agnès Cascio et Juliette Levy Restauration (2007-2011) : Agnès Cascio et Juliette Lévy Projet suivi par Sophie Descamps Restauration : Claire Beugnot Étude : Christophe Moulhérat (musée du Quai Branly) En 2006, un bilan sanitaire de l’ensemble de la collection a été effectué, qui a permis de dégager différents niveaux d’interventions de restauration. Sur huit cents pièces, près d’une centaine nécessitaient un traitement d’urgence, dû à une grande fragilité, à un délitage de la matière, à une fragmentation récente, à d’anciens collages ou comblements, etc. Autant d’altérations qui mettaient en péril l’intégrité et la bonne conservation des pièces. Entre 2007 et 2011, quatre campagnes de traitements ont permis de mener à bien ces interventions d’urgence, parallèlement à un reconditionnement systématique de l’ensemble de la collection dans des boîtes adaptées. C. Giroire Le département conserve deux tissus de lin écru qui proviennent d’une urne cinéraire de bronze mise au jour en 1819 par Louis François Sébastien Fauvel, consul de France à Athènes, au cap Zoster en Attique, dans le dème d’Aixone, aujourd’hui Glyphada. Ces tissus fragmentaires ont été donnés au musée du Louvre en 1873, à la mort de Pierre Antoine Lebrun, de l’Académie française, qui les avait reçus de Fauvel en 1820. Ces tissus, très fragiles, ont été retrouvés en 2010 et sont en cours de restauration. Ils sont exceptionnels par les dimensions préservées du plus grand – environ 1,13 m de largeur après une première phase d’intervention qui a permis de le déplier – et par la présence de lisières pour le second. Leur technique de tissage, actuellement étudiée par Christophe Moulhérat, confirme une datation dans la première moitié du ve siècle avant J.-C. S. Descamps In 2006 a general examination of the entire collection was carried out, revealing various stages of intervention and restoration. Out of eight hundred items, almost one hundred required urgent treatment, due to their great fragility, disintegrated material, recent fragmentation, previous gluing or filled areas and so on. All these alterations represented a threat to the items’ integrity and correct preservation. Between 2007 and 2011, four treatment programmes have facilitated these urgent interventions, complemented by the systematic repacking of the entire collection in suitable containers. 228 Tissu de lin provenant d’une urne cinéraire, détail Restaurations The department has two pieces of unbleached flax, which originate from a bronze cinerary urn discovered in 1819 and given to the Musée du Louvre in 1873. These pieces of cloth, which are very fragile, were found in 2010 and are being restored. They are exceptional because of the preserved dimensions of the larger piece—approximately 1.13m wide after an initial restoration phase that involved unfolding the cloth—and the presence of edges on the second piece. Their weaving technique, which is currently being studied by C. Moulhérat, confirms that they date from the first half of the fifth century bc. Restauration des urnes étrusques archaïques en terre cuite Projet suivi par Françoise Gaultier Restauration : Christine Merlin Commencée en 2002, la restauration de cinq petites urnes cinéraires archaïques en terre cuite provenant de la collection Campana, toutes découvertes dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri, et sans doute pour certaines, sinon pour toutes, dans la même tombe que le sarcophage des Époux, a été achevée. Une sixième urne (Cp 5159-5160) réputée de même provenance sera traitée à part : démontée dans les années 1980, elle s’était révélée être dans une très large mesure le fruit d’un travail moderne. Ces monuments exécutés à la fin du vie siècle avant J.-C. par les ateliers de Cerveteri (Caere) constituent un ensemble homogène et devaient donc bénéficier d’une étude globale et de solutions de restauration identiques. La campagne de restauration s’est étalée sur une dizaine d’années : il s’agissait d’observer les processus de fabrication, d’étudier la polychromie, de retirer les restaurations anciennes et abusives, d’élaborer un protocole de restauration valable pour l’ensemble, de vérifier la cohérence des associations, de revoir en conséquence la présentation de ces œuvres présentées dans les salles du département. L’urne Cp 5193 montre un couple faisant le geste de l’échange du parfum et reproduit à échelle réduite le même motif que le sarcophage des Époux. Mieux conservée que ce dernier, elle en éclaire la signification. Certaines parties fragiles ont été consolidées, le petit vase à parfum (un alabastre) que la femme tient dans la main droite a été repositionné. Le démontage a permis de vérifier que dans ce petit monument, comme dans le sarcophage des Époux, la main tenant le vase à parfum avait été exécutée à part. Trois urnes montrent le défunt exposé sur un lit de parade. La restauration a permis de récupérer d’anciens numéros Cp non reportés dans l’inventaire rétrospectif de la collection Campana et de proposer pour deux cuves et deux couvercles une nouvelle association cuve-couvercle. Il semble en effet qu’il faille réunir le couvercle Cp 5187 et la cuve Cp 5186 (les étoffes figurées sur le couvercle d’une part, sur l’urne d’autre part, sont ornées de bandes rouges), le couvercle Cp 5189 et la cuve Cp 5188 (recouverts d’un même type d’engobe beige). La figure masculine figurée sur le couvercle Cp 5189, dont le visage est issu d’une matrice utilisée également pour des décors architecturaux, a été débarrassée des chaussures modernes et mal proportionnées dont elle avait été affublée, et, grâce au repositionnement correct des fragments antiques, reportée à ses dimensions initiales. Sur toutes les pièces et en particulier sur le couvercle Cp 5191 et la cuve Cp 5190, la restauration a Urne cinéraire : couple à demi-étendu sur une klinè (lit), faisant les gestes de l’offrande du parfum, vers 510-500 avant J.-C., Cerveteri, terre cuite, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Cp 5193) : avant restauration Urne cinéraire : couple à demi-étendu sur une klinè : après restauration permis de mettre en évidence d’importantes traces de polychromie souvent jusque là insoupçonnables. Il en va de même pour la cinquième urne : une petite urne en forme de coffret de bois orné de mamelles, symbole de survie dans l’au-delà, dont le couvercle reproduit le toit d’un édifice sacré (Cp 5169-5170). F. Gaultier Begun in 2002, the restoration was completed of five small archaic terracotta cinerary urns from the Campana collection, all of which were 229 Vie des collections discovered in the Necropolis of the Banditaccia at Cerveteri (Caere); most—if not all of them—were found in the same tomb as the Sarcophagus of the Spouses. The restoration campaign was carried out over ten years: it involved the observation of the manufacturing processes, an examination of the polychromy, the removal of previous improper restoration work, the formulation of a viable restoration protocol for the ensemble, the verification of the coherence of the associated elements, and consequently a review of the presentation of these works displayed in the department’s exhibition halls. Projet muséographique de l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER) Bilan de la campagne de restauration des collections du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines Projet suivi par Cécile Giroire Restaurations : Mosaïques : Atelier de restauration de mosaïques de Saint-Romain-en-Gal et atelier de conservation et de restauration de mosaïques, musée départemental Arles antique ; verre : Célestine Ousset ; pierres : Hélène Bluzat, Claire Brédat, Béatrice Dubarry, Pascale Klein, Amélie Méthivier et Véronique Picur Urne cinéraire : exposition du défunt sur son lit funéraire, fin du vie siècle avant J.-C., Caeré, terre cuite, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Cp 5188, Cp 5189) : avant restauration 230 Urne cinéraire : exposition du défunt sur son lit funéraire : après restauration La réalisation de nouveaux espaces muséographiques dédiés à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain s’est accompagnée d’une campagne de restauration systématique des quatre-vingt-dix-huit œuvres concernées. Si les mosaïques ont fait l’objet d’une restauration fondamentale, les autres collections (pierre et verre pour l’essentiel) ont bénéficié d’un nettoyage plus ou moins poussé, associé dans certains cas à une reprise des comblements de lacunes, à des consolidations ou à un retrait de l’ancien montage. C. Giroire The creation of new exhibition areas dedicated to the East Mediterranean during the Roman Empire, was complemented by a campaign of systematic restoration of the ninety-eight works concerned. While the mosaics underwent comprehensive restoration, the other collections (mainly stone and glass items) were cleaned to a lesser or greater extent, and in some cases this was combined with refilling previously filled areas of losses, consolidations or the removal of the old mount. Partie supérieure d’une stèle, 2e quart du iie siècle après J.-C. ?, calcaire, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (MA 3728, MND 841) : avant restauration Restaurations Matériel funéraire de la tombe XIV de Karabournaki : skyphos à figures noires, exaleiptron, phiale mésomphalos, vers 500 avant J.-C., département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (CA 2210, S 7042, CA 2222) Partie supérieure d’une stèle : après restauration Matériel funéraire de la tombe « de la Maternité » : applique en forme de fleur, deux unguentaria, pyxis, coupe et skyphos fragmentaires, figurine d’ours assise, Thessalonique, 270-260 avant J.-C., département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (S 7047-7052) La restauration des œuvres mises au jour dans la région de Thessalonique par le Service archéologique de l’armée d’Orient Projet suivi par Sophie Descamps Restauration : Bénédicte Massiot, Christine Pariselle et Delphine Burlot Dans le cadre de la préparation de l’exposition sur la Macédoine antique, l’ensemble du mobilier funéraire exhumé par le Service archéologique de l’armée d’Orient durant la Première Guerre mondiale et envoyé au musée du Louvre en 1917 et 1919 a été restauré. Les œuvres demeurées inédites ont été identifiées notamment grâce à leurs marques d’invention – « PCP » pour Karabournaki, « Tum.pl. Const » pour la tombe de la Maternité de Thessalonique, « BH » pour Bohémitsa/Axioupolis. Plusieurs vases de Karabournaki – skyphoi, lécythes, exaleiptra, coupelle – ont été recomposés à partir de nombreux fragments. Des éléments de parure, telle une épingle d’argent de la tombe XIII de Karabournaki, ont été nettoyés. L’observation attentive sous loupe binoculaire de certaines œuvres a permis de confirmer leur provenance : vingt-sept fragments de bronze ont été reconnus comme appartenant au casque de type illyrien de la tombe XVII de Karabournaki ; une bague funéraire en or a pu être identifiée, grâce à une photographie ancienne qui la montrait écrasée et brisée à son arrivée au Louvre, comme étant celle de la tombe XXXIV de Karabournaki ; un ornement de tête composé de plusieurs fragments de spirales en bronze a pu être associé au matériel funéraire de la tombe 2 de Bohémitsa. Les quelques vestiges du mobilier funéraire de la tombe de la Maternité parvenus au musée du Louvre sans mention dans les inventaires – un fragment de la façade d’un lit funéraire à décor peint, une applique en forme de fleur, une statuette d’ours assise, deux unguentaria et des coupelles lacunaires – ont été nettoyés après repérage. L’intervention a révélé la présence de restes de couleur sur l’applique et sur la statuette. Le fragment de lit peint a pu être étudié au C2RMF, avant restauration, afin de déterminer la nature des pigments utilisés pour son décor polychrome et la structure de l’enduit. S. Descamps In the framework of the planned exhibition on ancient Macedonia, all of the funerary objects—excavated by the Archaeological Section of the Armée d’Orient during the First World War and transferred to the Louvre in 1917 and 1919—have been identified, studied and restored. 231 Vie des collections Sculptures Étude et restauration du Christ Courajod Projet suivi par Pierre-Yves Le Pogam Étude et restauration : Agnès Cascio et Juliette Levy Christ décloué de la Croix Bourgogne, 2e quart du xiie siècle Bois (tilleul et aulne) polychromé. H. 155 cm ; l. 168 cm ; pr. 30 cm Origine inconnue ; commerce d’art ; don Louis Courajod, 1895 Département des Sculptures (R.F. 1082) 232 Le « Christ Courajod » (ainsi nommé à cause de son premier possesseur connu, le célèbre conservateur en chef du département des Sculptures à la fin du xixe siècle) est une des œuvres majeures de la collection romane du Louvre. Or il a fait l’objet en 1956 d’une « restauration » (en réalité, plutôt un décapage) qui, comme c’était usuel à l’époque, n’est absolument pas documentée. En 2007, il a donc paru intéressant d’engager une étude de la polychromie du Christ Courajod, afin d’avoir une vision plus juste de son état et de s’interroger sur la nécessité d’une éventuelle intervention. L’étude de l’œuvre en général et de la polychromie en particulier a donc été effectuée par Agnès Cascio et Juliette Levy. L’examen de l’œuvre par les deux restauratrices a apporté de nombreux éléments nouveaux, concernant la structure de l’œuvre (précisions sur les assemblages) et surtout la stratigraphie de la polychromie. L’analyse a révélé l’existence, au-dessus de la couche originale, de cinq repeints, dont elle a mis en valeur les caractéristiques techniques et esthétiques, ainsi que la chronologie relative et absolue. En 2008, après examen par la commission de restauration du Louvre, il a été décidé d’intervenir uniquement sur le perizonium, dont l’aspect était particulièrement troublant, puisque l’intervention de 1956 avait mis sur le même plan des couches d’époques différentes, donnant au tout un aspect hétérogène et anarchique. En revanche, il a été estimé que l’on pouvait ne pas toucher immédiatement aux carnations. Le résultat obtenu a été considéré comme pleinement satisfaisant, notamment quant à la lisibilité de la polychromie originale (le perizonium était bleu lapis-lazuli avec des motifs dorés, ce qui donne une idée de la qualité et du luxe de l’exécution originale). En 2010, la commission de restauration du Louvre a donc décidé que l’on pouvait aller plus loin et engager également une intervention sur le reste de la polychromie, laquelle a eu lieu en 2011. Cela concernait notamment les carnations, qui nous étaient parvenues majoritairement dans leur état dû au quatrième et avant-dernier repeint, d’une couleur rose assez soutenue, mais qui avaient elles aussi été perturbées par l’intervention de 1956 (grattage qui avait mis à nu de larges plages des couches antérieures de polychromie). Les examens préalables avaient montré que l’on ne pouvait espérer retrouver qu’un très faible pourcentage de la polychromie originale, très fine et en grande partie disparue, mais que la préparation sous-jacente était encore largement présente. Or cette préparation, blanche, est d’une valeur proche de celle de la couche polychromée originale, d’un blanc très légèrement rosé. Il a donc paru souhaitable de revenir à cette couche, plutôt qu’à l’état profondément altéré que présentait l’œuvre Christ décloué de la Croix : avant restauration depuis 1956 (tout en préservant bien sûr quelques témoins, notamment dans la partie inférieure du perizonium, à senestre, à la base du cou, sous et dans l’oreille droite et au niveau de la plaie du torse). Le travail de dégagement a effectivement rendu toute sa beauté à la sculpture, y compris la chevelure noire, malgré les décapages dont elle avait fait partiellement l’objet (par exemple sur les longues mèches de cheveux retombant sur les épaules). L’enlèvement des repeints successifs a aussi rendu sa lisibilité au travail du sculpteur concernant l’anatomie du Christ (en particulier les tendons, le cerne sous le genou droit, la cage thoracique, le sternum, le cou, etc.) ; de même, les boucles de la barbe ont retrouvé leur modelé. Le visage a aussi énormément gagné en beauté. Alors que, depuis 1956, une moitié de la face montrait le niveau de l’avant-dernier repeint et l’autre la préparation originale, la restauration lui a rendu une surface cohérente et a permis de retrouver des détails raffinés (ligne des paupières closes, sillon descendant du coin de l’œil vers la joue). L’examen de l’œuvre, qui s’est poursuivi pendant les phases successives de la restauration, a aussi permis de préciser de nombreux points concernant sa structure et son histoire, par exemple sur l’essence du bois (non pas de l’érable, comme on le pensait auparavant, mais du tilleul, sauf pour les bras, qui sont en aulne, donc y compris pour le bras gauche, moderne) Restaurations ou encore sur les interventions dont ont fait l’objet la couronne (remaniée, peutêtre pour y adapter une couronne d’épines) et le perizonium (plusieurs interventions successives, qui impliquent une ou des campagnes de « restauration » antérieures à la première documentée, celle de 1956), sans parler des modifications dans un sens « doloriste » de la physionomie du Christ, bien visible au fur et à mesure des repeints successifs, notamment au moment du quatrième. Malgré le passage du temps, la restauration effectuée au cours de ces dernières années et achevée en 2011 a redonné au Christ Courajod une unité formelle à la hauteur de son niveau d’exécution exceptionnel. P.-Y. Le Pogam Although the Courajod Christ was “cleaned” rather than restored in 1956, a study of its polychromy has been initiated, with analysis revealing the presence of five repaints over the original paint layer. A first intervention was carried Christ décloué de la Croix : après restauration out on the perizonium in 2008. An entirely satisfactory result was achieved and a decision was made therefore to continue the work on the remaining polychromy, particularly on the flesh tones, even though they had been affected by the work carried out in the 1950s. Most of the original very thin polychromy has disappeared, but the preparatory underlayer, which is still largely intact, has given the work an appearance that is closer to its original condition. The removal of the successive repaints also restored the clarity of the sculptor’s work: Christ’s anatomy and face, the modelling of the beard and so on. The restoration work clarified many points relating to the structure, the species of wood (lime and alder for the arms), and the work’s history. Despite the passage of time, the restoration work carried out over recent years and completed in 2011 has given the Courajod Christ a formal unity that matches its exceptional workmanship. Christ décloué de la Croix : détail du bleu de lapis-lazuli sur le perizonium 233 Vie des collections Étude et restauration d’un Saint Jean l’Évangéliste du Rouergue Ce Saint Jean l’Évangéliste appartenant à l’ancienne collection de l’antiquaire parisien Édouard Bresset a été acquis en dation en 2003. La statuette était donc connue depuis longtemps, mais pas précisément située dans son contexte stylistique. Lors de son entrée dans les collections nationales, une étude technique par la restauratrice Dominique Faunières et l’étude stylistique effectuée par Sophie Guillot de Suduiraut ont montré qu’il s’agissait d’une sculpture exécutée au début du xvie siècle dans la région du Rouergue. En 2009, une étude préalable à une éventuelle restauration a été confiée à la même restauratrice. L’analyse de la pierre menée par le C2RMF (Yvan Coquinot) a établi qu’il s’agissait d’une dolomie, ce qui corrobore l’hypothèse d’une provenance rouergate, puisque cette roche est bien présente dans la région de Rodez. En revanche, la nature et l’origine des sels présents dans la pierre n’ont pas été parfaitement élucidées ; mais l’ancienneté de leur présence est attestée par les nombreux comblements qui ont été apportés à l’œuvre (notamment sur les arêtes du vêtement), et ce probablement à des époques différentes, car ces comblements sont de nature très variable. Saint Jean l’Évangéliste : avant restauration Saint Jean l’Évangéliste : après restauration Projet suivi par Pierre-Yves Le Pogam Analyse de la pierre : Yvan Coquinot (C2RMF) Analyse de pigments : Sandrine Pagès-Camagna (C2RMF) Restauration : Dominique Faunières Saint Jean l’Évangéliste Rouergue, début du xvie siècle Pierre (dolomie) polychromée. H. 65 cm ; l. 29 cm ; pr. 18 cm Origine inconnue ; collection Édouard Bresset ; acquis en 2003 en dation Département des Sculptures (R.F. 4699) 234 Restaurations L’étude stratigraphique, accompagnée d’une analyse des pigments par le C2RMF (Sandrine Pagès-Camagna), a permis de déterminer la présence de deux repeints au-dessus de la polychromie originale, sans compter des interventions ponctuelles différenciées sur certaines zones. Si la polychromie originale est apparue dans un état relativement bon, il n’en était pas de même pour la tunique du saint et pour les bordures et la chevelure dorées. Il a donc été décidé de revenir à la polychromie originale, sauf pour ces dernières zones. Grâce à la restauration, qui s’est achevée en 2011, certains points concernant la structure de l’œuvre et l’étendue des comblements ont pu être précisés. Ainsi, l’opération a permis de déterminer la forme originelle de la terrasse, de retrouver celle de la partie inférieure senestre de la tunique (même si un détail a dû être laissé dans un état de compromis, car cette zone a été trop profondément épaufrée), de proposer un profil du menton plus proche de l’original ou encore d’ôter l’un des deux boutons du col de la tunique, qui n’était dû qu’à une intervention récente. L’observation de l’œuvre a aussi permis à la restauratrice de faire des observations intéressantes sur le processus de création. Ainsi, le revers non polychromé peut bien sûr être dû à des raisons d’économie, pour une œuvre qui était appliquée contre un fond, voire dans une niche. Mais, ici, il semble que cette absence s’explique aussi par le fait que la statuette n’a dû être peinte qu’une fois en place dans le lieu auquel elle était destinée (une niche ou un renfoncement dans un mur), car la polychromie est plus restreinte encore à dextre qu’à senestre, ce qui tient probablement à ce que l’accès était plus difficile de ce côté, puisque la statue devait flanquer un Christ en Croix. Le dégagement de la polychromie originale (sauf pour les zones citées ci-dessus) a redonné toute sa délicatesse à cette sculpture, aussi bien pour le luxe des brocarts appliqués sur le manteau (malheureusement très dégradés) que pour le raffinement des carnations (sourcils rehaussés, yeux rougis, jointures des mains marquées), qui expriment la douleur du disciple préféré du Christ au pied de la Croix. P.-Y. Le Pogam Relief aux anges musiciens du Maître du Chœur des anges Projet suivi par Marc Bormand Analyses et restaurations au C2RMF : Jennifer Vatelot, Yannick Vandenberghe et Anne Bouquillon Maître du Chœur des anges Anges musiciens Italie du Nord, milieu du xve siècle Terre cuite polychromée. H. 49 cm ; l. 34 cm ; pr. 10 cm Legs du baron Davillier, 1884 Département des Sculptures (R.F. 690) Ce petit relief, exécuté par un étonnant sculpteur travaillant en Italie du Nord au milieu du xve siècle, représente quatre anges musiciens placés sous une arcature. Un relief similaire était conservé au Bode Museum à Berlin jusqu’en 1945. L’étude menée en 2010 par Jennifer Vatelot et le C2RMF pour les analyses de polychromie (Yannick Vandenberghe) et de pâtes (Anne Bouquillon) a permis de préciser la stratigraphie de la polychromie originale. Sur une couche de préparation à base de sulfate de calcium appliquée sur l’ensemble du relief, les vêtements des personnages, les colonnettes, l’arcature et le sol étaient dorés (dorure à l’eau sur bol rouge). Le revers des manteaux d’au moins un ange était rouge, le ciel The technical and stylistic study of this St John the Evangelist, acquired by dation in 2003, has revealed that it is a work in dolomite from Rouergue (a former province of France), dating from the beginning of the sixteenth century. The study in 2009 and the restoration work, completed in 2011, have enabled the restorer to uncover the original polychromy, which had been covered by two repaints and ad hoc interventions, except in certain areas (the tunic and gilded areas). The restoration work clarified certain points relating to the work’s structure and the extent of the replacements or additions. The study of the work provided us with information on the process used in its creation; the statuette was doubtlessly painted once it had been installed in its place of display (probably in a niche), as the polychromy is more limited on the right due to restricted access. The uncovering of the original polychromy has restored the sculpture’s finesse, which is evident in the rich brocades on the mantle and the refinement of the flesh tones. Maître du Chœur des anges, Anges musiciens : avant restauration 235 Vie des collections Jean Antoine Houdon, Bustes en terre cuite de Louise et Alexandre Brongniart Projet suivi par Guilhem Scherf Restauration : Claire Scemla Jean Antoine Houdon Louise Brongniart et Alexandre Brongniart Salon de 1777 Terre cuite. Louise : H. 34 cm ; l. 24 cm ; pr. 18 cm. Alexandre : H. 36 cm ; l. 26 cm ; pr. 24 cm Acquis en 1898 (Louise) et 1900 (Alexandre) Département des Sculptures (R.F. 1197 et 1280) Maître du Chœur des anges, Anges musiciens : après restauration et le fond bleu mat, une azurite peu liée posée sur une souscouche noire ; les carnations étaient rose pâle avec des rehauts de rouge sur les joues et les lèvres. L’œuvre a été partiellement cassée et remontée au plâtre. La polychromie était très lacunaire, la surface très encrassée était recouverte d’un enduit. La restauration menée en 2011 par Jennifer Vatelot a consisté à dégager cet encrassement et les couches d’enduit ainsi que des résidus de plâtre, ce qui a remis en valeur les volumes et les restes de bleu mat et d’or, et redonné à voir la puissance du modelé des visages. M. Bormand Dans le cadre général de la recherche menée sur les œuvres de Houdon, des restaurations sont entreprises sur quelques-unes de ses sculptures. Si ces restaurations ont pour but de retrouver un état de surface satisfaisant afin de mieux présenter les œuvres concernées, elles visent aussi à faire mieux comprendre les processus d’élaboration et de conservation des sculptures. Les analyses menées en priorité sur les terres cuites et les plâtres constituent progressivement un matériel de référence que l’on peut confronter avec les études conduites dans d’autres institutions. Elles permettent en particulier d’y voir plus clair dans la production des œuvres certaines de Houdon ou attribuées à cet artiste. La restauration des deux bustes en terre cuite de Louise (R.F. 1197) et Alexandre Brongniart (R.F. 1280) est à cet égard exemplaire. Ces bustes, provenant de la famille des descendants des modèles, sont d’authenticité certaine. Présentés au Salon de 1777 mais destinés à un usage privé puisque conservés dans la famille, ils sont modelés, et non moulés. L’examen approfondi des œuvres et l’intervention par la restauratrice Claire Scemla ont permis de les comprendre plus en détail. Les deux bustes sont creux, ayant été évidés avant cuisson (la découpe de la calotte crânienne est particulièrement visible sur celui d’Alexandre). L’étude de leur état de surface, considéré comme problématique et atténué par la restauration, a livré un certain nombre d’informations, parmi lesquelles cellesci : des traces de matériaux de moulage ont été repérés sur le buste de Louise, ce qui confirme des informations anciennes ; des éléments d’engobe très fin sur le visage d’Alexandre sont The study, conducted in 2010 by Jennifer Vatelot and the C2RMF, which included analyses of the polychromy (Yannick Vandenberghe) and pastes (Anne Bouquillon), enabled the researchers to identify the stratigraphy of the original polychromy. The restoration conducted by Jennifer Vatelot in 2011 consisted of removing the layers of dirt and the coating, and plaster residues, thereby restoring the volumes, the remains of the matt blue and gold, and the powerful modelling of the faces. Jean Antoine Houdon, Louise Brongniart et Alexandre Brongniart : avant 236 restauration Restaurations Jean Antoine Houdon, Louise Brongniart et Alexandre Brongniart : après restauration comparables à celui présent sur le buste de Diderot (R.F. 348), une œuvre également modelée par l’artiste (ce dernier fait a été prouvé récemment par des analyses effectuées au laboratoire du musée des Beaux-Arts de Philadelphie). Ces données obtenues à propos de sculptures absolument autographes sont particulièrement appréciées par la communauté scientifique et servent désormais de références. G. Scherf As part of the research on Houdon’s oeuvre, work was carried out to restore their surfaces to a satisfactory condition for presentation to the public, and to better understand the development process and conservation of the sculptures. This was the case with the two terracotta busts of Louise (RF 1197) and Alexandre Brongniart (RF 1280): the two busts are hollow, as they were hollowed out before firing; traces of casting materials were found on the bust of Louise; the faint traces of slip on Alexandre’s face are similar to the trace on the bust of Diderot (RF 348), which was also modelled by the artist. 237 Vie des collections Objets d’art La campagne de restauration pour les œuvres prêtées au Louvre-Lens Projet suivi par Françoise Barbe et Agnès Bos Restauration des tapisseries : Manufacture De Wit à Malines Étude et restauration des panneaux de bois : Roberta Cortopassi, Marc André-Paulin (C2RMF) Identification des essences : Patrick George et Victoria Asensi-Amoros Une vaste opération de restauration a été lancée en 2011, et se poursuit en 2012, dans le cadre de la préparation des œuvres en vue de leur prêt aux différents espaces du musée du LouvreLens. La présentation permanente de la Galerie du temps et les deux expositions temporaires consacrées à la Renaissance et à la perception du temps rassemblent au total cent vingtsept œuvres provenant du département des Objets d’art, dont certaines – en particulier six majoliques italiennes et quatre émaux peints de Limoges – ont dû être débarrassées de leurs restaurations anciennes, pour rétablir leur qualité esthétique. L’exposition Renaissance a surtout été l’occasion de lancer la restauration d’un ensemble de quatre tapisseries tournaisiennes du début du xvie siècle d’un intérêt exceptionnel et qui n’avaient jamais été présentées, du fait de leur état. Ces tapisseries font partie d’une tenture de l’Histoire du Portugal et de l’Inde. En 2011, les quatre pièces ont été confiées à la manufacture De Wit à Malines pour nettoyage. La disparition de la couche de poussière qui les couvrait a ainsi permis de retrouver leurs splendides couleurs chatoyantes. Une première tapisserie a par ailleurs été restaurée, en conservant la majeure partie des anciens retissages, qui ne mettent pas l’œuvre en péril. Une seconde tapisserie sera restaurée en 2012, ce qui permettra de présenter ces deux pièces dans la period room « Renaissance » prévue dans l’exposition. L’exposition Renaissance a aussi permis d’amorcer un autre chantier important, celui de l’étude et de la restauration de trois panneaux marquetés italiens du début du xvie siècle, provenant probablement de l’église San Benedetto Novello à Padoue et attribués à Fra Vincenzo dalle Vacche. L’un des trois panneaux devant partir à Lens, des consolidations préalables étaient nécessaires, auxquelles s’ajoutait un problème esthétique. À l’occasion d’une ancienne restauration, un mastic avait en effet été utilisé pour boucher et consolider les nombreuses galeries laissées par des insectes xylophages. Le vieillissement du mastic, utilisé de façon abondante, gênait la lecture de l’œuvre. Dans le cadre du partenariat entre le département des Objets d’art et le C2RMF concernant l’étude et la restauration du mobilier de la Renaissance, le panneau a fait l’objet d’un constat d’état et d’une étude préalable à la restauration sous la direction de Roberta Cortopassi, conservateur responsable de la filière Arts décoratifs, et de Marc-André Paulin, responsable de l’atelier d’ébénisterie. L’étude a été soumise à la commission de restauration du musée du Louvre d’octobre 2011. Les opérations de recollage des éléments de marqueterie soulevés, de consolidation des fentes, de nettoyage de la surface auront lieu en 2012. L’étude préalable à la restauration a été également complétée par une identification des différentes essences de bois mises en œuvre dans le panneau. Cette opération, menée par Patrick George et Victoria Asensi-Amoros, experts dans ce domaine, a permis d’établir que treize bois avaient été utilisés sur ce panneau. F. Barbe et A. Bos Plat creux, vers 1480, Toscane, Montelupo ?, faïence à décor de grand feu bleu, vert et violet (majolique), département des Objets d’art (OA 2624) : 238 avant restauration Plat creux : après restauration Restaurations Léonard Limosin, La Toilette de Psyché, Limoges, 1543, cuivre ?, émail peint, Léonard Limosin, La Toilette de Psyché : après restauration département des Objets d’art (MRR 281) : avant restauration A vast restoration operation was launched in 2011 and will continue in 2012, within the program of loans of works to the Louvre-Lens. The permanent display of the Galerie du Temps, and the two temporary exhibits devoted to the Renaissance and the perception of time, will contain in all 127 works from the Department of Decorative Arts. Old restorations of six Italian majolicas and of four painted Limoges enamels had to be removed to re-establish their aesthetic quality. Four Tournaisian tapestries, part of a larger set titled The History of Portugal and India, were taken out of storage and sent to the De Wit Royal Manufactory in Mechelen to be cleaned and restored. The Renaissance exhibit has also allowed us to begin the study and restoration of three Italian marquetry panels from the early sixteenth century attributed to Fra Vincenzo dalle Vacche, probably from the Church of San Benedetto Novella in Padua. One of the three panels was the object of a condition report and a study preliminary to its restoration under the supervision of Roberta Cortopassi and Marc-André Paulin, complemented by an identification—by Patrick George and Victora Asensi-Amoros—of the different kinds of wood used in the panel. Panneau : Attributs scientifiques et musicaux, premier tiers du xvie siècle, stal- les de la chapelle majeure de l’église San Benedetto Novello à Padoue, bois, département des Objets d’art (OA 7822) : après restauration 239 Vie des collections Restauration et protection d’un surtout de table de Christofle Projet suivi par Anne Dion-Tenenbaum Restauration : Anne-Cécile Visieux-Robert L’altération de l’argent par oxydation et sulfuration est un souci constant pour la conservation des objets en argent. Le problème est particulièrement aigu pour le surtout de table en métal argenté de Christofle, présenté sans protection vitrée et donc soumis à l’atmosphère ambiante, dans la salle à manger des appartements Napoléon III. La moquette, les rideaux et les meubles de cette pièce contribuent de surcroît à dégager des agents polluants, notamment des composés soufrés. Jusque là, les différents éléments du surtout avaient été nettoyés par abrasion à peu près tous les deux ans. Cependant, la répétition de cette opération entraînait la perte d’une fine couche d’argent et menaçait à terme d’endommager l’argenture. Une solution particulière s’imposait donc, et il a été décidé de protéger la surface par un vernis. Cette opération a été confiée à la restauratrice Anne-Cécile Visieux-Robert. Les pièces du surtout, préalablement démontées, ont d’abord été nettoyées de façon mécanique, par application au coton d’une pâte abrasive douce à base de carbonate de calcium. Les objets ont ensuite été nettoyés à l’eau chaude additionnée d’un tensio-actif, puis rincés à l’eau déminéralisée, et enfin séchés. Pour la protection, le choix s’est porté sur une résine acrylique réversible (le Paraloïd® B 72) ; deux couches de ce vernis protecteur en faible concentration ont été appliquées par projection à l’aérographe, afin de garantir l’homogénéité du film. Enfin, cette première protection a été complétée par une couche de cire microcristalline diluée, appliquée au pinceau. A. Dion-Tenenbaum Appartements de Napoléon III : grande salle à manger, département des Objets d’art, aile Richelieu, 1er étage, salle 83 As a result of being displayed in the dining room of the Napoleon III apartments, without protective glass, the various elements of a Christofle centrepiece in silver-plated metal have been subjected to ambient pollution and called for a special solution. These pieces, after being cleaned, were protected with an application of an acrylic resin. The protection provided by the varnish, applied in two coats, was further reinforced by a layer of microcrystalline wax. Charles-Henri Christofle, Pièce centrale de surtout, 1853, métal argenté, département des Objets d’art (OA 11680) 240 Restaurations Peintures Un chef-d’œuvre du Quattrocento siennois restauré : La Vierge et l’Enfant entourés de six anges de Sassetta Projet suivi par Dominique Thiébaut (département des Peintures), Élisabeth Ravaud, Myriam Eveno, Sigrid Mirabaut, Odile Cortet, Pierre Curie, Clarisse Delmas et Béatrice Lauwick (C2RMF) Restaurations au C2RMF : Daniel Jaunard et Rosaria Motta Sassetta, Stefano di Giovanni, dit (connu à Sienne en 1426 – Sienne, 1450) La Vierge et l’Enfant entourés de six anges Bois, fond d’or. H. 207 cm ; l. 118 cm (avec son cadre d’origine) Département des Peintures (R.F. 1956-11a) En 1956, au terme d’une longue et difficile négociation, le Louvre pouvait enfin se féliciter de voir entrer dans ses collections trois imposants vestiges du polyptyque commandé en 1437 par les moines du couvent San Francesco de Borgo San Sepolcro (Toscane) à Sassetta, le plus grand peintre siennois de l’époque. La Vierge et l’Enfant entourés de six anges, Saint Jean l’Évangéliste et Saint Antoine de Padoue (R.F. 1956-11 a, c et b) étaient en effet jadis logés au registre principal de la face antérieure de ce retable somptueux, peint sur ses deux côtés, dont l’exécution se prolongea jusqu’en 1444. Deux éléments de la prédelle postérieure relatant des scènes de la vie du bienheureux Raniero Rasini, enterré sous le maître-autel de l’église, vinrent les rejoindre par la suite, l’un en 1965, l’autre en 1988. Composé à l’origine de soixante éléments peints dont vingtsept subsistent aujourd’hui, dispersés à travers le monde, le polyptyque fut, semble-t-il, retiré de l’autel et désassemblé entre 1578 et 1583. Les grands panneaux du registre principal ont vraisemblablement été sciés dans leur épaisseur durant le premier quart du xixe siècle, une source évidente de fragilité pour l’avenir. Au début du xxe siècle, les propriétaires de la Vierge, de Saint Jean l’Évangéliste et de Saint Antoine, un négociant bordelais et son épouse, constatant la présence de fentes importantes, s’étaient d’ailleurs résolus à envoyer les œuvres pour restauration à Paris auprès de la maison Brisson-Leguay : les panneaux furent alors amincis une nouvelle fois et dotés d’un parquetage, l’or et l’argent furent refaits et les parties colorées très largement repeintes. En 1951, au lendemain des premiers contacts entre le département des Peintures et plusieurs descendants du couple de collectionneurs, le laboratoire du musée du Louvre fut chargé de constituer le dossier d’étude scientifique des tableaux. Dans une note rédigée en novembre 1956, juste après leur acquisition, le restaurateur Lucien Aubert indiquait que « le nettoyage et le dévernissage de ce triptyque seraient évidemment très délicats ». Cesare Brandi, le directeur du prestigieux Istituto Centrale per il Restauro à Rome, venu quelques mois plus tard étudier à Paris la Vierge et l’Enfant, suggérait dans son rapport de terminer la restauration à l’ICR car ce dernier disposait d’un pinacoscopio (un type de microscope binoculaire) : la proposition fut aussitôt acceptée par les responsables français. Comme les fentes et les joints du panneau s’ouvraient à nouveau, on décida de déposer le parquetage : le revers fut donc entièrement dégagé et, très vraisemblablement, raboté ou poncé, car il ne reste aucune marque du parquetage et la partie centrale ne mesure que 7 mm d’épaisseur ; des incrustations en V furent aménagées sur plus de 7 mètres pour le consolider, puis un système de renfort, constitué d’un grand cadre métallique muni de lames de métal sur taquets permettant la mobilité du bois, fut installé en dernier ressort. Le cadre lui-même, décoré a pastiglia de fins rinceaux, fut presque intégralement dégagé de sa dorure 1900. Quant aux retouches, elles ont été faites à l’aquarelle, un matériau alors très prisé pour sa réversibilité. Hélas, dès les années 1970, la colle de ces étroites incrustations en V, fragilisées par la tension interne du panneau, a commencé à se dégrader. La présence de fentes évolutives, constatée par la commission de restauration du Louvre, convainquit en mars 2007 la conservation du département des Peintures de rouvrir prudemment le chantier, d’autant qu’une étude en cours très complète du polyptyque de Borgo San Sepolcro, menée par une équipe internationale, notamment sous l’angle technique1, fournissait un contexte très favorable à cette intervention. Il est bien sûr prévu de restaurer dans la foulée le Saint Jean l’Évangéliste et le Saint Antoine de Padoue. Le travail tout juste effectué sur le support de la Vierge aux anges a consisté à renouveler partiellement les incrustations en V qui s’étaient décollées et à installer une protection au revers du panneau, capable d’amortir le poids des variations climatiques en assurant à celui-ci un environnement plus stable. L’altération des matériaux employés lors de l’intervention de 1957 rendait également indispensable une « dérestauration » de la couche picturale : en effet, le vernis oléo-résineux s’était opacifié avec le temps et le coloris des retouches commençait à virer. Le fond d’or, largement usé, a été nettoyé de façon sélective, afin d’éviter de le dépouiller à l’excès. Au cours de cette opération, des restes de la dorure posée au pinceau au début du xxe siècle ont été identifiés, ainsi que ceux d’une restauration antérieure, que l’on a pris, dans les deux cas, le parti de conserver. À l’intervention la plus ancienne pourrait appartenir la redorure de la base du trône, effectuée avec des feuilles de 2 cm de côté, sensiblement plus petites que les feuilles originales du fond, larges quant à elles de 7 à 8 cm. Le nettoyage sous microscope binoculaire a permis de mettre en évidence tous les détails d’une technique extrêmement précieuse. La peinture est posée sur une préparation blanche à base de gypse (gesso), mais aussi, il convient de le souligner, dans une proportion importante sur des feuilles d’or et d’argent : en faisant un large usage de celles-ci sous des couches de glacis colorés, Sassetta a cherché à suggérer l’éclat du métal réfléchissant la lumière à travers une matière transparente, un effet comparable à celui des émaux translucides dans l’orfèvrerie siennoise du Trecento. Seuls les carnations, le manteau de la Vierge, les rosiers et les instruments de musique sont peints directement a tempera sur la préparation. Le haut niveau de raffinement et de virtuosité atteint dans l’exécution constitue à coup sûr l’un des élé- 241 Vie des collections Photomontage avec les couleurs d’origine, interprétation Rosaria Motta Sassetta, La Vierge et l’Enfant entourés de six anges, bois, fond d’or, département des Peintures (R.F. 1956-11a) : après restauration 242 ments distinctifs de cette œuvre, tout autant que la richesse des matériaux employés. Parmi les pigments utilisés prédominent quantitativement les plus coûteux, la laque rouge, le bleu de lapis-lazuli, posé en deux couches sur le manteau de la Vierge et présent jusque sur le cadre lui-même, dont la somptuosité vient rivaliser avec celle de l’or et de l’argent. La réintégration de 2011, très légère, a été faite aux couleurs Maimeri et Gamblin. Les bords du manteau de la Vierge et du voile de l’Enfant ont reçu un décor doré, appliqué à la mixtion, tandis que les vêtements des anges sont ornés en lisière de motifs, poinçonnés cette fois sur des feuilles d’or, dont le centre abrite des couleurs denses non translucides qui donnent l’illusion de pierres serties. L’or et l’argent des habits des anges étaient recouverts de glacis bleus, verts et rouges, en grande partie perdus aujourd’hui. Quant à la robe de la Vierge, elle était entièrement peinte sur des feuilles d’or d’une couche de laque rouge, un matériau qui a tendance à se « déplaquer » et dont il ne reste aujourd’hui que d’infimes traces sur le poignet et le col. Le travail au poinçon, exécuté notamment sous la forme d’une granatura très fine, est partout présent, aussi bien sur les auréoles que sur le trône : sa fonction n’était pas seulement décorative, elle contribuait également au rendu de la lumière, notamment en suggérant son orientation. Véritable point focal du polyptyque pour les laïcs rassemblés dans la nef de l’église, cette image resplendissante de la Vierge et de l’Enfant entourés d’anges se référait sans nul doute, dans son utilisation savante des matériaux et des techniques les plus raffinés, aux modèles précieux du Trecento siennois, ceux de Simone Martini en tête. P. Curie, D. Jaunard, R. Motta et D. Thiébaut 1. Sassetta: The Borgo San Sepolcro Altarpiece, sous la dir. de Israëls (M.), 2 vol., Florence, Villa I Tatti, The Harvard University Center for Italian Renaissance Studies, et Leyde, Primavera Press, 2009. One of the surviving panels of the sumptuous polyptych— commissioned in 1437 by the monks of the convent of San Francesco in Borgo San Sepolcro (Tuscany) from Sassetta, the greatest Sienese painter of the early fifteenth century—the Virgin and Child with Six Angels, together with the panels with Sts John the Evangelist and Anthony of Padua (all three were acquired in 1956), was originally on the main front tier of this imposing double-sided altarpiece. Composed of sixty painted compartments, twenty-seven of which have survived and are dispersed throughout the world, the polyptych was dismantled between 1578 and Restaurations 1583, and the large panels were presumably later reduced in thickness, an obvious source of future fragility. At the beginning of the twentieth century, the owners of the three paintings in Bordeaux, who had noticed large splits in the panels, decided to have them examined by a Parisian restorer, who further thinned them and cradled the back of the panels. In 1957, after it had entered the Louvre’s collection, the Virgin and Child was sent to the Istituto Centrale per il Restauro in Rome, where a decision was made to remove the cradle, reinforce all the joins and cracks with V-shaped inserts, and add a reinforcement system, comprised of a large metal cradle with transversal metal strips. The alteration of the materials used in this intervention and the presence of developing splits, which has been observed regularly since the 1970s, convinced the Department of Paintings and the Louvre’s Restoration Committee of the need (in March 2007) to carry out a new intervention, especially as an exhaustive study of the polyptych, conducted by an international team, created the right conditions for the restoration. The restoration work that has been carried out on the support of the Virgin and Child consisted of partially renewing the V-shaped inserts and installing a protective system capable of countering the effects of climatic changes. A de-restoration of the paint layer was also necessary: the oleoresinous varnish had, in fact, darkened over time and the repaintings had become discoloured. The gold background, which was largely in a state of deterioration, was cleaned in a selective manner, in order to avoid any excessive stripping away of the material. The very moderate reintegration of these losses (in 2011), was carried out with the Maimeri and Gamblin range of colours. The cleaning under binocular magnifier did, of course, also reveal the details of an extremely interesting technique, which is based on the works of the Sienese painters of the Trecento, especially those of Simone Martini. Following this intervention, plans have been put in place to restore St John the Evangelist and St Anthony of Padua. La Sainte Anne de Léonard de Vinci Projet suivi par Vincent Delieuvin (département des Peintures), Bruno Mottin, Myriam Eveno, Jean-Jacques Ezrati, Élisabeth Ravaud, Sigrid Mirabaud, Pierre Curie, Béatrice Lauwick et Clarisse Delmas (C2RMF) Restauration au C2RMF : Cinzia Pasquali Léonard de Vinci (Vinci, 1452 – Amboise, 1519) Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant jouant avec un agneau, dite La Sainte Anne Vers 1503-1519 Huile sur bois (peuplier). H. 168,4 cm ; l. 113 cm (126,3 cm avec les agrandissements latéraux) Département des Peintures (INV. 776) La Vierge à l’Enfant avec sainte Anne de Léonard de Vinci est le fruit d’un long processus de création, amorcé à Florence vers 1500 et toujours inachevé à la mort de l’artiste en 1519. Cette peinture à l’huile sur bois fut acquise par François Ier dès 1518, demeura ensuite dans les collections royales puis entra au musée du Louvre en 1798. C’est seulement à partir de cette date que nous possédons quelques informations sur son état de conservation. La grande majorité des critiques ont dès lors souligné sa médiocre apparence, la peinture étant manifestement assombrie par d’épais vernis et défigurée par des repeints altérés. Les spécialistes avaient de ce fait bien des difficultés à juger de la qualité réelle de la Sainte Anne, que plusieurs estimaient un chef-d’œuvre ruiné tandis que d’autres préféraient considérer ces défauts comme la preuve qu’il ne s’agissait que d’une simple copie d’atelier. Des interventions mineures furent faites au cours des xixe et xxe siècles, notamment un allègement sélectif des vernis et une reprise des repeints dans les années 1950. Au début des années 1990, l’altération des repeints et l’inégalité des couches de vernis incitèrent à mener une importante campagne d’étude au laboratoire et à faire des essais d’allègement pour préparer une restauration fondamentale, un projet finalement abandonné faute d’un consensus suffisamment large. Depuis cette période, la Sainte Anne a fait l’objet d’un suivi constant, et notamment d’un nouveau dossier d’examen du C2RMF en 2008-2009. À cette occasion, le constat d’état de l’œuvre a démontré la nécessité d’une restauration fondamentale, en raison d’un début de soulèvement de la couche picturale provoqué par l’effet conjugué des mouvements du support de bois et du racornissement des couches de vernis. L’opération a été annoncée en juin 2009 à l’occasion de deux journées d’étude consacrées à Léonard. La restauratrice Cinzia Pasquali a été sélectionnée en mars 2010 à la suite d’une procédure d’appel d’offres et l’intervention a commencé au mois de juin pour se poursuivre jusqu’en Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant jouant avec un agneau, dite La Sainte Anne : avant restauration 243 Vie des collections 244 mars 2012. Elle a été conduite sous l’autorité du directeur du département des Peintures, Vincent Pomarède, et sous le contrôle technique du C2RMF. Au cours de ces mois, l’œuvre a été examinée régulièrement par la conservation du département des Peintures, la commission de restauration du musée du Louvre, et par une commission internationale créée spécifiquement à cette fin et réunissant des conservateurs et des restaurateurs spécialisés sur l’art de Léonard de Vinci ou sur la restauration. Cette dernière commission s’est réunie à six reprises, à l’occasion des principales étapes de l’opération. L’enjeu de cette restauration était double : régler d’abord les problèmes de soulèvement de la couche picturale, mais améliorer également la présentation esthétique de l’œuvre, fortement perturbée par l’altération des repeints et l’irrégularité des couches de vernis jaunis et oxydés. Concernant le support constitué de quatre planches de bois, il a été décidé, après consultation de plusieurs ébénistes spécialisés, de ne pas toucher aux agrandissements latéraux sans doute posés à la fin du xviiie siècle. En effet, ils n’ont aucune incidence sur les mouvements des planches originales et donc sur les soulèvements de la couche picturale. L’assemblage des planches avec les deux traverses n’a pas non plus été touché, sauf un simple collage dans la partie basse. La solution la plus prudente et la moins interventionniste a été d’aménager le cadre de l’œuvre, afin de créer une boîte climatique autour du tableau, et d’assurer ainsi une meilleure stabilité des conditions d’hygrométrie. Le travail sur la couche picturale s’est concentré sur l’enlèvement des nombreux repeints très altérés qui parsemaient l’œuvre et en perturbaient fortement l’unité. La restauratrice a pu découvrir jusqu’à quatre niveaux différents de repeints superposés au cours des différentes interventions. La suppression de ces repeints a ainsi permis de retrouver beaucoup de peinture originale auparavant cachée par les anciennes restaurations. L’œuvre s’est révélée dans un bon état de conservation, avec peu de lacunes importantes. Les deux zones les plus abîmées sont localisées dans les ombres du manteau bleu de la Vierge, à l’endroit où Léonard a superposé à une sous-couche de laque rouge du noir et du lapis-lazuli. Au cours du séchage de ces couches, il y a eu des soulèvements et des pertes de matière originale qui avaient été, de ce fait, retouchées à l’occasion d’anciennes restaurations. La restauratrice a également procédé à l’allègement des épaisses couches de vernis très jaunis et oxydés. L’intervention s’est faite de façon progressive et sous le contrôle d’un instrument de mesure de l’épaisseur des vernis mis au point par le C2RMF. Cet amincissement a permis d’homogénéiser les couches de vernis, redonnant un meilleur équilibre des valeurs et une lisibilité à plusieurs zones très obscurcies, comme le sol de stratifications rocheuses, les montagnes ou le ciel. Il a cependant été conservé entre trois et quatre couches de vernis anciens, par mesure de précaution bien sûr, pour ne jamais entrer en contact avec la matière originale, mais également afin de ne pas créer de déséquilibres. Au cours de cette opération, quelques zones se sont révélées difficiles à bien comprendre. Derrière le groupe de personnages, la ligne séparant la terre du grand cours d’eau présente une ligne très rigide et une apparence caractéristique d’un repeint. Pour autant, cette partie semble clairement inachevée et, en l’absence de tout élément prouvant qu’il s’agit d’un repeint, il a été décidé de conserver l’ensemble et de seulement atténuer la rigidité de la ligne par la retouche. La zone du bosquet d’arbres a également suscité des interrogations : l’imagerie scientifique et des Léonard de Vinci, La Sainte Anne : détail en cours d’intégration tests d’allègement des vernis dans cette zone laissent penser qu’il n’y a qu’un arbre et que les vagues troncs tracés à côté sont des repeints. Cependant, le manque d’information sur la datation de ces probables repeints et leur discrétion ont incité à les conserver. Le bilan de cette restauration a été publié en détail dans le catalogue de l’exposition qui a été consacrée à la Sainte Anne au musée du Louvre au printemps 2012. V. Delieuvin The extensive restoration of the St Anne by Leonardo da Vinci was carried out between June 2010 and March 2012, after a dossier of detailed studies conducted at the C2RMF had revealed that the paint layer had become detached in places, caused by the combined effects of the movement of the wooden support and the hardening and contraction of the old varnish. Following a call for tenders, the work was carried out by the restorer Cinzia Pasquali, under the authority of the director of the Department of Paintings, Vincent Pomarède, and with the assistance of the C2RMF and an international committee, composed of curators and restorers who are specialists on Leonardo’s work and restoration. This intervention had two objectives: solving the problem of the detachment of the paint layer, and improving the work’s aesthetic appearance, which had been significantly affected by the alteration of the repaints and the irregularity of the yellowed and oxidized layers of varnish. The restorer therefore removed the repaints and carried out the progressive partial removal of the varnishes, using an instrument for measuring the thickness of varnishes, developed by the C2RMF, and left between three and four layers intact. This restoration work has revealed much of the work’s original material, restored more balanced values, and has lent greater clarity to several obscured areas. Restaurations Léonard de Vinci, La Sainte Anne : après restauration 245 Vie des collections La restauration d’un tableau de Titien, Jupiter et Antiope, dit La Vénus du Pardo Projet suivi par Jean Habert (département des Peintures), Bruno Mottin, Myriam Eveno, Élisabeth Ravaud, Sigrid Mirabaud, Pierre Curie, Béatrice Lauwick et Clarisse Delmas (C2RMF) Restauration au C2RMF : Patricia Vergez et Franziska Hourrière Titien, Tiziano Vecellio, dit (Pieve di Cadore, vers 1488-1490 – Venise, 1576) Jupiter et Antiope, dit La Vénus du Pardo Huile sur toile. H. 196 cm ; l. 385 cm Département des Peintures (INV. 752) 246 Première « poésie » créée par Titien pour Philippe II et l’un des plus beaux paysages de la Renaissance, l’un des plus grands, aussi, du maître, l’œuvre a été exécutée en trois étapes entre 1520 et 1552 pour le château du Pardo, près de Madrid. Elle fut offerte en 1623 par Philippe IV au futur Charles II d’Angleterre, acquise par Mazarin après l’exécution de ce roi en 1649 et donnée après 1661 à Louis XIV par les héritiers du cardinal. L’importance du tableau était Titien, Tiziano Vecellio, dit, Jupiter et Antiope, dit La Vénus du Pardo : en cours de restauration obscurcie par son état largement repeint et considérablement assombri par des vernis oxydés superposés en couches épaisses pour dissimuler les accidents. Attesté en mauvais état dès le xviie siècle, il a subi en 1688 une restauration, qui dut être reprise plusieurs fois au xviiie siècle (notamment par Antoine Coypel), dont un rentoilage en 1749. Il fut transposé en 1829 au moyen de deux enduits différents et d’un encollage, tous à la céruse, et de nouveau rentoilé. Les analyses faites au laboratoire entre 1937 et 1991 ont permis de constater que ces enduits et la colle de transposition, ajoutés à un badigeon également au blanc de plomb passé au revers du rentoilage, rendaient la radiographie opaque, inutilisable, et que l’épaisseur du vernis empêchait de lire la réflectographie. La nouvelle analyse conduite en 2002 au C2RMF en utilisant l’émissiographie, technique qui n’est pas perturbée par la céruse, a mis en évidence les coutures de la toile d’origine, quelques repentirs superficiels et de nombreuses lacunes, et permis de différencier les mastics Détail de la Vénus : allègement des vernis employés, ceux contemporains de la transposition de ceux qui lui sont postérieurs. La cartographie complète des zones lacunaires a été dressée selon leur époque depuis 1829. Une étude cement est assuré par la société ENI. La commission a accepté de faisabilité de la restauration a été confiée en 2004 à Alain le protocole de nettoyage proposé par les restauratrices : élimiRoche pour le support, et à Véronique Sorano-Stedman pour la nation successive des couches de vernis et des repeints, depuis couche picturale, complétée par des sondages. Après remise de les plus récents (1993) jusqu’à ceux du xixe siècle (1829). leurs conclusions en 2005, la commission de restauration et de conservation du musée du Louvre, présidée par Henri Loyrette, J. Habert a décidé en 2007 de restaurer le tableau sous le contrôle d’une Completed in 1552 for Philip II of Spain, the work was restored in sous-commission, composée en 2010 des représentants du 1688, lined in 1749, and transferred in 1829. In 2007, the Louvre’s Louvre, dont Vincent Pomarède, directeur du département des Restoration and Conservation Committee decided to restore the painting, Peintures, de ceux du C2RMF, dont Marie Lavandier, directrice, under the supervision of a sub-committee. Franziska Hourrière and Patricia de Jill Dunkerton (National Gallery, Londres), Elke Oberthaler Vergez won the call for tenders in 2010. The company ENI is funding the (Kunsthistorisches Museum, Vienne), Michel Laclotte, Ségoproject. The cleaning work is underway and consists of the successive lène Bergeon Langle et Jean-Pierre Cuzin. L’appel d’offres a été removal of the varnish layers and repaints—from the most recent (1993) to emporté par Franziska Hourrière et Patricia Vergez, et le finanthose that were applied in the nineteenth century (1829). Restaurations Jean Cousin le Père, Eva Prima Pandora Projet suivi par Cécile Scailliérez (département des Peintures), Pierre Curie, Élisabeth Ravaud, Myriam Eveno et Sigrid Mirabaud (C2RMF) Restaurations au C2RMF : Daniel Jaunard et Agnès Malpel Jean Cousin le Vieux (Sens, vers 1490 – Paris, vers 1560) Eva Prima Pandora Vers 1550 Huile sur bois (chêne). H. 97 cm ; l. 150 cm Département des Peintures (R.F. 2373) Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de l’Eva Prima Pandora, son état de conservation a suscité des réserves. Seul tableau assurément connu de Jean Cousin le Père, attesté dès le xviie siècle dans la maison familiale aux environs de Sens et resté chez les descendants du peintre jusqu’à son acquisition par les Amis du Louvre au début du xxe siècle, il constituait une curiosité locale, à la fois tenu en grande considération, un peu comme une relique attestant l’origine sénonaise de ce peintre célébré comme un fondateur mythique de la peinture française, Jean Cousin le Vieux, Eva Prima Pandora : en cours d’allègement des vernis et d’enlèvement des repeints et plus objectivement jugé dans un état gravement lacunaire, voire d’une facture décevante. Ces deux tendances contradictoires expliquent d’ailleurs la difficulté des transactions qui aboutirent finalement à l’achat du tableau en 1922. Consolidé dès son arrivée au musée, il n’a cessé ensuite de présenter des problèmes d’adhérence de la couche picturale, qu’une première intervention sur le support effectuée en 1955 – dépose des traverses, pose de papillons collés à contre-fil et d’un châssis cadre en Permali – ne parvint d’ailleurs pas à résoudre. Sa restauration fondamentale a été programmée dans le cadre d’une étude de fond sur l’artiste menée par le département des Peintures. Le but était double : lui assurer enfin une meilleure conservation, se faire une idée juste de la manière de peindre de cet artiste aussi Jean Cousin le Vieux, Eva Prima Pandora : après restauration célèbre que rare. Les deux axes de cette restauration ont donc été la reprise comtraverses ainsi qu’à des traces de rabotage tardif, que le panplète du support – quatre planches d’un chêne très rustique neau avait été diminué latéralement, un peu à droite et beaumal assemblées et mutilées – et l’élimination des restaurations coup plus, d’environ 17 cm, sur la gauche, ce qui induit que anciennes accumulées pour masquer les usures, suivie d’une l’arcature maçonnée devant laquelle se détache la figure était à réintégration délibérément minimale, visant à révéler un style. l’origine complète, ainsi que la branche de pommier que celleCes deux opérations ont été menées respectivement par Daniel ci tient de la main droite. La présence de traces de cloutage sur Jaunard et Agnès Malpel entre décembre 2008 et septembre ce bord gauche s’accorde avec la tradition du xixe siècle qui dit 2011, tandis que les études de laboratoire étaient menées par Élisabeth Ravaud, Myriam Eveno et Sigrid Mirabaud à partir de le tableau transformé en porte de placard et avec le constat que septembre 2006. le panneau a été nettement réduit sur ce côté. Bien moindre L’examen attentif du revers a permis de conclure, grâce au mais très probable dut être la réduction de la planche supépositionnement des chevilles d’assemblage et des entailles de rieure, qui ne présente aucun bord nu et où les rubans roses 247 Vie des collections soutenant le cartouche désignant la figure sont curieusement incomplets. Ces conclusions sont évidemment d’une grande importance dans la mesure où l’on ignore la destination exacte de l’œuvre, restée chez le peintre mais manifestement en rapport iconographique avec le décor éphémère de l’entrée d’Henri II à Paris en 1549. La consolidation du support impliquait l’enlèvement du châssis-cadre qui contraignait plus qu’il ne renforçait l’assemblage et qui paraissait désormais excessivement orthopédique, la dépose de l’assemblage lui-même puis le collage de fines pièces de bois neutre destinées à compenser le désaffleur de certains joints liés aux déformations longitudinales des planches, le remplacement des papillons par des faux tenons de fil. C’est pour beaucoup cette rusticité du support, un chêne à fil sinueux débité sur dosse et présentant de nombreux nœuds, qui a entraîné la mauvaise conservation de la couche picturale, en particulier dans les zones sombres, plus fragiles et donc plus réactives aux mouvements du bois. La cartographie des lacunes effectuée à partir des données radiographiques a mis clairement en évidence trois importantes lacunes dans l’écran rocheux, largement masquées par d’épais repeints noyant dans une masse sombre uniforme quelques îlots de végétation originale d’un vert très franc. Le parti adopté a consisté à ôter systématiquement les repeints pour récupérer tous les éléments originaux, et à ôter aussi la plupart des anciens mastics pour en reposer de nouveaux, très finement travaillés pour s’adapter au mieux à la texture du support original voisin. La réintégration, que l’on souhaitait la plus légère possible, a ainsi pu être conduite de manière très transparente, au moyen de glacis colorés permettant aux deux serpents échappés du vase gris central et aux rares éléments de végétation préservés de ressurgir et de reconstituer d’eux-mêmes le décor naturel dans lequel s’inscrit la figure, plus lumineux que ne le laissaient penser les repeints. La figure elle-même, de même que le paysage de l’horizon, auxquels la présence de blanc de plomb avait assuré une plus grande résistance, ne présentait que de menues usures et lacunes. Quelques repentirs, dans le contour du bras droit par exemple, ou quelques transparences accrues par le vieillissement de la matière, comme le bouchon du vase orangé réap- paru alors que le peintre avait finalement décidé de le masquer par du ciel, ont été à peine atténués. Les usures des pigments rouges de la draperie sur laquelle la figure est accoudée ou allongée ont elles aussi été respectées. Usée, certes, mais authentique, l’Eva Prima Pandora du Louvre peut désormais servir de référence pour l’art de peintre de Jean Cousin : un métier dense, nourri, où l’invention monumentale l’emporte largement sur la minutie de la mise en œuvre. C. Scailliérez The Eva Prima Pandora, the only work that can be definitely attributed to Jean Cousin the Elder and attested in the seventeenth century in the family home at Sens, remained in the possession of the painter’s descendants until it was acquired by the Amis du Louvre in 1922. The work’s intended destination is not known, but its iconography is clearly related to the temporary decorations that were put in place for the triumphal entry of Henri II into Paris in 1549. When it arrived in the museum, problems with the adherence of the paint layer were detected; an initial intervention on the support, carried out in 1955, had not resolved the problem. The work’s restoration, planned as part of an in-depth study of the artist conducted by the Department of Paintings, consisted of the complete renovation of the support—composed of four very rough oak boards that were poorly assembled and disfigured—and the removal of old restorations that had built up to conceal the worn areas; this was followed by a deliberately minimal reintegration of the losses, with the aim of respecting the work’s original style. The painting had been reduced in size—moderately on the right, but by about 17 cm on the left—and nail marks confirm that the painting had been transformed into a cupboard door, as was the tradition in the nineteenth century. Because of the roughness of the support, the movement of the wood had caused many losses, concealed by repaints and mastics. The repaints were systematically removed in order to recuperate all the original elements; most of the old mastics were removed, so that new, very finely worked mastics could be applied. The reintegration of the losses, designed to be as moderate as possible, could therefore be carried out in a transparent manner, using coloured glazes. The Eva Prima Pandora in the Louvre, which is authentic but in a worn condition, can now serve as an example of Jean Cousin’s art: a dense, intricate style, in which the monumental innovation of the composition far outweighs the thoroughness of the work’s execution. Étude et restauration des Forgerons, fragment de L’ordre pourvoit aux besoins de la guerre, l’un des décors de la Cour des comptes de Théodore Chassériau Projet suivi par Sébastien Allard et Vincent Pomarède (département des Peintures), Pierre Curie et Isabelle Cabilic (C2RMF) Restauration au C2RMF : Alain Roche pour le support et Cécile Des Cloiseaux pour la couche picturale Théodore Chassériau (Saint-Domingue, 1819 – Paris, 1856) Les Forgerons, fragment de L’ordre pourvoit aux besoins de la guerre Huile sur enduit et plâtre. H. 83,5 cm ; L. 114 cm Département des Peintures (INV. 20014) 248 Le décor pour l’escalier d’honneur de la Cour des comptes, alors située dans le palais d’Orsay, à l’emplacement de l’actuel musée d’Orsay, fut la principale réalisation monumentale de Théodore Chassériau, commandée en 1844, pour la somme non négligeable de 30 000 francs, et achevée en 1848 ; cet immense morceau pictural, salué avec enthousiasme par Théophile Gautier, qui constatait alors joliment qu’il était porteur de « la beauté inconnue des races nouvelles », est l’un des plus importants décors du xixe siècle, ayant influencé de nombreux peintres, à commencer par Pierre Puvis de Chavannes, Gustave Moreau ou Paul Gauguin. Son histoire fut ensuite malheureusement tragique : en grande partie détruit durant l’incendie du palais d’Orsay, le 23 mai 1871, les révolutionnaires de la Commune ayant sou- Restaurations Théodore Chassériau, Les Forgerons, fragment de L’ordre pourvoit aux besoins Théodore Chassériau, Les Forgerons : en cours de restauration, après masticage de la guerre : vue ancienne haité brûler la Cour des comptes qu’ils estimaient être un symbole du pouvoir napoléonien, le décor en lambeaux devait rester dans les ruines du bâtiment jusqu’en 1898, exposé aux pires intempéries ; déposés à la suite d’une heureuse initiative d’un comité créé pour l’occasion, le comité Chassériau, les fragments subsistants – une cinquantaine de mètres carrés seulement sur les deux cent soixante-dix existants au départ – furent affectés au musée du Louvre. Poursuivis par le destin, les restes du décor, entreposés en sous-sol, furent ensuite inondés et davantage ruinés par la célèbre crue centennale de 1910 ; ils furent alors tous restaurés et transposés sur toile grâce à la Société des Amis du Louvre. Seul un fragment, celui qui nous intéresse ici, Les Forgerons, provenant de la partie droite du panneau intitulé L’ordre pourvoit aux besoins de la guerre, était resté sur son support original de plâtre et d’enduit. L’intervention sur le support de cette œuvre fut particulièrement complexe. En 1987, à la suite d’un nettoyage de certains des éléments du décor, une triple protection de papier avait été posée au moyen de Paraloïd sur sa couche picturale, afin de contenir les nombreux soulèvements ; une couche de silicone et une couche de plâtre devaient également être retirées. L’enlèvement des couches de papier, devenues entre-temps pulvérulentes et excessivement solidarisées avec la couche picturale, fut un travail très long, entrecoupé par le refixage des soulèvements ; il a fallu ensuite retirer le plâtre et le bois posés à l’arrière de l’œuvre au moment de sa dépose, afin de dégager et consolider les restes de l’enduit original devenu très irrégulier. Après la pose au revers d’un « carton plume de qualité Museum », le restaurateur a pu remonter l’ensemble sur un panneau rigide, possédant une armure en nid d’abeilles et un revêtement de peau de fibres de verre et d’époxy. L’œuvre étant redevenue manipulable et la couche picturale consolidée, la restauration de la face s’est avérée tout aussi difficile, en raison de la présence d’un encrassement généralisé – produit sans doute par les fumées de l’incendie de 1871 –, de repeints anciens, de restes de vernis épars, ainsi que de morceaux de papier de protection et de nombreux adhésifs de toute nature provenant des anciennes interventions. Après avoir dégagé ces éléments résiduels, la restauratrice a dû travailler les anciens mastics et en poser de nouveaux, afin de retrouver une certaine planéité de l’ensemble et de pouvoir procéder enfin à la retouche, étape aussi délicate en raison des nombreuses usures et lacunes. Restauration de longue haleine, menée sur plus de cinq années, cette intervention a permis de conserver une partie du support original de cette œuvre, la seule qui permette de comprendre quelle était la nature de l’enduit sur lequel Théodore Chassériau avait travaillé ; étant devenu illisible et gravement menacé dans sa conservation, ce fragment, unique témoignage de l’un des décors disparus, est donc à nouveau présentable au public. V. Pomarède The decoration of the grand staircase of the Cour des Comptes in the former Palais d’Orsay, where the Musée d’Orsay is now located, was Théodore Chassériau’s major monumental work. It was commissioned in 1844 and was largely destroyed when the Palais d’Orsay was set on fire on 23 May 1871. The damaged work remained in the building’s ruins until 1898, when it was placed on permanent loan to the Louvre; it was stored in a basement, which was flooded during the “100-year flood” of 1910. Largely restored, it was transferred onto canvas thanks to the Société des Amis du Louvre. Only one fragment, Les Forgerons, originating from the right-hand side of the panel, entitled L’ordre pourvoit aux besoins de la guerre, has remained on its original coated plaster support. This long-term restoration project, which was carried out over more than five years, has helped preserve part of this work’s original support; this is the only part that enables us to identify the type of surface coating on which Chassériau had executed his painting. 249 Vie des collections Étude et restauration du Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais en 1342 d’Ary Scheffer Projet suivi par Sébastien Allard, Élisabeth Foucart-Walter, Vincent Pomarède et Marine Raudin (département des Peintures), Laurent Klein, Nicole Persici et Jocelyne Prunet (Service des affaires immobilières et du patrimoine de l’Assemblée nationale), Pierre Curie, Béatrice Lauwick et Isabelle Cabilic (C2RMF) Restauration au C2RMF : Emmanuel Joyerot et Jean-Pascal Viala pour le support et Yolanta Mendili pour la couche picturale Ary Scheffer (Dordrecht, 1795 – Argenteuil, 1858) Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais en 1342 Huile sur toile. H. 323 cm ; l. 547 cm Paris, Assemblée nationale, dépôt du musée du Louvre sans doute en 1820, INV. 7854 250 Exposé au Salon de 1819, cet ambitieux tableau d’Ary Scheffer, qui plus tard inspira quelque peu Auguste Rodin, constitue la première réussite professionnelle du peintre néerlandais, venu étudier à Paris dès 1811 dans l’atelier de Pierre Narcisse Guérin ; à l’issue de son exposition, cette grande composition historique, qui n’avait pas reçu un accueil Ary Scheffer, Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais en 1342 : avant restauration enthousiaste et n’avait été distinguée que par une mention honorable, avait été achetée par la Direction des musées royaux pour la somme de 2 000 francs. Le tableau met en scène l’épisode célèbre et dramatique, en 1342, du siège de Calais par le roi d’Angleterre Édouard et le dévouement d’Eustache de Saint-Pierre, de son fils et de quatre de leurs concitoyens qui se sacrifient pour sauver leur ville. Déposé par le musée du Louvre à l’Assemblée nationale, sans doute en 1820, il fut installé dans la salle des Conférences du Palais-Bourbon, où il est demeuré jusqu’en 1968 avant d’être montré dans les salles du Parlement, au château de Versailles. On sait grâce à plusieurs documents d’archives que l’œuvre a été modifiée, réduite de 17 cm dans sa hauteur et agrandie de près de 1 mètre dans sa largeur, opération effectuée sans doute en 1858, année où d’importants travaux ont été réalisés dans la salle où il était alors exposé1 ; à l’occasion de ce changement de format, le haut de la tour crénelée a disparu, tandis que les figures de deux soldats anglais, placées à gauche de l’œuvre et Ary Scheffer, Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais en 1342 : après coupées à moitié dans la composition originale, ont été comtraitement du support plétées. Les archives ne nous permettent pas de savoir si Scheffer avait ou non supervisé ces modifications. Restaurée entre 2009 et 2010, dans des espaces mis à disfondes craquelures prématurées ; le vernis lui-même était très position par le château de Versailles, l’œuvre a été réinstallée irrégulier, chanci à certains endroits et marqué localement par avec bonheur dans la salle où elle avait pratiquement passé des coulures de cire dues à d’anciens refixages. La couche picdeux siècles ; la restauration, effectuée par le C2RMF et finanturale étant plus sombre et jaune sur les agrandissements que cée par l’Assemblée nationale, a été suivie par le département sur l’original – ce qui prouve que plusieurs décennies s’étaient des Peintures. écoulées entre la création de l’œuvre et sa modification de forAprès un important travail de consolidation du support et mat –, il a été décidé d’accepter les conséquences de l’histoire des raccords de la toile originale avec les agrandissements de de l’œuvre, en travaillant ponctuellement sur les coutures afin 1858, l’égalisation du vernis a constitué un véritable défi, la de raccorder visuellement les parties entre elles. couche picturale présentant de nombreuses usures et de pro- Restaurations Ary Scheffer, Dévouement patriotique des six bourgeois de Calais en 1342 : après restauration Après un long travail de réintégration de la couche picturale, destinée à « calmer » les usures et les craquelures prématurées, l’œuvre a retrouvé toute sa force et sa lisibilité et elle a été réinstallée en 2010 dans son emplacement quasi original de la salle des Conférences du Palais-Bourbon. V. Pomarède 1. Lire à ce sujet Lauwick (B.), « Les aléas d’un tableau d’Ary Scheffer. Dévouement patriotique de six bourgeois de Calais en 1342 », Technè, 33, 2011, p. 79-85. Exhibited at the Salon of 1819, this ambitious painting by Ary Scheffer (1795–1858) was purchased by the Direction des Musées Royaux. Placed on permanent loan by the Louvre in the Assemblée Nationale, probably in 1820, it was hung in the Salle des Conférences of the Palais-Bourbon, where it remained until 1968; it was then displayed in the Salles du Parlement at the Château de Versailles. Archive documents attest that the work was modified, probably in 1858, when extensive work was carried out in the room where it was exhibited (see Technè, 2011, no. 33, pp. 79– 85). It is not known whether Scheffer supervised these modifications. Restored between 2009 and 2010, in a space provided by the Château de Versailles, the work was happily reinstalled in the room where it had hung for almost two centuries; the restoration, carried out by the C2RMF and financed by the Assemblée Nationale, was overseen by the Department of Paintings. 251 Vie des collections Arts graphiques Examen technique d’un dessin attribué à Jan van Eyck Projet suivi par Carel van Tuyll van Serooskerken Études et analyses : Claudine Chavannes-Mazel (université d’Amsterdam), Koen Janssens, Geert Van der Snickt (université d’Anvers), Micha Leeflang (Museum Catharijneconvent, Utrecht), Margreet Wolters (Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie, La Haye) et André Le Prat (musée du Louvre, atelier de restauration du département des Arts graphiques) Analyses dendrochronologiques : Peter Klein (Hambourg) Un dessin flamand singulier et assez problématique, Une partie de pêche (INV 20674), a longtemps été attribué à Jan van Eyck mais est considéré comme une copie d’après ce maître, voire un pastiche, par la critique plus récente. L’œuvre a été soumise en août 2011 à différents examens techniques, y compris réflectographie infrarouge (IRR), spectrométrie de fluorescence X (SFX) et spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) ; le panneau sur lequel l’œuvre est collée a subi une analyse dendrochronologique (Dr Peter Klein, Hambourg). Cette étude analytique, entrepris à l’initiative du Pr Claudine Chavannes-Mazel (université d’Amsterdam), a eu lieu dans l’atelier de restauration du département en associant des chercheurs de l’université d’Anvers (Pr Dr Koen Janssens, Geert Van der Snickt), du Museum Catharijneconvent (Dr Micha Leeflang), du Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie (Dr Margreet Wolters), ainsi que le chef de l’atelier de restauration, André Le Prat. Les premiers résultats ont été présentés pendant un colloque tenu à La Haye (Museum Meermanno) le 9 mars 2012 par C. Chavannes-Mazel et G. Van der Snickt. L’examen technique a démontré que certaines parties du dessin, considérées jusqu’ici comme des ajouts postérieurs – le paysage de l’arrière-plan ainsi que le château –, faisaient partie intégrante du dessin originel, et que les vêtements des personnages féminins dans la partie gauche du dessin étaient à l’origine entièrement colorés, vraisemblablement à l’indigo ou autre pigment fugace. Il est clair que l’œuvre a subi des interventions postérieures, mais ces modifications sont moins importantes que l’on n’a voulu le penser et rien ne semble s’opposer a priori à ce que l’on propose une date d’exécution du dessin dans les premières décennies du xve siècle. Les résultats détaillés de la recherche seront publiés prochainement. C. van Tuyll van Serooskerken Jan van Eyck (attribué à ou d’après), Une partie de pêche, encre noire, rehauts d’or, rehauts de blanc, pinceau, lavis brun, département des Arts graphiques 252 (INV 20674) Restaurations A Fishing Party (INV 20674), a Flemish drawing long attributed to Jan van Eyck, then considered a copy—even a pastiche—after that master, was subjected to various technical examinations in August 2011, and the panel to which the work is affixed underwent a dendrochronological analysis. Some parts of the drawing, previously considered later additions (the background landscape as well as the castle) are in fact an integral part of the original. The clothing of the female figures in the left part of the drawing was originally fully coloured. The work has, of course, been subject to later modifications, but these are less extensive than believed, and nothing seems to rule out the early decades of the fifteenth century as the drawing’s date of execution. C. Chavannes-Mazel and G. Van der Snickt presented the initial results at a conference in The Hague on 9 March 2012. Most questions related to the display of works from the Department of Prints and Drawings have been resolved by the standardization of mounts and frames. Nevertheless, further reflection is sometimes necessary, as was the case when Rembrandt’s Three Crosses, an etching printed on vellum, was sent on loan to Japan. The solution was to develop a hermetic frame insulating the parchment from climatic variations. For the Mariette exhibition, a different scenario played out. It consisted of reassembling, on a single mount, nine works that Mariette had mounted together for aesthetic reasons but which were separated for reasons of classification in the nineteenth century. For the duration of the exhibition, the sketches were presented in an arrangement imitating Mariette’s mount. Sometimes the return of a work from exhibition prompts a further reflection on its conservation: for example, a special portfolio was designed to store a work on parchment that was extremely fragile because it was prepared with iron-gall ink on both recto and verso. La restauration des œuvres graphiques en vue de leur exposition Projet suivi par Valentine Dubard Des recherches ont été menées à l’occasion de trois expositions. Les Trois Croix, œuvre gravée sur parchemin de Rembrandt, ont été présentées à Tokyo et Nagoya (Japon) à l’occasion de l’exposition « Rembrandt : tonalité sombre, papier japonais et clair-obscur ». Un encadrement hermétique a été conçu spécialement pour faire voyager cette œuvre particulièrement sensible aux variations hygrométriques. Au retour de l’exposition, les mesures ont été relevées à partir de la puce enregistreuse placée dans le cadre. Elles ont montré une exceptionnelle stabilité climatique. La radioactivité, qui a également été mesurée, était nulle. À la suite de l’exposition « Les Enluminures du Louvre. Moyen Âge et Renaissance », organisée au musée du Louvre, un montage a été conçu afin de conserver l’œuvre sur parchemin MI 1091, particulièrement fragile en raison de la présence d’encre métallo-gallique sur son recto et son verso. Le montage mis au point, qui se compose de plusieurs couches de papier japonais, a pour effet de soutenir l’œuvre. Les techniques japonaises dont ces recherches se sont inspirées permettent de modifier les caractéristiques physiques du papier. À l’occasion de l’exposition « Dessins français de la collection Mariette » présentée au musée du Louvre, neuf dessins ont été de nouveau réunis, restituant ainsi le choix esthétique du collectionneur Mariette, qui les avait assemblés au regard de leurs dimensions, de leurs sujets et de leur traitement graphique. Au moment de l’inventaire de la collection au xixe siècle, ils avaient été séparés et classés par écoles et par artistes. Les recherches ont porté à la fois sur le mode d’assemblage des œuvres et sur le caractère esthétique de leur présentation. Le choix s’est arrêté sur une reconstitution, qui, en dépit de différences de couleurs, de matières et de niveaux dans le plan, était suffisamment illusionniste pour évoquer avec vraisemblance le montage tel qu’il devait se présenter à l’origine. Les recherches ont fait l’objet d’une collaboration entre l’atelier de restauration du département des Arts graphiques, l’atelier de montage et d’encadrement du musée et les commissaires de l’exposition. V. Dubard Dessins en cours de remontage pour l’exposition « Dessins français de la collection Mariette » Dessins remontés pour l’exposition « Dessins français de la collection Mariette » 253 Vie des collections Cadre emboîtant pour les pastels Projet suivi par André Le Prat et Valentine Dubard En 2010, l’atelier de restauration du département des Arts graphiques a conçu et mis au point un modèle d’encadrement adapté à la collection de pastels du musée avec l’atelier d’encadrement-dorure du Louvre (voir RML 2010, p. 235). Ce nouveau système d’encadrement se compose d’un cadre intérieur, fabriqué sur mesure, qui vient s’insérer dans le cadre ancien et qui associe une partie bois à une partie métallique et à un verre de haute sécurité. La fonction de ce cadre intérieur est triple : il s’agit d’assurer la protection du pastel, de le mettre de façon hermétique à l’abri de la poussière et de prendre le relais du cadre ancien lors de l’accrochage. En 2011, grâce à un mécénat des American Friends of the Louvre, sept pastels ont été restaurés et encadrés de cette façon. Chaque cadre intérieur, emboîtant, a été ajusté avec une grande précision au pastel destiné à être encadré, reprenant pour mieux les neutraliser les déformations d’équerrage et de planéité des pastels. Le travail d’ajustage a été mené dans un dialogue fructueux avec l’atelier d’encadrement-dorure. Parallèlement au travail de restauration, une étude scientifique porte sur les matériaux qui composent les œuvres et des cadres en bois doré. De nombreuses données ont été collectées et continuent de l’être au fur et à mesure de l’avancée du travail, qui se poursuit en 2012 et doit à terme, au bout de plusieurs années, prendre en charge la totalité de la collection. V. Dubard In 2010 the restoration workshop of the Department of Prints and Drawings, in cooperation with the gilt frame workshop, designed and produced a mode of framing specially adapted to the museum’s collection of pastels. In 2011, thanks to support from the American Friends of the Louvre, seven pastels were restored and framed in that manner. Each internal case, nested inside the external frame, was precisely fitted to the particular pastel, correcting for deformations when the pastel was off square or not entirely flat. A scientific study of the works and of the gilt frames is being conducted parallel to the restoration work. 254 Cadre emboîtant en cours d’installation Restaurations Histoire du Louvre Restaurations de fragments des Tuileries et de la Grande Galerie Programme suivi par Guillaume Fonkenell Restauration : Hélène Susini (C2RMF) En 2010, les collections du musée du Louvre se sont enrichies d’importants fragments du palais des Tuileries et de la Grande Galerie, démontés au xixe siècle. Le musée d’Écouen a généreusement accepté de déposer un modillon orné du chiffre HDB, un chapiteau de pilastre dorique et un chapiteau de pilastre corinthien. Par ailleurs, lors de mouvements au sein de la réserve de Saint-Germain-l’Auxerrois, un fragment de bague en marbre a pu être prélevé et affecté au département des Sculptures. L’ensemble de ces fragments a été restauré entre septembre et décembre 2011. Les œuvres provenant d’Écouen ont Chapiteau dorique à décor de fleur de lis provenant de la Grande Galerie : avant restauration été confiées à Hélène Susini, restauratrice au C2RMF. Il s’agit de sculptures en calcaire du Bassin parisien ; le chapiteau dorique, en particulier, est taillé dans une pierre de Saint-Leu au faciès très reconnaissable. Si ces fragments ne présentaient pas de problème structurel (absence de fissure ou d’amorce de rupture), leur état de surface était plus alarmant, notamment pour le chapiteau de pilastre dorique et pour le chapiteau corinthien, qui présentaient une surface rugueuse liée à la décohésion granulaire du calcaire et de nombreuses croûtes noires, consécutives à la pollution à laquelle ces pièces avaient été exposées avant leur démontage au milieu du xixe siècle. Les parties lisses des œuvres ont été nettoyées par microsablage (projection à très faible pression d’oxyde Chapiteau dorique à décor de fleur de lis provenant de la Grande Galerie : après restauration d’alumine de 29 µ de granulométrie) et les parties sculptées par laser solide Nd YAG pulsé déclenché. Le laser, réactif In 2011 the Musée National de la Renaissance at Ecouen generously à la couleur, est particulièrement adapté à des œuvres de teinte enriched the Louvre collections by entrusting to the museum several claire atteintes par des pathologies de couleur sombre et perfragments from the façades of the destroyed palace of the Tuileries and of met une photo-ablation fine. the Grande Galerie. These elements of Paris stone, which did not show any La bague en marbre rouge (type Pyrénées) provenant du major structural problems, were restored by Hélène Susini at the C2RMF. In château des Tuileries a été confiée à l’atelier de marbrerie addition, a marble ring from the Tuileries was sent to the Louvre’s marble du Louvre. Elle a été nettoyée par microbrumisation et sa surworkshop for microspray cleaning. face a été protégée et ravivée par application d’une cire microcristalline réversible. G. Fonkenell 255 Vie des collections Délégation à la conservation préventive et à la coordination des régies Surveillance « vibratoire » des œuvres de Charles Le Brun et Philippe de Champaigne conservées à proximité du chantier Marengo Projet suivi par Bertrand Le Dantec 256 Le but du chantier Marengo est de faciliter la circulation des publics dans le musée tout en répondant aux exigences de la préfecture en matière de sécurité. Pour atteindre cet objectif, la construction de deux escaliers, de part et d’autre du passage Marengo, est en cours. Dans ce contexte et tout en essayant de répondre aux exigences du plan d’ouverture garantie des salles et de veiller à la protection des œuvres situées à proximité du chantier, la plupart de ces dernières ont été déplacées pour les protéger des risques liés notamment à la poussière, à un climat inadapté et aux vibrations anthropiques provoquées par les travaux. Au deuxième étage du musée, aile Sully, salles 31 et 32, huit peintures de très grand format de Charles Le Brun et Philippe de Champaigne n’ont pu être Musée du Louvre, salle Le Brun, Sully, 2e étage déplacées en raison de leurs dimensions et de leur fragilité. En accord avec le département des Peintures et avec la participation de la direction Architecture Muséographie Technique (DAMT) et de la DCPCR, des mesures minimales de conservation préventive ont été prises (constats d’état et protection de la poussière à l’aide d’un tissu technique : Tyvek®), et des systèmes antivibratoires ont été installés. Ces systèmes ont pour objectif de limiter les dommages structuraux qui ne manqueraient pas d’affecter des œuvres non protégées situées près d’un chantier de démolition aussi important et confiné. Grâce à la conception spécifique d’un tableur informatique par la Junior Système d’isolation antivibratoire « silent blocs » installé sur trois des œuvres de Le Brun entreprise de l’université du Mans, des a conçu un tableur expérimental, dimensionné des mousses systèmes antivibratoires ont pu être trouvés, dimensionnés techniques à interposer entre l’œuvre et le mur. et quantifiés en tenant compte notamment de la masse des Une fois les œuvres positionnées sur les chariots ou contre peintures. Ces « silent blocs » ont ensuite été installés sous les les murs, des accéléromètres uni-axiaux, couplés à une centrale chariots métalliques, conçus pour l’occasion, qui reçoivent les d’acquisition, ont été installés, sur les châssis des œuvres, sur peintures décrochées. À titre d’exemple, Le Passage du Granique les sols et sur les murs des salles 31 et 32 par la société SITES. de Le Brun et le chariot qui le supporte représentent une masse Le seuil vibratoire théorique au-delà duquel il est estimé que de 3 685 kg. les vibrations occasionnées par le chantier sont susceptibles de Faute de place, les huit œuvres restées dans les salles 31 et présenter un danger pour les collections a été fixé à 32 (mg). Si 32 n’ont pu être posées sur des chariots. Trois d’entre elles la valeur enregistrée sur les châssis des œuvres dépasse ce seuil, ont simplement été isolées du sol grâce aux « silent blocs » le système se met en alarme et envoie un message électronique et appuyées en partie haute sur le mur. L’isolation vibratoire contenant un enregistrement de 40 secondes qui encadre le devient dès lors beaucoup plus complexe et nous avons, avec dépassement. l’aide d’un enseignant chercheur de l’université du Mans qui Restaurations Pour parfaire son installation, la société SITES a procédé à une série de tests préalables, d’une part pour valider le dispositif, d’autre part pour disposer d’éléments permettant d’apprécier l’efficacité des « silent blocs » une fois en place. Les premiers résultats enregistrés sont prometteurs et devront être confrontés aux réalités du chantier. B. Le Dantec The construction of two staircases on each side of the Marengo Pavilion to meet the security requirements formulated by the prefecture has led the museum, in collaboration with the Université du Mans, to develop antivibration systems for the eight large paintings that could not be evacuated. The design of a specific spreadsheet and the determination of a theoretical vibration threshold beyond which the construction would pose a danger for the collections have made it possible to generate an alarm and a warning message. Chantiers des collections Projets suivis par la DCPCR La DCPCR a organisé et suivi trois chantiers de collections au cours de l’année 2011. En premier lieu a été menée à bien la fin du chantier des collections des salles d’étude Campana, de janvier à mai. Les objectifs étaient les suivants : bilan sanitaire des collections conservées dans ces salles transformées en réserve et interventions de conservation curative (consolidations d’urgence nécessaires pour le transport des œuvres vers la réserve) ; conditionnement des œuvres dans le cadre du plan de prévention contre les risques d’inondation, de manière à ce qu’elles puissent être évacuées, sans dommage, en soixante-douze heures maximum en cas de montée subite des eaux de la Seine ; optimisation de l’espace occupé par les collections (réduction du mobilier en réserve) ; rangement des collections conditionnées dans la réserve souterraine du département. Pour cela, des tessonniers sur roulettes ont été conçus par la DCPCR, puis fabriqués sur mesure, et des caisses gerbables achetées pour y entreposer les objets plus volumineux. Treize mille quatre cent treize vases et figurines en terre cuite grecs, étrusques et romains ont ainsi été soumis à ce protocole. En second lieu ont été traités, de juin à septembre, les verres archéologiques issus des fouilles du Grand Louvre, qui étaient entreposés dans des conditions impropres à leur conservation dans une réserve de la région parisienne. Le chantier, conduit avec la section Histoire du Louvre, a permis de procéder au constat d’état, à la consolidation et au reconditionnement des collections, qui ont été transportées vers des réserves externalisées. Ont été traités six cent vingt-cinq pièces complètes, trois mille trois cent seize sachets, contenant des frag- ments de verres potentiellement remontables, et cent vingt-huit caisses comportant des fragments de verres creux, de bouteilles et de verres plats. Enfin, la DCPCR a mené à bien, en collaboration avec le département des Antiquités égyptiennes, la première phase du chantier des collections coptes, qui concerne le lapidaire (soit deux cent soixante-dix-neuf œuvres). Une fois ce dernier transféré dans une réserve externalisée, il est prévu deux autres phases, en 2012 et 2013, au terme desquelles le traitement de l’ensemble de la collection devrait être achevé. L. Cuquemelle Conditionnement d’une figurine de Myrina Verre en cours de remontage In 2011 the DCPCR organized and carried forward three collections projects, whose objectives were to update the computerized documentation of the works, to perform a general examination, to undertake conservationrestoration operations, and to repack the collections. The repacking operation is intended to facilitate the evacuation of the works in case of emergency (the works in the Department of Greek, Etruscan and Roman Antiquities held in the Campana rooms), to provide works with better environmental conditions (glass from the History of the Louvre section of the Department of Sculptures), or to free up space (Coptic stone from the Department of Egyptian Antiquities) so as to be able to undertake other projects. 257 Vie des collections Espaces muséographiques Sculptures médiévales françaises, la sculpture gothique du xiiie siècle : salle Royaumont Aile Richelieu, rez-de-chaussée, salle 4 bis le tombeau d’Ote, fils de Philippe d’Artois (R.F. 429), divers éléments provenant de Saint-Denis (tête d’homme barbu, R.F. 447 ; tête de Vierge couronnée, R.F. 450 ; homme appuyé sur une béquille, R.F. 1237 ; deux fragments de dalle gravée ornés d’un buste d’homme coiffé d’un bonnet et de deux griffons aux cous enlacés, R.F. 1019 et R.F. 1020), ainsi que deux têtes attribuées au Maître de Mussy (R.F. 3526 et R.F. 4217). La vitrine de droite permet de montrer un buste de bourreau encapuchonné (R.F. 1576), un relief représentant Jessé endormi (R.F. 1490) et une statuette d’évêque (R.F. 2056). La focalisation sur la sculpture mobilière a entraîné une diversification des catégories d’œuvres voulues par les commanditaires. Dans la sculpture funéraire, ainsi, où les gisants se multiplient tout au long du xiiie siècle, on voit même apparaître des tombeaux spécifiques pour les enfants, du moins ceux de sang royal. En France, saint Louis (qui régna de 1226 à 1270) avait dévolu l’abbaye de Royaumont aux princes non régnants, réservant l’exclusivité de Saint-Denis aux rois et reines ; aussi est-ce pour Royaumont que fut sculpté le tombeau à gisant du petit Ote, fils de Philippe d’Artois et arrière-petit-neveu de saint Louis. Une autre évolution se fit jour, l’intérêt croissant pour le monde naturel, par exemple à travers un rendu plus précis de l’outillage et du vêtement quotidiens (harnachement des chevaux du retable de saint Hippolyte ; coiffure d’un personnage sur un fragment de pavement). Par ailleurs, cette volonté de restituer la vie dans toutes ses facettes conduisit les artistes à s’intéresser à des physionomies patibulaires (figure probable d’un bourreau de la Flagellation) ou aux déformations accidentelles du corps (homme appuyé sur une béquille). Mais l’observation de la réalité fut également le prétexte à la mise en valeur du talent du sculpteur, par le rendu scrupuleux et virtuose des matériaux (voir les deux têtes attribuées au Maître de Mussy). Malheureusement, la plupart de ces grands sculpteurs du xiiie siècle demeurent anonymes, faute de signatures et d’archives. Mais l’observation des œuvres peut évoquer l’existence de personnalités artistiques que l’on suit presque de chantier en chantier. Ainsi, le retable de saint Hippolyte provenant de Saint-Denis a été rapproché de sculptures de la cathédrale de Bourges et de celle de Léon (Espagne). De même, autour de Salle Royaumont, aile Richelieu, rez-de-chaussée, salle 4 bis, évocation d’une chapelle d’époque gothique Grâce au transfert de la salle d’actualité du département des Sculptures à l’entrée de l’aile Richelieu, les salles de la sculpture médiévale française bénéficient d’un nouvel espace, consacré au xiiie siècle. Dans cette salle peuvent désormais être montrées des sculptures importantes restées en réserve lors de l’ouverture du Grand Louvre. Ces œuvres proviennent souvent de monuments d’une importance majeure, comme l’abbaye bénédictine de Saint-Denis, l’hôtel-Dieu de Tonnerre ou encore l’abbaye cistercienne de Royaumont, qui a donné son nom à la salle. Il faut préciser que la présentation actuelle ne correspond pas à l’état définitif de la salle, qui devrait être effectif en 2013 seulement. La disposition de la salle permet d’évoquer les chapelles de l’époque gothique, telles qu’elles se multipliaient autour ou à l’intérieur des édifices prestigieux déjà existants. En effet, après le mouvement collectif de construction des cathédrales, ce type de chapelle a connu un fort développement à partir du milieu du xiiie siècle, pour répondre au désir des individus, des confréries et des lignages puissants de posséder des espaces spécifiques où dire leurs prières et enterrer leurs morts. Il fallut donc doter ces chapelles d’un mobilier liturgique propre (autel, retable, statues) et sculpter des tombeaux pour les défunts qui y reposaient, ce qui entraîna une multiplication de ce type de sculpture (dite « mobilière ») par rapport à la sculpture monumentale, qui passa peu à peu au second plan. Le mur du fond de la salle accueille donc le retable de la chapelle SaintHippolyte de Saint-Denis (R.F. 432). La vitrine de gauche reçoit 258 Espaces muséographiques Salle Royaumont, vitrine de droite Salle Royaumont, vitrine de gauche Salle Royaumont, retable de la chapelle Saint-Hippolyte de Saint-Denis (R.F. 432) quelques œuvres conservées dans l’église de Mussy-sur-Seine (Aube), la critique a depuis longtemps rassemblé un groupe d’œuvres situées dans la même région, qui se distingue par le matériau employé et le raffinement de l’exécution. Néanmoins, il ne s’agit pas pour autant de supposer l’existence d’une main unique, ce pourquoi l’on rapporte les deux œuvres exposées ici (une tête de Christ et une tête de chevalier) au Maître de Mussy ou à son atelier. Comme dans une chapelle, le point focal de la salle est constitué par le retable de saint Hippolyte, que le visiteur aperçoit dès son arrivée. Il s’agit d’un chef-d’œuvre du second quart du xiiie siècle, remarquable aussi bien par l’audace de sa mise en page que par la qualité innovatrice de son style. Le retable expose en effet sans solution de continuité trois épisodes du martyre du saint, tels qu’ils sont racontés dans les récits hagiographiques du temps. Toutefois, l’accent est mis sur la scène finale, placée au centre, où l’horizontale du corps torturé (mais encore serein) d’Hippolyte s’oppose à la verticale indiquée par l’élévation de son âme au ciel, sous la forme d’une petite figure nue portée par deux anges. Le retable a subi quelques restaurations modernes (notamment certaines têtes) et perdu les éléments de verre qui ponctuaient son encadrement et devaient le rapprocher d’une œuvre d’orfèvrerie par son éclat. Mais cela ne nuit guère à l’effet d’ensemble du relief. En effet, l’étonnante saillie des personnages par rapport au fond, en particulier pour la figure centrale du saint, que l’on perçoit seulement devant l’œuvre, est un indice de l’intérêt de son auteur pour la tridimensionnalité, qui compte parmi les recherches les plus nouvelles du xiiie siècle. P.-Y. Le Pogam With the transfer of the contemporary room of the Department of Sculptures to the entrance of the Richelieu wing, the French medieval sculpture rooms have been given a new space, devoted to the thirteenth century. In that room, important sculptures from major monuments, such as the Benedictine abbey of St Denis, the Hôtel-Dieu of Tonnerre, and the Cistercian abbey of Royaumont—for which the room has been named— can now be shown. The layout of the room evokes a chapel from the Gothic period. That type of building, which developed in the mid-thirteenth century around or inside already-existing prestigious buildings, possessed its own liturgical furnishings as well as tombs. As the recumbent effigies multiplied, tombs for children, at least those of royal blood, began to appear. Notable as well was a growing interest in the natural world, the observation of reality, and a more scrupulous rendering of details. Unfortunately, the names of the major thirteenthcentury sculptors usually remain unknown, for lack of signatures and archives. But an observation of the works may suggest the existence of artistic personalities that can be followed from one project to another. The current display does not correspond to the definitive state of the room, which should be completed in 2013. 259 Vie des collections Mise en valeur des fragments des Tuileries de Catherine de Médicis Aile Richelieu – cour Marly ; jardin des Tuileries – le long de la terrasse du Bord-de-l’Eau et d’autres furent vendus par l’entrepreneur chargé de la destruction. Les parties de la Renaissance furent particulièrement privilégiées, ce qui s’explique naturellement quand on voit la qualité des éléments restaurés en 2011. Tant du point de vue de l’histoire que de l’histoire de l’architecture, la mise en valeur des vestiges des Tuileries est donc un sujet essentiel. Voici l’état d’avancement des différentes actions menées à cet égard. L’arcade de l’hôtel de Fleury, remontée dans la cour de l’école des Ponts et Chaussées vers 1883-1884, mesure 9,60 mètres de hauteur pour un poids supposé de 58 tonnes. Composée de plus de cent cinquante blocs, elle appartenait à la partie centrale du palais de Catherine de Médicis, œuvre de Philibert Delorme. Après le versement du vestige au Louvre, il a été décidé de le présenter au public dans la cour Marly (seul espace couvert du musée disposant d’une hauteur suffisante pour l’accueillir), dans l’axe de la salle où est exposé le gisant de Catherine de Médicis. Le musée assure ainsi l’avenir et la préservation de cette pièce d’architecture exceptionnelle, l’un des plus beaux morceaux de sculpture ornementale de la Renaissance française. Ce dossier complexe a exigé la coordination de nombreux moyens et services : l’École nationale des Ponts et Chaussées, le ministère des Finances et France Domaines, le ministère de la Culture et, au sein du Louvre, l’action croisée du département des Sculptures et de l’architecte en chef du musée, avec le soutien de la section Histoire du Louvre. L’opération a été rendue possible par les financements du plan de relance. L’arcade a été démontée de la cour de l’école des Ponts et Chaussées entre juin et septembre 2009 et ses blocs nettoyés à cette occasion dans un atelier temporaire abrité dans la cour. Mises en caisses, les pierres ont été entreposées au jardin des Tuileries pendant un an et demi avant le remontage, effectué entre mars et mai 2011 par l’entreprise Lefebvre. Le remontage proprement dit a été précédé d’une importante phase d’étude sur la capacité porteuse du sol de la cour Marly et de la réalisation de confortements en sous-œuvre. Les opérations de restauration ont été limitées et seuls des ragréages et quelques éléments, confiés à l’équipe de Carlo Usai, ont été nécessaires pour assurer une parfaite lisibilité des lignes de l’architecture. L’arcade a été inscrite sur les inventaires du département des Sculptures et figure parmi les acquisitions 2011 de ce département. Dans le jardin des Tuileries se trouvaient deux autres vestiges d’une ampleur équivalente à celle de l’arcade des Ponts et Chaussées : une seconde arcade analogue, Remontage de l’arcade des Tuileries dans la cour Marly (aile Richelieu, rez-de-chaussée) En décembre 2007, l’annonce de la vente de l’hôtel de Fleury, jusqu’alors siège de l’École nationale des Ponts et Chaussées, a posé le problème du devenir d’un très important vestige du palais des Tuileries :