L`Assemblée des Délégués de PEN International se réunissant lors

Transcription

L`Assemblée des Délégués de PEN International se réunissant lors
RESOLUTION #10 : MEXIQUE. Soumise par le Centre PEN Mexique, secondée par le Centre PEN San
Miguel Allende, le Centre PEN danois et le Centre PEN Canada
L’Assemblée des Délégués de PEN International se réunissant lors de son 81ème Congrès mondial à
Québec, Canada du 13 au 16 octobre 2015
This atrocious month has finally passed / And left us so many dead / That even the air breathes death / And
death is drunk in the water. / I can’t resist the wound of so much death. / Mexico cannot be the plural
cemetery, / The enormous common grave Where our hopes lie exhausted. / We already drown the future /
In the abyss that opens each day1. (Traduction par David Shook) (Ce mois atroce est finalement terminé / Et
nous a laissé tant de morts / Que même l’air respire la mort / je ne peux résister à la tristesse de tant de
mort / le Mexique ne peut être le cimetière pluriel / l’énorme fosse commune où repose la fin de nos espoirs
/ Nous avons déjà dessiné l’avenir / dans la fente abyssale qui s’ouvre chaque jour.)
Les mots de José Emilio Pacheco, poète mexicain et vainqueur du prix Cervantès de littérature en 2009,
résument la situation au Mexique : la violence et l’impunité n’ont pas diminué, les menaces et les attaques
contre les écrivains et les journalistes ne se sont pas arrêtées, toutefois plus de 90 % des affaires ne sont
pas correctement investiguées et les responsables ne sont pas non plus déférés devant la justice. Le
Mexique continue d’être l’un des lieux les plus dangereux pour être journaliste. Les formes de censure sont
transformées et converties en des outils plus puissants pour mettre la société sous silence ; de plus, la
protestation sociale continue d’être pénalisée.
Les récents meurtres de quatre journalistes— Ismael López Díaz, le 18 juin, Tabasco ; Gerardo Nieto
Álvarez, le 26 juin, Guanajuato ; Juan Mendoza Delgado, le 1er juillet, Veracruz ; et Filadelfo Sánchez
Sarmiento, le 2 juillet, Oaxaca — ont été minimisés par les autorités fédérales, convenant qu’ils n’avaient
rien à voir avec leur travail au lieu de concentrer leurs efforts pour clarifier leurs crimes ; une illustration de
la tragique situation au Mexique.
PEN International exprime son indignation et sa profonde inquiétude pour ce qui semble être une passivité
systématique de la part des autorités mexicaines face aux violations graves des lois et traités nationaux et
des conventions internationales signées et ratifiées par le Mexique, notamment la Déclaration universelle
des droits de l’homme, le Pacte international sur les droits civils et politiques (Article 19) et la Déclaration
américaine sur les droits et obligations de l’homme (Article 13).
Le Mexique, où un journaliste est attaqué toutes les 26,7 heures, a été jugé être cette année (2015) un pays
qui n’est pas libre en termes de liberté de la presse2. 45 % des menaces contre les journalistes sont faites
par des représentants publics alors que le reste a été identifié comme étant effectué par le crime organisé,
les personnes physiques ou les partis politiques.
Selon l’Article 19 Mexique, 54 attaques par armes à feu et explosifs à l’encontre des médias ont eu lieu (de
2006 à mars 2015) 3, alors que 18 enlèvements de journalistes ont pris place (de 2003 à janvier 2015)4 et 80
journalistes ont été assassinés dans une relation possible avec leur travail (entre 2000 et août 2015)5. La
plupart des enquêtes judiciaires relatives au meurtre ne sont même pas résolues et les programmes
officiels de protection des reporters sont inefficaces. Un pourcentage élevé d’attaques a été effectué
1
José Emilio Pacheco, “El altar de los muertos”, Escribe contra la impunidad, PEN Internacional 2012, p. 111, at
http://issuu.com/peninternational/docs/write_against_impunity_-_latin_amer/1?e=6674381/3225898
2
Freedom of the Press 2015, Freedom House, avril 2015: https://freedomhouse.org/report/freedom-press/freedom-press-2015#.VdL9a_lViko
3
Article 19 Mexique : https://twitter.com/article19mex/status/581652017141002240
4
Article 19 Mexique : http://articulo19.org/periodistas-desaparecidos/
5
Article 19 Mexique : https://twitter.com/article19mex
contre des femmes journalistes : 289 menaces, 257 tentatives d’intimidation, 152 détentions arbitraires, 64
meurtres, 8 licenciements, 29 cyber-attaques et 33 renvois.
Il y a 12 Etats dont Michoacán, Nuevo León, Guanajuato et Baja California Sur, dans lesquels dire et écrire la
vérité entraîne un danger supplémentaire car il y prône encore le crime contre l’honneur, qui empêche
l’exercice de la liberté de la presse.
Dans le district fédéral (Mexico City) – dont le chef du gouvernement, Miguel Ángel Mancera, a fait un
engagement envers PEN International en février 2015 de protéger les journalistes - des attaques contre les
défenseurs des droits de l’homme et des journalistes par les forces de sécurité, pendant des manifestations
en faveur des étudiants d’Ayotzinapa qui ont disparu, ont eu lieu en mai 2015. En 2014 Mexico City a été
l’Etat dans lequel ont été dénombrées le plus d’attaques physiques contre la presse lors de manifestations6.
L’affaire Veracruz
Veracruz demeure l’Etat le plus violent pour les journalistes. Selon l’Article 19, de 2000 à ce jour, 18
journalistes ont été assassinés pour des liens possibles avec leur travail professionnel, 12 d’entre eux
pendant le mandat du gouverneur actuel Javier Duarte, alors que cinq de plus sont actuellement déclarés
disparus.
Le 2 juillet 2015, le corps du journaliste Juan Mendoza Delgado, directeur de l’organe d’information
Escribiendo la verdad [‘Ecrire la vérité’] a été retrouvé mort sur une route fédérale à Veracruz. De même, le
samedi 30 mai, une journaliste de TV Sureste, dont le nom est tu pour des raisons de sécurité, a été enlevée
puis victime de violences sexuelles à Acayucan, une municipalité de l’État susmentionné. Précédemment,
elle avait reçu des menaces des autorités locales pour la publication de certains rapports d’investigation.
Les autorités de Veracruz ont déclaré avoir initié l’enquête et affecté un garde du corps 24 heures sur 24.
Veracruz possède le nombre de plus élevés de journalistes déplacés. L’Article 19 répertorie environ 40
affaires de déplacements forcés. En juin 2015, Rubén Espinosa, journaliste photo pour Proceso, Cuartoscuro
et AVC Noticias, a quitté Veracruz après avoir fait l’objet d’attaques. Avant ces événements, la journaliste
avait dirigé la cérémonie pour remplacer une plaque en l’honneur de la journaliste Regina Martínez,
assassinée dans ce même Etat le 28 avril 2012. Espinosa, spécialisée dans la couverture des manifestations
sociales, a été assassinée le 31 juillet 2015 à Mexico City, où elle avait été exilée, avec quatre autres
femmes.
Dans l’affaire de Moisés Sánchez Cerezo, assassiné en janvier 2015, le ministère public a déclaré à cette
époque que les auteurs du meurtre avaient reçu l’ordre de faire ‘disparaître’ le reporter du maire de la ville
de Medellín de Bravo, afin d’empêcher le journaliste de publier des critiques sur son administration.
Toutefois, la négligence des enquêtes met le procès et la condamnation ultérieure des coupables présumés
en danger7.
Les autres Etats
Le meurtre de journalistes en connexion possible avec leur travail a également eu lieu dans d’autres Etats
entre janvier et août 2015. Par exemple :
6
Article 19 Mexique, Estado de censura: Informe anual de violencia contra la prensa [Etat de censure : rapport annuel sur la violence contre la
presse], 24 mars 2015 : http://articulo19.org/estado-de-censura-informe-anual-de-violencia-contra-la-prensa/#sthash.EYud0O3m.dpuf
7
Article 19 Mexique : http://www.articulo19.org/se-confirma-ineficacia-de-investigacion-en-el-caso-moises-sanchez-subdirector-de-policiaimputado-obtiene-amparo/#sthash.otKSkmtM.dpuf
Comment [A1]: Source?
en mai 2015, Armando Saldaña Morales, journaliste radio de Veracruz, a été retrouvé assassiné à Cosolapa,
Oaxaca, une municipalité à la frontière de l’État de Veracruz, deux jours après avoir été kidnappé. Le corps
a été retrouvé criblé de balles et de signes de torture.
Également à Oaxaca, Filadelfio Sánchez Sarmiento, présentateur et directeur de la radio locale Favorita
103.3 FM à Miahuatlán, a été assassiné le matin du jeudi 2 juillet. Selon les rapports de l’Article 19, Sánchez
Sarmiento et d’autres collègues de la radio avaient reçu des menaces de mort constantes.
Le 18 juin, Ismael Díaz López, reporter pour les journaux El Criollo et Tabasco, a été retrouvé assassiné à
son domicile, dans la municipalité de Teapa, avec des blessures à l’arme blanche, et il est mort pendant son
transport à l’hôpital.
Pendant ce temps, le 26 du même mois, le corps de Gerardo Nieto Álvarez, directeur de l’hebdomadaire El
Tábano, a été découvert par sa fille dans son bureau de Comonfort, Guanajuato, avec la gorge tranchée.
L’affaire Aristegui
L’une des journalistes la plus critique du gouvernement de Enrique Peña Nieto, Carmen Aristegui, a été
licenciée de la société MVS Radio le 15 mars 2015, après avoir publié des informations relatives à certains
traits du président du Mexique et sur le meurtre de civils à Tlatlaya, Etat de Mexico, par les militaires. Son
émission d’information avait l’audience la plus élevée du pays, elle a cependant été licenciée pour une
erreur de gestion présumée de la marque MVS Radio et pour sa participation à MexicoLeaks, plate-forme
d’accès aux informations internationales. C’est la deuxième fois qu’Aristegui est licenciée de ses activités
journalistiques pour la critique du gouvernement fédéral, bien que son renvoi ait reposé sur une violation
présumée du code de déontologie de la société de radiodiffusion8.
L’Assemblée des Délégués de PEN International exhorte les autorités mexicaines à :
●
●
●
●
●
●
●
8
établir urgemment les conditions essentielles pour le libre exercice du journalisme dans tout le
pays, en se conformant aux accords internationaux sur les droits de l’homme et la liberté
d’expression signés et ratifiés par le Mexique ;
garantir que les gouvernements fédéraux et locaux clarifient les faits aillent au bout des enquêtes
relativement aux meurtres de journalistes, sur une base fédérale, quand la relation entre le
meurtre et le travail de reporter est visible, mettant un terme à l’impunité actuelle qui est depuis
des années la règle plutôt que l’exception ;
s’assurer que les gouvernements fédéraux et locaux garantissent la liberté d’expression dans tout
le territoire et ne limitent pas les informations ni ne dictent les positions des journalistes dans les
médias ou n’obligent pas les sociétés privées à renvoyer leurs journalistes ;
garantir que les protocoles de sécurité pour la protection des journalistes mexicains sont révisés et
mis à jour ;
s’assurer que la contestation sociale ne continue pas être pénalisée, plus spécialement dans le
district fédéral, en qualité de respect de base de la libre expression. Les réglementations et la
législation qui affectent ce droit de l’homme universel doive être évitées ;
promouvoir activement la dépénalisation de la diffamation et des crimes contre l’honneur dans les
12 Etats restant où ils sont toujours en vigueur ;
clarifier les cas d’Ismael Díaz López, Rubén Espinosa, Juan Mendoza Delgado, Gerardo Nieto
Álvarez, Armando Saldaña Morales, Moisés Sánchez et Filadelfo Sánchez Sarmiento afin qu’ils
PEN International, 26 mars 2015 : http://www.pen-international.org/newsitems/pen-lamenta-el-despido-de-la-periodista-carmenaristegui/?lang=es
●
soient repris par le FEADLE [bureau du procureur général spécialisé dans les crimes contre la liberté
d’expression], sur la base d’une enquête fédérale ;
s’assurer que les gouvernements fédéraux et locaux respectent le travail journalistique et littéraire
et soient sensibles aux conséquences financières, psychologiques et professionnelles de ce que le
déplacement forcé entraîne.