Les inondations de février 2007 dans les kampung - Prodig

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Les inondations de février 2007 dans les kampung - Prodig
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EchoGéo
Les inondations de février
2007 dans les kampung
pauvres de Jakarta
Causes, enjeux, déroulement, conséquences
Pauline TEXIER et Monique FORT
RÉSUMÉ
Les inondations de février 2007 qui ont affecté Jakarta (20 M habitants) ont été dramatiques
(55 morts, 400 000 sinistrés). Outre leurs causes intrinsèques (configuration topographique
favorable, précipitations concentrées dans le temps, superposition de deux ondes de crue), ces
inondations furent amplifiées par l'urbanisation accélérée au cours des dix dernières années et
une gestion des eaux défaillante à l'échelle de la ville. Ce type d'événement a affecté en
priorité les quartiers populaires et a entraîné des conséquences économiques et sanitaires
graves, qui se traduisent pour ces populations par une vulnérabilité accrue au risque
d'inondation et un sentiment croissant d'insécurité.
ABSTRACT
The floods that affected Jakarta (20 M inhabitants) in February 2007 were catastrophic
(55 human losses, 400,000 victims). Besides their intrinsic causes (favorable topographic
context, concentration of precipitation in time, superposition of two flood waves), the
inundation was amplified by the accelerated urbanization of these last ten years and by an
inefficient water management at the city scale. This type of event mainly affected the poor
districts, hence resulting in severe economical and sanitary consequences that might generate
an increased vulnerability to flood hazards and a feeling of political insecurity for these
populations
PLAN
1. Contexte – Le problème de l’eau
2. Causes des inondations récurrentes à Jakarta
3. Le vécu des inondations dans les quartiers populaires
4. Conséquences économiques et sanitaires
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TEXTE INTÉGRAL
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Jakarta vient de subir les pires inondations de son histoire, faisant au total 55 morts et près de
400 000 réfugiés sans abri, tandis que 60 % de la superficie de la ville était touchée (figure 1).
Une telle crise permet de s’interroger sur les facteurs qui ont engendré des événements d’une
telle ampleur, crise d’ailleurs autant révélatrice des vulnérabilités de la population locale que
de sa mauvaise gestion par des acteurs débordés par la situation.
Figure 1 – Carte de Jakarta : drains et zones inondées en février 2007 (sources officielles, qui peuvent
à certains endroits sous-estimer l’ampleur des inondations) et localisation des zones étudiées
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1. Contexte – Le problème de l’eau
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Jakarta, capitale indonésienne, est une conurbation littorale de près de 20 millions d’habitants,
située en région intertropicale. Le climat de mousson apporte saisonnièrement des
précipitations marquées par leur forte intensité. Le site « naturel » de Jakarta se distingue tout
d’abord par une topographie déprimée, liée à la convergence vers la zone urbaine des pentes
du flanc nord du complexe volcanique de Pangrango-Salak, culminant à plus de 3000 m au
sud de Bogor. Cette situation est aggravée par la subsidence des terrains, due au poids de la
zone urbaine et aux extractions d’eau souterraine, qui occasionnent par ailleurs la salinisation
et la pollution des nappes. À cela s’ajoute une configuration hydrologique d’ancien delta,
matérialisée par les 13 rivières qui se rejoignent dans la baie de Jakarta, configuration
renforcée par le réseau de canaux construits sous l’époque coloniale hollandaise et connectés
aux drains naturels (figure 1). Le site de Jakarta a donc une propension naturelle à être inondé.
Mais le contexte urbain (concentration rapide des eaux, ruissellement et faible capacité
d’infiltration), notamment le réseau d’évacuation des eaux très mal hiérarchisé, ainsi que la
mauvaise gestion des déchets, viennent aggraver la situation en cas de fortes inondations.
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http://lodel.revues.org/echogeo/document.html?id=905
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Par ailleurs, que ce soit en saison sèche ou en saison humide, la quantité d’eau potable
distribuée nécessaire aux besoins élémentaires de la population est largement insuffisante. Or,
les eaux usées sont très mal évacuées et viennent polluer rivières et mer : il en résulte une
situation sanitaire préoccupante et la menace de maladies liées à l’eau comme la dengue, la
leptospirose, les maladies de peau, la diarrhée.
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Le contexte anthropique et urbain n’est pas moins problématique : après un passé colonial, le
pays a connu la dictature de Suharto puis la grave crise économique en 1997, qui ont
provoqué un réel traumatisme social. En effet, la politique de délocalisation massive des
kampung (quartiers d’habitats traditionnels à forte solidarité interne), désormais considérés
par le pouvoir comme un frein au développement économique et urbain de Jakarta, a entraîné
la prolifération d’habitats informels, particulièrement nombreux le long des canaux et rivières.
Les conditions de vie dans ces nouveaux « kampungs » sont très médiocres : le lien social est
détruit, l’accès aux ressources (eau potable, électricité) et aux infrastructures (facilités
sanitaires, encadrement médical, écoles) est difficile, ce qui engendre de la part des
populations des pratiques à risque qui les rendent très vulnérables aux risques dits naturels liés
à l’eau (inondations, risques sanitaires).
2. Causes des inondations récurrentes à
Jakarta
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À ce contexte naturellement favorable aux inondations, d’autres facteurs viennent aggraver la
situation. On observe d’une part une fréquence accrue des inondations de forte amplitude :
1974, 1996, puis 2002, inondations considérées comme centennales… Les inondations de
2007 s’avèrent être encore plus fortes qu’en 2002, avec une montée des eaux de près d’un
mètre d’eau supplémentaire…
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De nombreuses hypothèses peuvent être faites concernant les causes de cette différence entre
les 3 derniers événements qui ont frappé Jakarta : les causes peuvent être tant physiques
qu’anthropiques. Y a-t-il des conditions hydrologiques différentes (concentration des pluies,
quantité, période de marée, longueur de la saison sèche précédente) ? Ou bien faut-il insister
sur les causes humaines liées à la progression effrénée de l’urbanisation et à une gestion des
eaux défaillante ? Le réchauffement climatique serait-il en partie responsable de cette montée
en puissance ?
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Figure 2 – Comparaison des hauteurs d’eau atteintes lors des inondations de 1996 (en rouge), 2002 (en
orange) et 2007(en bleu), le long de la rivière Ciliwung (3 stations, d’amont en aval : Katulampa, Depok et
Manggarai)
Figure 3 – Répartition spatio-temporelle des pluies de février 2002 dans le bassin-versant de la Ciliwung
(5 stations d’amont en aval : Gunung Mas, Citeko, Bogor, Depok et BMG)
Figure 4 – Répartition spatio-temporelle des pluies de décembre à février 2007 dans le bassin-versant de la
Ciliwung (mêmes stations)
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La saison des pluies 2006-2007 a commencé très tardivement, dans un contexte de Niño
avorté, qui, de faible amplitude mais de fréquence accrue depuis 6 ans (un tous les deux ans
alors que jusqu'à présent, ces évènements s’espaçaient de 3 à 7 ans), peut être le témoin d’un
réchauffement climatique, avec des premières précipitations sporadiques en décembre, puis à
nouveau un mois de sécheresse (figure 4). Les vraies pluies de mousson se sont abattues début
février, violentes et très abondantes. Au bout de 3 jours de pluies intenses, la première vague
d’inondations s’est propagée, suivie d’une deuxième, plus ample et plus haute, qui s’est
généralisée à tout Jakarta et ses environs. La longue période de sécheresse ayant précédé ces
deux vagues d’inondation pourrait expliquer en partie l’étendue des zones touchées (60 % de
la surface urbanisée), les sols durcis ayant limité les possibilités d’infiltration en amont et
donc raccourci le temps de concentration des eaux de ruissellement vers la cuvette de Jakarta
en aval.
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La comparaison des inondations de 2007 avec celles de 2002 et 1996 (figure 2, 3 et 4), montre
que les inondations de 2007 sont dues à des précipitations intenses mais brèves qui ont
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provoqué 2 crues éclair simultanées, tandis qu’en 2002 et en 1996, il s’agissait de pluies
moins intenses (maximum journalier de 168 mm), s’étalant dans la durée, avec une crue et une
décrue plus lente. Notons que la première crue (du 1er-2 février) est due à des précipitations
localisées à Jakarta même (maximum journalier enregistré à Kemayoran de 234 mm,
correspondant à des pluies de période de retour 25 ans), et non en amont, ce n’est que la
deuxième vague (du 3-4 février) qui est due aux pluies d’amont.
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Cependant, l’intensité indéniablement plus forte des pluies de 2007 ne peut à elle seule
expliquer l’étendue de la zone inondée (sous-estimée figure 1).
Figure 5: Images satellites Landsat montrant, en vert, la nette extension de la zone urbanisée depuis 1996
(issues du journal Tempo, 13 février 2007)
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Des facteurs humains aggravant ont certainement dû jouer un rôle dans la magnitude de cette
dernière inondation : la zone urbanisée n’a en effet cessé de croître depuis 30 ans et
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particulièrement ces 10 dernières années (figure 5), participant à l’imperméabilisation des
sols. Les zones les plus récemment construites sont situées près de la mer, et surtout le long
des berges des rivières et canaux, et elles ont empiété de plus en plus sur les zones naturelles
d’expansion des crues (lit majeur) : cet « endiguement anthropique » anarchique a donc
favorisé la montée des eaux dans les chenaux ou les canaux jusqu’à des niveaux jamais
atteints jusque là.
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D’autre part, la construction depuis quelques années de très nombreux « mall », centres
commerciaux gigantesques, a certainement eu aussi une part de responsabilité dans
l’imperméabilisation des sols et le ruissellement rapide vers les quartiers voisins. Par exemple,
dans le quartier de Pademangan Barat, (Jakarta Nord, voir localisation figure 1), très
subsident, le nouveau mall de Mangga Dua, construit 4 m au dessus du niveau du sol, sur la
berge ouest de la rivière Ciliwung, a favorisé le ruissellement des eaux de pluie dans le cours
d’eau, qui a préférentiellement débordé du côté est, vers ce quartier naturellement déprimé
(figure 6). Les habitants de ce quartier doivent donc, chaque année, surélever leur plancher,
pour résister aux inondations récurrentes (elles peuvent même se produire en pleine saison
sèche, lorsque la marée est haute). Mais les habitants ont rarement les moyens financiers
d’assumer la surélévation complète (de 1 ou 2 m) de leur maison. Alors que les subventions
locales sont surtout utilisées pour rehausser les petites ruelles, les particuliers pauvres, eux,
font comme ils peuvent, ajoutant au fur et à mesure des couches de ciment sur le plancher de
leur rez-de-chaussée, ce qui aboutit à réduire leur espace vital : certains vivent maintenant
sous moins de 1m50 de hauteur de plafond, avec parfois leur toit au niveau de la rue alors que
le plancher est à 50 cm en contrebas de celle-ci.
Figure 6 – Configuration du quartier de Pademangan Barat, Jakarta Nord :
la course à la surélévation face aux inondations.
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Un autre facteur est celui de la quasi absence de gestion des déchets. Faute d’autre solution,
les habitants les rejettent dans les lits de cours d’eau, mais aussi dans les canaux de toute taille
sillonnant la ville. Ces rejets ont entravé l’évacuation des eaux de ruissellement urbain ainsi
que les eaux de crue : d’où la formation de barrages, provoquant la montée rapide des eaux en
amont. Les forts débits de crue ont été aussi plus efficaces pour prendre en charge du matériel
très grossier et saper la base des maisons, celles-ci s’étant écroulées d’autant plus facilement
qu’elles n’avaient pas de fondations ou que leur construction était de mauvaise qualité.
3. Le vécu des inondations dans les
quartiers populaires
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Les inondations de ce début février 2007 se sont donc déroulées en deux temps : une première
inondation modérée (entre 30 cm et 1m70 d’eau dans les rues) s’est produite le jeudi
1er février. Les populations des quartiers pauvres touchés ont préféré rester au deuxième étage
de leur maison et ne pas évacuer, à la fois pour surveiller leurs biens (peur des cambriolages)
mais aussi pour le « plaisir » : pendant 1 journée et 2 nuits, enfants comme adultes n’ont eu de
cesse que d’aller se baigner dans la rue, de jouer dans l’eau, ravis de cette opportunité
(figure 7).
Figure 7 – À gauche : enfants jouant dans l’eau des inondations ; à droite, personnes au balcon de leur
deuxième étage regardant d’autres en train de nager dans la rue, vendredi 2 février 2007, Bukit Duri (cliché
Pauline Texier).
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Lorsque les eaux se sont retirées le samedi matin, les habitants ont commencé à nettoyer la
fine couche de boue déposée sur les sols, et à sécher leurs meubles. Mais ce même jour, en
milieu de journée, alors que l’alerte était encore à son maximum, l’eau a de nouveau envahi
les rues et les maisons, et ce jusqu’à 3 heures du matin dans la nuit de samedi à dimanche. Le
niveau de l’eau atteignant largement le deuxième étage des maisons, l’évacuation de toute la
population vers des endroits plus élevés a été décidée par les chefs de quartiers. Mais la
plupart des habitants, toujours pour des raisons de surveillance de leurs biens, a attendu le
dernier moment avant d’évacuer malgré les demandes incessantes des équipes de secours
(composées des chefs et des jeunes du quartier). En quelques heures, la circulation des canots
est devenue impossible, à cause à la fois du fort courant des eaux et des nombreuses maisons
écroulées dont les débris entravaient le passage : des centaines de personnes ont alors dû
monter sur les toits et attendre plusieurs heures avant de pouvoir être secourues (figure 8).
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Figure 8 – À gauche : personnes bloquées sur le toit de leur maison et attendant des secours, dimanche
4 février au matin ; à droite : secouristes arrivant avec leur bateau pneumatique pour secourir les victimes
(clichés Pauline Texier)
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Ce comportement à risque explique le nombre élevé des victimes des inondations, mortes
noyées, mortes de froid, ou emportées par les eaux lors de l’écroulement de leur maison
(figure 9.1). La décrue a été longue (de 4 à 7 jours selon les quartiers), révélant des
accumulations de boues épaisses de 30 à 40 cm d’où les habitants ont tenté d’extraire les
quelques rares objets encore utilisables (figure 9.2-3-4).
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Figure 9 – 1 : Maison détruite à Kampung Melayu ; 2 : homme vidant sa maison de la boue accumulée ;
3 : femme nettoyant sa maison ; 4 : femme faisant sa vaisselle avec de l’eau boueuse ; 5 : rue à Bukit Duri,
mercredi 7 février (clichés Pauline Texier)
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Malgré une mobilisation générale de tous les Jakartanais pour venir en aide aux victimes et
organiser le sauvetage des habitants prisonniers de la crue, cette crise a permis d’observer la
plus ou moins (cas le plus fréquent) bonne coordination entre les différents acteurs. La mise
en place de cette coordination fut très variable d’un quartier à l’autre (évacuations, puis apport
de nourriture, de médicaments, de couvertures et vêtements, d’eau, mise en place de camps de
réfugiés dans les bâtiments publics). Certains quartiers comme celui de Bukit Duri (Tebet, le
long de la rivière Ciliwung, voir localisation figure 1), atteint par 3,40 m d’eau dans la rue
pendant 3 jours, ont été relativement bien gérés, bénéficiant d’une organisation très locale,
donc d’une gestion rapide et efficace car de petite envergure (aucun mort ne fut à déplorer
parmi les 3000 habitants). En revanche, la gestion de crue fut moins efficace dans d’autres
quartiers. A Kampung Melayu par exemple, situé sur l’autre rive de la Ciliwung, les rues les
plus basses furent recouvertes par près de 7 m d’eau ; la gestion par de multiples acteurs
(plusieurs ONG, chefs de quartiers, gouvernement local), qui ont tenté de centraliser l’aide
pour plus de 10000 personnes, s’est heurtée à des difficultés de coordination. L’aide a ici été
plus difficile à partager et à diffuser, et les conditions de refuge furent beaucoup plus
difficiles : entassement, manque de facilités (toilettes, eau, endroit au sec pour dormir).
4. Conséquences économiques et
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sanitaires
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Les conséquences à court terme (hauteur d’eau atteinte, nombre de victimes, ampleur des
dégâts matériels) sont également très variables d’un quartier à l’autre. Dans les quartiers les
plus pauvres (comme Kampung Melayu et Bukit Duri), 100 % des maisons ont été touchées,
dont près de 50 % partiellement ou totalement détruites. Les débris charriés par la crue
(« laisses de crue anthropiques » comme les ordures et plastiques), sont encore accrochés aux
berges, aux arbres, aux maisons ou aux portails… entretenant une situation environnementale
auparavant déjà préoccupante.
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D’autre part, la situation économique, déjà difficile avant ces inondations, s’est
considérablement détériorée après : si beaucoup d’habitants ont été obligés d’arrêter de
travailler, certains ont perdu leurs outils de travail (moto, échoppes ambulantes, ou boutiques
en tout genre détruites). On peut craindre que la crise ainsi engendrée soit difficile à
surmonter, alors que le gouvernement peine déjà à subvenir aux besoins d’urgence des trop
nombreux réfugiés dispersés dans toute la ville, et ce malgré l’aide des ONG locales et
étrangères.
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Mais la conséquence la plus grave est ailleurs : les conditions sanitaires se sont dégradées au
cours de ces événements, privant la population d’électricité et donc des possibilités de
réfrigérer la nourriture qui, là l’air libre, subit des contaminations et la prolifération de
bactéries. L’obligation de s’éclairer à la bougie favorise les incendies accidentels, nombreux
au bout d’une semaine. La population est surtout privée d’eau potable, ce qui engendre une
quasi impossibilité de respecter les règles d’hygiène élémentaires, dans un contexte qui
nécessiterait encore plus de précautions qu’en temps normal. Il est difficile de se laver les
mains avant de se nourrir, de prendre des douches, de nettoyer les plaies causées par les
travaux de nettoyage. Les victimes, impatientes de récupérer leur maison et de reprendre une
vie « normale », en oublient les risques sanitaires encourus, et elles utilisent en majorité l’eau
des rivières. Il n’est pas étonnant dans ces conditions de constater une recrudescence des cas
de maladies de peau, de diarrhées, qui viennent s’ajouter aux nombreux cas de grippe et
bronchite provoqués par le froid et l’humidité. Les gestionnaires de la crise ont craint
l'apparition d'épidémies ; il y a eu en effet dans les 3 semaines qui ont suivi les inondations de
février, une nette recrudescence des cas de dengue et de leptospirose (une centaine de cas
recensés officiellement et relatés par les media, alors qu'ils étaient restés très rares jusque là),
particulièrement dans les quartiers informels restés inondés pendant une longue période à
cause de la très lente ou impossible évacuation des eaux.
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Des conséquences à plus long terme ne sont pas à exclure. En particulier, les habitants des
quartiers les plus touchés (quartiers d’habitat informel qui font l’objet depuis longtemps de
projets d’expulsion) craignent que les autorités gouvernementales profitent de cet événement,
qui a déjà endommagé sinon détruit une forte proportion de maisons, pour agir vite et
procéder à des campagnes de destruction systématique qui, on l’a vu par le passé, sont
rarement accompagnées de mesures de relogement adaptées à ce type de population. Les
habitants souhaitent donc reconstruire très rapidement leurs maisons afin d’éloigner cette
menace, qui pour eux est perçue comme encore plus grave que des inondations, même si l’on
considère que l’urbanisation effrénée et incontrôlée de ces dernières années favorisera, à coup
sûr, d’autres inondations encore plus catastrophiques que celles que viennent de vivre les
habitants de la troisième agglomération du globe.
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Référence électronique
Texier PAULINE, « Les inondations de février 2007 dans les kampung pauvres de Jakarta », EchoGéo, mis
en ligne le 22 juin 2007. URL : http://echogeo.revues.org/document905.html. Consulté le 22 juin 2007.
AUTEUR PRINCIPAL
Texier PAULINE
Pauline Texier, [email protected], est doctorante monitrice à Paris 7 Denis Diderot,
Laboratoire PRODIG UMR CNRS 8586, equipe DYNMIRIS.Elle a pubié récemment :
-Lavigne F., de Coster B., Juvin N., Texier P., Flohic F., Colbeau-Justin L., Risk perception around
Indonesian volcanoes. Journal of Volcanology and Geothermal Research, numéro special, (sous presse).
-Texier P., Boun-Heng M., 2006. Le séisme du 27 mai 2006 à Yogyakarta. La Lettre de l’Afrase
(Association Française pour la Recherche sur l’Asie du Sud-Est) n°68, juillet-août 2006, p 5-9.
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