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L’Encéphale (2010) 36S, D14—D21 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP CLINIQUE Évaluation des tempéraments affectifs dans la symptomatologie dépressive du post-partum Evaluation of affective temperaments in the postpartum depressive symptomatology J. Masmoudi a, S. Trabelsi a, F. Charfeddine a, B. Ben Ayed b, M. Guermazi b, A. Jaoua a, E.G. Karam c, E.G. Hantouche d,∗ a Service de psychiatrie « A », CHU Hédi-Chaker, 3029 Sfax, Tunisie Service de gynécologie et d’obstétrique, 3029 Sfax, Tunisie c Department of Psychiatry and Clinical Psychology, Faculty of Medicine, Balamand University, St.-George Hospital University Medical Center, IDRAAC, Beirut, Lebanon d Centre des troubles anxieux et de l’humeur (CTAH), 117, rue de Rennes, 75006 Paris, France b Reçu le 25 mars 2008 ; accepté le 26 janvier 2009 Disponible sur Internet le 22 avril 2009 MOTS CLÉS Dépression ; Post-partum ; Facteurs de risque ; Tempéraments affectifs ∗ Résumé L’étude avait pour but d’estimer la prévalence de la dépression du post-partum (DPP) et d’évaluer les tempéraments affectifs. Méthode. — Il s’agit d’une enquête transversale et descriptive réalisée dans le service de gynécologie et d’obstétrique du CHU de Sfax, Tunisie. La population étudiée inclut 213 femmes (âge moyen = 29 ans). L’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) a été utilisée pour le dépistage de la symptomatologie dépressive du post-partum (SDPP) et le Temperaments Auto-questionnaire of Memphis, Pisa, Paris, and San Diego (TEMPS-A) pour l’évaluation des tempéraments affectifs. L’évaluation a été faite au cours de la première semaine du post-partum. Résultats. — La prévalence de la SDPP à la première semaine a été de 19,2 % (groupe D+). La survenue de la dépression a été associée à un niveau scolaire plus bas, à un soutien sociofamilial et une relation conjugale jugés de mauvaise qualité, à une difficulté d’accepter la grossesse et à la présence d’antécédents psychiatriques personnels. Les scores de l’EPDS étaient corrélés avec les scores des tempéraments anxieux, irritable, dépressif et cyclothymique, à l’exception de l’hyperthymique. Dans le groupe D+, les scores des tempéraments dépressif, irritable, anxieux et cyclothymique étaient significativement plus élevés. Des résultats convergents ont été obtenus dans une approche catégorielle prenant en compte les quartiles des tempéraments. Les femmes du groupe D+ appartenant au troisième et/ou quatrième quartile des tempéraments dépressif, cyclothymique, irritable et anxieux présentaient le plus de facteurs de risque psychosociaux. En revanche, les femmes avec un tempérament hyperthymique semblaient être Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E.G. Hantouche). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2009. doi:10.1016/j.encep.2009.01.004 Évaluation des tempéraments affectifs dans la symptomatologie dépressive du post-partum D15 plus protégées contre la dépression avec des facteurs psychosociaux plus favorables. Dans l’analyse en régression logistique multivariée, les tempéraments cyclothymique et anxieux sont des facteurs de risque significatifs, indépendamment des facteurs psychosociaux. Conclusion. — La DPP en Tunisie est une affection fréquente qui nécessite d’être dépistée et reconnue, notamment avec ses attributs tempéramentaux évoquant un profil de mixture complexe de traits anxieux, dépressifs, irritables et cyclothymiques. Ce profil de tempérament complexe instable doit être ajouté aux autres facteurs de risque plus classiques. © L’Encéphale, Paris, 2009. KEYWORDS Depression; Postpartum; Risk factors; Affective temperaments Summary Introduction. — Postpartum depression (PPD) is a frequent psychiatric condition, but little is known about its potential bipolar nature and the implication of affective temperaments. The goal of this study is to estimate the prevalence of PPD and assess the affective temperamental profile of those affected. Method. — The study was conducted in the department of gynecology and obstetrics of the CHU of Sfax, Tunisia. The selected population included all 213 consecutive admissions (mean age = 29 years). Postpartum depressive symptomatology (SPPD) was assessed during the first week after delivery by using the Postnatal Edinburgh Scale Depression (EPDS) in its Arab version. The Arabic version of the Temperaments Auto-questionnaire of Memphis, Pisa, Paris, and San Diego (TEMPS-A) was simultaneously filled out by subjects. The subjects were divided into two subgroups, depressed (D+) versus not depressed (D−), for comparative analyses. For affective temperaments, dimensional (mean scores) and categorical (quartiles) approaches were used. Results. — Forty-one women (19,2%) had a score higher than 9 on the EPDS (group D+). Lower educational level, lower social and family support, dysfunctional marital relationship, problems with accepting the pregnancy and prior psychiatric disorders were significantly more present in the D+ group. The majority of the affective temperaments, excepting hyperthymic, were correlated between them. The EPDS scores were correlated with all temperamental scores, except for hyperthymic. Higher scores on the depressive, irritable, anxious and cyclothymic temperaments were observed in the group D+. Women belonging to the 3rd and 4th quartiles of the depressive, cyclothymic and irritable temperaments and those belonging to the 4th quartile of the anxious temperament were significantly more depressed. Cyclothymic and depressive temperaments seemed to influence the pregnancy acceptance. Other interactions were observed between SPPD, temperamental profiles and quality of marital relation, and family support. The opposite seems true for the hyperthymic temperament, which could be protective against SPPD through better psychosocial conditions. Multivariate regression analysis showed that cyclothymic and anxious temperaments are significant risk factors independently from psychosocial factors, such as problems with accepting the pregnancy, which seemed to be the most important risk factor. Conclusion. — PPD represents a frequent disorder, which needs to be correctly screened and recognized especially with its temperamental attributes, a mixture of anxious, irritable, depressive and cyclothymic traits. This complex unstable temperament should be considered as a predisposing factor, which interacts also with other common risk factors. © L’Encéphale, Paris, 2009. Les troubles de l’humeur survenant en post-partum sont essentiellement d’expression dépressive. Le « post-partum blues » ou Syndrome du troisième jour est un syndrome fréquent, qui touche environ 50 à 80 % des accouchées. Il s’agit d’une symptomatologie passagère se caractérisant essentiellement par des pleurs incessants accompagnés ou non de tristesse, une labilité de l’humeur et des troubles cognitifs. Cependant, lorsqu’il est sévère, il est étroitement associé à la dépression du post-partum (DPP) [17,18,22,23,34]. La DPP est décrite comme le trouble de l’humeur le plus fréquent après un accouchement. Sa prévalence varie de 10 à 20 %, avec une moyenne de 13 % [11,12,17,32,37]. La DPP représente un problème de santé publique, non seulement du fait de sa fréquence mais surtout en raison de ses conséquences néfastes sur le nouveau-né, sur la relation conjugale, voire sur l’équilibre familial [25,36]. La DPP survient dans l’année qui suit l’accouchement, dans les deux tiers des cas, dans les trois à six semaines qui suivent l’accouchement, et associe, à un degré plus ou moins important, les signes classiques de la dépression. S’y surajoutent des sentiments d’incapacité et des autoaccusations en relation avec les soins apportés à l’enfant et considérés comme jamais suffisamment parfaits. Ces troubles et le malaise interne ressenti sont souvent minimisés par la patiente déprimée par crainte de décevoir ou d’inquiéter son entourage. Il n’est par rare, d’ailleurs, que le médecin consulté banalise ou néglige ces symptômes, ce qui représente une erreur importante. Quand les plaintes sont exprimées, elles portent essentiellement sur des manifestations fonctionnelles ou somatiques, souvent rencontrées dans la dépression masquée : asthénie, céphalées ou douleurs hypocondriaques erratiques, défaut de concentration, D16 impression d’épuisement, insomnie, perte ou prise de poids [17,22,34,40,41]. La DPP est également considérée comme un facteur prédictif précoce de développement ultérieur de troubles de l’humeur chronique ou récurrent [7,21,31,34]. Cependant, la DPP demeure, à l’heure actuelle, insuffisamment prévenue, diagnostiquée et traitée, au moins en Tunisie [10,23,35]. Dans les concepts actuels du spectre bipolaire, la survenue de la dépression en post-partum est retenue comme un indice de bipolarité [24]. De plus, le spectre bipolaire est mieux précisé en explorant les tempéraments affectifs, notamment la cyclothymie et l’hyperthymie [2,3,9,16]. La faisabilité de l’exploration clinique des tempéraments, grâce au TEMPS-A [5,8], a incité la mise en place de cette enquête dont les objectifs ont été d’estimer la prévalence de la DPP et tenter de dresser son profil tempéramental. À notre connaissance, ce sujet n’a pas été abordé pour l’instant dans la littérature psychiatrique contemporaine. Population et méthode Il s’agit d’une enquête transversale, descriptive et analytique qui s’est déroulée au service de gynécologie et d’obstétrique du CHU de Sfax, Tunisie, durant la période étalée du premier janvier au 30 avril 2006 (4 mois). Ont été incluses dans ce travail, au hasard, les femmes ayant accouché dans ce service et ce, quel que soit le mode d’accouchement et après l’obtention d’un consentement libre et éclairé. En raison du mode de l’enquête basé sur l’autoévaluation, n’ont pas été sélectionnées les femmes illettrées ne pouvant pas lire et remplir le questionnaire et les femmes ayant refusé de participer à l’étude. L’enquête a utilisé les instruments d’évaluation suivants : • l’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) pour le dépistage de la symptomatologie dépressive du postpartum (SDPP). C’est une échelle développée par Cox et al. [20] en 1987. Elle a été développée pour pallier la « défaillance » des échelles usuelles de dépression peu adaptées à la période postnatale [13,40,41]. Il s’agit d’un autoquestionnaire, comprenant dix items, coté chacun de 0 à 3 selon un ordre croissant de sévérité. Le score total à l’EPDS varie de 0 à 30. Utilisé depuis 1987, l’EPDS se révélait un indicateur spécifique et précis pour le dépistage de la dépression gravidique et du post-partum [20,35,40,41]. Malgré cette donnée, l’EPDS n’est pas un outil diagnostique et en l’absence d’entretien structuré, visant la recherche de la dépression, nous avons préféré utiliser la terminologie SDPP. L’EDPS a été traduite en plusieurs langues et validée dans de nombreuses populations [14,40,41]. Elle a été validée en Tunisie par l’équipe de Monastir, en 2004. Le score seuil de 10 a été retenu pour définir les cas positifs pour la DPP [38] ; • le Temperaments Auto-questionnaire of Memphis, Pisa, Paris, and San Diego (TEMPS-A) pour l’évaluation des tempéraments affectifs : c’est un autoquestionnaire développé par Akiskal et al. [5,8]. Il est composé de 110 items et permettant d’explorer les cinq types de tempéraments : tempérament dépressif (21 items), cyclothymique (21 items), hyperthymique (21 items), irritable (21 items) et anxieux (26 items). C’est la version arabe telle que J. Masmoudi et al. traduite et validée par Karam et al. [28] qui a été utilisée dans notre enquête. Cet autoquestionnaire permet d’aborder et d’évaluer les profils tempéramentaux selon une approche plutôt dimensionnelle, puisqu’il n’y pas de scores seuils, et il peut y avoir des chevauchements entre certains traits et des corrélations significatives entre les tempéraments irritable, anxieux, dépressif et cyclothymique avec le tempérament hyperthymique qui constitue apparemment une dimension à part ; • une fiche épidémiologique comprenant les données sociodémographiques (âge, niveau scolaire, état civil, résidence, niveau socioéconomique) et les données cliniques (antécédents médicochirurgicaux et obstétricaux, désir de grossesse, soutien sociofamilial, nature de la relation conjugale). L’évaluation a été programmée le jour de sortie de chaque femme et, dans tous les cas, au cours de la première semaine du post-partum. Cette période a été techniquement la plus réaliste pour l’inclusion des femmes [40,41]. Cette période s’est située le plus souvent entre le deuxième et le troisième jour pour les femmes ayant accouché par voie basse et entre le quatrième et le septième jour pour les femmes ayant accouché par césarienne. L’évaluation a été assistée par un médecin psychiatre afin de faciliter le remplissage des questionnaires. Saisie et analyse des données Le logiciel SPSS dans sa 11e version a été utilisé. La population a été répartie en deux sous-groupes : • le groupe D+, groupe des déprimées ayant obtenu un score EPDS ≥ 10 ; • le groupe D−, groupe des non déprimées. Pour l’approche dimensionnelle des tempéraments affectifs, nous avons procédé pour chaque tempérament, au calcul des scores moyens des différents sous-groupes (D+ et D−). Dans une approche catégorielle, la population a été divisée en fonction des scores de chaque tempérament en quatre sous-groupes numériquement égaux (les quartiles). Une analyse multivariée par régression logistique a été effectuée avec comme variable dépendante la DPP. Les tests de Khi2 et de Student ont été utilisés pour les comparaisons entre les sous-groupes (D+ versus D−). Les analyses corrélationnelles ont été effectuées moyennant le test de Pearson. Le seuil de significativité a été fixé à 5 %. Résultats La population a été composée de femmes âgées en moyenne de 29 ans, avec un maximum de 42 ans et un minimum de 19 ans, avec un écart-type de cinq ans. Les femmes étaient majoritairement mariées (98,6 %), de niveau socioéconomique bas à moyen pour 85,4 % (182) et d’origine urbaine pour 89,7 % (191). Le niveau scolaire a été primaire pour 38,5 % (82) des femmes, secondaire pour 46,5 % (99) et supérieur pour 15 % (32). Huit femmes (3,8 %) ont eu des antécédents psychiatriques personnels, 11 (5,2 %) ont eu Évaluation des tempéraments affectifs dans la symptomatologie dépressive du post-partum Tableau 1 D17 Relation entre la SDPP et les facteurs étudiés. p Khi2 9,3 90,7 0,31 1,016 59 85 28 34,3 49,4 16,3 0,03 6,684 0,3 9,7 2 170 1,2 98,8 0,53 0,388 17,1 82,9 24 148 13,9 86,1 0,611 0,259 Qualité du support sociofamilial Mauvaise 23 Bonne 18 56,1 43,9 45 127 26,2 73,8 0,000 13,651 Relation conjugale Bonne Mauvaise 61 39 145 27 84,3 15,7 0,001 11,181 Difficulté d’accepter la grossesse Oui 7 Non 34 17,1 82,9 5 167 2,9 97,1 0,000 12,498 Antécédents psychiatriques familiaux Oui 2 Non 39 4,9 95,1 9 163 5,2 94,8 0,92 0,009 Antécédents psychiatriques personnels Oui 6 Non 35 14,6 85,4 2 170 1,2 98,8 0,000 16,621 Antécédents médiochirurgicaux personnels Oui 14 Non 27 34,1 65,9 36 136 20,9 79,1 0,14 3,218 D+ Nombre % D− Nombre Origine Rurale Urbaine 6 35 14,6 85,4 16 156 Niveau scolaire Primaire Secondaire Supérieur 23 14 4 56,1 34 9,9 État civil Célibataires Mariées 1 40 Niveau socioéconomique Bon Moyen 7 34 25 16 % D+ : présence de symptômes dépressifs du post-partum ; D− : absence de dépression. des antécédents psychiatriques familiaux et 49 (23 %) ont eu des antécédents médicochirurgicaux. La qualité du soutien social a été bonne dans 68,1 % (145) et faible à moyenne dans 31,9 % (69) des cas. Parmi ces femmes, 20,2 % (43) ont jugé leur relation conjugale moyenne ou mauvaise et 79,8 % (170) l’ont jugé bonne. Enfin, 5,6 % (12) ont eu une difficulté d’accepter la grossesse. Prévalence de la dépression du post-partum Les scores à l’EPDS ont varié de 0 à 20. Le score moyen à l’EPDS dans la population entière a été de 6,12 (± 3,81). Quarante et une femmes ont eu un score supérieur ou égal à 10, soit une prévalence de la SDPP à la première semaine de 19,2 %. La distribution des scores a été représentée dans la Fig. 1. La survenue de dépression a été associée à un plus bas niveau scolaire, à un soutien sociofamilial et à une relation conjugale jugés de mauvaise qualité, à une difficulté d’accepter la grossesse et à la présence d’antécédents psychiatriques personnels (Tableau 1). Caractéristiques tempéramentales Le Tableau 2 montre la comparaison des scores moyens (écart-types) et les scores minimaux et maximaux des cinq tempéraments entre les sous-groupes D+ et D−. Des scores plus élevés des tempéraments dépressif, irritable, anxieux et cyclothymique ont été observés dans le groupe D+ et pas de différence significative pour les scores du tempérament hyperthymique. Les scores moyens de l’EPDS sont significativement corrélés aux scores des tempéraments à l’exception du tempérament hyperthymique. Les scores des tempéraments affectifs sont corrélés entre eux à l’exception de l’hyperthymique (Tableau 3). Dans une approche catégorielle des tempéraments affectifs, la population a été répartie en plusieurs groupes en fonction des quartiles. Les D18 J. Masmoudi et al. Figure 1 Distribution des scores EPDS dans les groupes dépressif et non dépressif. Tableau 2 Répartition des scores moyens des tempéraments affectifs. TD TC TH TI TA e Population déprimée (D+) Moyenne 10,34 12,37 D.S. 2,69 3,85 Maximum 15 19 Minimum 6 3 9,8 4,08 17 0 6,71 3,25 16 2 14,66 4,72 25 5 Population non déprimée (D−) Moyenne 8,19 8,38 DS 2,98 4,03 Maximum 15 19 Minimum 0 0 10,12 3,93 18 0 4,11 3,41 15 0 9,57 4,54 24 0 Indice de signification p 0,000 0,64 0,000 0,000 0,000 TD : tempérament dépressif ; TC : tempérament cyclothymique ; TH : tempérament hyperthymique ; TI : tempérament irritable ; TA : tempérament anxieux. valeurs seuils limitant chaque groupe ont été fixées par le logiciel SPSS et sont regroupés dans le Tableau 4. Les cas des troisième et quatrième quartiles des tempéraments dépressif, cyclothymique et irritable et ceux du quatrième quartile du tempérament anxieux, sont les plus déprimés (Tableau 5). Tableau 3 Valeur du 25 percentile Valeur du 50e percentile Valeur du 75e percentile TD TC TH TI TA 7 9 11 6 9 12 7 10 13 2 4 7 7 10 14 TD : tempérament dépressif ; TC : tempérament cyclothymique ; TH : tempérament hyperthymique ; TI : tempérament irritable ; TA : tempérament anxieux. Caractéristiques tempéramentales et autres paramètres liés à la SDPP Nous n’avons pas trouvé de différences significatives au niveau des scores moyens des différents tempéraments affectifs selon les différents paramètres sociodémographiques (origine, niveau scolaire, état civil, niveau socioéconomique). Le groupe des femmes avec une difficulté d’accepter leur grossesse se différenciait par un score moyen plus élevé du tempérament dépressif (10,75 ± 3,36 versus 8,48 ± 2,98 ; p = 0,01) et du tempérament cyclothymique (11,33 ± 3,08 versus 9,01 ± 4,32 ; p = 0,05). Les femmes avec des antécédents psychiatriques familiaux avaient un score du tempérament dépressif significativement plus élevé par rapport à celles sans de tels antécédents (10,91 ± 3,44 versus 8,48 ± 2,98 ; p = 0,01). Les femmes avec des antécédents psychiatriques personnels présentent Corrélations entre les tempéraments et le score EPDS. EPDS Hyperthymique Cyclothymique Dépressif Irritable a Tableau 4 Répartition de la population selon les quartiles tempéramentaux en T1. Hyperthymique Cyclothymique Dépressif Irritable Anxieux 0,016 — 0,39a 0,16 — 0,32a 0,01 0,46a — 0,32a 0,1 0,44a 0,44a — 0,46a 0,19a 0,63a 0,48a 0,54a Corrélation significative au niveau ≤ 0,01. Évaluation des tempéraments affectifs dans la symptomatologie dépressive du post-partum Tableau 5 D19 Relation entre les tempéraments affectifs et la SDPP selon une approche catégorielle. Tempérament dépressif Tempérament cyclothymique Tempérament irritable Tempérament anxieux Tempérament hyperthymique D− D+ D− D+ D− D+ D− D+ D− D+ 45 48 42 37 4 5 14* 18* 53 54 38 27 4 3 12* 22* 44 42 49 37 0 5 18* 18* 47 35 53 37 1 7 9 24* 32 42 51 47 7 11 11 12 Total 172 41 172 41 172 41 172 41 172 41 p 0,002 Q1 Q2 Q3 Q4 0,000 0,000 0,000 0,96 SDPP : symptômes dépressifs du post-partum ; D+ : présence de dépression ; D− : absence de dépression ; Q1 : score compris entre 0 et la valeur du 25e percentile ; Q2 : score compris entre la valeur du 25e percentile et la valeur du 50e percentile ; Q3 : score compris entre la valeur du 50e percentile et la valeur du 75e percentile ; Q4 : score supérieur au 75e percentile. Les astérisques indiquent les différences statistiquement significatives. Tableau 6 Analyse multivariée en régression logistique. Significativité Relation conjugale mauvaise Absence de soutien social Difficulté d’accepter la grossesse Tempérament dépressif Tempérament cyclothymique Tempérament irritable Tempérament anxieux Tempérament hyperthymique 0,009 0,071 0,009 0,629 0,041 0,510 0,015 0,064 B 1,337 0,818 1,971 0,004 0,135 0,048 0,158 −0,108 des niveaux élevés sur tous les tempéraments, sauf pour l’hyperthymique. Dans une approche analytique à trois variables, l’étude des relations entre la SDPP, les profils tempéramentaux et les autres caractéristiques a montré que les femmes du groupe D+ appartenant au troisième et/ou quatrième quartile du tempérament dépressif, cyclothymique, irritable et anxieux ont été différentes de celles non déprimées concernant les éléments suivants : une relation conjugale plus altérée, un soutien sociofamilial plus faible, une plus grande difficulté d’accepter la grossesse. Les femmes non déprimées et appartenant au troisième et/ou quatrième quartile du tempérament hyperthymique ont été différentes de celles déprimées et ont eu un meilleur niveau socioéconomique (p = 0,01), une meilleure relation conjugale (p = 0,05) et une meilleure qualité du soutien social (p = 0,01). Les données de l’analyse multivariée sont présentées dans le Tableau 6. Les facteurs les plus prédictifs de la SDPP sont par ordre décroissant : difficulté d’accepter la grossesse, mauvaise relation conjugale et tempéraments cyclothymique et anxieux. Discussion Il importe de souligner certaines limitations de l’étude : Odd ratio 3,806 2,265 7,180 1,041 1,145 1,050 1,171 0,898 95,0 % intervalle de confiance Odd ratio Bas Haut 1,404 0,934 1,648 0,884 1,006 0,909 1,031 0,801 10,316 5,494 31,283 1,226 1,304 1,213 1,330 1,006 • la sélection dans un hôpital public ; • le niveau scolaire bas a empêché certaines femmes de participer à l’enquête, par conséquent, les résultats ne peuvent pas être extrapolables à l’ensemble des femmes nouvellement accouchées ; • le choix de l’EPDS ayant une sensibilité de 1 et une spécificité de 0,91 [38], bien que satisfaisante, laisse la possibilité de faux positifs et nécessite un examen psychiatrique plus approfondi (absence dans notre enquête d’entretien structuré recherchant les épisodes dépressifs) ; • l’absence d’évaluation systématique des troubles de l’humeur au cours de la grossesse ; • le TEMPS-A, quoique utilisé dans sa version arabe, n’est pas encore validé en Tunisie. Dans notre étude, la prévalence de la SDPP à la première semaine du post-partum a été de 19,2 %, un taux qui se trouve dans la limite supérieure des valeurs rapportées dans la littérature [11,12,40,41]. En ce qui concerne les pays arabes, peu d’études ont été réalisées sur la dépression postnatale. Une étude aux Émirats Arabes a montré une prévalence de 18 %, une étude marocaine avec un taux de 11,8 % et une autre au Liban avec un taux de 21 % [1,15,18]. Plusieurs facteurs en rapport principalement avec la population d’étude (taille, type, origine), le moment de l’évaluation et le type de D20 l’instrument utilisé peuvent expliquer ces divergences épidémiologiques. Notre étude a montré que la survenue de la SDPP est liée tant à des facteurs psychosociaux défavorables qu’à des facteurs psychiatriques (antécédents psychiatriques personnels) et tempéramentaux [22]. Pour la première fois, nos résultats ont montré un lien significatif entre la SDPP et des niveaux élevés des tempéraments dépressif, cyclothymique, irritable et anxieux, qui, d’ailleurs, sont corrélés entre eux et distincts du tempérament hyperthymique. Un niveau élevé sur le tempérament hyperthymique s’avère protecteur contre la survenue de la SDPP. Ces rapports entre les tempéraments et la dépression en général ont été déjà rapportés dans la littérature récente [2,4,6,19,27,29—30]. De manière plus précise, Josefsson et al. [26] ont montré une relation entre la SDPP et deux dimensions de l’inventaire des tempéraments de Cloninger : niveau élevé sur « l’évitement du danger » et niveau bas sur la dimension « détermination » qui, selon Maremanni et al. [33], sont des corrélats des tempéraments dépressif et cyclothymique. Selon plusieurs experts [37,39], la dépression postnatale est déterminée par l’interaction des facteurs hormonaux, psychiatriques et socioculturels. Notre étude a montré que les facteurs psychosociaux sont déterminants, notamment la difficulté d’accepter la grossesse et la mauvaise relation conjugale. Des interactions entre ces facteurs et les tempéraments dépressif et cyclothymique existent. Ce qui suggère que la SDPP résulte d’un cumul de risque, une association d’un profil tempéramental prédisposant à la dépression en général et d’un contexte psychosocial défavorable. Inversement, le cas de figure d’un tempérament hyperthymique associé à des facteurs psychosociaux favorables est protecteur contre la survenue de la SDPP. Nos résultats, bien que préliminaires, doivent sensibiliser les gynécologues et obstétriciens à la SDPP, en raison de sa fréquence. Dans une approche préventive, l’exploration des tempéraments au cours de la grossesse serait utile pour prédire les sujets à risque de développer une SDPP et mettre en place une surveillance et, éventuellement, un traitement préventif. En cas de survenue de SDPP, la présence du tempérament cyclothymique doit orienter le choix thérapeutique en faveur des thymorégulateurs. Nos données sont, pour l’instant, préliminaires. Elles sont encourageantes pour compléter l’enquête avec une étude prospective des tempéraments et des troubles de l’humeur en pré- et post-partum. Références [1] Abou-Saleh MT, Ghubash R, Daradkeh TK. The validity of the Arabic Edinburgh Postnatal Depression Scale. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 1997;32:474—6. [2] Akiskal HS. Personality as mediating variable in the pathogenesis of mood disorders: implication for theory, research and prevention. In: Helgason T, Daly RJ, editors. Depressive illness: prediction of course and outcome. Berlin: SpringerVerlag; 1988. p. 131—46. [3] Akiskal HS. The Dark side of bipolarity: detecting bipolar depression in its pleomorphic expressions. J Affect Disord 2005;84:107—15. J. Masmoudi et al. [4] Akiskal K, Akiskal HS. 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