Constellations de satellites à orbites basses pour les

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Constellations de satellites à orbites basses pour les
Constellations de satellites à orbites basses pour les
communications multimédia
L'explosion des télécommunications large-bande suscitée par
l'augmentation du nombre d'utilisateurs d'Internet et
l'émergence de nouveaux services (télétravail, télémédecine,
vidéo à la demande, commerce électronique …) rend
nécessaire l'augmentation des capacités des artères de
communication internationales (fibre optique, faisceau
hertziens, câble, satellite). Grâce à leur souplesse d'installation
et leur capacité à véhiculer l'information même dans les
régions dépourvues d'infrastructures terrestres suffisantes, les
Jacques ANTOINE réseaux de satellites seront dans les prochaines années une
composante indispensable des autoroutes de l’information.
Lionel H USSO N
capacité (Mbits/s)
L’avènement des systèmes satellitaires pour le multimédia
Le troisième millénaire verra l’essor de systèmes satellitaires véhiculant à un niveau mondial une partie
du trafic des autoroutes de l’information ! Cette exclamation peut sembler bien optimiste si l’on pense à
l’échec relatif que connaît actuellement le système Iridium, premier système satellitaire à couverture
globale dédié aux communications mobiles, qui n’arrive pas à trouver l’eldorado qu’escomptaient ses
actionnaires. Il n’en reste pas moins qu’en
général les télécommunications spatiales
évolution de la capacité offerte
rencontrent des marchés à très forte rentabilité.
Ce domaine est en pleine croissance et le
1200000
« multimédia » sera l’un des moteurs de la
1000000
données
croissance. On estime en effet que le nombre
800000
d’utilisateurs d’Internet, évalués entre 50 et 150
millions aujourd’hui, serait de 400 à 700 millions
600000
en 2001. On prévoit une forte augmentation du
400000
besoin en capacité de communications à l’échelle
voix
200000
mondiale due essentiellement à l’explosion des
0
transmissions de données et plus seulement aux
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
besoins de téléphonie qui restent stables (Figure
1). Alors que les capacités des processeurs sont
année
multipliées par deux tous les dix-huit mois, le
développement des moyens supplémentaires de
Figure 1
transmissions large bande devient de plus en plus
impératif. La mise en place d’infrastructures terrestres implique, même dans des régions fortement
développées, de forts investissements ainsi qu’un temps de déploiement technique important. C’est dans
ce contexte que les systèmes satellitaires peuvent trouver leur place. Ils ne remplaceront pas les
technologies de transmission sur câble comme la fibre optique mais les complèteront là où ils peuvent
offrir une capacité de transmission plus importante, à des coûts moindres et déployés plus rapidement. De
plus, ils contribueront au développement des télécommunications dans les zones où il est trop coûteux de
mettre en œuvre une infrastructure filaire ou dans des régions peu denses ou sous-développées.
Les atouts des constellations à orbites basses
Dans cet article, nous nous intéressons aux systèmes Teledesic et Skybridge qui seront vraisemblablement
les acteurs incontournables des communications multimédia par satellites et qui utilisent des
constellations à orbites basses (ou LEO, Low Earth Orbit). Quels sont donc les avantages des orbites
basses alors que la plupart des satellites traditionnels de télécommunications sont sur une orbite
géostationnaire ?
Trois satellites géostationnaires, à 36000 km au dessus de la Terre, permettent d’assurer une couverture
globale. S’ils sont parfaitement appropriés pour la fourniture de services de diffusion (radio, télévision),
ils sont mal adaptés aux services interactifs de type « multimédia » puisqu’une transmission via un
satellite géostationnaire (GEO) introduit un retard de 250 ms qui rend difficile les applications temps réel.
Les nouveaux systèmes de constellations en orbites basses (entre 500 et 2000 km d’altitude) évitent
l’encombrement grandissant du spectre des fréquences particulièrement sensible sur l’orbite
géostationnaire. Les délais introduits par le temps de propagation, inférieurs à 20 ms, sont compatibles
avec les protocoles de communication (TCP/IP…) ce qui permet d’assurer la transparence du service par
rapport aux réseaux terrestres. De plus, la plus faible altitude des satellites rend le bilan de liaison plus
favorable et permet la diminution des puissances d’émission, de la taille des satellites (les satellites LEO
ont généralement une masse d’environ 500 kg à comparer à celle des satellites GEO de plusieurs tonnes)
et de la taille des terminaux (en particulier les antennes). Les constellations LEO présentent cependant
quelques inconvénients. Il faut de nombreux satellites pour assurer une couverture globale (le projet
initial du système Teledesic allait jusqu’à proposer une constellation de 840 satellites). Les satellites
LEO, dits à défilement puisque leur vitesse de rotation est supérieure à celle de la Terre, ne restent en
visibilité avec un utilisateur terrestre que quelques minutes ce qui implique de basculer régulièrement la
transmission d’un satellite à un autre (handovers) pour garantir la continuité du service.
160 km
53 km
Télédesic
Inspiré, dit-on, des travaux du projet « guerre des étoiles » du
président Reagan, le système Teledesic a été initié en 1988, par Bill
Gates, Graig Mc Caw et son altesse sérénissime Alsaud d’Arabie
Saoudite. L’objectif du système est de bâtir un « Internet dans le
ciel » à l’aide d’une constellation dense de satellites régénératifs
(avec traitements à bord) pouvant communiquer entre eux et
s’acheminer de façon dynamique les données (architecture répartie
inspirée de l’Internet).
La constellation initiale de 840 satellites (un chiffre astronomique
compte tenu des capacités des lanceurs) a été redimensionnée suite à
l’arrivée en 1998 de Motorola, Boeing et Matra Marconi Space qui
ont pour mission de réaliser
le réseau de satellites.
D’après
les
dernières
Figure 2
informations disponibles, la
constellation actuelle est constituée de 288 satellites repartis en 12
plans de 24 satellites. C’est une constellation polaire (les plans
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3
2
3
1
1
cellule
orbitaux passent par les pôles, à un décalage près pour éviter les
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9
4
8
9
4
collisions) à une altitude de 1375 km (Figure 2).
7
6
5
7
6
5
Les transmissions satellites-terminaux utilisent dans la bande Ka
une bande de 500 MHz qui a été allouée lors du WRC97 (World
2
3
1
super
Radio Conference) pour les liaisons montante (28.6 GHz - 29.1
8
9
4
cellule
GHz) et descendante (18.8 GHz - 19.3 GHz). Les liaisons entre les
7
6
5
satellites (ISL, inter satellites links) à 60 GHz permettent
d’acheminer de façon dynamique les informations dans le réseau
Figure 3
satellitaire .
Pour permettre le partage des ressources entre les utilisateurs, la
surface terrestre est divisée en un ensemble de supercellules subdivisées en 9 cellules fixes par rapport au
sol. Pour établir ses transmissions en évitant les interférences, chaque satellite illumine successivement
l’ensemble des cellules numérotées de 1 à 9 de la soixantaine de supercellules contenue dans sa zone de
couverture (disque de 706 km de rayon) (Figure 3). Le diagramme de rayonnement des antennes est
optimisé en temps réel afin que les empreintes au sol des pinceaux ne dépendent pas de la position du
satellite.
Le système, d’un coût prévisionnel de 9 Milliards de dollars, est prévu pour être entièrement opérationnel
en 2004. Les services sont basés sur une attribution de ressources à la demande et le réseau pourra fournir
aux terminaux des débits pouvant aller jusqu’à 2 Mbits/s uplink et 64 Mbits/s downlink, permettant
d’offrir des services réellement multimédia. Teledesic ayant récemment investi dans le projet ICO (un des
projets de communications mobiles par satellites comme Iridium et Globalstar), il est possible qu’une
partie des services soit offerte dès 2001.
Skybridge
Ce projet est mené par Alcatel en collaboration avec une équipe
internationale d’industriels : Aérospatiale, CNES, Loral,
Mitsubishi, Sharp, Spar, SRIW, Toshiba. Les choix stratégiques de
la conception du système satellitaire sont basés sur la minimisation
des risques du segment spatial : utilisation de satellites
transparents (sans traitement à bord, ni ISL) et établissement des
transmissions dans la bande Ku (10-18 GHz), bien maîtrisée.
La constellation est constituée de 80 satellites à une altitude de
1469 km répartis sur 20 plans orbitaux inclinés de 53° par rapport
au plan équatorial (constellation dite de Walker, illustrée sur la
figure 4). La surface terrestre est divisée en un ensemble de
cellules (disques de rayon 350 km), fixes par rapport au sol,
correspondant à la couverture d’un faisceau de satellite. Chaque
Figure 4
satellite dispose de 18 faisceaux et sert de relais entre une
passerelle (gateway) connectée au réseau terrestre et l’ensemble des terminaux de la cellule
correspondante.
Les transmissions sont effectuées dans la bande Ku qui est la bande conventionnellement utilisée par les
satellites de diffusion de télévision. Pour éviter toute interférence avec les satellites GEO existants et
futurs, il a été défini une zone de non-fonctionnement couvrant un angle de 10° de part et d’autre de l’arc
géostationnaire vu d’un observateur terrien. Lorsqu’un satellite entre dans la zone de non-fonctionnement
vue depuis une passerelle, le faisceau du satellite éclairant cette zone est éteint et le trafic est commuté
vers un autre satellite de la constellation. Pour effectuer ces handovers, Skybridge a développé un concept
d’antenne directive où le faisceau est formé à partir de sources primaires dont les rayonnements sont
focalisés par une sphère diélectrique.
Le système Skybridge est prévu pour être totalement opérationnel en 2002 et le coût de réalisation prévu
d’environ 6 Milliards de dollars. Un utilisateur résidentiel (30% de la cible) pourra émettre jusqu’à 2
Mbits/s et recevoir 20 Mbits/s avec un terminal équipé d’une antenne sphérique de 50 cm de diamètre.
Les utilisateurs professionnels équipés d’antennes paraboliques de 80 cm pourront bénéficier de débits
jusqu’à 5 fois supérieurs. La capacité totale du système sera supérieure à 200 Gbits/s
conclusion
Le service Radioélectricité et Électronique de SUPÉLEC participe à un projet labellisé RNRT *,
« constellation de satellites » ayant pour objectif de proposer et d’expérimenter une plate-forme
permettant de contrôler intelligemment les paramètres des protocoles et de l’algorithmique développés
pour les constellations de satellites. Il sera aussi réalisé un atelier de simulation permettant aux industriels
et opérateurs de dimensionner ou d’évaluer les performances de systèmes ou sous-systèmes spatiaux.
Jacques Antoine (90), Lionel Husson (93)
Enseignants-chercheurs, service Radioélectricité et Électronique, SUPÉLEC, Gif-sur-Yvette
* RNRT : Réseau National de Recherche en Télécommunications (http://www.telecom.gouv.fr/rnrt/index_exp.htm)