conclusions sur le rapport hadas

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conclusions sur le rapport hadas
INSTITUT DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN DROIT DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
LA REDIFFUSION DES FICTIONS
FRANCAISES :
CONCLUSIONS SUR LE RAPPORT
HADAS-LEBEL
Chronique réalisée par Marlène PIETRI
Master Recherche « Droit des médias »
Aix-en-Provence
Faculté de droit et de science
politique d’Aix-Marseille
2006-2007
Université Paul Cézanne
U III
La rediffusion des fictions françaises
Conclusion sur rapport Hadas Lebel
Renaud Donnedieu de Vabre, alors ministre de la culture et de la communication, avait confié le
19 septembre 2005 Raphaël Hadas-Lebel, président de Section au Conseil d’Etat une mission de
réflexion et de médiation sur les problèmes relatifs à la rediffusion des fictions françaises sur les
chaînes de télévision. Ce rapport qui a été rendu public le 12 juin 2006 présente ainsi les problèmes
issus de la rediffusion de fictions françaises, et, propose les pistes de négociation à mener entre les
artistes interprètes, les producteurs et les diffuseurs pour augmenter le nombre de ces rediffusions.
Ainsi les acteurs de ce marché pourraient se rejoindre pour conclure un avenant aux annexes de la
convention collective des artistes interprètes du 30 décembre 1992 fixant les conditions de leur
rémunération en tenant compte du marché actuel1.
La place de la fiction à la télévision face à la demande des téléspectateurs
La fiction télévisuelle peut être définie comme étant un genre de production dans lequel
l’imaginaire tient une place prépondérante, ce type de production englobe alors tant les séries que
les téléfilms. Ces programmes sont appréciés d’une part, par le public car il permet de le fédérer
autour d’un thème et d’autre part, par les diffuseurs car il permet de relayer l’identité d’une chaîne.
En effet, aux yeux du public les personnages de Navarro (fiction diffusée depuis 1989) et de Julie
Lescaut (fiction diffusée depuis 1992) sont clairement identifiés à la chaîne TF1.
Le rapport se penche donc sur l’étude de fictions françaises et particulièrement sur leur second
marché. Le premier marché correspond au marché de la première diffusion d’œuvres audiovisuelles
sur les chaînes hertziennes en clair. Le second marché correspond à une double plate forme, en
effet, il vise à la fois la diffusion sur les chaînes du câble et du satellite et la rediffusion sur les
Convention collective nationale des artistes interprètes engagés pour des émissions de télévision, Etendue par arrêté
du 24 janvier 1994, JORF 4 février 1994
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chaînes ayant effectué la première diffusion.
Plusieurs caractéristiques touchent la rediffusion en France. Ainsi, les rediffusions concernent
essentiellement les séries, elles sont négociées à la commande de l’œuvre, et ont lieu en prime time.
Cependant les fictions françaises peinent à trouver leur place face aux fictions étrangères et ce
particulièrement dans les grilles de programme de journée (day time). Force est de constater
l’absence totale de fictions françaises sur ce créneau horaire, alors même que l’attrait du public
pour ce genre est indéniable. Prenons un exemple de programmation.
Journée du Vendredi 11 mai 2007, programmation de l’après midi2
TF1
13h50 Les feux de l’amour (série américaine)
14h40 La maison des secrets (téléfilm Canadien)
France2
14h Toute une histoire (magazine français)
15h Un cas pour deux (série policière allemande)
France3
13h45
Derrick (série policière allemande)
14h50 Magnum (série policière américaine)
ARTE
13h05 Nu Shu, un langage secret entre femmes de chine (documentaire)
15h10 Adieu Pluton ! (documentaire)
16h05 Zoom Europa (documentaire)
M6
13h30 Roman meurtrier (téléfilm Canadien)
15h30 Liaison brûlante (téléfilm américain)
A l’occasion de sa mission Raphaël Hadas-Lebel a procédé à l’audition des différents acteurs du
marché pour tenter de pallier cette absence criante de production française en day time. Les grilles
de programmation de l’après midi désolent bien souvent le public, ne laissent pas de place aux
productions françaises, et préoccupent les diffuseurs.
Les raisons de cette absence de fictions françaises en day time sont essentiellement d’ordre
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Source télérama semaine du 9 au 15 mai 2007
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économique.
D’une part, le format privilégié par les producteurs français de fiction ne correspond pas au format
utilisé en day time. En effet, ils tournent des fictions de 90 minutes alors que les diffuseurs
préfèrent pour les grilles de journée des programmes de 52 ou 26 minutes. Cet argument avancé par
les diffuseurs met en avant toute la difficulté qu’il y a à établir un accord avec les producteurs, ces
derniers continuant à ne pas tourner des fictions plus courtes de peur de n’être de toute façon pas
programmé en day time. De plus, ce format rend les fictions françaises chères, leur diffusion ne sera
donc rentabilisée qu’en prime time, quand l’audience est haute et quand la publicité rapporte
beaucoup.
En plus de ces raisons techniques, deux autres arguments peuvent être avancés pour expliquer cette
absence de rediffusion des fictions françaises en day time.
Le premier argument est l’importance de l’heure de diffusion sur l’image d’une série. Ainsi, la
grille d’après midi est en quelque sorte une grille sur laquelle on décharge les programmes de
second rang car on sait qu’ils ne sont vu que par un public restreint. Vu sous cet angle la
programmation de fictions phares sur cette horaire dévaloriserait la fiction et, à tout le moins, lui
ferait perdre sa fonction fédératrice, d’identification de la chaîne.
La second argument tient quand à lui au régime de rémunération des artistes interprètes.
La remise en question de la rémunération des artistes interprètes
La rémunération des artistes interprètes français en cas de rediffusion peut dépendre de deux
régimes différents selon que la chaîne dispose du droit rediffusion ou pas. Il faut noter à ce stade
que bien souvent quand elles négocient les droits de diffusions les chaînes acquièrent en plus un
droit pour une rediffusion, ainsi quand nous parlons ici de rediffusion nous parlons donc de la
deuxième rediffusion.
Si elles disposent du droit de rediffusion, la rémunération des artistes interprètes se fait par un
supplément de cachet (dit « royalties ») dont le taux est fixé par convention3, la rémunération
Article 3 de l’annexe I à la convention du 30 décembre 1992, suppléments de rémunération versé aux artistes
interprètes en cas d’utilisation secondaire des émissions de télévision sur le territoire national.
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variant selon l’heure du début de la rediffusion.
Ainsi en cas de rediffusion démarrant entre 19h et 21h30 (prime time) le supplément de cachet est
de
- 30% du salaire initial journalier allant jusqu'à 305 euros
- 20% du salaire initial journalier allant de 305 et 1525 euros
- 10% du salaire initial journalier supérieur à 1525 euros
En cas de rediffusion en dehors de ces horaires (day time et nuit) les royalties s’élèvent à 75% du
cachet initial quel qu’il soit.
Ce système limite donc fortement les rediffusions en journée car elles coûtent plus cher aux
diffuseurs, d’autant que les recettes publicitaires à ces heures sont moins élevées.
Si elles ne disposent pas d’un droit de rediffusion, les chaînes achètent ce droit dont le prix est
fonction de celui de la première acquisition. Ce système est sensiblement celui utilisé pour la
rediffusion de programmes sur les chaînes du câble, du satellite et de la TNT.
Ces régimes de reversement des droits voisins sont ainsi le principal frein à la rediffusion de
fictions françaises dans la journée et encouragent la diffusion ou rediffusion de programmes
étrangers.
Les solutions proposées
Le rapporteur conclut donc à la nécessité de la modification des modes de rémunération des artistes
interprètes pour lancer la rediffusion de fictions françaises en dehors du prime time.
Ainsi la première solution proposée serait de diminuer les royalties de 10 points de façon à établir
le barème suivant : le supplément de cachet serait de 3% du salaire initial journalier allant jusqu'à
305 euros, de 2% entre 305 et 1525 euros ou de 1% au-delà de 1525 euros.
En contre partie, les artistes interprètes souhaitent alors un engagement des chaînes sur un quota de
rediffusions. Ce qui est pour l’instant refusé, au motif que la simple diminution des royalties est un
bon compromis dans la mesure où le pourcentage actuel freine de toute façon le marché.
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Hadas-Lebel propose sinon une nouvelle assise des droits de rediffusion. Ainsi au lieu de calculer le
surcoût sur le salaire journalier des artistes interprètes, il serait calculé par exemple sur le montant
de la cession des droits de rediffusion. Sur ce point les artistes interprètes constatent qu’il faudrait
alors une forte augmentation des rediffusions pour que l’opération soit rentable pour eux. Une fois
de plus, les diffuseurs leur répondent que l’opération ne peut être que plus rentable, dans la mesure
où, dans le système actuel, il n’y a aucune rediffusion.
De plus, ce mode de répartition étant celui utilisé pour la TNT, le satellite et le câble, le marché
serait plus cohérent.
Même si à cette date, aucun accord n’a été trouvé, le rapport du Conseiller Hadas-Lebel a eu le
mérite de présenter l’état actuel du marché de la rediffusion des fictions françaises et de proposer
plusieurs solutions dont certaines seulement ont été ici présentées. On peut gager que face à cette
impasse les acteurs du marché (diffuseurs, artistes interprètes et producteurs), qui ont tout intérêt à
modifier le système en place, ne vont plus tarder à s’entendre sur un avenant à la convention
collective du 30 décembre 1992.
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