Psychologie Sociale de la Communication

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Psychologie Sociale de la Communication
Psychologie Sociale de la Communication
Considérations générales
Examen: QCM (choix pratique pour éviter les longues corrections).
Matière: Il n'y a pas de syllabus --> notes de cours + transparents disponibles via l’université
virtuelle. On peut utiliser le forum pour poser des questions.
Site du cours: http://www.psycho-psysoc.site.ulb.ac.be
Textes: Des textes à lire de différents auteurs sont disponibles à la coopérative. Ils permettent
d'approfondir la matière mais il n'y aura pas de question sur les textes à l'examen. La matière, c'est
ce qui est dit au cours.
Présence au cours: elle n'est pas obligatoire, mais encouragée
Types de communication souhaités: du prof --> étudiant(e)s ou des étudiant(e)s --> prof, on peut
donc poser des questions.
Types de communication à éviter: les étudiants entre eux ainsi qu'à une tierce personne, n'oublions
pas d'éteindre nos téléphones!!
Matière
1. Introduction: communication et psychologie sociale (lien entre la communication et la
psychologie sociale).
2. Communication verbale.
3. Communication non-verbale.
4. L’espace: la façon dont les gens sont positionnés les uns par rapport aux autres.
5. Le Modèle systémique.
6. L’identité, perspective interindividuelle.
7. L’identité, perspective intergroupe.
8. Communication, mémoire et cognition. Cours donné par Olivier Klein
9. La communication interculturelle
10. Les Rumeurs
11. Représentations sociales en période de crise
1. Introduction: Communication et psychologie sociale
Communication: Thème transversal dans toutes les disciplines des sciences humaines:
linguistique, sociologie, anthropologie, philosophie, ‘sciences de la communication’
On verra une approche de la communication du point de vue de la psychologie (sociale) mais on
ferra aussi références à d’autres disciplines.
La communication est au centre de la psychologie sociale. On ne peut pas faire de psychologie
sociale sans communication.
Réciproquement, la psychologie sociale permet d’enrichir la connaissance des processus de
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communication.
Qu’est-ce que la communication?
Quelques idées sur la communication: Elle suppose l’idée d’échange. On échange quoi? l'objet de
l’échange sont des signes qui composent un message. Le message va être communiqué d’un
émetteur vers un récepteur. Les signes seront verbaux (parler, écrire...) ou non-verbaux (posture,
mimique, par exemple, le policier qui règle la circulation).
Le langage est un répertoire de signes verbaux partagé avec d’autres. Il existe une convention.
L'interaction est différente de la communication. On peut communiquer sans interagir. Par exemple,
lorsque vous voyez quelqu’un de dos, il y a communication (vêtements, posture, démarche, etc.)
sans interaction. La communication est beaucoup plus large que ce que l'on pense.
La communication est unilatérale (médias: le journaliste vers nous) ou bilatérale comme dans une
conversation ou une communication via msn.
Modèles linéaires
Modèle de Harold Laswell (1948)
Laswell est un sociologue américain des année 40. Il a étudier le rôle de la presse pendant les
élection et donc la communication de masse (élections présidentielles). Il a essayé de comprendre
l'influence de la communication sur les votes des électeurs. Il se focalise sur les effets de la
communication.
Il pose 5 Questions: Qui? Le journaliste. Communique quoi? Le contenu. De quelle manière? La
forme du message. A qui? Le destinataire, le lecteur. Avec quel effet? Est-ce qu'une attitude positive
va modifier l'intention de vote par exemple. Quel est le comportement du récepteur du message?
Le modèle est simple mais utile. Il ne parle pas de l'intention de l'émetteur, elle est confondue avec
l'effet sur le récepteur ce qui est très optimiste!
La théorie mathématique du transfert de l’information: Claude Shannon et Warren
Weaver (1948)
Shannon est ingénieur et mathématicien, il est employé par une compagnie de téléphone (Bell)
pour optimiser le transfert d’information avec un minimum de perte.
Weaver vient des sciences humaines et veut appliquer le modèle à toute communication humaine.
C'est le modèle le plus classique de l’information.
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Une personne formule un message transmis vers un émetteur qui transforme le message en signaux
transportés par un canal vers le récepteur qui traduit les signaux en message perçu par le
destinataire. Dans le canal, il y a des bruits ce qui implique que le message de l'émetteur peut être
différent de celui reçu. Il y a perte de qualité du message. Le but est de réduire les bruits au
minimum.
Exemple Shannon: Vous --> Téléphone --> Fil --> Téléphone --> Maman
Exemple Weaver: Cerveau --> Voix --> Air --> Oreille --> Cerveau. Le cerveau formule le
message en signaux verbaux, celui-ci est transporté par l'air vers les oreilles de l'autre qui comprend
le message. Les bruits ne sont pas uniquement les interférences physiques, c'est aussi l'état
émotionnel, le message mal formulé... Le bruit est source de malentendu.
La réduction de l’incertitude
Information ≠ signification. L'interprétation du message n'est pas pris en compte par ce modèle.
«Les aspects sémantiques de la communication sont non pertinents pour les aspects techniques»
Pour Shannon, l'information est une opportunité de réduire l’incertitude. Un événement particulier
parmi un ensemble fini d'événements possibles est un choix. Augmenter la probabilité permet
d'atteindre la certitude. Par exemple quand on tire une carte dans un paquet de 52, on a une chance
sur 52 d'avoir l'as de pique. Lorsqu'on a une information, on diminue le niveau d'incertitude. Avec
26 cartes, l'incertitude diminue et on se rapproche d'une certitude. Il n'y a pas au départ une infinité
de solution.
Notion d'entropie (thermodynamique):
Organisation vers le chaos
Prédictibilité vers le hasard
La quantité d’information contenue dans un message correspond à sa capacité à combattre
l’entropie et donc à réduire le chaos, le hasard.
Exemple: lors d'une situation fermée, la réponse réduit l'incertitude de 50%.
Vous téléphonez de l’étranger, en réponse à un message de votre petite ami(e), qui a eu vent du fait
que vous êtes parti(e) en vacances avec un(e) de vos collègues. Son message: «Appelle-moi et dismoi ‘Oui, c’est vrai’ ou ‘Non, c’est faux’ et rien de plus». Cette simple réponse va permettre de
réduire son incertitude de 50% = BIT (binary digit): communication qui peut couper l’entropie en
deux.
Au début de la conversation, vous avouez éprouver des sentiments amoureux pour quelqu’un
d’autre. Votre (ex) petite amie voudrait savoir laquelle, parmi vos 16 collègues, fait l’objet de votre
affection
Ex: Est-ce qu’elle fait partie des professeurs ou des assistantes?
Vous: Assistantes [16/2 = 8]. On imagine qu'il y a la moitié de professeur et la moitié d'assistante.
Ex: Travaille-t-elle au 9ème étage ou au 10ème?
Vous: Au 9ème [8/2 = 4]
Ex: En psychologie clinique ou en psychologie du travail?
Vous: clinique [4/2 = 2]
Ex: La rousse ou la blonde?
Vous: La blonde [plus aucune incertitude]
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Enlever toute l’incertitude a pris 4 bits d’information.
Le bruit
Le bruit est l’ennemi de l’information. C'est tout ce qui s’ajoute au signal qui n’était pas voulu par
la source. La capacité du canal = information + bruit donc l'information est la capacité du canal
moins le bruit. Comme l'information doit être maximale, la capacité du canal doit être maximal et le
bruit réduit. Par exemple, vous n’avez que trois minutes pour téléphoner; la ligne est mauvaise +
jalousie de votre ex --> perte d’information, la communication n'est pas optimale.
Comment lutter contre le bruit? La redondance: ce sont des informations pas strictement
nécessaires. Le bruit ne détruit pas la qualité du message.
Exemple (Lohisse, 2001): Bruit: «Jeun fil$e bie* so%s +out ra?port désirùrai+ ren£ontrer en vu. dun év@tuel mariµge un jeun =omme de pré*érence coth°lique ay+nt une sit**tion stab$e». On peut
quand même lire le message malgré la quantité de bruit. «Jeune fille bien sous tout rapport
désirerait rencontrer en vue d’un éventuel mariage un jeune homme de préférence catholique ayant
une situation stable». D'ailleurs le petit message suivant suffit: «j.f.b.s.t rapp. dés. conn. j.h. préf.
cath. sit. Stab». Par contre en cas de bruit: «j.f.b.*.£.6. dés. conn. $. %.préf. coth. sit. Stib». On ne
comprend plus rien.
Moins il y a de redondance, plus le bruit risque d’altérer le message. Il faut donc un compromis
entre l’économie d’information et la redondance. Par exemple pour les fichiers mp3, on veut que le
fichier prenne le moins de place possible mais qu'on ait l'impression d'écouter de la musique. Il
existe des formules pour mesurer l’information et la redondance.
Critiques
C'est le modèle le plus critiqué. On ne tient pas compte de la signification, qu'est-ce que les gens
veulent dire? On ne tient pas compte du feed-back, le récepteur peut envoyer des réponses. On
suppose qu'il y a linéarité alors qu'en général, dans l'interaction, on fait les deux à la fois, on
modifie le message en fonction des signes du récepteur, on doit tenir compte des autres
intervenants. Quel est l'objectif de la communication? Cherche-t-on vraiment à réduire
l’incertitude? Il peut y avoir plusieurs sens dans la phrase, il faut interpréter le message, jouer avec
le non-dit. La communication gagne parfois à être équivoque. Par exemple, une carte de fête des
mères d’un patient schizophrène: «Pour quelqu’un qui a été comme une mère pour moi»
Autre exemple: extrait de film « La vie est belle » (Roberto Benigni, 1997): l’arrivée au camp
(Chapitre 9). C'est l'histoire d'un père et son fils dans un camp de concentration. Le père emploie
une stratégie de communication pour rendre cette vie supportable.
Une approche psycho-sociologique de la communication
Psychologie sociale: «La psychologie sociale est la tentative scientifique de comprendre et
d’expliquer comment les pensées, sentiments et comportements des individus sont influencés par la
présence réelle, imaginée, ou implicite d’autres êtres humains» (Allport, 1954)
L' «influence» est prise au sens large. Le psychologie sociale est la psychologie de l'influence, pas
forcément délibérée. Et l'influence implique la communication.
--> livre conseillé: La psychologie sociale (traduction française)
Les motivations sociales de base de Susan Fiske (2004)
Il y a 5 motivations sociales à la base de toute la psychologie sociale. Ces motivations sociales
facilitent la vie en groupe et augmentent donc les chances de survie. Les motivations se développent
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pour faire face aux difficultés ensemble.
Le motivation générale est appartenir. En dessous, il y a deux motivations plutôt cognitives:
comprendre (donner du sens) et contrôler l'environnement et deux motivations affectives: se
valoriser et faire confiance.
Appartenir
Les gens ont besoin de relations fortes et stables avec les autres. Il est rare qu'on ne veille pas
appartenir à un groupe (sauf les autistes). Les relations peuvent se former très rapidement.
Lorsqu'on est coincé dans un ascenseur, on commence à communiquer rapidement avec les autres.
Ex.: Des familles de vétérans de la seconde guerre mondiale avaient été logées au hasard sur des
campus universitaires. Une étude (Festinger et al., 1950) a montré que les gens ont rapidement noué
des amitiés avec quiconque vivait à proximité.
Lorsque les relations sociales sont satisfaisante, le bien-être subjectif est élevé, les gens se sentent
bien (Baumeister, 1991). Lorsqu'il manque de liens, le taux de suicide augmente (Durkheim). C'est
le cas dans les pays individualistes.
Quel est l'intérêt pour l'individu et pour le groupe? Le besoin d’appartenance facilite la vie de
groupe. La coopération entre les membres du groupe augmente l'efficacité. C'est pour cela que les
entreprises déploient des stratégies afin de faciliter l’esprit d’équipe et donc la loyauté et la
rentabilité. La motivation d’appartenance à un groupe aide les individus à survivre physiquement et
psychologiquement. L’appartenance sous-tend les quatre autres motivations de base.
Comprendre
Comprendre son environnement social est une motivation cognitive fondamentale. Cela permet de
donner du sens à ce qui nous entoure, de prédire ce qui va se passer, de donner du sens à ce qui se
passe. Quand il nous arrive quelque chose, on essaie de comprendre, d'interpréter le malentendu.
Les gens préfèrent se référer à des significations qui sont partagées avec d’autres. On a l'impression
d'avoir raison lorsque les gens comprennent la même chose que nous. Ça donne un sentiment de
sécurité et ça permet de faire face à l’incertitude.
«L’expérience de l’anxiété accroît de manière considérable le besoin des hommes de se retrouver en
compagnie de leurs semblables» (Schachter, 1959)
Hypothèses de Schachter (1959): Quand les opinions, croyances, attitudes sont ébranlées, on
recherche le contact d’autrui. Les situations difficiles à interpréter font naître le besoin de
rechercher des informations auprès d’autrui. L’affiliation à autrui doit satisfaire ce besoin.
Expérience 1: des jeunes filles doivent participer à une «Expérience sur la résistance humaine aux
chocs électriques». Deux conditions: condition «Faible anxiété»: consigne peu alarmiste,
environnement physique banal, condition «Forte anxiété»: consigne alarmiste (on leur dit qu'elles
vont recevoir des chocs électriques) et environnement physique inquiétant (appareils). On leur
demande si elles veulent attendre seule ou avec d’autres (variable dépendante).
Dans la condition faible anxiété, 67% préfèrent attendre seule. Dans la condition forte anxiété, 63%
préfèrent attendre avec d'autres. Mais on ne sait pas pourquoi dans la condition de forte anxiété,
elles préfèrent attendre ensemble, se rassurer, ressentir de la chaleur en étant ensemble ou pour
rechercher de l'information.
Expérience 2: même situation. Dans la condition de forte anxiété, on regarde si on préfère la
disponibilité ou non de l’information et donc on demande si elles préfèrent attendre avec d’autres
personnes qui vont participer à la même expérience ou avec des personnes attendant un autre
rendez-vous? Dans ce cas-ci le contact humain est présent dans les deux cas, les informations ont
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des chances d'être disponibles uniquement auprès des personnes qui vont passer la même
expérience. 60% demande d'être avec des personnes qui vont subir la même expérience, 0% avec
des gens qui attendent un rendez-vous. Il y a donc un besoin d’interactions avec des personnes se
trouvant dans la même situation et donc susceptibles de fournir de l’information. On recherche donc
une certitude en observant les autres.
Tous les événements significatifs demandent à être compris. Exemple: arrivée dans le camp de
concentration (film).
Partage social de ces théories explicatives: représentations sociales (Moscovici, 1961)
Prise de décision en groupe: on passe son temps à répéter ce que tout le monde sait déjà plutôt que
d’échanger les informations nouvelles.
Exemple: Étude de Larson et al. (1998): des étudiants en médecine regardent chacun une vidéo d’un
patient décrivant différents symptômes. Des informations partagées apparaissent dans toutes les
versions de la vidéo, des informations non partagées sont vues par une seule personne. Après une
discussion de groupe, les étudiants doivent donner un diagnostic. Le meilleur moyen serait de
partager toutes les informations. On filme puis on code la discussion. Quelles informations sont
communiquées? Quand (tôt ou tard dans le discussion)? On parle au moins une fois de 78% des
informations partagées après un temps moyen de 5,55 minutes. On parle au moins une fois de 54%
des informations non partagées après un temps moyen de 7,09 minutes. On passe donc d'abord du
temps à parler de ce que tout le monde sait afin de créer un lien social.
Comprendre permet de s’adapter, partager des représentations sociales permet de fonctionner en
groupe. Même des représentations erronées permettent de coordonner les membres du groupe.
Ex.: Les membres d’une secte (Festinger, Riecken & Schachter, 1956) ont suivi les instructions
d’extraterrestres – relayées par deux gourous. Persuadés d’un déluge imminent, ils se réunirent,
recrutèrent de nouveaux adeptes, et planifièrent leur sauvetage par les extraterrestres. Ils se
débarrassèrent de tous leurs objets métalliques (dangereux pour la soucoupe volante) et rompirent
tous leurs liens sociaux.
Lettre envoyée par un des membres à sa famille: «Je vais devoir partir loin. Je me suis débarrassé de
tout. J’ai coupé tous les liens, j’ai brûlé tous les ponts. Je quitte ce monde…»
Il y a donc une croyance en une représentation partagée: prophétie. Il n'y a donc pas uniquement
partage d'information mais aussi partage d'interprétation. Cela permet un engagement vis-à-vis du
groupe. Ces ‘compréhensions partagées’ s’élaborent à travers la communication. On recherche donc
aussi de la signification et pas uniquement de l’information.
Contrôler: une motivation cognitive
Il existe une relation entre ce que les gens font et ce qu’ils obtiennent. On observe une contingence
entre le comportement et les résultats. La contingence est forte lorsqu'on obtient les résultats que
l'on attend, cela donne un sentiment de maîtrise, d’efficacité, de compétence qui implique la santé,
le bonheur et la longévité.
L'impuissance apprise (Seligman, 1992): l'absence de contrôle entraîne la dépression et l’apathie.
Par exemple, on a fait une expérience avec des chiens enfermés dans une cage, on leur envoie des
décharges électriques, dans un cas, ils peuvent fuir et le font. Dans l'autre cas, il leur est impossible
de fuir. Après un certain temps, les chiens n'essaient même plus de fuir.
Dans le film, le jeu inventé par Guido donne à Josué le sentiment que la situation est maîtrisable.
De la même façon, donner des responsabilités à des vieillards augmente leur sentiment de contrôle
et permet d'augmenter la longévité.
Autre exemple: enquête sur les fonctionnaires britanniques (Stansfeld et al., 1998). On mesure le
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rapport entre leurs efforts et les récompenses au travail. S'il y a déséquilibre, il y aura manque de
contrôle et donc une santé physique et mentale basses.
On peut déléguer ce contrôle à d’autres individus. Par exemple, se laisser influencer par d’autres
pour choisir sa spécialisation en Master (influence sociale).
On peut tenter de contrôler les choix des autres individus. C'est ce que font les publicitaires.
On peut aussi déléguer le contrôle à son groupe d’appartenance, famille, équipe, secte, groupe
d’amis… En fonction des cultures, on valorise (cultures individualistes) ou pas (cultures
collectivistes) le fait de prendre des décisions seul.
Communication persuasive, propagande, etc.
Se valoriser
Se valoriser permet le maintien ou l'augmentation de l’estime de soi. Il est important pour le bienêtre des personne de se sentir bon et aimable. Par exemple dans le film: «On va gagner le char
d’assaut». Les individus préfèrent avoir des échanges avec quelqu’un qui les perçoit favorablement
et donc qui les apprécie.
Quel est l'apport de l’estime de soi au groupe? Une faible estime de soi implique des
comportements facilitant l’exclusion, par exemple des comportements autodestructeurs. Une haute
estime de soi implique des comportements facilitant l’inclusion. Des relations positives, la
collaboration permet la cohésion du groupe.
En tant qu’individu unique: ‘amour propre’
En tant que membre d’un groupe: être un bon membre du groupe, c'est-à-dire apprécier le rôle
occupé au sein du groupe et développer une identité sociale positive.
L'estime de soi collective est l'estime de soi qui dérive de l’appartenance à un groupe social comme
par exemple, le patriotisme.
Faire confiance: c'est la motivation la moins étudiée.
C'est percevoir le monde qui nous entoure comme étant bienveillant, valoriser les autres.
La confiance suppose «la foi ou le crédit accordé à quelqu’un d’autre – duquel on peut
éventuellement dépendre – dans le fait que ses actions n’auront pas de conséquence négative pour
nous» (Boon, 1995). Par exemple, dans le film «Ce n’est qu’un jeu».
La confiance est une réponse à la vulnérabilité, c'est un besoin qui vient de notre constat de
vulnérabilité mais elle rend vulnérable car on prend des risques en faisant confiance, on parle de
vulnérabilité réciproque. Généralement, les gens tendent à faire confiance à autrui.
Faire confiance facilite la cohésion de groupe. La confiance permet l'attachement et
l'interdépendance. Les gens peuvent compter sur autrui pour partager l’information et les
ressources, ainsi que pour éviter les difficultés.
Si cette confiance est mise à mal, les gens tentent de la rétablir. Les gens sont hyper sensible à la
rupture de confiance. Par exemple, après les guerres, la première chose à faire est de rétablir la
confiance des gens (Truth and Reconciliation Commission (Afrique du Sud)).
On a une motivation à percevoir le monde comme juste et bon («belief in a just world» Lerner). Par
exemple, les victimes d’injustices sont souvent considérées comme en partie responsables de leur
sort, le monde est donc juste
Ces 5 motivations de base seront une grille de lecture pour une approche psychosociologique des
phénomènes de communication.
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2. La communication verbale
Verbale / vocale
Ce sont deux adjectifs souvent confondus. On parle de communication verbale dès que des mots
(ou signes organisés) sont utilisés comme pour la parole, l'écriture, les gestes de la langue des
signes. Il y a une convention sur le sens des mots.
Vocal est l'adjectif utilisé lorsqu'on fait référence à la voix. La communication vocale peut être
verbale ou non verbale comme l'intonation, les cris, les soupirs, la rapidité du débit de parole, les
rires, l'accent…
On a deux deux dimensions pour un message:
Message
Vocal
Non vocal
Verbal
Paroles
Mots écrits, certains gestes
Non verbal
Intonation, débit,...
Mouvements, expression faciales
(si pas de convention)
Le langage
Le langage lie le monde que nous percevons et le monde symbolique. La linguistique essaie de
comprendre la relation entre le langage et le monde empirique.
Le monde empirique est le monde perçu, il est peuplé de référent comme la pomme réelle.
Le monde symbolique est le monde représenté, il se compose par exemple du mot pomme.
Système de symboles
Le langage est un système de symboles. Le symbole est tout ce qui prend la place de quelque chose
ou le représente. Le symbole représente quelque chose qui existe dans le monde empirique.
Il y a plusieurs types de symboles: les images (signes visuels de nature non verbale, elles sont
analogue au référent, elles imitent le référent), les signes verbaux (relation arbitraire, contrairement
à l'image, le mot pomme ne ressemble pas à l'objet pomme).
La sémiologie est la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale (de Saussure,
1916). Elle essaie de répondre aux questions du genre, que sont les signes? Comment ils
fonctionnent?
Les langues sont des phonèmes (sons) assemblés en morphèmes. Les morphèmes sont les plus
petites unités porteuses de sens: mots ou syllabes porteuses de sens (préfixes, suffixes, désinences
(fin de mot qui varie comme par exemple terminaison d'un verbe conjugué), etc.). Par exemple, le
préfixe post a du sens tout seul.
La grammaire régit la formation des mots et des phrases. Elle dit par exemple où mettre un préfixe
ainsi que la structure pour faire des phrases. Ce sont des règles explicites ou implicites partagées par
un groupe donné qui considère que cette langue est la sienne.
Les signes et le sens
Comment lier les signes et le sens? Un signe peut être un mot, une image, un son, une odeur, un
goût, un acte ou un objet. Il peut signifier quelque chose. Il n'y a pas de lien naturel entre le
référent (la chose réelle) et le signe verbal, le lien est arbitraire et établi à l’intérieur d’un groupe
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culturel donné partageant le même système de signes verbaux. On nait dedans, on ne doit pas le
construire. Le mot, l'image... devient un signe à partir du moment où nous lui donnons un sens.
«Rien n’est un signe s’il n’est pas interprété comme un signe» (Peirce, 1931). C'est un signe si ça a
une signification pour quelqu'un.
Par exemple le film «La vie de Brian» des Monty Python, chap 19. Ça se passe au temps des
Romains, un homme est poursuivi et se met à improviser un discours, contrairement à toute attente,
il est écouté et les gens le suivent. Il perd une chaussure et ce «signe» est interpréter de plusieurs
façons... On voit donc que le lien entre le signe est le sens est une question de convention.
Un modèle dyadique du signe
C'est le modèle de Ferdinand de Saussure: «Cours de linguistique générale» (1916): théorie
structuraliste du signe.
Le signe est une interaction entre signifiant et signifié, ceux-ci sont indissociable.
Le signifié, c'est le concept, le sens du stimulus. Le signifiant c'est l'association d’images
acoustiques; la dimension matérielle du signe. Les deux concepts sont inséparables comme les deux
faces d’une feuille de papier. La signification c'est la relation entre le signifiant et le signifié.
Ce modèle a donné naissance au structuralisme (Levi-Strauss, Barthes, Lacan, etc.)
Exemple: un panneau ouvert sur une porte. Le signifiant: le mot «ouvert», le signifié: le magasin est
ouvert. C'est le rapport entre ce qu'on voit et la conclusion que l'on a.
Un signe a nécessairement un signifié et un signifiant. Si le signifié est différent, la signe est
différent. Par exemple, «Open» en informatique signifie «ouvrir un fichier». Si le signifiant est
différent, le signe est différent aussi. Il existe plusieurs manières de signifier «ouvrir», par exemple,
sur les paquets de bonbons, les pointillés signifient «ouvrir».
Lien entre signes
A = plan du signifié: contenu
B = plan du signifiant: expression
Pointillés: relations entre les deux plans formant
des signes. Endroit où le signifiant et le signifié
se rejoignent.
Par exemple: ‘Enseignement’
Lien au plan du signifié: mots qui ont le même
sens comme apprentissage, éducation…
Lien au plan du signifiant: mots qui y ressemble
comme alignement, saignement…
La poésie travaille sur l’interaction signifiant – signifié: rimes, allitérations (répétition de même
son), etc.
Exemple d'allitération: Rimbaud "Chercheuses de poux": Voilà que monte en lui le vin de la
Paresse, Soupir d'harmonica qui pourrait délirer ;L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.
Les différents signes sont reliés sur un plan ou sur l'autre ou sur les deux.
de Saussure ne s’intéressait qu’à la langue et pas au langage. Le langage, c'est la langue plus la
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parole. La langue, c'est donc le langage moins la parole. La parole, c'est l'utilisation réelle de la
langue, ce qu'on en fait.
La langue, c'est donc «l'ensemble des habitudes linguistiques qui permettent à un sujet de
comprendre et de se faire comprendre» (1916). Il ne parle donc pas d'utilisation de la langue, ce
n'est donc pas un modèle de communication. De plus, il exclut l’intervention des sujets
communicants.
Le référent (le modèle réel) est également exclu du modèle. Il n'y a donc pas de rapport avec la
réalité. Le signifié est le concept, la représentation mentale de l’objet, pas l’objet lui-même. Le
signe est totalement immatériel. Tout dépend des relations entre signes et pas du lien entre les signes
et le réel.
Un modèle triadique du signe
A la même époque: Charles Sanders Peirce (USA) construit aussi un modèle:
Le representamen est la forme que prend le signe, c'est l'équivalent du signifiant, le côté matériel du
signe.
L'interprétant est le sens donné au signe (≠ interprétateur, celui qui interprète). C'est l'équivalent du
signifié, mais chez Peirce, l’interprétant est de nouveau un signe dans l’esprit de l’interprétateur. On
peut donc interpréter et ré-interpréter à l’infini (voir utilisations du tableau de Magritte: autre
tableau avec une pipe: ceci n'est pas la pipe de Magritte, tableau vide avec ceci n'est pas Mohamet).
D'après Peirce, «La signification d’une représentation ne peut être qu’une représentation ellemême».
L'objet est ce à quoi le signe réfère, ce qui est ancré dans le réel.
Le semiosis est la relation entre le representamen, l’interprétant et l’objet.
Le triangle sémiotique
Modèle de Ogden et Richards (1923) qui dérive du modèle de Peirce .
La référence ou la pensée, c'est l'équivalent du signifié. Le symbole, c'est le signifiant. Le référent,
c'est l'objet lui-même. Le symbole et le référent ne peuvent pas être en rapport sans interprétation.
Importance de l’interprétation: le sens d’un signe n’est pas contenu en lui-même, il émerge de
l’interprétation. L'interprétation est un processus actif d’attribution de sens.
Nature du lien signifiant - signifié
Pour Saussure, le lien est totalement arbitraire. Ce n'est pas vrai pour tout système de signe.
Peirce, qui s'intéresse à autre chose qu'à la langue, fait une typologie des types de liens et répertorie
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59049 types de signes!
Chandler résume en trois catégories, en fonction du degré d’arbitraire entre le signifiant et le
signifié.
•
Symbolique: lien purement conventionnel, comme les mots, les panneaux routiers.
•
Iconique: le signifiant ressemble ou imite le signifié comme dans les portraits, onomatopées
(imite un bruit), son réaliste, gestes d’imitation,…
•
Indexique: le signifiant est directement lié au signifié comme la fumée pour le feu; les
traces de pas pour les pieds; les photos (trace de la lumière), les enregistrements, les
symptômes médicaux comme la fièvre, c'est un peu différent pour les problèmes
psychologiques.
En parlant d’«index»… le mot est un signe de type symbolique. La main sculptée est un signe de
type iconique et la photo du doigt dans le nez est un signe de type indexique.
Signification et interprétation
La signification est une relation que nous (les humains) établissons nous-mêmes entre un symbole
et un référent. Nous utilisons des mots pour évoquer des représentations chez les autres, avec plus
ou moins de succès. On ne sait pas si ce qu'on dit est bien compris. «Je sais que vous croyez
comprendre ce que vous pensez que j’ai dit, mais je ne suis pas certain que vous vous rendiez
compte que ce que vous avez entendu n’est pas ce que j’ai voulu dire» (Myers & Myers). Le sens
n’est pas fixé, il existe une marge de manœuvre.
Les niveaux de signification
Le sens dénotatif est la signification objective (c'est difficile car souvent arbitraire) ou descriptive
d’un terme. C'est le sens que les membres d’une même communauté culturelle attribuent
généralement à un mot. C'est le sens le plus conventionnellement établi, la définition du
dictionnaire, c'est la signification de premier ordre (Roland Barthes), la première association que
l'on fait.
Le sens connotatif est la signification émotionnelle ou idéologique qui s’ajoute à la signification de
base d’un terme, c'est la signification de deuxième ordre (Barthes). Le premier sens du mot éveil
d'autre connexion avec d'autres sens en fonction de la culture, de l'état émotionnel du moment...
Dénotation
Connotation
Signifiant
Signifié
Signe
Signifiant
Signifié
Signe
Par exemple, le mot «mort» n’a pas la même connotation pour un médecin: «le cerveau a cessé de
fonctionner» et pour une mère en deuil: tristesse, injustice, maladie, famille, etc.
Les injures ou mots doux expriment les sentiments du locuteur plutôt que le sens dénotatif. «Tu n’es
qu’un porc!» ou «Tu es belle à croquer»: voir Laurence Rosier «Le lexique clandestin» pour
d'autres exemples.
Le signifiant peut indiquer une connotation, par exemple, la police d'écriture, la mise en page,
l'intonation, la gravité de la voix.
11
Les niveaux d’abstraction
On va de l'abstrait vers le concret, d'une catégorie très large à quelque chose de précis:
divertissement – film – film américain – film américain récent – Avatar.
Plus le terme est abstrait, plus les associations (connotations) seront nombreuses; plus
l’interprétation est ambiguë. On a donc un choix de vocabulaire pour rendre le message plus ou
moins interprétable facilement.
Langage et pensée
Edward Sapir (1951) et Benjamin Whorf (1956): leur hypothèse est qu'il y a un lien très fort entre le
langage et la pensée. Le langage nous sert à parler du monde, détermine ce que nous cherchons à
voir, influence notre manière de penser les choses que nous percevons. C'est une conception très
déterministe.
Variabilité du découpage du réel par les langues: «Le fait est que la "réalité" est, dans une grande
mesure, inconsciemment construite à partir des habitudes langagières du groupe. Deux langues ne
sont jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité
sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le
même monde avec d'autres étiquettes. » (Détrie, Siblot, Vérine 2001, p. 138). C'est une hypothèse
radicale qui dit qu'on ne peut penser qu'à partir de notre langue.
L’apprentissage de la langue impose une certaine façon de voir le monde. Les mots attirent notre
attention sur certains aspects de la réalité et détournent notre attention d’autres aspects.
Par exemples: les aborigènes australiens distinguent plusieurs essences d’arbres, mais n’ont pas
d’équivalent pour le mot ‘arbre’ (le concept général); les Hanunoos des Philippines ont 92 mots
pour nommer le riz, les Kwakiults (USA) ont différentes façon de rapporter un événement (chute
d’un rocher) selon que le rocher est visible à la personne qui parle, à celle qui écoute, ou à une
tierce personne; la représentations du temps est décrite via des métaphores spatiales (Boroditsky,
2001) qui sont horizontales en anglais et en français (before, behind, ahead, en avance, temps
reculés, etc.) et verticales en mandarin (au-dessus = avant; en-dessous = après), des gestes sont
associés à ces signification. Les Chinois ‘voient’ le temps différemment des Européens, ils se
représentent le concept différemment.
Hypothèse de Sapir & Whorf
«L'hypothèse énonce que le langage n'est pas seulement la capacité d'exprimer oralement des idées,
mais est ce qui permet la formation même de ces idées. Quelqu'un ne peut penser en-dehors des
limites de sa propre langue. Le résultat de cette analyse est qu'il y a autant de visions du monde
qu’il y a de langues différentes.» C'est une hypothèse très pessimiste pour la communication
interculturelle.
Cette hypothèse est critiquée car on peut oublier un mot sans oublier le concept, on peut oublier la
signification d’un mot sans oublier le mot, on peut apprendre des concepts qui n’existent pas dans
sa langue, par exemple, les Dani (Nouvelle Guinée) ont facilement appris les couleurs anglaises,
alors qu’il ne possédaient que deux mots désignant des couleurs (Rosch, 1975). La pensée opère
également en fonction d’images et de relations entre elles (Paivio, 1986) et donc pas uniquement sur
base langagière. La communication interculturelle n’est pas impossible même si elle est difficile.
Langue et genre
L’emploi du masculin comme forme générique et neutre entraînerait l’exclusion et la dépréciation
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des femmes (Yaguello, 1987 «Les mots et les femmes»). Ils est utilisé pour n'importe quel type
d'être humain.
En anglais, ‘he’ est considéré comme épicène (forme neutre désignant aussi bien les hommes et les
femmes). Dans certaines études, on demande aux sujets de lire des textes utilisant un pronom
Neutre (they); Masculin (he); ou Féminin (she). Puis, on leur demande d'écrire une histoire ou de
choisir un dessin représentant le personnage. Les résultats montre que l’épicène n’est pas neutre, il
évoque des personnages masculins, les gens pensent à un homme.
On emploie le mot générique de ‘Homme’ (Droits de l’Homme, homme des cavernes) alors que
l'‘Homme’ est un être humain adulte de sexe masculin.
Langage et catégorisation
Les mots nous permettent de classer en catégorie. Le fait de réunir des référents différents sous la
même appellation attire notre attention sur ce qu’ils ont en commun mais détourne notre attention
de leurs différences et de la variabilité. Il y a par exemple des tas de formes différentes de chien.
Catégorisation sociale et stéréotypes: par exemple, pensez à la personnalité d’un conducteur de
BMW et à celle d’un conducteur de Fiat Punto.
Polarisation de la représentation
Le langage masque les nuances. On trouver facilement le contraire de heureux, riche, vie, santé,
poli, généreux mais on manque de nuance pour trouver des termes intermédiaires? Il y a beaucoup
de mots pour désigner les extrêmes, peu pour nuancer.
Polarisation: tendance à décrire le monde en termes dualistes, le langage nous mène à faire cela.
«Tous ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi». Il y a une motivation à comprendre sans
fournir d’effort, à simplifier. Nous vivons dans un monde ‘polarisé’ depuis 11/09/2001, on parle
d'Orient et d'Occident; du monde musulman et du monde chrétien… C'est très dommageable.
Langage et relations interpersonnelles
Comment parvenir à communiquer verbalement de manière fructueuse? Il y a beaucoup d'étude sur
ce concept.
Les messages sont directs ou indirects.
Exemple 1: «Je m’ennuie tellement! Je n’ai rien à faire ce soir» ou «J’ai envie d’aller au cinéma.
As-tu envie de venir avec moi?»
Exemple 2: «As-tu envie de manger des pizzas ce soir?» ou «J’ai envie de manger des pizzas ce
soir. Et toi?»
Chaque première phrase de chaque exemple est un message indirect. L’émetteur veut amener le
récepteur à faire quelque chose sans s’engager lui-même.
Les deux autres sont des messages direct. L’émetteur exprime clairement ses préférences. La façon
de formuler son message a une conséquence sur l'interaction entre les personnes.
Messages indirects
Avantages:
Ils permettent d'exprimer un désir sans heurter l’autre. Par exemple, «Il se fait tard, je dois me lever
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tôt demain» plutôt que «J’en ai marre, je me casse»; «Non merci, je viens tout juste de manger»
plutôt que «Je déteste le carpaccio de langue d’agneau».
Ils permettent aussi de susciter un compliment de manière discrète: «Je viens d’avoir 40 ans, ça ne
me rajeunit pas», «Mais tu ne les fais pas!»
Inconvénients: malentendus ou conflits
Stéphanie: «Tu ne voudrais pas que mes parents viennent souper ce soir?»
Mathieu: «J’avais vraiment envie d’aller faire une balade et de me reposer»
Stéphanie: «Eh bien, vas donc te promener. Je préparerai le souper toute seule»
Mathieu est pris au piège. Soit il va se promener, et il se sentira coupable de laisser Stéphanie
travailler seule. Soit il y renonce, et il aura le sentiment d’avoir été manipulé par Stéphanie. Ce
rapport perdant – gagnant donnera lieu à du ressentiment, de la compétition, des conflits.
Messages directs
Stéphanie: «J’aimerais bien inviter mes parents à souper ce soir. Qu’en penses-tu?»
Mathieu: «Hum, moi je préférerais plutôt faire une balade et me reposer ensuite…»
Ils sont sur un pied d’égalité et peuvent tenter de concilier leurs projets.
Messages indirects et genre
Stéréotype: Les femmes emploieraient plus souvent un style indirect pour formuler des demandes
ou donner des ordres et ce serait une forme d’impuissance. Par exemple, «Ce serait bien que ces
lettres soient envoyées aujourd’hui» et pas «Envoyez ces lettres avant 15 heures».
A nuancer (Tannen, 1994), ce n'est pas une marque d’impuissance: «Le pouvoir, c’est la capacité de
choisir son propre style de communication». Les hommes adoptent le style indirect dans d’autres
situations: quand ils n’ont pas le pouvoir, pour dire des choses allant à l’encontre du stéréotype
masculin et pour exprimer des sentiments.
Messages indirects et culture
Les cultures occidentales ont tendance à valoriser le style direct, on doit exprimer clairement ce que
l’on ressent, ce que l’on désire, être franc.
D’autres cultures valorisent le style indirect. Dans les cultures collectivistes, l'importance est
accordée à l’harmonie des relations à l’intérieur du groupe.
Par exemple, au Japon (Tannen, 1994):
•
Omoiyari: ≈ empathie. Les auditeurs doivent comprendre le locuteur sans qu’il s’exprime de
manière explicite.
•
Sassuru: les auditeurs doivent anticiper ce que le locuteur veut dire, le déduire de certains
signaux subtils.
Il y a un soucis de ne pas perdre la face et ne pas faire perdre la face à l’autre (voir cours sur la
communication interculturelle).
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3. La communication non verbale
Plus de 60% des échanges seraient non verbaux. Les moyens non verbaux seraient plus riches en
significations.
Les fonctions des langages sont différenciées. Le langage verbal permet la transmission de
l’information et des connaissances, c'est une communication digitale, le lien entre le signifiant et le
signifié est arbitraire. Le langage non verbal exprime le relationnel entre les interlocuteurs, c'est une
communication analogique.
Le «langage du corps» est-il un langage? Certains auteurs ont étudié la CNV comme un langage.
D’autres ont critiqué cette position: ce ne serait pas un langage autonome.
Les canaux de la communication non verbale
Il existe des recherches sur chacun des canaux de communication.
1. L’apparence corporelle
2. Les gestes
3. Le visage
4. Le regard
5. Le toucher
6. Le paralangage
7. Les silences
1. L’apparence corporelle
«Seuls les gens superficiels ne se fient pas aux apparences» (Oscar Wilde)
Par exemple pour la taille, les personnes plus grandes ont plus de chances d’être élues président et
les grands gagnent en moyenne un meilleur salaire et trouvent plus facilement de l’emploi. La
hauteur, qu'elle soit donnée par la taille ou la position debout donne une impression de domination.
Beaucoup de stéréotypes sont liés à l’apparence du corps. La beauté donne une impression de
compétence sociale. Les ‘belles’ personnes obtiennent de meilleurs notes scolaires, sont valorisées
socialement, etc. Les personnes athlétiques donnent l'impression d'être énergique, dominant, joyeux,
déterminé, sociable… Une personne obèse manquerait de contrôle de soi, ce qui voudrait dire que
seuls des facteurs psychologiques jouent sur l'obésité. Certain visage donne une impression de
compétence. La couleur de peau nous donne des informations sur l'origine ethnique qui implique
certains stéréotypes.
Certaines postures sont reconnues par la plupart des gens. Expérience de Rosenberg et Langer
(1965): ils demandent d’évaluer une série de postures sur plusieurs dimensions (sentiment exprimé,
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stabilité, orientation dans l’espace, etc.). On constate un haut degré d’accord.
Il existe donc une gamme de signaux valides et partagés. Il faudrait vérifier que des études ont été
faites avec différentes cultures.
Les aspects étudiés sont l'inclinaison (avant, arrière, sur le côté), la position des bras (ouverts,
croisés, sur les hanches), la position de la tête (baissée, relevée, inclinée), la position des jambes
(étirées, ouvertes, croisées).
Pour la posture générale, une position détendue indique la domination, les bras et les jambes sont
asymétriques; le corps est penché de côté ou vers l’arrière; les mains sont détendues. Une position
tendue est une position de soumission, le corps est droit, les pieds ensemble posés par terre, les bras
près du corps comme un soldat au garde à vous.
Le corps incliné vers l’avant et les bras et jambes ouverts donne une impression d'attrait. Une
relaxation totale montre un manque de respect, du mépris. Une relaxation modérée montre de la
sympathie.
Lorsqu'on montre de l'attention, de l'intérêt, on est incliné vers l’avant, les jambes ramenées vers
l’arrière. Pour l'ennui, les jambes sont étirées, la tête penchée ou supportée par une main.
2. Les gestes, mouvements
On divise les gestes et mouvements en 5 grandes catégories.
2.1 Gestes ou signes emblématiques
Ce sont des gestes directement traduisibles en mots (symboliques). Ils sont utilisés consciemment et
délibérément mais attention aux malentendus culturels, la signification des gestes change d'une
culture à l'autre.
Tout va bien
Ok
Stop, assez
Turquie, Grèce, Tunisie, Hollande:
France: sans valeur
Australie, Iran: impoli Turquie: vous n'aurez rien
obscène
Japon: argent
Nigeria: très offensant
de moi
Russie: vous n'aurez rien de moi
Allemand: impoli
Japon: 5
Afrique: vous avez 5
Yougoslavie: vous n'aurez pas ça
Malte, Grèce, Brésil: obscène Turquie: politique droite
pères
Brésil: bonne chance
2.2 Les gestes illustratifs
Ce sont des gestes qui renforcent les messages verbaux qu’ils accompagnent. Par exemple, tourner
la tête de droite à gauche tout en disant non; faire un geste vers la gauche tout en parlant d’un objet
se trouvant dans cette direction.
2.3 Les gestes régulateurs
Ce sont des gestes qui règlent, contrôlent ou coordonnent les échanges verbaux. Par exemple,
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hocher la tête pour signifier à son interlocuteur de continuer à parler, ou pencher son corps en avant
et ouvrir la bouche pour prendre la parole.
2.4 Les gestes adaptatifs
Ce sont des gestes qui permettent de satisfaire un besoin personnel, ils peuvent être dirigés vers soi
comme se gratter le nez, vers l’autre: retirer un cheveu de sa veste ou vers un objet: déchirer un bout
de papier, griffonner, etc. Ce ne sont pas des messages intentionnels.
Par exemple, «L’effet Pinocchio»: observation de l’audition de Bill Clinton lors de l'affaire
Lewinsky. On sait aujourd’hui qu’il avait menti. Il s’est gratté le nez une fois toutes les 4 minutes,
ce qui serait un indice de mensonge indirect et inconscient. Le mensonge impliquerait un
gonflement des tissus nasaux et donc le besoin de se gratter.
2.5 Les gestes manifestant de l’émotion
Par exemple, trembler de peur; sauter de joie; serrer les poings de colère; etc.
Les mimiques, premier canal d'expression. C'est l'expression du visage consciente ou inconsciente
qui contribue à communiquer la nature des émotions ressenties. Elles accompagnent ou remplacent
la communication verbale.
3. Le visage
C'est la partie la plus expressive du corps, il permet l'expression des émotions. Ekman définit 6
émotions de base: la joie, la tristesse, la haine, la surprise, le dégoût, la peur. Elles se combinent en
émotions plus complexes: inquiétude, intérêt, honte, extase, désarroi, nostalgie, culpabilité etc.
Reconnait-on les émotions? Des études interculturelles (Japon, USA, Borneo, Europe, Amérique du
Sud) montre l'universalité de la reconnaissance des émotions de base. De plus, les femmes les
interprètent mieux que les hommes.
La manifestation des émotions est universelle (ex: enfants aveugles sont capables de faire les
mimiques, elles sont donc biologique) mais la production (la manière dont on s'en sert) dépend de
la culture. On compare les émotions exprimées par des acteurs italiens, anglais et japonais, les
émotions des acteurs anglais et italiens sont reconnues par tous (juges des mêmes pays) et tous ont
des difficultés à reconnaître les émotions de l’acteur japonais. Il existe des règles de manifestation
des émotions du visage différentes d'une culture à l'autre comme il y a des règles des expressions
verbales.
4. Le regard
Le regard est très important: «Il avait du feu dans les yeux». Les yeux varient en fait très peu en
fonction de l’état émotionnel. Le regard (dilatation des pupilles) varie en fonction de l’intensité de
l’émotion, plutôt qu’en fonction de sa nature. La signification attribuée au regard dépend du
décodage des autres signaux non verbaux.
La taille de la pupille indique du désir. La pupille se dilate lorsque l’on fixe l’objet du désir. Les
photos de visages dont les pupilles sont dilatées sont préférées.
Argyle (1988) a fait une étude du regard lors d’interactions face à face (à 2 m). Les sujets se
regardent 60 % du temps de la conversation, 75 % durant l’écoute et 40 % en parlant, 30% de
regards mutuels qui sont des coups d’œil de 1.5 secondes. Si le contact visuel dépasse 80 % ou est
inférieur à 15 % du temps, on ressent une impression spécifique. Un contact visuel prolongé est
interprété comme un intérêt, une invitation à communiquer, les personnes sont jugées sociables,
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compétentes, crédibles et amicales. Lorsqu'il y a évitement, on parle de timidité, volonté de ne pas
entrer en interaction et de personnes froides, pessimistes, prudentes, défensives et immatures.
Les fonctions du regard: percevoir les réactions des auditeurs, inviter l’autre à parler (alternance de
parole, regard à l’autre et écoute), une information concernant la nature de la relation (un regard
attentif: relation positive, un évitement: relation négative, regarder l'autre quand on parle est un
comportement de domination visuelle).
5. Le toucher
C'est la forme la plus archaïque de communication: mère – nourrisson
Quels sont les significations? Communiquer une émotion positive, entrer en interaction, respecter
un rituel (poignée de main, bise, accolade, etc.)
L'évitement du toucher est lié à l’évitement de la communication verbale, toucher et confidences
sont des formes intimes de communication.
Il existe une différence de genre. Les hommes touchent moins les autres hommes que les femmes
touchent les autres femmes. Les femmes évitent davantage de toucher les hommes que les hommes
évitent de toucher les femmes.
Il existe aussi des différences culturelles. Dans les pays anglo-saxons: poignée de main distante, en
Belgique: bises entre garçons, en Russie: baiser sur la bouche. Ces différences sont en lien avec le
puritanisme, les classes sociales élevées évitent généralement le contact physique.
6. Le paralangage
C'est la dimension vocale, mais non verbale, de la parole: le timbre de la voix, le débit de parole,
l'intensité, les inflexions, l'articulation, les accents, les pauses, etc. Par exemple, dans la phrase
suivante, on peut accentuer chacun des mots, la phrase a un sens différent: Les autorités doivent
travailler avec plus de courage!
Importance du paralangage: la manière de dire ‘Allô’ au téléphone influence la suite de la
conversation et donne des informations sur l’état émotionnel du locuteur.
La vitesse d’élocution, le débit de parole influence sur la compréhension du message. Elle est
étudiée dans les domaines de la publicité, des discours politiques, du journalisme car le nombre de
mots par minute a un prix. Selon l'étude de MacLachlan (1979), ceux qui parlent vite (1.5 fois plus
vite que la normale) sont plus persuasifs, quand le débit augmente de 50 %, la compréhension
baisse de 5 %, quand le débit augmente de 100 %, la compréhension baisse de 10 %.
L’augmentation du débit est généralement efficace car rentable (jusque 2 x plus vite que la normale)
7. Les silences
Les pauses sont de courts silences entre deux paroles. Si la pause se prolonge, on ressent un malaise
entre les interlocuteurs («un ange passe»).
Les fonctions sont un temps de réflexion, l'expression de son mécontentement (en boudant), faire
face à l’anxiété: se taire pour se mettre à l’abri du rejet, éviter les conflits: prendre le temps de se
calmer, communiquer des réactions émotionnelles (refus de coopération, contrariété, affection,
amour), interprétation à partir des autres indices non verbaux.
Peut-on parler de ‘langage’ non verbal?
Ray Birdwhistell (un anthropologue) propose d’étudier la communication non verbale (kinésique)
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de la même manière que la communication verbale (linguistique)
Dans la linguistique descriptive, on parle de Phones (sons) puis de phonèmes (sons qui composent
la langue: + ou – 30). Le phonème est une classe d’allophones, des phones que l'on reconnait dans
la langue, par exemple, i = i long de ‘vide’, i court de ‘vite’, etc., c'est le même phonème mais ce
sont des i différents.
Dans la kinésique, par exemple, un clin d’œil particulier est un kine, c'est la plus petite unité de
mouvement corporel qui puisse être extraite et distinguée d’autres mouvements. Il y a différents
types de clins d’œil qui sont tous reconnus comme étant des clins d’œil. «C’est la même chose» ou
«C’est différent, mais ça signifie la même chose». Le clin d’œil est un kinème.
En linguistique, les phonèmes s’assemblent pour donner des morphèmes (syllabes) puis des mots.
En kinésique, les kinèmes s'assemblent en kinémorphèmes puis en constructions kinémorphiques.
Point de vue sémantique, on a une relation signifiant – signifié, point de vue syntaxique, on a une
relation signe – signe et point de vue pragmatique, une relation signe – effet de la communication
chez les autres.
Par exemple, si un professeur pointe son index vers un élève indiscipliné, puis dirige son index vers
la porte. Pour la sémantique, ça signifie: «Vous, sortez de cette classe!», pour la syntaxe, pointer
l’élève, puis la porte, pour la pragmatique: l'élève quitte la classe.
La kinésique est donc un langage corporel avec son propre vocabulaire et sa propre grammaire.
Mais c'est le contexte et l'interaction avec la parole qui rend la parole signifiante et significative.
Critiques: tout le monde n'a pas été d'accord avec sa théorie.
Pour Moscovici (1967), psychologue du travail: «Contrairement à certaines opinions, et en dépit de
leur fonction comme indicateurs de perception, les signaux qui véhiculent l’émotion ou la
signification non verbale n’ont aucun rôle décisif dans la transmission de l’information. Leur valeur
expressive considérable ne justifie pas qu’on leur attribue le statut de langages autonomes».
Pour Wiener et al. (1972): on ne peut parler de ‘langage du corps’ que si l’on peut mettre en
évidence l’existence d’un code: système de signaux socialement partagé, au moyen duquel un
individu rend publique son expérience à un autre individu qui répond systématiquement à ce code.
Sinon, ce n'est pas du langage du corps.
Communiquer sans se voir
Si les mouvements servent à communiquer, ils devraient disparaître quand on n’est pas vu. Cela
devrait aussi affecter la communication verbale: on devrait compenser.
Expérience de Rimé (1982), psychologue social: les participants doivent converser face à face puis
cachés par un écran (ils ne se voient plus). Les sujets sont filmés puis les films analysés. Les
résultats montrent très peu de différences, les interactions sont moins bien synchronisées quand les
interlocuteurs ne se voient pas (silences, pauses, etc.), il n'y a pas de différences dans les
mouvements et pas de différences d’évaluation subjective de la relation. On en conclut que les gens
bougent en parlant, mais ce n’est pas directement lié à la transmission de l’information.
Communiquer sans bouger
Pourquoi bouge-t-on en communiquant? Expérience lors de laquelle des sujets immobilisés sur un
fauteuil, le but annoncé de l’expérience est d'éprouver le confort du fauteuil. On se demande si les
zones non immobilisées (sourcils, yeux, bouche, mains, doigts et tronc) seront affectées, si elles
compenseront. On observe des conversations avant (libre), pendant (attaché), et après (libre). Les
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résultats montrent que toutes les zones sont affectées, sauf le tronc. Les mouvements des mains,
sourcils et yeux s’accentuent pendant les phases de parole dès que le sujet est immobilisé, on
observe un retour à la normale dès que le sujet est libéré, il n'y a pas de différences durant les
phases d’écoute. Il y a donc une activité motrice compensatoire lorsqu'on est attaché.
Gestes et compétences verbales
Expérience de Rimé et Gaussin (1982): plus la conversation est dense (riche en contenu), plus il y a
de mouvements. L’activité motrice est liée à la densité des tâches d’encodage et de décodage
Étude de Rimé, Thomas et al. (1983): il compare deux groupes d’adolescents épileptiques:
compétences verbales faibles – fortes. Les sujets à compétences verbales fortes présentaient plus de
mouvements communicatifs des bras et des mains
On en conclut que la communication non verbale ne supplée pas la communication verbale, le
mouvement est intégré dans l’activité verbale. C'est la même compétence qui est mise en jeu.
Activité analogique et représentation
Les mouvements imitent le référent. On imite ce qu'on a en tête. «D’une part, ..., d’autre part, ...» en
pointant du doigt. La communication est analogique par opposition à digitale.
Selon Rimé (1992), les mouvements servent au locuteur (et pas au récepteur) à retrouver les
dimensions perceptives de la représentation qu’il tente de communiquer. L'émetteur a pour but de
retrouver son expérience globale à l’égard du référent afin de la communiquer efficacement
(encodage). Le récepteur doit décoder le message pour reconstruire la représentation, le verbal, c'est
la figure, le non verbal, c'est le fond qui aide à mieux percevoir le verbal. La figure se détache sur le
fond.
Liens entre les deux types de communication
Extrait de film: « Coffee & cigarettes » (J. Jarmusch), «Ces saloperies, ça te tuera»
Pour Knapp et Hall, 1992, il y a 6 liens possibles:
1. Accentuation, appuyer ce qu'on vient de dire: «Alors, les médecins et les hôpitaux peuvent
s’enrichir» (index pointé vers l’autre, corps en avant + intonation)
2. Complément: «Ça te tuera. Crois-moi» (Se touche la poitrine de la main: «C’est moi qui te
le dis»)
3. Substitution: le gamin utilise uniquement le non verbal, se frotte les doigts pour dire
«argent»
4. Répétition: ex: «Je ne suis pas du genre à lâcher» en faisant ‘non’ du doigt, «Deux sucres,
s’il vous plaît» en montrant deux doigts. C'est une notion proche de l'accentuation.
5. Régulation: se pencher en avant pour prendre la parole, en arrière pour la céder, boire une
gorgée de café: ponctuation
6. Contradiction: ex: «Je ne suis pas nerveux!!!!», sarcasme: «Fais comme lui: achète du café
et des cigarettes!» en signifiant le contraire par l’intonation et la gestuelle appuyée.
Pour conclure
La communication non verbal varie en fonction des cultures sauf pour l'expression faciale des
émotions.
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Elle sert à communiquer. Il y a un rapport affectif: appartenir, se faire confiance et un rapport
hiérarchique: contrôler (Fiske, 2004).
Pour certains auteurs, elle constitue un langage à part entière; pour d’autres, elle forme le contexte
du langage verbal.
4. L’espace
Comment gère t-on l'espace lors de la communication?
Edward T. Hall
Edxard T. Hall est anthropologue, il est l'auteur de ‘La dimension cachée’, ‘Le langage silencieux’,
‘Au-delà de la culture’, etc. Il s'est intéressé au problème des «chocs culturels», des malentendus
interculturels. Il a acquis des connaissances de première main en côtoyant les Hopis et les Navajos;
en voyageant aux Philippines, Amérique latine, Europe, Moyen-Orient, etc. Pour lui, la culture est
une série de codes décomposables et analysables. Il étudie les aspects de la culture que l’on
considère comme évidents et qui fonctionnent «selon un code secret et complexe qui n’est écrit
nulle part, connu de personne, mais compris par tous» (Sapir, cité par Hall, 1963). Ce code échappe
à la conscience. Il analyse donc les codes culturels, des règles que l'on suit sans pouvoir les
expliciter.
«La culture est principalement un processus de communication» (Hall, 1963)
Toute interaction obéit à des règles y compris, l'interaction non-verbal: «On peut comparer la
culture à la musique. On ne peut décrire la musique à quelqu’un qui n’en a jamais entendu. Avant
l’apparition des partitions, la musique se transmettait de manière informelle, par imitation.
L’homme ne put exploiter le potentiel de la musique que lorsqu’il commença à la traduire en
signes. Il faut faire la même chose en ce qui concerne la culture » (1959, p. 20 in Winkin, 1981).
Il faut donc déchiffrer le «langage silencieux» de la culture que l'on comprend sans s'en rendre
compte. Hall a été influencé par Sapir, Whorf, Birdwhistell, Goffman, etc. Il étudie la gestion de
l’espace et du temps à travers les cultures.
Il a été formateur pour les expatriés américains (service d’outre-mer, mission dans d'autres pays).
«Les Américains d’outre-mer étaient confrontés à une série de difficultés dues aux différences
culturelles de structuration de l’espace. Les gens se tenaient ‘trop près’ pour parler, et, lorsque les
Américains reculaient à une distance de conversation confortable, on trouvait qu’ils étaient des
personnages froids, distants, renfermés et qu’ils se désintéressaient des gens du pays» (Hall, 1963).
Les ménagères américaines se plaignaient du gaspillage d’espace dans les maisons du MoyenOrient. En Angleterre, ils trouvaient leurs voisins distants, etc.
Proxémie
La proxémie étudie les distances que les gens occupent dans l'espace. Chaque culture organise
l’espace de façon différente à partir d’un substrat animal identique: le territoire. Chaque être
humain a besoin de son territoire. Tous les êtres humains apprennent, en grandissant, des centaines
de règles à propos de l’espace basées sur leur culture. La plupart des gens ne sont pas conscients de
l’influence de la culture sur l’espace. Les malentendus interculturels sont dus à de mauvaise
interprétation des règles spatiales étrangères.
Les barrières invisibles
Tout être vivant a une enveloppe physique, c'est sa peau. Tout être vivant est entouré d’une série de
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barrières invisibles. Ces barrières invisibles commencent à la limite de l’enveloppe physique et
progressent vers l’extérieur. Ces barrières invisibles sont aussi réelles que les enveloppes physiques:
c'est le prolongement de l’organisme comme si le territoire faisait partie du corps.
Pour les animaux, s'ils se sentent menacés: ‘fight or flight’, se battre ou fuir. Si l’on franchit la
barrière invisible, ils fuient. Si l’on pénètre dans leur ‘bulle’ sans qu’ils s’en rendent compte, ils
attaquent.
La ‘bulle spatiale’ de chaque personne se dilate (pour y faire entrer des personnes) et se contracte.
Sa taille dépend du type de relation avec les autres, de l’état émotionnel (elle se rétracte quand on a
peur), du contexte culturel, au nord de l’Europe (Allemagne, Scandinavie, etc.), les bulles sont
grandes, au sud de l’Europe (Espagne, Italie, Grèce, France, etc.), les bulles sont petites. Sa taille
dépend aussi du type d’activité dans laquelle on est engagé.
Il y a trois types d’espace:
1. Espace informel: interactions interpersonnelles, quand les gens sont en interaction.
2. Espace à organisation semi-fixe: les meubles.
3. Espace à organisation fixe: les murs, les frontières territoriales, l'urbanisme, l'architecture.
1. Espace informel: Les zones d’interaction
Edward T. Hall a observé les interactions entre white middle-class Americans (Américains blancs de
la classe moyenne). Il a défini 4 zones d’interaction c'est-à-dire des distances que les gens essaient
de garder entre eux et les autres en fonction de la situation. Chacune possède deux modalités:
proche et lointaine
Distance intime: De 0 (contact physique) à environ 45 cm comme dans le flirt, les bagarres pour
rire, etc. Point de vue sens, la vue est brouillée, on ne peut que chuchoter, on est trop près pour
parler, on sent la chaleur corporelle, l'odeur, on peut toucher. Il y aurait même un impact chimique
quand les sphères thermales se rencontrent: émotions. En dehors des relations intimes, on évite cette
zone, sauf exception (bus, ascenseur …), dans ce cas, on attribue une cause à cette distance. On
ressent un malaise si quelqu’un entre sur ce territoire sans permission, il faut accorder de la
confiance à celui qu'on laisse entrer dans la bulle.
Distance personnelle: De 45 à 120 cm. Point de vue sens, on ne sent plus la chaleur de l’autre, la
vision est claire, on voit bien les expressions de l'autre, on peut parler et on est à portée de main, on
peut donc facilement se toucher. Par exemple, deux ou trois personnes parlant ensemble lors d’une
soirée, famille, personnes faisant la file, etc. Pour entrer dans cette zone, il faut aussi avoir la
confiance de la personne.
Distance sociale: Transactions impersonnelles, de 120 cm à 4 m. Point de vue sens, on a une vision
et une audition facile. C'est la distance des relations d’affaires, relations diplomatiques,
conversation avec des inconnus, espaces publics lorsqu'on n'est pas contraint d'être plus proche.
Distance publique: De 4 m à la limite de portée de la voix. Point de vue sens, on ne peut plus
interpréter les nuances de l’expression faciale, on voit le corps entier et on peut donc voir la posture.
C'est une distance rarement utilisée, c'est celle des professeurs, prêtres, politiciens (discours publics)
Cultures du contact – cultures de l’évitement
Dans les cultures du contact, les gens se tiennent plus près les uns des autres (la bulle est petite).
Les contacts physiques sont fréquents: on se touche durant l’interaction. Elles sont généralement
liées à des climats chauds mais il existe des contres exemples. On trouve ces cultures dans les pays
arabes: Irak, Koweït, Arabie Saoudite, Syrie..., en Amérique latine: Bolivie, Cuba, Salvador,
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Mexique, Paraguay, Pérou..., en Europe du sud: France, Italie, Turquie.
Dans les cultures de l’évitement du contact, les distances sont plus grandes entre les gens (la
bulle est grande), ils se touchent moins ou pas du tout. Ces cultures sont associées aux climats
froids (seulement en Europe). On retrouve ces cultures en Asie de l'est: Chine, Indonésie, japon,
Philippines, Thaïlande, en Asie du Sud: Inde et Pakistan, en Europe du Nord: Autriche, Angleterre,
Allemagne, Hollande, Norvège, Écosse et en Amérique du Nord: USA, Canada.
Malentendus interculturels: Quand la distance personnelle des uns correspond à la distance intime
des autres, et vice-versa. Par exemple: «Si seulement il pouvait arrêter de me souffler son haleine
dans la figure. C’est quelque chose que je ne peux pas supporter»; «Avez-vous remarqué comme
elle n’arrête pas de vous toucher? A croire qu’elle ne peut garder ses mains en poche!» (mauvaise
interprétation du comportement); «Il était si proche que son visage était tout déformé» (Hall, 1963)
2. Espace à organisation semi- fixe
Cela concerne l'organisation du mobilier. Certains espaces ont pour effet de maintenir le
cloisonnement des individus et cela a une conséquence sur les contacts entre individus. Ce sont des
espaces sociofuges. Par exemple, dans une salle d’attente d’une gare, les gens n'entrent pas en
contact. D’autres provoquent les contacts, ce sont les espaces sociopètes comme par exemple les
terrasses des cafés où les tables sont petites, rondes et proches l'une de l'autre.
Le Docteur Osmond (cité par Hall) s’intéresse à l’aménagement de l’espace dans un hôpital au
Canada. Un nouveau service pour femmes âgées a été construit: tout neuf, espace suffisant, couleurs
agréables, etc. Mais plus les patientes demeuraient dans le service, moins elles interagissaient entre
elles, elles restent assises dos au mur, elle dépriment.
Osmond fait appel à un psychologue (Robert Sommer) qui fait le lien entre le mobilier et la qualité
des conversations. Sommer étudie la cafétéria: il y a des tables de 1 m x 2 m pour 6 personnes et
donc 6 distances et orientations possibles.
50 séances d’observation. Les conversations en FA sont 2 fois plus fréquentes qu’en C-B, celles en
C-B, 3 fois plus fréquentes qu’en C-D. Dans les
autres positions il n'y a aucune conversation.
La position en coin (F-A) est la plus sociopète.
Dans le service pour femmes âgées, les malades
se trouvaient le plus souvent en positions C-B ou
C-D, la distance interpersonnelle était donc
élevée.
De plus, leur territoire était restreint, il n'y avait pas d’espace pour ranger leurs affaires
personnelles, leur espace personnel était donc menacé, on empiète toujours dans leur bulle ce qui
donne un sentiment d'insécurité.
Expérience: il a introduit de petites tables carrées avec des chaises disposées autour. Après une
période de résistance, le nombre de conversations a doublé.
Certains aménagements considérés comme semi-fixes dans une culture peuvent être fixes dans
une autre comme par exemple les murs mobiles au Japon, à chaque pièce son usage en Occident, en
Chine, un invité n’est pas censé déplacer sa chaise à moins d’y être convié par son hôte.
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3. Espace à organisation fixe
Cela concerne le mode de regroupement des bâtiments, leur disposition dans l’espace; leur partition
interne. Mais aussi le tracé des rues. En Occident, on a une organisation fixe de l’espace à
l’intérieur des maisons. Ceci est relativement récent: jusqu’au 18ème siècle, les pièces n’avaient pas
de fonctions fixes, il était impossible de s’isoler, il n'y avait pas d’espace privé ou spécialisé. Or, en
public, il faut maintenir la façade (Goffman) et c'est quelque chose de fatiguant, il faut toujours faire
attention à son apparence, on ne peut pas se retirer des interactions. Maintenant, avec la montée de
l'individualisme, des éléments architecturaux permettent de se décharger périodiquement de ce
fardeau. On a donc des cloisonnements pour ne pas être vu et donc ne pas faire attention à ce qu'on
montre aux autres.
Point de vue urbanisme, aux USA, les plans des villes sont en échiquier. En France, on a un plan
radiocentrique, une place en étoile sur laquelle arrivent des rues (c'est plus sociopète). Au Japon, ce
sont les croisements qui portent un nom, pas les rues et les maisons sont numérotées dans l’ordre de
leur construction.
Winston Churchill: «Nous donnons des formes à nos constructions, et, à leur tour, elles nous
forment» (cité par Hall, 1963). On voit donc des problèmes posés par l’adaptation à l’espace
organisé lors des migrations. Par exemple, la maison arabe est disposée en fonction de
l’organisation sociale correspondante, ce qui est différent chez nous. Les terrasses jouent un rôle
pour la vie sociale des femmes car elles se trouvent hors de l'espace publique mais permettent de
rencontrer d'autres personnes, la cour centrale permet de recevoir les invités, etc. Le développement
touristique perturbe aussi l'organisation sociale, par exemple, les piscines construites pour les
touristes sur les toits de Marrakech obligent les femmes à déserter les terrasses car les hommes sont
en maillot de bain.
Proxémie: critiques et évolutions
Edward Hall ne donne pas de support empirique systématique à ses théories. Il évoque ses
observations et expériences personnelles, il n'a pas fait de démarche scientifique.
Les études de Michael Watson confirme la distinction entre cultures du contact et cultures de
l’évitement et aucun groupe culturel n’a pu verbaliser ces règles culturelles. C'est donc bien un
langage silencieux.
La théorie de l’équilibre d’Argyle et Dean (1965)
Toute relation peut être située en fonction du degré d’intimité, de très très intime à pas du tout
intime, du rapport approché à l'évitement. On ajuste nos comportements non-verbaux afin de
maintenir ce degré d’intimité, les différentes modalités se compensent. Par exemple, la distance et
le contact visuel se compensent mutuellement.
Par exemple, je suis distant des étudiant(e)s assis(es) au fond de l’auditoire, donc je vais les
regarder pour leur montrer que je veux maintenir la relation malgré la distance. Par contre, je
regarderai moins celles et ceux du premier rang pour compenser la trop grande proximité.
Autre exemple, 10 personnes dans un ascenseur regardent la progression des étages afin d'éviter de
devoir se regarder, si une personne se retourne et en fixe une autre dans les yeux: augmentation du
rythme cardiaque, de la pression sanguine. On peut ainsi faire monter la main des gens dans le
métro en rapprochant la notre.
Les autres modalités de compensation sont l'intimité du thème de la conversation: on parle du temps
qu’il fait et pas de nos angoisses personnelles; l'expression faciale: moue ou sourire. Tout cela afin
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de maintenir la relation à la bonne ‘température’.
Expérience de Argyle et Dean (1972): ils demandent aux sujets de regarder l’objet et de s’asseoir
aussi près que possible pour le voir confortablement. L'objet est soit une photo, soit une personne
les yeux fermés, soit une personne les yeux ouverts et qui regarde la personne.
Position en centimètre par rapport à l'objet
Sujets
N
Photo
Yeux fermés
Yeux ouverts
Adultes
6
90,7
86,4
108,5
Enfants
6
42,9
70,1
79,8
Total
12
66,8
78,2
94,2
La théorie de la violation des attentes (Burgoon, 1988)
Les attentes communicationnelles sont des modèles, des règles de comportements verbaux et nonverbaux anticipés en fonction du contexte: normes culturelles concernant la distance (Hall); du type
de relation: ex. professionnelle ou amicale avec la personne; des caractéristiques des
communicateurs: âge (les enfants se touchent plus que les adultes), sexe, apparence physique, style
communicationnel, etc.
Il existe donc une attente concernant la distance mais vous êtes libre de vous y conformer ou pas car
les règles ne sont pas rigides. Que se passera-t-il si vous ne le faites pas?
Contrairement à Argyle et Dean, Judee Burgoon ne considère pas que s’écarter des normes
proxémiques est nécessairement mauvais pour la relation, elle peut aider à modifier la relation.
Dans certains cas, ne pas respecter la règle peut être bénéfique et permettre d’atteindre un objectif
de communication par exemple, décrocher un job, se faire des copains. Cela dépend de l'amplitude
de la violation (à quel point on s'écarte), de la valence (positive ou négative) de la violation, de la
valence du pouvoir du communicateur (quel est le pouvoir qu'il a sur l'autre)
Concernant l’amplitude de la violation, si la déviation est minime par rapport à l’attente, elle ne
sera pas remarquée ou pas interprétée, si la déviation est forte, il y aura violation de l’attente et
donc attention et distraction. L'autre personne s'interroge et se pose des questions. Au lieu de se
concentrer sur ce que vous dites, l’autre s’interrogera sur la nature de votre relation
Concernant la valence de la violation, comment la transgression de l’attente est-elle interprétée? Le
comportement est-il jugé agréable ou désagréable? Certains comportements sont facilement
interprétables, d’autres sont équivoques. Le regard prolongé est-il un signe de domination, ou de
séduction? Quel est le sens du toucher? Affection, confiance, dominance, invitation, désir? La
plupart des comportements sont facilement interprétables en fonction du contexte
Concernant la valence du pouvoir du communicateur, on se pose les questions suivantes: que
peut-il/elle faire pour moi? Que peut-il/elle me faire? Et on calcule les probabilités: pertes et gains
potentiels. Cela est lié aux rapports de pouvoir (motivation de contrôler), comme dans un entretien
d’embauche, et aux motivations sociales: appartenance (s'inclure dans un groupe), contrôle (vouloir
influencer), valorisation (nuire à mon image), confiance.
L’effet de la violation des attentes dépend de l’évaluation de l’offenseur par l’offensé. Si vous êtes
perçu(e) comme quelqu’un de peu attrayant ou ayant peu à offrir, la réaction sera négative. La
violation sera donc à éviter: l’attention portée à la relation aura une influence négative sur l’atteinte
de vos objectifs (attraction, crédibilité, influence, engagement). Par contre si l’interlocuteur vous
aime bien, ou que vous pouvez lui apporter quelque chose, vous pouvez avoir une bonne surprise,
une émotion positive. La proximité physique se traduira en proximité psychologique, et cela
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facilitera la réalisation de vos objectifs communicationnels.
Illustration: «Coffee and cigarettes» de Jim Jarmusch: «Renée»: Le serveur essaie de l’aborder,
mais elle reste sur la défensive.
5. Le modèle systémique
Le modèle du télégraphe
Shannon et Weaver: voir schéma dans le chapitre 2: transfert de l'information dans un seul sens.
Critiques: Le modèle est linéaire, le message va de la source au destinataire, on ne pense pas au
sens inverse. C'est une théorie de l’information et pas une théorie de la communication, on ne tient
pas compte du non-verbal. La signification du message n’est pas problématisée, c'est juste un
processus de codage – décodage.
Le modèle circulaire
Introduction du feed-back dans le modèle du télégraphe. On peut inverser le modèle précédent et
changer le sens de l'information. Le rôle de la source et du destinataire sont alternés.
Le modèle est aussi critiqué. La métaphore du ping-pong est insuffisante. Les gens échangent
plusieurs messages simultanément, des messages verbaux et non-verbaux. Les canaux sont
différents à chaque fois. Les mots ne sont pas les choses, il y a toujours un problème de
l’interprétation (connotations, métaphores, etc.)
On en vient donc au modèle transactionnel avec Wilbur Schramm (1970): Les gens agissent
simultanément en tant qu’émetteurs et récepteurs. On parle donc de transceiver: transmetter +
receiver ou en français d'émerec: émetteur + récepteur.
Le modèle transactionnel
La communication interpersonnelle est considérée comme un processus transactionnel (on négocie
donc la relation). Les personnes encodent et décodent simultanément. Elles ajustent leur
communication en fonction de l’évolution de la transaction. Il y a des concessions mutuelles,
ajustements. Cours sur le common ground par Olivier Klein: comment trouver un terrain d'entente?
Chacun des éléments du message peut nuancer les autres
L'encodage et le décodage sont influencés par les cultures d’appartenance des participants, et par
leurs expériences personnelles, leur émotion. Tout cela prend place dans un contexte socioculturel
donné.
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Le modèle reste simple même s'il prend de plus en plus de facteurs en compte.
Le modèle systémique
Ce modèle a été élaboré à partir des années 1950 par «l’école de Palo Alto» en Californie. Il s'agit
d'un groupe de penseurs provenant de différents horizons qui s'intéressent à la communication. Ils
sont influencés par la théorie des systèmes, la cybernétique (communication des machines), la
logique, la sociologie, l’anthropologie… Ce groupe comprend Birdwhistell, Hall, Goffman,
Bateson, etc. (le collège invisible). Ils proposent une théorie générale de la communication dans les
systèmes humains, un système humain est n'importe quel groupe d'humain. Il y a des applications
en psychothérapie, psychologie des organisations, etc. Ils ont eu une énorme influence dans les
années 60-70-80: «la nouvelle communication» (Winkin, 1981)
Gregory Bateson
C'est une figure de référence de l’école de Palo Alto. C'est un anthropologue britannique, époux de
Margaret Mead (fille de G. H. Mead) et auteur de «Naven» (1936) et, avec M. Mead, de «Balinese
Character: a photographic analysis» (1942): fruit de deux ans d’observation dans un petit village des
montagnes de Bali. Ils filment et photographient les interactions entre villageois afin de déterminer
le tempérament des Balinais.
Margaret Mead cherche à comprendre l’origine du tempérament balinais à partir des rapports entre
parents et enfants. L’enfant est soumis à un régime de ‘douches froides’: il se retire donc et évite le
contact avec les adultes. Pour elle, le type de culture détermine la personnalité. Au Bali, les
habitants ont un caractère renfermé du à leur environnement.
Interactions mère-enfant (Illustration: Winkin, 1981)
1. La mère demande à son fils de venir à elle
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2. L’enfant vient se blottir contre sa mère
3. Elle frotte sa tête contre lui
4. La mère: visage inexpressif, regarde ailleurs, elle se ferme
5. L'enfant tête.
6. La mère regarde ailleurs
7. Tous deux regardent vers l’extérieur et c'est un comportement récurrent.
La double contrainte
«La mère incite continuellement l’enfant à montrer son émotion – amour ou désir, jalousie ou colère
– mais c’est seulement pour s’en détourner, pour briser le lien, au moment où l’enfant, pris dans une
spirale affective, demande à sa mère quelque réponse émotionnelle» (Bateson et Mead, 1942, cité
par Winkin, 1981). C'est la même chose quand on dit «Sois autonome!», c'est impossible à faire.
Les niveaux logiques
L’homme énonçant «Je suis en train de mentir» dit-il la vérité? Comment dénouer le paradoxe?
On fait un parallèle avec le paradoxe logique de Russell: La classe des classes n'appartenant pas à
elles-mêmes appartient-elle à elle-même? Exemple: Un barbier se propose de raser tous les
hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes, et seulement ceux-là. Le barbier doit-il se raser lui même?
Si on répond oui, alors, comme par définition les membres de cette classe n'appartiennent pas à euxmêmes, elle n'appartient pas à elle-même: contradiction. Mais si on répond non, alors, elle a la
propriété requise pour appartenir à elle-même: contradiction de nouveau.
Les niveaux de communication
Solution: Théorie des types de classe (Russell): Les ensembles sont de types hiérarchisés. Un
ensemble ne peut contenir que des objets de types strictement inférieurs à lui-même, de sorte qu'on
ne peut tout simplement plus poser la question paradoxale. Barbier est d'un type différent, il ne peut
pas être son propre client.
Bateson: «I am lying»
Ces mots relèvent simultanément d’un énoncé de niveau I et d’un énoncé de niveau II, le second
énoncé étant d’un niveau d’abstraction plus élevé que le premier. Énoncé (type I: premier niveau) +
commentaire implicite sur l’énoncé (Type II).
Communication et psychopathologie
Bateson appliquera ce concept dans «Vers une théorie de la schizophrénie» (1956). C'est un livre
sur l'origine de la schizophrénie.
A: Soit un système familial où le père est faible ou absent, la mère est hostile à l’enfant ou effrayée
par lui.
B: Si l’enfant s’approche de sa mère, celle-ci se retire (Type logique de niveau I). Si, alors, l’enfant
se retire, la mère simule une approche qui dénie son retrait. L’approche simulée est en fait un
commentaire sur son geste antérieur (Type logique de niveau II): «Je ne suis pas en train de te fuir».
C: Si l’enfant comprend la distinction entre les deux types de messages, il est puni: il comprend
que sa mère le rejette mais tente de lui faire croire qu’elle l’aime. Il doit donc faire comme s’il ne
comprenait pas
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Mais s’il joue le jeu de la mère, il doit s’approcher d’elle quand elle s’approche de lui. Or, dès qu’il
s’approche, elle se retire et il y a donc punition. L’enfant est donc coincé: aucun choix possible
(double contrainte).
«L’enfant est puni parce qu’il interprète correctement ce que sa mère exprime; et il est également
puni parce qu’il l’interprète mal. Il est pris dans une double contrainte» (Bateson, 1956, cité par
Winkin, 1981)
«Le schizophrène adulte peut se définir par cette même incapacité à distinguer les messages de
niveau I de ceux de niveau II. Il prend littéralement tout message émis ou reçu. Il ne
métacommunique plus, à son propos ou à propos d’autrui».
Une logique de la communication
Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin & Don Jackson (1967) (voir textes supplémentaires)
proposent une théorie unifiée à partir de l’ensemble des travaux de l’école de Palo Alto. Cette
théorie appliquée aux systèmes familiaux donne naissance à la thérapie systémique.
Ils proposent 5 axiomes de la communication.
1. L’impossibilité de ne pas communiquer
Le comportement n’a pas de contraire. Si tout comportement a valeur de message, on en arrive à
l'axiome 1: On ne peut pas ne pas communiquer.
Les messages sont polyphoniques: verbal, tonal, postural, contextuel, etc. Chaque modalité spécifie
le sens des autres. Watzlawick et al. s’intéressent à l’effet pragmatique des combinaisons de
modalités (effet des combinaisons des différents canaux).
Le schizophrène cherche à ne pas communiquer --> paradoxe. «Le schizophrène se trouve aux
prises avec le problème insoluble de dénier qu’il communique quoi que ce soit, et en même temps
de dénier que son déni lui-même soit une communication» (Watzlawick et al., 1972, p. 48)
Par exemple, une jeune femme schizophrène lors d’un premier entretien arrive et proclame "Ma
mère a dû se marier, et me voilà" (beaucoup de sens dans ces mots). Après interprétation, cela
signifiait: qu’elle était le fruit d’une grossesse illégitime, que cela avait été la cause de la psychose,
«a dû se marier» pouvait signifier qu’il ne fallait pas blâmer la mère, mais la pression sociale ou que
la mère était furieuse de la contrainte subie, dont elle rendait responsable l’existence de la patiente,
«Me voilà» signifiait sa présence dans le cabinet du psychiatre et sa venue au monde. Donc à la
fois, sa mère l’a rendue folle et elle devait lui être reconnaissante car elle avait péché et souffert
pour la mettre au monde. La communication n’indique pas quelle interprétation est la bonne et
donne la possibilité de dénier chaque interprétation: «Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire».
On peut communiquer en faisant mine de ne pas le faire et invoquer une cause externe pour ne pas
communiquer: «Personnellement, je ne verrais pas d’inconvénient à vous parler, mais en moi,
quelque chose de plus fort que moi m’en empêche, et on ne peut m’en vouloir», c'est la maladie qui
empêche de communiquer. L’individu se persuade lui-même qu’il est à la merci de forces
indépendantes de sa volonté. Donc on peut définir le symptôme par sa valeur de communication:
message non verbal.
2. Niveaux de la communication: contenu et relation
Le message a deux aspects: l'indice: transmet une information: contenu; l'ordre: la manière dont
on doit entendre le message: définit la relation entre les partenaires, c'est ce que la personne va
donner pour pouvoir interpréter l'indice.
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Par exemple, «Veillez à relâcher l’embrayage progressivement et sans à-coups» ou «Vous n’avez
qu’à laisser filer l’embrayage et la transmission sera fichue en un rien de temps». Le contenu est
comparable; la relation entre le prof est l'élève est différente. Une relation est basée sur le respect
l'autre sur le mépris. Le message est porteur d’assertions du type «C’est ainsi que je me vois»;
«C’est ainsi que je vous vois»; «C’est ainsi que je vous vois me voir», etc. Il faut se mettre d'accord
sur l'interprétation.
Parallélisme avec l'ordinateur: Chiffres + information sur l’opération à réaliser sur les chiffres (ex:
multiplication); Information + information sur l’information (méta-information)
La méta-communication, c'est la communication sur la communication. On doit être capable de
parler sur ce qu'on est en train de se dire. Par exemple, «Je plaisantais», «Ceci est un ordre». Les
relations «saines» focalise sur le contenu, les relations «malades»: débat sur la nature de la relation.
Donc axiome 2: Toute communication présente deux aspects: le contenu et la relation, tels que le
second englobe le premier et par suite est méta-communication.
3. Ponctuation de la séquence des faits
On s'intéresse à la structuration dans le temps de la communication. Il y a un problème de l’unité
d’analyse: quand commence une communication? Quand commence une interaction?
Dans le behaviorisme, on a un stimulus, une réponse et un renforcement. Mais qui a stimulé l'autre?
Par exemple, le rat entend une clochette, appuie sur un levier et reçoit de la nourriture. Pour Bateson
et Jackson, les séquences sont plus longues. Chaque élément de la séquence est en même temps
stimulus, réponse et renforcement. Le rat peut penser: «J’ai bien dressé mon expérimentateur.
Chaque fois que j’appuie sur le levier, il me donne à manger», dans ce cas-ci, appuyer sur le levier
est le stimulus. Dans le communication humaine: les partenaires ponctuent les interactions de
manière variable: «C’est toi qui a commencé!»; «Mais non, c’est toi!»
La ponctuation est conventionnelle, elle n'est pas objective, elle permet de structurer l’interaction.
Des désaccords sur la structuration entraînent des conflits. Par exemple, pour le mari, son repli est
sa seule défense contre la hargne de ma femme. Pour la femme, elle le critique parce qu’il se replie.
On discute de cette distorsion (car on voit la réalité de manière différente) de la réalité en thérapie
de couple.
Donc axiome 3: La nature d’une relation dépend de la ponctuation des séquences de
communication entre les partenaires
4. Communication digitale et communication analogique
Dans la communication digitale, il y a un lien arbitraire entre le symbole et le référent, c'est la
communication verbale, le contenu.
Dans la communication analogique, le lien est non arbitraire, c'est la communication non-verbale,
la relation entre les participants.
La communication analogique ne permet pas d’exprimer des liens logiques. Par exemple, «Si ….
alors …». Elle ne permet pas d’exprimer la négation. Elle est ambigu: les larmes: tristesse ou joie?;
les poings serrés: colère ou embarras?, le sourire: sympathie ou mépris? Elle ne distingue pas le
temps: passé, présent, avenir, elle reste coincée dans le présent.
La communication digitale est plus précise, complexe, souple et abstraite. Elle a un plus grand
niveau d'abstraction, elle est pauvre en vocabulaire adapté aux aléas de la relation
Il existe un problème de la traduction de l’un à l’autre. Du digital à l'analogique, il y a perte
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d’information. De l'analogique au digital, il faut trouver les mots pour parler sur la relation.
Donc axiome 4: Les êtres humains usent de deux modes de communication: digital et analogique.
Le langage digital possède une syntaxe logique très complexe et très commode, mais manque d’une
sémantique appropriée à la relation. Par contre, le langage analogique possède bien la sémantique,
mais non la syntaxe appropriée à une définition non-équivoque de la nature des relations
5. Interaction symétrique et complémentaire
Bateson (Naven, 1936): schismogenèse (rupture des relations), c'est la genèse d’un schisme au sein
d’un système social, une rupture de relation. Comment les influences réciproques de A sur B font
évoluer la relation entre A et B?
Schismogenèse complémentaire: comportement autoritaire de A et comportement soumis de B. A
devient de plus en plus autoritaire et B de plus en plus soumis. Cette relation dure s'il y a
compensation.
Schismogenèse symétrique: Comportement violent de A implique un comportement violent de B.
Dans les deux cas, le système quittera la situation d’équilibre initial et il y aura schisme (rupture).
Un système recherche l'équilibre, l'homéostasie.
Les relations sont fondées sur l’égalité ou sur la différence, l'égalité implique une interaction
symétrique et la différence implique une interaction complémentaire.
Dans des relations complémentaires, un partenaire en position supérieure, première ou haute, l'autre
partenaire en position inférieure, seconde ou basse. Par exemple, les relations médecin-patient,
parent-enfant, professeur-étudiant.
Il ne faut pas confondre avec «bon et mauvais» ou «fort et faible». «Ce n’est pas l’un des
partenaires qui impose une relation complémentaire à l’autre, chacun d’eux se comporte d’une
manière qui présuppose, et en même temps justifie, le comportement de l’autre; leurs définitions de
la relation sont concordantes» (Watzlawick et al., 1972, p. 67)
Donc axiome 5: Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire, selon qu’il se
fonde sur l’égalité ou la différence
Le système familial
Les individus doivent être compris dans le cadre de leurs systèmes familiaux. Les systémiciens
rejettent l’idée que la personnalité et les motivations individuelles déterminent la communication
dans le système, dans un autre système, la communication serait différente. Ils cherchent moins à
savoir pourquoi une personne agit d’une certaine manière qu’à savoir comment ce comportement
influencera le système. Ils se focalisent sur le présent plutôt que sur le passé de l'individu
(psychanalyse).
Chaque famille joue un jeu communicationnel. Les règles du jeu sont comprises dans les cinq
axiomes. Les jeux sont des séquences de comportement gouvernées par des règles. Chaque famille
joue son propre jeu avec des règles ‘maison’ et crée sa propre réalité. Le systémicien doit
comprendre le système.
Le système recherche l’homéostasie (la stabilité). En biologie, c'est la capacité de l'organisme de
maintenir un état de stabilité relative des différentes composantes de son milieu interne et ce,
malgré les variations constantes de l'environnement externe. Les «mécanismes homéostatiques»
essaie de ramener le système perturbé à sa situation d’équilibre. Le symptôme du malade mental
(patient désigné) peut servir à maintenir l’homéostasie du système. La guérison d’un patient peut
31
perturber le système et peut avoir des répercussions négatives chez les autres membres de la famille
(dépressions, somatisations, etc.). Les familles sont très résistantes au changement. Le système ne
doit pas être trop rigide pour pouvoir évoluer.
Recadrages: Les règles destructrices ne peuvent être changées que quand les membres de la
famille les analysent de l’extérieur du système car à l'intérieur du système, on ne s'en rend pas
compte. Recadrer, c'est modifier la ponctuation et voir les choses sous un autre angle. Accepter un
nouveau cadre implique d’abandonner l’ancien. Le thérapeute familial aide à recadrer la
communication dans le système.
Illustration: extrait du film «Parenthood» (chapitre 7): la mère découvre accidentellement les
photos de sa fille avec son petit ami. Comment les 5 axiomes se manifestent-ils dans cette situation?
6. L’identité, perspective interindividuelle
La communication interindividuelle permet la formation de l'identité.
Définitions de l'identité
A.Maalouf (1998): «Mon identité, c’est ce qui fait que je ne suis identique à aucune autre
personne». C'est donc la façon dont on se distingue des autres.
Erikson (1968): «La résultante des différentes identifications du sujet». L'identité n'est donc pas là
au départ.
A.Manço (1998): «L’identité est un ensemble de stratégies, de comportements, d’opinions et de
représentations propres à un acteur (une personne) ou à un groupe d’acteurs»
Lipiansky (1992): «L’identité est un processus cognitif et affectif par lequel le sujet se conçoit et
se perçoit, elle est aussi la structure psychique (la résultante) de ce processus»
Caractéristiques de la notion d’identité
L'identité est multidimensionnelle (Erikson, 1972): représentation, opinion, émotion, influence,
résultat de cette influence. C'est un processus dynamique qui se construit et se transforme tout au
long de l’existence. On la transforme tout en essayant de la maintenir stable.
Elle a deux aspects: Unité (elle est vécue le plus souvent comme un ensemble cohérent et intégré et
elle nous permet de nous différencier des autres) et Continuité (elle ne se définit qu'en rapport avec
une certaine temporalité, on a le sentiment d’être la même personne tout au long de la vie)
Elle est dialectique: elle se situe toujours dans un jeu d'influence avec les autres. Elle ne se forme
pas de manière isolée mais par interaction avec autrui.
Le soi
C'est l’ensemble des idées, croyances ou sentiments que chacun a de lui-même (DeVito et al.,
2001). C'est savoir qui on est. Il y a trois composantes dans le soi: une composante cognitive:
concept de soi, une composante affective: estime de soi (c'est un sentiment négatif ou positif ou
entre les deux) et une composante comportementale: présentation de soi (c'est la manière dont on se
présente aux autres). Il y a aussi deux points de vue: le soi privé qui est l'aspect de soi invisibles
aux autres (croyances, valeurs) et le soi public qui est l'aspect de soi visibles aux autres (apparence
physique, comportement).
32
Les niveaux d’explication de l’identité (Doise, 1982) !!!
Il existe différents niveaux d'analyse.
Le premier est le plus proche de la psychologie. Le niveau intra-individuel c'est l'identité rapportée
à des processus internes au sujet (perception, évaluation de soi, attitudes envers soi-même, …). Ce
sont les caractéristiques du sujet, ce qui se passe dans nos tête.
Le niveau interindividuel est l'identité rapportée aux modalités de relation (reconnaissance,
différenciation, identification) entre les individus.
Le niveau positionnel est l'identité rapportée aux différences de position sociale (classe sociale,
classe d'age) au sein des rapports sociaux (étude des relations intergroupes, comparaison sociale,
compétition sociale, …)
La psychologie sociale s'intéresse à ces deux derniers niveaux d'analyse et aussi à l'articulation entre
les différents niveaux.
Le niveau idéologique est plutôt le domaine du sociologue, c'est l'identité rapportée à un système
d’idéologie, de croyance, de représentations sociales (étude de l’identité culturelle, de la définition
de la citoyenneté, les idées, les croyances…)
Ce sont des niveaux d'analyse qui définissent la manière dont le chercheur aborde le problème mais
les phénomènes sont multidimensionnels.
L’identité au niveau interindividuel
G. H. Mead: le Soi social
George Herbert Mead (philosophe empirique) analyse les relations entre individus et société (voir
Baugnet, 1998). Il a écrit «L’esprit, le soi et la société» (1934). Pour lui, le comportement social est
à l’origine de la conscience individuelle. On ne sait pas développer son identité sans interactions
sociales. Il se demande à partir de quand un individu pense de façon réflexive. Le Soi, ça rapporte à
soi-même. On peut faire des tas de choses sans s'interroger sur ce qu'on fait. On s'interroge sur ce
qu'on doit faire uniquement quand les routines ne sont plus efficaces et donc dans les rapports
sociaux.
«Le soi est différent de l’organisme physiologique. Il se constitue progressivement. Il n’est pas
donné à la naissance, mais il émerge dans le processus de l’expérience sociale et de l’activité
33
sociale. Il se développe chez un individu donné comme résultat de ses relations avec ce processus et
avec les individus qui y sont engagés» (p. 207)
L’identité sociale émerge donc d'un processus permanent qui se réalise à travers les interactions
entre l’individu et la société par les processus de communication.
Le Soi est constitué du «moi» et du «je» (William James: philosophe empiriste américain): «Je me
pense» (Je pense à Moi).
Le Moi est l'objet de la cognition, l'objet de la pensée. «Le soi a la caractéristique d’être un objet
pour lui-même – ce qui le distingue des autres objets et du corps» (p. 208). C'est l'ensemble des
rôles sociaux intériorisés et assumés par l’individu. C'est aussi l'influence du social sur l’identité: les
rôles sociaux intériorisés. Le social donne naissance au Soi.
Le Je est le sujet de la cognition, le sujet de la pensée. C'est la partie qui est en action quand on
pense à nous-même. C'est ce qu’il y a de personnel dans la conduite (spontanéité + créativité) car ce
n'est pas déterminé par le rôle social, c'est la liberté. C'est la réponse à l’autrui généralisé, à
l'influence des autres. Le Soi influence l'entourage, le social.
Le Soi est une interaction dialectique du Moi et du Je. La conscience de soi apparaît dans le
dialogue entre le Moi et le Je. Seul le Moi est directement présent à la conscience, le Je n’est saisi
qu’après coup. Je agit et constitue l'identité, Je peut changer le moi.
Le langage et le jeu vont modéliser le Soi, ce sont les processus par lesquels l'enfant va développer
son identité.
Le langage, c'est l'accès aux symboles. Il permet la représentation symbolique d’un tiers absent (il)
et permet de prendre de la distance par rapport au réel. Il donne la possibilité de parler de soi et de
s’entendre parler. Il permet aussi l'anticipation des effets que produit un comportement sur la
conduite d’autrui
Le jeu permet la prise en charge par l'enfant des rôles joués par ses proches (autres significatifs:
papa, maman, métier). Le jeu est une interaction régie par des règles qui deviennent de plus en plus
formelles en grandissant. Le jeu permet d'adopter les attitudes de tous les protagonistes, l'enfant
s'invente un "double", un "personnage". Il permet l'apprentissage des règles, normes, valeurs et buts
de la communauté.
La formation du soi s’élabore dans l’interaction avec autrui à partir de la prise de rôles.
L’enfant internalise la perspective des autres sur lui: «The looking-glass Self» (le Soi en miroir). On
apprend à se connaitre à partir de ce que les autres nous renvoient de nous. On se regarde d’un point
de vue extérieur; on adopte les attitudes des autres à son égard. On a besoin des autres pour se voir.
Le Soi est donc régit par l'organisation des attitudes que les autres ont manifestées vis-à-vis de
l’enfant.
«L’individu s’éprouve soi-même non pas directement, mais seulement indirectement, en se plaçant
aux multiples points de vue des autres membres de tout le groupe social auquel il appartient. Il
entre dans sa propre expérience comme un soi ou comme un individu, non pas immédiatement, en
se faisant sujet pour soi, mais en devenant d’abord un objet pour soi, de la même manière que les
autres individus lui apparaissent comme des objets. Cette opération d’objectivation requiert qu’il
prenne les attitudes des autres envers lui-même dans un environnement social, dans un contexte
d’expérience et de conduite où tous sont engagés» (p. 210)
Qui a une influence sur le soi? Les autres significatifs sont les personnes qui ont une influence
particulière sur le Soi (parents, amis proches, amoureux, etc.), ce sont des miroirs très efficaces et
très influents. L'autrui généralisé est la résultante des conduites tenues par les autres à son égard et
à l’égard des activités communes du groupe, c'est une synthèse de ce que les autres envoient et
34
pensent de nous.
«C’est sous la forme de l’autrui généralisé que le processus social influence le comportement des
individus qui y sont impliqués et qui y participent, autrement dit que la communauté exerce du
contrôle sur la conduite de ses membres individuels; car c’est sous cette forme que le processus
social ou la communauté entre en tant que facteur déterminant dans la pensée de l’individu»
(Mead, 1934, p. 155)
Si on ne respecte pas les règles, on sait que les autres vont sanctionner.
Socialisation et individualisation sont les deux faces d’un même processus qui constitue le soi
social. «On doit être membre d’une communauté pour être soi» (p.138). Le Soi (qui selon Mead
n'est pas intra-individuel) est une instance de médiation entre l’individu et les autres (société). Il y a
une dynamique de reconnaissance de l’identité par la société envers le sujet. On a besoin de la
reconnaissance des autres pour pouvoir développer une identité épanouie.
L’identité sociale dans l’interaction: «l’interactionnisme symbolique»
L'interactionnisme symbolique est une approche sociologique – «école de Chicago» – inspirée
par Mead, fondée par Herbert Blumer (années 1930). «La communication est l’activité la plus
humaine et la plus humanisante dans laquelle les gens sont engagés»
Il y a 3 concepts centraux: la signification, le langage et la pensée. Ces trois concepts mènent à la
formation du Soi et à la socialisation.
Signification: la construction de la réalité sociale
Premier principe: les humains agissent à l’égard des gens ou des choses en fonction des
significations qu’ils attribuent à ces gens ou à ces choses, donc à la manière dont ils interprètent la
réalité. Une fois que les gens définissent une situation comme étant réelle, cette définition devient
réelle de par ses conséquences. Il y a donc une construction sociale de la réalité (cf. Extrait du film
«La vie est belle» , cours 1). A l'excès, on peut dire que tout est construit socialement.
On parlera de représentations sociales (voir cours 10): théorie sur la construction sociale de la
réalité.
La signification émane des interactions sociales que les gens ont les uns avec les autres, elle n'est
pas inhérente aux objets, elle est négociée à travers l’usage du langage (interactionnisme
symbolique).
Langage: la source de la signification
Second principe: En tant qu’êtres humains, nous avons la capacité de nommer les choses et cela
nous donne du pouvoir sur les choses. Les symboles sont des signes arbitraires. En parlant aux
autres, nous attribuons du sens aux mots et développons un univers de discours.
L’attribution symbolique de noms aux choses est la base de la société. La possibilité de savoir
dépend de la possibilité de nommer. Le langage donne forme à l'esprit.
Nous apprenons à interpréter le monde à travers les interactions symboliques, cela nous donne le
sentiment qu'on comprend le monde, qu'on le maitrise. Un symbole est un stimulus qui possède une
signification apprise, et une valeur pour les gens. Nos mots ont des significations «par défaut».
Ex: Un père et son fils sont impliqués dans un accident. Le père est tué sur le coup et le fils est
emmené à l’hôpital, où on l’envoie en salle d’opération. En le voyant, le chirurgien s’écrie «Je ne
peux pas opérer ce garçon, c’est mon fils!». Comment est-ce possible? Le chirurgien est une femme
35
et est la mère de l'enfant.
Pensée: prendre le rôle de l’autre
Troisième principe: l’interprétation des symboles par un individu est modifiée par ses processus
mentaux. Penser est une conversation intérieure, nous argumentons avec nous-même. Le «Minding»
est une pause réflexive, c'est penser à sa propre pensée. Nous nous parlons à nous-mêmes
(monologue intérieur).
Contrairement aux animaux (instincts), les humains pensent. Ils ont besoin de stimulation sociale et
d’être exposés à des systèmes de symboles abstraits pour penser. Le langage active l’esprit.
Les humains ont la capacité de «se mettre à la place de l’autre» (cf. Mead). Mead a eu une grande
influence depuis les années 30, elle a eu son apogée dans les années 60-70.
La mise en scène de la vie quotidienne
Erving Goffman (1959) fait partie de l'école de Chicago, il analyse l’identité sociale à partir du rôle
joué dans l’interaction. Il fait une analogie avec la performance théâtrale. La rencontre est une
interaction de face à face, plusieurs personnes qui se rencontrent vraiment. La performance, ou jeu
est une séquence de comportements régis par des règles sociales qui a pour but d’influencer en
créant une impression. On se met en scène pour former chez l'autre l'impression qu'on veut qu'il ait
de nous. Le rôle social est le modèle qui inspire le jeu, on a une représentation de ce qu'est le rôle,
il faut respecter des règles sociales et culturelles explicites et implicites. Il existe des attentes à
l’égard de l’acteur (contre exemple: le bêtisier).
Exemple: Extrait de «Billy Elliott»: confrontation entre le père et le fils qui veut apprendre la danse.
Explicitation du rôle attendu. Le jeune homme veut apprendre la danse classique. Il fait partie d'un
milieu ouvrier syndicaliste. Il a donc un rôle social implicite à respecter, il fait semblant de l'ignorer
pour obliger son père à l'expliciter, c'est ainsi qu'on peut alors le contester.
La façade, ce sont des signes extérieurs qui implique un statut et un rôle. La manière d’entrer en
dialogue indique le rôle que l’acteur entend jouer pendant l’interaction.
Exemples (Baugnet, 1998). L’acteur doit contrôler son expression: un chef religieux doit se montrer
plus pieux qu’il ne croit l’être; dramatiser son comportement (un gendarme ne rit pas); exprimer ce
qu’il veut qu’on pense de lui (jeune fille qui se montre moins brillante qu’elle l’est pour rencontrer
les attentes de son fiancé); dissimuler ce qui ne correspond pas au rôle (l’arbitre doit prendre une
décision rapide, au risque de se tromper, il doit montrer qu'il est sûre de lui).
Il y a des situations sociales peu ou très codifiées. Un script est une séquence de comportements
interactifs conforme à des modèles culturels et sociaux. Par exemple, une rencontre avec des amis
est différente d'un entretien d’embauche. Dans un restaurant, le rôle social est très codé.
L’individu est un acteur social jouant un rôle conforme aux attentes sociales prescrites. «L’identité
sociale est ce qui est présenté lors de la présentation de soi en mettant en avant l’appartenance à
des catégories sociales (…) et en développant un système de conduite lié au statut. L’identité
sociale est présente par les rôles joués en situation avec des partenaires» (Goffman, 1963, p. 78)
L'identité sociale est réelle (catégories et attributs réellement possédés par la personne) ou virtuelle
(ce qui est attendu). Si on sort du rôle, s'il y a déviance, il y a stigmatisation.
Une façade ou un masque social mais les gens tendent à devenir ce qu’ils jouent. On intègre ce
qu'on joue et ça fait alors partie de notre identité.
36
Stigmate (Goffman, 1963)
Stigmatisation: à partir d’un stigmate (handicap, couleur de la peau, maladie mentale, orientation
sexuelle, etc.), on détermine le caractère d’un individu dans sa globalité: on détermine ses
comportements, sa personnalité, ses attitudes. On donne une identité sociale unidimensionnelle.
Goffman étudie les institutions totalitaires: l’asile psychiatrique («Asiles») par observation
participante.
Maladie mentale: la personne dans son entièreté est ramenée à sa maladie mentale.
La maladie détermine l'ensemble de ses comportements et l'ensemble des comportements et
attitudes des autres à son égard. On n'est pas la maladie mentale.
On est perçu par rapport à ce stigmate et on ne voit plus le reste de la personnalité.
7. L’identité au niveau positionnel (intergroupe)
Le niveau positionnel est le niveau qui classe dans des catégories sociales.
La théorie de l’identité sociale
Henri Tajfel et John Turner (1979): la théorie a pris de l'ampleur et à été très influencte à partir
des années 80. C'est une autre manière de concevoir l’identité sociale ( ≠ Goffman: une personne
incarne un rôle). C'est une théorie générale de l’action collective et des relations intergroupes
souvent utilisée pour expliquer les conflits intergroupes, les affrontements sociaux, les stéréotypes,
les préjugés, la discrimination, la racisme, le sexisme.
C'est la principale théorie psychosociologique européenne actuellement. Elle montre comment est
possible la mobilisation collective.
Histoire de cette théorie: le paradigme des groupes minimaux
Tajfel, Billig, Bundy et Flament (1971)
Le but est d'identifier les conditions minimales de la discrimination intergroupe. On veut trouver ce
qu'il suffit d'avoir pour que naisse un conflit intergroupe. Ils créent donc une situation dont on a
retiré tous les facteurs favorisant les conflits intergroupes (compétition, histoire de conflits,
interactions, partage de ressources rare, différence d'idéologie, aspect physique, etc.). On fait une
catégorisation aléatoire (paradigme artificiel) soi-disant sur base de facteurs peu importants. Ex:
amateurs de Klee ou de Kandinsky (deux peintres différents); pile ou face. Les participants (jeunes
écoliers) ne savent pas qui fait partie des deux catégories. Ils ne connaissent que le code et la
catégorie des sujets mais ils ne savent pas qui sont les sujets.
La tâche est de distribuer une somme d’argent à deux autres participants dont il ne connait que la
catégorie et de positionner son choix sur des ‘matrices’: il doit choisir une colonne. Il y a plusieurs
conditions expérimentales: distribution entre 2 personnes de la même catégorie que le payeur, entre
2 personnes de l’autre catégorie que le payeur et entre 2 personnes appartenant à 2 catégories
différentes. C'est cette dernière condition qui est la plus importante. Celui qui distribue l'argent ne
voit jamais les autres enfants.
Matrices de Tajfel: Résultat pour la troisième condition
Groupe Klee
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
Groupe Kandinsky
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
37
Le choix équitable se trouve en vert. Le choix effectué est en rouge. L'enfant doit sélectionner une
des colonnes.
On constate donc le biais pro-endogroupe: en supposant que le sujet appartient au groupe ‘Klee’, les
participants se positionnent généralement entre le centre de la matrice (solution équitable) et
l’extrémité qui favorise le plus les membres de leur groupe (ici, Klee). Les extrêmes sont évités.
Mais quel est le but? Se distinguer de l'autre groupe ou maximiser les gains de son groupe?
Autre forme de la matrices de Tajfel:
Groupe Klee
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
Groupe Kandinsky
1
3
5
7
9
11 13 15 17 19 21 23 25
Différenciation intergroupe plutôt que gain absolu: les participants se positionnent généralement
entre le centre de la matrice (solution équitable) et l’extrémité qui maximise l’écart entre les gains
des deux groupes à l’avantage de leur propre groupe. Ils préfèrent faire gagner moins d’argent au
membre de leur groupe, mais plus qu’au membre de l’exogroupe, que de lui faire gagner davantage
d’argent, mais moins que le membre de l’exogroupe. C'est donc un comportement discriminatoire et
on essaie de comprendre pourquoi.
La théorie de l’identité sociale a une double origine théorique: le processus cognitif de
catégorisation et la théorie de la comparaison sociale.
La catégorisation
Tajfel (1978): processus cognitif de catégorisation. Une catégorie est un ensemble dans lequel tous
les éléments sont équivalents par rapport à un critère donné. On peut catégoriser n'importe quoi.
Mais pourquoi catégorise-t-on? C'est une simplification de la perception de l’environnement.
Catégorisation et biais d’accentuation (Tajfel & Wilkes (1963). La tâche consiste à estimer la
taille de 8 lignes (une à une). Dans la condition 1, il n'y a pas d'étiquette sur les lignes. Dans la
condition 2, il y a une corrélation entre l'étiquette et la taille: les plus petites lignes on un B et les
plus grande ont un A. Dans la condition 3, il n'y a pas de corrélation entre l'étiquette et la taille, la
lettre n'indique rien sur la taille. Dans les conditions 1 et 3, les estimations sont correctes en
moyenne. Dans la condition 2 (Catégorisation en lien avec les variations de taille), on trouve une
surestimation des différences de tailles entre les lignes A et les lignes B ainsi qu'une sous-estimation
des différences de taille entre lignes appartenant à la même catégorie. On a donc une déformation
de l'évaluation, on perçoit l'ensemble des A comme plus homogène.
Catégorisation sociale: catégorisation sur les êtres humains. On classe eux/elles et nous et on
minimise les différences intragroupes (les autres se ressemblent tous) et on maximise les différences
intergroupes (ils sont très différents de nous). Le sujet percevant fait partie des objets à catégoriser:
les autres sont plus semblables entre eux que nous (cf. La différenciation interpersonnelle à
l’intérieur des catégories d’appartenance).
Les fonctions de la catégorisation sociale sont la structuration de l’environnement social, on veut
percevoir plus clairement l'environnement social. Elles permettent aussi la définition de l’identité
sociale de l‘individu, il sait ainsi à quel catégorie il appartient.
Il y a 2 aspects: un aspect inductif: assigner une personne à une catégorie à partir de certaines
caractéristiques observées et un aspect déductif: sur base de l’appartenance de la personne à une
catégorie (le genre par exemple), lui attribuer des caractéristiques de cette catégorie --> Stéréotypes
(information sur les catégories sociales).
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Théorie de la comparaison sociale (Festinger, 1954)
Qu’est-ce qui mène un individu à considérer une proposition comme vraie et que cette proposition
devienne une conviction?
Validation
«Cet objet est solide»: Validation: Coup de marteau (physique: observation, ressources
individuelles: nos yeux nous suffisent, motivation épistémique, le but est de savoir si l’objet est
solide, on veut comprendre quelque chose, avoir de la connaissance).
«Je suis sympathique»: Validation: Qu'en pensent les autres? (sociale, ressource sociales, motivation
épistémique et narcissique car on s'évalue, on veut obtenir une représentation positive de Soi, on
tente de valoriser son propre groupe.
«L’identité sociale est la connaissance individuelle que le sujet a du fait qu’il/elle appartient à
certains groupes sociaux avec, en même temps, les significations émotionnelles et les valeurs que
ces appartenances de groupe impliquent chez elle/lui» (Tajfel, 1972)
Exemple de signification émotionnelle: on ne va pas se barttre parce qu'on porte des lunettes. Les
valeurs, c'est l'évaluation de ce qu'on retire d'appartenir à cette catégorie.
Le concept de soi va de individuel à social. On agit à la fois comme individu et comme un membre
du groupe.
La perception de l’autre en tant que individu (relation inter-individuelle) ou membre d'un groupe.
Le comportement en tant qu'individu ou en temps que membre d'un groupe. Ça varie en fonction
des circonstances, on agit par exemple comme membre d'un groupe lorsqu'on regarde un match de
foot parmi des supporters.
Variation contextuelle du niveau d’identification
Le passage entre la saillance de l’identité individuelle et la saillance d’une identité sociale dépend
du contexte social. Par exemple, deux personnes peuvent entretenir des relations interindividuelles
(amitié) en temps de paix, puis se comporter en tant que membres de leur groupe national respectif
si une guerre éclate.
De même, c’est le contexte social (par comparaison) qui détermine quelle catégorie d’appartenance
sera saillante. Par exemple, un plombier se sentira plombier s’il se trouve seul face à un groupe de
notaires (dimension de comparaison = profession). Il se sentira homme face à un groupe de femmes
(dimension de comparaison = genre).
Le contexte (perception des circonstances et objectifs) détermine donc quelle identité sera saillante.
Motivation épistémique: définition cohérente de soi en tant que membre d’un groupe
(catégorisation sociale) --> comprendre (Fiske), avoir une vision claire de la réalité.
Motivation narcissique: augmentation ou maintien de l’estime de soi collective par comparaison
intergroupe --> se valoriser (Fiske). On se définit par comparaison avec d'autres groupes. On a
besoin de différenciation positive réalisée à travers la comparaison entre groupes sur des
dimensions jugées pertinentes. On doit savoir qui on est et avoir une image de soi positive. On veut
acquérir ou maintenir une estime de soi collective positive qui est aussi importante que l'estime de
soi individuelle.
Identité sociale, mobilité individuelle et changement collectif
Comment faire face à une identité sociale négative suite à des stéréotypes négatifs et à de la
39
discrimination? Quels sont les stratégies pour faire face quand on fait partie de groupes
minoritaires, dominés, stigmatisés? Elles dépendent de la représentation de la situation intergroupe:
stabilité et légitimité des inégalités sociales, perméabilité des frontières entre groupes. Cette théorie
doit beaucoup au Marxisme. La stabilité: la situation est-elle perçue comme étant susceptible de
changer? La légitimité: la situation est-elle considérée comme juste? Si les dominés acceptent
l'argument, la situation est considérée come légitime. La perméabilité des frontières intergroupes:
est-il jugé possible de quitter un groupe dévalorisé pour rejoindre un groupe valorisé (mobilité
ascendante)? On combinant les trois aspects, on trouve les stratégies.
Par exemple, si la situation est perçue comme stable et légitime et les frontières intergroupes sont
jugées perméables, il est donc possible de passer d'un groupe à l'autre, on établit des stratégies
individuelles comme dans les pays capitalistes.
Autre exemple, si la situation est perçue comme instable et illégitime et les frontières sont jugées
imperméables, on aura une mobilisation collective et un changement social. Il y aura un
développement d'une contre-idéologie pour contrer la légitimité du système ainsi que sa justice.
Les stratégies individuelles sont la mobilité sociale, l'ascention sociale, quitter son groupe
d’appartenance (désidentification) pour rejoindre un groupe plus prestigieux mais pour cela, on
doit nous laisser partir, ça peut être déchirant comme dans "La tache" de Roth et ce n'est pas
possible pour ce qui nous définit biologiquement. Une autre stratégie est la comparaison
intragroupe qui consiste à se comparer à des membres de l’endogroupe moins bien lotis que soi.
Les stratégies de changement social sont la redéfinition des attributs du groupe (revaloriser les
dimensions de comparaison vues comme négatives. Ex. revalorisation des dialectes régionaux,
«Black is beautiful», on redéfinit une caractéristique pour la mettre à notre avantage), la créativité
sociale (mettre en avant de nouvelles dimensions de comparaison. Ex. être moins compétents mais
plus sociables que le groupe dominant) et la compétition sociale (changement par l’affrontement
social (symbolique ou physique))
Stratégies des individus dominés et systèmes de croyances. Le système de croyance détermine
l’orientation collective ou individuelle d’une personne. Croire à la mobilité sociale implique la
perméabilité des frontières intergroupes et la possibilité de se désidentifier, cela ne modifie pas la
structure intergroupe: statu quo, ça ne change pas le système. Croire au changement social
suppose l’imperméabilité des frontières car il faut beaucoup plus d'énergie et c'est plus incertaine,
cela suppose aussi un projet partagé par le groupe défavorisé, la compétition sociale peut modifier
la structure intergroupe.
Rappel: les motivations sociales de base
5 motivations sociales à la base de toute la psychologie sociale (Fiske, 2004): appartenir,
comprendre, contrôler, se valoriser, faire confiance.
La théorie de l’identité sociale articule chacune de ces motivations sociales: c'est une grande théorie
ambitieuse. Le concept d’identité sociale est au centre de l’articulation entre la psychologie
individuelle et les dynamiques sociales.
Identité sociale et communication
Xénia Chryssochoou (2003) propose une approche de l'identité qui combine les théories des
Représentation sociale et de l'Identité Sociale dans une perspective interactionniste.
Il y a trois composantes de l'identité: la connaissance (composante cognitive): MOI, l'affirmation
sur la connaissance de son identité: JE, la reconnaissance: Les autres.
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Identité
L’identité représente une connaissance particulière de Soi et du monde social du point de vue de
celui qui observe, participe, parle, agit, elle représente les affirmations qu’il est permis à l’individu
– en tant qu’individu ou en tant que membre d’un groupe social – de faire sur sa relation avec ce
monde «Je suis … »; «Je pense que …» et constitue le résultat des négociations qu’il/elle effectue
pour être reconnu(e). Les réponses possibles sont l'acceptation, le refus, le déni. Le racisme et
xénophobie sont des dénis de reconnaissance (Sanchez-Mazas, 2004)
Déni de reconnaissance: Extrait de Invisible man (Ralph W. Ellison, 1952)
"Je suis un homme invisible. Non, rien de commun avec ces fantômes qui hantent les romans
d’Edgar Allan Poe. Rien à voir, non plus, avec les ectoplasmes de vos productions
hollywoodiennes. Je suis un homme réel, de chair et d’os, de fibres et de liquides – on pourrait
même dire que je possède un esprit. Je suis invisible, comprenez bien, simplement parce que les
gens refusent de me voir. Comme les têtes sans corps qu’on voit parfois dans les exhibitions
foraines, j’ai l’air d’avoir été entouré de miroirs de gros verre déformant. Quand ils s’approchent
de moi, les gens ne voient que mon environnement, eux-mêmes, ou les fantasmes de leur
imagination – en fait ils voient tout et n’importe quoi, sauf moi." (pp. 198-199)
Les trois dimensions de l’identité
L’interaction entre affirmation et reconnaissance nourrit la connaissance de soi, et cette
connaissance a un impact sur les alternatives d’action (d’affirmation).
Connaissance (le Moi) --> Affirmation (ce qu'il est possible d'affirmer) --> Reconnaissance (d'autrui
et réaction d'autrui) --> connaissance.
8. La communication interculturelle
La culture
Qu'est-ce que c'est? "Un ensemble socialement construit et historiquement (et donc pas transmis
génétiquement et pas présent depuis toujours, il est transmis à travers le temps de génération en
génération) transmis de symboles, significations, prémisses (connaissances préalables) et règles"
(Philipsen, 1992). Il y a de nombreuses autres définitions: En 1952, Kroeber et Kluckhohn en
dénombraient plus de 200 mais il y en a encore beaucoup plus.
La culture pourrait être étudiée comme un code. On essaie de trouver ce code, passer outre et voir
ce qu'il y a derrière. Les ethnographes étudient la communication verbale et non-verbale afin de
«cracker» ce code.
Les différences entre cultures
La psychologie interculturelle comparative a pour but de mettre à jour les dimensions
psychologiques sur lesquelles les membres de cultures différentes se différencient: valeurs,
émotions, cognition, comportements, perception...
Geert Hofstede (1980, 1994 ) propose 4 dimensions de comparaison interculturelle au niveau des
valeurs. Il a été très influent, mais aussi très contesté. Il y a certains danger d'utiliser ce type de
modèle: danger de surévaluer les différences entre cultures, de les essentialiser comme si c'était
stable, danger d'occulter les points communs entre ‘porteurs de cultures’ différentes. Tous les
membres d'une même culture ne sont pas les mêmes.
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Les 4 dimensions de comparaison interculturelles
1. Distance hiérarchique: C'est une mesure du degré d’acceptation par ceux qui ont le moins de
pouvoir dans les institutions ou les organisations d’un pays d’une répartition inégale du pouvoir. On
se demande si la différence de statut entre les différentes classes hiérarchiques est grande ou pas.
Par exemple, la distance est faible aux USA et moyenne au Japon ou le protocole est très important.
2. Masculinité – féminité: A quel point la société renforce ou pas les modèles traditionnels de
différenciation des genres? Les pays masculins comme le Japon font une forte différenciation des
genres, les mâles dominent; les femmes sont dominées. Par contre, dans les pays féminins comme la
Suède, il y a peu de différenciation et une tendance à l’égalité des hommes et des femmes.
3. Contrôle de l’incertitude: c'est le degré auquel les gens se sentent menacés par l’ambiguïté et
créent des croyances, des institutions et des règlements pour l’éviter. L'incertitude peut être
considérée comme normale, tolérable, par contre dans d'autres cultures, elle fait peur. Aux USA, le
contrôle de l'incertitude est faible, on ose prendre des risques, par contre, en Japon, il est fort.
4. Individualisme – collectivisme: Dans les cultures individualistes (USA), les gens s’occupent
d’eux-mêmes et de leur famille immédiate, il est valorisé de relever des défis. Dans les cultures
collectivistes (Japon), les gens s’identifient à un groupe plus large qui les protège en échange de
leur loyauté, la famille est élargie, il y a plus de solidarité, on pense à soi en terme de relation. Les
2/3 de l’humanité vivraient dans des cultures collectivistes (Asie, Afrique, Amérique latine).
L'individualisme serait lié à l’industrialisation.
C'est une théorie un peu binaire, on a l'impression d'avoir les pays occidentaux contre tous les
autres, comme si tous les autres étaient les même.
Communication interculturelle
On se pose deux types de questions:
1. Quelles sont les différences interculturelles au niveau de la communication? Comment les
gens communiquent à l'intérieur de leur groupe? On compare donc les cultures.
2. Quels sont les obstacles à une communication effective entre membres de cultures
différentes? Si deux cultures différentes se rencontrent, qu'est-ce qui les aide ou les empêche
de bien communiquer? On étudie les interactions entre membres de cultures différentes.
On va voir 2 théories: la première de type 2; la seconde à cheval entre 1 et 2.
La théorie de la gestion de l’anxiété/incertitude
C'est la théorie de William Gudykunst qui est une référence en communication interculturelle. Elle
s'applique à toute situation où les différences entre les gens engendrent le doute ou l’anxiété même
si ces gens sont issus de la même culture. Il étudie les situations de rencontre entre un membre de
l’endogroupe et un ‘étranger’. L’étranger ne sait pas à quoi s’attendre ni comment il doit se
comporter car il ne connait pas les normes, il ne se sent donc pas en sécurité, il se sent anxieux.
Dans ce modèle, l'anxiété et l'incertitude sont des obstacles à la communication effective. La
rencontre interculturelle attire l’attention des interlocuteurs sur leurs différences culturelles au lieu
de sur ce qui s'échange. Ils tendent à surestimer l’influence de l’identité culturelle de l’autre sur ses
comportements et à sous-estimer l’influence de ses caractéristiques individuelles (voir théorie de
l’identité sociale).
La ‘communication effective’ est un processus de minimisation des malentendus. «La
communication est effective dans la mesure où la personne qui interprète le message y attache une
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signification relativement similaire à ce que la personne qui le transmet a l’intention de
communiquer» (Gudykunst, 1993, p. 70). Ce qui correspond à la théorie de Shannon & Weaver.
L'incertitude est un facteur cognitif et correspond au besoin de comprendre tandis que l'anxiété est
un facteur affectif qui correspond au besoin de sécurité. Les deux vont souvent de pair, mais pas
toujours. L'incertitude génère de l'anxiété mais on peut avoir de l'anxiété dans la certitude par
exemple quand on connait le danger que l'on va affronter.
Incertitude
La définition est inspirée par la théorie de la réduction de l’incertitude de Charles Berger. Ce
sont les doutes que nous avons à propos de notre capacité à prédire le résultat de nos rencontres
avec des étrangers. On veut prédire ce qui se passe dans l'interaction car dans une culture, il y a des
règles pour une conversation, c'est plus difficile de comprendre quand on ne les connait pas.
Rétrospectivement, c'est l'incapacité à comprendre pourquoi l’un et l’autre ont agi comme ils l’ont
fait. De plus, la cognition intervient, on a l'impression de mieux maitriser quand on comprend.
Anxiété
«La sensation de ne pas être à l’aise, tendu(e), soucieux, ou inquiet de ce qui pourrait se passer»
(Gudykunst, 1998, p. 13)
Par exemple, un professeur japonais, fraîchement arrivé aux États-Unis, termine son premier cours
à l’université et se prépare à quitter la salle quand une étudiante américaine l’appelle. Elle est plus
grande que le professeur japonais qui a l’impression de se trouver devant une tour. Elle s’approche
de lui, si près qu’il pense pouvoir la toucher en levant son bras. C’est son premier cours aux ÉtatsUnis et le professeur ne sait pas comment les étudiants le jugent. Bien que l’étudiante ne semble pas
mécontente, le professeur croit qu’elle va lui dire ce qui ne va pas dans son cours. Elle est si près
que le professeur recule d’un pas. Mais l’étudiante avance d’un pas. Il a le sentiment d’être
poursuivi par elle qui le domine et recule de nouveau. Cette fois, le tableau noir se trouve derrière
lui et il ne pourra pas aller plus loin. Il se sent mal à l’aise et fait un effort pour sourire, car la
distance entre lui-même et l’étudiante est bien moindre que celle qu’un homme et une femme
japonais doivent entretenir en public. La jeune fille fait encore un pas vers lui et lui dit tout
simplement qu’elle a une question à lui poser. La distance hiérarchique est très différente au Japon
et aux USA, on ne peut pas s'approcher de quelqu'un qui a un statut inférieur.
L'anxiété est une émotion. L’incertitude et l’anxiété sont proportionnelles aux différences entre
cultures. Si les cultures sont très différentes, il y aura un haut degré d'incertitude. Gudykunst
s’appuie sur les dimensions de Hofstede. Le Japon et les USA sont différents en terme
d’individualisme et de distance hiérarchique. Le professeur japonais est un collectiviste
hiérarchique chez les individualistes égalitaires au niveau des situations informelles.
Seuils minimum et maximum de la peur et du doute
Un niveau minimum d’anxiété et d’incertitude (pour faire un minimum attention à ce que l'on fait)
est nécessaire pour nous motiver à mieux communiquer. Aucune tension génère l'ennui et la
négligence. C'est par exemple le stéréotype du touriste occidental qui ne fait pas attention à sa
manière de se comporter avec les populations locales, il n'a pas peur de paraître plein de préjugés ou
incompétent.
Concernant l'anxiété, le seuil minimum est le plus petit niveau d’anxiété que l’on peut ressentir
«tout en ayant encore suffisamment d’adrénaline dans les veines pour faire attention à la manière
dont on communique». Au-delà du seuil maximum, les gens sont paralysés par la peur et ne savent
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plus communiquer du tout. Ils ne peuvent plus se concentrer sur le message et se retranchent vers
des stéréotypes négatifs ou se retirent de la communication.
Concernant l'incertitude, le seuil minimum est la quantité la plus petite d’incertitude que l’on
puisse avoir sans s’ennuyer ou se sentir trop confiant à propos de nos prédictions à l’égard des
étrangers (Gudykunst, 2005, p. 286). Au-delà du seuil maximum, les gens ont l’impression de ne
plus pouvoir prédire les comportements de l’autre. Ils ont le sentiment que la communication ne
vaut plus la peine, l'incertitude est totale.
La communication effective n’est possible qu’entre ces seuils inférieurs et supérieurs.
La réflexivité (mindfulness: retour sur soi)
La réflexivité est l'attention portée à nos pensées et comportements présents. Elle permet de réduire
le niveau d’incertitude et d’anxiété à des niveaux acceptables et donc entre le maximum et le
minimum. C'est une notion contraire à l'inadvertance (mindlessness) qui consiste à suivre un
ensemble de routines communicationnelles sans y penser (équivalent des scripts chez Goffman).
Une attitude ‘inadvertante’ dans la communication interculturelle peut exacerber la tension et la
confusion.
Selon Howell, il y a 4 niveaux de compétence communicationnelle:
1. L'incompétence inconsciente: nous mésinterprétons le comportement de l’autre sans le
savoir.
2. L'incompétence consciente: nous savons que nous mésinterprétons mais ne faisons rien pour
y remédier. Ce sont ceux qui ne sont pas doués mais qui le savent.
3. La compétence consciente: nous pensons à la manière dont nous communiquons et essayons
continuellement de nous adapter.
4. La compétence inconsciente: nos capacités communicationnelles sont si développées que
nous n’y pensons plus.
Selon Gudykunst, le niveau 4 est le plus dangereux pour la communication interculturelle.
La plupart du temps, nous ne faisons pas attention à notre manière de communiquer (inadvertance).
«La grande majorité du temps (quand nous ne sommes pas réflexifs), nous interprétons les
messages des étrangers à partir de nos propres cadres de référence et ils interprètent nos messages à
partir des leurs» (Gudykunst, 2005, p. 289)
La réflexivité est une capacité de prendre du recul sur soi-même et de se soustraire de l’influence
des forces extérieures (culture, appartenances, environnement, situation, etc.). C'est aussi la
possibilité d’interpréter la situation d'un autre point de vue, la liberté de penser et de se comporter
sans référence au script culturel ( c'est équivalent au recadrage chez Watzlawick et al.: théorie
systémique). La réflexivité nous permet de modérer les effets néfastes de l’incertitude et de
l’anxiété et donc d'améliorer la communication interculturelle (CIC).
Les causes de l’incertitude et de l’anxiété dans la CIC
Gudykunst énonce 47 axiomes, c'est beaucoup!! Ce sont des relations de cause à effet allant de
causes de surface à l’effectivité de la CIC en passant par des causes basiques (anxiété/incertitude).
Elles sont délimitées par des conditions de limites: entre seuils inférieurs et supérieurs d’anxiété et
d’incertitude et modérées par le degré de réflexivité. Nous n'en verrons que quelques exemples.
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Le but de Gudykunst était qu'on utilise sa théorie pour améliorer la communication.
Catégorisation sociale des étrangers
Elle est liée aux attentes positives, à la perception de similarité et à la compréhension des
différences intergroupes. Les à-priori sont-ils positifs ou négatifs?
Axiome 17: Plus nous percevons de similarités entre nous et les étrangers, moins nous sommes
anxieux et plus nous sommes capables de prédire leur comportement. Partager d’autres points
communs (être étudiants, avoir les mêmes centres d’intérêt, etc.) facilite la CIC. Tout ce qui peut
rapprocher les personnes permet d'améliorer la communication. Par contre, les perceptions de
différence intergroupe et d’homogénéité de l’exogroupe entravent la CIC.
Axiome 20: Plus nous percevons que nous partageons des identités supra ordonnées avec les
étrangers, moins nous nous sentons anxieux et plus nous sommes capables de prédire leur
comportement. Par exemple, un Italien et un Belge peuvent se considérer comme Européen. Le
groupe des Européens comprend à la fois les Belges et les Italiens. On peut aussi partager la même
idéologie, religion, identité européenne, ou simplement l’appartenance à l’espèce humaine (mais
attention à la déshumanisation: considérer que certains groupes ne sont pas humains)
Interactions éthiques
Elles sont liées au maintien de la dignité, à l’inclusion morale et au respect pour les étrangers.
Axiome 34: Le fait d’inclure les étrangers dans notre communauté morale produit une diminution
de l’anxiété. Pour Susan Opotow (1990), l’exclusion morale consiste à dénier aux autres
l’appartenance à la même communauté morale. Cela signifie que les règles morales fondamentales
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qui gèrent les relations entre êtres humains à l’intérieur de la communauté ne s’appliquent pas à
eux. Dans ce cas, on ne respecte pas les étrangers comme on respecte les membres de notre groupe
ce qui implique une légitimation des mauvais traitements infligés aux autres. A contrario, inclure les
étrangers dans la même communauté morale est rassurant, dans la mesure où l’on peut s’attendre à
ce que les étrangers fassent de même à notre égard (faire confiance, Fiske, 2004).
Critique de la Théorie de la gestion de l’anxiété/incertitude
«Qui trop embrasse mal étreint». Quand on veut faire trop bien, on ne fait pas assez, 47 axiomes,
c'est beaucoup! Gudykunst voulait proposer une ‘grande’ théorie de la CIC, couvrant tous ses
aspects. Il tend à sacrifier la simplicité au profit de la quantité.
Biais occidental? Le besoin de contrôler la situation, au centre de la théorie, ne serait-il pas lié aux
cultures individualistes?
La réflexivité a-t-elle toujours des effets positifs? Devine, Evett & Vasquez-Suson (1996)
proposent l’idée contraire: trop de réflexivité casse la communication, on réfléchit trop à ce que l'on
dit et on perd tout naturel. La réflexivité n’est pas mesurable. Quelle preuve empirique peut-on
donner?
La théorie de la négociation de la face
Face negotiation theory de Stella Ting-Toomey (1998): le but est d'expliquer les différences
interculturelles dans la manière de gérer les conflits donc elle ne concerne pas tous les types de
communications.
Les gens négocient leur ‘face’. La face étant l'image de soi publique c'est-à-dire la façon dont nous
voulons que les autres nous voient et nous traitent (voir Goffman). On veut sortir de l'interaction en
gardant la face. Le travail de la face, ce sont des messages verbaux ou non verbaux spécifiques qui
aident à sauvegarder la face ou à la récupérer si on la perd, et à la maintenir et l’honorer à nouveau
(Ting-Toomey, 1998, p. 190). Ce travail de face est différent dans les cultures individualistes et
collectivistes.
Cultures individualistes / collectivistes
Harry Triandis (1995): trois aspects existent pour différencier les deux types de culture.
Soi
Objectifs
Devoirs
Individualisme
Collectivisme
Indépendant
Identités sociales (père, chrétien, enseignant...)
Identité - je
Identité - nous
Intérêts personnels
Intérêts du groupe
Plaisir et gains individuels
Sacrifice au service des autres
Droits individuels
Responsabilités groupales
Dans les cultures collectivistes, on pense «nous / eux». On s'intéresse aux affiliations groupales de
l’autre, à son milieu, son statut, etc. On situe la personne par rapport à son appartenance.
Par contre, dans les cultures individualistes, on pense «moi / les autres» et on s'intéresse aux
pensées et sentiments individuels de l’autre (vie intérieure). L'idéal, c'est faire des confidences.
Markus & Kitayama (1991) ont étudié la culture et le Soi. L'image de Soi est indépendant ou
interdépendant. Il y a des variations entre cultures et des variations intra-culturelles. C’est à travers
son influence sur l’image de Soi que la culture influence les comportements.
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L’image de Soi serait le meilleur prédicteur des styles de résolution de conflit (Ting-Toomey). La
culture implique une image de Soi qui détermine la façon de maintenir la face ce qui nous donne
des informations sur la gestion du conflit.
Gestion de la face
La face, c'est l'image de Soi publique (qui correspond à l'autrui généralisé de Mead), c'est ce qu'on
pense qu'on pense de nous.
De qui essayez-vous de sauver la face? Le Soi indépendant veut sauver sa face. Il est orienté vers
la sauvegarde de la face personnelle, pour restaurer la face, il va justifier ses actions ou blâmer la
situation (attribution externe). Le Soi interdépendant voudra sauver La vôtre et donc sacrifier sa
propre image au profit de celle de l’autre ou La nôtre et donc aura un souci mutuel de maintien de
la face. Il donnera la face à l’autre et va donc prendre garde à ne pas embarrasser ou humilier l’autre
en public. Ça peut aller jusqu'à paraître ridicule pour que l'autre ait la face sauve. Par exemple,
extrait de «Stupeur et tremblements», chap. 9: une Belge qui travaille à Tokyo et qui se fait des
réflexions sur les différentes cultures. Une fois, en voulant consoler sa supérieure hiérarchique
humiliée par son chef, elle lui a fait perdre sa face en la voyant pleurer. Il s'agit plutôt d'une
différence de degré plutôt que tout ou rien.
Gestion du conflit
Situation conflictuelle: Vous dirigez un groupe de travail pour rédiger un rapport de recherche (2/3
de la note finale). Un membre du groupe rend un travail bâclé 3 jours avant la date limite. Vous ne
le connaissez pas bien. Vous estimez qu’il faudra 72 h de travail pour améliorer cette partie du
travail. Comment réagissez-vous?
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Il y a 8 réponses possibles: évitement (retrait): faire semblant de rien, céder (accorder à l’autre ce
qu’il demande): faire le travail à sa place, compromis (négociation): donnant-donnant, intégration
(résolution de problème): échanger l’information pour résoudre le problème, domination
(compétition): l’obliger à corriger sa partie, expression émotionnelle: montrer ses sentiments,
agression passive: s’arranger pour qu’il se sente coupable sans l’accuser ouvertement, aide d’une
tierce partie: demander l’aide du professeur.
Travail de face interculturel
Ting-Toomey propose 3 conditions à une communication interculturelle effective:
1. Savoir: connaître les différences culturelles (individualisme, collectivisme, images de Soi,
gestion de la face, styles de résolution de conflit)
2. Réflexivité: être conscient de ses propres présupposés tout en étant capable de prendre la
perspective de l’autre
3. Compétences interactives: capacité à communiquer de manière appropriée, efficiente et
adaptée dans une situation donnée ce qui implique des formations aux compétences
communicationnelles (exercices, jeux de rôles, etc.)
Cette théorie a été partiellement corroborée par des recherches empiriques auprès de participants
chinois, japonais, nord-américains et allemands (Oetzel & Ting-Toomey, 2003)
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Critiques à l’égard des comparaisons entre individualisme et collectivisme
Eva Green (2005): L’Autre collectiviste: processus de mise en altérité dans la psychologie
interculturelle. Les critiques sont les suivantes: Occidentalocentrisme: biais car ceux qui ont établi
cette théorie sont des chercheurs occidentaux, négligence des contextes économiques et
politiques: on attribue le contexte à la culture, présupposition d’homogénéité culturelle: on fait
des comparaisons entre pays alors car la population des pays n'est pas homogène culturellement,
manque de preuves et contradictions empiriques.
De plus, c'est une conceptualisation dichotomique qui mène à une classification implicitement
hiérarchisée des populations nationales en fonction d’un critère psychologique. Il y a danger de
créer ou de renforcer des stéréotypes, il faut donc une distance critique nécessaire.
9. Communication et Mémoire
Que pensez-vous de…? photo de l'ancien premier ministre.
Que faisiez-vous hier à 22H30?
Ces deux questions nous font nous souvenir de la personne et de ce qu'on a fait hier, on doit donc
récupérer des informations en mémoire. Lorsque nous parlons du souvenir, nous communiquons ce
qui a été récupéré dans notre mémoire.
Modèle de la mémoire encapsulée
Attention au stimulus → Encodage (information arrive dans le cerveau au moment où on la voit) →
Stockage → Récupération → Communication ← facteurs sociaux.
Dans ce modèle, les facteurs sociaux n'interviennent que dans la dernière étape lorsqu'on exprime
son souvenir.
Dit-on toujours ce que l’on pense? Selon ce modèle: Non… on peut mentir, dire ce qui nous arrange
(communication stratégique). La trace mnésique ne serait pas modifiée pour autant, ce qu'on pense
reste en mémoire. Effet caméléon: on dit ce qui nous arrange.
Pour ce modèle, la communication est un codage d’une pensée stockée en mémoire. Des processus
cognitifs et motivationnels déterminent la communication. La représentation précède l’expression.
Lorsque l’expression ne correspond pas à la «croyance», cela répond à des motivations stratégiques
qui n’influencent pas la trace mnésique elle-même. Cette théorie sera notre «épouvantail» (nous
allons montrer les limites de ce modèle et chercher à le critiquer)
Ce modèle correspond à une certaine psychologie cognitive de la mémoire. Comme par exemple
lorsqu'on présente des listes de mots tout en ignorant la signification de ces listes du point de vue du
locuteur. L’interaction sociale est gommée.
Une métaphore: «On s’imagine que toute production humaine (par ex. la communication) résulte
forcément d’une représentation mentale de cette action, de cette production, tout juste comme si le
poisson que le pêcheur vient de sortir de l’eau existait déjà sous cette forme alors qu’il nageait,
invisible et silencieux, sous la surface opaque de l’eau» (Eraly, 2000)
Antithèse 1
Les représentations des objets sociaux sont souvent encodées dans des contextes de communication
interpersonnelle. Les moments où on encode sont des moments de communication, l'encodage
simultané à objectif de communication. Lors de l'encodage, on a envie de réagir et donc aussi de
communiquer, des facteurs sociaux influencent donc l'encodage. Donc, l’encodage et le stockage
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de la représentation pourraient être influencés par les objectifs de communication.
Les ragots
Lorsqu'on écoute des ragots, on est à la fois en communication, en relation avec la personne et on
réfléchit à qui on va l'envoyer. On a donc déjà des objectifs par rapport à quelqu'un d'autre.
Les ragots s’échangent lors d’interactions interpersonnelles. Lorsque l’on y prend part, on est
influencés par la situation communicationnelle: comment vais-je répondre? A qui vais-je pouvoir le
raconter? Quel autre ragot vais-je relater en retour? Cette situation influence la mémorisation de
l’information.
Exemple empirique: «Dire c’est croire» (Higgins & Rholes, 1978).
Etape 1: Le sujet lit la description d’une personne. La description est ambigue, par exemple on peut
parler d'avarice ou d'économe, cela signifie la même chose mais un adjectif est positif et l'autre
négatif. On lui demande de communiquer la représentation de cette personne à une autre personne
(audience) ayant soit une attitude positive, soit une attitude négative vis-à-vis de la cible de façon à
ce qu’elle puisse la reconnaître (temps 1).
Condition contrôle: pas de communication à l’audience.
Etape 2: Deux semaines plus tard, on fait un test de mémoire sur la description d’une personne
(temps 2).
Résultat: La description de la personne (au temps 1) et la mémoire sont biaisées (temps 2) dans la
direction de l’attitude de l’audience. Cet effet sur la mémoire n'a lieu que chez les gens qui
communique à l'audience, pas dans la condition contrôle. Le fait de communiquer module donc la
mémoire.
A quoi est-ce dû? Est-ce l'effet caméléon? Non car la trace mnésique est influencée par l’objectif
de communication. Ce n'est donc pas uniquement pour faire plaisir à l'audience qu'on communique
de cette façon. Cette expérience n'est donc pas compatible avec modèle de la mémoire encapsulée.
Hypothèse de la «réalité partagée» (Hardin et Higgins, 1995)
C'est l'explication la plus convaincante. Une expérience quand elle est partagée devient plus vraie.
«Toute expérience - de la sensation tactile immédiate d’une pierre à la compréhension abstraite d’un
concept philosophique – ne persiste comme un état du monde fidèle, valide et prédictible que si elle
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est vérifiée socialement» (p. 29). Donc, nos convictions, représentations, croyances, ne peuvent être
maintenues que si elles sont communiquées et validées socialement (Voir Festinger, cours 7).
C'est la même chose pour l'expérience avec les lignes dont une est plus grande que les autres,
lorsque les autres se trompent, on doute de notre opinion parce qu'on voit différemment des autres.
Dans l'expérience, on utilise le point de vue de l'audience pour se faire une idée sur la personne
décrite.
La réalité partagée est “le produit de l’expérience d’une communauté de perspectives entre soi et
l’autre à propos du monde extérieur.“ (Echterhoff, Higgins & Levine, 2007). La communication est
un outil permettant de susciter une telle réalité partagée. L'adaptation du message est la définition
d’une réalité partagée à propos de la cible.
Autre expérience: Echterhoff et al. Dans la même situation, on manipule les objectifs de la
communication, soit l'objectif est la réalité partagée (identifier la cible), soit de gagner de l’argent
(si on adapte bien message à l’audience), soit de divertir l’audience.
Lors de la transmission du message, les participants adaptent leur description de la cible à l'attitude
de l'audience dans les trois conditions.
Mais l’effet de l’attitude de l’audience sur le rappel ne s’observe que lorsque l’objectif de
communication est de parvenir à une réalité partagée. La mémoire n'est donc influencée que dans le
cas de la réalité partagée.
Conclusion
La communication sert à construire une réalité partagée avec l’audience. L'encodage, le stockage,
l'expression, sont déterminés par les interactions sociales.
Antithèse 2
Les représentations, quelles que soient leurs sources, sont souvent récupérées dans des contextes
sociaux à des fins de communication. Des facteurs propres à la situation de communication, et
indépendantes de la représentation de l’objet, sont dès lors susceptibles d’influencer la récupération
de la trace mnésique.
Les facteurs sociaux influencent donc la récupération du souvenir, on se souvient de certaines
choses et le fait de se souvenir modifie la mémoire. La récupération du souvenir est fonction du
contexte social. Ce contexte social peut induire la récupération de traces mnésiques fausses ou mal
interprétées tout en étant sincère.
Exemple: le débat relatif aux «faux souvenirs»?
Un témoignage est-il une représentation fidèle de la trace mnésique? Quelle est la relation entre la
situation sociale du témoignage et la trace mnésique?
Hypothèse du refoulement: Idée que le souvenir puisse avoir été encodé, ne plus être accessible
consciemment, pour réapparaître ensuite (par exemple en psychothérapie).
51
La psychothérapie: situation d’échange social
Lorsqu'on va chez un psy, on est en demande d’explication d’un mal-être. Le psychothérapeute a
une certaine légitimité. Le jeu est «donnant-donnant», l'intérêt des deux parties est d'identifier des
éléments du passé qui pourraient expliquer le présent. Par exemple, on peut se souvenir d’abus
sexuels qui expliqueraient le mal-être et apporterait la solution, les souvenirs sont sincères…mais
parfois faux.
Émission:http://programmes.france2.fr/prise-directe/index.php?
page=article&numsite=4448&id_article=12989&id_rubrique=4451
La thérapeute induit des souvenirs d'agression sexuel, éloigne les patients de leur famille. La
thérapeute reste le seul contact du patient qui débourse des sommes folles pour la thérapie.
Elizabeth Loftus a étudié ce phénomène. Les recherches expérimentales ne parviennent pas à mettre
en évidence le «refoulement» tel que décrit précédemment. Au contraire, les souvenirs émotionnels
sont mieux retenus. Hypothèses explicatives: le souvenir n'a pas été vécu comme traumatisant ou on
ne se souvient pas qu’on s’en est déjà souvenu… Le souvenir n’a pas été encodé.
Il existe deux types de «souvenirs». Certaines personnes se souviennent soudainement d’abus
passés (groupe 1) (lorsqu'on regarde un film ou qu'on a une émotion intense) et pour d'autres, le
souvenir émerge progressivement à travers des interactions sociales (groupe 2) (par exemple, sous
hypnose, ou psychothérapie). L'expérience est aussi faite sur un groupe contrôle.
Dans des tâches expérimentales, on observe la formation de faux souvenirs (avoir cru voir un
chiffre qu’on a pas vu) plus souvent chez le deuxième groupe de personne que chez le premier et
chez le groupe contrôle. On observe l'oubli de «s’être souvenu» d’un événement autobiographique
neutre plus souvent chez le groupe contrôle et chez le permier groupe que chez le deuxième groupe.
Le groupe 1 est plus en mesure de corroborer ce souvenir par une personne extérieure. On a une
donc une double dissociation entre le groupe 1 et le groupe 2. Les personnes du groupe 1 ont plus
tendance a avoir des souvenirs soudains et à oublié qu'ils se sont souvenus. (Source: McNally &
Geeraerts (2009), perspectives in psychological science.)
Implications
La fonction pragmatique de la trace mnésique (par ex/ donner sens à une expérience dans le cadre
d’une psychothérapie) est garante de sa persistance en mémoire. Et la modification de la trace
mnésique est faite en fonction de sa fonction pragmatique. Les faux souvenirs émergent, ils sont
vérifiés uniquement par le thérapeute et le patient car ce dernier est coupé des autres, il s'agit donc
d'une réalité partagée. Donc, l'action construit la représentation.
Les souvenirs vrais sont un processus social, ils sont corroboré par d'autres alors que dans le cas
d'abus, il n'y a pas de témoin pour corroboré.
Résumé
Les différentes étapes du processus de mémorisation sont influencées par des contraintes
communicationnelles. Le modèle de la «mémoire encapsulée» est insuffisant. Mais quelles sont ces
contraintes? Deux modèles seront envisagés ici: le principe de coopération conversationnelle.
(Grice) et le common ground ou «terrain commun» (Clark).
52
Contraintes pesant sur la communications interpersonnelles: les
maximes de Grice
Exemple 1
Savez-vous quelle heure il est? Je n’ai pas de montre.
Que voudrais-tu pour ton anniversaire? Je n’ai pas de montre.
A ton avis, la Belgique va-t-elle boycotter les Jos? Je n’ai pas de montre.
Le sens de la deuxième phrase n'est pas contenu dans la phrase mais dans l'intention et dans le
contexte. Dans la troisième phrase, il n'y a pas de lien (indice de pathologie)
On observe une différence avec la vision traditionnelle «sémantique» (cf. modèle du télégraphe de
Shannon & Weaver): communiquer, c'est transmettre des unités de sens. «On croit souvent que
l’usage du langage concerne principalement les mots et ce qu’ils signifient. C’est faux. Il implique
principalement les intentions des interlocuteurs» (Clark & Schober, 1992, p. 15). De plus, les
intentions sont situées socialement.
Le principe de coopération conversationnelle (Grice, 1975)
Grice est un pragmaticien (branche de la linguistique). «Faites en sorte que votre contribution à la
conversation soit, au moment où elle intervient, telle que le requiert l'objectif ou la direction
acceptée de l'échange verbal dans lequel vous êtes engagé.» Pour comprendre un énoncé, nous
supposons que notre interlocuteur respecte ce principe (il coopère). Le sens de l’énoncé ne peut
donc être compris qu’en intégrant le contexte de production. Il y a différentes «maximes» incluses
dans ce principe. On dit ce qui est pertinent.
Extrait: Monty Python «Le Sacré Graal»: un paysan parle avec le roi mais sans respecter le
contexte de l'échange.
Maxime
Description
Manière
Être clair, ordonné, approprié par rapport à l'audience
Relation
Être pertinent par rapport aux propos de l'échange
Quantité
Dire ni trop, ni trop peu
Qualité
Dire ce que l'on croit être vrai
Implications: Si les processus cognitifs individuels sont étudiés dans des situations de
communication, si la situation de communication n’est pas envisagée comme telle mais selon le
modèle «encapsulé» de la cognition, on risque d’attribuer à des contraintes cognitives ce qui
découle de contraintes communicationnelles.
Par exemple dans la tâche de conservation de Piaget, on demande aux enfants de dire si le nombre
d'oiseau sur chaque ligne est égale ou pas. Dans les premières images, les cartes sont alignées, le
nombre d'oiseaux est égal. Dans le second cas, les cartes sont espacées, le nombre d'oiseaux est égal
aussi. Les jeunes enfants répondent égale dans la première situation et différente dans la seconde.
L’inférence conversationnelle: Pour interpréter un énoncé, le sujet présuppose que
l’expérimentateur est un «locuteur compétent», il fournit des informations valides , il fournit
suffisamment d’informations, il n’en fournit pas trop selon le principe de coopération (Grice, 1975).
Le sujet essaie donc d'en tenir compte. Pourquoi l'expérimentateur s'ennuyerait à changer les images
si ça ne sert à rien. L'enfant répond donc que c'est différent.
53
Mc Garrigle & Donaldson (1974): cette procédure implique la répétition d’une question, donc, si
l’expérimentateur respecte la maxime de coopération, le propos de cette seconde question doit être
différent (maxime de relation), je ne vais pas dire deux fois la même chose (maxime de quantité).
On le prouve avec une variation dans l’expérience de Piaget: on dit à l’enfant qu’un méchant ours a
déplacé les images. Dans ce cas, l'enfant dit que dans le deuxième cas, le nombre d'oiseau est le
même. «Il est possible que la réussite des enfants au stade des opérations concrètes reflète autant
l’autonomie croissante de l’enfant par rapport au contexte d’interaction qu’elles ne révèlent le
développement d’une compétence logique» (p. 423)
Une analyse «gricienne»
L’enfant présuppose que l’expérimentateur est un locuteur compétent. Poser deux fois la même
question constituerait une violation de la maxime de quantité si ma réponse n’était pas pertinente.
Donc je donne une autre réponse afin d’être un interlocuteur compétent. On ne s’attend pas à ce que
«l’ours» soit un interlocuteur compétent…
Implications pour les témoignages d’enfants dans les tribunaux et pour les témoignages de patients.
Implication pour la mémoire collective
Les contraintes de communication n’influencent pas uniquement la mémoire du locuteur mais plus
encore celles de l’audience… On parle de mémoire «de seconde main». L’audience a moins encore
que le locuteur une conscience des contraintes qui pèsent sur la production du message.
Bartlett (1932)
On part d'un stimulus ambigu qui ressemble à un hibou et on demande de le reproduire, au cours
des "recopiage", le dessin ressemble de plus en plus à un chat puis comme c'est quelque chose de
connu, ça reste un chat. On observe un processus de conventionalisation – la représentation, au
départ peu familière, se transforme en une représentation culturellement partagée à mesure que l’on
avance dans la chaîne de reproduction sérielle («téléphone arabe»)
Paradigme de reproduction sérielle: «création» d’un stéréotype (les Jamayens), chaîne de
téléphone arabe. Tâche: Les sujets doivent raconter histoire d’une cible qui accomplit des
comportements stéréotypiques et contre-stéréotypiques.
Conclusion: plus d’informations stéréotypiques sont maintenues. Cela pourrait être dû à la plus
grande facilité de «grounder» (établir un terrain commun) des informations stéréotypiques. C'est
plus facile de communiquer ce que l'autre sait. On a donc un effet boule de neige.
Jusqu’ici, nous avons envisagé la communication comme énonciation effectuée à l’initiative du
locuteur uniquement. Souvent communication implique le feedback de l’allocutaire (audience).
C'est donc une activité coopérative.
Grounding et «common ground» (Clark & Brennan, 1991)
Professeur: Qui a gagné la bataille de Waterloo?
Elève: Quoi. Vous ne savez pas qui a gagné la bataille de Waterloo?
La communication est considérée comme coordination, un accord sur un ensemble de
connaissances communes.
Définition du common ground (Kashima, Klein, & Clark, 2008)
Une croyance fait partie du CG d’un groupe si ces croyances sont partagées, si elles sont perçues
54
comme telles, si elles sont perçues comme étant perçues comme telles...
Exemple
A dit à B: Sais-tu que les «Flying Nutcrackers» viennent à Berchem Sainte-Agathe?
Pour que l’énoncé soit correctement interprété: A et B savent qui sont les «flying nutcrackers» et tu
le sais, A sait que B le sait et B sait que A le sait...
Grounding («entérinement»)
C'est le processus d’incorporation d’un savoir dans le common ground.
Tu sais qui sont les Flying Nutcrackers? (Présentation) Le groupe bosniaque de pop suburbanopoétique? Oui. Eh bien, ils viennent à Bruxelles (Acceptation).
Implications: une information cohérente avec le «common ground» (ex: stéréotype) est moins
informative mais plus facile à communiquer. Elle tend à se maintenir dans les conversations.
Arguments en faveur du rôle du «grounding» dans le paradigme de représentation sérielle:
On compare des objectifs de communication à des objectifs de mémorisation. Le biais est plus fort
dans le cas des objectifs de communication.
Expérience de Lyons & Kashima (2003): Manipulation de la perception du stéréotype comme
partagé dans le groupe ou non. Le biais plus fort si le stéréotype est perçu comme partagé.
Chaque relation est associée à un «common ground particulier». Ce common ground est une
«mémoire» particulière associée à chaque relation. Cette mémoire – à la fois individuelle et
collective – est «construite» dans la communication interpersonnelle, elle ne la précède pas.
Conclusion
Les processus cognitifs de mémorisation et de traitement de l’informations ne précèdent pas la
communication. Le modèle de la «mémoire encapsulée» occulte le rôle des contraintes et processus
communicationnels sur la formation, le maintien et le changement des représentations cognitives. Il
ne permet pas de rendre compte de la construction collective de la mémoire.
10. Rumeurs et représentations sociales
Un exemple de rumeur sur le web
En septembre 2001, des images de réjouissances de Palestiniens sont diffusées par CNN. On entend
dans le reportage: «This is a sweet from Ossama Ben Laden» (c'est un cadeau de Ben Laden).
Le 13 septembre, un doctorant brésilien poste le message suivant (traduit de l’anglais) sur une
mailing liste ‘social theory’ (liste de discussion sur les sciences sociales dont le public est
international, très spécialisé et peu nombreux).
OBJET: Quatrième pouvoir
"Partout dans le monde nous dépendons de trois ou quatre géants de la diffusion d'informations, et
l'un d'eux -comme vous le savez parfaitement- est CNN. Très bien, je suppose que chacun d'entre
vous (tout comme moi) a vu les images diffusées par cette société. L'une de ces séquences filmées a
particulièrement retenu mon attention: celle des Palestiniens célébrant dans la rue, la destruction
[des tours du WTC], mangeant des pâtisseries et arborant des mines joyeuses à l'intention des
caméras. Eh bien, CES IMAGES ONT ÉTÉ FILMÉES EN 1991!!! Il s'agit de Palestiniens
55
célébrant l'invasion du Koweït! Il est tout à fait inacceptable qu'une super-puissance de la
communication telle que CNN utilise des images qui ne correspondent pas à la réalité lorsqu'ils
parlent d'une affaire aussi préoccupante.
L'un de mes professeurs, ici au Brésil, détient des enregistrements datant de 1991, avec
exactement les mêmes images; il est en train d'envoyer des mails à CNN, Globo (le réseau
principal de TV au Brésil) et aux journaux, pour dénoncer ce que je considère, pour ma part,
comme un crime contre l'opinion publique. Si quelqu'un de vous a accès à ce type de documents,
recherchez-les. En attendant, je tâcherai de mettre la main sur une copie de cet enregistrement.
Maintenant, réfléchissez un instant à l'impact de telles images. Votre peuple est blessé,
émotionnellement fragilisé, et ce genre de reportage peut fort probablement engendrer des vagues
de colère et de fureur envers des Palestiniens. Il est tout bonnement irresponsable de diffuser des
images telles que celles-là. J'aimerais dire en définitive que nous regrettons tous et condamnons ce
qui s'est passé ces derniers jour; (…). Je ne voudrais surtout pas être mal compris, mais la vérité
est que, ces dernières décennies, le gouvernement américain n'a fait montre d'aucun respect pour
les autres pays.
Dans les années 1960 et 1970, les États-Unis ont soutenu nombre de coups d'État militaires à
travers le monde (y compris au Brésil en 1964). Plus tard, avec Reagan et Bush-père, il y avait, à
Washington, un consensus pour démolir les bases de nos économies, afin de nous rendre de plus en
plus dépendants (et, pour beaucoup d'entre nous, préoccupés de cette situation).
Avec votre actuel président les choses ont rapidement empiré: le protocole de Kyoto, la Guerre des
Étoiles, le plan colombien, l'échange de la forêt tropicale contre des aménagements de la dette
extérieure, l'abandon de la position de partenaire impliqué dans les négociations entre l'IRA et
l'Angleterre, et entre les Palestiniens et Israël.
Toutes ces erreurs de politique extérieure des USA font que votre pays est plus haï qu'avant, et, bien
sûr, plus vulnérable."
Le lendemain matin (14/09), la même personne envoie un message de démenti sur cette même liste.
«Chers vous tous,
Le 13 septembre, j’ai envoyé un mail à cette liste dans lequel je donnais de l’information à propos
du caractère fallacieux des images de célébration palestinienne pour le terrorisme aux USA,
information qui m’avait été donnée par un professeur. J’ai passé toute la journée d’hier à chercher
ce professeur et, malheureusement, quand je l’ai trouvée, elle a NIE avoir accès à de telles images.
Elle a dit qu’elle était sûre qu’elle avait vu ces images en 1991, mais ELLE NE PEUT LE
PROUVER. Elle n’a pas voulu donner plus d’information, RENIANT ce qu’elle avait dit
auparavant devant une classe pleine d’étudiants.
Je m’excuse sincèrement pour cette information incertaine; je ne peux malheureusement pas
prouver l’information contenue dans mon dernier message: C’EST SEULEMENT UNE
CONJECTURE (…). J’ai moi-même ‘acheté’ l’idée, et je l’ai reproduite pour vous à cause de son
importance, dans le cas où elle serait confirmée. Quelles que soient les nouvelles que j’obtiendrai,
je vous les communiquerai.
Bien à vous,»
Le jour d’après, il a envoyé ce message:
«Chers compagnons de liste,
Je vais vous raconter la plus étrange des histoires à propos de l’information. Ma vie a été
bouleversée ces derniers jours. Peut-être vous souvenez-vous de moi; [Résumé du premier e-mail].
J’ai donc écrit un second message pour réfuter cette information; je croyais fermement en cette
56
source, qui s’est révélée n’être pas digne de confiance.
Le problème est que certains membres de la liste avaient déjà reproduit le message original sur
d’autres listes. Hier (vendredi 14 septembre), j’ai été réveillé par un type venant, d’après ce qu’il a
dit, d’Autriche qui m’appelait au téléphone! Il voulait savoir si j’avais la cassette ou non; je lui ai
expliqué toute l’histoire. Dans la journée, j’ai reçu plus de 100 mails (4 d’entre eux étaient des
bombes à virus!), j’ai été appelé par 2 télévisions et 2 journaux! Le message original que j’ai
envoyé à cette liste a été traduit en espagnol, puis en portugais, puis est revenu au Brésil, après
un voyage autour du monde. Mais il est revenu changé, modifié, mutilé; certaines informations
disaient que j’étais un célèbre analyste de politique internationale brésilien, d’autres ont dit
qu’un groupe de chercheurs de mon université analysait la cassette (je faisais soi-disant partie
du groupe), etc.
Mon nom et celui de mon institution ont été liés ces jours-ci à une histoire qui est devenue plus
grosse que j’aurais pu le penser. C’était le jour le plus fou de ma vie, et un des pires.
Bon, chers amis, les choses semblent être plus calmes aujourd’hui (…). Je serai loin d’Internet
pour quelques jours, ensuite je saurai exactement quels dégâts ont été occasionnés.
Bien à vous,»
La petite information s'est déplacée très rapidement. Celle-ci, erronée, a été publiée sur un site
Internet d’information indépendant (Indymedia), puis dans des journaux généraux (Libération) et
dans certains journaux télévisés.
Par exemple, l'article suivant a été publié dans «La dernière heure» le 14/09/2001:
CNN tromperait l'opinion publique. «Les images diffusées mardi sur CNN montrant des
Palestiniens se réjouir des attentats aux États-unis pourraient être des images d'archives, a révélé
Planet Internet vendredi. X, un étudiant brésilien de l'Université de Campinas, a envoyé un
courrier électronique de par le monde pour montrer son indignation envers la façon de procéder de
CNN. D'après lui, les images de Palestiniens triomphants dataient de 1991, quand ils fêtaient
l'invasion du Koweït. "Comment une superpuissance de la communication peut-elle utiliser des
images qui ne correspondent même pas à la réalité? Un de mes professeurs dispose de vidéos
enregistrées en 1991 avec des images identiques." Le monde occidental est blessé et de telles
images pourraient facilement déclencher la haine et la violence envers les Palestiniens.»
Suites à cela, il y a eu des réactions de CNN, des démentis des journaux, etc.
Qu’est-ce qu’une rumeur? Quelques définitions
Une affirmation générale présentée comme vraie, sans qu’il existe de données concrètes permettant
de vérifier son exactitude (Allport & Postman, 1945). Il n'y a donc pas de preuve concernant cette
information.
Une déclaration destinée à être crue, se rapportant à l’actualité et répandue sans vérification
officielle (Knapp, 1944). On essaie de convaincre les gens que l'information est vraie.
Un compte rendu ou une explication non vérifiés… circulant de personne à personne et se
rapportant à un objet, un événement ou une question d’intérêt public (Peterson & Gist, 1951).
L'information touche une certaine tranche de population.
Propriétés (Knapp, 1944): C'est une communication qui utilise le canal du bouche à oreille: orale et
personnelle, elle passe donc de personne à personne, ce n'est plus le cas maintenant avec Internet.
Elle apporte un contenu informatif sur un individu ou un événement. Elle exprime et en même
temps satisfait les besoins émotionnels des individus. On exprime son état émotionnel et on répond
à un état émotionnel.
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Pour les légendes urbaines, le concept est analogue, mais les récits sont plus longs et plus
complexes que les rumeurs (Campion-Vincent & Renard, 2002). C'est tout une histoire.
La rumeur idéale
Knapp (1944) décrit la rumeur ‘idéale’. Elle est courte et simple car la capacités de la mémoire est
limitée et que les attitudes et croyances se basent sur des systèmes d’information restreints et
partiels. Ce sont des pensées sociales, des idées non-scientifique. Elle se transforme jusqu’à
atteindre une ‘bonne forme’: schéma d’équilibre présentant le moindre coût quant à sa production et
sa rétention, elle doit devenir courte, simple et cohérente. Plus une rumeur est éloignée d’un fait
connu, plus elle sera déformée lors de sa transmission. Donc, plus elle est nouvelle, plus on risque
de la transformer. Les indications précises – noms propres, chiffres, lieux – sont les composantes les
plus instables. La rumeur est souvent attribuée à une source autorisée, une source proche. Elles
s’harmonisent avec les traditions culturelles pour être acceptée par le groupe culturel. Elle doit
s’adapter aux thèmes qui intéressent la population. Une même rumeur peut être véhiculée dans
différentes cultures avec des détails différents.
Caractéristiques des rumeurs
Michel-Louis Rouquette (1977) propose une synthèse des caractéristiques attribuées aux rumeurs. Il
en distingue 7 organisées en trois classes (situation, processus, contenu)
A. La situation
Une situation de crise (guerre, accident, scandale, grippe A …) est une période anxiogène qui
provoque une perte du sentiment de sécurité ou d’homogénéité du groupe (donc risque de scission
du groupe). L’étude ‘scientifique’ des rumeurs s’est développée durant la seconde guerre mondiale.
À ce moment-là, il y avait des émissions radio de propagande allemande aux USA (fausses
informations) qui avaient pour but de faire chuter le moral des américains et on a donc créé des
organismes de contre-propagande. Gordon Allport et Robert Knapp y ont collaboré. Selon
Rouquette, la rumeur est un mode de communication à travers lequel les groupes se constituent, se
différencient et se maintiennent. La crise ne fait qu’amplifier un phénomène normal. C'est donc un
mode de communication habituelle.
Les canaux formels de communication ne véhiculent qu’une information réduite. La population
n'est pas assez informée. La probabilité d’apparition d’une rumeur serait une fonction inverse de la
quantité d’information des canaux officiels d’information. Les gens compensent en élaborant leur
propre version des faits. Il faut donc communiquer en cas de crise mais pas de façon trop complexe.
Mais certaines rumeurs précèdent ou créent l’événement. Par exemple, la rumeur d’Orléans
(Morin, 1969): des femmes auraient été enlevées dans des magasins juifs. D’autres versions
émergent régulièrement.
B. Le processus de transmission
Elle est transmise de façon orale de personne à personne (téléphone arable), il faut donc une
proximité physique de l’émetteur et du récepteur. Ce trait est peu spécifique aux rumeurs, il ne tient
pas compte des nouveaux modes de propagation des rumeurs (Internet). Ce serait une
communication sans contrôle officiel et donc non entérinée par un pouvoir? C'est une
communication entre individus également impliqués dans la même situation, des individus du
même groupe social, exposés aux mêmes médias, aux mêmes évènements.
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C. Le contenu transmis
Le contenu subit des distorsions au cours de la transmission. Allport & Postman (1947): The
psychology of rumour ont fait une étude expérimentale de la transmission des rumeurs. Il y a eu
aussi une expérience de reproduction sérielle inspirée des travaux de Stern (1902) et Bartlett (1932).
On présente un stimulus complexe (texte, image) à un sujet 1, celui-ci le décrit au sujet 2, qui le
décrit au sujet 3, etc. jusqu’à 6 ou 7 personnes. On enregistre les communications successives.
Allport & Postman (1947) décrivent trois types de distorsions:
La réduction (levelling)
Le nombre d'informations diminue. Le volume du message diminue de relais en relais, de manière
décroissante. Ensuite, on a stabilisation sur une version aisément mémorisable et communicable. On
élimine les incohérences. L'effet est purement cognitif, on ne peut pas tout retenir. Mais parfois, on
observe un ‘effet boule de neige’, c'est-à-dire l'apparition de détails (Peterson & Gist, 1951) par
exemple pour les rumeurs sur les circonstances d’un viol suivi de meurtre sur un campus, quand on
a pas assez d'informations, on en invente.
L’accentuation (sharpening)
L'attention est portée sur un nombre limité de détails et on donne de l'importance à ces détails. C'est
le complément nécessaire de la réduction. Les causes des choix sont mal connues, il n'y a pas de
théorie stricte. Au niveau du contenu, les éléments impliquant le mouvement (ex: tomber, courir,
voler), les objets saillants (grands, colorés, etc.), les symboles, les éléments narratifs (fin de
l’histoire) sont plus facilement retenu. Au niveau de la structure, on a à la fois l'effet d’antériorité
(les éléments du début sont mieux retenus) et/ou l'effet de récence (les éléments de la fin sont mieux
retenus).
L’assimilation (assimilation)
C'est la transformations du contenu, des modifications sémantiques, on change de sens. C'est en lien
avec l’organisation cognitive (attitudes, opinions, représentations) de la population. Il y a plusieurs
type d'assimilation: l'assimilation thématique (accroissement de la cohérence interne du récit
transmis jusqu'à une bonne forme (gestalt; conventionalisation, voir cours 9)), l'assimilation par
complétion (ajout d’éléments favorisant la cohérence (ex: ajouter une fin à l’histoire)), la
condensation (fusion de plusieurs détails distincts, par exemple, on voit une dame âgée, un
monsieur qui tient un journal et un autre qui promène son chien et ça devient un groupe de
personnes), l'anticipation (mécanisme de projection par lequel l’univers du récit est perçu selon les
modes caractéristiques de l’univers représentationnel: si la liaison a-b est habituelle et que le récit
présente une relation a-c, c se transformera en b), l'action des stéréotypes (utilisation de catégories
connues, rigides et non ambiguës, par exemple les jeunes voyous: scène dans le métro (Allport &
Postman, 1947), dans environ 50% des cas, le rasoir passe dans les mains du Noir.), le biais de
négativité (plus de 91% des 1089 rumeurs recueillies par Knapp étaient négatives: trahisons,
compromissions, catastrophes, scandales, etc.) et l'assimilation à un intérêt (les déformations vont
dans le sens des intérêts et des attitudes du groupe. Par exemple, le groupe professionnel attendant
la prime de fin d’année).
De plus, le contenu traduit la pensée de désir de la population. La rumeur serait «une sorte
d’écran projectif où se déchiffre la dynamique affective de la population…» (Rouquette, 1977).
C'est une idée très romantique. Rouquette critique cette conception pour son manque de validité, ce
n'est pas une règle générale.
59
Le contenu est en rapport direct avec l’actualité. Les situations sont impliquantes pour les individus.
Selon Rouquette, cela ne s’appliquerait que lors des situations de crise or il y a des rumeurs même
hors des situations de crise.
Types de rumeurs
Knapp (1944) distingue trois types de rumeurs:
La rumeur de désir: elle exprime les souhaits et les espoirs de la population. Par exemple, pendant
la guerre: «Il y aura une révolution en Allemagne d’ici l’été». C'est ce qu'on a envie de croire.
La rumeur de crainte ou d’anxiété: Elle va de l’angoisse légère à la panique. Par exemple, «La
chair de crabe mise en boîte par les Japonais contient du verre pilé», «Des araignées mortelles se
cachent dans les yuccas», «Notre ville sera bombardée demain»
La rumeur d’agression: le message est négatif à l’égard d’une partie de la population. Elle ébranle
la cohésion sociale, crée des sous-groupes en rivalité, génère des conflits entre les groupes. Par
exemple, la rumeur selon laquelle des adolescents auraient castré un jeune garçon à l’arrière d’un
magasin aux USA. Parmi les Blancs, les agresseurs étaient décrits comme noirs et la victime
comme blanche; le contraire chez les Afro-Américains (Rosnow, 1992). Ce sont des rumeurs qui
confirment les stéréotypes.
Facteurs facilitant la propagation des rumeurs
D’après Allport et Postman (1947), «premièrement, le thème de l’histoire doit avoir une certaine
importance, deuxièmement, les faits réels doivent être entourés d’une certaine incertitude»
Rosnow (1991) propose 4 conditions affectant l’apparition et la transmission des rumeurs:
1. L’incertitude générale
2. L’implication dans les conséquences du fait: D’après Rosnow, contrairement à Allport &
Postman, les gens ont tendance à communiquer des rumeurs quand ils sont peu impliqués
par les faits. Lorsqu'on est fort impliqué, on colporte moins de rumeurs. Par exemple, l'étude
de Jaeger, Anthony & Rosnow (1980). Ils lancent la rumeur selon laquelle un étudiant en
psychologie aurait été pris en train de fumer de la marijuana pendant un examen. Les
résultats montrent que les sujets qui accordent peu d’importance au thème de l’usage des
drogues sur le campus ont davantage véhiculé la rumeur que ceux qui y accordent beaucoup
d’importance.
3. L’anxiété personnelle: L'état affectif produit par l’appréhension à propos de conséquences
incertaines et potentiellement négatives. Par exemple, la même étude de Jaeger et al. (1980):
les étudiants répondaient à un test mesurant leur niveau d’anxiété avant d’entendre la
rumeur (marijuana). Les étudiants anxieux ont davantage transmis la rumeur que les
étudiants peu anxieux
4. La crédibilité: confiance dans la rumeur. Par exemple, dans une condition de l’étude
(Jaeger et al., 1980), les étudiants recevaient l’information d’un étudiant suivie d’un démenti
par un autre étudiant (crédibilité basse), alors que dans l’autre, il n’y avait pas de démenti
(crédibilité haute). Les sujets ont davantage véhiculé la rumeur dans la condition ‘crédibilité
haute’.
La théorie des représentations sociales
La représentation sociale est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une
60
visée pratique (pour déterminer les comportements à adopter) et concourant à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social (Jodelet, 1991 p. 51).
Serge Moscovici (1961): La psychanalyse, son image et son public. Il a étudié la diffusion de la
psychanalyse qui a eu du succès en France et dans les pays latins. Il différencie le savoir
scientifique et le sens commun.
Savoir scientifique
Sens commun
Style de pensée formel (structure)
Style de pensée 'naturel' --> pensée par
association comme les enfants
Produit dans des cadres déterminés (labo, unif) Production 'décentralisée': tout le monde y
participe.
Validité empirique
Validité consensuelle: pour savoir si on peut
croire en une idée, on se réfère à qui ont a
confiance
Critères logiques
Valeurs et normes sociales (pas ce qui dérange)
Exemple de validité consensuelle: «Parce que je pense, et ça je pense que je ne suis pas la seule à
le penser et que ça c’est peut-être même certain, qu’il y a beaucoup d’hommes politiques qui sont
liés dans ces histoires-là, et c’est justement pour ça qu’on les a protégés»
La représentation
C'est l'instance médiatrice entre l’objet et le sujet percevant. Avant on pensait qu'il y avait juste un
lien entre le sujet et l'objet. En fait, la représentation est une caractéristique de l'objet mais elle
comprend aussi les caractéristiques du sujet.
Quels sont les étapes pour qu'un fait devienne une représentation sociale? Il y a deux processus qui
mènent à la genèse d’une représentation sociale: l’objectivation et l’ancrage.
Objectivation
Le but est de rendre concret ce qui est abstrait, rendre simple ce qui est complexe. On veut
remplacer un concept par une image. L'image représente la chose. C'est le processus qui rend la
perception et le concept interchangeables. Par exemple, le dessin d'une poubelle pour se débarrasser
de fichier dans windows. «Ainsi l’objet du concept peut être pris pour objet d’une perception, le
contenu du concept être ‘perçu’» (Moscovici, 1976, p. 55). Il y a aussi l'importance de l’image: «La
figure est un stimulus visuel pouvant, par simple association avec un thème donné, véhiculer,
entretenir ou produire une signification. Cette dernière peut à son tour susciter l’image» (SanchezMazas, 2004, p. 96)
L’ancrage
C'est l'intégration cognitive de l’objet représenté dans le système de pensée préexistant (qui fait
partie du groupe). Il rend familier ce qui est étrange. Il aide à faire face à la menace de la nouveauté
(l'inconnu fait peur). L’élaboration de représentations sociales est une activité collective stimulée
lors de situations anxiogènes. C'est un processus cognitifs de comparaison, classement,
catégorisation, etc. Par exemple, le psychanalyste ressemble à un prêtre.
Rumeurs, objectivation et ancrage
Étude de Bangerter (2000) inspirée par une étude par questionnaire de Wagner, Elejabarrieta &
Lahnsteiner (1995) sur la représentation de la fécondation humaine.
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Le processus complexe, abstrait et non familier de la fécondation est rendu compréhensible grâce à
la métaphore des rôles sexuels et du comportement sexuel humain. Il y a projection des rôles des
femmes et des hommes. Le spermatozoïde est un homme et est donc actif, l'ovule est une femme et
est donc passive. Chaque représentation du spermatozoïde prouve ce rôle de l'homme.
Bangerter (2000) montre un texte long et complexe sur la fécondation: «La fécondation prend place
dans la trompe de Fallope, entre l’ovaire et l’utérus. L’ovule, qui se développe dans l’ovaire, est
transporté vers la trompe de Fallope. Les parois de la trompe de Fallope sont couvertes de cils. Le
mouvement de ces cils crée un courant de liquide qui transporte l’ovule jusqu’au lieu de
fécondation. Les contractions musculaires des parois de la trompe de Fallope contribuent également
largement au transport de l’ovule. L’intensité des mouvements ciliaires et la force des contractions
dépendent de l’équilibre entre les hormones sexuelles, œstrogène et progestérone. De cette manière,
l’ovule atteint le lieu de fécondation.
Pendant la copulation, le sperme est déposé directement dans le vagin. Les contractions du tractus
génital féminin ont un rôle particulièrement important dans le transport des spermatozoïdes vers le
lieu de fécondation. Ici aussi, les cils de la trompe de Fallope créent un courant qui facilite le
transport des spermatozoïdes. Les spermatozoïdes sont principalement transportés passivement vers
le lieu de fécondation. En chemin vers la trompe de Fallope, la plupart des spermatozoïdes meurent.
Bien que plusieurs centaines de millions de spermatozoïdes sont amenés dans le vagin, seules
quelques centaines de milliers atteignent le lieu de fécondation.
La rencontre du spermatozoïde et de l’ovule se fait apparemment au hasard. Il n’est donc pas vrai
que les spermatozoïdes ont le sens de l’orientation, ou que l’ovule, d’une certaine manière, attire
chimiquement les spermatozoïdes. Le premier contact a lieu grâce à une réaction d’attachement
causée par des substances à la surface de l’œuf et du spermatozoïde. Un seul spermatozoïde doit
pénétrer dans l’ovule à travers les couches de membrane. Cela est rendu possible par une
dissolution locale des couches de membrane par ce que l’on appelle des lysines, qui proviennent
probablement de la tête du spermatozoïde. C’est seulement alors qu’a lieu la fusion de l’ovule et du
spermatozoïde. Immédiatement après la fusion, d’autres processus ont lieu, qui mènent, entre
autres, à un durcissement de la membrane de l’ovule. La membrane modifiée empêche d’autres
attachements de spermatozoïdes."
Les cellules sexuelles y sont décrites de manière très passive: ce sont les mouvements induits par les
parois de l’utérus et des trompes de Fallope qui assurent leur transport et pas leur vivacité.
On fait passer le texte par plusieurs chaînes de rumeurs de 4 générations.
Résultats: On observe une diminution habituelle du volume d’information: 290 mots dans le texte;
107 en 4° génération. On constate aussi une personnification: un accroissement de la proportion
des verbes d’action. Les cellules sexuelles se retrouvent plus souvent en position de sujet et plus
actives que dans le texte original. On constate aussi une stéréotypisation c'est-à-dire une
augmentation de la proportion de phrases où le spermatozoïde est le sujet et l’ovule l’objet, le
spermatozoïde voyage activement.
Fonctions des Représentations sociales
Il y a des fonctions individuelles et collectives.
Les fonctions individuelles sont: une fonction ‘épistémique’: motivation des individus à disposer
d’une vision cohérente, simple et stable de la réalité (Fiske: Comprendre) (construction et
interprétation de la réalité), une affiliation sociale et communication (Appartenir et faire confiance)
et une orientation des conduites (Contrôler).
Les fonctions collectives sont: l'établissement et le maintien du lien social, la définition de l’identité
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sociale, c'est faire face à la menace (par exemple l'affaire Dutroux: vision dichotomique de la
société), la légitimation des structures sociales et la justification des pratiques.
Représentations sociales et rumeurs
Les représentations sociales se construisent à travers un processus de validation sociale qui s’opère
lors d’interactions sociales (conversations).
La rumeur serait un mode de construction de représentations sociales parmi d’autres.
11. Représentations sociales en situation de crise
Réactions populaires en période de crise
Quels sont les réactions des gens en période de crise? Les rumeurs, par exemple, se répandent plus
dans les périodes de crise.
Théories sociologiques (Goode & Ben-Yehuda, 1994)
Des paniques morales s'emparent de la population en périodes d’intense émotion populaire face à
des situations considérées comme menaçantes pour la société. A ce moment, il y a un haut degré
d’inquiétude populaire, les gens sont très inquiets, ce qui implique un comportement particulier.
Des sentiments hostiles naissent à l’égard d’une ou plusieurs catégories de personnes dont le
comportement est désigné comme responsable de la menace que ce soit des personnes à l'intérieur
ou à l'extérieur du groupe. Les consensus augmentent concernant tant l’importance et la nature de la
menace que l’attribution de sa cause à une catégorie sociale. Il y a une disproportionnalité entre
l’inquiétude ressentie et la nature réelle de la menace comme si la menace était bien plus grande. La
réaction populaire est versatile, la panique monte très vite mais redescend vite aussi, la période de
crise est un pic d'inquiétude.
Des «démons populaires» (folk devils) sont désignés comme source de la menace, des stéréotypes
de déviants leur sont attribués et des mesures sont prises pour lutter contre leurs actions jugées
néfastes. Par exemple, dans un village, quelques voyous sèment la terreur et on leur implique donc
tous les problème de la communauté. Après un moment, on retourne à ses préoccupations
habituelles.
Théories psychosociologiques
Crise (Joffe, 1996, 2005): crises alimentaires (poulet à la dioxine), épidémies (SIDA), crise
politique, etc.
On constate des émotions négatives telle que l'angoisse dans la population. On observe une
catégorisation sociale: eux d'un côté et nous de l'autre. On désigne un sous-groupe comme
responsable. De plus, on attribue la responsabilité à l’exogroupe (bouc émissaire: groupe chargé de
tous les maux). On prend actions à l’encontre de l’exogroupe. Par exemple, lors d'épidémies,
famines, guerres, etc., on constate une montée de l'angoisse, la responsabilité est attribuée à une
minorité (les sorcières) et on décide alors de persécuter les «sorcières». On pense que les éliminer
permettra d'éliminer la crise. On élabore aussi des théories de la conspiration ou du complot. Ce
sont des théories qui attribuent à une minorité des projets “machiavéliques” visant à nuire au reste
du groupe (Moscovici, 1987).
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Un exemple: l’affaire Dutroux
Licata & Klein (2000). Situation de crise, explications profanes et citoyenneté: l’affaire Dutroux
Les évènements
Juillet 1995: enlèvement de Julie et Mélissa.
Août 1996: libération par la police de deux petites filles – Sabine et Lætitia – enfermées dans une
cave chez Marc Dutroux.
Le lendemain: découverte des corps de Julie et Mélissa, disparues un an plus tôt, mortes dans des
circonstances horribles
Plus tard, découverte des corps de deux adolescentes: An et Eefje enlevée à Ostende.
En mars 1997: découverte du corps de Loubna Benaïssa, assassinée par Patrick Derochette. C'est
donc une année de crise.
On constate la mise en cause de la police, de la justice, du monde politique belges:
dysfonctionnements généraux de l'état belge. Le mouvement blanc, un mouvement citoyen
apolitique voit le jour. Le 20 octobre 1996: on assiste à la première marche blanche. Plus de 300
milles personnes défilent vêtues de blanc dans les rues de Bruxelles (la plus grande manifestation
depuis la fin de la guerre).
La situation est perçue comme menaçante pour les individus, d'autant plus que Dutroux s'évade. On
séquestre, viole et tue des enfants en toute impunité et l'État ne nous protège pas. La situation est
aussi menaçantes pour l’identité du groupe car on parle des pédophiles belges à travers le monde.
Ça s’est passé chez nous, par des gens de chez nous. Quelles représentations sociales le groupe a-t-il
élaboré pour faire face à cette menace? Il y a eu un rôle des médias et de la communication
informelle.
Enquête qualitative
Interviews de 32 personnes, membres et non-membres de Comités Blancs mais uniquement des
personnes qui ont affichés de l'intérêt pour l'affaire. Des questions ouvertes leur ont été posée pour
avoir des explications des différents éléments de l’affaire Dutroux.
Implication émotionnelle
Comment j'ai réagi? Ben euh, pff, comment je vais qualifier ça, en tout cas horrifiée, de toute
façon, vraiment, horrifiée, donc euh, j'aurais jamais imaginé un truc pareil, euh, si je, disons on
avait parlé de cette histoire, de, à Londres, (ce qui s’est passé en Angleterre, en Grande-Bretagne
plutôt, euh, mais c’était loin hein, c’était loin). (Femme, Comité Blanc) Si ça c'était passé ailleurs,
ça aurait été moins grave!
Menace de l’identité nationale
Enquêteur: Vous pensez qu’il y en a beaucoup, des gens comme ça?
Beaucoup, ben il y en a plus qu'on pense, et j'ai cru que si on avait trouvé des gens comme ça,
comme Dutroux, eh bien que ç'aurait été des étrangers, je n'aurais pas cru que ça aurait été des
Belges, mais qu’ils venaient d’ailleurs faire ça, ne fut-ce que des Français, des Italiens – mais vous
savez qu’ils ne font pas ça dans leur pays, qu’ils vont faire ça ailleurs – et que ça aurait été peutêtre des Belges qui auraient été faire ça de l'autre côté, mais j'ai pas cru qu'ils auraient le culot, je
suis honteuse encore d'être belge hein. (Femme, Non-membre) Les gens ont tendance à s'identifier
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au même groupe que les parents des enfants.
Identification aux victimes
Parce qu’il paraît qu'il y avait des membres qui étaient déchiquetés, est-ce qu'on leur a enlevé les
membres, coupé un membre quand elles étaient vivantes ou mortes? Alors il y a quand-même le
doute sur qu'est-ce que nos enfants ont souffert avant de mourir. Mais maintenant il y a le doute
chez tous ces parents. (Femme, non-membre). Les gens affichent des autocollant: protégeons nos
enfants, ils se mettent donc à côté des victimes.
Catégorisation sociale
Enquêteur: Vous dites que ça vous a aussi touché parce que vous avez des enfants.
Ah oui! Moi j'en ai trois. Parce que justement c'est arrivé à des simples gens, comme nous, c'est
pas arrivé à un politicien, c'est pas arrivé à une vedette de football, c'est pas arrivé à quelqu'un du
cinéma, c'est à des simples gens comme nous, de simples citoyens. (Femme, Comité Blanc) Le nous
se dessine.
La personnalité de Dutroux
Selon vous, comment Dutroux en est-il arrivé là? Les gens ont du mal à répondre à cette questions,
on voit 3 registres dans les réponses:
•
Psychopathologique: pervers, pédophile, pervers pédophile, psychopathe, psychopathe
pervers… Reprise de mots utilisés par les psychiatres, psychologue.
•
Criminologique: criminel, meurtrier, assassin… mots utilisés dans le registre juridique
•
Déshumanisation: monstre, animal, bête: Est-ce que ce sont des êtres humains ou est-ce
que ce sont des bêtes? Oui parce que les animaux, ils se cachent encore pour ça, mais ici
vraiment c'est, non. (femme, non-membre)
On observe deux éléments récurrents: le caractère inné et l'incurabilité
Caractère inné: Oui, un malade, il est né comme ça, je pense ça, un malade pervers, je pense que
c'est pas l'influence des parents qui peut jouer, non, je pense qu'on a ça dans ses veines, peut-être
que ce n'est pas à toute heure du jour, que c'est latent, mais on a des crises, euh ... (femme, nonmembre)
Incurabilité: De toute façon maintenant il va être inculpé, enfin je l’espère, ou alors il va encore
être interné et on va à nouveau le re-libérer et ça va de nouveau être un autre enfant qui va
disparaître, alors bon, et ça continuera toujours jusqu’à ce que la justice comprenne que ces genslà ce sont … ce sont des détraqués et qu’il ne faut pas les libérer, que de toute façon, même en
suivant des thérapies ça s’arrangera pas, quoi. Ils sont tarés, ils sont tarés. (femme, Comité Blanc)
On constate un paradoxe entre l’identification du problème et les mesures préconisées. Il y a un
conflit entre explications psychopathologiques et criminologiques. On admet qu'il est incurable
mais on veut le punir, les gens sont à nouveau pour la peine de mort. S’il est malade, il faut le
soigner (psychiatrie), or on veut qu’il soit condamné.
Moscovici (1961): primat de la conclusion dans la pensée naturelle: «Au lieu que l’enchaînement
logique coïncide avec l’orientation du jugement, et la détermine, c’est cette orientation qui
détermine l’enchaînement logique» (p. 261) Ici, la conclusion désirée est la condamnation. Or, elle
est incompatible avec une explication en termes de maladie mentale. Il y a donc une contradictions
dans le discours. Le raisonnement est déterminé par la conclusion.
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Un pervers, euh, enfin moi je crois que ce sont des gens, malades c'est trop facile, il y a des gens
malades, enfin pour moi je trouve ça trop facile, euh, des gens qui ont des sérieux problèmes, mais
comme on voit qu'ils répètent chaque fois, qu'ils recommencent chaque fois, quelle est la solution?
Ça j'en sais rien. Comment lui en est arrivé là? Ben je sais pas, c'est, c'est, c'est une essence
humaine. (Interview CB3; femme, Comité Blanc)
Les autres responsables
Les protections sont venues d’en haut.
Enquêteur: Vous ne pensez donc pas que Dutroux ou Derochette sont les seuls responsables?
Ce ne sont que des, des pions dans l' histoire en fait, c'est, c'est les petits dans l' histoire, et euh …
au-dessus d'eux il y a Nihoul, puisque de toute façon tout le monde, tous ceux qui, qu'on a arrêtés
maintenant, connaissaient Nihoul, et Nihoul est protégé par des hommes plus haut, qui eux euh …
ainsi de suite. (Femme, Comité Blanc). C'est la théorie des réseaux, il y a une hiérarchisation dans
les responsabilité. On peut d'ailleurs voir un dessin de Kroll avec «Ainsi donc des loups... enlèvent
des anges... pour des cochons... que des rats protègent». Le système est donc corrompu.
Les motivations de Dutroux
La réponse donne lieu à un consensus, les motivations de dutroux sont le vice et l’argent.
Moi je crois qu'il y a deux motivations: d'abord on était tombés sur la bonne personne parce qu'il
était malade et que ça l'intéressait, et ensuite ça, il y avait de l'argent à la clé, et c'est un fait, parce
que ce bonhomme ne travaillait pas, et il avait 5 ou 6 maisons, (certainement il a dû toucher de
l'argent d'un côté ou de l'autre). (Femme, non-membre)
Théorie des réseaux
Les gros bonnets sont riches et pervers.
Enquêteur: Et qui serait dans ces réseaux?
Toujours les plus gros, hein. Qui achète des cassettes pornographiques avec des enfants? Celui qui
a l'argent, pas nous. C'est des cassettes qui sont très, très chères. (Femme, Comité Blanc)
On observe un glissement de sens: acheter ces cassettes implique de figurer dans le film.
Ce n'est pas le petit ouvrier qui va se permettre d'acheter une cassette d'un million, c'est non, ce
sont des gens haut-placés, et à partir du moment où vous avez des gens haut-placés qui participent
à certaines scènes, et, mais ce sont des gens qui vont protéger celui qui leur procure. (Interview
CB7; femme, Comité Blanc)
Représentation dichotomique de la société
D'un coté il y a ‘eux’: haut-placés, riches, puissants, pervers et donc impurs.
De l'autre côté il y a 'nous': gens simples, moyens et modestes, ordinaires, normaux et donc purs.
Le mouvement blanc
Le mouvement blanc est un symbole de pureté et de neutralité politique
Enquêteur: Et pourquoi a-t-on choisi le blanc?
Je crois que c'est, ce qu’on peut appeler, si c'est une couleur, enfin c'est une couleur dans la palette,
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mais euh, c'est la pureté, c'est apolitique, pour moi c'est ça, c'est la pureté, c'est apolitique, c'est
déjà pas mal. (Femme, Comité Blanc)
On associe la neutralité politique et la pureté et on en déduit une association entre politique et
impureté.
La forme prise par le mouvement citoyen correspond à la représentation sociale de la société
émergeant suite à la crise. Tous les discours étaient orienté là-dessus.
Synthèse
Contraintes
Cohérence: on ne peut pas délirer. La théorie du complot doit avoir une logique cohérente, c'est
souvent un petit groupe qui complote contre le monde.
Compatibilité avec la réalité: il doit y avoir une compatibilité avec ce qu'on observe mais dans ce
cas, la relation entre les médias, les enquêteurs et l’opinion publique a été pervertie. Des lignes
téléphoniques ont été ouvertes pour dénoncer la pédophilie, des témoins X ont inventé des histoires,
commission parlementaire télévisée, etc. Il n'y avait pas de contact direct avec le réel.
Compatibilité avec le sens commun, la réalité déjà partagée. Il y avait des ancrages historiques
récents: affaire Cools, ballets roses (histoire de mœurs avec mineurs), tueurs du Brabant Wallon
(tuerie jamais élucidée) et des ancrages historiques anciens: la pyramide sociale: dessin avec toutes
les catégories sociales représentées, les ouvriers étant tout en bas écrasés par tous les autres.
Au lieu d'avoir une voie normale de l'enquête vers les médias puis vers le public, il y avait des liens
dans tous les sens: public vers média et vers enquêteurs par exemple.
Fonctions de la théorie explicative
Explication cohérente des faits: La théorie du complot est une «bonne forme», elle est simple, cela
donne aux gens un sentiment de comprendre et donc une réduction de l’angoisse.
Faciliter la communication: resserrer le lien social ce qui permet d'rétablir la confiance.
Protéger l’identité sociale: ils sont mauvais; nous sommes bons et donc valorisation.
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Proposer un mode de résolution de la crise: nettoyons le système corrompu (faire exploser le palais
de justice) ce qui permet le sentiment de contrôle.
Les fonctions rencontrent plusieurs des motivations sociales de base proposées par Fiske (2004)
Lors d'une perte de confiance, on a l'élaboration d’une représentation sociale qui permet d’avoir le
sentiment de comprendre, de se valoriser et de contrôler les événements, au sein d’un groupe
d’appartenance.
Exemples de question d'examen
D’après la théorie de la violation des attentes de Burgoon (1988), le fait d’enfreindre les normes
proxémiques en se tenant trop près d’une autre personne:
1. Est toujours bénéfique à la relation
2. Est toujours mauvais pour la relation
3. Peut être bénéfique si l’attitude préalable de l’offensé envers l’offenseur est positive
4. Peut être bénéfique si elle est compensée par l’évitement du regard
Selon la typologie de Chandler, quel type de lien entre signifiant et signifié existe-t-il dans le cas de
ce signe? Dessin d'une dépanneuse et d'une voiture
1. Iconique
2. Indexique
3. Symbolique
4. Connotatif
Dans l’étude de Larson et al. (1998), des étudiants en médecine regardaient chacun une vidéo d’un
patient décrivant différents symptômes. Ils recevaient chacun des informations partagées et des
informations non partagées. Lors de la discussion de groupe qui a suivi:
1. Les informations non partagées étaient communiquées plus souvent et plus tôt que les
informations partagées
2. Les informations non partagées étaient communiquées moins souvent mais plus tôt que les
informations partagées
3. Les informations non partagées étaient communiquées moins souvent et plus tard que
les informations partagées
4. Les informations non partagées étaient communiquées plus souvent mais plus tard que les
informations partagées
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