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UN FILM DE ABDERRAHMANE SISSAKO DOSSIER D’ACCOMPAGNEMENT PÉDAGOGIQUE CRÉDITS DU DOSSIER SOMMAIRE Dossier pédagogique rédigé par Axel Duc, professeur d’Histoire-Géographie, pour Zérodeconduite.net, en partenariat avec Le Pacte Distribution. Introductionp. 2 Dans les programmesp. 4 Fiche technique du film p. 5 Séquencierp. 6 Activité 1 : Nation et État dans un pays d'Afrique de l'Ouest p. 10 Activité 2 : L'insertion d'un pays pauvre d'Afrique p. 17 dans la mondialisation Activité 3 : Islamisme radical et Djihadisme www.zerodeconduite.net Contact : [email protected] / 01 40 34 92 08 2 Dossier pédagogique Timbuktu p. 20 Pour aller plus loinp. 29 Corrigé des activitésp.31 INTRODUCTION « Le 29 juillet 2012 à Aguel’hok, une petite ville au nord du Mali, alors que plus de la moitié du pays est occupée par des hommes dont la plupart sont venus d’ailleurs, s’est produit dans l’indifférence quasi totale des médias et du monde un crime innommable. Un couple d’une trentaine d’années qui a eu le bonheur de faire deux enfants a été lapidé jusqu’à la mort. Leur crime : ils n’étaient pas mariés. La scène de leur mise à mort diffusée sur internet par les commanditaires est horrible. La femme meurt au premier coup de pierre reçu, et l’homme émet un cri rauque, puis un silence. Peu de temps après, ils seront déterrés pour être enterrés plus loin. Aguelhok n’est ni Damas ni Téhéran. Alors on ne dit rien. Ce que j’écris est insupportable, je le sais. Je ne cherche aucunement à émouvoir pour promettre un film. Et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment. » C’est par cette anecdote que le réalisateur Abderrahmane Sissako explique la genèse de son quatrième long-métrage de fiction, Timbuktu. Le film s’ancre dans la volonté du réalisateur, mauritanien ayant passé son enfance au Mali, de s’engager auprès des populations qui y avaient subi l’occupation djihadiste durant de longs mois, entre 2011 et 2013. À l’heure où la présence de ces groupes au Sahel est toujours réelle, malgré l’intervention française depuis janvier 2013 (opération Serval), ce projet a été vécu comme une catharsis par de nombreux réfugiés maliens en Mauritanie, qui y ont pris part avec enthousiasme. Pour d’évidentes raisons de sécurité, le tournage s’est déroulé dans la bourgade de Oualata, dans l’est du pays, sous protection de l’armée mauritanienne ; classé au patrimoine mondial de l’humanité, le village présente de grandes similitudes avec l’architecture saharienne de Tombouctou. A.Sissako avait à l’origine le projet de s’intéresser au Nord-Mali sous la forme documentaire, qui lui est également familière. Mais face à l’impossibilité de tourner ce projet initial dans une région profondément instable et dangereuse, il s’est résolu à tourner un long-métrage de fiction, qui lui offrait plus de liberté pour exprimer son point de vue, et permettait de délivrer un message universel sur la lutte contre l’obscurantisme et la barbarie. Timbuktu renoue avec la veine humaniste et poétique de ses précédents long-métrages, tous distingués par les grands festivals internationaux : La vie sur terre en 1998 (film d’autofiction sur les traces de son père au Mali), Heremakono (En attendant le bonheur) en 2002 (où l’on suit un jeune Malien en partance pour l’Europe via la Mauritanie ; sélectionné à Un certain regard à Cannes), et Bamako en 2006 (sur fond de procédure judiciaire des Maliens contre le FMI et la Banque Mondiale ; projeté en sélection officielle hors-compétition à Cannes ; César du meilleur espoir féminin pour Aïssa Maïga). À son tour, Timbuktu a été sélectionné par le festival de Cannes, en compétition cette fois, où il a obtenu le Prix du Jury Œcuménique et le Prix François Chalais (qui récompense les films incarnant les valeurs du journalisme). Timbuktu est donc bien une fiction, qui se garde d’ailleurs bien d’évoquer le nom de l’organisation djihadiste qui s’est emparée de Tombouctou le 1er avril 2012 (Ansar Dine) et qui y a fait appliquer avec violence la charia à une population terrorisée. Il comporte pourtant une évidente dimension documentaire, la narration s’autorisant des digressions de l’intrigue principale autour du Touareg Kidane et de sa famille : le réalisateur nous place en effet au cœur de l’obscurantisme, dans une succession de scènes-choc où se confrontent des djihadistes de chair et de sang très humains, trop humains, et les habitants victimes des nouvelles règles, mais aussi porteurs d’espoir lorsqu’ils tentent de résister avec dignité à l’iniquité et à l’absurde. L’intérêt pédagogique principal de Timbuktu est, on s’en doute, de nous mettre en présence d’un phénomène contemporain de la géopolitique mondiale : le djihadisme international, et son idéologie, le salafisme ; à ce titre, il illustre avec justesse certains thèmes d’étude dans les programmes d’histoire de 3e ou de Première ES et L. Deux ans après le tournage, le film trouve d’ailleurs un tragique écho dans l’actualité, cette fois à travers les exactions du groupe Daech en Syrie et en Irak. Mais, pour exploiter toute la richesse de ce film, on saura également y trouver, en décalant légèrement le regard, nombre d’indices qui permettront de sensibiliser les élèves aux thèmes de géographie de 4e (sur la mondialisation ou les pays pauvres) et surtout de Terminale générale (sur la mondialisation ou le Sahara). 3 Dossier pédagogique Timbuktu DANS LES PROGRAMMES Enseignement Géographie Niveau Dans les programmes 4e II- Les territoires de la mondialisation Thème 3 : Les pays pauvres Les États les plus pauvres présentent des caractéristiques communes : déficit de développement et pauvreté, marginalisation économique, problèmes politiques, inégalités socio-spatiales à toutes les échelles, mais aussi perspectives de développement. Étude de cas au choix : un « pays moins avancé » (PMA). NB : On peut donc prendre le cas du Mali. III- Questions sur la mondialisation Thème 1 : La mondialisation et la diversité culturelle La mondialisation est porteuse d’uniformisation mais la diversité des cultures, des langues et des religions demeure. Histoire 3e II- Une géopolitique mondiale depuis 1945 Thème 3 : Géopolitique du monde actuel Histoire 1ère ES/L Thème 2 - La guerre au XXème siècle Question 2 : De la guerre froide à de nouvelles conflictualités (…) — de nouvelles conflictualités depuis la fin de la guerre froide. Géographie Terminale S Terminale ES/L Thème 3 - Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Question 2 : L’Afrique : les grands défis du développement Le Sahara : ressources, conflits. NB : il est également possible d’intégrer l’étude du film, dans le cadre d’une réflexion sur les flux mondialisés (mobilités humaines, échanges culturels, transferts de biens légaux et illicites, organisations internationales …), au sein du thème 2 sur la mondialisation en classe de Terminale, tant en séries ES et L qu’en série S. 4 Dossier pédagogique Timbuktu FICHE TECHNIQUE DU FILM TIMBUKTU Un film de : Abderrahmane Sissako Avec : Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri, Hichem Yacoubi, Kettly Noël, Fatoumata Diawara Année : 2014 Langue : Français Pays : France Durée : 97 minutes Distributeur : Le Pacte Synopsis : Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs… 5 Dossier pédagogique Timbuktu SÉQUENÇAGE DU FILM Minutage Lieu de l’action Description 1 0:00 désert Un pick-up orné du drapeau noir des djihadistes poursuit une gazelle ; ils tirent à l’arme automatique. Plus tard, les mêmes hommes s’exercent au tir sur des masques et des sculptures dogons. 2 2:39 désert Des combattants armés livrent un otage occidental aux djihadistes. 3 4:25 Tombouctou Dans les rues, des djihadistes énumèrent dans un porte-voix la liste des interdits. Des hommes armés, affublés d’une chasuble « police islamique », patrouillent dans la ville pour faire respecter l’ordre nouveau. 4 5:55 mosquée Des djihadistes pénètrent dans le lieu de culte chaussés et en armes pour avertir l’imam qu’ils sont les nouveaux maîtres des lieux. 5 7:15 rivière Le jeune berger Issan mène ses vaches s’abreuver ; le pêcheur Amadou le met en garde qu’elles ne s’approchent pas de ses filets. 6 8:29 tente de Kidane dans le désert Kidane bavarde avec sa femme Satima et sa fille Toya ; il pense faire don du veau de sa vache préférée, GPS, à son berger Issan. 7 9:40 désert Au puits, des hommes remplissent des bidons d’eau. L’un d’entre eux va ensuite en livrer à Amadou, au bord de la rivière, puis à Satima dans sa tente. 8 11:00 Tombouctou Au marché, un djihadiste cherche à contraindre une vendeuse de poisson de mettre des gants ; celle-ci résiste, et va même jusqu’à lui proposer de lui couper les mains. Elle se fait arrêter. 9 11:46 désert Le djihadiste Abdelkrim apprend à conduire le pick-up Toyota avec Omar, le jeune homme qui lui sert de chauffeur. 10 12:40 tente de Kidane Kidane prend congé de sa femme et de sa fille avant de s’absenter pour aller à la ville. 11 14:30 mosquée L’imam débat avec le chef djihadiste Abou Hassan de la nature du djihad et des dangers que ses hommes font peser sur la population. 6 Dossier pédagogique Timbuktu SÉQUENÇAGE DU FILM 12 16:26 tente de Kidane En l’absence de Kidane, Abdelkrim rend visite à Satima, sur laquelle il jette un regard concupiscent tandis qu’elle se lave les cheveux. Elle refuse de se couvrir la tête lorsqu’Omar, qui traduit de l’arabe au tamasheq, le lui demande. Abdelkrim lui laisse son numéro de téléphone en cas de besoin. 13 18:48 Tombouctou Trois djihadistes discutent football en français. Tête nue et vêtue de couleurs vives, Zabou, une femme à l’esprit dérangé, provoque les hommes en armes. « Je dois partir », se lamente la jeune vendeuse de poisson en pleurs. 14 21:21 désert Dans leur pick-up, Omar et Abelkrim discutent des visites répétées de ce dernier à Satima, une femme pourtant mariée. 15 23:35 tente de Kidane De retour chez lui, Kidane discute avec sa femme Satima du fait que tous leurs voisins aient fui. Elle préfèrerait partir pour se rapprocher d’eux, mais il insiste pour rester, malgré la peur. 16 25:51 une maison à Tombouctou Le groupe des trois djihadistes enregistrent une vidéo de propagande. Le jeune Mobi, ancien rappeur, ne parvient pas à y mettre la conviction nécessaire, malgré les indications de son mentor. 17 28:30 Tombouctou De nuit, les djihadistes entendent de la musique, pourtant interdite. Ils cherchent à en repérer la source. L’un des hommes, désemparé, prévient son chef Abou Hassan qu’il s’agit de « louanges à Dieu et à Son prophète ». 18 30:55 tente de Kidane La même nuit, Kidane joue de la guitare pour sa famille. 19 31:27 rivière Issan mène les vaches s’abreuver. GPS se prend les pattes dans un filet de pêche et Amadou l’abat d’une sagaie. 20 33:22 tente de Kidane Issan en pleurs vient prévenir Kidane du malheur. En colère, celui-ci s’empare de son revolver ; Satima le raisonne néanmoins avant qu’il ne rende visite à Amadou. Toya cherche à consoler Issan. 21 38:57 Tombouctou Tandis que s’égrène la liste des interdits au porte-voix, les djihadistes cherchent le propriétaire d’un ballon de football égaré. Plus tard, celui-ci est jugé par un tribunal installé dans l’ancienne école : il est condamné à 20 coups de fouet. Aux portes de la ville, des jeunes miment l’action d’un match de football sans ballon. Ils ne s’interrompent que lorsque des djihadistes suspicieux viennent les observer en moto. 22 43:15 rivière Kidane interpelle Amadou. Les deux hommes en viennent aux mains. Un coup de feu part involontairement du revolver que Kidane portait dans une poche de son boubou : Amadou est tué. Plus tard, des djihadistes découvrent le corps et partent à la recherche du meurtrier. 7 Dossier pédagogique Timbuktu SÉQUENÇAGE DU FILM 23 47:40 désert Kidane est arrêté et emmené à la prison de Tombouctou. 24 48:55 tente de Kidane Satima et Toya attendent Kidane. La fille propose à la mère de se rapprocher du réseau au cas où il passerait un appel. 25 49:35 prison Kidane fait prévenir sa famille par téléphone par un de ses gardiens. 26 51:33 Tombouctou Dans une maison, de jeunes gens qui ignorent être surveillés par la police islamique jouent de la musique et chantent. Les djihadistes finissent par investir la pièce pour les arrêter. 27 53:41 prison Le chef djihadiste Abou Hassan avertit Kidane que la charia va être appliquée : il sera condamné à mort et exécuté, à moins que la famille de la victime ne lui pardonne en échange du « prix du sang », fixé à 40 vaches. Kidane accepte la sentence avec résignation, mais s’inquiète du sort de sa fille, qu’il souhaite revoir avant de mourir. 28 1:00:59 tente de Kidane La vie quotidienne se poursuit autour des chèvres et des vaches pour la famille de Kidane, malgré l’angoisse du sort qui l’attend. 29 1:01:58 Tombouctou Le tribunal condamne un musicien et la chanteuse à 40 coups de fouet pour avoir joué, et 40 autres pour s’être trouvés homme et femme dans la même pièce. Plus tard, on assiste à l’exécution de la sentence sur le terrain de football. La femme se met à chanter pour accompagner les coups. 30 1:04:05 désert Abdelkrim fume en cachette derrière une dune. Omar se moque de lui. 31 1:05:24 Tombouctou Les trois djihadistes sont chez Zabou, adepte des pratiques vaudou, qui pense avoir ressenti le tremblement de terre de Haïti le 12 janvier 2010. Plus loin, la police islamique arrête une jeune femme qui affirmait être au téléphone avec son frère. 32 1:07:27 hors de la ville / Tombouctou La jeune femme et son amant sont enterrés et lapidés par un groupe d’hommes. Un des djihadistes s’abandonne à la danse chez Zabou. 33 1:10:22 Tombouctou En l’absence de son père, le djihadiste Abou Jaafar demande la main de Safia, une jeune fille croisée dans la rue. Face au refus de la mère, il brandit la menace du mariage forcé. 8 Dossier pédagogique Timbuktu SÉQUENÇAGE DU FILM 34 1:12:44 désert Abdelkrim continue ses leçons de conduite avec Omar. 35 1:13:38 tente de Kidane Toya cherche désespérément du réseau téléphonique, tandis qu’Issan rêve des 40 vaches nécessaires pour sauver Kidane. 36 1:14:32 tribunal Kidane est extrait de sa cellule et conduit dans la salle du tribunal. La famille d’Amadou refuse de lui pardonner son geste. Pendant la séance, Satima tente par téléphone d’intercéder en sa faveur auprès d’Abdelkrim. Omar lui fait comprendre que c’en est terminé. 37 1:19:13 mosquée Sur la plainte de la mère, l’imam cherche à remettre en cause le mariage forcé de Safia avec Abou Jaafar. Les chefs djihadistes lui font comprendre qu’ils sont désormais source de toute légalité, y compris religieuse. 38 1:22:45 prison Aux portes de la ville, Kidane est sur le point d’être exécuté, lorsque sa femme Satima, venue sur la moto du porteur d’eau, se précipite vers lui. Ils sont tous deux abattus par les djihadistes, qui prennent ensuite en chasse le motard. En parallèle, on assiste aux courses du porteur d’eau en fuite, de Toya et d’Issan dans les dunes, et d’une gazelle rappelant celle des premières images du film. 39 1:28:38 9 Dossier pédagogique Timbuktu Générique TIMBUKTU ACTIVITÉ 1 NATION ET ÉTAT DANS UN PAYS D’AFRIQUE DE L’OUEST Un film de Abderrahmane Sissako 2014 Le film Timbuktu n’a pas vocation à donner une image précise des problématiques étatiques du Mali, qui serait pris comme exemple-type des États nés de la décolonisation française en Afrique de l’ouest (22 septembre 1960 dans le cas présent). Les brefs épisodes qui rythment néanmoins le récit, à commencer par le sort de Kidane, ne sauraient être compris sans une réflexion sur les rapports qu’entretiennent l’État et les groupes nationaux dans ces pays, fort éloignés de la conception de l’État-nation telle qu’elle a été conceptualisée en Europe au XIXe siècle. QUESTIONNAIRE 1- Sur la carte du document 1, situez le Mali. Que peut-on dire de ses frontières ? Comment l’expliquer, à votre avis ? 2- Faites quelques recherches sur l’histoire de ce territoire. A-t-il connu des périodes historiques fastes ? Quelles civilisations s’y sont succédé ? Dans quels scènes le film met-il fugacement en scène ce passé ? Repérez la situation de Tombouctou sur la carte, puis développez un peu sur l’histoire de cette célèbre cité. 3- Remplissez le tableau page suivante. Si on compare ce tableau à la carte du document 3, qu’en déduire de la société malienne ? Si on confronte ces constatations avec la définition de l’UNESCO au document 4, peut-on dire que le Mali constitue un État-nation ? 4- D’après le document 5, que peut-on dire des frontières des États africains ? Et des migrations qui les traversent ? Le film illustre-t-il ce constat ? 5- Les autorités de l’État malien sont-elles visibles dans le film ? Face aux djihadistes, qui représente la seule autorité de poids ? Qu’en déduire de l’État au Mali ? 10 Dossier pédagogique Timbuktu TIMBUKTU NATION ET ÉTAT DANS UN PAYS D’AFRIQUE DE L’OUEST ACTIVITÉ 1 Un film de Abderrahmane Sissako 2014 Personnage(s) 11 Dossier pédagogique Timbuktu Scène(s) donnant des Langue(s) indices (se reporter employées(s) au séquencier) [maternelle / de communication] Mode de vie Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) TIMBUKTU NATION ET ÉTAT DANS UN PAYS D’AFRIQUE DE L’OUEST ACTIVITÉ 1 Personnage(s) 12 Dossier pédagogique Timbuktu Scène(s) donnant des Langue(s) indices (se reporter employées(s) au séquencier) [maternelle / de communication] Mode de vie Un film de Abderrahmane Sissako 2014 Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) TIMBUKTU NATION ET ÉTAT DANS UN PAYS D’AFRIQUE DE L’OUEST ACTIVITÉ 1 Personnage(s) 13 Dossier pédagogique Timbuktu Scène(s) donnant des Langue(s) indices (se reporter employées(s) au séquencier) [maternelle / de communication] Mode de vie Un film de Abderrahmane Sissako 2014 Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) DOCUMENTS Document 1 - L’Afrique : États et relief Document 2 - L’architecture de Tombouctou a- plan tiré du film (1:02:04) b- la mosquée Djingareyber de Tombouctou 14 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 3 - Les groupes ethno-linguistiques au Mali Document 4 - La définition de l’État-nation selon l’UNESCO L’État-nation est un domaine dans lequel les frontières culturelles se confondent aux frontières politiques. L’idéal de l’État-nation est que l’État incorpore les personnes d’un même socle ethnique et culturel. Cependant, la plupart des États sont polyethniques. Ainsi, l’État-nation « existerait si presque tous les membres d’une seule nation était organisés en un seul État, sans autre communautés nationales présentes. Bien que le terme soit souvent usité, de telles entités n’existent pas ». La nation comme nous la pensons aujourd’hui est un produit du 19e siècle. Depuis les temps modernes, la nation est reconnue comme « la » communauté politique qui assure la légitimité d’un État sur son territoire, et qui transforme l’État en État de tous les citoyens. La notion d’État-nation insiste sur cette nouvelle alliance entre nation et État. La nationalité est censée lier le citoyen à l’État et aux avantages des politiques sociales de l’État-providence. […] Il s’en est suivi que l’État et la nation en sont arrivés à signifier la même chose et ont commencé à être utilisés de façon interchangeable. Le terme « national » est en arrivé à signifier tout ce qui est conduit et régulé par l’État. Aujourd’hui, l’idée est que les nations devraient être représentées à l’intérieur d’un territoire défini. http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/international-migration/glossary/nation-state/ 15 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 5 - État-nation et migrations en Afrique de l’Ouest : le défi de la mondialisation I- L’appropriation des frontières par l’État post-colonial II- Dynamiques transfrontalières et recompositions territoriales en Afrique de l’Ouest Une idée à la fois tenace et répandue veut que les frontières africaines datent de la Conférence de Berlin. (…) Créations ex-nihilo (1885-1910), les entités politiques nées de la colonisation résultent de bricolages exogènes et ne sont nullement, du moins à l’origine, l’expression d’une commune volonté de vivre ensemble comme l’illustrent la crise ivoirienne et le génocide rwandais. Longtemps critiquée, la frontière coloniale est aujourd’hui largement assimilée et revendiquée par les Africains qui ont fini par s’identifier à elle. Avec le temps, la frontière est devenue un marqueur identitaire et un élément du bagage mental des populations dont les moments forts d’expression sont les joutes sportives continentales. 1- De l’origine des frontières africaines Ayant connu peu de changements depuis 1910, le « partage de l’Afrique » a surtout été critiqué pour le caractère fantaisiste du tracé des frontières qui ne tiennent pas compte du continuum ethno-démographique. Les deux groupes ouest-africains qui illustrent le mieux cette situation sont les Peuls que l’on retrouve, sous des appellations différentes, sur toute la bande allant du Sénégal à l’Adamaoua, et les Touaregs aujourd’hui disséminés dans six pays (Mali, Burkina-Faso, Niger, Algérie, Libye, Tunisie). (…) En adoptant le principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, les pères fondateurs de l’OUA (1963) ont privilégié le statu quo et cherché à juguler les remises en cause qui ouvriraient la voie à de graves conflits. Cependant, près d’un quart de siècle après, non seulement ils n’ont pas mis fin aux conflits latents mais ils ont annihilé le rêve fédéraliste fondé sur l’exaltation de la proximité culturelle. (…) Source de tracasseries, le symbole fort de cette option est le poste-frontière dont le passage constitue une véritable épreuve depuis le début des années 60 qui marquent un tournant dans l’exaltation quasi obsessionnelle d’un sentiment nationaliste improvisé de toutes pièces. L’État post-colonial s’est essentiellement appuyé sur des raisons sécuritaires pour distiller l’idée de patrie qu’il faut défendre à tout prix. Ses principaux relais sont alors l’Armée dont la mission principale est la défense de l’intégrité physique du territoire et le Parti unique chargé de fédérer, dans un même élan, toutes les composantes (ethniques) de la « Nation une et indivisible » (sic). (…) 16 Dossier pédagogique Timbuktu 2- La mobilité en Afrique de l’Ouest : entre ruptures et continuités (…) Outre le profit tiré des migrations transfrontalières par les pays d’accueil, la liberté de mouvement qui en constitue le socle réduit la pression dans les zones de départ et la tentation d’implantation durable ou définitive dans les zones d’accueil. Leur rôle est également primordial dans le maintien de l’équilibre environnemental et politique des régions concernées. D’autre part, la conscience qu’ont les acteurs de la migration de longue distance d’appartenir à de nouveaux territoires est à l’origine de recompositions identitaires qui sont constitutives de nouvelles citoyennetés. Un tel cosmopolitisme prend parfois l’allure d’une défiance vis-à-vis de l’État-nation jugé incapable de répondre à la demande sociale en denrées de première nécessité, en documents administratifs, etc. singulièrement dans les zones isolées ou marginales. Ainsi, entre Kédougou au sud du Sénégal et Labé en Haute Guinée, les échanges commerciaux et démographiques constituent, en plus de leur caractère séculaire, une réponse à l’éloignement de l’État central. Nous avons récemment observé à la frontière sénégalo-mauritanienne que selon les circonstances, les riverains « enfilent » la nationalité de l’un ou de l’autre pays pour s’approvisionner en appareils électroménagers ou pour rendre visite à un « frère », etc. Fortement ancrés dans l’histoire, les réseaux transfrontaliers sont l’expression des efforts populaires de reconstruction du territoire et de la société par la culture locale. Ils constituent autant de prémisses d’adhésion ou de consolidation à des espaces supranationaux dans le cadre du dialogue instauré par des populations « victimes » d’un découpage territorial fortuit (…). Les tentatives politiques de reprise en main de la situation sont le plus souvent vaines ; elles buttent sur l’enracinement spatial et culturel de pratiques séculaires dont la traduction en acte constitue un des défis majeurs du développement durable de l’Afrique. (…) Papa Demba FALL Laboratoire de Géographie de l’Institut fondamental d’Afrique noire, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) Souce : UNESCO, octobre 2004 : http://www.unesco.org/new/fr/social-and-humansciences/themes/international-migration/glossary/nation-state/ TIMBUKTU ACTIVITÉ 2 L’INSERTION D’UN PAYS PAUVRE D’AFRIQUE DANS LA MONDIALISATION Un film de Abderrahmane Sissako 2014 Le film Timbuktu se concentre essentiellement sur la période qui a suivi l’entrée des djihadistes dans la ville en avril 2012. Divers indices nous permettent néanmoins de nous intéresser à la question de l’insertion des pays pauvres d’Afrique subsaharienne dans la mondialisation et les flux qui la caractérisent, afin de remettre en cause le cliché habituel d’un PMA (Pays les Moins Avancés) enclavé et totalement marginalisé. QUESTIONNAIRE 1- D’après le document 6, quels sont les critères retenus par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) pour calculer l’Indice de Pauvreté (IPH-1) ? A quelle catégorie le Mali appartient-il de ce point de vue ? Repérez dans le film des indices de cette grande pauvreté. 2- Faites une recherche sur le site internet du Conseil Économique et Social de l’ONU : en 2014, le Mali appartient-il au groupe des Pays les Moins Avancés (PMA) ? En comparant le film et la définition des PMA reproduite au document 7, montrez que sa population vit effectivement dans une situation de retard de développement. 3- Montrez que le pays est au cœur de mobilités humaines transnationales, en accordant une place particulière au cas des Touaregs. 4- Repérez les indices de l’insertion du Mali dans les flux mondialisés. Quelle information donnée par le document 8 est bien illustrée dans le film ? 17 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 6 - La pauvreté dans le monde d’après l’indicateur de pauvreté humaine Document 7 - Définition des PMA selon le Conseil Économique et Social de l’ONU L’indicateur de pauvreté humaine (IPH-1) calculé par le PNUD repose sur trois variables : - le risque de mourir avant 40 ans ; - le taux d’analphabétisme chez les adultes ; - les conditions de vie, mesurées à la fois par l’accès aux services de santé, l’accès à l’eau potable et la sous-nutrition chez les enfants de moins de 5 ans. Il ne possède pas d’unité, mais s’exprime en % : plus le pourcentage est élevé, plus la part de la population vivant avec de forts manques est élevée. Les pays les moins avancés (PMA) sont les pays les plus pauvres et les plus faibles du monde. Ces 48 pays, structurellement handicapés dans leur développement, vulnérables au niveau économique, méritent une attention particulière de la part de la communauté internationale. Ils bénéficient de mesures d’appui spécifiques, en particulier dans le domaine du financement du développement, mais également dans le cadre du commerce multilatéral. Russie États-Unis Afghanistan Chine Inde Niger Tchad Nigéria Mali Guinée Ethiopie Burkina-Faso Brésil Maxima : Relative pauvreté (moins de 15) Grande pauvreté (de 25 à 40) Pauvreté (de 15 à 25) Très grande pauvreté (plus de 40) Limites entre pays développés et pays en développement 18 Dossier pédagogique Timbuktu Afin d’être reconnu comme PMA, un pays doit remplir les trois critères suivants : - niveau de revenu bas, calculé en fonction du PIB par habitant sur 3 ans (un revenu moyen inférieur à 745 dollars des États-Unis par personne et par an est pris en considération pour que le pays soit inclus dans la liste des PMA, et doit être supérieur à 900 dollars des États-Unis pour que le pays soit admis au retrait de cette liste.) ; - retard dans le développement humain, mesuré en tenant compte de la malnutrition, du taux de mortalité des enfants en-dessous de 5 ans, de la scolarisation dans l’enseignement secondaire, et du taux d’alphabétisation des adultes ; - vulnérabilité économique, calculée en fonction de la taille de la population (qui ne doit pas excéder 75 millions) ; du degré d’isolement (pays enclavés) ; de la diversité et de l’instabilité des exportations de marchandises et de services ; de la part de l’agriculture, de l’industrie forestière et des pêcheries (secteur primaire) dans l’économie ; de l’instabilité de la production agricole ; des catastrophes naturelles et de leurs incidences sur le logement. Un pays doit satisfaire ces trois critères pour être inscrit sur la liste des PMA. Kenya Afghanistan : 59,8 Niger : 55,8 Mali : 54,5 Tchad : 53,1 Burkina Faso : 51,8 Ethiopie : 50,9 Guinée : 50,5 L’indicateur de pauvreté humaine Quels sont les critères d’identification des pays les moins avancés (PMA) ? http://www.un.org/fr/globalissues/ldc/ et http://www.unohrlls.org/UserFiles/File/LDC%20Documents/Advocacy%20 brochure%20French%20for%20Web.pdf Pays développés (non pris en compte) Absence de données Source : PNUD, 2009 DOCUMENTS Document 8 - Téléphonie et Internet dans le monde, 2005-2014 (source : Rapport 2014 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement, ONU) Nombreestimédesabonnementsàdestéléphonesportables cellulaires, des utilisateurs d’internet et des abonnements à des lignes téléphoniques fixes, 2005-2014 (milliards) 19 Dossier pédagogique Timbuktu Document 9- Plan tiré du film Timbuktu (05:19) TIMBUKTU ACTIVITÉ 3 ISLAMISME RADICAL ET DJIHADISME Un film de Abderrahmane Sissako 2014 C’est l’arrivée des djihadistes dans la ville de Tombouctou en 2012 qui a inspiré à Abderrahmane Sissako le scénario de Timbuktu. Il est donc tout naturel d’y consacrer notre dernière activité, tout particulièrement dans le contexte de l’année 2014, où le film sort sur les écrans au moment où dans d’autres pays (Syrie, Irak), d’autres groupes armés ont entamé la conquête fulgurante d’un vaste territoire pour y instaurer la charia dans la cadre d’un nouveau califat : quels sont les objectifs de ces islamistes radicaux ? Pourquoi mènent-ils le djihad ? QUESTIONNAIRE 1- À l’aide du document 10, rappelez quelle distinction doit être faite entre islam et islamisme djihadiste. En quoi la scène 11 l’illustre-t-elle ? 2- D’après la carte du document 11, quels sont les objectifs militaires des groupes armés ? Comment pourrait-on expliquer leur progression en 2012 ? 3- Toujours d’après le document 11, tous les groupes armés de la région sont-ils des combattants de l’islam radical ? Quelle scène du film distingue ces deux factions ? Laquelle occupe Tombouctou ? Décrivez son étendard d’après les scènes 1 et 38. 4- Quelles scènes du film montrent que les djihadistes n’ont pas de respect pour l’islam local, qu’ils considèrent comme dévoyé ? Faites une recherche pour expliquer ce qu’est le salafisme qu’ils défendent. D’après le document 13, quels actes ont-ils commis pour aller au bout de cette logique ? Comparez avec ceux commis par les talibans au pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001 (cf. document 14). 5- Cherchez la définition du terme charia. Celle-ci peut-elle varier selon les lieux ou les époques ? Quelles scènes du film illustrent la volonté des islamistes d’une application littérale et sans nuances des préceptes religieux ? Qui est chargé de veiller à leur application ? Quels châtiments sont prévus pour les contrevenants ? 6- Comment le réalisateur du film souligne-t-il les incohérences des djihadistes qui veulent faire respecter aux autres des règles strictes qu’ils sont eux-mêmes incapables d’appliquer ? 20 Dossier pédagogique Timbuktu TIMBUKTU ACTIVITÉ 3 ISLAMISME RADICAL ET DJIHADISME Un film de Abderrahmane Sissako 2014 7- Savez-vous comment les djihadistes financent leur armement et leurs véhicules ? À quel procédé la scène 2 du film fait-elle allusion ? Connaissez-vous des cas précis de Français pris dans cette situation ? Comment réagit la France ? 8- D’où sont originaires les djihadistes visibles dans le film ? Comment peut-on expliquer cette variété ? D’autres conflits ont-ils aussi été considérés par le passé comme des guerres saintes par des islamistes ? Vous pourrez utiliser de nouveau le document 10. 9- D’après le document 15, où trouve-t-on d’autres groupes terroristes islamistes dans le monde ? Ces groupes entretiennent-ils des relations ? 10- D’après les documents 16, peut-on comparer ce qui se passait dans le nord du Mali en 2012 et ce qui se passe aujourd’hui en Syrie et en Irak avec le groupe Daech ? 21 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 10 - « Qu’est-ce que le djihadisme ? » Quels rapports djihadisme et islam entretiennent-ils ? (…) L’actualité de ces dernières années a été rythmée par des attentats djihadistes. Leurs auteurs, selon une vulgate en vogue, souhaiteraient imposer par la violence une version radicale de l’islam qui remettrait en question la civilisation occidentale. Il y aurait là émergence d’une violence que l’on pourrait théoriser, reprenant les thèses de Samuel Huntington (Le Choc des civilisations, Odile Jacob, 1998), en un choc frontal entre des civilisations définies comme autant de visions concurrentes et hégémoniques du monde. (…) Islam est un terme générique qui englobe tout groupe se revendiquant de la religion fondée par le prophète Mohammed au début du VIIe siècle de notre ère. Les analystes recommandent fréquemment de parler des islams. Car cette religion fédère près de 1,3 milliard de croyants, dans des contextes très divers. Un Indonésien sunnite, un Iranien chiite, un Noir américain membre du parti radical Nation of Islam, un Saoudien wahhabite et un Belge converti au soufisme ne partagent guère qu’une étiquette religieuse… Sans compter que l’islam évolue aussi. Des formes modernes, voire postmodernes, se multiplient. De l’islam de marché, (…) qui fait sienne une partie des valeurs libérales, au salafisme, qui entend revenir à un supposé âge d’or des débuts de l’islam, en passant par la posture quiétiste de mouvements de réislamisation tels le Tabligh, qui estime que la religion doit se pratiquer en communautés fermées sans se compromettre avec le politique… Toutes ces métamorphoses modernes procèdent de tentatives d’adaptation à l’environnement social et culturel. Une instrumentalisation de l’islam L’islam est une religion complexe, forte de seize siècles d’évolutions et de réflexions, qui a connu de multiples interprétations, notamment en ce qui concerne les relations entre le politique et le religieux. Pourtant, il a souvent été instrumentalisé comme un champ d’expressions revendicatrices. En France, des enfants ou petits-enfants d’immigrés, de jeunes Français issus de l’immigration y recherchent cette identité qu’une situation socioéconomique souvent difficile rend problématique. Être arabe, ou plus largement membre d’une minorité ethnique visible, c’est aussi, à travers les lentilles souvent jugées déformantes des médias, être préjugé réfractaire à l’intégration, (…) : « quand l’identité prend une place importante, c’est parce que d’autres questions n’ont pas été réglées. Ces jeunes cherchent dans l’identité des réponses à leur situation matérielle. » (…) le phénomène djihadiste séduit une minuscule minorité, qui pousse jusqu’au bout cette quête identitaire en une révolte, souvent perçue comme « nihiliste », contre leur environnement. Dans cette perspective, le djihadisme est avant tout une mouvance politique, qui s’abrite derrière des références religieuses pour légitimer des objectifs de nature révolutionnaire, visant à instaurer une société musulmane homogène. Il fédère des gens qui, soit se sentant exclus, soit estimant que les musulmans, partout dans le monde, sont victimes d’injustices, recourent à la violence afin d’inverser le rapport de force entre victimes et bourreaux. (…) Le djihadisme peut s’envisager comme l’expression sociopolitique du désespoir d’individus qui se sentent opprimés, et qui trouvent dans un discours extrémiste et simpliste, maintenant largement accessible sur Internet, de quoi nourrir leur sentiment d’appartenir à une communauté d’exclus. Un sentiment qui peut aller jusqu’à la constitution de petits groupes terroristes « spontanés ». D’où vient le djihad ? Le terme de djihad (effort en arabe) revêt deux sens. Résumons : le premier, qualifié de grand djihad (ou djihad majeur), recouvre l’ensemble des efforts auxquels doit se soumettre le croyant pour se rapprocher de Dieu ; le second, dit petit djihad (ou djihad mineur), est un effort de guerre visant à défendre l’islam en cas de menace. Il peut s’exercer contre des non-musulmans en cas d’agression (djihad externe, ou défensif), voire contre des dirigeants musulmans « impies » (djihad interne, ou offensif). Mais dans tous les cas, il doit être proclamé par une autorité religieuse compétente. Le djihad interne(…) est lourd de dangers : lancé mal à propos, il aboutit à provoquer la fitna (discorde), la guerre civile qui va déchirer l’oumma (communauté des musulmans). 22 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS On qualifiera aujourd’hui de djihadiste tout groupe ou individu prônant la violence en se revendiquant de l’islam – même sans l’aval d’une autorité religieuse reconnue, une violation caractérisée du dogme. Au début des années 1980, souhaitant faire de l’Afghanistan le « Viêtnam » de l’URSS, diverses puissances collaborèrent pour entretenir des groupes radicaux de guérilleros combattant l’armée soviétique, qui occupait le pays depuis 1979 : financés par l’Arabie Saoudite, soutenus par le Pakistan et armés par les États-Unis, ces groupes se rassemblèrent dans le sud de l’Afghanistan. De leurs camps d’entraînement sortirent des combattants qui furent en mesure de forcer l’Union soviétique au retrait en 1989. Mais l’effet boomerang dépassa les prévisions. Ces groupes se retournèrent contre leurs protecteurs, les déstabilisèrent. Le contexte international était propice à la naissance d’une contestation du nouvel ordre mondial, de plus en plus articulé autour du modèle culturel et économique occidental. L’idéal de la révolution islamique en Iran (1979) avait supplanté le marxisme, athée et matérialiste, comme porte-parole des opprimés dans le monde musulman. On parla bientôt de djihad dans tous les conflits affectant des populations musulmanes, qu’ils mettent aux prises des musulmans entre eux, comme en Algérie ou en Égypte, ou des musulmans face à d’autres groupes, comme en Bosnie, Palestine, Tchétchénie… Cependant, diagnostiquent les islamologues Olivier Roy et Gilles Kepel, ces mouvements ont échoué. À l’exception des Talibans qui contrôlèrent une partie de l’Afghanistan entre 1994 et 2001, ils ne furent jamais en mesure d’imposer des régimes politiques fondamentalistes. Quels sont les motifs du djihad ? (…) dans un monde musulman essentiellement gouverné par des dictatures, l’islam, poussé à l’action violente par la répression, devient facteur de déstabilisation. Si les populations musulmanes partagent un sentiment, c’est bien celui de l’oppression, symbolisée par le sort des Palestiniens, perçus comme victimes d’une injustice perpétrée ou entretenue par l’Occident. Un destin qui est instrumentalisé intensivement : depuis quinze ans, l’endoctrinement djihadiste en Occident ne se fait plus par le religieux, mais par le politique, à grand renfort de vidéos montrant des musulmans opprimés. (…) l’Occident n’est pas la cible privilégiée du phénomène : « En 2005, près de neuf victimes sur dix du terrorisme international sont tombées en Irak et en Jordanie. » [Les Frères Musulmans] (…) Le mouvement des Frères musulmans, fondé par l’instituteur égyptien Hassan al-Bannah (1906-1949) en 1928, est souvent présenté comme une, sinon la, matrice de l’islamisme contemporain. La devise de cette association, « le Coran est notre constitution », résume un projet politique totalisant. Le pouvoir doit être musulman pour assurer à une société musulmane sa véritable cohérence : écoles, tribunaux, fonction publique doivent être régis par la charia (droit islamique). D’où une utopie qui s’oppose à l’occidentalisation du monde musulman, mais qui ne pourrait être mise en œuvre que par la conquête du pouvoir. (…) Au cours de leur histoire, Les Frères ont été tiraillés entre deux modalités de prise du pouvoir. La première est politique, par voie d’élections. Mais le contexte dictatorial qui a été, et reste souvent, le quotidien des États du Maghreb et du Machrek, leur a barré la route d’une participation au jeu démocratique. Des penseurs ont alors appelé à la prise du pouvoir par tout moyen, incluant si nécessaire la violence (…) La formation du Hamas palestinien illustre cette évolution : d’une association caritative et piétiste dans les années 1970, le mouvement s’est radicalisé lors de la première Intifida (1987) au point de devenir, aujourd’hui, une organisation politique armée qui a su s’imposer sur la scène internationale. (…) Source : L.Testot, Sciences humaines, 25 mars 2012 23 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 11 - L’avancée des rebelles touaregs et islamistes au Mali en 2012 (source : Afrique-Express.com) 24 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 12 - L’étendard des groupes islamistes a- plan tiré du film (1:04) b- reproduction du drapeau 25 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 13 - Dépêche AFP du 10 juillet 2012 Les islamistes qui occupent et contrôlent Tombouctou, dans le nord-ouest du Mali, étaient en train d’y détruire mardi les deux mausolées de la plus grande mosquée de la ville, classée patrimoine mondial en péril, ont rapporté des témoins à l’AFP. « Actuellement, les islamistes sont en train de détruire deux mausolées de la grande mosquée de Djingareyber de Tombouctou. Ils tirent en l’air pour chasser la foule, pour lui faire peur », a déclaré un des témoins, un autre ajoutant qu’ils utilisaient « des houes » et « des burins ». « Les deux mausolées jouxtent la partie ouest du mur externe de la grande mosquée et islamistes ont des houes, des burins, ils tapent fort sur les mausolées qui sont en terre calcaire. Ils disent qu’ils vont tout détruire », a affirmé un proche de l’imam de la mosquée. Selon un autre témoin, les islamistes, aux cris de « Allah Akbar » (Dieu est grand), « s’acharnent sur les mausolées de la mosquée qui font partie des plus importants de Tombouctou ». Il a ajouté qu’ils sont « nombreux et ont coupé les deux principales routes menant à la mosquée ». Ce témoin a affirmé que les islamistes ont demandé à une équipe de la chaîne de télévision du Qatar Al Jazeera présente à Tombouctou «de filmer la scène». Les 1er et 2 juillet, les islamistes du groupe armé Ansar Dine (Défenseurs de l’islam) qui contrôle la ville depuis plus de trois mois, avaient déjà détruit sept des seize mausolées de saints musulmans de Tombouctou et brisé la porte sacrée d’une autre mosquée, provoquant l’indignation au Mali et à l’étranger. Les destructions avaient été interrompues le 2 juillet, mais Ansar Dine avait promis qu’elles se poursuivraient. Document 14 Le sort des Bouddhas de Bâmiyân, Afghanistan a - le Bouddha debout de 58m, excavé dans une falaise de grès au Ve siècle 26 Dossier pédagogique Timbuktu b - la destruction par les talibans le 21 mars 2011 (image CNN) c - aujourd’hui DOCUMENTS Document 15 - Les principaux groupes djihadistes aujourd’hui dans le monde Source : capture d’écran du site du Telegraph, 12 juin 2014 Notes : - ISIS = Islamic State in Irak and Al-Shams, ou État Islamique en Irak et au Levant (EIIL), également appelé Daech (d’après l’acronyme arabe) - Boko Haram (en haoussa) = Groupe sunnite pour la prédication et le djihad - AQAP = AQPA. Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique - AQIM = AQMI. Al-Qaïda au Maghreb Islamique - Al Shabbab = les Shebab (littéralement, « les jeunes ») - Af-Pak = les divers groupes islamistes en Afghanistan (les talibans [« les étudiants »]) et au Pakistan, en particulier les reliquats d’Al-Qaïda (« la base ») - JI = Jamaah Islamiyah (littéralement, « la communauté islamiste ») 27 Dossier pédagogique Timbuktu DOCUMENTS Document 16 - Daech en Syrie et en Irak, octobre 2014 a - Situation du conflit (Libération, 2 octobre 2014) b - « Irak: les violations «effarantes» de Daech » Le groupe djihadiste État islamique (EI) - ou Daech - commet des exécutions de masse, enlève des femmes et des jeunes filles pour en faire des esclaves sexuels et enrôle des enfants pour combattre dans ses rangs, et ces violations systématiques, qualifiées d’»effarantes», s’apparentent à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, ont estimé aujourd’hui les Nations unies. Dans un rapport qui s’appuie sur près de 500 témoignages, l’ONU ajoute que certains raids aériens menés par l’armée irakienne contre les djihadistes sunnites ont fait un grand nombre de morts parmi les civils, en frappant des villages, une école et des hôpitaux. Cela, selon ce rapport, représente une violation du droit international. Le Figaro avec Reuters, 2 octobre 2014 28 Dossier pédagogique Timbuktu POUR ALLER PLUS LOIN Bibliographie ROY O. L’islam mondialisé, Seuil, 2002 KEPEL G., Jihad. Expansion et déclin de l’islamisme, Folio actuel, 2003 (édition augmentée et mise à jour) FALL P.D., État-nation et migrations en Afrique de l’Ouest : le défi de la mondialisation, UNESCO, 2004 SFEIR A., L’islam en 50 clés, Bayard, 2006 SFEIR A. (ss la dir. de), Dictionnaire géopolitique de l’islamisme, Bayard, 2009 ROUGIER B., Qu’est-ce que le salafisme ?, PUF, 2008 SIMONIS F., L’Afrique soudanaise au Moyen Âge. Le temps des grands empires (Ghana, Mali, Songhaï), Sceren, 2010 Atlas de l’Afrique, MALI, Les Éditions Jeune Afrique, 2010 BOUKRA L., Le djihadisme. L’islam à l’épreuve de l’histoire, Bachari, 2011 CALLIMACHI R., « Paying ransoms bankrolls Qaeda terror », The New York Times, 29 juillet 2014 Filmographie SISSAKO A., Heremakono (En attendant le bonheur), 2002 Abdallah, un jeune Malien de dix-sept ans, retrouve sa mère à Nouadhibou, sur la côte mauritanienne, en attendant son départ vers l’Europe. Dans ce lieu d’exil et de fragiles espoirs, le jeune homme, condamné au silence parce qu’il ne comprend pas la langue, tente de déchiffrer l’univers qui l’entoure. SISSAKO A., Bamako, 2006 Dans la cour d’une maison de Bamako, un tribunal a été installé. Des représentants de la société civile africaine ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque mondiale et le FMI, qu’ils jugent responsables du drame qui secoue l’Afrique. Entre plaidoiries et témoignages, la vie continue à Bamako. SCOTT R., Mensonges d’État, 2008 Roger Ferris est recruté par la CIA pour traquer un terroriste basé en Jordanie. Afin d’infiltrer son réseau, il doit s’assurer du soutien du très roué vétéran de la CIA Ed Hoffman et du chef des renseignements jordaniens, peut-être trop serviable pour être honnête. Ferris s’interroge : jusqu’où peut-il leur faire confiance sans mettre toute son opération - et sa vie - en danger ? FAUCON P., La désintégration, 2012 Une cité dans l’agglomération lilloise, aujourd’hui. Ali, Nasser et Hamza, âgés d’une vingtaine d’années, font la connaissance de Djamel, dix ans de plus qu’eux, un aîné charismatique aux propos acérés. Habile manipulateur, il endoctrine peu à peu les trois garçons, connaissant mieux que quiconque leurs déceptions, leurs failles et leurs révoltes face à une société dans laquelle ils sont nés, mais à laquelle aucun des trois ne pense plus désormais appartenir. 29 Dossier pédagogique Timbuktu POUR ALLER PLUS LOIN ALLOUACHE M., Le repenti, 2012 Sur les hauts plateaux algériens, Rachid, ancien maquisard islamiste, regagne son village grâce à la loi de “Concorde civile” de 2000, qui promet à tout islamiste repentant qui rendrait ses armes en promettant n’avoir pas de sang sur les mains, une quasi amnistie et la réinstallation dans la société. Mais la loi n’efface pas les crimes et Rachid s’engage dans un voyage sans issue où s’entremêlent la violence, le secret et la manipulation. BIGELOW K., Zero Dark Thirty, 2013 Le récit de la traque d’Oussama Ben Laden par une unité des forces spéciales américaines confrontée au djihadisme international. CORBIJN A., Un homme très recherché, 2014 Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu’un immigré d’origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Cet homme très recherché est-il une victime ou un extrémiste aux intentions destructrices ? Sitographie Site « Les Clés du Moyen-Orient » http://www.lesclesdumoyenorient.com/ Site des Études géostratégiques http://etudesgeostrategiques.com/tag/djihadisme/ Site de France Culture - documentaire d’A.Contreras et J-P. Navarre sur le tournage de Timbuktu. Émission Sur les docks du 22 avril 2014 http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-abderrahmane-sissako-timbuktu-nord-mali-le-film-des-evenements-2014-04-22 Site de l’IREA (Institut de Recherche et d’Études Africaines) http://www.irea-institut.org/forum-afrique-djihadisme.html Site de l’IRMC (Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain) http://www.irmcmaghreb.org/ Site du magazine Jeune Afrique http://www.jeuneafrique.com Site du PNUD, Rapport 2014 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement http://www.undp.org/content/dam/undp/library/MDG/french/UNDP_MDGReport_FR_2014Final1.pdf 30 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION Activité 1 - Nation et État dans un pays d’Afrique de l’Ouest 1- Sur la carte du document 1, situez le Mali. Que peut-on dire de ses frontières ? Comment l’expliquer, à votre avis ? > Le Mali se trouve en Afrique de l’ouest, dans la région saharienne dite du Sahel, c’est-à-dire la frange sud du désert, tempérée par la présence du bassin hydrographique d’un grand fleuve, le Niger. > Ses frontières sont très rectilignes, particulièrement au nord et à l’ouest. On devine qu’elles sont héritées du passé colonial du pays, l’ancien Soudan français, qui appartenait à la fédération d’Afrique Occidentale Française (AOF, 1895-1958). 2- Faites quelques recherches sur l’histoire de ce territoire. A-t-il connu des périodes historiques fastes ? Quelles civilisations s’y sont succédé ? Dans quels scènes le film met-il fugacement en scène ce passé ? Repérez la situation de Tombouctou sur la carte, puis développez un peu sur l’histoire de cette célèbre cité. > Sur tout ou partie du territoire actuel du Mali se sont succédés plusieurs des grands empires d’Afrique de l’Ouest : l’empire du Ghana (IVe-XIIIe siècles), le Manden ou Empire du Mali (XIIIe-XIVe siècles), l’empire songhaï (XV-XVIe siècles), mais aussi le royaume bambara de Ségou (XVIIIe siècle) et l’empire peul du Macina (XIXe siècle). La ville de Tombouctou fut systématiquement intégrée à ces grands ensembles. > Chaque ethnie malienne possède une culture propre : langue ou dialecte, rites, formes artistiques. Le tourisme contemporain met tout particulièrement en scène la sculpture du Pays Dogon (statuettes, masques). > Le réalisateur Abderrahmane Sissako semble vouloir évoquer cette richesse culturelle et historique, par contraste avec la situation actuelle, dès la 1ère scène du film, juste après le titre (1:26 à 2:37) : des djihadistes s’entraînent au tir en prenant pour cibles des masques et des statuettes posés dans le sable du désert. La caméra s’approche de très près de ces objets. > En outre, plusieurs scènes nous montrent l’architecture soudano-sahélienne élaborée au XIVe siècle (sans doute sous l’empereur du Mali Kanga Moussa), et rendue célèbre au XIXème siècle lorsque l’explorateur français René Caillié fut le premier occidental à pénétrer dans Tombouctou et à en revenir (1828). Ainsi, au début de la scène 29, quand le porteur d’eau parcourt la ville en moto (cf. doc.2a), on reconnaît les constructions en terre crue constituées de briques d’adobe (ou banco : un mélange d’argile et de paille), qui sont dans le cas des moquées soutenues par des branches de palmiers (les terrons) intégrées horizontalement à la construction, et par des contreforts en forme de pilastres verticaux terminés par des ogives. On pourra comparer l’image tirée du film à la photographie de la célèbre mosquée Djingareyber, classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, reproduite au document 2b. > Tombouctou est située au nord de la boucle du Niger, en plein centre du pays. La ville est connue dès le XIVe siècle, lorsque le mansa Kanga Moussa fait construire la mosquée Djingareyber à partir de 1325. Elle devient alors un grand centre universitaire islamique, visité par le voyageur Ibn Battûta en 1353. Très prospère grâce aux échanges commerciaux, à commencer per celui des esclaves, la ville connaît son apogée au XVIe siècle, avant de décliner lentement sous l’effet du développement des activités côtières par les Européens (traite négrière et commerce triangulaire). 31 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION 3- Remplissez le tableau. Personnage(s) Scène(s) donnant des indices (se reporter au séquencier) Langue(s) employées(s) [maternelle / de communication] Mode de vie Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) Kidane 6, 15, 20, 25, 27 tamasheq - vêtements : façon spécifique de porter le chèche en turban et de ne se dévoiler que les yeux lorsqu’il se déplace pour Kidane ; visage découvert et tête à peine voilée pour Satima Touaregs : le tamasheq est leur langue. (et Satima, sa femme ; Toya, leur fille ; Issan, un orphelin qu’ils ont recueilli, leur berger) (cf. sc.25 : Kidane demande qui parle cette langue à ses gardiens pour prévenir sa femme ; sc.27 : besoin d’un traducteur face à Abou Hassan) - nomadisme (tente, déplacements permanents dans le désert [allusion aux voisins qui sont partis, sc.15] [causes : recherche de l’eau, « entre soif et sécheresse », cf. sc.15]) - pastoralisme : troupeaux de vaches azawak (menées par Issan) et de chèvres près de la tente (traites par Toya). Issan pense que son père disparu était « meilleur éleveur » que Kidane (sc.20). Abou Hassan lui dit : « tu es éleveur, tu as du bétail » (sc.27) - société patriarcale (cf. sc.15 : Kidane demande à sa femme de le soutenir dans sa décision de rester aux abords de Tombouctou, même si elle souhaite le contraire ; sc.27 : Dieu ne lui a pas donné la « chance » d’avoir un garçon) 32 Dossier pédagogique Timbuktu Peuple nomade berbère du Sahara, vivant entre autres dans l’extrême-nord du Mali (cf. carte du doc.3) : ce ne sont pas des peuples du fleuve, et Kidane et sa famille sont loin de leur territoire d’origine, le désert, dont ils ont été vraisemblablement chassés (cf. sc.15, Kidane : « À quoi sert de fuir sans cesse ? » ; sc.20 : « tout ça doit s’arrêter. L’humiliation ne doit pas durer. »). Souvent en conflit avec les populations sédentaires des autres ethnies vivant sur le cours du Niger et dans les villes dont ils se sont rapprochés. Proches des Maures, une ethnie arabo-berbère s’exprimant en hassaniyya, dialecte dérivé de l’arabe, qui occupent principalement la région de Tombouctou au Mali (cf.doc.3) : à la scène 27, Kidane pense reconnaître dans le traducteur « Mohamed Ag Elgimit, de la tribu Kel Assouk, de Léré ». Léré est une ville du pays maure, au sud-ouest de Tombouctou, près de la frontière mauritanienne. ÉLÉMENTS DE CORRECTION Personnage(s) Scène(s) donnant des indices (se reporter au séquencier) Langue(s) employées(s) [maternelle / de communication] Mode de vie Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) Mamadou, la vendeuse de poissons, le footballeur, les musiciens, 4, 5, 8, 19, 21, 29, 33, 36, 37 - à la scène 4, le héraut proclame ses interdits en 2 langues ; il ne présente pas la 1ère, qui a des consonances arabes, et pourrait donc être du hassaniyya, dialecte dérivé de l’arabe parlé par les Maures, ethnie majoritaire dans la région (cf. doc.3) ; il annonce la 2ème comme étant du bambara, langue nationale du Mali. - sédentaires : maisons en dur Maures ? Autres ethnies de la région ? Tombouctou est une grande ville du pays, et rassemble sans doute des populations de groupes ethniques ou nationaux divers. Safia et sa mère, … (population noire et urbaine de Tombouctou) - presque toutes les scènes où ils sont confrontés aux djihadistes nécessitent un traducteur (cf. au tribunal sc.21 ou 29, ou la demande en mariage sc.33) - ils utilisent le français comme langue de communication (sc.21, 29 au tribunal) 33 Dossier pédagogique Timbuktu - agriculture, pêche (Mamadou pêche ses poissons, la vendeuse en vend au marché), commerce (le livreur d’eau, la vendeuse) - puisent l’eau (et ne se déplacent pas à sa recherche, contrairement aux Touaregs) - vêtements plus colorés, même s’ils sont contraints de les adapter aux nouvelles règles des djihadistes ÉLÉMENTS DE CORRECTION Personnage(s) Scène(s) donnant des indices (se reporter au séquencier) Langue(s) employées(s) [maternelle / de communication] L’imam de la mosquée 4, 11, 37 - arabe quand il communique avec les djihadistes (langue du Coran) Mode de vie Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) Plus blanc de peau que les habitants de la ville : incarnet-il la tendance des imams formés et envoyés depuis l’étranger ? - une langue locale quand il communique avec la mère de Safia (sc.37) Abdelkrim, un chef djihadiste 9, 12, 14, 30, 34, 36 - arabe Vraisemblablement maghrébin, peut-être d’Algérie ou du Maroc, comme la pratique indifférente de l’arabe et du français le laisse deviner (cf. sc.34). - français Son très bon français peut laisser penser qu’il a même vécu en France. Omar, son chauffeur-traducteur 9, 12, 14, 30, 34, 36 - tamasheq - arabe - français - anglais (sc.14 : « oui, je sais, mais je parle tamasheq et anglais » rétorquet-il à Abdelkrim qui lui reproche de mal parler arabe) 34 Dossier pédagogique Timbuktu Jeune homme instruit : il maîtrise le français, qui lui vient naturellement (cf. sc.9, lorsqu’il devient familier avec Abdelkrim : « j’peux dire quelque chose ? ») ; c’est assez courant dans les pays d’Afrique francophone. Mais il maîtrise aussi l’arabe, qui n’est pourtant pas parlé au Mali, ce qui explique qu’on lui ait confié le rôle de chauffeur-traducteur d’Abdelkrim ; et l’anglais, langue internationale : cela révèle qu’il a fait des études, et même peut-être à l’étranger. Il n’est pas le plus extrémiste (cf. sc.14, à propos de Kidane et Satima : « ils sont croyants, et ça me suffit »). Sans doute touareg, comme le laisse supposer le fait qu’il soit chargé de la traduction avec Satima et qu’il prenne assez naturellement sa défense (sc.14). Rien ne dit qu’il est malien. Sa maîtrise des langues laisse seulement imaginer qu’il vient d’un pays d’Afrique à la population touarègue importante, où l’arabe est pratiqué et qui a une tradition d’étudiants expatriés (Algérie, Libye, Niger, …). ÉLÉMENTS DE CORRECTION Personnage(s) Scène(s) donnant des indices (se reporter au séquencier) Langue(s) employées(s) [maternelle / de communication] Mode de vie Appartenance ethnique ou origine nationale probable (si vous pensez que le personnage n’est pas malien) Les chefs djihadistes (Abou Hassan ; le président du tribunal) 11, 17, 21, 27, 36, 37 arabe - vêtements traditionnels du Maghreb : pantalon, djellaba, chèche Arabes, probablement originaires du Maghreb (Algérie ou Maroc ?) - adeptes des nouvelles technologies : ils sont très connectés, possédant chacun plusieurs téléphones portables (cf. sc.17) - armés d’un fusil d’assaut Kalachnikov qui ne les quitte jamais (même dans la mosquée, cf. sc.11 ; ou au tribunal, cf. sc.21 ou 36) Les djihadistes qui tournent une vidéo 13, 16 - français - arabe (lors de l’enregistrement vidéo, sc.16) Armés, ils ont adopté le code vestimentaire des chefs djihadistes (chèche, pantalon, djellaba). Les deux hommes ont visiblement des origines différentes : Le jeune Mobi (chèche jaune) est français : il parle cette langue avec aisance et même familiarité (« nan, j’suis pas d’accord », dit-il à la scène 13) ; son accent peut évoquer celui des banlieues françaises, et il avale un peu ses mots (cf. sc.16) ; en outre, il a fait du rap, une musique occidentale. Son aîné et mentor (chèche marron) est sans doute originaire d’un pays francophone d’Afrique du Nord (Algérie ?) ; sa façon de parler de la France, dont il méprise le football et Z.Zidane, laisse supposer qu’il n’est pas français lui-même. Mais son aisance avec la langue et ses idiomes (« il faut qu’tu révises tes classiques, garçon », dit-il sc.13, ou « c’est pas la peine », sc.16) peut néanmoins laisser imaginer qu’il a vécu en France. Le djihadiste Abou Jaafar, qui épouse de force la jeune Safia 33 - langue maternelle d’un pays d’Afrique autre que le Mali, ou du moins d’une autre région que celle de Tombouctou (il a besoin d’une double traduction lors de la demande en mariage) - anglais qu’il parle avec son traducteur 35 Dossier pédagogique Timbuktu - son calot est celui porté traditionnellement par les musulmans soufis d’Afrique (comme au Mali) Si Abou Jaafar est malien, ce ne peut être que d’une région éloignée de Tombouctou, dont il ne connaît visiblement pas l’idiome ; il est possible qu’il soit originaire d’un autre pays d’Afrique (Sénégal, Niger, ou Burkina-Faso par exemple). ÉLÉMENTS DE CORRECTION 3- (suite) Si on compare ce tableau à la carte du document 3, qu’en déduire de la société malienne ? Si on confronte ces constatations avec la définition de l’UNESCO au document 4, peut-on dire que le Mali constitue un État-nation ? > La société malienne est visiblement multiethnique et multiculturelle : les Bambaras dominent au sud, mais comme le montre la carte du document 3, bien d’autres ethnies peuplent le territoire (Peuls, Touaregs, Songhaïs, Toucouleurs, Dogons, Bobos, Malinkés, Soninkés, …). Le film s’en fait l’écho par les multiples scènes confrontant des personnages qui ne parlent pas le même dialecte ou la même langue (cf. scènes 3, 12 ou 33, et toutes les scènes au tribunal) ; le français, langue officielle héritée de l’ère coloniale, sert néanmoins de langue véhiculaire parallèlement au bambara. > Ainsi, si l’on considère dans la tradition européenne du XIXe siècle que « L’État-nation est un domaine dans lequel les frontières culturelles se confondent aux frontières politiques » et que « l’idéal de l’État-nation est que l’État incorpore les personnes d’un même socle ethnique et culturel » (cf. doc.4), le Mali n’est pas un État-nation. Les « communautés nationales » aux cultures et aux intérêts divergents s’y côtoient et parfois s’y affrontent, comme la confrontation entre les gens de la rivière (ici incarnés par le pêcheur Mamadou) et les pasteurs du désert (les Touaregs Kidane et sa famille) l’illustre dans le film. 4- D’après le document 5, que peut-on dire des frontières des États africains ? Et des migrations qui les traversent ? Le film illustre-t-il ce constat ? > L’auteur de ce rapport de l’UNESCO rappelle que « les frontières africaines datent de la Conférence de Berlin », en 1884-85, lorsque les grandes puissances européennes se mirent d’accord sur les règles de colonisation en Afrique, et entamèrent la signature d’une série de traités bilatéraux fixant le partage des territoires, créant donc des frontières ex nihilo. Or, ce « «partage de l’Afrique» a surtout été critiqué pour le caractère fantaisiste du tracé des frontières qui ne tiennent pas compte du continuum ethno-démographique. Les deux groupes ouest-africains qui illustrent le mieux cette situation sont les Peuls que l’on retrouve, sous des appellations différentes, sur toute la bande allant du Sénégal à l’Adamaoua, et les Touaregs aujourd’hui disséminés dans six pays (Mali, Burkina-Faso, Niger, Algérie, Libye, Tunisie). (…) ». Timbuktu, comme on l’a déjà vu, insiste particulièrement sur le caractère multiethnique du Mali, pays qui ne correspond pas au territoire d’une nation constituée, regroupant des groupes humains multiples et en séparant d’autres (Peuls, Touaregs). > Par ailleurs, le texte évoque la porosité des frontières pour « des populations «victimes» d’un découpage territorial fortuit », qui « « enfilent » la nationalité de l’un ou de l’autre pays pour s’approvisionner en appareils électroménagers ou pour rendre visite à un « frère », etc. ». L’auteur évoque l’ancrage fort de ces « réseaux transfrontaliers » dans l’histoire, qui « sont l’expression des efforts populaires de reconstruction du territoire et de la société par la culture locale. ». Le film illustre cet état de fait en choisissant un personnage principal touareg, Kidane, qui se déplace de part et d’autre des frontières (Algérie, Mauritanie, Mali, …) et s’avance loin au sud, à Tombouctou, pour fuir les difficultés des zones de peuplement touarègues traditionnelles. En outre, une bonne partie des djihadistes ne sont pas maliens et ont dû passer la frontière du désert, au nord (Mauritanie, Algérie, Niger), pour parvenir jusqu’à Tombouctou. 5- Les autorités de l’État malien sont-elles visibles dans le film ? Face aux djihadistes, qui représente la seule autorité de poids ? Qu’en déduire de l’État au Mali ? > Aucune autorité civile ou militaire n’est visible dans le film. Plus qu’un choix du scénario, il s’agit de mettre en valeur l’absence de cadre étatique dans les régions reculées. On peut supposer que les fonctionnaires et les représentants des pouvoirs publics ont fui la ville avant l’arrivée des djihadistes. > Seul l’imam de la mosquée incarne une forme d’autorité à la fois religieuse et civile, en prenant la défense de la population et en se posant en repère moral, tentant de convaincre les djihadistes de maîtriser leurs hommes et de limiter leurs exactions. Ainsi, dans la scène 2, où il condamne l’entrée d’hommes armés dans la moquée ; dans la scène 11, où il discute avec Abou Hassan du fait que des femmes aient été frappées parce qu’elles refusaient de porter des gants en toutes circonstances ; ou dans la scène 37, où il remet en cause le mariage forcé de la jeune Safia avec Abou Jaafar. > On devine donc que le Mali est un État en déliquescence, ou État défaillant (failed state), marqué par l’absence ou la faiblesse de l’État, incapable d’assurer ses missions essentielles, à commencer par le respect de l’état de droit. 36 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION Activité 2 - L’insertion d’un pays pauvre d’Afrique dans la mondialisation 1- D’après le document 6, quels sont les critères retenus par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) pour calculer l’Indice de Pauvreté (IPH-1) ? A quelle catégorie le Mali appartient-il de ce point de vue ? Repérez dans le film des indices de cette grande pauvreté. > L’IPH-1 se calcule d’après des critères sanitaires et sociaux (fort risque de mourir avant 40 ans, taux élevé d’analphabétisme chez les adultes, manque d’accès aux services de santé, à l’au potable et à l’alimentation chez les jeunes enfants). > D’après la carte, le Mali compte parmi les États les plus durement touchés (en rouge, plus de 40%), puisque en 2009, d’après la statistiques du PNUD, plus de la moitié de la population (54,5%) vivait dans l’extrême pauvreté. > Même si le film ne s’attarde pas sur cet aspect, on peut remarquer avec les élèves l’archaïsme des modes de vie, tout particulièrement chez les nomades du désert qui ne possèdent en tout et pour tout que leur tente et quelques pauvres objets usuels (ceux qu’utilise Satima : la bassine où elle nettoie des légumes (sc.10) ou se lave les cheveux (sc.12) ; le service à thé ; quelques objets de couchage ; …) ; le recours au puits pour l’accès à l’eau potable, et la dépendance pour l’approvisionnement envers le seul homme à posséder une moto pour transporter des jerricanes sur des distances importantes (cf. sc.7) ; le caractère artisanal des outils de travail du pêcheur Mamadou (barque, nasses, filets) ; ou le dénuement des intérieurs (cf. sc.26). 2- Faites une recherche sur le site internet du Conseil Économique et Social de l’ONU : en 2014, le Mali appartient-il au groupe des Pays les Moins Avancés (PMA) ? En comparant le film et la définition des PMA reproduite au document 7, montrez que sa population vit effectivement dans une situation de retard de développement. > En 2014, 38 pays sont comptabilisés par l’ECOSOC de l’ONU au nombre des Pays les Moins Avancés, une catégorie créée en 1971, parmi lesquels le Mali. Le pays est en effet en état de grave sous-développement, comme les données du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) le montrent. > L’Indice de Développement Humain (IDH), mis au point par l’économiste Amartya Sen en 1990 et dont la formule a été révisée en 2011, est un indice composite calculé d’après les données de RNB/habitant en $ PPA, la durée moyenne de scolarisation par rapport à la durée attendue, et l’espérance de vie à la naissance ; or, au Mali, cet indice est systématiquement inférieur à 0,5, donc plus proche du 0 (« exécrable ») que du 1 (« excellent »), et ce même s’il connaît une relative progression : en 2011, il était de 0,405 ; en 2012, de 0,406 ; en 2013, de 0,407. Cela place le pays au 176ème rang mondial sur 187. On rappelle que le seuil de 0,8 marque traditionnellement la limite entre pays en retard de développement et pays développés. > Si on lit attentivement les critères de définition des PMA retenus par l’ECOSOC, et revus en 2003, dans le document 6, on constate que Timbuktu illustre de façon assez claire cette situation, en particulier en ce qui concerne : - la pauvreté endémique : les biens des personnages sont réduits à presque rien, qu’il s’agisse de Kidane et de ses bêtes, ou de Mamadou et sa barque et ses filets. Kidane ne peut en aucun cas faire face à l’amende fixée par le tribunal islamique (le « prix du sang » de 40 vaches, sc.27), bien supérieur aux bêtes qu’il possède. On constate en outre que la ville de Tombouctou est très mal équipée : rues en terre envahies par le sable, maisons en adobe dont certaines sont totalement délabrées, absence d’eau courante (cf. la scène du puits, sc.7), etc. Les biens matériels sont rares, comme le prouve l’absence quasi-totale de véhicules motorisés chez les locaux (à l’exception de la moto du porteur d’eau). - le manque de scolarisation des enfants : ceux que l’on peut voir dans le film se trouvent dans la rue (scène 13, ceux qui poursuivent Zabou), ou ont un mode de vie qui ne permet pas la scolarisation (Toya, qui reste dans la tente toute la journée et garde les chèvres, comme elle le dit sc.13 ; on la voit les traire à la sc.28). Quant au petit Issan, il travaille comme berger pour Kidane en échange de la protection de ce père adoptif. Il n’y a qu’à la mosquée, dans la scène 11 où l’imam échange avec Abou Hassan, qu’on voit en arrière-plan un enfant à l’étude : il semble apprendre à lire sur une louha, cette planche de bois utilisée dans les médersas pour retranscrire des sourates du Coran. Même si cette situation est sans doute due à la conjoncture politico-militaire, elle illustre bien l’importance de l’analphabétisme dans le pays. 37 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION - le degré d’isolement : le Mali est un pays totalement enclavé, comme le montre la carte du document 1. Il est donc par définition dépendant de ses voisins pour ses échanges, et peu intégré aux flux mondialisés, essentiellement maritimes depuis la première mondialisation (XVIIe siècle). - la part de l’agriculture dans l’économie : aucune activité industrielle ne transparaît dans le film. La seule activité tertiaire est une activité commerciale de base : la vente des poissons au marché (cf. sc.8). L’activité majeure est donc primaire : pêche (celle de Mamadou) ou élevage nomade (les troupeaux de vaches ou de chèvres de Kidane) ; hautement dépendante de la conjoncture et peu rentable car extensive, elle s’effectue en outre dans des proportions insuffisantes pour être assurée. Ainsi, Kidane n’a que 8 vaches, et la perte de GPS constitue inévitablement un drame. - la place des catastrophes naturelles : dans la scène 15, Kidane évoque avec sa femme la situation qui les a contraints à « fuir », « entre soif et sécheresse ». Il est venu dans la région de Tombouctou pour trouver l’eau nécessaire à ses bêtes, ce qui provoque des conflits avec les populations locales, comme le montrent les tensions entre Mamadou le pêcheur et Issan le berger dès la scène 5 ; lorsqu’il s’en prend à Mamadou, Kidane commence par lui demander « l’eau est à toi ou à ton grand-père ? De quel droit ? » (sc.22). 3- Montrez que le pays est au cœur de mobilités humaines transnationales, en accordant une place particulière au cas des Touaregs. > Malgré l’enclavement évoqué ci-dessus, les langues employées par les personnages révèlent que la région de Tombouctou est un carrefour humain. Le tamasheq ou le hassaniyya sont des langues locales, mais le bambara, langue véhiculaire au Mali, est normalement parlé bien plus au sud. Plusieurs langues sont employées pour pouvoir communiquer : - l’arabe, langue du Coran parfois apprise dans sa forme littéraire par les musulmans qui sont allés à l’école coranique, est traditionnellement assez mal maîtrisée dans ses formes vernaculaires par les habitants ; et on note que seuls le parlent correctement ceux qui viennent des pays arabes (Maghreb ou autres) et l’imam – Abdelkrim se moque même du fait qu’Omar parle si mal cette langue (sc.14). - le français, héritage de l’époque coloniale, est ici employé comme langue internationale par les Maliens et les djihadistes étrangers venus de pays francophones (ceux du Maghreb, sans doute, voire de France). - l’anglais est par moments employé comme langue de communication, par Omar ou Abou Jaafar. Cette tour de Babel est le témoin du cosmopolitisme d’une région marquée par les traditionnelles migrations nomades de l’espace soudano-sahélien, mais aussi par les déplacements internes au pays et par l’arrivée de djihadistes étrangers, venus de l’autre côté de la frontière (Abou Hassan, Abdelkrim, etc. par exemple) ou parfois de bien plus loin (le Français Mobi, et sans doute d’autres djihadistes venus d’Afrique noire, comme Abou Jaafar, voire de plus loin). > Les Touaregs sont, on l’a déjà vu, un peuple nomade du désert du Sahara qui passe les frontières au gré des réserves de nourriture pour leurs bêtes, des aléas climatiques, ou de la situation politique. Ici, Kidane est contraint de fuir les régions du nord qu’il parcourt traditionnellement pour se rapprocher de Tombouctou ; et il connaît suffisamment bien les Maures de la région de Léré, pourtant à plusieurs centaines de kilomètres, pour en reconnaître un sous son chèche (sc.27). On sait par ailleurs que les Touaregs ont toujours refusé de reconnaître l’intangibilité des frontières héritées de l’ère coloniale fixée par l’OUA en 1963 : ils se déplacent sur une aire située sur six pays (Tunisie, Libye, Algérie, Niger, Mali, Burkina-Faso), revendiquant leur spécificité et même, pour certains, un État indépendant (cf. activité n°3, question 3). > Les mobilités humaines sont donc à la fois infranationales (flux de populations venues du sud le long du fleuve Niger, au gré des activités économiques ; ou de réfugiés venus du nord ; …) et transnationales (djihadistes venus de l’étranger ; Touaregs). 38 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION 4- Repérez les indices de l’insertion du Mali dans les flux mondialisés. Quelle information donnée par le document 8 est bien illustrée dans le film ? > Le Mali n’est pas aussi à l’écart des flux mondialisés que son état de développement pourrait le laisser croire, y compris dans une ville aussi loin au nord et proche du désert que l’est Tombouctou. Dès la scène 3, le réalisateur met en contraste le discours des djihadistes, en train d’interdire au porte-voix nombre des symboles du modernisme à l’occidentale, et la réalité à laquelle ils se heurtent : l’insertion des Maliens aux flux mondialisés par le biais de la sphère privée. En effet, plusieurs plans de coupe montrent les hommes en arme de la police islamique faisant le guet depuis les toits aux côtés de grandes antennes paraboliques (cf. doc.9) : ces dernières, qu’on revoit souvent par la suite dans le film (par exemple au début de la sc.11), permettent la réception des émissions des chaînes de télévision maliennes, mais aussi étrangères (par exemple les chaînes francophones ou internationales). Le Mali n’est donc pas coupé du monde et reçoit l’information mondialisée, tout du moins dans les grandes villes comme Tombouctou. > Autre usage des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) : l’omniprésence des téléphones portables, utilisés par le réalisateur un peu comme un gimmick. Chacun des personnages en possède un. C’est le moyen de communication systématique des djihadistes, comme le montrent les scènes 17, où trois des chefs djihadistes assis en train de lire le Coran ont posé les leurs à leurs pieds (Abou Hassan n’en a pas moins de quatre, dont un téléphone satellitaire, et Abdelkrim est en train de consulter un smartphone), ou 22, où le téléphone permet de prévenir du meurtre d’Amadou. Même le nomade du désert Kidane et sa famille en possèdent : Kidane se fait retirer le sien lorsqu’il se fait arrêter (sc.23), Toya propose à sa mère d’attendre un appel « là où il y a du réseau » (sc.24), puis cherche désespérément à le capter du haut d’une dune (sc.35), etc. Dans un pays où les infrastructures téléphoniques sont visiblement absentes, le téléphone portable cellulaire est le vecteur de l’information et le moyen de communication privilégié. Sans doute est-ce pour cela que A.Sissako lui accorde tant d’importance, lui conférant même une place centrale dans la résolution de l’intrigue (cf. sc.12, où Abdelkrim laisse son numéro à Satima ; et sc.36, au moment du procès, l’appel de cette dernière à Abdelkrim, qui lui fait répondre par Omar qu’il ne peut plus rien faire. On comprend aussi qu’elle a joint le porteur d’eau par téléphone pour qu’il la conduise en moto à la ville). Le téléphone portable est donc l’objet le plus répandu, y compris loin des centres urbains marqués par l’uniformisation culturelle : c’est la mondialisation qui pénètre par son biais dans les territoires les plus reculés. C’est sans doute ce qui explique que l’ONU se félicite de sa généralisation, comme symbole de modernité et de sécurité, dans son Rapport 2014 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (cf. doc.8) : près de 7 milliards d’abonnements existent aujourd’hui, ce qui implique un taux d’équipement de plus de 90% dans le monde. > On remarque aussi, à la scène 37, qu’un des hommes qui prend part à la réunion prend des notes sur un ordinateur portable. Or on sait que malgré toutes les interdictions faites par les djihadistes, les nouvelles continuaient à parvenir à l’étranger durant l’occupation de Tombouctou via Skype ou Facebook : l’ordinateur et la connexion à Internet sont également des instruments de l’insertion à la mondialisation. > On notera encore, malgré leur rareté, la place que tiennent les véhicules de production étrangère dans le film. Il s’ouvre en effet sur une scène de chasse à la gazelle sur un pick-up japonais de marque Toyota (cf. doc.12a), moyen de transport des djihadistes qui revient là aussi comme un leitmotiv tout le long : c’est le symbole des échanges internationaux de marchandises. Dans la scène 2, la réception de l’otage se fait entre deux quatre-quatre Toyat Hilux ; c’est encore ce modèle qu’Abdelkrim apprend à conduire (sc.9, 14, 30 et 34) ou que Zabou bloque dans une ruelle (sc.13). Même si elles sont moins voyantes, on peut également noter la présence de motos de marque étrangère (celle des djihadistes dès la scène 3, ou celle du porteur d’eau aux scènes 7 ou 38 par exemple). > Les échanges de biens culturels sont également représentés par les quelques vêtements qui ne relèvent pas de la tradition locale, notamment chez les plus jeunes (à la scène 26, les musiciens portent des jeans et des chemises) et les chaussures : presque tous les djihadistes portent des baskets de marque étrangère (Nike, Adidas) ou de solides chaussures de randonnée, comme on peut le remarquer dès la scène 3. > La guitare dont joue le musicien à la scène 26 marque également l’influence culturelle occidentale, même si la musique qu’il joue avec ses amis est d’inspiration locale. > Enfin, à la scène 21, la mondialisation culturelle et commerciale est incarnée par le match de football imaginaire joué sans ballon par des enfants qui portent pour certains l’équipement complet des clubs ou des équipes nationales européens (chaussures à crampons, bas, short, maillot : on reconnaît ceux du FC Barcelone aux bandes bordeaux et bleues [Messi] ou de l’équipe de France en bleu), arborant là aussi les grandes marques d’équipementiers sportifs (les trois bandes d’Adidas, le double losange de Umbro, …), voire des sponsors (un n°10 marqué Compass Family), et copiant les gestes des footballeurs après le but, comme ils l’ont certainement vu faire à la télévision. Activité 3 - Islamisme radical et Djihadisme 39 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION 1- À l’aide du document 10, rappelez quelle distinction doit être faite entre islam et islamisme djihadiste. En quoi la scène 11 l’illustre-t-elle ? > L’islam est une religion, fondée au VIIe siècle par le prophète Mahomet ; ses adeptes se nomment les musulmans. Au nombre d’environ 1,3 milliards dans le monde, ils se divisent en grandes branches (sunnisme, chiisme, kharidjisme) et en multiples courants dépendants du contexte de pratique de la religion, même s’ils se retrouvent sur l’essentiel (les textes fondateurs : Coran, hadîths, Sîra ; le respect de règles majeures : les cinq piliers, les interdits alimentaires, etc. …). Le néologisme « islamisme », apparu dans les années 1970 en français, désigne quant à lui un ensemble de doctrines du XXe siècle, qui veulent toutes faire de l’islam le fondement de la vie politique et sociale à travers une interprétation univoque des textes, ainsi que la source unique de la loi et du droit (charia). Les islamistes sont les partisans de ces doctrines, par exemple le mouvement des Frères musulmans né en Égypte en 1928, qui a ensuite essaimé au Proche-Orient et en Afrique du Nord, ainsi qu’en Europe. Toutefois, le choix du mode d’action des mouvances islamistes est variable, du quiétisme (non-intervention totale dans une vie politique considérée comme impure, tout en respectant le plus pieusement possible les règles et les rites religieux), à la conquête du pouvoir politique par la révolution (Iran) ou par les urnes (Turquie, Tunisie, Égypte, …), voire, pour les plus radicaux, à l’action violente et au terrorisme (djihadisme). Tout dépend en fait de l’interprétation qu’on fait du terme « djihad » (effort, en arabe). > C’est le sens du débat qui oppose à la scène 11 le chef djihadiste Abou Hassan à l’imam de la mosquée : « - Vous voulez me convaincre de renoncer au djihad ! – Moi ? Qui suis-je pour dire « renoncez au djihad » ? Je ne m’occupe pas du djihad des autres. Je fais le djihad sur moi-même. Je le jure, je n’ai pas le temps pour le djihad des autres. Si je n’étais pas engagé dans mon perfectionnement moral, je serais le premier parmi vous. […] Arrêtez. Vous portez préjudice à l’islam et aux musulmans. » On comprend bien ici ce qui oppose le musulman, engagé dans une lutte pour son propre perfectionnement moral – le djihad majeur –, et l’islamiste, lancé dans une guerre sainte destinée à étendre la « vraie foi » et à combattre les mécréants – le djihad mineur, censé n’être mené qu’en cas de menace pour l’islam. Déjà à la scène 4, l’imam avait d’ailleurs rétorqué aux hommes qui lui affirmaient pouvoir entrer dans sa mosquée chaussés et armés : « ici, à Tombouctou, celui qui se consacre à la religion le fait avec sa tête, et non avec les armes ». 2- D’après la carte du document 11, quels sont les objectifs militaires des groupes armés ? Comment pourrait-on expliquer leur progression en 2012 ? > Il semble clair que l’offensive menée au début de l’année 2012 par les divers groupes armés évoqués par le doc.11 visait les villes : quelques centaines de combattants très bien coordonnés venus du désert, de Mauritanie, du nord-Mali, du Niger et d’Algérie, s’emparent de Léré et de Niafunké en janvier ; de Ménaka et Tinzawaten en février, pourtant situées à des centaines de kilomètres ; de Tessalit, d’Anéfis, et surtout des grands centres urbains de Kidal et de Gao en mars ; avant d’entrer dans Tombouctou en avril. Ayant ainsi verrouillé le nord du pays, et tout particulièrement la boucle du fleuve Niger, ils s’assuraient d’un territoire sanctuarisé, de ressources propres, et du soutien par la terreur de populations majoritairement musulmanes – comme le film s’en fait l’écho. > Cette progression extrêmement rapide n’a pu être obtenue que par l’effet de surprise – les autorités avaient certes été incapables de contenir l’installation de combattants djihadistes réfugiés d’autres terrains de conflits, comme l’Algérie ou la Libye, dans le massif de l’Adrar des Iforas, au Nord, mais ne les imaginaient ni aussi bien armés, ni aussi organisés et déterminés. La coordination des opérations implique un équipement moderne (par exemple des téléphones satellitaires) ; et leur succès un armement important (sans doute récupéré en Libye après la chute du colonel Kadhafi en 2011). Mais la déliquescence de l’État malien, qui venait de subir un putsch le 21 mars, explique également l’incapacité à faire face à cette offensive. 3- Toujours d’après le document 11, tous les groupes armés de la région sont-ils des combattants de l’islam radical ? Quelle scène du film distingue ces deux factions ? Laquelle occupe Tombouctou ? Décrivez son étendard d’après les scènes 1et 38. 40 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION > Le Nord-Mali est devenue une zone de non-droit sous l’action conjointe de deux types de groupes armés. On trouve d’une part les rebelles touaregs du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad), fondé en 2011 par la fusion de groupes antérieurs, avec pour objectif l’autodétermination de l’Azawad, c’est-à-dire des territoires revendiqués comme historiquement et ethniquement arabo-berbères (Touaregs et Maures) : les régions de Kidal, de Gao et de Tombouctou, zones de pâturage traditionnelles des troupeaux nomades (Azawad vient du tamasheq « azawagh », pâture). Nombre de ses 3 à 5000 combattants sont d’anciens membres de la Garde Nationale malienne, ou des soldats de l’armée libyenne qui ont rejoint les rangs de la rébellion avec armes et uniformes après la chute du régime Kadhafi en octobre 2011 – ce que suggère le film en montrant des hommes en treillis ou en veste de camouflage, et armés par exemple de Kalachnikov, une arme russe qui équipait l’armée libyenne. Leur combat prend la suite de nombreux conflits qui ont opposé des factions touarègues aux gouvernements du Mali et du Niger depuis l’indépendance dans les années 1960. L’objectif était en 2012 l’indépendance d’une république laïque. D’autre part, plusieurs groupes islamistes radicaux ont trouvé refuge dans ces zones désertiques, à commencer par Ansar Dine (« les défenseurs de la religion »), qui a passé une alliance de circonstance avec le MNLA en 2012, ce qui explique sans doute une partie de leurs succès militaires. Dirigé par un ancien chef de la rébellion touarègue, Iyad Ag Ghali, il est fondé début 2012 et a pu compter jusqu’à 10 000 combattants cette année-là, ce qui fait de lui le principal acteur du conflit. Son objectif est de créer une république islamique fondée sur la charia. Le MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest) est un groupe islamiste de moindre envergure (500 à 1000 hommes), issu d’une scission avec AQMI en 2011 afin d’étendre l’insurrection du Maghreb vers l’Afrique de l’Ouest. Contrairement à Ansar Dine, mouvement endogène, ses combattants et son idéologie sont principalement d’origine moyen-orientale. C’est également le cas d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), groupe algérien issu des GIA (Groupe Islamique Armé durant la guerre civile des années 1990), affilié à Al Qaïda depuis 2007, et dont nombre des 1500 combattants environ ont trouvé refuge au Mali pour fuir la traque de l’Armée algérienne. > Bien que le film soit peu explicite à ce sujet, on a déjà noté à leur pratique du tamasheq, voire à leur façon de porter le chèche en turban couvrant, que certains combattants étaient visiblement touaregs : c’est le cas du chauffeur-traducteur Omar, dont on peut se demander s’il est véritablement djihadiste (cf. sc.14 : « ils sont croyants, et cela me suffit » ; sc.30 : « Tout le monde sait que tu fumes », dit-il à Abdelkrim sans le condamner), ou si le MNLA ne l’a pas simplement mis au service d’Abdelkrim pour assurer la liaison entre groupe nationaliste et groupe islamiste. De même pour le traducteur qui fait face à Kidane dans la scène 27. Mais c’est surtout dans la scène 2 qu’on comprend que plusieurs groupes coexistent : on y assiste à la transmission d’un otage sans doute européen (il a la peau blanche) par des Touaregs – visage intégralement couvert par le chèche – aux islamistes – on reconnaît Abdelkrim. Les hommes semblent se connaître et se saluent respectueusement : Sissako cherche visiblement à illustrer l’alliance passée entre le MNLA et Ansar Dine. > C’est en effet ce dernier groupe qui s’est emparé de Tombouctou le 1er avril 2012 et y a imposé sa loi jusqu’à la chute de la ville devant les troupes franco-maliennes fin janvier 2013 ; mais le film n’en précise jamais le nom. > On en voit en revanche l’étendard dans les scènes d’ouverture et de clôture du film (1 et 38) : un drapeau noir marqué d’une inscription blanche en arabe, et d’un sceau blanc où trois mots en arabe sont disposés verticalement – on peut se référer aux documents 12. Ce drapeau été adopté par presque tous les groupes djihadistes du monde, Ansar Dine, AQMI et le MUJAO y compris, car il prétend être la bannière noire portée par le prophète lui-même lors de ses conquêtes – à commencer par celle de La Mecque. Ses éléments renvoient aux premiers âges de l’Hégire, ceux des ancêtres contemporains de Mahomet, dont les djihadistes cherchent à imiter la vie et les mœurs idéalisées. La calligraphie de style koufique est celle des premiers écrits de l’islam. La grande inscription est la chahada (profession de foi) et dit « La ilaha illa Allah » (Il n’y a de dieu que Dieu). Quant au « logo », ce rond blanc aux trois inscriptions, il s’agit en fait de l’empreinte du sceau de Mahomet, qu’on retrouve au bas des rares lettres qui lui sont attribuées, et qui enjoignent d’embrasser l’islam aux grands monarques de l’époque, ceux de Byzance, de Perse, d’Éthiopie, de Bahreïn et d’Égypte. Il fait référence à la bague sigillaire que portait le Prophète, évoquée par son compagnon Anas Ibn Malik dans un hadîth : « Quand le Prophète eut l’intention d’écrire une lettre au souverain des Byzantins, on lui dit que ces gens ne la liraient pas si elle n’était pas cachetée d’un sceau. Alors le Prophète se fit faire un anneau d’argent (…) et fit graver dessus «Mohammed, Messager d’Allah»». 4- Quelles scènes du film montrent que les djihadistes n’ont pas de respect pour l’islam local, qu’ils considèrent comme dévoyé ? Faites une recherche pour expliquer ce 41 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION qu’est le salafisme qu’ils défendent. D’après le document 13, quels actes ont-ils commis pour aller au bout de cette logique ? Comparez avec ceux commis par les talibans au pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001 (cf. document 14). > Pour les djihadistes à la recherche d’un islam « pur », celui d’un supposé âge d’or des origines, nombre de musulmans dans le monde ne respectent pas les règles imposées par le Prophète et se laissent aller à trop de tolérance et de compromissions envers les cultures locales ou les autres religions. C’est par exemple le cas d’Abdelkrim à la scène 14, qui rétorque à Omar qui vient de dire de Kidane qu’il « est un homme bien » : « De quoi tu parles, de « force intérieure », d’un « homme bien » ? Il faut être un bon croyant ». Or, être un « bon croyant », c’est pour eux respecter intégralement et en permanence ces règles, qu’ils cherchent donc à imposer par la force, y compris lors d’actions spectaculaires. Ainsi, dès la scène 1, les djihadistes procèdent à la destruction d’œuvres anciennes de la culture malienne : masque, statuettes. Ils ne peuvent imaginer que de « bons » musulmans aient pu conserver de tels objets : on se souviendra que l’islam, dans la tradition judaïque, se veut aniconique et proscrit donc toute représentation d’êtres vivants, et en particulier des humains, à plus forte raison si ces représentations apparaissent licencieuses ; or, ici, la majorité des statuettes détruites montrent des corps féminins nus, à la poitrine proéminente. Plus loin, à la scène 4, trois hommes dont Abdelkrim pénètrent dans la mosquée locale sans se déchausser ni désarmer, au grand dam de l’imam : c’est dire s’ils considèrent l’endroit avec peu de respect, car l’islam qui y est pratiqué n’est pas suffisamment pur pour qu’on y montre les marque habituelles de respect dans « la maison de Dieu ». De même, bien qu’il justifie systématiquement son argumentation juridique par la citation de sourates, à chaque fois que l’imam cherche à débattre avec Abou Hassan ou d’autres chefs djihadistes des actes commis par leurs hommes au nom de la « vraie foi » et d’une interprétation littérale du Coran ou de la sunna, il se heurte au silence (cf. sc.11, à propos de la nature du djihad, ou des coups donnés à des mères de jeunes enfants ou des femmes qui refusaient de porter des gants) ou se fait rabrouer (cf. sc.37, alors qu’il cherche à défendre la mère de la jeune Safia, enlevée et mariée de force à Abou Jaafar : Abou Hassan lui explique que ses hommes agissent selon la légalité « fondée sur la loi islamique », « la loi d’Allah et la sunna du Prophète », telle qu’ils sont désormais les seuls à pouvoir les interpréter, puisqu’ils sont les « tuteurs de toute action » depuis qu’ils se sont emparés du territoire). > Ces exemples sont révélateurs de l’idéologie dont relèvent les djihadistes du film : on l’appelle le salafisme, terme dérivé du mot salaf, les « prédécesseurs », ou les « ancêtres », c’est-à-dire les premiers musulmans, contemporains de Mahomet. Il s’agit d’une doctrine fondamentaliste, car elle prône le retour aux fondements supposés de l’islam des origines par l’imitation de la vie du Prophète, de ses compagnons et des deux générations qui lui ont succédé ; et le respect aveugle de la sunna (la tradition islamique). Il condamne toute interprétation théologique, en particulier par l’usage de la raison humaine, accusée d’éloigner le fidèle du message divin ; toute piété populaire ou superstition, comme le culte des saints, jugé contraire à l’unicité de Dieu (tawhîd) ; et toute influence occidentale, comme le mode de vie et la société de consommation, mais également la démocratie et la laïcité. > Le document 13 illustre cette animosité envers l’islam local et ses pratiques jugées contraires à la sunna : on y apprend que le 10 juillet 2012, les combattants d’Ansar Dine ont continué à détruire une partie de la célèbre mosquée Djingareyber (cf. doc.2b), pourtant classée au patrimoine mondial de l’humanité ; elle abritait en effet des « mausolées de saints musulmans », pratique habituelle dans l’islam initiatique soufi d’Afrique de l’Ouest, qui valorise l’ascèse et la maîtrise de soi dans le chemin vers la sagesse, mais absolument pas tolérée par les salafistes, qui y voient la trahison de la chahada (profession de foi) : « il n’y a de vrai dieu qu’Allah, et Mahomet est son prophète ». L’existence de « saints » (les soufis) pourrait en effet remettre en cause l’unicité de Dieu, et celle de leurs mausolées inspirer des cultes ou des pèlerinages annexes à ceux des Lieux Saints fréquentés par le Prophète (La Mecque, Médine, Jérusalem), donc créer un polythéisme de fait. On sait aussi qu’en quittant la ville en janvier 2013, les djihadistes ont brûlé des manuscrits médiévaux d’une inestimable valeur, inspirés par la même défiance envers l’islam soufi. > On peut apparenter cette attitude à celle des talibans au pouvoir en Afghanistan entre 1996 et 2001, qui firent sauter au grand émoi de la communauté internationale les Bouddhas de Bâmiyân en mars 2001 (cf. doc.14). Ces œuvres majestueuses de style Gandhara, excavées entre le Ve et le Xe siècle dans des falaises à 230 km au nord 42 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION de Kaboul, dans une région où l’islam n’avait pas encore pénétré et où le bouddhisme dominait, ont été détruites sur ordre du mollah Omar parce qu’elles représentaient les idoles d’une fausse croyance : on retrouve là à la fois l’iconoclasme forcené des djihadistes, la lutte contre les « infidèles » et leur culture, et la volonté de défier les Occidentaux qui avaient via l’UNESCO classé les Bouddhas géants au patrimoine mondial de l’humanité. 5- Cherchez la définition du terme charia. Celle-ci peut-elle varier selon les lieux ou les époques ? Quelles scènes du film illustrent la volonté des islamistes d’une application littérale et sans nuances des préceptes religieux ? Qui est chargé de veiller à leur application ? Quels châtiments sont prévus pour les contrevenants ? > La charia, parfois appelée loi islamique, est le terme signifiant en arabe « chemin pour respecter la loi ». Il s’agit d’un ensemble de normes qui doivent régler la vie d’un musulman, dans tous les domaines (social, culturel, financier, …), tirées du Coran, mais aussi des hadîths (les dits du Prophète rapportés par ses contemporains) et des Sîras (les biographies de Mahomet rédigées après sa mort), en somme de tous les textes qui forment la sunna, la tradition islamique. On notera qu’une partie de ces règles auraient été prescrites aux prophètes antérieurs (ceux de la Bible) et maintenues par Mahomet. > La charia, codifiée dans des livres dès la mort de Mahomet en 632, est considérée comme immuable, et s’inspire de lois, de pratiques et de coutumes en usage à l’époque, parfois héritées d’autres traditions (en particulier de l’empire romain). Toutefois, très vite, des mouvements musulmans ont tenté d’établir des synthèses entre ce corpus normatif et les évolutions sociétales ou juridiques de leur temps ou de leur aire géographique. En outre, en cas de flou dans la jurisprudence, les muftis (interprètes de la loi) sont habilités à prononcer des fatwas (avis juridiques) qui viennent s’ajouter à la charia, et peuvent parfois entrer en contradiction les unes avec les autres. Enfin, les califes des premiers siècles ont rapidement adopté le principe d’adaptation de la loi à l’époque, tout particulièrement en ce qui concerne les châtiments corporels – par exemple, le Calife Omar (584-(634)-644), deuxième à avoir régné, a supprimé l’amputation de la main des voleurs en cas de disette quelques années à peine après la disparition du Prophète. La charia semble donc mouvante, et l’application totale de ses règles relève assez largement de l’utopie, comme le prouvent d’ailleurs les variations nettes qui existent à son sujet d’un groupe islamiste à un autre. > Dans Timbuktu, c’est pourtant l’application stricte de ces normes que les djihadistes cherchent à imposer à l’ensemble de la population - au demeurant majoritairement musulmane dans cette partie du Mali. Dès la scène 3, on voit arriver un homme muni d’un mégaphone dans les faubourgs de la ville, qui annonce en plusieurs langues les nouvelles règles : l’interdiction des cigarettes et de la musique, l’obligation pour les femmes de porter des chaussettes et des gants, ... Le bruit du porte-voix revient à plusieurs reprises dans le film, comme au début de la scène 21, quand on entend en français : « Il est interdit de s’afficher, de s’asseoir devant les maisons, et à faire n’importe quoi, à passer le temps dans les rues … ». Il s’agit donc de réformer les mœurs, mais sans pour autant en expliquer les raisons, comme le montre une autre situation de la scène 3, où un homme qui s’avance dans la rue est contraint de retrousser son pantalon, et finit par l’ôter faute de pouvoir le faire. À la scène 8, au marché, on constate que les femmes ont commencé à porter un voile noir très couvrant (le hijab) sur leur tenue traditionnelle plus colorée ; les policiers cherchent néanmoins à imposer à une jeune femme de porter des gants alors qu’elle vend des poissons, ce qu’elle refuse : elle est arrêtée. L’école républicaine a été fermée (le lieu sert désormais de tribunal, comme on le devine à la présence d’un poème sur le tableau noir dans le dos des juges (sc.21)) et seule l’école coranique est tolérée (sc.11). La scène 21 illustre l’interdiction du football, avec la condamnation du propriétaire d’un ballon, et l’interruption par des policiers du match de football fictif improvisé par les enfants. Les scènes 17, 26 et 29 insistent sur l’interdiction de la musique, considérée comme un « péché » (dit Mobi l’ancien rappeur à la scène 16) ; et même si dans un premier temps les djihadistes n’interviennent pas car « ce sont des louanges à Dieu et à son Prophète », ils finissent par arrêter les jeunes gens et condamnent la chanteuse et le guitariste aussi bien pour avoir joué de la musique que pour s’être trouvés « tous les deux dans la [même] chambre » alors qu’ils ne sont pas mariés. 43 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION Cette hantise de la proximité entre homme et femme en dehors du mariage se retrouve dans les scènes 31 et 32, où une jeune femme est arrêtée pour avoir téléphoné à un autre homme que son frère, avant qu’ils soient tous deux condamnés. Les scènes 33 et 37 évoquent un autre cas de figure : le rapt et le mariage forcé subis par une jeune fille, Safia, contre l’avis de sa mère et en l’absence de son père ; Abou Hassan considère ce mariage « légal », c’est-à-dire conforme à la charia (il prononce distinctement le mot en arabe dans le dialogue), puisqu’Abou Jaafar n’a fait que respecter la parole du Prophète : « si quelqu’un vient à vous et que vous reconnaissez sa foi, mariez-le ». Quant au meurtre involontaire, il est puni de mort, comme Abou Hassan en prévient Kidane au début de la scène 27 : « on appliquera la charia », « Le juge est un homme juste, il appliquera la loi de Dieu » ; à moins que le condamné n’obtienne le pardon de la famille du défunt en échange du « prix du sang ». > Une « police islamique » portant des chasubles où cette inscription est notée en arabe et en français est chargée tout au long du film de faire appliquer les nouvelles règles. Elle surveille la ville depuis les toits et en patrouillant dans les rues. Quant à la justice, elle est rendue par un tribunal islamique qui siège dans l’ancienne école (sc.21, 29, 36) et rend ses sentences prestement, d’après les peines prévues au préalable pour chacune des interdictions évoquées précédemment. Aucune défense n’est assurée pour les contrevenants. > Les infractions sont souvent prétextes à commettre des violences, comme on le comprend lorsque l’imam dit à la scène 11 : « vous avez frappé la mère de deux enfants sans raison acceptable ». Au tribunal, les sentences sont lourdes : condamnations à des coups de fouet dans deux scènes (sc.21 : 20 coups de fouet pour le propriétaire du ballon de football ; sc.29 : 80 coups de fouet pour le guitariste et le chanteuse, 40 pour avoir joué de la musique et 40 pour avoir été dans la même pièce sans être mariés) ; lapidation pour le couple illégitime (sc.32) ; mort pour le meurtrier, même involontaire. La scène 8 évoque aussi la peine de l’amputation des mains, lorsque la jeune femme qui refuse de porter des gants met au défi les policiers de les lui couper ; mais cette sentence est réservée aux voleurs. 6- Comment le réalisateur du film souligne-t-il les incohérences des djihadistes qui veulent faire respecter aux autres des règles strictes qu’ils sont eux-mêmes incapables d’appliquer ? > Certaines scènes du scénario sont visiblement construites pour se faire écho et dénoncer la tartufferie des djihadistes : - à la scène 12, le djihadiste Abdelkrim rend visite à Satima en l’absence de son mari, la voit tête nue, et cherche manifestement à s’attirer ses bonnes grâces ; alors que la jeune femme arrêtée parce qu’elle téléphonait à un homme et son amant supposé sont quant à eux lapidés (sc.31 et 32). En outre, le même homme se cache pour fumer (sc.30) alors que l’interdiction en est faite à toute la population dès la scène 3. - à la scène 13, trois djihadistes s’emportent en parlant football (mérites comparés du Barça et du Real, de Messi et de Zidane, de l’équipe de France …) alors que le football est interdit et le propriétaire d’un ballon condamné au châtiment (sc.21). - à la scène 31, plusieurs djihadistes, dont Mobi, fréquentent Zabou, dont on ne sait pas bien quel rôle elle tient, entre mère, sœur et peut-être amante ; son costume coloré et le fait qu’elle ne se couvre pas la tête, de même que son état d’étrangère (elle semble haïtienne d’origine, comme le montrent son accent et son obsession pour le sort de Haïti après le tremblement de terre de janvier 2010) dénoncent implicitement son statut de prostituée. L’un d’eux danse chez elle à l’abri des regards (sc.32) alors que la musique est interdite (sc.3) et que les musiciens sont condamnés au fouet (sc.26 et 29). 7- Savez-vous comment les djihadistes financent leur armement et leurs véhicules ? À quel procédé la scène 2 du film fait-elle allusion ? Connaissez-vous des cas précis de 44 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION Français pris dans cette situation ? Comment réagit la France ? > On sait que les groupes djihadistes du monde entier se financent par le trafic de drogues (héroïne par les talibans afghans, cocaïne et cannabis au Sahel, …), d’antiquités (en Irak, en Syrie, en Afghanistan, …) ou d’armes (spécialité d’Ansar Dine et d’AQMI qui en ont récupéré beaucoup sur le champ de bataille libyen en 2011), voire la contrebande de matières premières (pétrole en Irak ou au Nigéria, …) et les passages de frontières pour des clandestins prêts à payer cher leur transfert vers le Nord (Sahel, Libye, …). Mais une bonne partie de leurs fonds vient aussi de financements extérieurs, pour la plupart des monarchies ultraconservatrices du Golfe et de leurs lucratives activités pétrolières ou financières, telles que l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweït, etc. > On assiste à la scène 2 à un échange d’otage entre un groupe armé touareg et les djihadistes sur le point de s’emparer de Tombouctou. Cette pratique de la prise d’otage s’est généralisée dans les espaces de non-droit où agissent des rébellions djihadistes depuis plusieurs décennies : il s’agit pour elles de négocier de fortes rançons avec les États dont ils sont ressortissants, tout en proclamant des revendications d’ordre politique et en menaçant de les exécuter s’ils ne payent pas. Cela explique qu’on ne peut se permettre de trop mal les traiter : les ravisseurs prennent ici grand soin d’expliquer quels médicaments il faut donner au prisonnier. L’argent obtenu est la principale source de financement et permet d’acheter des armes et du matériel pour renforcer la puissance du groupe. > Ainsi, quatre otages français (Daniel Larribe, Pierre Legrand, Thierry Dol et Marc Féret), enlevés par AQMI sur un site d’extraction d’uranium à Arlit au Niger le 16 septembre 2010, puis gardés dans le Nord-Mali, ont été libérés fin octobre 2013 après plus de 3 ans de négociations ; d’aucuns pensent que leurs employeurs, les sociétés Areva et Vinci, auraient payé une rançon de plus de 40 millions de dollars. Officiellement néanmoins, la France ne paye jamais ; et son action militaire dans la région y expose davantage ses ressortissants. Leur sort quand les négociations échouent ou quand ils passent entre les mains de groupes djihadistes plus radicaux peut donc être fatal : fin 2011, AQMI enlevait deux hommes d’affaires français dans le Nord-Mali, et si Serge Lazarevic est officiellement toujours en vie, son compatriote Philippe Verdon a été assassiné d’une balle dans la tête en mars 2013 par mesure de rétorsion contre l’intervention de la France dans cette région. Avant lui, Michel Germaneau avait été exécuté au Mali en juillet 2010, trois mois après son enlèvement par AQMI au Niger ; Antoine de Léocour et Vincent Delory, enlevés en plein Niamey en janvier 2011 et transportés au Mali, furent tués dans l’assaut par les forces franco-nigériennes du convoi qui les emmenait ; Gilberto Rodrigues Leal, enlevé au Mali en novembre 2012 par le MUJAO, est considéré comme mort depuis avril 2014 ; une prise d’otages massive eut lieu en janvier 2013 sur le site gazier d’In Amenas, dans le Sahara algérien, par un groupe dissident d’AQMI, les Signataires par le Sang, et sur les 800 otages, 115 étaient étrangers, dont 4 Français – 37 d’entre eux ont laissé la vie lors des opérations de libération, dont un Français, Yann Desjeux ; en février 2013, au nord du Cameroun, les 7 membres de la famille Moulin-Fournier étaient enlevés par Boko Haram, avant d’être libérés deux mois plus tard ; enfin, deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été enlevés par AQMI et assassinés à Kidal en novembre 2013. L’assassinat d’Hervé Gourdel, mort décapité en Algérie le 24 septembre 2014 par le groupe djihadiste algérien « les Soldats du Califat en Algérie », groupe dissident d’AQMI et affilié à Daech, ne relève pas de la même stratégie : l’homme a laissé très rapidement la vie, au lendemain du refus par la France de céder à l’ultimatum qui lui enjoignait de quitter l’Irak où elle venait de s’engager aux côtés d’une coalition internationale contre Daech, soit deux jours à peine après son enlèvement ; il ne s’agissait donc pas de faire monter la pression pour obtenir une rançon plus substantielle. Et cela pour la seule région saharo-sahélienne : d’autres otages français ont été kidnappés, puis libérés ou exécutés en Afrique de l’Est (Kenya, Somalie, Djibouti), et au Proche- et au Moyen-Orient (Liban, Syrie, Irak), à tel point que depuis 2008, un tiers des 53 otages retenus dans le monde étaient français. La France est d’ailleurs considérée par les preneurs d’otages comme bonne payeuse, et les États-Unis ne se sont pas privés de lui reprocher son hypocrisie par les voix du New York Times en juillet dernier, au moment de la libération de 4 ex-otages en Syrie, puis de Barack Obama qui en fit publiquement le reproche au Président Hollande en septembre. En effet, cette pratique incite les groupes djihadistes et les rébellions du monde entier à poursuivre cette stratégie fort lucrative. 8- D’où sont originaires les djihadistes visibles dans le film ? Comment peut-on expliquer cette variété ? D’autres conflits ont-ils aussi été considérés par le passé comme des 45 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION guerres saintes par des islamistes ? Vous pourrez utiliser de nouveau le document 10. > Nous avons déjà souligné dans l’activité n°1 de ce dossier la grande variété d’origine des djihadistes mis en scène par A.Sissako, qui cherche de ce point de vue à rester au plus près de la réalité. Le groupe qui occupe Tombouctou est une vraie tour de Babel, où la communication est parfois difficile : on y a besoin de traducteurs en permanence (cf. la scène 33, particulièrement parlante à cet égard, puisqu’il faut pas moins de 3 hommes et l’usage de 4 langues pour demander la main de Safia au nom d’Abou Jaafar). Maliens de divers groupes ethniques, combattants issus des pays voisins (Niger, Sénégal, Mauritanie, …), Maghrébins (Algériens, Marocains, …), Libyens, Arabes du Moyen-Orient, Européens (de France, ici), … : le groupe est à l’image de l’umma, la communauté des croyants idéale de l’islam, à la fois transnationale et cimentée par la religion (« la umma est comme un seul corps » dit Mobi à la scène 16 en citant Mahomet). > Cette variété trouve plusieurs explications, en partie avancées par le document 10 : ainsi, le rappeur français Mobi peut représenter cette catégorie de jeunes issus de l’immigration, « qui pousse[nt] jusqu’au bout cette quête identitaire en une révolte, souvent perçue comme «nihiliste», contre leur environnement », sans bien savoir pour autant ce qu’ils cherchent dans l’islam radical (cf. la magnifique scène 16 où il se révèle incapable de justifier sa conversion). On sait aussi que le djihadisme « fédère des gens qui, soit se sentant exclus, soit estimant que les musulmans, partout dans le monde, sont victimes d’injustices, recourent à la violence afin d’inverser le rapport de force entre victimes et bourreaux » : nombre de combattants sont entrée en guerre sur un théâtre d’opération au nom de la solidarité avec les peuples musulmans (ou sunnites) opprimés (Palestiniens, Syriens, Libyens, …), ou pour remettre en cause un ordre mondial socioéconomique injuste. On pourra également évoquer le processus de réislamisation des sociétés, engagé sous l’influence des courants islamistes partout dans le monde dans les années 1980, après la victoire de la révolution islamique en Iran, puis la chute des régimes communistes laïques en Europe de l’Est et en URSS qui ont laissé vacant l’encadrement idéologique des sociétés. Le financement d’écoles coraniques prônant le salafisme par les pétrodollars des monarchies du Golfe, à commencer par ceux de l’Arabie Saoudite wahhabite, a permis de former de nombreux imams, envoyés ensuite dans les mosquées du monde entier, d’où ils ont propagé cette idéologie. > De façon plus pragmatique, le recrutement des combattants du djihad international va aujourd’hui croissant grâce aux NTIC : sans doute n’est-ce pas un hasard si le réalisateur ne cesse de nous montrer des djihadistes l’oreille et l’œil rivés à leur téléphone cellulaire. On sait qu’Internet a changé la donne : le nombre de sites islamistes a explosé, favorisant une propagande souvent très travaillée pour convaincre des jeunes de s’enrôler dans les rangs de la guerre sainte internationale. Si le film nous épargne l’impact de vidéos d’exécutions mises en scène, comme celles dont Daech s’est fait une spécialité ces derniers mois en Syrie et en Irak, Sissako nous sensibilise à cet aspect dans la scène 16 du film, où trois hommes dont le jeune Mobi enregistrent une vidéo de propagande. Les échecs répétés du néophyte ne doivent pas occulter le savoir-faire technique et la maîtrise de l’art oratoire de son mentor face au caméscope : il démontre que la conviction vient moins du contenu du discours que de la façon dont on regarde la caméra ou de la manière de le prononcer (« tu vois, mon regard ne bouge pas, il n’y a aucun geste parasite, je suis convaincu de ce que je dis » etc.). L’homme a visiblement du métier. Il suffit d’écouter les informations en France ces dernières semaines pour comprendre combien ces vidéos virales consultées sur Internet ont d’importance dans le cheminement de ces jeunes, parfois des adolescents, qui décident de partir faire le djihad en Syrie. > Enfin, il faut comprendre que le djihad international est désormais une tradition ancienne, qui possède ses martyrs, ses héros, ses anciens combattants et ses jeunes qui rêvent de surpasser leurs aînés. Comme le rappelle le document 10, d’autres conflits ont déjà été par le passé considérés comme fronts de la guerre sainte qui opposerait l’islam aux Croisés (les Occidentaux) et aux Juifs. Cela a été le cas lors de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS dans les années 1980, où des combattants étrangers, venus du Maghreb, du Proche-Orient ou du Pakistan sont venus prêter main-forte aux moudjahiddines afghans et aux talibans ; c’est là que s’est forgée Al-Qaïda, avec des armes et des fonds américains. Après 1989, « les Afghans », fort de leur expérience, sont rentrés développer chez eux des groupes djihadistes qui se sont souvent affiliés à l’organisation fondée par Oussama Ben Laden ; d’autres champs de bataille se sont ouverts en terre d’islam dans les années 1990 : la guerre civile algérienne (le GIA), la guerre d’indépendance de la Bosnie-Herzégovine face aux chrétiens serbes et croates, les guerres de Tchétchénie face à l’Armée russe, … ont toutes reçu un apport de djihadistes étrangers. Dans les années 2000, alors qu’Al-Qaïda a atteint son apogée (attentats du 11 Septembre 2001 aux États-Unis), le conflit se déplace de nouveau vers l’Afghanistan, où les djihadistes rejoignent les talibans et les troupes de l’organisation ; puis vers l’Irak envahi par les États-Unis en 2003 (Al-Zarkaoui et son groupe sunnite Al-Qaïda en Irak, jusqu’en 2006). Il faut enfin souligner la place particulière que tient la question palestinienne dans le développement du djihadisme international, 46 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION puisque depuis les années 1980 et l’assouplissement de l’OLP résolue désormais à négocier avec Israël, le djihadisme international a trouvé un nouveau souffle en faisant sien la cause des musulmans de Palestine, en pleine intifada – c’est d’ailleurs à la même époque que perce l’organisation islamiste radicale du Hamas. 9- D’après le document 15, où trouve-t-on d’autres groupes terroristes islamistes dans le monde ? Ces groupes entretiennent-ils des relations ? > Depuis les années 1990/2000, de nombreux foyers de l’islamisme djihadiste se sont solidement installés dans les zones grises du monde, souvent sous l’action d’anciens djihadistes d’Afghanistan, de Tchétchénie ou d’Algérie, en profitant d’États en déliquescence incapables de contrôler leur territoire, ou négociant avec eux des pactes de non-agression momentanée, et même parfois cherchant à les utiliser pour combattre d’autres adversaires. Comme le montre la carte du Telegraph au doc.15, qui ne prend en compte que les théâtres et les groupes principaux, un véritable arc djihadiste traverse le monde musulman. Outre le Nord-Mali, déjà étudié ci-dessus, le djihadisme est incarné par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) en Algérie, au Niger et en Libye ; par le groupe Boko Haram au Nigéria ; par les Shebabs en Somalie ; par Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA) au Yémen ; par l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL, ou Daech) en Syrie et en Irak ; par les talibans et Al-Qaïda en Afghanistan et au Pakistan ; et enfin par la Jamaah Islamiyah en Indonésie. Cette carte ne mentionne en revanche pas d’autres groupes de moindre importance, que ce soit en Algérie (Ansar al-Charia, …), en Tunisie, en Libye, en Égypte ou en Mauritanie, en Syrie (Front al-Nosra), en Asie centrale, en Chine, en Malaisie ou aux Philippines par exemple ; ni les groupes nationaux, comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien. > Ces groupes entretiennent effectivement des relations, parfois houleuses. Certains se sont affiliés à Al-Qaïda à l’heure de ses succès, dans les années 2000, comme AQPA (présent à l’époque en Arabie Saoudite et au Yémen) ou AQMI au Maghreb (tout particulièrement en Algérie) ; l’organisation transnationale fonctionne en effet comme une multinationale, où les filiales possèdent leur indépendance financière et tactique par rapport à la maison-mère. Nombreux sont ceux à s’inspirer de la même idéologie salafiste (cf. question 4, ci-dessus). D’autres sont le fruit de scissions dues à des rivalités de personnes ou de stratégie : nous avons déjà évoqué le cas du MUJAO, dissident d’AQMI ; mais à l’heure actuelle, le cas le plus parlant est celui de Daech (EIIL), qui après maints épisodes depuis 2006, s’est définitivement séparé d’Al-Qaïda depuis février 2014 : Al-Qaïda reproche à l’EIIL les violences perpétrées par ses hommes envers les populations civiles musulmanes, tandis que l’EIIL déplore qu’Al-Qaïda n’ait pas su adopter une posture plus radicale qui lui aurait permis de galvaniser ses troupes. Le recrutement de combattants étrangers est une autre source de frictions, comme on a pu le voir en Syrie depuis plus d’un an dans l’opposition entre le Front al-Nosra (affilié à Al-Qaïda) et Daech. 10- D’après les documents 16, peut-on comparer ce qui se passait dans le nord du Mali en 2012 et ce qui se passe aujourd’hui en Syrie et en Irak avec le groupe Daech ? > La comparaison s’impose en effet, tant par les buts poursuivis que par les moyens employés. > L’organisation terroriste Daech (État Islamique en Irak et au Levant) est aujourd’hui de loin celle qui dispose des plus importants financements. Comme Ansar Dine ou AQMI, elle bénéficie : - des rançons d’otages (par exemple pour les quatre journalistes français enlevés en Syrie et détenus depuis juin 2013 dans la région d’Alep (Pierre Torres, Didier François, Édouard Elias et Nicolas Hénin), libérés en avril 2014) ; - de donations privées extérieures venues de pays sunnites conservateurs (cf. doc 16-a : « financements du Golfe ») ; - des fruits de la contrebande (cf. doc.16-a : elle détient des puits de pétrole, dont elle s’est emparée en Irak dans les régions de Mossoul (Kurdistan) et de la vallée de l’Euphrate (près de Deir el-Zor)) ; on peut y ajouter le pillage et le trafic d’antiquités dans des régions très riches en objets assyriens, babyloniens, etc. - enfin, de l’impôt sur les populations tombées sous son joug ; et tout particulièrement du rétablissement de la « dhimmitude » pour les chrétiens (cf. doc.16-a), c’est-à-dire du statut de dhimmi pour les minorités non-musulmanes mais pratiquant une religion monothéiste du Livre, contraintes si elles veulent pouvoir rester de payer un impôt spécifique (capitation + impôt foncier). Les minorités chrétiennes sont nombreuses en Syrie et en Irak, et lorsqu’elles ne peuvent plus fuir, doivent se résigner à payer pour ne pas subir d’exactions trop lourdes. 47 Dossier pédagogique Timbuktu ÉLÉMENTS DE CORRECTION > Le document 16-a montre aussi qu’à l’instar du groupe djihadiste représenté dans Timbuktu, elle recrute de nombreux combattants à l’international, qui la rejoignent pour la majorité d’entre eux par le nord de la Syrie, via la Turquie. Les « manifestations pro-EI » visibles sur la carte au Liban ou en Jordanie témoignent de cette influence à l’étranger. À l’heure actuelle, on estime que 50% de ses troupes sont d’origine étrangère, en provenance de Libye, du Maghreb, d’Arabie Saoudite, du Yémen, mais aussi d’Europe et des États-Unis. Le cas récent de Mehdi Nemmouche peut l’illustrer : ce jeune Français aurait rejoint ses rangs en décembre 2012 et aurait été un des geôliers des quatre otages français précédemment évoqués, avant de rentrer en Europe pour préparer des attentats (tuerie du Musée Juif de Bruxelles, 24 mai 2014). > Les armes dont dispose le groupe sont là encore d’origine occidentale : de la même façon que les organisations sahéliennes se sont armées sur les stocks de l’armée libyenne à l’époque où elle était fournie par la Russie ou les puissances occidentales, ou sur les armes livrées à la rébellion en 2011 par la France, le Royaume-Uni ou les États-Unis, Daech est à la tête d’un impressionnant arsenal, comptant même des armes lourdes (chars d’assaut, armes antichars, missiles, lance-roquettes, humvees, …), constitué au détriment de l’Armée irakienne équipée par les États-Unis, des peshmergas kurdes équipés par toutes les puissances, ou des combattants de l’Armée Syrienne Libre, aujourd’hui marginalisée, qui avait reçu des livraisons d’armes occidentales à partir de 2012/13. > La carte du document 16-a montre également une parenté de tactique : les djihadistes, qui ont proclamé le califat en juin 2014, ont effectué une progression fulgurante dans des zones semi-désertiques, cherchant à s’emparer le plus rapidement possible des centres urbains, à l’instar des mouvements effectués par les groupes armés du Nord-Mali entre janvier et avril 2012. On remarque qu’ils tiennent désormais des villes majeures, comme Raqqa en Syrie (leur capitale), mais aussi Deir el-Zor, Mossoul ou Tikrit en Irak. Ces dernières semaines, les combats font rage autour de la ville-frontière de Kobané et dans les faubourgs d’Alep (Syrie). L’objectif est clair : détenir des centres stratégiques pour la logistique et les communications, et imposer le nouveau régime à des populations concentrées dans les villes. > Enfin, les méthodes des organisations sahéliennes et de Daech diffèrent peu, même s’il est évident que ce dernier franchit un cran dans la radicalité. Le document 16 évoque une idéologie islamiste classique, visant la « reprise de Jérusalem » et la « destruction d’Israël », objectifs poursuivis par tous les islamismes ; et cherchant à réaliser l’union de l’umma par la « suppression des frontières Sykes-Picot » héritées de la Première Guerre mondiale et l’« élimination des chiites » considérés comme hérétiques, ce qui explique les « exécutions de masse » de miliciens chiites irakiens évoqués dans la brève du doc.16-b. Daech va encore plus loin dans les exactions en enlevant des « femmes et des jeunes filles pour en faire des esclaves sexuels », un peu comme Safia mariée de force à Abou Jaafar dans le film ; mais il ne s’agit pas ici de mariage : ces femmes sont enlevées dans les communautés chrétiennes et surtout yézidie – une minorité ethno-religieuse héritière de l’Iran pré-islamique et considérée comme diabolique par Daech – avec l’aval des autorités religieuses islamistes du califat qui ont lancé des fatwas à leur encontre. La folie meurtrière du groupe s’illustre donc tant envers les populations locales que contre les otages étrangers dont les décapitations filmées et mises en ligne (James Foley, Steven Sotloff, David Haines, Alan Henning) deviennent ainsi de sordides vidéos de propagande à effet instantané. > On peut conclure en rappelant également que sur les deux théâtres d’opération, la progression inquiétante des organisations djihadistes a provoqué une réaction internationale, avec l’intervention de la France au Mali depuis janvier 2013 (opération Serval jusqu’en juillet 2014, puis participation à la MINUSMA), appuyée par d’autres États de la région (Tchad, Nigéria, Bénin, Burkina-Faso, …) ; et les frappes aériennes d’une coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie depuis septembre 2014, comprenant les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et nombre d’autres États, en particulier ceux de la région qui servent de base arrière (Arabie Saoudite, Koweït, Bahreïn, …). 48 Dossier pédagogique Timbuktu