à nous, romanesques amis
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à nous, romanesques amis
À NOUS, ROMANESQUES AMIS ... LISTE DES POÈMES une coproduction Les Nouvelles coïncidences / Cultura Mondiale © 2013 avec Franck Pétrel - compositions, chant, guitare Vladimir Torres - basse Tom Moretti - batterie vidéos de Cyril Viart (Gaietés Lyriques) Cécile Benoiton (Après midi) Isabelle Lévénez (Insomnie) Gabriela Morawetz (Le jardin aux fougères, tourbillon bleu, tourbillon rouge) Gaietés lyriques (Georges Perros) L’âge mûr, sonnets V et VI (Guillevic) Après midi (Michel Houellebecq) Bois d’hiver (Kenneth White) Les matins d’ardoise et de crachat (Linda Maria Baros) Qu’est ce pour nous mon cœur… (Arthur Rimbaud) L’âge mûr, sonnet VII (Guillevic) Insomnie (Jean Tardieu) Chanson de l’amoureuse sur le toît (Guy Goffette) Soneto XXIV (Pablo Neruda) Le jardin aux fougères (Michel Houellebecq) La vérité (Jacques Roubaud) Plouk Town (Ian Monk) Massacre (Jérôme Leroy) Movimiento (Octavio Paz) Gaietés lyriques - Georges Perros - Poèmes bleus © 1962 Gallimard Si vous cherchez bien vous verrez des visages L’enfer s’y promène Si vous cherchez mal vous saurez Où surnagent Nos âmes sereines Le caméléon de l’amour Y change ses couleurs fauves La tristesse de vivre ici Ferme l’œil bête des alcôves Nous n’irons plus au bois L’été Ressemble trop au carnaval Danse de mort Squelettes vains Nous n’irons plus ; le mal lointain S’est à nouveau pris dans nos pièges La vie est un bouchon de liège Elle flotte au grès des humeurs Mais n’entend plus l’humble rumeur De l’éternel qui passe vite A travers nos cœurs désertés L’âge mûr - Guillevic © 1962 Editions Gallimard V Il y avait les prés, les forêts, les maisons Et cela ne faisait toujours qu’un paysage Des routes pour aller vers de nouveaux visages Et des monts pour barrer un peu la déraison. Il y avait toujours l’espace et l’horizon, Un soleil excessif dont on a pas l’usage, Un corbeau qui venait sermonner des présages Et peu de différences entre tant de saisons Et la même question se levait de ces choses : « Que t’ai je fait ? » Or maintenant voici que j’ose Dire tout calmement que j’ai trouvé l’accord. J’ai posé mes mains sur la cruche d’eau froide Alors que le soleil monte et s’exalte encore Et je suis bien. La lumière est un camarade VI J’ai chanté. Le soleil enthousiasmait la plaine Et je les regardais. J’entendais les grillons Faire tout un volume où sautaient des rayons C’était de ces grands jours où le ciel se surmène. La vigne interrogeait pourquoi l’ombre lointaine Des pierres paraissaient près de la rébellion Cependant que pouvaient bouger des papillons Sur des fleurs qui gardaient leur secrets avec peine. Je voyais, j’entendais, je vivais le soleil J’étais en mouvement dans l’immense appareil, J’étais ce mouvement qui porte la lumière J’étais ivre, bien sur, et de lucidité Ma vie avait changé. La vie était entière J’étais admis parmi les hommes, j’ai chanté Après midi – Michel Houellebecq, Le sens du combat © 1996 Flammarion Les gestes ébauchés se terminent en souffrance Et au bout de cent pas on aimerait rentrer Pour se vautrer dans son mal être et se coucher Car le corps de douleur fait peser sa présence Dehors il fait très chaud et le ciel est splendide, La vie fait tournoyer le corps des jeunes gens Que la nature appelle aux fêtes de printemps Vous êtes seul hanté par l’image du vide, Et vous sentez peser votre chair solitaire Et vous ne croyez plus à la vie sur la Terre Votre corps fatigué palpite avec effort Pour repousser le sang dans vos membres trop lourds Vous avez oublié comment on fait l’amour, La nuit tombe sur vous comme un arrêt de mort. Bois d’hiver - Kenneth White - En toute candeur © Éditions Gallimard J’ai mis les livres de coté et je vois les dernières pommes tomber des arbres gelés J’ai vu aussi les glands darder leurs pousses rouges dans le sol dur et l’écorce des bouleaux blancs fut pour moi plus que tous les livres et ce que là je lus dénuda mon cœur au soleil d’hiver et ouvrit ma cervelle au vent Et tout à coup Tout à coup je sus dans ce bois d’hiver que j’avais toujours été là avant les livres comme après les livres il y aura un bois d’hiver et mon cœur nu et ma cervelle ouverte au vent. Les matins d’ardoise et de crachat - Linda Maria Baros, Le livre de signes et d’ombres © 2004 Edition Cheyne Les matins d’ardoise et de crachat, tu te diriges toujours tout droit, toujours tout droit, et tu te perds, imsomniaque, parmi les rêves qui embuent les lucarnes dans le liquide amniotique de l’aube. L’entrée dans la ville ressemble à un poisson - effrayés, ceux qui voient, à travers le brouillard, son visage basané sa syntaxe ventrale, son détachemlent du monde. Tu te diriges toujours tout droit. La barrière est là - personne ne la lève. Fibreuse. Etirée en longueurs délicates, d’ogive, infinies. Un signe. Et le chemin, lui même se change en barrière. Qu’est-ce pour nous, mon cœur... - Arthur Rimbaud Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris De rage, sanglots de tout enfer renversant Tout ordre ; et l’Aquilon encor sur les débris ; Et toute vengeance ? Rien !... - Mais si, toute encor, Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats : Périssez ! puissance, justice, histoire : à bas ! Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d’or ! Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur, Mon esprit ! Tournons dans la morsure : Ah ! passez, Républiques de ce monde ! Des empereurs, Des régiments, des colons, des peuples, assez ! Qui remuerait les tourbillons de feu furieux, Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ? A nous, romanesques amis : ça va nous plaire. Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux ! Europe, Asie, Amérique, disparaissez. Notre marche vengeresse a tout occupé, Cités et campagnes ! - Nous serons écrasés ! Les volcans sauteront ! Et l’Océan frappé... Oh ! mes amis ! - Mon cœur, c’est sûr, ils sont des frères : Noirs inconnus, si nous allions ! Allons ! allons ! Ô malheur ! je me sens frémir, la vieille terre, Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond, Ce n’est rien ! j’y suis ! j’y suis toujours. L’âge mûr - Guillevic © 1962 Editions Gallimard VII J’ai confirmé mon droit de chanter sur la terre J’ai chanté, j’ai laissé ma voix se promener Pour le plaisir de dire et de s’abandonner de me sentir comme le vent, élémentaire J’ai chanté , je savais que j’étais feudataire Des hommes de mon temps. Je me suis acharné a A chanter nos bonheurs et nos deuils alternés. J’ai chanté notre espoir. Je ne peux plus me taire Je n’aurais pas fini. Je crois que je commence Et je chante encor mal et la tâche est immense. Je chanterai plus haut, je chanterai plus fort. Si le sort ne vient pas m’empêcher de poursuivre, J’aurai fait mon devoir lorsque viendra la mort, J’aurai vécu la vie autant qu’on peut la vivre. Insomnie - Jean Tardieu, Comme ceci comme cela © 1979 Editions Gallimard Ma longue nuit les yeux ouverts Seul délivré je veille Pour ceux qui dorment Rendu à l’espace A l’empire du souffle Bien au-dessus des demeures Vertiges lucides J’entends monter Le hurlement secret des morts Le tonnerre d’un monde éteint Silence assourdissant langage Des énigmes confondues. Bientôt (toujours trop tôt) La retombée le masque aveuglant Le piège délire de vivre Je verserai dans le jour Trésor amoncelé des nuits Cette réserve obscure Cette ombre comme la mer où dansent les feux en péril de nouveau les rumeurs à la dérive paroles déchirées, lointaines , indéchiffrables Chansons de l’amoureuse sur les toits - Guy Goffette, Un manteau de fortune (Sur deux tableaux de Catherine Lopès-Curval) II J’ai mis pour mon amour ma robe la plus blanche et des bas de guipure et des bas de dentelle et je l’ai attendu patiemment sur la branche sachant qu‘il me viendrait en regardant le ciel mais il montait tout droit avec la tête ailleurs et ma robe si blanche et mes bas de guipure me brûlaient tout le corps et je sentais mon cœur comme un volet qui tape fort contre le mur d’une maison qu’on abandonne, mon coeur crier regarde moi, regarde comme je te veux las, il ne voyait rien et j’ai pris ses cheveux comme un aigle en me jetant sur lui et je l’ai emporté dans les airs avec de grands coup d’ailes et mes bas de guipure et mes bas de dentelle. Soneto LXXXIX - Pablo Neruda, Cien sonetos de amor, 1959 Cuando yo muera quiero tus manos en mis ojos: quiero la luz y el trigo de tus manos amadas pasar una vez màs sobre mi su frescura: sentir la suavidad que cambiô mi destino. Quiero que vivas mientras yo, dormido, te espero, quiero, que tus oidos sigan oyendo el viento, que huelas el aroma del mar que amamos juntos y que sigas pisando la arena que pisamos. Quiero que lo que amo siga vivo y a ti te amé y canté sobre todas las cosas, por eso sigue tù floreciendo, florida, para que alcances todo lo que mi amor te ordena, para que se pase mi sombra por tu pelo, para que asi conozcan la razôn de mi canto. Le jardin aux fougères - Michel Houellebecq, La poursuite du bonheur © Flammarion, Paris , 1996 Issu du spectacle À nous, romanesques amis... http://www.anousromanesquesamis.com Vidéo de Gabriela Morawetz Musique de Franck Pétrel © Les Nouvelles coïncidences, 2013 Nous avions traversé le jardin aux fougères L’existence soudain nous apparut légère Sur la route déserte nous marchions au hasard Et, la grille franchie, le soleil devint rare De silencieux serpents glissaient dans l’herbe épaisse Ton regard trahissait une douce détresse Nous étions au milieu d’un chaos végétal Les fleurs autour de nous exhibaient leurs pétales Animaux sans patience, nous errons dans l’Éden Hantés par la souffrance et conscients de nos peines L’idée de la fusion persiste dans nos corps Nous sommes, nous existons, nous voulons être encore Nous n’avons rien à perdre. L’abjecte vie des plantes Nous ramène à la mort , sournoise, envahissante. Au milieu d’un jardin nos corps se décomposent, Nos corps décomposés se couvriront de roses VI La vérité - Jacques Roubaud , Six petites pièces logiques © 1983 Edition Gallimard - Rien ne m’empêche de ne penser qu’une chose à savoir que je pense quelque chose - Rien en effet rien si tu penses que tu ne penses rien que cela en vérité tu penses vrai - Mais je voudrais penser le vrai ici et maintenant ne penser à rien de ce monde flottant de ce monde faillible de ce monde planche pourrie penser véritablement le vrai le vrai pur Plouk town ‐ Ian Monk ‐ © Éditions Cambourakis, 2011 avant de naître il y a le silence le vrai avant de naître il y a le noir mais total avant de naître il y a une dalle mais astrale avant de naître il y a les gaz de mère avant de naître il y a la musique des gens avant de naître il y a le goût du chocolat avant de naître il y a la voix du père avant de naître ya un moment de panique avant de naître ya pas peur de mourir les bébés regardent le monde ou bien ils tètent les bébés ont les yeux ouverts aveugles peut être les bébés chient dorment rechient redorment rerechient reredorment puis les bébés ne voient que dalle peut‐être toi les bébés sont adorables regarde il te ressemble tellement les bébés pèsent sûrement plus lourds que l’enclume les bébés c’est la vie celle qui bave les bébés te réveillent cinq six fois la nuit les bébés te niquent tes beaux sein en tétant les enfants crient font chier au centre de loisirs les enfants se bousculent au supermarché et puis merde les enfants non accompagnés sont interdits dans ce magasin les enfants martyrs y en a tellement et alors les enfants rois seront vite découronnés et ben fait les enfants savent pas la chance qu’ils ont les enfants marchent pas ça traine bordel de merde les enfants mangent pas ça grignote putain de merde les enfants une bonne gifle ça a jamais nui les préados existent maintenant ils ont pris leurs marques les préados moi ça existait pas à l’époque les préados c’est pénible comme les mômes quoi les préados c’est pas encore vraiment chiant comme les préados qui sont devenus comme des vrais ados mais les préados démarrent faut avoir de la patience alors les préados commencent à se faire des tatouages puis les préados commencent à se faire des piercings puis les préados sortent leur tête trouée de l’enfance les ados les vrais répondent plus vite que ça les ados vous emmerdent et plus grave que ça les ados baisent s’embrassent tombent amoureux comme ça les ados tombent enceintes amoureusement aussi facilement que ça les ados larguent leur copines enceintes fastoches comme ça les ados vous narguent des vieux cons comme ça les ados boivent vident les bières vodkas comme ça les ados se droguent rien à foutre de ça les ados sms en disant que toi moi ça les jeunes adultes sont écoutez moi bien exigeants quoi les jeunes adultes choisissent longuement très longuement leurs vêtements les jeunes adultes sélectionnent longuement plus longuement leurs chaussures les jeunes adultes hésitent beaucoup en choisissant un sandwich les jeunes adultes se téléphonent pour décrire leurs sandwichs les jeunes adultes se téléphonent pour décrire leurs chaussures les jeunes adultes se téléphonent se décrivent en téléphonant les jeunes adultes dépriment se font mal se suicident les adultes disent plus rien mais crient des fois les adultes manient mal leurs portables les jeunes rigolent les adultes tu vois c’est le père noël les adultes disent ta gueule connard mais avance bordel les adultes non consentant sont priés de s’abstenir les adultes chialent devant les feux de l’amour les adultes boivent du vin crient finis ton eau les adultes sont lâches misérables arrogants dépendants pitoyables courageux les adultes de nos jours partent en couilles quoi les vieux trichent pas mal en rattrapant leur jeunesse les vieux sont jamais là quand on leur téléphone les vieux disent qu’on ne leur téléphone jamais les vieux touchent une retraite que moi je finance les vieux râlent parce qu’on sait plus bosser les vieux il faut les tuer dès la naissance les vieux jouent des coudes en prenant le métro les vieux disent que tout existe maintenant mais tout les vieux dépriment glissent dans le silence des adieux les morts nourrissent la terre la mer le ciel les morts font plus chier que par leur absence les morts sont là au cimetière au nom seulement les morts sont ni présents ni absents sous terre les morts sont aussi présents qu’absents sur terre les morts c’est bientôt toi moi lui elle les morts sont aussi chiant qu’un enfant roi les morts sont aussi dissipés qu’un parent alcoolique les morts c’est le silence précisément le vrai Massacre - Jérôme Leroy Ce qui la poursuit sur la plage au lit ou dans la rue ce qui la poursuit quand elle dort ou bien qu’elle rit ce qui la pousuit par les places et les fontaines ce qui la pousuit par les matins roses et les soirs bleus ce qui la pousuit et bientôt la rattrapera c’est tout simplement comme pour moi comme pour toi comme pour nous tous Inévitable et évidente Innomable et épuisante la radieuse la souveraine la délicieuse intuition du massacre Movimiento - Octavio Paz © Joaquim Mortiz, 1962 à 1969 Si tú eres la yegua de ámbar yo soy el camino de sangre Si tú eres la primera nevada yo soy el que enciende el brasero del alba Si tú eres la torre de la noche yo soy el clavo ardiendo en tu frente Si tú eres la marea matutina yo soy el grito del primer pájaro Si tú eres la cesta de naranjas yo soy el cuchillo de sol Si tú eres el altar de piedra yo soy la mano sacrílega Si tú eres la tierra acostada yo soy la caña verde Si tú eres el salto del viento yo soy el fuego enterrado Si tú eres la boca del agua yo soy la boca del musgo Si tú eres el bosque de las nubes yo soy el hacha que las parte Si tú eres la ciudad profanada yo soy la lluvia de consagración Si tú eres la montaña amarilla yo soy los brazos rojos del liquen Si tú eres el sol que se levanta yo soy el camino de la sangre