collectionneur - JUKEBOX MAGAZINE

Transcription

collectionneur - JUKEBOX MAGAZINE
Avec Roger McGuinn, 1987.
PASSION :
COLLECTIONNEUR
- Votre nom et âge ?
- JEAN-PIERRE MORISSET, 66 ans, né le 4 juillet 1949
à Berlin, soit le jour de l’Independence Day, d’où ma
prédestination à une fascination pour la
culture américaine !
- Votre initiation musicale avant de devenir
collectionneur ?
- J’ai eu la chance de vivre mes 17 premières
années en Allemagne, pays très branché rock angloaméricain. En 1960, première révélation : la télévision
programme souvent les Shadows. A Berlin-Ouest j’ai
l’extraordinaire chance d’acheter des 45 tours dans les
PX américains et les Naafi-Clubs anglais et d’admirer
les superbes pochettes de 33 tours dans plusieurs
magasins de disques allemands. A partir de 1962, je vis
intensément la déferlante des groupes britanniques,
Beatles, Stones, Animals, Kinks, Yardbirds, Who,
Troggs, etc. En 1965 c’est la contre-offensive US qui
m’enthousiasme : Byrds, Dylan, Lovin’ Spoonful, Simon
& Garfunkel, Mamas & Papas et autres Turtles, Moby Grape.
- Le déclic qui vous a fait collectionner ?
- Sans aucun doute la beauté des pochettes cartonnées
des albums importés des USA, mais aussi ceux conçus
pour le marché allemand dont ceux de la revue Hör Zu.
- Que collectionnez-vous ?
- Essentiellement les groupes de rock californien, de
country-rock, des courants Paisley Park et Americana,
et quelques Français : Aufray, Antoine, Dutronc,
Cabrel et Voulzy.
- Etes-vous sélectif : 45 ou 33 tours, vinyles ou CD, éditions françaises ou étrangères, originaux ou rééditions ?
- L’évolution s’est faite naturellement : 33 tours et
super 45 tours puis, à la fin des années 80, CD. Pas de
querelle anciens & modernes : vinyles pour leur son
plus dynamique, CD pour leur commodité. Je me suis
équipé à la fin des années 90 d’un graveur de salon
(avant que les micro-ordinateurs n’en soient pourvus)
pour numériser mes 33 tours à écouter en voiture.
- La collection de disques s’est-elle ramifiée :
revues, cartes postales, etc. ?
- Bien-sûr. Très jeune, j’achète et lis avec boulimie une
multitude de journaux : Bravo, Melody Maker, New
Musical Express, Record Mirror, Disc & Music Echo,
Sounds, Rolling Stone, Creem, Goldmine, Record
Collector, Mojo, Uncut, Rock & Folk, Best, Extra et JBM.
Ainsi que les biographies et DVD en concert de mes
favoris.
- Quel niveau a atteint votre collection ?
- Modeste, j’ai bazardé au fil des ans pas mal de mes
vinyles, ce que j’ai souvent regretté ensuite. J’ai
gardé une centaine de 33 tours, par attache sentimentale, et quelques dizaines de 45 tours. J’ai un millier de CD, parmi lesquels une belle collection de CDsimples. L’éclectisme n’est pas mon fort, je suis fidèle
Chaque mois dans Juke Box Magazine
un collectionneur de disques dresse son
auto-portrait. Pour y participer,
répondre à ce questionnaire, en joignant
des photos de vous en situation et
plusieurs disques ou objets qui vous
tiennent à cœur
([email protected]).
à une poignée d’artistes, dans la ferveur du complétiste !
- Où achetez-vous (salons, annonces, internet, boutiques...) ?
- Pendant les années 60/80 en boutiques spécialisées,
puis dans les années 90 en Fnac, Virgin et Gibert
Joseph. Depuis les années 2000, beaucoup sur
Amazon ou eBay. Mais, pour garder un contact avec le
monde de l’objet qu’on peut toucher et examiner, les
salons : CIDISC, Tours, Orléans, Bourges, Blois.
- Votre plus belle affaire ?
- Un 33 tours américain de country-gospel d’Ever Call
Ready (Hillman-Leadon-Perkins), quasi introuvable,
car paru sur un obscur label religieux californien
(Maranatha), pour lequel j’étais prêt à dépenser une
fortune. En remerciement de lui avoir servi de roadie
pendant trois jours au Festival Bluegrass de Toulouse
en mai 1985, Chris Hillman, dès son retour aux EtatsUnis, m’en a envoyé un exemplaire dédicacé.
- Votre moins bonne affaire ?
- Pas financièrement parlant, mais il m’est arrivé que
des disques malmenés par les sacs postaux arrivent
voilés ou avec une pochette écornée... ou même
n’arrivent jamais !
- La trouvaille-coup de chance inespérée ?
- Sur une note d’information interne à Warner en 1992,
j’apprends qu’Emmylou Harris a enregistré une chanson
pour une pub japonaise. Quelques années plus tard, je
trouve sur eBay le CD-simple nippon Slow Dancer à un
prix raisonnable. Une belle prise, d’autant que ce titre,
peu connu, n’a figuré nulle part par la suite.
- La pièce qui vous est passée sous le nez ?
- Des CD promo manqués pour quelques centimes en
enchères sur eBay. Mais surtout une réédition CD
japonaise du second album anglais des Rolling Stones,
N°2, avec son répertoire original. Introuvable depuis
des années !
- Ce qu’il vous manque ?
- Plus de choses que je ne crois car, avec internet, on
ne cesse de découvrir des pressages rares etinconnus !
Parmi mes artistes préférés (R.E.M., Tom Petty...),
des CD promo et des pirates de concert.
- L’objet compte-t-il plus que la musique ?
- Oui et non. Pendant longtemps j’ai acheté des
disques pour leur contenu, en veillant à les garder en
parfait état, les copiant même sur cassette pour
écoute. Les belles pochettes de 33 tours ne me
laissent pas indifférent. Avec le CD, je me suis pris au
Avec Emmylou Harris, 1991.
jeu de la collection pour l’objet. Mais,globalement, la
musique prime, c’est la BOF de ma vie.
- Comment classez-vous vos disques :
alphabet, genre, époque, nationalité... ?
- Par chronologie pour chaque artiste, et
séparément : Américains, Anglais et Français.
- Que faites-vous à côté dans la vie ?
- J’ai exercé pendant 30 ans le métier austère de
contrôleur de gestion industriel, et pour mon
équilibre mental j’ai vite eu besoin de développer
des activités et passions aux antipodes. A partir de
1973 j’écris des articles dans les fanzines anglais
Zigzag, Full Circle, Omaha Rainbow ou Bucketfull Of
Brains, américains Farther Along ou Cosmic American
Music News, français Le Cri du Coyote ou Country
Music USA, allemand Starcluster. J’ai animé pendant
trois ans l’émission California Dreamin’ sur une
station à Blois. Une de mes grandes fiertés est
d’avoir organisé dans ma ville un concert des Flying
Burrito Bros. Et bien-sûr j’écris pour JBM depuis 1990.
- La collectionnite a-t-elle eu des conséquences,
positives ou négatives, dans votre existence ?
- Très positives. En m’infiltrant, j’ai pu rencontrer la
plupart de mes idoles, Gene Clark et David Crosby,
interviewer deux autres Byrds, Roger McGuinn et Chris
Hillman à plusieurs reprises, Tom Petty, Peter Buck de
R.E.M., Sid Griffin des Long Ryders, Emmylou Harris,
Sneaky Pete Kleinow et Al Perkins, Skip Battin et
Gene Parsons, John York (trois Flying Burrito Bros
seconde génération) et Hugues Aufray, Antoine et
Laurent Voulzy. Et de sympathiser avec les animateurs
Lionel Richebourg et Georges Lang, qui m’ont fait plus
d’une fois les honneurs de la célèbre Villa Louvigny à
Luxembourg.
- Une anecdote ou message personnel ?
- Le 12 février 1979, McGuinn, Clark & Hillman se
produisent au Palace. Je passe l’après-midi avec eux
et, le soir, du balcon, je vois Gene Clark assis à même
le sol dans le public. Le rideau levé, Gene se propulse sur scène, au grand soulagement de ses acolytes. Le 15 septembre 1965 je suis parmi les 20000
spectateurs de la Waldbühne pour le concert historique
des Stones à Berlin, 35 minutes électrisantes avant
une émeute et des incidents avec les autorités estallemandes. Souvenir d’autant plus vivace, après avoir
eu le privilège, dans l’après-midi, de les accueillir à
l’aérodrome de Tegel, utilisé par les forces françaises,
je les vois passer près de moi dans une limousine
décapotable, comme Kennedy deux ans plus tôt au
même endroit. Comment se douter que, 25 ans plus
tard, Mick Jagger habiterait à 30 km de chez moi,
dans son manoir de la Fourchette à Pocé, et que nous
serions tous deux clients de la pâtisserie Bigot à
Amboise ? ■
Avec Skip Battin & Gene Parsons, 1984.
Avec Chris Hillman, 1985.
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