Hommage à Jérôme SAVARY - Le Chambon-sur

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Hommage à Jérôme SAVARY - Le Chambon-sur
UN AMI DU CHAMBON NOUS A QUITTES
Le comédien et metteur en scène de théâtre Jérôme SAVARY nous a quitté le 4 mars
2013 à l’âge de 70 ans. Créatif, frondeur, généreux et pacifiste, l’individu rassemblait à lui
seul toutes les valeurs du Chambon Sur Lignon.
Jérôme SAVARY est né en Argentine en juin 1942. Il a tout juste 6 ans lorsque ses
parents, un père fermier-écrivain normand et une mère fille d'un gouverneur de l'Etat de
New-York, se séparent. Sa mère regagne la France avec ses trois enfants. Elle veut que
ceux-ci grandissent à l'air pur et profitent d'un collège franco-américain de bonne
réputation. Elle vient donc au début des années 1950 s'installer, route de St Agrève, à un
kilomètre du centre du bourg du Chambon.
Jérôme ira d'abord à l'école communale :
A travers bois et prairies, il se rend à l'école du village. En hiver, il chausse les skis et
revient chez lui le soir quand il fait déjà nuit avec la peur de l'aventurier perdu au milieu de la forêt !
Il garde pourtant un bon souvenir de l'école communale, de ses maîtresses, Mme Ferrier, Mlles
Varnier... et aime côtoyer les fils de paysans qui sont ses camarades. Il va le soir les voir dans
leurs fermes et à l'occasion participe à leurs travaux. Dans son enfance, chaque ferme, perdue
dans la neige, parfois complètement isolée, surmontée d'une fumée bleue, annonce un bon feu. Et
combien de fois dans ses randonnées de trappeur s'est-il réfugié dans ces cuisines qui sentaient
l'étable, à boire un bol de lait bourru avec ces paysans rudes, silencieux, souvent revêches mais
profondément accueillants.
De cette enfance passée dans la nature, il pense d'ailleurs tenir le goût pour l'utilisation des
éléments naturels au théâtre : feu, eau, neige et vent. Il écrit ainsi dans son autobiographie :
« Je me souviens des maçons qui construisaient notre maison au Chambon-sur-Lignon. Ils
chantaient en travaillant. La repasseuse de la blanchisserie chantait. L'électricien, le boulanger
chantaient... » (1)
C'est ensuite le Collège :
A 11 ans, avec son frère Victor, il quitte, après ses études primaires sans problème, l'école
communale et ses copains du village pour aller au Collège Cévenol.
« C'était un collège à l'américaine, avec des bâtiments dispersés au milieu des bois. L'ambiance y
était bucolique, les professeurs gentils et compréhensifs, les salles de classe de plain-pied avec la
nature. »
Et c'est là que l'adolescent va découvrir un monde nouveau avec la magie du théâtre. En
effet, une fois par trimestre,qu'il neige ou qu'il vente, un vieil autocar, chargé de forêts en cartonpâte et de robes de princesse, grimpe sur la route tortueuse de Saint Etienne et s'arrête au
Chambon-sur-Lignon devant le cinéma « Foyer Cévenol ». C'est la troupe de Jean Dasté, le
précurseur de la décentralisation théâtrale en milieu rural. Les acteurs n'avaient pas peur de
braver la froidure et les congères pour porter le théâtre au village. Jean Dasté adaptait ses mises
en scène au cadre d'une salle désuète pour jouer les grands classiques de Molière, de
Shakespeare !!
Dès le décor installé, la troupe allait casser la croûte à l'Hôtel Central. Jérôme les suivait en
catimini et observait, le nez collé à la vitrine du restaurant, la jeune première qui n'était autre que
Delphine Seyrig !
Puis à l'heure du spectacle : « je tremblais d'émotion dans mon fauteuil d'orchestre, comme
halluciné, dans un état second. »
La résolution de devenir artiste :
Dans les années 1950, le « Foyer Cévenol » ne donne pas seulement les beaux spectacles
de Jean Dasté mais aussi, chaque samedi et dimanche, un film avec Garry Cooper chevauchant
dans le Grand Canyon, Charlot découvrant les lumières de la ville, Marilyn descendant de
l'autobus à Los Angelès... Comment vivre dans un petit village de la Haute-Loire quand l'on a vu
cela ? « Maman, je veux être artiste » claironne Jérôme à chaque repas.
Avec un groupe de collégiens de sa classe, il monte aussi un petit orchestre de jazz et joue
lui-même de la batterie, au fond d'un garage, chaque dimanche après-midi.
A quoi bon apprendre le latin et l'algèbre ! Ses résultats sont déplorables ! Jérôme fait
même la grève des cours pendant plusieurs semaines. Il ne désire que quitter la montagne vellave
et partir pour Paris.
Sa mère comprenant que son désir est sincère accepte qu'il monte à Paris pour suivre en
même temps que ses études secondaires des cours d'art. Jérôme Savary avait 15 ans alors, en
1957 !
Des années plus tard, après 19 ans passés aux Etats-Unis, et grâce au tremplin chambonnais, il
sera assez solide pour se propulser loin et haut dans sa vocation « d'artiste ».
Tout lui sourit : la fanfare des Arts Déco, la Compagnie Jérôme Savary. Le grand Magic
Circus, la direction du Théâtre de Chaillot, l'Opéra comique....
Il pensait alors : « Jérôme, tu es le plus heureux des hommes ! Pourvu que ça dure ! ».
Gérard BOLLON
(1) « Ma vie commence à 20H30 ».- Ed. Stock, 1991.

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